L’Encyclopédie/1re édition/CHASSE
* CHASSE, s. f. (Œcon. rust.) ce terme pris généralement pourroit s’étendre à la Vénerie, à la Fauconnerie, & à la Pêche, & désigner toutes les sortes de guerres que nous faisons aux animaux, aux oiseaux dans l’air, aux quadrupedes sur la terre, & aux poissons dans l’eau ; mais son acception se restraint à la poursuite de toutes sortes d’animaux sauges, soit bêtes féroces & mordantes, comme lions, tigres, ours, loups, renards, &c. soit bêtes noires, par lesquelles on entend les cerfs, biches, daims, chevreuils ; soit enfin le menu gibier, tant quadrupedes que volatiles, tels que les lievres, lapins, perdrix, bécasses, &c. La chasse aux poissons s’appelle pêche.
On peut encore distribuer la chasse relativement aux animaux avec lesquels elle se fait, sans aucun égard à la nature de ceux à qui on la fait : si elle se fait avec des chiens, elle s’appelle venerie ; voy. Vénerie : si elle se fait avec des oiseaux, elle s’appelle fauconnerie ; voyez Fauconnerie.
Les instrumens dont on se sert pour atteindre les animaux chassés, fourniroient une troisieme division de la chasse, la chasse aux chiens, aux oiseaux, aux armes offensives, & aux piéges. Celle aux chiens se sous-diviseroit selon les chiens qu’on employeroit, comme au limier, au chien courant, au chien couchant, &c. Celle aux armes offensives, selon les armes qu’on employe, comme le couteau de chasse, le fusil, &c. Celle aux piéges contiendroit toutes les ruses dont on se sert pour attraper les animaux, au nombre desquelles on mettroit les filets.
La chasse prend quelquefois différens noms, selon les animaux chassés. On va à la passée de la bécasse. Selon le tems ; si c’est de grand matin, elle s’appelle rentrée ; voyez Rentrée : si c’est sur le soir, elle s’appelle affut ; voyez Affut. Selon les moyens qu’on employe ; si l’on contrefait la chouette par quelque appeau, c’est la pipée. Voyez Pipée, &c.
Nous nous bornerons dans cet article à parler de la Chasse en général : on en trouvera les détails aux différens articles ; les différentes chasses, comme du cerf, du daim, du chevreuil, du loup, &c. aux articles de ces animaux ; les instrumens, aux articles Fusil, Chiens, Chien couchant, Chien courant, Limier, Levrier, Couteau de chasse, Filet, Piége, Cors ou Trompe, &c. les filets, aux articles des différentes sortes de filets ; les piéges, aux différentes sortes de piéges ; les détails de la fauconnerie aux oiseaux, & autres animaux qu’on poursuit à cette chasse, à ceux avec lesquels on la fait ; & ses généralités, à l’article Fauconnerie. Voyez aussi sur la grande chasse ou chasse à cors & à cri (car on distribue aussi la Chasse en grande & haute, qui comprend celle des bêtes fauves & de quelques autres animaux ; en basse ou petite, qui s’étend au reste des animaux) Voy. dis-je, les articles Vénerie, Bêtes, Bêtes noires, Fauves, &c.
La Chasse est un des plus anciens exercices. Les fables des Poëtes qui nous peignent l’homme en troupeau avant que de nous le représenter en societé, lui mettent les armes à la main, & ne lui supposent d’occupation journaliere que la Chasse. L’Ecriture sainte qui nous transmet l’histoire réelle du genre humain, s’accorde avec la fable, pour nous constater l’ancienneté de la Chasse : elle dit que Nemrod fut un grand chasseur aux yeux du Seigneur, qui le rejetta. C’est une occupation proscrite dans le livre de Moyse ; c’est une occupation divinisée dans la théologie payenne. Diane étoit la patrone des chasseurs ; on l’invoquoit en partant pour la Chasse ; on lui sacrifioit au retour l’arc, les fleches, & le carquois. Apollon partageoit avec elle l’encens des chasseurs. On leur attribuoit à l’un & à l’autre, l’art de dresser des chiens, qu’ils communiquerent à Chiron, pour honorer sa justice. Chiron eut pour éleves, tant dans cette discipline qu’en d’autres, la plupart des héros de l’antiquité.
Voilà ce que la Mythologie & l’Histoire sainte, c’est-à-dire le mensonge & la vérité, nous racontent de l’ancienneté de la Chasse. Voici ce que le bon sens suggere sur son origine. Il fallut garantir les troupeaux des loups & autres animaux carnaciers ; il fallut empêcher tous les animaux sauvages de ravager les moissons : on trouva dans la chair de quelques-uns un aliment sain ; dans les peaux de presque tous une ressource très-prompte pour le vêtement : on fut intéressé de plus d’une maniere à la destruction des bêtes malfaisantes : on n’examina guere quel droit on avoit sur les autres ; & on les tua toutes indistinctement, excepté celles dont on espéra de grands services en les conservant.
