L’Encyclopédie/1re édition/PARC

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PARC, s. m. (Architect. mod.) c’est un grand clos ceint de murs, où l’on enferme du gibier & des bêtes fauves, commes sangliers, cerfs, chevreuils, &c. On comprend dans le parc tel nombre, telle quantité & qualité de terre que l’on veut, labourables ou pâturages, avec des bois taillis & des futaies.

Les plans qui doivent dominer dans le parc pour la retraite & la bonté du gibier, sont les chênes, pommiers, poiriers, houx, arbousiers, genievriers, & autres arbres & arbrisseaux sauvages portant fruits, dont le gibier se délecte. Il y faut aussi le passage de quelques ruisseaux, ou du moins plusieurs endroits bas, qui puissent recevoir l’eau des pluies, y former des petits étangs, des mares, & rafraîchir le gibier dans les tems de secheresse.

Dans la saison stérile, il y faut jetter pour la subsistance des grosses bêtes, du grain, des fêves, du marc de vin ; il faut semer du foin, de l’orge, de l’avoine, & du sarrasin dans les mauvaises terres du parc. On seme aussi pour le menu gibier de la chicorée, des laitues, & autres herbages de leur goût. Pour que les bêtes sauvages connoissent qu’on leur donne à manger, il faut en avoir quelques autres apprivoisées qui courent avec elles de tous côtés, & qui les amenent à la pâture.

Comme les parcs doivent être ainsi fournis pour mériter ce nom, & que d’ailleurs ils doivent être très-spacieux ; cette magnificence n’appartient qu’aux rois & aux princes : mais c’est un défaut de goût que d’y rechercher trop les alignemens, les allées, les avenues, les décorations & les autres travaux de l’art.

On en vante en vain l’industrie,
Leur ennuyeuse symmétrie
Nous plaît moins qu’un heureux hasard :
On aime des forêts altieres
Où les routes moins régulieres
Offrent plus de diversité.
La nature y tient son empire,
Et partout l’œil surpris admire
Un désordre plein de beauté.


(D. J.)

Parc de moutons, (Agricult.) palissade mobile qu’on fait dans les champs pour enfermer les moutons qu’on mene paître en été, dans les lieux éloignés où ils passent la nuit. Les bergers changent leur parc de tems en tems pour fumer les terres l’une après l’autre. Les loups n’attaquent pas les moutons dans leur parc, à cause des chiens qui les gardent.

On parque pour engraisser la terre, sur laquelle on met le parc, soit terre labourable, verger, pâtis, ou même prairie, quand elle n’est point marécageuse. Le fumier de mouton communique à la terre des sels de fécondité qui la ranime, & les brebis qui ne parquent que pendant des nuits douces, ne se trouvent que mieux du changement de gîte.

Ce parc, dans lequel on fait coucher les bêtes à laine, n’est autre chose qu’un quarré grand à proportion du nombre des bêtes, qu’on y enferme dans des grandes claies de bois posées contre des pieux, & soutenues en-dehors par des piquets. Pour faire ces claies, on prend des petites perches du même bois, qu’on choisit plus grosses & plus droites. On les appelle montans, & on les met à un bon pié & demi de distance l’une de l’autre ; on croise les petites perches sur les montans, en commençant par le bas, & quand on en a fait quatre piés de haut, on y laisse un vuide d’un demi-pié, & on recommence au-dessus à entrelacer les perches sur les montans, jusqu’à la hauteur de cinq à six piés, qui est la hauteur ordinaire de chaque claie. Elle a aussi communément sept piés de long, parce qu’on prend des perches de cette longueur : on peut les faire plus longues, en mettant des perches bout-à-bout l’une à l’autre. Le vuide qu’on y a laissé est l’endroit où posent les piquets. Les montans des deux bouts de chaque claie doivent être plus forts que les autres, parce qu’ils soutiennent l’ouvrage. On a soin de les lier fortement avec des bonnes harres, ou avec de l’osier. On fait des claies autant que l’on juge en avoir besoin, selon l’étendue du parc & le nombre des bestiaux.

