Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 3/111-120

Fascicules du tome 3
pages 101 à 110

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 3, pages 111 à 120

pages 121 à 130


Le nominatif, le génitif, le datif. Ce verbe gouverne le datif. Deux datifs de suite choquent extrêmement les oreilles délicates, quand ils ont tous deux le même article ; & ceux qui veulent écrire poliment doivent les éviter avec soin ; comme, On remédie à l’attache à son sens. Si ses deux articles n’étoient pas les mêmes, cela ne choqueroit pas tant. Par exemple, renoncer à l’attache au jeu. Bouh.

Datif, en Jurisprudence, n’est d’usage que dans ces phrases : Tuteur & Curateur datif, tutelle & curatelle dative. On appelle tutelle & curatelle datives, celles qui sont ordonnées d’autorité de Justice, par opposition aux tutelles & curatelles légitimes & testamentaires, qui sont déférées par la Loi ou par le testament. On dit dans le même sens tuteur & Curateur datif de celui auquel la tutelle ou curatelle est déférée par le Juge. Commissa, designata tutela.

Quand un propriétaire est mineur, on lui donne un Tuteur pour son fief. Cela s’appelle dans le Droit d’Allemagne tutelle dative. Spener a fait un Traité de la tutelle dative des arrières-Vassaux de l’Empire. Quelques Auteurs prétendent que c’est à l’Empereur à donner un Tuteur à ces arrières-Vassaux : d’autres soutiennent que c’est au Seigneur Féodal immédiat à le donner pour le fief qui dépend de lui. Spener est pour ce dernier sentiment.

Datif. s. m. Nom d’homme. Dativus. Voyez M. Chastelain, Martyrologe, au 27e de Janvier, & au onzième de Février, p. 611 & 614.

☞ DATION. s. f. Terme de Jurisprudence, acte par lequel on donne quelque chose. Datio. Elle diffère de la donation, en ce que celle-ci est gratuite, au lieu que la dation consiste à donner quelque chose, sans qu’il y ait aucune libéralité. Dation de Tuteur, dation en payement

DATISME. s. m. Manière de parler, qui consiste à dire la même chose en plusieurs mots, & à accumuler synonymes sur synonymes. Datismus. Ce mot se forma autrefois en Grec du nom d’un Satrape Persan nommé Datis, qui étant en Grèce, & affectant de parler Grec, entassoit synonymes sur synonymes pour dire la même chose de sorte que pour dire, par exemple, qu’il avoit de la joie de quelque chose, il disoit : J’ai bien de la joie, je me réjouis, je suis ravi, je suis bien aise, & je triomphe de ce que, &c. croyant par là donner à son discours plus de force & plus d’expression, &c. Les Grecs appelèrent ces sortes de battologies ou d’inutilités des Datismes, mais ce mot n’est point en usage en François. On ne s’en sert que dans des ouvrages d’érudition. Aristophane, dans sa pièce intitulée la Paix, appelle le datisme le ramage ou le chant de Datis.

DATIVE. adj. Voyez Datif.

Dative, est aussi un nom propre de femme. Il y a une sainte Dative du cinquième siècle. Voyez Baillet au sixième de Décembre.

DATTE. s. f. On écrit aussi date, & on devroit écrire Dacte. C’est le fruit du palmier. Palma, palmula, palmæ pomum, dactylus, phœnicia Balanus. Ce fruit se cueille en automne avant qu’il soit mûr, & est semblable à nos pruneaux de Tours : alors il est vert en couleur, âpre & astringent. Quand les dattes sont mûres, elles deviennent rousses, ayant un noyau dur, longuet & fendu par en bas, de couleur grise, & enveloppé d’une pellicule déliée, mince & blanche. Son écorce ou sa couverture, que les Anciens appeloient élaté, ou spata, quand elles sont en fleur, sont fort différentes, & ont autant de diversité de couleurs que les figues. Il y en a de noires, de blanches & de rousses. Il y en a de rondes comme des pommes, & fort grosses. Ordinairement elles sont rondes & oblongues, charnues, jaunes, un peu plus grosses que le pouce, & assez agréables au goût. Il y en a de petites comme des pois chiches ; d’autres grosses comme une grenade. Les meilleures sont les dattes rondes. Il y en a une autre espèce qu’on appelle carjotes, qui sont aussi fort bonnes. Les unes ont des os, ou noyaux ; les autres n’en ont point. Les unes les ont mous, les autres, tendres. Les dattes sont astringentes, sur-tout quand elles ne sont pas mûres. Les dattes ne sont guère en usage dans la plupart des Provinces de France, que pour la médecine ; elles adoucissent les âpretés du gosier, fortifient l’enfant au ventre de la mère, appaisent toutes sortes de flux de ventre, & sont un fort bon remède pour les incommodités des reins & de la vessie. Ce qu’elles ont de mauvais, c’est qu’on les digère difficilement, qu’elles causent des douleurs de tête, & qu’elles produisent un sang crasse & mélancolique. Ces effets viennent des principes qu’elles contiennent, car on en tire médiocrement d’huile, beaucoup de flegme & de sel essentiel : l’huile & le flegme les rendent humectantes & nourrissantes, propres à adoucir les âcretés de la poitrine, & à appaiser la toux ; le flegme & le sel les rendent détersives, astringentes, & convenables pour les maladies de la gorge : du reste, elles sont un aliment grossier, plein d’un suc terrestre, & causent des obstructions dans les viscères c’est pour cela que ceux qui vivent de dattes deviennent scorbutiques, & perdent leurs dents de bonne heure.

Les dattes nous viennent d’Egypte, de Syrie, d’Afrique & des Indes. On dit qu’elles ne viennent point à maturité en Italie, & qu’elles conservent toujours un goût âpre & désagréable dans les endroits de l’Espagne qui sont situés sur le bord de la mer. On dit aussi que quelques peuples d’Orient font du vin & du pain de dattes. La Provence fournit d’assez bonnes dattes, mais elles ne se conservent pas, & les vers s’y engendrent aisément. Voyez M. Lémery, Traité des alimens.