L’homme devint donc un animal très-redoutable pour tous les autres animaux. Les especes se dévorerent les unes les autres, après que le péché d’Adam eut répandu entre elles les semences de la dissention. L’homme les dévora toutes. Il étudia leur maniere de vivre, pour les surprendre plus facilement ; il varia ses embûches, selon la variété de leur caractere & de leurs allures ; il instruisit le chien, il monta sur le cheval, il s’arma du dard, il aiguisa la fleche ; & bientôt il fit tomber sous ses coups le lion, le tigre, l’ours, le léopard : il perça de sa main depuis l’animal terrible qui rugit dans les forêts, jusqu’à celui qui fait retentir les airs de ses chants innocens ; & l’art de les détruire fut un art très-étendu, très-exercé, très-utile, & par conséquent fort honoré.
Nous ne suivrons pas les progrès de cet art depuis les premiers tems jusqu’aux nôtres ; les mémoires nous manquent ; & ce qu’ils nous apprendroient, quand nous en aurions, ne feroit pas assez d’honneur au genre humain pour le regretter. On voit en général que l’exercice de la Chasse a été dans tous les siecles & chez toutes les nations d’autant plus commun, qu’elles étoient moins civilisées. Nos peres beaucoup plus ignorans que nous, étoient beaucoup plus grands chasseurs.
Les anciens ont eu la chasse aux quadrupedes & la chasse aux oiseaux ; ils ont fait l’une & l’autre avec l’arme, le chien, & le faucon. Ils surprenoient des animaux dans des embûches, ils en forçoient à la course, ils en tuoient avec la fleche & le dard ; ils alloient au fond des forêts chercher les plus farouches, ils en enfermoient dans des parcs, & ils en poursuivoient dans les campagnes & les plaines. On voit dans les antiques, des empereurs même le venabulum à la main. Le venabulum étoit une espece de pique. Ils dressoient des chiens avec soin ; ils en faisoient venir de toutes les contrées, qu’ils appliquoient à différentes chasses, selon leurs différentes aptitudes naturelles. L’ardeur de la proie établit entre le chien, l’homme, le cheval, & le vautour, une espece de société, qui a commencé de très-bonne heure, qui n’a jamais cessé, & qui durera toûjours.
Nous ne chassons plus guere que des animaux innocens, si l’on en excepte l’ours, le sanglier & le loup. On chassoit autrefois le lion, le tigre, la panthere, &c. Cet exercice ne pouvoit être que très-dangereux. Voyez aux différens articles de ces animaux, la maniere dont on s’y prenoit. Observons seulement ici, 1°. qu’en recueillant avec exactitude tout ce que les anciens & les modernes ont dit pour ou contre la Chasse, & la trouvant presqu’aussi souvent loüée que blâmée, on en concluroit que c’est une chose assez indifférente. 2°. Que le même peuple ne l’a pas également loüée ou blâmée en tout tems. Sous Salluste, la Chasse étoit tombée dans un souverain mépris ; & les Romains, ces peuples guerriers, loin de croire que cet exercice fût une image de la guerre, capable d’entretenir l’humeur martiale, & de produire tous les grands effets en conséquence desquels on le croit justement réservé à la noblesse & aux grands : les Romains, dis-je, n’y employoient plus que des esclaves. 3°. Qu’il n’y a aucun peuple chez qui l’on n’ait été contraint de réprimer la fureur de cet exercice par des lois : or la nécessité de faire des lois est toûjours une chose fâcheuse ; elle suppose des actions ou mauvaises en elles-mêmes, ou regardées comme telles, & donne lieu à une infinité d’infractions & de châtimens. 4°. Qu’il est venu des tems où l’on en a fait un apanage si particulier à la noblesse ; qu’ayant négligé toute autre étude, elle ne s’est plus connue qu’en chevaux, qu’en chiens & en oiseaux. 5°. Que ce droit a été la source d’une infinité de jalousies & de dissentions, même entre les nobles ; & d’une infinité de lésions envers leurs vassaux, dont les champs ont été abandonnés au ravage des animaux reservés pour la chasse. L’agriculteur a vû ses moissons consommées par des cerfs, des sangliers, des daims, des oiseaux de toute espece ; le fruit de ses travaux perdu, sans qu’il lui fût permis d’y obvier, & sans qu’on lui accordât de dédommagement. 6°. Que l’injustice a été portée dans certains pays au point de forcer le paysan à chasser, & à acheter ensuite de son argent le gibier qu’il avoit pris. C’est dans la même contrée qu’un homme fut condamné à être attaché vif sur un cerf, pour avoir chassé un de ces animaux. Si c’est quelque chose de si précieux que la vie d’un cerf, pourquoi en tuer ? si ce n’est rien, si la vie d’un homme vaut mieux que celle de tous les cerfs, pourquoi punir un homme de mort pour avoir attenté à la vie d’un cerf ? 7°. Que le goût pour la chasse dégénere presque toûjours en passion ; qu’alors il absorbe un tems précieux, nuit à la santé, & occasionne des dépenses qui dérangent la fortune des grands, & qui ruinent les particuliers. 8°. Enfin que les lois qu’on a été obligé de faire pour en restraindre les abus, se sont multipliées au point qu’elles ont formé un code très-étendu : ce qui n’a pas été le moindre de ses inconvéniens. Voyez dans l’article suivant la satyre de la Chasse continuée dans l’exposition des points principaux de ce code.
Chasse, (Jurisprud.) suivant le droit naturel, la chasse étoit libre à tous les hommes. C’est un des plus anciens moyens d’acquérir suivant le droit naturel. L’usage de la chasse étoit encore libre à tous les hommes suivant le droit des gens.