Les claies étant faites, on les voiture sur le lieu qu’on veut parquer ; & là on fiche des pieux en terre d’espace en espace, en formant le plan du quarré dans lequel on veut enfermer le troupeau. On met les claies entre ces pieux, en commençant par le bout d’une des quatre faces qu’aura le parc. On dresse ces claies en longueur tout le long des pieux, ensorte que si le premier est en-dedans du parc, le second est en-dehors. On continue ainsi jusqu’à ce que les autres faces soient garnies ; alors, pour mieux soutenir les claies, on les appuie en-dehors avec des piquets de six piés en six piés mis en contre-fiche, & arrêtés à un des montans à l’endroit de la claie qui n’est point entrelacée. Au bas de chaque piquet, il y a un trou dans lequel on met un grand coin qu’on enfonce en terre avec un maillet, c’est ce qui tient les claies en état.

On laisse la derniere claie à un coin du parc, sans être appuyée, pour y servir d’entrée aux troupeaux. Le berger a soin de les y enfermer le soir quand il s’y retire, & de bien assurer cette derniere claie. Quand on a fait aussi un premier parc, on en dresse un second tout auprès, ensorte qu’un des côtés du premier sert de cloison pour l’autre, qu’on continue comme on a dit.

C’est l’ordinaire de dresser ainsi deux parcs de suite, quand on a bien des terres à parquer, & un bon nombre de troupeaux à y enfermer ; car on les passe alternativement de l’un dans l’autre, pour fumer plus de terre bien vîte ; & ce changement se fait, si l’on veut, deux ou trois fois durant chaque nuit, principalement quand elles sont longues. On laisse les troupeaux dans le premier parc jusqu’à minuit, puis on les fait passer dans l’autre à la pointe du jour, où il restent jusqu’à ce que le soleil ait dissipé la rosée, qui est préjudiciable à ce bétail, quand il paît l’herbe qui en est mouillée.

Lorsque les bergers parquent, ils font une cabane, soutenue sur des roulettes qu’ils conduisent là où ils veulent. Elle leur sert de retraite pour coucher, leurs chiens veillent à la garde de leurs moutons contre l’insulte des loups. C’est hors du parc que le berger se place avec sa houlette & ses chiens.

Si c’est un pâtis ou pré qu’on parque, il n’y a aucune façon à y faire ni devant, ni après ce parquage : mais quand c’est une terre à labour ou à verger, il faut qu’elle ait eu deux ou trois façons avant que d’y parquer. Le fumier y pénétre mieux, fait un effet meilleur & plus prompt, & il en faut beaucoup moins ; & lorsque le parc est retiré du champ & du verger, il faut y donner aussi-tôt un leger labour, afin que les sels de l’engrais que les moutons y ont laissé ne se dissipent point.

On parque depuis la S. Jean jusqu’à la S. Denis, ou la S. Martin & plus tard, selon que la saison & le climat le permettent. Pendant tout le tems que les brebis parquent, le berger doit avoir soin de les traire le soir, afin que le lait ne soit point perdu. Dict. économ. (D. J.)

Parc, en terme d’Artillerie, est le lieu où sont rassemblés toutes les pieces de canon & les munitions de guerre qui sont à la suite d’une armée, soit pour servir en campagne ou pour assiéger une place. Celui qui sert à faire un siege doit être placé hors la portée du canon de la ville : les munitions s’y arrangent différemment que dans l’autre parc, parce qu’il faut en pouvoir disposer à tout moment pour les batteries, au lieu que les autres restent toujours sur les charettes pour marcher.

La figure du parc d’artillerie est ordinairement celle d’un parallelogramme rectangle, à moins que la situation du terrain n’oblige de lui en donner une autre.

Le commissaire du parc marque avec des piquets, dit M. de Quincy, l’endroit où se mettra le premier charriot, & il poste le reste sur la même ligne en ordre par brigades, séparées les unes des autres, ensorte que lorsque l’équipage repartira, il le puisse faire sans confusion.