Les dattes sont le plus excellent fruit de tous ceux de Perse. Elles passent en grosseur, en couleur & en goût toutes les autres que la nature fait croître en toutes les parties du monde. Celles de Jarum & de Horum, sont les meilleures de toute la Perse. Ambassade de Garcias de Sylva Figueroa, p. 93. & 94. &c. De grosses grappes de dattes. Au même endroit. Celles de Lura sont aussi excellentes. Elles sont grosses comme les prunes que les Espagnols appellent Ciruelas de frayles. Il y en a de brunes & d’autres noires. La diversité en étoit si grande, que l’on étoit étonné de voir tant d’espèces différentes d’une même sorte de fruit, car les unes étoient longues, les autres plus ou moins rondes ; les unes d’une forme toute particulière, que l’on n’avoit pas encore vue, & les autres fort petites, & rondes comme des griottes ; mais sans comparaison meilleures & plus excellentes que les autres. Id. Il dit qu’une grappe des plus petites pesoit jusqu’à trente livres. Ils appellent les dattes, Tamaras. Id.

Le nom de datte, qu’on dit pour celui de dacte, vient de dactylus, formé de δάκτυλος, doigt, parce que les dattes ressemblent au bout du doigt, étant rondes & oblongues.

Datte. s. f. Est aussi le nom d’une espèce de prunes. Les dattes sont du nombre des prunes qui ont la chair aigrette & durette, dit la Quintinie ; c’est-à-dire, un peu aigre & un peu dure. La grosse datte est blanche, on l’appelle autrement Impériale blanche. Id.

DATTIBES. s. m. Terme de Relation. Cinquième mois chez les habitans de l’Île Formose. Voyez la description de cette Ile imprimée à Amsterdam en 1705.

DATTIER. s. m. Arbre qui porte les dattes. Palma. V. Palmier.

DATTILLE. s. f. Nom d’une espèce de prunes. Les dattilles sont des prunes longuettes. La Quint. La dattille est rouge. Id.

DATURA. s. f. Plante qui est une espèce de stramonium, & qui vient de la hauteur d’un homme. Ses tiges sont grosses & ses feuilles larges, échancrées comme celles du pied d’oie, mais plus dentelées, & quatre ou cinq fois plus grandes, & d’une puanteur abominable. Ses fleurs sont blanches, semblables en quelque manière à un verre à boire, & d’une odeur agréable, mais foible. Son fruit est une fois aussi gros qu’une noix commune avec son écorce, un peu long, de la figure d’une poire, & garni de piquans : il contient beaucoup de semence noire, applatie, & d’une odeur désagréable. Sa racine est composée de quantité de fibres. Les fleurs & la semence de la datura troublent & aliènent l’esprit, & causent une espèce de folie qui dure 24. heures : pendant le tems que dure cette ivresse ou cette folie, on ne fait que danser, rire, ou pleurer. Les voleurs en jettent dans les viandes de ceux qu’ils veulent voler. Les femmes de mauvaise vie en font prendre aussi à leurs Amans, & quelques-unes à leurs maris, afin de faire en toute liberté tout ce qu’elles voudront. Le meilleur remède contre ce poison, est de faire vomir ceux à qui l’on en a donné. On dit aussi que pour les faire revenir plutôt à eux, il n’y a qu’à leur plonger les pieds dans de l’eau froide. Solanum fœtidum pomo spinoso oblongo.

La plante datura est celle que les Espagnols appellent dutroa, les Arabes burlatoria, les Persans & les Turcs marona.

DAU.

DAVANTAGE. adv. En termes de comparaison, plus. Magis, plus, amplius. Il ne faut pas aimer davantage un enfant que l’autre. Régulièrement davantage ne régit rien, & n’a point de que après lui. Ainsi l’exemple qui précède est vicieux. Cependant quelques uns en font un comparatif. Il a bien davantage de peine à se venger d’une injure, qu’à l’oublier. Maucr. Dès qu’on est un homme de bien, on ne doit rien souhaiter davantage. On ne s’humilie point par humilité, ce n’est que pour se faire estimer davantage. S. Evr. Les premiers plaisirs de chaque engagement ont je ne sais quoi de piquant qui excite le desir de s’engager davantage. Je vois bien le remède à tous mes maux, & je serois bientôt guérie si je ne vous aimois plus ; mais j’aime mieux souffrir encore davantage, que de vous oublier. Lettres Portugaises.

Un certain amour de respect,
Amour d’ordinaire suspect,
Et qui demande davantage,
Qu’il ne paroît sur son visage. Saras.

Davantage & plus, synonymes. Davantage se met à la fin de la phrase, plus ne s’y met point. Il a plus de science que son frère. Il a peu de vertu, son frère en a davantage. On parleroit mal en disant ; il a davantage de bonne foi que son frère : il a peu de vertu, son frère en a plus.

☞ Dans certains endroits on peut mettre davantage ou plus devant que. Vous me reprochez que je suis emporté, je ne le suis pas davantage que vous. Cependant si l’on répétoit l’adjectif, il faudroit mettre plus. Je ne suis pas plus emporté que vous. En général, quand il y a un que qui suit, il vaut mieux se servir de plus ; mais éloigné du que, davantage a bonne grace au milieu du discours. Il n’y a rien qu’il faille éviter davantage en écrivant, que les équivoques. Lorsqu’il n’y a point de que qui suive, on met davantage au milieu & à la fin. Bouh.

Davantage, signifie encore plus long-tems. Je ne vous romprai pas davantage les oreilles. Je ne vous en parlerai point davantage.

Davantage signifie quelquefois de plus. Præterea. En ce sens il est vieux & hors d’usage.

DAUBE, s. f. Cuisson d’une viande qu’on larde au gros lard, avec des assaisonnemens convenables. Condita lardo, vino, & aromatis caro. Un gigot à la daube. Une daube d’une oie, &c.

Daube se prend aussi pour la viande qui est assaisonnée de cette sorte. Servir une daube. Académie Françoise.

DAUBER, v. a. Battre à coups de poing. Pugnis ferire. On l’a bien daubé. Se dauber. Pugnis certare, contendere. Il est populaire.

Dauber, signifie figurément, médire de quelqu’un, le railler, le jouer. Il est populaire, quelquefois employé dans le style familier. Detrectare de aliquo, maledicere, alicui illudere. C’est un homme qui daube tout le monde ; mais si-tôt qu’il est sorti, les autres daubent sur lui. Je les dauberai tant qu’ils se rendront sages. Mol.

De tout tems votre langue a daubé d’importance. Idem.

Daubé, ée. part.