Le droit civil de chaque nation apporta quelques restrictions à cette liberté indéfinie.
Solon voyant que le peuple d’Athenes négligeoit les arts méchaniques pour s’adonner à la chasse, la défendit au peuple, défense qui fut depuis méprisée.
Chez les Romains, chacun pouvoit chasser, soit dans son fonds, soit dans celui d’autrui ; mais il étoit libre au propriétaire de chaque héritage d’empêcher qu’un autre particulier n’entrât dans son fonds, soit pour chasser, ou autrement. Instit. Lib. II. tit. 1. §. xij.
En France, dans le commencement de la monarchie, la chasse étoit libre de même que chez les Romains.
La loi salique contenoit cependant plusieurs réglemens pour la chasse ; elle défendoit de voler ou de tuer un cerf élevé & dressé pour la chasse, comme cela se pratiquoit alors ; elle ordonnoit que si ce cerf avoit déja été chassé, & que son maître pût prouver d’avoir tué par son moyen deux ou trois bêtes, le délit seroit puni de quarante sols d’amende ; que si le cerf n’avoit point encore servi à la chasse, l’amende ne seroit que de trente-cinq sols.
Cette même loi prononçoit aussi des peines contre ceux qui tueroient un cerf ou un sanglier qu’un autre chasseur poursuivoit, ou qui voleroient le gibier des autres, ou les chiens & oiseaux qu’ils auroient élevés pour la chasse.
Mais on ne trouve aucune loi qui restraignît alors la liberté naturelle de la chasse. La loi salique semble plûtôt supposer qu’elle étoit encore permise à toutes sortes de personnes indistinctement.
On ne voit pas précisément en quel tems la liberté de la chasse commença à être restrainte à certaines personnes & à certaines formes. Il paroît seulement que dès le commencement de la monarchie de nos rois, les princes & la noblesse en faisoient leur amusement, lorsqu’ils n’étoient pas occupés à la guerre ; que nos rois donnoient dès-lors une attention particuliere à la conservation de la chasse ; que pour cet effet, ils établirent un maître veneur (appellé depuis grand-veneur) qui étoit l’un des quatre grands officiers de leur maison ; & que sous ce premier officier, ils établirent des forestiers pour la conservation de leurs forêts, des bêtes fauves, & du gibier.
Dès le tems de la premiere race de nos rois, le fait de la chasse dans les forêts du roi étoit un crime capital, témoin ce chambellan que Gontran roi de Bourgogne fit lapider pour avoir tué un buffle dans la forêt de Vassac, autrement de Vangenne.
Sous la seconde race, les forêts étoient défensables ; Charlemagne enjoint aux forestiers de les bien garder ; les capitulaires de Charles-le-Chauve désignent les forêts où ses commensaux ni même son fils ne pourroient pas chasser ; mais ces défenses ne concernoient que les forêts, & non pas la chasse en général.
Un concile de Tours convoqué de l’autorité de Charlemagne en 813, défend aux ecclésiastiques d’aller à la chasse, de même que d’aller au bal & à la comédie. Cette défense particuliere aux ecclésiastiques, sembleroit prouver que la chasse étoit encore permise aux autres particuliers, du moins hors les forêts du roi.
Vers la fin de la seconde race & au commencement de la troisieme, les gouverneurs des provinces & villes qui n’étoient que de simples officiers, s’étant attribué la propriété de leur gouvernement à la charge de l’hommage, il y a apparence que ces nouveaux seigneurs & autres auxquels ils sous-inféoderent quelque portion de leur territoire, continuerent de tenir les forêts & autres terres de leur seigneurie en défense par rapport à la chasse, comme elles l’étoient lorsqu’elles appartenoient au roi.
Il étoit défendu alors aux roturiers, sous peine d’amende, de chasser dans les garennes du seigneur : c’est ainsi que s’expliquent les etablissemens de S. Loüis, faits en 1270. On appelloit garenne toute terre en défense : il y avoit alors des garennes de lievres aussi bien que de lapins, & des garennes d’eau.
Les anciennes coûtumes de Beauvaisis, rédigées en 1283, portent que ceux qui dérobent des lapins, ou autres grosses bêtes sauvages, dans la garenne d’autrui, s’ils sont pris de nuit, seront pendus ; & si c’est de jour, ils seront punis par amende d’argent ; sçavoir, si c’est un gentilhomme, 60 liv. & si c’est un homme de poste, 60 sols.
Les priviléges que Charles V. accorda en 1371 aux habitans de Mailly-le-Château, portent que celui qui seroit accusé d’avoir chassé en plaine dans la garenne du seigneur, sera cru sur son serment, s’il jure qu’il n’a point chassé ; que s’il ne veut pas faire ce serment, il payera l’amende. Il est singulier que l’on s’en rapportât ainsi à la bonne foi de l’accusé ; car s’il n’y avoit pas alors la formalité des rapports, on auroit pû recourir à la preuve par témoins.
Il étoit donc défendu dès-lors, soit aux nobles ou roturiers, de chasser dans les forêts du roi & sur les terres d’autrui en général ; mais on ne voit pas qu’il fût encore défendu, soit aux nobles ou roturiers, de chasser sur leurs propres terres.
