L’Encyclopédie/1re édition/AMPHITHÉATRE

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* AMPHITHÉATRE, s. m. Ce terme est composé de ἀμφὶ, & de θέατρον, théatre ; & théatre vient de θεάομαι, regarder, contempler ; ainsi amphithéatre signifie proprement un lieu d’où les spectateurs rangés circulairement voyoient également bien. Aussi les Latins le nommoient-ils visorium. C’étoit un bâtiment spacieux, rond, plus ordinairement ovale, dont l’espace du milieu étoit environné de siéges élevés les uns au-dessus des autres, avec des portiques en-dedans & en-dehors. Cassiodore dit que ce bâtiment étoit fait de deux théatres conjoints. Le nom de cavea qu’on lui donnoit quelquefois, & qui fut le premier nom des théatres, n’exprimoit que le dedans, ou ce creux formé par les gradins, en cone tronqué, dont la surface la plus petite, celle qui étoit au-dessous du premier rang de gradins & du podium, s’appelloit l’arene, parce qu’avant que de commencer les jeux de l’amphithéatre, on y répandoit du sable ; nous disons encore aujourd’hui, l’arene de Nîmes, les arenes de Tintiniac. Au lieu de sable, Caligula fit répandre dans le cirque de la chrysocolle ; Néron ajoûta à la chrysocolle du cinabre broyé.

Dans les commencemens, les amphithéatres n’étoient que de bois. Celui que Statilius Taurus fit construire à Rome dans le champ de Mars, sous l’empire d’Auguste, fut le premier de pierre. L’amphithéatre de Statilius Taurus fut brûlé & rétabli sous Néron. Vespasien en bâtit un plus grand & plus superbe, qui fut souvent brûlé & relevé : il en reste encore aujourd’hui une grande partie. Voyez Planche 2. de nos antiquités, fig. 1. l’amphithéatre de Vespasien, tel qu’il étoit jadis, & fig. 2. tel qu’il est à présent. Parmi les amphithéatres entiers ou à demi-détruits, qui subsistent, il n’y en a point de comparable au colisée. Il pouvoit contenir, dit Victor, quatre-vingts-sept mille spectateurs. Le fond ou l’enceinte la plus basse étoit ovale. Autour de cette enceinte étoient des loges ou voûtes, qui renfermoient les bêtes qui devoient combattre ; ces loges s’appelloient caveæ.

Au dessus des loges appellées caveæ, dont les portes étoient prises dans un mur qui entouroit l’arene, & sur ce mur, étoit pratiquée une avance en forme de quai, qu’on appelloit podium. Rien ne ressemble tant au podium qu’une longue tribune, ou qu’un grand peristyle circulaire. Ce podium étoit orné de colonnes & de balustrades. C’étoit la place des Sénateurs, des Magistrats, des Empereurs, de l’Editeur du spectacle, & des vestales, qui avoient aussi le privilége du podium. Quoiqu’il fût élevé de douze à quinze piés, cette hauteur n’auroit pas suffi pour garantir des éléphans, des lions, des léopards, des pantheres, & autres bêtes féroces. C’est pourquoi le devant en étoit garni de rets, de treillis, de gros troncs de bois ronds & mobiles qui tournoient verticalement, sous l’effort des bêtes qui vouloient y monter : quelques-unes cependant franchirent ces obstacles ; & ce fut pour prevenir cet accident à l’avenir, qu’on pratiqua des fossés ou euripes tout autour de l’arene, pour écarter les bêtes du podium.

Les gradins étoient au-dessus du podium : il y avoit deux sortes de gradins ou de siéges ; les uns destinés pour s’asseoir ; les autres plus bas & plus étroits, pour faciliter l’entrée & la sortie des premiers. Les gradins à s’asseoir étoient circulaires ; ceux qui servoient d’escalier, coupoient les autres de haut en bas. Les gradins de l’amphithéatre de Vespasien ont un pié deux pouces de hauteur, & deux piés & demi de largeur. Ces gradins formoient les précinctions ; & l’amphithéatre de Vespasien avoit quatre précinctions, ou baudriers, baltei. Les avenues que Macrobe appelloit vomitoria, sont des portes au haut de chaque escalier, auxquelles on arrivoit par des voûtes couvertes. Les espaces contenus entre les précinctions & les escaliers, s’appelloient cunei, des coins. Nous avons dit que les Sénateurs occupoient le podium, les chevaliers avoient les siéges immédiatement au-dessus du podium jusqu’à la premiere précinction, ce qui formoit environ quatorze gradins. On avoit pratiqué deux sortes de canaux, les uns pour décharger les eaux de pluie ; d’autres pour transmettre des liqueurs odoriférantes, comme une infusion de vin & de safran. On tendoit des voiles pour garantir les spectateurs du soleil, simples dans les commencemens, dans la suite très-riches. Le grand diametre de l’amphithéatre étoit au plus petit, environ comme 1 à 1.