DAUBEUR. s. m. Joculator. Ne se prend guère que dans le sens figuré, pour un homme qui prend plaisir à médire des autres, à les railler, à leur nuire par de faux rapports. M. de la Fontaine s’est heureusement servi de ce mot dans sa Fable du Lion, du Loup & du Renard. Il applique cette Fable aux Courtisans, qui se daubent les uns les autres. Au reste, ce mot n’est que du style familier.

Messieurs les Courtisans, cessez de vous détruire,
Faites, si vous pouvez, votre cour sans vous nuire,
Le mal se rend chez vous au quadruple du bien,
Les daubeurs ont leur tour d’une ou d’autre manière,
Vous êtes dans une carrière
Où l’on ne se pardonne rien.

DAUCUS. s. m. Plante qu’on appelle autrement carotte, dont il y a plusieurs espèces. Le daucus des Apothicaires, qui est le panais sauvage de Dioscoride, a sa racine d’un goût piquant & de la grosseur du doigt : ses tiges d’une coudée & demie, cannelées, velues & moëlleuses ; ses feuilles découpées fort menu, & d’un vert obscur ; ses fleurs blanches, disposées en parasol ; elles sont suivies de semences, qui sont petites, arrondies sur le dos, & garnies de poils. Le daucus est diurétique, & propre pour les affections de la matrice. On s’en sert dans la toux, dans la pleurésie, & pour provoquer les mois. La semence est le plus en usage. Daucus officinarum, ou pastinaca sylvestris tenuifolia Dioscoridis. Il y a une plante qui est en usage en Médecine, & qu’on appelle daucus de Candie. C’est une espèce de liveche, ou ligusticum. Sa tige est de la hauteur d’un pied & demi, ou environ, ronde & velue. Ses feuilles sont assez semblables à celles du fenouil. Ses fleurs sont petites, blanches & disposées en parasol. Sa semence est longue, blanchâtre, velue, âcre & aromatique : sa racine longue, & de la grosseur du doigt. Il n’y a que la semence qui soit en usage ; elle est bonne dans les obstructions & dans la suffocation de la matrice, dans la colique venteuse, dans le hoquet & dans l’ardeur d’urine. En Latin, daucus creticus, ou daucus foliis fœniculis tenuissimis. Voyez Carotte.

Vin de daucus. Daucites vinum. On prépare ce vin en mettant six onces de daucus pilé dans un ceramium de moût, & en les coulant ensuite. Ce vin est bon pour les maux de la poitrine, des hypocondres & de l’uterus. Il excite les règles & les éructations, & est fort utile pour la toux, les convulsions & les ruptures des vaisseaux capillaires. Dioscoride. L. V. c. 10.

DAUDAU. Voyez DODO.

DAVERIDION. s. m. Huile d’aspic.

DAUFERS, ou TAUFERS. Petite ville du Tirol en Allemagne. Dauferia. Elle a titre de Comté, & elle est située dans l’Evêché de Brixen, sur la rivière d’Aycha, au-dessous de la ville de Brixen.

DAUGREBOT. s. m. Petit vaisseau à un pont dont se servent les Hollandois pour la pêche sur le Drogebanc. Navigiolum piscatorium. Quelques-uns écrivent dogrebat, & d’autres disent simplement dogre. Les daugrebots ont un réservoir dans le fond de cale, une fougue de beaupré, une grande voile, & un hunier au-dessus : leur pont est plat ; ils n’ont point de chambre à l’arriere, mais ils en ont une à l’avant : ils sont bas & étroits à l’avant & à l’arrière.

DAVID, s. m. Nom que donnent quelques Menuisiers à une barre de fer carrée qui a un crochet en bas, & un autre qui monte & descend le long de la barre. C’est ce qu’on appelle plus communément Sergent.

David Georgien, enne. s. m. & f. Nom de Sectaire. Voyez DAVIDIQUE.

DAVIDAN. Lieu des Indes, où se retirent la plupart des habitans de Gomron pendant les grandes chaleurs : il est à quatre ou cinq journées de Schiras, & l’un des plus agréables de la Perse.

DAVIDIQUE. s. m. & f. Nom de Secte. Sectateur de David George. Davidicus. David George, Vitrier, ou selon d’autres, Peintre de Gand, & fils d’un Batelier, commença en 1525 à prêcher une nouvelle secte. Il publioit qu’il étoit le vrai Messie, qu’il étoit envoyé pour remplir le ciel qui étoit vide, faute de gens qui le méritassent. Il nioit la résurrection, comme les Saducéens ; il rejetoit le mariage, avec les Adamites ; il soutenoit avec Manès, que l’ame n’étoit point souillée par le péché ; il se moquoit de l’abnégation tant recommandée par J. C. & du martyre, aussi bien que de ceux qui le souffroient. Telles étoient ses principales erreurs. Il se sauva de Gand, & se retira d’abord en Frise, puis vint à Bâle, où il déguisa son nom, & prit celui de Jean Bruck. Il mourut en 1556. Il laissa quelques disciples cachés, auxquels il avoit promis de ressusciter trois ans après sa mort. Il ne fut pas tout-à-fait faux Prophète ; car les Magistrats de Bâle ayant été informés au bout de trois ans de ce qu’il avoit enseigné, le firent déterrer, & brûler avec ses écrits par le ministère du bourreau. Il y a encore des restes de cette secte ridicule dans le Holstein, sur-tout à Fridérikstadt, où ils sont mêlés avec les Arminiens. Voyez Gautier, Chronic. Sæc. XVI. c. 8. & Alexander Rossæus Anglois.

DAVIER, s. m. Terme de Dentiste. Instrument de Chirurgie qui sert à arracher les dents. Dentarpaga, forceps, ou forceps dentiducus. Il est fait en forme de tenailles, dont les pointes sont fourchues, & entrent l’une dans l’autre. Le bout du davier qui embrasse la dent est recourbé, & tendu en fourchette, pour la tenir avec plus de fermeté. Le davier est un instrument des plus anciens de la Chirurgie, duquel on s’est servi de tout tems. Dionis.

Davier, est aussi un outil de fer à bec crochu, dont se servent les Tonneliers pour faire entrer les cerceaux autour du tonneau. Forfex doliarius.

☞ Les Imprimeurs donnent aussi le nom de davier à une petite patte de fer ou de bois, qui placée entre les deux couplets, sert, au moyen d’une vis qui traverse le grand tympan, à maintenir par en-bas le petit tympan dans l’embrasure du grand.

