L’Encyclopédie/1re édition/BESTIAIRES

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 213-214).

BESTIAIRES, s. m. pl. (Hist. anc.) chez les anciens Romains, étoient des hommes qu’on payoit pour combattre contre des bêtes sauvages, ou bien que la justice avoit condamnés à cette punition. Nous distinguons communément deux sortes de bestiaires ; les premiers étoient condamnés aux bêtes, soit comme ennemis faits prisonniers, ou comme esclaves & coupables de quelque crime énorme : on les exposoit les uns & les autres aux bêtes tout nuds & sans défenses ; il ne leur servoit même de rien de vaincre les bêtes & de les tuer ; car on en lâchoit toûjours de nouvelles sur eux, & le combat ne finissoit que par la mort des condamnés. Mais il arrivoit rarement qu’il en fallût deux pour le même homme ; deux hommes étoient souvent vaincus par une seule bête. Cicéron parle d’un lion qui en massacra lui seul deux cens. Les bestiaires qui succédoient aux premiers s’appelloient ἔφεδροι, & les derniers ἔσχατοι ; chez les Romains, meridiani. V. Gladiateur, Amphithéatre, &c.

Les Chrétiens étoient des bestiaires de cette espece ; quelques-uns même d’entr’eux, bien que citoyens Romains, n’en étoient pas exempts, quoiqu’ils dûssent l’être suivant les lois.

La seconde espece des bestiaires étoit composée, ainsi que l’observe Seneque, de jeunes gens qui pour acquérir de l’expérience au maniement des armes, combattoient quelquefois contre les bêtes, & quelquefois les uns contre les autres ; ou des braves qui vouloient bien s’exposer à ces dangereux combats pour montrer leur courage & leur adresse. Auguste excita les jeunes gens de la premiere qualité à ce genre d’exercice ; Néron s’y exposa ; & Commode pour en être sorti vainqueur, acquit le titre d’Hercule Romain.

Vigenere ajoûte deux autres especes de bestiaires : les premiers qui l’étoient par état, combattoient pour de l’argent ; les seconds qui se présentoient armés, & plusieurs ensemble, combattoient en liberté contre un certain nombre de bêtes. (G)