« Il y a, dit le même auteur, des commandans qui veulent que les pieces de canon de la premiere ligne soient d’abord placées, & qui mettent ensuite des chariots qui portent les munitions pour son service. Ils placent la seconde de même, puis les autres, en mettant la moitié pour former la premiere ligne, & l’autre moitié pour former la seconde, prétendant qu’elles partent du parc dans cet ordre avec moins de confusion. D’autres sont d’avis de mettre tout le canon dans le premier rang, & les munitions derriere chaque brigade : le parc se peut lever aussi facilement, & cela fait un meilleur effet. »

Tout cet arrangement dépend au reste du commandement ; ce qu’on y doit principalement observer, c’est que les pieces de canon & les charrettes doivent être à deux pas de distance ; les brigades séparées les unes des autres par une espace de cinq pas, & les lignes par un espace de quarante pas. Lorsqu’il y a des pontons dans l’équipage, on en fait un dernier rang, éloigné aussi de quarante pas de celui qui le précede.

La garde du parc consiste en cinquante hommes tirés des bataillons de Royal-Artillerie, & qui sont postés vis-à-vis le parc, à la distance de 40 ou 50 pas en avant : on en tire des sentinelles pour le parc. Il y en a deux à chaque rang l’épée à la main, & sans armes à feu.

Les bataillons de Royal-Artillerie sont placés à la droite & à la gauche du parc, & les chevaux du charroi vers la droite ou la gauche, environ à 300 pas de distance, dans un lieu commode, & hors de toute insulte.

En campagne, lorsque l’armée est campée en plaine, ou dans un lieu ouvert, l’artillerie se place vis-à-vis le centre de la premiere ligne du camp, à 3 ou 400 pas en avant de cette ligne, si le terrein le permet, autrement on la place derriere le centre de la seconde ligne, à une distance de 2 ou 300 pas de cette ligne.

Il y a ordinairement à cent pas en avant du parc, trois pieces de canon chargées, & toutes prêtes à tirer. On les appelle pieces d’allarmes, parce qu’elles servent à faire revenir promptement les troupes du fourrage lorsqu’il en est besoin, & à donner l’allarme pour faire prendre les armes à toute l’armée, ou pour quelqu’autre chose que le général juge à propos de donner. Il y a toujours au-près de ces pieces une canonnier avec un boute-feu allumé. (Q)

Parc, (Marine.) c’est dans un arsenal de marine le lieu où les magasins généraux & particuliers sont renfermés, & où l’on construit les vaisseaux du prince. Après que la retraite aura été sonnée, personne ne pourra entrer dans l’enclos du parc & des magasins, si ce n’est par un ordre exprès des principaux officiers du port, & pour quelqu’affaire extraordinaire.

Parc dans un vaisseau, c’est un lieu qui est fait de planches, entre deux ponts, pour enfermer les bestiaux que les officiers font embarquer pour leurs provisions. L’ordonnance dit, parcs & cages de moutons, volailles & bestiaux.

Parc, (Marais salans.) parc ou parquet, se dit de différens bassins ou séparations que l’on fait dans les marais salans pour y recevoir & faire entrer l’eau de la mer dont se fait le sel. Ces bassins ou parquets n’ont guere plus d’un pié de profondeur, & sont séparés les uns des autres par des petites levées de terre entrecoupées d’écluses, pour y recevoir & y retenir l’eau, ou l’en faire sortir ; le fond de chaque parc est uni & battu ; c’est dans ces parcs qu’on met aussi parquer les huitres, d’où elles s’engraissent & prennent cette couleur verte qui les rend également délicieuse au goût, & agréable à la vue. Savary. (D. J.)

Parc, sub. m. (Pescherie.) il y en a de plusieurs sortes. Des bas parcs, qu’on appelle de plusieurs autres noms. Des parcs faits de bois & de filets. Des parcs aux huitres, voyez l’article Huitre, & la suite de celui-ci. Des parcs doubles & triples. Des parcs à clayonnage par le bas ou à planches, à ouverture au fond, ou à queue de verveux. Des parcs à carosse, ou perds-tems. Des parcs de pierre. Des parcs simples & confinant en un filet tendu dans les roches. Des hauts-bas parcs. Des parcs de pierre & de clayonnages à claires voies. Des parcs de claies seulement ou bouchots. Des bouchots, de plusieurs sortes, comme les borgnes & autres. Voyez la suite de cet article, où il est parlé de toutes ces pêcheries.