DAVIS. Le détroit de Davis est un bras de mer entre les Îles de Cumberland & la côte de Groenland. Il s’étend depuis la baie de Basin, qu’il a au couchant & à la mer du Nord, qu’il joint vers l’Île de S. James, ou de S. Jacques. Il a pris son nom de Jean Davis, Anglois, qui le découvrit en 1585, & qui y fit trois voyages, pour chercher un passage dans la met du Sud : ce qu’on a encore tenté depuis bien des fois, & toujours inutilement. Rochefort, dans son Voyage des Antilles, T. I, fait une grande description du pays & des peuples voisins de ce détroit.

DAULET-ABAD. Voyez DOLTABAD.

DAULIES. s. f. pl. Fêtes que célébroient les Argiens, pour renouveler le souvenir du combat de Jupiter-Protée, contre Acrisius au sujet de Danaé.

DAULLONTUS. s. m. C’est un arbrisseau de l’Amérique, haut comme un homme, fort fameux, dont les branches s’étendent tellement, qu’il les faut souvent couper. Ses feuilles ressemblent à la balsamine, découpées en leurs bords. Ses fleurs naissent en grappe comme le sureau, auxquelles succèdent des baies amères. Cette plante a l’odeur & les qualités de la camomille. On se sert des baies pour l’asthme & pour la colique.

DAUMA. Royaume d’Afrique, dans la Nigritie. Il a pour bornes celui de Madra à l’orient, le désert de Seht au septentrion, celui de Seu à l’occident, & le Royaume de Semen au midi.

Dauma. Ville des Indes, dans la grande Java.

DAUMUR. s. m. C’est une espèce de serpent qui entre dans la composition de la thériaque. Johnson.

☞ DAUN. Petite ville de l’Electorat de Trêves, sur la Lezer, à cinq lieues île Montroyal. Dauna.

DAVOS ou TAFAAS. Communauté des Grisons, & la première de la troisième Ligue, qui est celle des dix Droitures ou Jurisdictions. Elle tire son nom de son principal village, & occupe une partie du quartier oriental de la Ligue.

DAUPHIN, s. m. Poisson de mer voûté sur le dos, & couvert d’un cuir lice & sans poil. Il a le museau rond & long, la fente de la bouche longue, avec des petites dents aiguës, la langue charnue, sortant dehors, & un peu découpée al’entour, le dos noir, le ventre blanc, une nageoire au milieu du dos, deux au milieu du ventre. Sa chair ressemble à celle du bœuf ou du pourceau. Rond. Delphinus. La chair du Dauphin est solide, compacte & grossière, elle ne laisse pas d’être estimée en quelques endroits, où on la sert sur les meilleures tables ; elle nourrit beaucoup, mais elle ne se digère pas aisément. La langue & le foie du dauphin sont d’un goût plus délicat que ses autres parties, mais le foie est un assez mauvais aliment, la langue est meilleure pour la santé. On dit que le dauphin est ami de l’homme, qu’il n’en est point épouvanté, & que pour en voir il va au devant des vaisseaux, & joue tout autour en sautant. Les Poëtes ont feint qu’Arion fut sauvé par un dauphin qu’il avoit attiré par le son de sa lyre ; & depuis que la fable est inventée, on a dit que le dauphin aime la musique & le son des instrumens.

Le Dauphin est nommé la flèche de la mer, & quelquefois oie de la mer, parce que son museau a quelque ressemblance avec le bec d’une oie. Il est agréable à la vue, & d’une couleur qui change selon les divers mouvemens qu’il fait. Ses écailles sont fort petites. Il est de meilleur goût que tous les autres poissons. Sa chair a un goût de sauvagine. Il suit les vaisseaux plutôt pour profiter de ce qu’on jette hors le bord, que pour aucun amour qu’il ait pour les hommes. Les poissons volans sont la proie des dauphins & des bonites. On dit que quand ils sont en amour, ils s’accouplent comme les hommes. Ils vont en troupe, & se montrent fréquemment sur la surface de l’eau quand la mer est calme. On prit des dauphins d’une grosseur si prodigieuse, qu’il n’y avoit point de cheval qui approchât de leur taille. On en prit aussi à Gravesend qui n’étoient gueres moins grands. On ne doit donc point douter de l’existence du poisson dauphin ; mais le dauphin est un poisson chimérique & fabuleux, si l’on entend par ce mot un poisson tout-à-fait semblable aux figures de dauphins que l’on voit dans les armes & sur la couronne du Dauphin de France, dans les tableaux, dans les estampes, & dans les ouvrages de broderie, de sculpture. &c. mais il y a de véritables poissons qu’on appelle dauphins : ce mot est génétique, & comprend plusieurs espèces de poissons cétacés, qui sont le dauphin proprement dit, le marsouin, le thon, l’amia, le lamantin. Le Dauphin proprement dit, dont il est parlé ci-dessus, est très-agile, il nage avec beaucoup de vitesse, & saute fort haut hors de l’eau, il va quelquefois avec tant d’impétuosité, sur-tout quand il poursuit sa proie, qu’il s’avance trop près des terres, ce qui le fait prendre aisément, parce qu’il ne peut plus retourner en pleine mer. Quelques Naturalistes disent que la même chose lui arrive, lorsqu’il est piqué par certains petits poissons, qui le poursuivent & le tourmentent d’une manière si insupportable, qu’il est obligé de se jeter hors de l’eau pour les éviter. Les Anciens, Ovide & Pline, disent que le dauphin meurt aussi tôt qu’il est hors de l’eau, mais l’expérience est contraire à ce qu’ils avancent ; Rondelet dit qu’il a vu des dauphins vivans qui avoient été transportés de Montpellier à Lyon. Le dauphin a la vue très-bonne, & il découvre les poissons qui lui servent de proie, quelque cachés qu’ils soient. On dit que son cri ressemble à la voix d’une personne qui gémit, & qui se plaint ; qu’il se trouve quelquefois des dauphins dans l’eau douce, quoiqu’ils soient ordinairement dans la mer : il s’en voit dans toutes les mers du monde ; ils sont dix ans à prendre leur accroissement, & vivent trente ans.

Le nom dauphin vient du Latin delphinus, formé du Grec Δελφίς, ou Δελφίν. On trouvera dans Vossius tout ce que l’antiquité a dit des dauphins, De Idol. L. IV. C. 3. 8. 9. 12. 14. 16. 19. 21. 32. 37. 48.