Il paroît même que la chasse étoit permise aux nobles, du moins dans certaines provinces, comme en Dauphiné, où ils joüissent encore de ce droit, suivant des lettres de Charles V. de 1367.
A l’égard des roturiers, on voit que les habitans de certaines villes & provinces obtinrent aussi la permission de chasse.
On en trouve un exemple dans des lettres de 1357, suivant lesquelles les habitans du bailliage de Revel & la sénéchaussée de Toulouse, étant incommodés des bêtes sauvages, obtinrent du maître général des eaux & forêts, la permission d’aller à la chasse jour & nuit avec des chiens & des domestiques, etiam cum ramerio seu rameriis. Ce qui paroît signifier des branches d’arbre dont on se servoit pour faire des battues. On leur permit de chasser aux sangliers, chevreuils, loups, renards, lievres & lapins, & autres bêtes, soit dans les bois qui leur appartenoient, soit dans la forêt de Vaur, à condition que, quand ils chasseroient dans les forêts du roi, ils seroient accompagnés d’un ou deux forestiers, à moins que ceux-ci ne refusassent d’y venir ; que si en chassant, leurs chiens entroient dans les forêts royales, autres que celles de Vaur, ils ne seroient point condamnés en l’amende, à moins qu’ils n’eussent suivi leurs chiens ; qu’en allant visiter leurs terres, & étant sur les chemins pour d’autres raisons, ils pourroient chasser, lorsque l’occasion s’en présenteroit sans appeller les forestiers. On sent aisément combien il étoit facile d’abuser de cette derniere faculté ; ils s’obligerent de donner au roi pour cette permission cent cinquante florins d’or une fois payés, & au maître des eaux & forêts de Toulouse, la tête avec trois doigts au-dessus du col, au-dessous des oreilles, de tous les sangliers qu’ils prendroient, & la moitié du quartier de derriere avec le pié des cerfs & des chevreuils : & par les lettres de 1357, le roi Jean confirma cette permission.
Charles V. en 1369 confirma des lettres de deux comtes de Joigny, de 1324 & 1368, portant permission aux habitans de cette ville, de chasser dans l’étendue de leur justice.
Dans les priviléges qu’il accorda en 1370, à la ville de Saint-Antonin en Rouergue, il déclara que quoique par les anciennes ordonnances il fût défendu à quelque personne que ce fût, de chasser sans la permission du roi, aux bêtes sauvages (lesquelles néanmoins, dit-il, gâtent les blés & vignes) que les habitans de Saint-Antonin pourroient chasser à ces bêtes hors les forêts du roi.
Les priviléges qu’il accorda en la même année aux habitans de Montauban, leur donnent pareillement la permission, en tant que cela regarde le roi, d’aller à la chasse des sangliers & autres bêtes sauvages.
Dans des lettres qu’il accorda en 1374 aux habitans de Tonnay en Nivernois, il dit que, suivant l’ancien usage, toutes personnes pourront chasser à toutes bêtes & oiseaux, dans l’étendue de la jurisdiction en laquelle les seigneurs ne pourront avoir de garenne.
On trouve encore plusieurs autres permissions semblables, accordées aux habitans de certaines provinces, à condition de donner au Roi quelque partie des animaux qu’ils auroient tués à la chasse ; & Charles VI. par des lettres de 1397, accorde aux habitans de Beauvoir en Béarnois, permission de chasse, & se retient entr’autres choses tous les nids des oiseaux nobles : c’étoient apparemment les oiseaux de proie propres à la chasse.
Outre ces permissions générales que nos rois accordoient aux habitans de certaines villes & provinces, ils en accordoient aussi à certains particuliers pour chasser aux bêtes fauves & noires dans les forêts royales.
Philippe de Valois ordonna en 1346, que ceux qui auroient de telles permissions ne les pourroient ceder à d’autres, & ne pourroient faire chasser qu’en leur présence & pour eux.
Charles VI. ayant accordé beaucoup de ces sortes de permissions, & voyant que ses forêts étoient dépeuplées, ordonna que dorénavant aucune permission ne seroit valable si elle n’étoit signée du duc de Bourgogne.
En 1396, il défendit expressément aux non nobles qui n’auroient point de privilége pour la chasse, ou qui n’en auroient pas obtenu la permission de personnes en état de la leur donner, de chasser à aucunes bêtes grosses ou menues, ni à oiseaux, en garenne ni dehors. Il permit cependant la chasse à ceux des gens d’église auxquels ce droit pouvoit appartenir par lignage ou à quelqu’autre titre, & aux bourgeois qui vivoient de leurs héritages ou rentes. A l’égard des gens de labour, il leur permit seulement d’avoir des chiens pour chasser de dessus leurs terres, les porcs & autres bêtes sauvages, à condition que s’ils prenoient quelque bête, ils la porteroient au seigneur ou au juge, sinon qu’ils en payeroient la valeur.
Ce réglement de 1396 qui avoit défendu la chasse aux roturiers, fut suivi de plusieurs autres à-peu-près semblables en 1515, en 1533, 1578, 1601 & 1607.
L’ordonnance des eaux & forêts du mois d’Août 1669, contient un titre des chasses qui forme présentement la principale loi sur cette matiere.
Il résulte de tous ces différens réglemens, que parmi nous le Roi a présentement seul le droit primitif de chasse ; que tous les autres le tiennent de lui soit par inféodation, soit par concession ou par privilége ; & qu’il est le maître de restraindre ce droit comme bon lui semble. Les souverains d’Espagne & d’Allemagne ont aussi le même droit dans leurs états par rapport à la chasse.
Tous seigneurs de fief, soit nobles ou roturiers, ont droit de chasser dans l’étendue de leur fief ; le seigneur haut-justicier a droit de chasser en personne dans tous les fiefs qui sont de sa justice, quoique le fief ne lui appartienne pas ; mais les seigneurs ne peuvent chasser à force de chiens & oiseaux, qu’à une lieue des plaisirs du Roi ; & pour les chevreuils & bêtes noires, dans la distance de trois lieues.
Les nobles qui n’ont ni fief ni justice ne peuvent chasser sur les terres d’autrui, ni même sur leurs pro près héritages tenus en roture, excepté dans quelques provinces comme en Dauphiné, où par un privilége spécial ils peuvent chasser, tant sur leurs terres que sur celles de leurs voisins, soit qu’ils ayent fief ou justice, ou qu’ils n’en possedent point.
Les roturiers qui n’ont ni fief ni justice ne peuvent chasser, à moins que ce ne soit en vertu de quelque charge ou privilége qui leur attribue ce droit sur les terres du Roi.
Quant aux ecclésiastiques, les canons leur défendent la chasse, même aux prélats. La déclaration du 27 Juillet 1701 enjoint aux seigneurs ecclésiastiques de commettre une personne pour chasser sur leurs terres, à condition que celui qui sera commis fera enregistrer sa commission en la maîtrise. Les arrêts ont depuis étendu cet usage aux femmes, & autres qui par leur état ne peuvent chasser en personne.
L’ordonnance de 1669 regle les diverses peines que doivent supporter ceux qui ont commis quelque fait de chasse, selon la nature du délit, & défend de condamner à mort pour fait de chasse, en quoi elle déroge à celle de 1601.
Il est aussi défendu à tous seigneurs, & autres ayant droit de chasse, de chasser à pié ou à cheval, avec chiens ou oiseaux, sur les terres ensemencées, depuis que le blé sera en tuyau ; & dans les vignes, depuis le premier Mai jusqu’après la dépouille, à peine de privation de leur droit, de 500 livres d’amende, & de tous dommages & intérêts.
Nul ne peut établir garenne, s’il n’en a le droit par ses aveux & dénombremens, possession, ou autres titres suffisans.
La connoissance de toutes les contestations, au sujet de la chasse, appartient aux officiers des eaux & forêts, & aux juges gruyers, chacun dans leur ressort, excepté pour les faits de la chasse arrivés dans les capitaineries royales.
Nos rois ayant pris goût de plus en plus pour la chasse, ont mis en réserve certains cantons qu’ils ont érigés en capitaineries ; ce qui n’a commencé que sous François I. vers l’an 1538. Le nombre de ces capitaineries a été augmenté & réduit en divers tems, tant par ce prince que par ses successeurs. La connoissance des faits de chasse leur a été attribuée à chacun dans leur ressort, par différens édits, & l’appel des jugemens émanés de ces capitaineries est porté au conseil privé du Roi.
Il est défendu à toutes personnes, même aux seigneurs hauts-justiciers, de chasser à l’arquebuse ou avec chiens dans les capitaineries royales ; & toutes les permissions accordées par le passé ont été révoquées par l’ordonnance de 1669, sauf à en accorder de nouvelles.
Ceux qui ont dans les capitaineries royales des enclos fermés de murailles, ne peuvent y faire aucun trou pour donner entrée au gibier, mais seulement ce qui est nécessaire pour l’écoulement des eaux. Ils ne peuvent aussi sans permission faire aucune nouvelle enceinte de murailles, à moins que ce ne soit joignant leurs maisons situées dans les bourgs, villages, & hameaux.
La chasse des loups est si importante pour la conservation des personnes & des bestiaux, qu’elle a mérité de nos rois une attention particuliere. Il y avoit autrefois tant de loups dans ce royaume, que l’on fut obligé de lever une espece de taille pour cette chasse. Charles V. en 1377 exempta de ces impositions les habitans de Fontenai près le bois de Vincennes. On fut obligé d’établir en chaque province des louvetiers, que François I. créa en titre d’office ; & il établit au-dessus d’eux le grand louvetier de France. L’ordonnance d’Henri III. du mois de Janvier 1583, enjoint aux officiers des eaux & forêts de faire assembler trois fois l’année un homme par feu de chaque paroisse de leur ressort, avec armes & chiens, pour faire la chasse aux loups. Les ordonnances de 1597, 1600, & 1601, attribuent aux sergens louvetiers deux deniers par loup, & quatre deniers par louve, sur chaque feu des paroisses à deux lieues des endroits où ces animaux auroient été pris. Au moyen de ces sages précautions, il reste présentement si peu de loups, que lorsqu’il en paroît quelqu’un il est facile de s’en délivrer.
Sur le droit de chasse, on peut voir au code II. tit. xljv. & au code Théodosien, liv. XV. tit. xj. Les capitulaires & le recueil des ordonnances de la troisieme race. Ceux de Fontanon, Joly, & Néron. La Bibliotheque du Droit Franç. de Bouchel, au mot chasse. Salvaing, de l’usage des fiefs. Lebret, traité de la souveraineté, liv. III. ch. jv. L’ordonnance des eaux & forêts, tit. xxx. & la conférence sur ce titre. Le traité de la police, tome II. liv. V. tit. xxiij. ch. iij. §. ij. Le traité du droit de chasse, par de Launay. La Jurisprudence sur le fait des chasses, in-12. 2. vol. Le code des chasses, & ci-après, aux mots Fauconnerie, Garenne, Louveterie, Louvetier, Venerie, Vol. (A)
* Chasse amphithéatrale, (Hist. anc.) Les Romains l’appelloient venatio ludiaria, ou amphitheatralis. Elle se faisoit dans les cirques, au milieu des amphithéatres, &c. On lâchoit toutes sortes d’animaux sauvages qu’on faisoit attaquer par des hommes, appellés de cet exercice bestiarii, voyez Bestiaires ; où ils étoient tués à coup de fleches par le peuple même, amusement qui l’accoûtumoit au sang & l’exerçoit au carnage. L’an de Rome 502, on y conduisit cent quarante-deux éléphans qui avoient été pris en Sicile sur les Carthaginois ; ils furent exposés & défaits dans le cirque. Auguste donna au peuple, dans une seule chasse amphithéatrale, trois mille cinq cens bêtes. Scaurus donna une autre fois un cheval marin & cinq crocodiles ; l’empereur Probus, mille autruches, mille cerfs, mille sangliers, mille daims, mille biches, & mille béliers sauvages. Pour un autre spectacle, le même prince avoit fait rassembler cent lions de Lybie, cent léopards, cent lions de Syrie, cent lionnes, & trois cens ours. Sylla avoit donné avant lui cent lions ; Pompée, trois cens quinze ; & César, quatre cens. Si tous ces récits ne sont pas outrés, quelle étoit la richesse de ces particuliers ? quelle n’étoit pas celle du peuple ? C’étoient les dictateurs, les consuls, les questeurs, les préteurs, & les édiles qui faisoient la dépense énorme de ces jeux, quand il s’agissoit de gagner la faveur du peuple pour s’élever à quelque dignité plus importante.
Chasse de Meunier, (Jurisprud.) On appelle chasse ou quête des Meûniers, la recherche qu’ils font, par eux ou par leurs serviteurs, des blés & autres grains que l’on veut faire moudre ; allant ou envoyant pour cet effet dans les villes, bourgs & villages. Comme le fruit de cette quête n’est pas toûjours heureux, elle a été comparée à la chasse, & en a retenu le nom.
Ce droit d’empêcher les meûniers de chasser ou quêter les blés est fort ancien, & dérive du droit de la bannalité. Il en est parlé dans deux titres de Thibaut, comte de Champagne, des années 1183 & 1184, pour le prieur de S. Ayoul, auquel ce prince accorde ce droit de chasse pour les meûniers de son prieuré, dans toute l’étendue de la ville & châtellenie de Provins où il est situé.
Un arrêt du parlement, de la Toussaint 1270, confirme aux seigneurs, ayant des moulins dans la châtellenie d’Etampes, le droit de saisir & confisquer les chevaux des meûniers d’autres moulins, qui viendroient chasser sur leurs terres des blés pour en avoir la moute, quærentes ibi moltam ; c’est le terme dont on se servoit alors. Chop. sur Anjou, liv. I. ch. xiv. n. 2. & ch. xv. n. 5.
Il y a, sur cette matiere, dans notre Droit coûtumier, trois différentes maximes confirmées par la jurisprudence des arrêts.
La premiere, que les meûniers ne peuvent chasser sur les terres des seigneurs qui ont droit de bannalité, Coût. de Montdidier, art, xiv. & xvj.
La seconde, qu’en certaines coûtumes ils ne le peuvent même sur les terres des seigneurs hauts-justiciers, & qui ont droit de voirie. Coûtume d’Amboise, art. j. Buzançois, art. jv. Saint-Ciran, art. iij. Maizieres en Touraine, art. v. & vj.
La troisieme, qu’en d’autres coûtumes ils ont cette liberté dans tous les lieux où il n’y a point de bannalité. Paris, art. lxxij. & Orléans, art. x.
Pur un arrêt du 23 Mai 1561, confirmatif d’une sentence du gouverneur de Montdidier, les meûniers sont maintenus dans la liberté d’aller chasser & quêter des blés sur les terres des seigneurs qui n’ont point de moulins bannaux. Il est remarquable, en ce qu’il est rendu au profit du vassal contre son seigneur suzerain. Levest, art. lxx. Papon, liv. XIII. titr. viij. n. 1. Carondas, liv. II. rep. 12. & liv. IV. rep. 65.