Parcs, bas-parcs, que l’on appelle aussi tournées, fourées, fouresses, courtines, venets ; termes de pêcherie, sont des enceintes de filets de la forme du fer à cheval, tendus sur des pieux enfoncés dans le sable ; l’ouverture du fer à cheval est tournée vers la terre, la convexité vers la mer. Voyez à l’article Fourrées la description des bas-parcs.

Parcs faits de bois & de filets. Ils ont la forme des précédens ; mais ils sont construits de clayonnage & de pieux enfoncés dans le terrein qui doit être roche ou marne, pour que le parc soit solide. Cette enceinte est quelquefois d’un double clayonnage. Elle est élevée de deux piés & demi à trois piés. Si le clayonnage est double, l’intervalle en est garni de pierres ou gros gallet. D’autresfois il n’y a que le fond du contour qui soit double, pour soutenir en cet endroit la brise des vagues qui viennent s’y rompre. Il doit y avoir au milieu du fond une ouverture de la grandeur prescrite par l’ordonnance. On la ferme durant les saisons marquées.

Autour de l’enceinte il y a de hautes perches de quinze à dix-huit piés, placées à sept à huit piés les unes des autres. Le haut du filet, qui a quinze à seize piés de chute, est amarré au haut des perches par un tourmort retourné, & le bas est acroché au clayonnage, soit par un tourmort, soit par des chevilles.

Il y a de ces parcs où l’on voit jusqu’à deux ou trois tournées de ces enceintes sur une même ligne. Quelques-uns ont aussi une double chasse.

La chasse est une palissade composée pareillement de perches tendues de filets, garnie d’un clayonnage ; elle va depuis le rivage jusqu’au parc, y guidant & conduisant le poisson. On place ces chasses quand la direction de la marée est parallele au rivage ; ainsi elles croisent la marée, & arrêtent le poisson qui se retire du rivage à mesure que l’eau s’en éloigne, & va dans le parc où la chasse le mene.

On prend dans ces pêcheries toutes sortes de poissons, même les plus grands. Il ne faut pas que les filets, ni la chasse qui forment l’enceinte aient des mailles trop petites ; sans quoi ce sera la perte d’une quantité infinie de petits poissons, à moins qu’ils n’aient une issue par le clayonnage, ou par une ouverture pratiquée au fond du parc.

Les filets doivent avoir quinze lignes par le haut, & onze à douze lignes par le bas ; la chasse, quinze lignes tant en haut qu’en bas.

Les parcs aux huitres, sont des claies posées horisontalement sur des tréteaux & entourées de clayonnages, sur lesquelles on les laisse dégorger après la pêche.

Les parcs doubles & triples ne sont que plusieurs parcs disposés sur la même ligne & croisant la marée.

Il y a des parcs qui n’ont point de clayonnage par le bas ; mais en leur place de petites planches ou ais fort minces sur lesquels le filet est amarré.

Au lieu d’une ouverture ouverte au fond, il y en a qui sont terminés par une queue de verveux.

D’autres, tous semblables du reste, au lieu de la queue de verveux, ont un autre petit parc d’environ quatre piés de hauteur. Ce parc est couvert d’un reseau ; c’est-là ce qu’on appelle un carosse ou perds-tems. Le reseau empêche le poisson de franchir l’enceinte de ce réduit où il se retire. Le carosse ou perds-tems communique avec le grand parc par un gorlet de réseau porté par des petites perches, de même que la couverture du petit parc. Les murailles de tous ces parcs ont les mailles de grandeur à discrétion des pêcheurs qui les établissent.

Qu’on y pratique une ouverture, & ils ne feront aucun dommage. Sédentaires, ils ne gratent pas le fond comme la drége.

On forme des parcs de pierres, de grosses masses élevées les unes contre les autres, & si exactement appliquées, que rien ne peut échapper. La forme en est quarrée ou semi-circulaire, irréguliere ; le fond toujours tourné à la mer, & percé, selon l’ordonnance, d’une ouverture de deux piés en quarré couverte d’un grillage de bois à trous en forme de mailles d’un pouce au moins en quarré ; & cela depuis Pâques jusqu’à la S. Remy, & de deux pouces en quarré depuis la S. Remy jusqu’à Pâques.