Sur les médailles le dauphin entortillé à un trident, ou à une ancre, marque la liberté du commerce & l’empire de la mer. Quand il est joint à un trépied d’Apollon, il marque le sacerdoce des Quindecemvirs, qui pour annoncer leurs sacrifices solennels portoient la veille un dauphin au bout d’une perche par la ville, & regardoient ce poisson comme consacré à Apollon. P. Joubert.

Le dauphin céleste est une constellation de l’hémisphère septentrional, qui consiste en dix étoiles de la nature de Saturne, venteuses & orageuses. Delphinus cœlestis.

DAUPHIN. s. m. Titre des Princes du Viennois en France. Delphinus. Guigues André est le premier qui s’est fait un titre d’honneur de celui de Dauphin. Chorier. T. II. p. 38. La plupart de ceux qui ont cherché l’origine au nom de Dauphin & Dauphiné, ont trop donné de liberté à leur imagination. Les uns ont cru qu’il est venu des Auffinates, ancien peuple dont Ptolemée & Pline font mention ; mais ces Auteurs logent les Auffinates au-delà des Alpes, dans la Gaule Cisalpine. D’autres écrivent que les Allobroges l’ont apporté de Delphes en ce pays. D’autres, que la figure d’un dauphin a occupé le champ de l’écu du Roi Boson. D’autres, que les Princes, qui ont dominé dans le Viennois après Boson, ont choisi ces armes, comme un symbole de leur douceur & de leur humanité. D’autres, qu’elles furent données par un Empereur qui faisoit la guerre en Italie, mais qu’ils ne nomment point, à un Gouverneur de cette Province, qui lui avoit amené un puissant secours en une nécessité pressante, avec tant de vitesse qu’elle mérita d’être comparée à celle d’un dauphin. Thaboct s’est figuré que ce mot est Gothique. Il donne la même origine à ceux de Bresse, de Savoie, de Beaujeu & de Forez. Claude de la Grange croit que ce mot s’est formé de celui de Viennois qui étoit le nom ancien de cette Province, Provincia Viennensis. Quand on demandoit, dit-il, à un homme de cette Province d’où il étoit, il répondoit Du Viene, & le Prince de ce pays s’appeloit le Prince Do Viene, & l’v se changeant en f, à l’ordinaire, le Prince Dofiene, & les deux e étant retranchés, le Prince Dauphin, ou plutôt ie, ne se prononçant que comme un i long, ainsi que font encore les Allemans, & puis se changeant en un seul i, parce que l’e étoit inutile ; ensuite le dernier e étant féminin & muet, & ne se prononçant point, on l’a aussi retranché. Ainsi s’est fait Dofiene, Dofien, Dofin, Dauphin. L’opinion où l’on a été que ce nom venoit de Delphinus, a fait mettre un au & un ph. Chorier prétend que ce n’est là qu’une ingénieuse anagramme & une subtilité ridicule. D’autres disent que Gui le Gras eut une fille qu’il aima beaucoup ; qu’elle s’appeloit Dauphine, & que pour immortaliser son nom il le donna à son pays. L’opinion de quelques autres est que le dernier Comte d’Albon, de qui les biens entrèrent, comme ils disent, dans la maison des Comtes de Grésivaudan, par le mariage de sa fille unique avec le premier Gui, s’appeloit Dauphin. L’aîné de son gendre étant obligé de prendre son nom, comme lui, fut appelé Dauphin, & porta un Dauphin dans ses armes. André du Chesne veut que ce soit le petit-fils de Gui-le-Gras qui ait eu le premier le nom de Dauphin : il ne croit pas néanmoins que ce soit pour la raison qu’on vient de dire, mais parce qu’il lui fut imposé au baptême, & joint à celui de Gui, qu’il porta aussi. Chorier ne trouve rien de solide dans toutes ces opinions. Il remarque donc que Guillaume, Chanoine de Notre-Dame de Grenoble, qui a composé la vie de Marguerite fille d’Etienne, Comte de Bourgogne, mariée à Gui, fils de Gui-le-Gras, nomme simplement celui-ci, Gui-le-Vieux ; & toujours Comte Dauphin, celui-là, que nul Auteur, nul monument n’attribue le titre de Dauphin à Gui-le-Gras ni à aucun de ses Prédécesseurs ; de sorte qu’il faut nécessairement qu’il ait commencé à son fils, dont le successeurs se le sont si constamment attribué, qu’il est devenu le nom propre de leur famille. Il mourut l’an 1142 en la fleur de sa jeunesse ; si bien que c’est environ l’an 1120 que ce titre a commencé, & sans doute, dit-il, dans quelque occasion célèbre. Il remarque en second lieu que ce Prince étoit très-belliqueux, n’aimant que la guerre. Il remarque en troisième lieu que c’étoit la coutume des Chevaliers de charger leurs casques, leurs cotes d’armes, & la housse de leurs chevaux, de quelque figure qui leur étoit particulière, & par laquelle on les distinguoit des autres qui entroient comme eux dans un combat, ou dans un tournoi. De tout cela il conjecture que ce Gui choisit le Dauphin, qu’il en fit le timbre de son casque, qu’il en chargea sa cote d’armes & la housse de son cheval en quelque tournoi célèbre, ou en quelque grand combat où il se distingua ; qu’il y fut appelé le Comte du Dauphin, & puis le comte Dauphin, & il ne doute nullement que ce ne soit de-là que ce nom est venu à lui & à ses descendans.