Outre l’amphithéatre de Statilius Taurus & celui de Vespasien, il y avoit encore à Rome celui de Trajan. Il ne reste du premier & du dernier que le nom de l’endroit où ils étoient, le champ de Mars.

Il y avoit un amphithéatre à Albe, dont il reste, à ce qu’on dit, quelques vestiges ; un à Vérone, dont les habitans travaillent tous les jours à réparer les ruines ; un à Capoue de pierres d’une grandeur énorme ; un à Pouzzol, dont les ornemens sont détruits au point qu’on n’y peut rien connoître ; un au pié du Mont-Cassin, dans le voisinage de la maison de Varron, qui n’a rien de remarquable ; un à Orticoli, dont on voit encore des restes ; un à Hispella, qui paroît avoir été fort grand, & c’est tout ce qu’on en peut conjecturer ; un à Pola, dont la premiere enceinte est entiere. Chaque ville avoit le sien, mais tout est détruit ; les matériaux ont été employés à d’autres bâtimens ; & ces sortes d’édifices étoient si méprisés dans les siecles barbares, qu’il n’y a que la difficulté de la démolition, qui en ait garanti quelques-uns.

Mais l’usage des amphithéatres n’étoit pas borné à l’Italie ; il y en avoit dans les Gaules, on en voit des restes à Fréjus & à Arles. Il en subsiste un presqu’entier à Nîmes. Celui de Nîmes est d’ordre dorique à deux rangs de colonnes, sans compter un autre ordre plus petit qui le termine par le haut. Il y a des restes d’amphithéatres à Saintes ; ceux d’Autun donnent une haute idée de cet édifice ; la face extérieure étoit à quatre étages, comme celle du Colisée, ou de l’amphithéatre de Vespasien.

Pline parle d’un amphithéatre brisé, dressé par Curion, qui tournoit sur de gros pivots de fer ; ensorte que du même amphithéatre, on pouvoit, quand on vouloit, faire deux théatres différens, sur lesquels on représentoit des pieces toutes différentes.

C’est sur l’arene des amphithéatres que se faisoient les combats de gladiateurs (V. Gladiateurs.) & les combats des bêtes ; elles combattoient ou contre d’autres de la même espece, ou contre des bêtes de différente espece, ou enfin contre des hommes. Les hommes exposés aux bêtes étoient ou des criminels condamnés au supplice, ou des gens qui se loüoient pour de l’argent, ou d’autres qui s’y offroient par ostentation d’adresse ou de force. Si le criminel vainquoit la bête, il étoit renvoyé absous. C’étoit encore dans les amphithéatres que se faisoient quelquefois les naumachies & autres jeux, qu’on trouvera décrits à leurs articles.

L’amphithéatre parmi nous, c’est la partie du fond d’une petite salle de spectacle, ronde ou quarrée, opposée au théatre, à sa hauteur, & renfermant des banquettes paralleles, & placées les unes devant les autres, auxquelles on arrive par un espace ou une allée vuide qui les traverse depuis le haut de l’amphithéatre jusqu’en bas ; les banquettes du fond sont plus élevées que celles de devant d’environ un pied & demi, en supposant la profondeur de tout l’espace de dix-huit piés. Les premieres loges du fond sont un peu plus élevées que l’amphithéatre ; l’amphithéatre domine le parterre ; l’orchestre qui est presque de niveau avec le parterre, est dominé par le théatre ; & le parterre qui touche l’orchestre, forme entre l’amphithéatre & le théatre, au-dessous de l’un & de l’autre, un espace quarré profond, où ceux qui sifflent ou applaudissent les pieces sont debout.

Amphithéatre, en Anatomie, est un lieu où sont des gradins, ou rangs de siéges élevés circulairement les uns au-dessus des autres. Ces gradins ou siéges occupés par les étudians en Anatomie, ne forment quelquefois que la demi-circonférence ; dans ce cas l’amphithéatre est en face du démonstrateur ; mais si les gradins regnent tout autour de la salle, le démonstrateur en Anatomie occupe le milieu de l’arene, & ses éleves l’environnent, rangés comme dans un cone creux, tronqué & renversé.

Amphithéatre de Gason ou Vertugadin, en Jardinage, est une décoration de gason pour régulariser un côteau ou une montagne, qu’on n’a pas dessein de couper & de soûtenir par des terrasses. On y pratique des estrades, des gradins & des plain-pieds, qui vous montent insensiblement dans les parties les plus élevées. On orne ces amphithéatres de caisses, d’ifs, de pots, de vases de fayence remplis d’arbrisseaux & de fleurs de saison, ainsi que de figures & de fontaines. (K).