La mer couvre ces parcs de plusieurs brasses à la marée ; & en se retirant elle laisse le poisson qui vient terrir à la côte dans ces parcs, d’où il ne peut plus ressortir. Les pêcheurs viennent ensuite le prendre avec des petites trubles.

Pour les situer avantageusement, il faut les pousser le plus qu’il est possible à la basse eau. On n’y pêche guere durant les mortes eaux, la mer ne couvrant guere le rivage, & le poisson terrissant moins. Comme il ne s’agit à ces parcs que d’en entretenir les clôtures, on y pêche de gros tems comme de calme. Le calme est même en général peu favorable à la pêche, quelle qu’elle soit.

Des parcs faits à peu de frais, ce sont ceux qui consistent en un filet tendu entre les roches dans des gorges. Des perches placées de distance en distance soutiennent le filet, qui se tend de basse mer, & qu’on laisse abaissé tandis que la mer monte. Au plein de l’eau on le releve, pour retenir le poisson qui est entré de marée montante, & qu’on retire à la basse eau. Voyez dans nos planches des parcs de bois & de filets, & des parcs de pierre.

Parcs de pierres & de clayonnage à claires voies. Cette sorte de pêcherie se fait dans l’amirauté de Port-Bail en Normandie. La côte ou la muraille du sud est faite en partie par une roche ; le reste jusqu’à l’extrémité est continué par des pieux & du clayonnage. La distance entre chaque pieu est remplie de petites tiges de bois, éloignées l’une de l’autre d’environ un pouce & demi, & lacées de pié en pié par des osiers. Le frai, ni aucun poisson du premier âge ne peut entrer. Le côté du nord est précisément établi & continué de la même maniere. C’est une autre roche & du clayonnage fait comme le précédent. En-dedans de l’angle de la pêcherie il y a un petit étranglement en claie, haut d’un pié au plus, commençant à sept ou huit piés en-dedans de l’ouverture de la pêcherie où il vient aboutir sur les derniers pieux qui sont de chaque côté de l’égoût.

Il y a des parcs construits de claies au lieu de filets, de l’espece des bas parcs ou fourées ; on les appelle bouchots.

Voici la description du bouchot de l’amirauté de S. Malo. Ce sont deux rangs de clayonnage, élevés à-peu-près de six à sept piés de haut, afin de compenser la pente du terrein, & rendre le haut des clayonnages de niveau avec la partie basse du rivage. Leur extrémité convergente se resserre & forme un passage à peine de quatre piés de largeur, qui devroit être ouvert, selon l’ordonnance ; mais il est fermé d’un panier de clayonnage, que les pêcheurs de ce canton appellent tonne, gonne, gonastre & benastre, qui a une ouverture à la vérité, mais élevée de plus de vingt pouces au-dessus du terrein, en sorte que le frai, la manne ou menasse y reste. A l’ouverture de la gonne, on place encore une petite nasse d’osier si serré, que le plus petit ver n’en échapperoit pas. Ils nomment cet instrument un baschin ou basche. Ainsi tout le frai ou la manne qui monte à la côte vers ces pêcheries, qui ont quelquefois les aîles ou côtés de plus de deux cens toises de long, est perdu sans ressource ; & ces bouchots détruisent plus de petits poissons dans une marée, que cinquante parcs de bois & de filets ne feroient, le terrein occupé par ces pêcheries suffisant seul à un grand nombre de parcs. Voyez nos Planches de Pêche.

Il y a des bouchots qui ont une construction différente.

Le clayonnage du fond, qui est au gorre ou à la passe de la pêcherie, a de même une tonne, gonne ou bourgne. Cette tonne ou gonne se démonte, est quarrée & montée sur un chassis, en sorte que le pêcheur propriétaire ou fermier du bouchot, la change ou l’enleve quand il lui plaît. Elle a cinq ou six piés de haut & trois à quatre de large ; la forme de l’embouchure d’un entonnoir tronqué. L’on en gorge l’ouverture d’une nasse qu’on appelle boulet. Le boulet est au bout de la gonne, ou bourgne ; & au bout du boulet on adapte une autre nasse plus petite, qu’on nomme boutron. Les osiers ou tiges qui forment ces nasses sont fort serrés. Les nasses sont entonnées les unes dans les autres. On bouche ensuite le boulet ou boutron avec une torque ou un tampon de paille.