M. le Président de Valbonnet parle plus juste sur cela. Guigues-le-Gras, fils de Guigues-le-Vieux, épousa Mathilde, que l’on a cru sortie d’une Maison Royale, parce qu’elle a le nom de Regina dans plusieurs titres. Ils eurent un fils nommé Guigues, qui est appelé Delphinus dans un acte passé entre lui & Hugues II, Evêque de Grenoble, vers 1140. Guigo Comes, qui vocatur Delphinus. C’est ce qui a fait dire à quelques Historiens, qu’il n’étoit pas nécessaire pour découvrir l’origine du nom de Dauphin & de Dauphiné, d’avoir recours à des voyages d’outremer, où les Comtes de Grésivaudan aient pris pour armes ou marques de distinction sur leurs écus un Dauphin, & s’en soient fait ensuite un nom de dignité. En effet, cette conjecture n’est appuyée d’aucune preuve. Il n’est pas vrai d’ailleurs que la première & la seconde race de ces Princes aient eu pour armes un Dauphin, puisqu’à peine en peut-on trouver aucun avant Humbert I qui l’ait mis dans son écu. Il est plus vraisemblable que le surnom de Dauphin, que ce Guigues porta le premier, plut assez à ses successeurs pour l’ajouter à leur nom, & pour s’en faire un titre, qui s’est conservé ensuite parmi ses descendans. Rien n’étoit plus commun en ces tems-là que de voir les noms propres devenir des noms de famille, ou de dignité. Les Ademars, les Arthauds, les Aynards, les Allemans, les Bérengers, & une infinité d’autres, ne doivent leurs noms qu’à quelqu’un de leurs ancêtres, qui a transmis dans sa famille un nom qui lui étoit particulier. Valbonnet, p. 2 & 3.

Les Seigneurs d’Auvergne ont aussi porté le nom de Dauphin, & l’on dit Dauphin d’Auvergne, comme Dauphin de Viennois. Mais les Dauphins d’Auvergne n’ont eu ce nom qu’après les Dauphins de Viennois, & l’ont même reçu d’eux ; voici comment. Gui VIIIe, Dauphin de Viennois eut de Marguerite, fille d’Etienne, Comte de Bourgogne, un fils & deux filles ; le fils fut Gui IXe, son successeur. Béatrix, l’une de ses filles, fut mariée au Comte d’Auvergne, qui fut, au rapport de Blondel, Guillaume V, ou plutôt, comme le croient Christophe Justel & Chorier, Robert VI, pere de Guillaume V. Ce prince perdit la plus grande partie du Comté d’Auvergne, que son oncle Guillaume lui enleva à la faveur des armes de Louis le jeune ; & ne resta maître que d’une petite partie, dont Vodable est la capitale. Il eut de Béatrix sa femme un fils qu’il nomma Dauphin, à cause du Dauphin Gui, ou Guigues, son aïeul maternel. Depuis lui, ses successeurs qui possédèrent cette petite partie de l’Auvergne, se sont qualifiés Dauphins d’Auvergne, & ont porté un Dauphin dans leurs armes, semblable à celui des Comtes de Forez. Robert & Béatrix vivoient vers la fin du XIIIe siècle ; ainsi l’époque du titre de Dauphin d’Auvergne n’est que du commencement du XIIIe siècle ou environ. Voyez Chorier, Hist. de Dauphiné, L. XI, T. I, p. 778 & 799, & T. II, pag. 104.

Dauphin. Titre qu’on donne à l’aîné des enfans de France, à l’héritier présomptif de la Couronne, à cause du Dauphiné, qui fut donné à cette condition par Humbert, Dauphin de Viennois, en 1345, sous le règne de Philippe de Valois. Delphinus, Princeps Galliæ Regis filius natu major. M. le Dauphin dans ses Lettres-Patentes se qualifie, Par la grace de Dieu, Fils aîné de France, Dauphin de Viennois. Il ne cède qu’aux Têtes couronnées.

Pour votre coup d’essai, Dauphin, quelle matière !
Et que cette carriere,
Vous promet de lauriers ! Mlle de Scudery.

Il parut en 1683 à Paris une Histoire généalogique & chronologique des Dauphins de Viennois. Sous Charles VII, quoique le Dauphin eût le Dauphiné comme son appanage, en qualité de fils aîné du Roi de France, le Roi néanmoins, comme on le voit par une de ses médailles, portoit lui-même le titre de Dauphin, & écarteloit les armes du Dauphiné avec celles de France. P. Daniel.

On appelle figurément chez les Bourgeois un Dauphin, le fils unique de la maison, ou celui de la personne duquel on a grand soin.

En termes de Blason, on fait différence entre le Dauphin vif, Vivus & le Dauphin pâmé, Expirans. Les armes du Dauphin de Viennois sont d’or au dauphin vif d’azur ; & celles du Dauphin d’Auvergne sont d’or au dauphin pâmé d’azur. Il y a cette différence que le dauphin vif a la gueule close, & le pâmé a la gueule bée ou béante, comme évanoui ou expirant. Le vif a un œil, des dents & les barbes, crêtes & oreilles d’émail différent. Le pâmé est d’un seul émail. On dit que les dauphins sont courbés, quand ils ont la tête & la queue tournées vers la pointe de l’Ecu.

Dauphin (le Fort), Arx à Delphino dicta. Ce Fort fut bâti par les François l’an 1643 sur la côte méridionale de l’Isle de Madagascar.

Dauphin. Terme de Fleuriste. Nom d’un œillet. C’est un très-beau pourpre sur un fin blanc. Il est fort large, & bien garni de feuilles, rond & bien tranché, ses fanes larges & fortes. Ses marcottes ne prennent pas bien racine, & poussent à dur avant le tems. Ses panaches sont de pièces emportées. Morin.

Dauphin Triomphant. Autre terme de Fleuriste. C’est un œillet fort beau. On dit que le blanc en est très beau, & son violet admirable, très-bien tranché & de gros panaches. On vend sa marcotte à Lille onze florins. Morin.

Dauphin, s. & adj. En termes de Librairie : on appelle Critiques Dauphins ou scholiastes Dauphins, les Commentaires sur les anciens Auteurs Latins, qui furent entrepris par l’ordre du Roi Louis XIV pour l’usage de Monseigneur, par le conseil de M. le Duc de Montauzier, son Gouverneur, & sous la direction de Mrs Bossuet & Huet ses Précepteurs. Les critiques Dauphins sont d’une grande utilité pour ceux qui commencent à entrer dans la carrière des Belles-Lettres. On nomme quelquefois absolument ces Ouvrages, les Dauphins, & alors il est substantif. J’ai tous les Dauphins dans mon cabinet. Il ne me manque qu’un des Dauphins. La dépense des Dauphins coûta quatre cens mille livres au Roi.

Dauphin. Terme d’Artificier. On appelle ainsi vulgairement cet artifice d’eau que les gens de l’art appellent Genouilliere, parce qu’on le voit entrer & sortir de l’eau, à-peu-près comme ces poissons de mer qu’on appelle Dauphins, ou plus généralement Marsouins.

Dauphin. Terme d’artillerie, nom qui se donne à une des parties d’un canon.

Dauphin est encore le nom d’un rocher situé à l’entrée de Catwater, sur la côte méridionale d’Angleterre.

Dauphins des Anciens. C’étoit une masse de fer fondu suspendue au haut des antennes des vaisseaux, on la laissoit tomber sur les vaisseaux ennemis, qu’elle perçoit depuis le pont jusqu’au fond de cale. Cette machine appelée Dauphin, parce qu’elle en avoit la figure, étoit en usage chez les Grecs. Dans le fameux combat donné dans l’un des ports de Syracuse, les Athéniens ayant été battus, les Syracusains les poursuivirent jusques vers la terre, & furent empêchés de passer outre, dit Thucydide, par les antennes des navires qu’on abaissa sur le passage, où pendoient des Dauphins de plomb, capables de les submerger, & deux galères qui s’emportèrent au-delà furent brisées.

DAUPHINE. s. f. Delphina. Ce mot a trois sens ; car 1o. Il signifie la femme d’un des anciens Dauphins. Isabeau de France, fille de Philippe-le-Long, Roi de France, Dauphine & femme de Gui XIIe, n’en eut point d’enfans. 2o. Dauphine signifie héritière du Dauphiné, Dame du Dauphiné. Béatrix, Dauphine de Viennois, sœur de Gui XIe, mort sans enfans, porta le Dauphiné à Hugues IIIe, qu’elle épousa en 1194. Anne Dauphine, fille unique de Gui XIIe, épousa Humbert I, Seigneur de la Tour-du-Pin, & lui porta ses Etats. 3o. Aujourd’hui la Dauphine, Madame la Dauphine, est la femme du Dauphin, fils aîné du Roi de France, ou du fils aîné, ou du petit-fils aîné d’un Dauphin, ou en un mot de l’héritier présomptif de la Couronne.

Dauphine (l’Île). Voyez Madagascar.

DAUPHINE. s. f. Etoffe. Les laines dont cette étoffe est composée, sont teintes & mélangées avant que d’être cardées ; mais on carde ce mélange de couleurs teintes. On file le même mélange, & ensuite on le travaille sur le métier, & c’est ce qui fait la jaspure des étoffes appelées Dauphines. C’est une espèce de petit droguet très-léger tout de laine, qui se trouve par la préparation précédente imperceptiblement jaspé de diverses couleurs. Le nom de Dauphine vient d’un Ouvrier Dauphinois qui a inventé cette étoffe à Reims.

Dauphine. C’est le nom d’une sorte de poire qui s’appelle autrement Lansac. voyez Lansac.

DAUPHINÉ. Province de France, & l’un des douze Gouvernemens généraux du Royaume. Delphinatus, Delfinatus, selon Valois. Le Rhône borne le Dauphiné au couchant, & le sépare d’une partie du Lyonnois & des Cévennes, ou du Vivarais qui en fait partie. La Provence le confine au midi, le Piémont & une partie de la Savoie au levant ; il a encore au nord la Savoie avec la Bresse. On divise cette Province en Haut & en Bas-Dauphiné. Le Bas-Dauphiné s’étend le long du Rhône, & renferme le Viennois & le territoire de Valence. Le Haut-Dauphiné a beaucoup plus d’étendue, & renferme le Bailliage de Buis, dit autrement les Baronnies, le Diois, le Grésivaudan qui est le territoire de Grenoble, le Briançonnois, l’Embrunois, le Gapençois & le Roannez. Ces pays sont appelés le Haut-Dauphiné, parce qu’ils sont tous dans les Alpes. Les vallées y sont très-fertiles, & les montagnes fournissent d’excellens pâturages pour les bestiaux. Les rivières qui arrosent le Dauphiné sont le Rhône & l’Isere, toutes deux très-rapides. Il y a dans le Dauphiné deux Archevêchés, Vienne & Embrun, & cinq Evêchés, qui sont Gap, Valence, S. Paul trois-Châteaux, Die & Grenoble la Capitale, où est aussi la Généralité de toute la Province, & le Parlement. Les autres villes de Dauphiné sont Montelimar, le Crest, Romans, Saint-Marcellin, Briançon & le Buis. Les bourgs & les villages y sont très-fréquens, même dans les plus hautes montagnes.

Le Dauphiné est l’ancien pays des Allobroges, des Viennois, des Caturiges, des Ebroduniens, ou Embrunois, des Ségalauniens, des Valentinois, des Vocontiens, des Diois, des Gratianopolitains, des Tricastins, des Vapincennois, & des Braunoviens. Cette Province a eu ensuite ses seigneurs particuliers, d’abord sous le titre de Comtes, dont le premier fut Gui ou Guigues, qui vivoit vers l’an 889, & qui laissa ce nom de Gui à tous ses successeurs, qui porterent le titre de Comtes d’Albon & de Grenoble. Dans la suite Berthold de Zeringhin ayant cédé ses droits sur la ville de Vienne à Gui VII, ils prirent le nom de Comtes de Vienne. Quant au nom de Dauphin, on n’en sait pas l’origine, ni le tems qu’ils le prirent. Les uns le tirent du Dauphin que Boson fit peindre dans son écu, pour marquer la douceur de son gouvernement. D’autres veulent qu’il ait été pris du Château-Dauphin, bourg que ces Princes firent bâtir dans le Briançonnois. D’autres l’attribuent à Gui VII, dit le Vieux, qui pour faire honneur à Albon, Comte de Vienne, surnommé Dauphin, dont il avoit épousé la fille, voulut que les terres fussent appelées Dauphiné. Le Dauphiné passa en 1194 de cette famille dans celle de Bourgogne par le mariage de Béatrix Dauphine, sœur de Gui X, mort sans enfans, avec Hugues III, Duc de Bourgogne, & ensuite dans celle de la Tour-du-Pin par le mariage d’Anne Dauphine, arrière-petite-fille de Béatrix & de Hugues, qui épousa Humbert I, Seigneur de la Tour-du-Pin. Gui XIIe, leur petit-fils, n’ayant point laissé d’enfans, eut pour successeur Humbert II, qui ayant perdu son fils aîné à la bataille de Créci, & ayant vu mourir en 1338 le second, qu’il laissa tomber d’une fenêtre du palais de Grenoble en badinant avec lui, se retira dans le Couvent des Jacobins à Paris, & donna ses Etats à Philippe de Valois, à la charge que les fils aînés des Rois de France porteroient le nom de Dauphin, & qu’ils écarteleroient de France & de Dauphiné, comme ils le font. L’acte de donation fut passé à Romans le 30 Mars 1349. Nicolas Chorier, Avocat au Parlement de Dauphiné, a écrit l’Histoire du Dauphiné en deux volumes in-fol. imprimés, le premier à Grenoble en 1161, & le second à Lyon en 1672 ; & M. le Président de Valbonnet a donné d’excellens Mémoires pour servir à l’Histoire du Dauphiné. Ils furent imprimés à Paris en 1711, in-fol.

Dauphiné d’Auvergne. Petite contrée de la Basse-Auvergne. Delphinatus Arverniæ. Elle est près de la rivière d’Allier & de la ville d’Issoire. Le bourg de Vodable en est le lieu principal. Chorier, Maty, Corn.

DAUPHINOIS, OISE. s. m. & f. Delphinas. La postérité des Gaulois, qui avoient suivi Ségovèse en Allemagne, ravagea la Macédoine, désola la Grèce, prit & saccagea la ville & le temple de Delphes ; il y avoit dans cette expédition des Allobroges, qui de-là revinrent en leur pays, &, si l’on en veut croire quelques Auteurs, qui ne sont fondés que sur la ressemblance des noms, ils en rapportèrent le nom de Delphinates, ou Dauphinois. Voyez Chorier, Hist. de Dauphiné, L. III. §. 3, p. 127.

DAURADE. Voyez DORADE.

D’AUTANT. adv. beaucoup : il est en usage en cette phrase, du style familier, Boire d’autant, pour dire beaucoup, plurimùm, immoderatè. Il se dit aussi d’une somme fixe & certaine. Quand vous me donnerez cette somme sur ce que vous me devez, vous serez quitte Sautant. Hâc summâ, hâc debiti parte liberaberis.

D’autant plus, d’autant mieux. Adv. de comparaison. Eò melius, eò magis, tanto magis, tanto melius. La vertu est d’autant plus à estimer, qu’elle donne la tranquillité de l’ame en ce monde, outre la récompense qu’elle reçoit en l’autre. Je vous aime d’autant mieux, que je vois que vous vivez en honnête homme. On pèche d’autant plus, qu’on pense moins à Dieu. Pasc. Ce sentiment dans le sens des Jansénistes est faux & condamné. L’injustice de cet ingrat accusateur devroit être d’autant plus grande, qu’il ne peut avoir aucune connoissance de la misère de ceux qui sont dans le péché. Port. R.

D’autant que. conjonction. Parce que. Et d’autant que c’est mon pupille, il faut que je veille à ses intérêts. Il ne se dit guère qu’en style de Pratique & de Chancellerie.

DAX.

DAX. Ville de France, dans la Gascogne. Aquæ Augustæ, Aquæ Tarbellicæ, Tasta, Datii, Dascii. On l’appelle, ou l’on écrit aussi Acqs, Dacqs, & d’Acqs. Un mauvais usage a confondu l’article avec le nom. Dax est dans le pays d’Auribat, qui fait partie de la Gascogne particulière. Corn. Dax est Capitale de la contrée des Landes. Il est situé sur l’Adour, que l’on y passe sur un beau pont de pierre. Maty. Il y a à Dax une Sénéchaussée & un Evêché suffragant d’Auch. Il y a à Dax une fontaine d’eaux très-chaudes, & qui sentent le souffre. Du Chesne dit qu’elles sont salées. C’est de-là que lui viennent ses deux premiers noms Latins, & à la Province le nom d’Aquitania qui lui fut donné par les anciens Romains avant Jules-César. Eaux Thermales de Dax. Aquæ Tarbellicæ. Voyez le Dict. de James, article Thermæ, au sujet de la fontaine minérale de cette ville, qu’on appelle communément la Fontaine chaude, ou la Fontaine du bain. Dax a eu des Seigneurs particuliers qui prenoient la qualité de Vicomtes d’Acqs. Dax & Bayonne sont les deux premiers lieux où les Gascons descendus des Pyrénées s’établirent. Du Chesne, Antiq. des Villes de Fr. P. II. C. 19. Le même Auteur dit que Dax a été nommé la ville des Nobles, parce qu’avant la réduction de la Guyenne, il étoit gouverné par douze Seigneurs & Gentilshommes du pays, lesquels y avoient tous chacun une tour enrichie des qualités de leur famille. Charles VII l’unit à la Couronne en Septembre 1451.

DAY.

DAY. s. m. Voyez Dey.

DAFAR. Ville de l’Arabie Heureuse, dans le Royaume d’Yémen. Long. 70. lat. 15.

.

☞ DÉ. s. m. Petit cube d’os ou d’ivoire, marqué d’un différent nombre de points sur ses six faces, depuis un jusqu’à six, & qui sert à jouer. Talus, tessera. Jouer aux dez, perdre son argent aux dez. Ludere talis.

Les Grecs inventèrent les échecs & les dez pour se désennuyer au siège de Troye. Le Gendre. Cette question est si problématique, que je la voudrois décider à trois dez. C’est ce que les Anciens ont entendu par ce mot alea judiciorum, ou le hasard des jugemens. On trouve proche de Bade une infinité de pierres qu’on prendroit pour des dez. On ne conçoit pas quelle cause peut avoir marqué sur des pierres les mêmes chiffres avec tant de régularité. Voyez BADE.

Ce mot vient de dati, qu’on a dit par corruption de dadi, à dando, qui se trouve dans les Auteurs. Ménage. Acrisius le dérive à digitis, parce qu’on le joue avec les doigts : d’où vient qu’on a dit aussi digitale, pour dire un dé à coudre. D’autres disent que c’est un vieux mot Gaulois, parce qu’en Bas-Breton on appelle encore dis, un cube, un dez à jouer. Du Cange croit qu’il vient du vieux Gaulois jus de De, ou de judicium Dei, c’est-à-dire, le jugement du sort, du hasard, de la providence ; car on disoit autrefois, juisium pour judicium, & les Poëtes ont dit De pour Dieu, & depuis Des, ou Dies, d’où l’on a fait Deus & Decius, qui est un nom qu’on a donne au .

, se dit particulièrement de plusieurs jeux où l’on met son argent au hasard du sort des dez : comme, jouer à trois dez, à la rafle, à la chance, à quinquenove, &c. