L’Encyclopédie/1re édition/HYPERBOLE

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 402-405).

HYPERBOLE, s. f. en Géométrie, c’est une des lignes courbes formées par la section d’un cône. Voyez Conique.

Si le cône ABC (Pl. con. fig. 27.) est coupé de telle sorte, que l’axe de la section DQ étant continué, rencontre le côté du cône AC, prolongé jusqu’en E, la courbe qui naîtra de cette section sera une hyperbole.

Quelques auteurs définissent l’hyperbole une section du cône par un plan parallele à son axe ; mais cette définition est défectueuse. Car bien qu’il soit vrai qu’une pareille section forme réellement une hyperbole, néanmoins il est vrai aussi qu’il peut s’en former une infinité d’autres, dont le plan ne sera point parallele à l’axe, & qui ne sont point comprises dans la définition.

Les auteurs appellent quelquefois le plan terminé par cette courbe, une hyperbole, & la courbe même ligne hyperbolique.

On peut définir l’hyperbole une ligne courbe, dans laquelle le quarré de la demi-ordonnée est au rectangle de l’abscisse, par une ligne droite composée de la même abscisse, & d’une ligne droite donnée, qu’on appelle l’axe transverse, comme une autre ligne droite donnée, appellée le parametre de l’axe, est à l’axe transverse ; (ou bien en nommant y l’ordonnée, x l’abscisse à l’axe transverse, & b le parametre) c’est une ligne courbe dans laquelle , c’est-à-dire, .

Dans l’hyperbole, une moyenne proportionnelle entre l’axe transverse ou le parametre, est appellée l’axe conjugué ; & si l’on coupe l’axe transverse AB (Pl. conic. fig. 27. n. 2.) en deux parties égales au point C, ce point est appellé le centre de l’hyperbole. Voyez Axe & Centre.

La ligne droite DE menée par le sommet A de l’hyperbole, parallelement à l’ordonnée, Mm (figure 20.) est tangente à la courbe au point A. Voyez Tangente.

Si l’on mene, par le sommet A d’une hyperbole, une ligne droite DE, parallele aux ordonnées Mm, & égale à l’axe conjugué, c’est-à-dire dont les parties DA & DE soient égales au demi axe conjugué, & qu’on tire du centre C par D & E les lignes CF & CG, ces lignes seront les asymptotes de l’hyperbole. Voyez Asymptote.

Le quarré double du triangle rectangle CIA, c’est-à-dire, le quarré dont le côté seroit CI ou IA, est appellé la puissance de l’hyperbole Voyez Puissance.

Propriétés de l’hyperbole Dans l’hyperbole, les quarrés des demi-ordonnées sont l’une à l’autre comme les rectangles de l’abscisse, par une ligne droite composée de l’abscisse & de l’axe transverse ; d’où il suit qu’à mesure que les abscisses x augmentent, les rectangles ax + x2, & par conséquent les quarrés des demi-ordonnées y2, & les demi-ordonnées elles-mêmes augmentent à proportion : l’hyperbole s’éloigne donc continuellement de son axe.

2o. Le quarré de l’axe conjugué, est au quarré de l’axe tranverse, comme le parametre est au même axe transverse ; d’où il suit que, puisque , le quarré de l’axe conjugué est au quarré du transverse, comme le quarré de la demi-ordonnée est au rectangle de l’abscisse, par une ligne composée de l’abscisse & de l’axe transverse.

3o. Décrire une hyperbole par un mouvement continu : plantez aux deux points F & Z (fig. 28.) qu’on appelle foyers, deux clous ou deux épingles, & attachez au point F un fil FOC, & l’autre extrémité C de ce fil à la regle CZ, en observant que le fil CF soit moindre que la longueur de la regle CZ ; ensuite fixant un stile O au fil, faites mouvoir la regle autour de Z, ce stile tracera une hyperbole. Sans avoir recours à cette description, on peut trouver autant de points que l’en voudra de l’hyperbole, & il ne s’agira plus que de les joindre. Par exemple, du foyer Z, avec un intervalle Zm plus grand que la ligne AB, laquelle on suppose être l’axe transverse de l’hyperbole, décrivez un arc, & faires Zb = AB : avec l’intervalle restant bm, décrivez du point F un autre arc qui coupe le premier au point m, & comme Zm-Fm=AB, il s’ensuit que m est un des points de l’hyperbole, & ainsi du reste.

4o. Si l’on prolonge la demi ordonnée PM (fig. 20.) d’une hyperbole, jusqu’à ce qu’elle rencontre l’asymptote en R, la différence des quarrés de PM & PR, sera égale au quarré du demi-axe conjugué Cd, d’où il suit qu’à mesure que la demi-ordonnée PM augmente, la ligne droite MR diminue, & l’hyperbole s’approche toujours de plus en plus de l’asymptote, sans pouvoir jamais la rencontrer ; car, comme , il est impossible que deviennent jamais = 0.

5o. Dans une hyperbole le rectangle de MR & de Mr est égal à la différence des quarrés PR2 & PM2, d’où il suit que le même rectangle est égal au quarré du demi-axe conjugué Cd, & que tous les rectangles, formés de la même maniere, sont égaux.

6o. Lorsque QM est pararallele à l’asymptote CG, le rectangle de QM par CQ, est égal à la puissance de l’hyperbole ; d’où il suit 1o. qu’en faisant CI = AI = a, CQ = x, & QM = y, on aura a2=xy, qui est l’équation de l’hyperbole rapportée à ses asymptote. 2o. Que les asymptotes étant données de position, aussi bien que le côté de la puissance CI ou AI, si l’on prend sur l’une des asymptotes tel nombre d’abscisses qu’on voudra, on aura autant de demi-ordonnées, & par leur moyen autant de points de l’hyperbole qu’on voudra, en trouvant des troisiemes proportionnelles aux abscisses, & au côté de la puissance CI. 3o. Si l’on ne prend point les abscisses du centre C, mais de quelqu’autre point L, & que l’on suppose CL = b, on aura Cq= b + x, & par conséquent a2 = by + xy.

7o. Dans l’hyperbole, l’axe transverse est au parametre comme la somme de la moitié de l’axe transverse & de l’abscisse est à la sousnormale ; & la somme du demi-axe transverse & de l’abscisse, est à l’abscisse, comme la somme de l’axe transverse entier & de l’abscisse à la sous-tangente. Voyez Sous-normale, & Sous-tangente.

8o. Si l’on tire au dedans des asymptotes d’une hyperbole, & d’un de ses points m (figure 29.) deux lignes droites Hm & mK, deux autres LN & NO paralleles aux précédens ; on aura .

9o. Si l’on tire une ligne droite HK, de telle maniere qu’on voudra, entre les asymptotes d’une hyperbole, les segmens HE & mK compris de chaque côté entre l’hyperbole & ses asymptotes, seront égaux. Il suit de là, si Em = 0, que la ligne droite HK sera tangente à l’hyperbole ; par conséquent la tangente FD, comprise entre les asymptotes, est coupée en deux au point d’attouchement V. Enfin, le rectangle des segmens Hm & mK paralleles à la tangente DF, est égal au quarré de la moitié de la tangente DV.

10°. Si par le centre C (fig. 30.) on tire une ligne droite quelconque CA, & par le point A une tangente EAD terminée aux asymptotes (on appelle la ligne CA demi-diametre transverse), & une ligne égale & parallele à EAD, menée par le centre C, est nommée diametre conjugué. Or le quarré de la demi ordonnée PM, parallele au diametre conjugué, est au rectangle de l’abscisse par la somme du diametre transverse quelconque AB, & de l’abscisse AP, comme le quarré de la moitié du diametre conjugué AD est au quarré de la moitié du diametre transverse CA. D’où il suit qu’en supposant AP = x, PM = y, AB = a, DE = c, on aura  ; & faisant 4c2 : a = b ; on aura y2 = bx + bx2 : a. Ainsi la propriété des ordonnées de l’hyperbole par rapport à son axe, a lieu de la même maniere par rapport à ses diametres.

11°. Si l’on tire d’un point quelconque A & d’un autre point quelconque de l’hyperbole M (fig. 20.) les lignes AI, MQ paralleles à l’asymptote CG : le rectangle de MQ par CQ sera égal au rectangle de CI par IA. Donc si QC = x, QM = y, CI = a, IA = b : l’équation qui exprime la nature de l’hyperbole rapportée à ses asymptotes, sera xy = ab.

12°. Si l’on prend une des asymptotes, qu’on la divise en parties égales, & que par chaque point de toutes ces divisions qui forment autant d’abscisses qui augmentent sans cesse également, on mene des ordonnées à la courbe parallelement à l’autre asymptote : les abscisses représenteront une suite infinie de nombres naturels, & les espaces hyperboliques ou asymptotiques correspondans, la suite des logarithmes des mêmes nombres. Voyez Logarithme & Logarithmique.

Il suit delà que différentes hyperboles donneront différentes suites de logarithmes aux mêmes nombres naturels, & que pour déterminer une suite particuliere de logarithmes, il faut faire choix de quelque hyperbole particuliere. La plus simple de toutes les hyperboles est l’équilatere, c’est-à-dire celle dont les asymptotes forment un angle droit. On appelle cette hyperbole équilatere, parce que les axes sont égaux ; car l’angle droit des asymptotes donne CA = AD (fig. 20.). Dans cette même hyperbole le parametre est égal à l’axe, & son équation est en général yy = ax + xx.

Nous avons rapporté sans démonstration ces différentes propriétés de l’hyperbole, par les raisons qui ont été déjà dites au mot Ellipse. Sur la quadrature de l’hyperbole, voyez Quadrature.

Les hyperboles à l’infini, ou du plus haut genre, sont celles qui sont exprimées par l’équation . Voyez Hyperboloïde.

L’hyperbole du premier genre a deux asymptotes ; celles du second peuvent en avoir trois ; celles du troisieme, quatre, &c. Voyez Asymptote & Courbe. On trouvera dans ce dernier article les dénominations des différentes hyperboles du second genre, &c. L’hyperbole du premier genre est appellée hyperbole conique, ou d’Apollonius. Voyez Apollonien. Elle a été appellée hyperbole d’un mot grec qui signifie surpasser ; parce que dans cette courbe le quarré de l’ordonnée y2 étant égal à , surpasse le produit du parametre b par l’abscisse x. Voyez Conique & Ellipse.

Nous avons vû ci-dessus que l’équation xy = ab, ou xy = aa, marquoit l’hyperbole rapportée à ses asymptotes. De même on peut en général prendre l’équation pour celle d’une infinité de courbes à asymptotes, que l’on nomme aussi hyperboles, quoiqu’elles soient différentes de celles dont la nature est exprimée par l’équation  ; & ces courbes peuvent avoir leurs branches disposées par rapport à leurs asymptotes, de trois manieres : 1°. telles qu’on les voit dans la fig. 34. sect. coniq. ce qui arrivera si m & n sont deux nombres impairs, comme dans l’hyperbole ordinaire ou apollonienne : 2°. telles qu’on les voit dans la fig. 35. ce qui arrivera si n est un nombre pair & m un impair : 3°. enfin telles qu’on les voit dans la fig. 36. ce qui arrivera si m est pair & n impair. On trouvera une propriété des paraboles à-peu-près semblable dans l’article Parabole. (O)

Hyperbole, (Rhétor. Logiq. Poésie.) exagération soit en augmentant, soit en diminuant. Ce mot est grec, ὑπερϐολὴ, superlatio, du verbe ὑπερϐάλλειν, exsuperare, excéder, surpasser de beaucoup.

L’hyperbole est une figure de Rhétorique, qui selon Seneque, mene à la vérité par quelque chose de faux, d’outré, & affirme des choses incroyables, pour en persuader de croyables. L’hyperbole exprime au-delà de la vérité pour mener l’esprit à la mieux connoître.

Il y a des hyperboles qui consistent dans la seule diction, comme quand on nomme géant un homme de haute taille ; pigmée, un petit homme ; mais elles sont souvent dans une pensée qui contient une ou plusieurs périodes ; & l’hyperbole de la pensée se trouve également dans la diminution, comme dans l’augmentation des choses qu’elle décrit, quoique cette figure se plaise plus ordinairement dans l’excès que dans le défaut. Le trait d’Agésilas à un homme qui relevoit hyperboliquement de fort petites choses, est remarquable ; il lui dit « qu’il ne priseroit jamais un cordonnier qui feroit les souliers plus grands que le pié ».

L’hyperbole n’a rien de vicieux pour être ultrà fidem, pourvû qu’elle ne soit pas ultrà modum, comme s’exprime Quintilien. Elle est même une beauté, ajoute-t-il, lorsque la chose dont il faut parler est extraordinaire, & qu’elle a passé les bornes de la nature ; car il est permis de dire plus, parce qu’il est difficile de dire autant ; & le discours doit plûtôt aller au-delà, que de rester en-deçà. Ainsi Hérodote en parlant des Lacédémoniens qui combattirent au pas des Thermophyles, dit, « qu’ils se défendirent en ce lieu jusqu’à ce que les Barbares les eussent ensevelis sous leurs traits ».

L’on voit par cet exemple, que les belles hyperboles cachent ce qu’elles sont ; & c’est ce qui leur arrive, quand je ne sais quoi de grand dans les circonstances, les arrache à celui qui les emploie ; il faut donc qu’il paroisse, non que l’on ait amené les choses pour l’hyperbole, mais que l’hyperbole est née de la chose même. Les esprits vifs, pleins de feu, & que l’imagination emporte hors des regles & de la justesse, se laissent volontiers entraîner à l’hyperbole.

Cette figure appartient de droit aux passions véhémentes, parce que les actions & les mouvemens qui en résultent, servent d’excuse, & pour ainsi dire, de remede à toutes les hardiesses de l’élocution. Cependant les hyperboles sont aussi permises dans le comique, pour émouvoir le public à rire ; c’est une passion qu’on veut alors produire. On ne trouva point mauvais à Athènes, ce trait de l’acteur, qui dit, en parlant d’un fanfaron pauvre & plein de vanité : « il possede une terre en province, qui n’est pas plus grande qu’une épitre de Lacédémonien ».

Mais dans les choses sérieuses, il faut très-rarement employer l’hyperbole, & l’on doit d’ordinaire la modifier quand on s’en sert ; car je croirois assez que c’est une figure défectueuse en elle-même, puisque par sa nature elle va toujours au-delà de la vérité : cependant je pourrois citer quelques exemples rares, où l’hyperbole sans aucune modification, frappe noblement l’esprit. Un particulier ayant annoncé dans Athènes la mort d’Aléxandre, l’orateur Démades s’écria, « que si cette nouvelle étoit vraie, la terre entiere auroit déja senti l’odeur du mort ». Cette saillie hardie présente à la fois l’étendue de l’empire d’Aléxandre, comme si l’univers lui étoit soumis ; & étonne l’imagination par la grandeur de la figure qu’elle met en usage : dans ce mot si fier, si fort & si court, se trouve l’emphase, l’allégorie & l’hyperbole.

Mais cette figure a encore plus de grace en poésie qu’en prose, quand elle est accompagnée d’un brillant coloris & d’images représentées dans un beau jour. C’est ainsi que Virgile nous peint hyperboliquement la légereté de Camille à la course.

Illa vel intactæ segetis per summa volaret
Gramina, nec teneras cursu læsisset aristas,
Vel mare per medium fluctu suspensa tumente
Ferret iter, celeres nec tingeret æquore plantas.

C’est encore ainsi que Malherbe, pour peindre le tems heureux qu’il promet à Louis XIII. dans l’ode qu’il lui adresse, dit :


La terre en tous endroits produira toutes choses,
Tous métaux seront or, toutes fleurs seront roses ;
Tous arbres oliviers.
L’an n’aura plus d’hiver ; le jour n’aura plus d’ombre ;
Et les perles sans nombre
Germeront dans la Seine au milieu des graviers.

Il n’est pas besoin que j’entasse un plus grand nombre d’exemples, il vaut mieux que j’ajoûte une réflexion générale sur les hyperboles.

Il y en a que l’usage a rendu si communes, qu’on en saisit la signification du premier coup, sans avoir besoin de penser qu’il faut les prendre au rabais. Quand on dit, par exemple, qu’un homme meurt de faim, tout le monde entend que cela signifie qu’il fait mauvaise chere, ou qu’il a beaucoup de peine à gagner sa vie. On dit encore qu’un homme ne sait rien, quand il ne sait pas ce qu’il lui convient de savoir pour sa profession, ou pour son métier. Mais il n’est pas rare qu’on se trompe en fait d’expressions hyperboliques, quand elles tombent sur quelque sujet peu connu, ou qu’on les trouve dans une langue dont on ne connoît pas assez le génie, & qu’on ne s’est pas rendu assez familiere.

On dit, on écrit qu’il faut ignorer son propre mérite ; cette phrase bien prise, signifie qu’il faut être aussi éloigné de se vanter de son propre mérite, que si on l’ignoroit. On dit qu’il faut oublier les biens qu’on a faits & les maux qu’on a reçus ; cela veut dire seulement, qu’il ne faut point oublier ceux-là, ni reprocher ceux-ci sans nécessité. Cependant, pour avoir pris ces sortes d’expressions trop à la lettre, on a fait de la morale un tas de paradoxes absurdes & de maximes outrées. (D. J.)