La bourgne est amarrée au gorre ou à la passe, ou égoût du bouchot. Il y a encore de chaque côté un pieu auquel elle est saisie. Les boulets ou boutrons sont aussi pris & resserrés entre deux pieux, & le bout de la derniere nasse ou du boutron est soutenu d’un petit pieu ou d’une pierre.

Voilà la pêcherie la plus nuisible : le frai y entre, n’en sort plus, & périra ou sur les vases ou dans les nasses ou boutrons.

Les pêcheurs des écluses de bois ou bouchots n’ôtent la gonne à leur pêcherie que dans les grandes gelées, parce qu’alors le poisson gagne les grands fonds, & ils ne prennent que des plus petits qui s’enfouissent dans les vases sur lesquelles les bouchots sont placés. Ils cessent encore de pêcher depuis la S. Jean jusqu’à la S. Michel, à cause des araignées de mer & des ordures qui portées à la côte nuiroient plus qu’elles ne profiteroient à leurs pêcheries, s’ils les tenoient fermées. Les pêcheurs de basse-Normandie sont dans le même usage.

En obligeant ces pêcheurs de tenir ouvertes leurs pêcheries depuis le 1 Mai jusqu’au dernier Septembre, en cas qu’on ne les supprime pas tout-à-fait, on ne leur fera garder la police de l’ordonnance qu’un mois de plus.

Les bouchots de Champagne, dans l’amirauté de Poitou, ou des sables d’Olonne, ont au-moins chacun trois gorres, passes ou égoûts, ou bourgnes ou bourgnins, dont le bout finissant en pointe, entre dans la nasse appellée boutet, & le bout du boutet s’enguaîne aussi dans une plus petite nasse ou boutron ; & les lignes de bois qui forment ces derniers paniers sont si serrés que rien n’en peut échapper. Ajoutez à cet inconvénient l’étendue de ces pêcheries.

Le bout tronqué des bouchots à trois bourgnes a environ huit à dix piés de large. Le bout tronqué des bouchots à quatre bourgnes, est d’environ douze à treize piés. Les bourgnes sont ordinairement éloignées les unes des autres de deux cens brasses ; les aîles, pannes ou côtés en peuvent avoir soixante, quatre-vingt, cent de longueur. Les pieux du clayonnage sont environ de quatre piés hors de terre vers le rivage, & de cinq piés dans le fond à la mer : ils différent beaucoup en cela des bouchots de la baie de Cancale, qui sont très-élevés vers le fond ou à la bourgne. Les bouchots de Champagne ont d’ailleurs trois à quatre bourgnes, & ceux de Cancale n’en ont jamais qu’une.

Ces bouchots sont en très-grand nombre sur la côte, & très-irrégulierement distribués. Les fermiers y pêchent avec acons, la seule espece de bateaux plats qui puissent aller à leurs parcs posés sur un fond de vase. Les pannes, rangs ou côtés des clayonnages, ont aussi des mouliers ; ce qui est fort avantageux aux riverains, qui par la vente de ce coquillage sont en état de satisfaire à l’imposition, à leurs maîtres, & d’entretenir la pêcherie qui coûte beaucoup parce que le bois est rare.

Il y a des bouchots à claire voie dans l’amirauté de Coutance d’une structure particuliere. Ils sont formés de pieux hauts de trois piés au plus, vers l’angle de la pêcherie ; à mesure qu’ils approchent de l’égoût ou gorre, ils s’élevent davantage. Il y a entre eux quatre à cinq piés de distance ; ils ont deux à trois pouces de diametre. Leurs intervalles sont alors d’un clayonnage dont les tiges sont écartées de dix-huit à vingt lignes, & ne sont arrêtées que par des osiers. Ainsi il n’y peut rester que de gros poisson.

Ces pêcheries n’ont point de benastres. Il y a seulement en-dedans une espece d’étranglement placé vers l’ouverture qui en est resserrée. Il commence à sept ou huit piés de gorre, formé d’un petit clayonnage haut tout au plus de dix-huit pouces, & seulement un peu plus serré que celui des aîles ou côtés.

Nous avons souvent parlé de bourgnes. Il y a des pêcheries qui s’appellent aussi borgnes, ou bornets ou bourgnets, parce qu’elles ont une ouverture non-fermée du côté de la mer, ce en quoi elles different des bouchots qui ont une gonne, tonne ou gonastre, ou benastre de clayonnage. A la place de ces instrumens, c’est un guideau d’une hauteur double du clayonnage vers le fond. Le sac de ce guideau est monté sur des perches de dix à douze piés de haut que les pêcheurs enfoncent dans la vase sur laquelle leur pêcherie est établie.

Parcs hauts et bas parcs, terme de Pêche, sorte de pêcherie particuliere aux habitans de S. Valeri en Somme. Pour la faire ils vont dans leurs gobelettes à la fin du Jussant, entre les bans & l’embouchure de la Somme, aux endroits qu’ils ont reconnus propres. Ils y tendent différens filets de la maniere qui suit. Ils forment une grande enceinte ou parc en fer à cheval. Le fond en est exposé à la mer. A chaque bout ils pratiquent un retour en crochet d’environ six piés de long ; ce crochet est fait avec des piquets de trois à quatre piés de hauteur. Au centre il y a une ouverture de quinze à dix-huit pouces de largeur, qui sert d’issue au poisson qui suit les convolutions du retour en crochet, & qui va se rendre à ce cul-de-sac où la marée en se retirant le laisse à sec.

Le retour en crochet est ou rond ou quarré ; c’est à la volonté du pêcheur. Pour ne pas tendre inutilement, les pêcheurs s’assurent si le poisson donne à la côte, par les traits ou sillage qu’il laisse imprimés sur le sable lorsqu’il se retire avec la marée.

L’enceinte du crochet garnie de rets de bas parcs & de piquets, est montée d’une piece de trente à trente-cinq brasses de chaque côté. Pour la continuer on se sert de hautes perches de quatorze à quinze piés, qui suivent immédiatement les rets de bas parcs. Le pié des grandes perches est du côté de la mer : on les penche un peu vers la terre ; & c’est là-dessus que l’on place les rets de jets qui ont près de trois brasses de haut. Les pêcheurs ne les tendent point de mer basse ; ils se contentent de les arrêter seulement par le pié sur le bas des perches. Ainsi les jets sont en paquets le long de ces perches. Ils sont couverts d’un peu de sable, ainsi que les flottes ; pour les relever à la marée, on a mis au haut de chaque perche une petite poulie sur laquelle passe un cordage frappé sur la tête des jets. On a recouvert les filets de sable, afin que le poisson plat passât dessus aisément lorsqu’il monteroit dans la baie avec la marée.

Les perches qui servent aux rets de jets sont toujours dans les bassures entre les bancs ; l’enceinte se continue en y mettant alternativement des rets de bas parcs sur les piquets ou penchans. Ces rets tendent à demeure, parce que la marée qui survient les couvre facilement, & laisse passer le poisson sans le gêner ; ce qui n’arriveroit pas s’ils étoient tendus sur les hautes perches. Sur celles-ci ils placent des filets ; après ces filets placés sur les hautes perches, ils pratiquent des bas parcs jusqu’à ce que l’enceinte soit toute formée, observant que les crochets ou retours soient de rets de bas parcs montés sur leurs petits piquets.

Lorsque la marée est sur le point de s’en retourner, les pêcheurs hissent les lignes des poulies, dégagent les jets du sable qui les couvre, & les tient élevés à fleur d’eau, tandis qu’ils sont arrêtés au pié des perches, & qu’ils calent par des plombs. Ils restent ainsi tendus jusqu’à ce que la marée se soit retirée.

Ces sortes de pans ne prennent rien qu’au reflux de marée montante. Le fond exposé à la mer est ouvert par la distance des perches de jets, & les crochets des deux bouts regardent la terre.

On prend quelquefois beaucoup à cette sorte de pêcherie, sur-tout du poisson rond. Voyez ces parcs hauts-bas dans nos Planches.