La même chose a été jugée dans la coûtume de Paris, par arrêt du 28 Juin 1597, en faveur du seigneur de Rennemoulin, contre le cardinal de Gondi, seigneur de Villepreux, qui vouloit empêcher les meûniers de la terre de Rennemoulin, relevante de lui, de venir chasser dans l’étendue de celle de Villepreux. Voyez Leprêtre, arrêts de la Ve. Voyez le traité de la police, tome II. liv. V. ch. iij. §. 7. & le recueil des factums & mémoires imprimés à Lyon en 1710. tome II. p. 467. (A)
Chasse, en terme de Marine, se dit d’un vaisseau qui en poursuit un autre ; alors on dit donner chasse. On l’applique également au vaisseau qui fuit, & en ce cas c’est prendre chasse, c’est-à-dire prendre la fuite. Il arrive souvent que le navire qui prend chasse continue de tirer sur celui qui le poursuit, ce qu’il ne peut faire que des pieces de canon qui sont à l’arriere, ce qui s’appelle soûtenir chasse. Cette manœuvre est assez avantageuse, parce que la poussée du canon, qu’on tire à l’arriere, favorise plus le sillage qu’elle ne le retarde. Il n’en est pas de même des pieces de chasse de l’avant, dont on se sert en poursuivant un navire, la poussée de chaque coup retarde la course du vaisseau.
Chasse de proue, ou pieces de chasse de l’avant, se dit des pieces de canon qui sont à l’avant, & dont on se sert pour tirer sur un vaisseau qui fuit & qu’on poursuit. (Z)
Chasse. On appelle ainsi, en terme d’Artificiers, toute charge de poudre grossierement écrasée qu’on met au fond d’un cartouche, pour chasser & faire partir les artifices dont il est rempli.
Chasse d’une balance, est la partie perpendiculaire au fléau, & par laquelle on tient la balance lorsqu’on veut s’en servir. Voyez Balance & Fléau. (O)
Chasse, outil de Charron, c’est une espece de marteau dont un côté est quarré & l’autre rond, dont l’œil est percé plus du côté quarré que du rond, qui sert aux charrons pour chasser & enfoncer les cercles de fer qui se mettent autour des moyeux des roues, afin d’empêcher qu’ils ne se fendent. Ces cercles s’appellent cordons & frettes. Voyez Frettes. Voyez la fig. 27. Pl. du Charron.
Les Batteurs d’or ont aussi un marteau qu’ils appellent chasse. Voyez l’article Batteur d’or.
Chasse, (Coutel.) Ces ouvriers employent ce terme en deux sens ; c’est ainsi qu’ils appellent, 1° le manche d’écaille, de baleine, ou de corne, composé ordinairement de deux parties assemblées par le Tablettier, dans lesquelles la lame du rasoir est reçûe ; ou le manche d’écaille fait aussi par le Tablettier, mais seulement assemblé en un seul endroit, & par un seul clou qui traverse le fer de la lancette & les deux parties du manche où cet instrument de Chirurgie est renfermé. 2° La portion de l’instrument qui sert dans la forge des lames de table, à mitre surtout, qui ne sont plus guere en usage, à recevoir la queue de la lame, tandis que la lame est reçûe dans un tas fendu à sa partie supérieure & presque sur toute sa longueur. On frappe sur la chasse ; la chasse appuie sur l’endroit fort qu’on a ménagé avec le marteau, ou morceau d’acier ou d’étoffe qui doit faire la lame ; cet endroit fort se trouve comprimé entre la chasse & le tas, & forcé de s’étendre en partie, & de prendre la forme en relief & de la mitre qu’on a ménagée en creux dans le tas, & de cette ovale qui sépare la lame de la queue, & qui s’applique sur le bout du manche, quand la lame est montée.
Chasse, (Lunettier.) Les lunettiers appellent ainsi la monture d’une lunette dans laquelle les verres sont enchassés. Cette chasse est de corne, d’écaille, &c. ou de quelque métal élastique, c’est-à-dire bien écrouï ; elle a la forme de la lettre g minuscule. Voyez la fig. 5. Pl. du Lunettier.
Il y en a de brisées en C, c’est-à-dire à charniere, ensorte que les deux verres ou yeux AB, qui tiennent à rainure dans les anneaux de la chasse, peuvent se rapprocher & se placer l’un sur l’autre, pour entrer dans un étui commun ; au lieu que pour celles qui ne ployent point, il faut un étui à deux cercles pour y placer les deux verres. La chasse se place sur le nez, comme tout le monde sait, ensorte que les verres AB soient devant les yeux, auxquels ils doivent être exactement paralleles, pour que l’on puisse voir les objets au-travers avec le plus d’avantage qu’il est possible. Ces verres sont plus ou moins convexes ou concaves, selon que le besoin de la personne qui s’en sert l’exige.
Chasse, cheval de chasse, est un cheval d’une taille légere, qui a de la vîtesse, & dont on se sert pour chasser avec des chiens courans. Les chevaux anglois sont en réputation pour cet usage. Un cheval étroit de boyau peut être bon pour la chasse, mais il ne vaut rien pour le carrosse. (V)
* Chasse, s. f. terme très-usité en Méchanique, & appliqué à un grand nombre de machines, dans lesquelles il signifie presque toûjours un espace libre qu’il faut accorder soit à la machine entiere, soit à quelqu’une de ses parties, pour en augmenter, ou du moins faciliter l’action. Trop ou trop peu de chasse nuit à l’action : c’est à l’expérience à déterminer la juste quantité. Voici un exemple simple de ce qu’on entend par chasse. La chasse, dans la scie à scier du marbre, est la quantité précise dont cette scie doit être plus longue que le marbre à scier, pour que toute l’action du scieur soit employée sans lui donner un poids de scie superflu qu’il tireroit, & qui ne seroit point appliqué si la chasse étoit trop longue : il est évident que dans ce cas la longueur des bras de l’ouvrier permettra plus de chasse. La chasse ordinaire est depuis un pié jusqu’à dix-huit pouces.
Chasse, s. f. (Jeu.) c’est au jeu de paume la distance qu’il y a entre le mur du côté où l’on sert, & l’endroit où tombe la balle du second bond. Cette distance se mesure par les carreaux : quand la chasse est petite, on dit une chasse à deux, à trois carreaux & demi, &c. C’est au garçon à examiner, annoncer & marquer fidélement les chasses. Ce garçon en est appellé le marqueur. Voyez l’article Paume.
Chasse, en terme d’Orfévre, c’est la partie de la boucle où est le bouton.
Chasse de parcs, terme de Pêche ; c’est une grande tenture de filets montée sur piquets, qui sert a conduire le poisson dans le parc, d’où il ne peut plus ressortir. Voyez Parcs, dont la chasse fait partie.
Chasse quarrée, c’est proprement une espece de marteau à deux têtes quarrées, dont l’une est acerée, & l’autre ne l’est point.
L’usage de la chasse n’est pas de forger, mais de former, après que le forgeron a enlevé un tenon ou autre piece où il y a épaulement, l’angle de l’empaulement : pour cet effet on pose la chasse bien d’aplomb sur le tenon ou la piece, à l’endroit de l’épaulement commencé au marteau, & l’on frappe sur la tête non acerée de la chasse avec un autre marteau ; ce qui donne lieu à la tête acerée de rendre l’angle de l’épaulement plus vif, & épargne à l’ouvrier bien des coups de lime.
Chasse à biseau, c’est le même outil & de la même forme, à cela près que la tête acerée est en pente ; cette pente continuée rencontreroit le manche. Son usage est de refouler fortement les épaulemens, sur-tout dans les occasions où les angles de l’épaulement sont aigus.
Chasse des Raffineurs de sucre ; c’est le même outil que le chassoire des Tonneliers, & ils l’employent sur leurs formes au même usage que ces ouvriers sur les cuviers, tonneaux, & autres vaisseaux qu’ils relient. Voyez Chassoire. Il n’y a de différence entre la chasse des Raffineurs, & le chassoire des Tonneliers, que le chassoire des Tonneliers est à-peu-près de même grosseur par-tout, & qu’il sert sur l’un & l’autre bout indistinctement ; au lieu que celui des Raffineurs ne sert à chasser que par un bout qui s’applique sur le cercle ; l’autre est formé en une tête ronde sur laquelle on frappe avec le marteau : ainsi celui-ci est beaucoup plus long que l’autre.
Chasse, s. f. chez les Tisserands, les Drapiers, & autres, est une partie du métier du Tisserand, qui est suspendue par en-haut à une barre appellée le porte-chasse, qui est appuyée sur les deux traverses latérales du haut du métier, & au bas de laquelle est attaché le rost ou peigne dans lequel sont passés les fils de la chaîne. C’est avec la chasse que le Tisserand frappe les fils de la trame pour les serrer, chaque fois qu’il a passé la navette entre les fils de la chaîne.
La chasse est composée de trois parties ou pieces de bois dont deux sont perpendiculaires, & sont appellées les épées de la chasse ; la troisieme est horisontale, & composée de deux barres de bois écartées l’une de l’autre de la hauteur du rot, & garnies chacune d’une rainure dans laquelle on arrête le rot : ces deux barres sont percées par les deux bouts, & les épées entrent dans ces ouvertures. La barre qui est la plus basse, & qui soûtient le rot, s’appelle le sommier ; l’autre qui appuie sur le rot, s’appelle le chapeau de la chasse : cette barre est arrondie par le haut, & est garnie dans son milieu d’une main ou poignée de bois : c’est avec cette poignée que l’ouvrier tire la chasse pour frapper sa trame. Voyez les art. Drapier, Tisserand, &c. & l’article Battant.
* Chasse, (Verr.) légere maçonnerie attachée d’un côté au corps du four, & dont une autre partie est soûtenue en l’air par une barre de fer circulaire, éloignée d’environ deux pouces du grand ouvreau, & destinée à garantir l’ouvrier de la trop grande ardeur du feu.
Chasse-avant, s. m. (Art méch.) on donne ce nom généralement à tous ceux qui sont commis à la conduite des grands ouvrages, & qui tiennent registre des heures de travail employées & perdues par les ouvriers. Il y en a dans les grands atteliers de Serrurerie, dans les endroits où l’on construit de grands édifices, dans les manufactures très-nombreuses ; mais ils prennent alors différens noms.
Chasse-fleurée, s. f. (Teint.) planche de bois quarrée, oblongue, & percée dans son milieu d’un trou où l’on a passé une corde ; cette planche sert à écarter de dessus la cuve l’écume ou fleurée, afin que les étoffes, auxquelles elle s’attacheroit sans cette précaution, n’en soient ni atteintes ni tachées, Voyez les explicat. de nos Plan. & Pl. II. de Teint. la chasse-fleurée ; ab la chasse-fleurée ; cd la corde ; e la main à l’aide de laquelle on peut la suspendre ou arrêter quand elle est en repos, & la mouvoir quand il en est besoin.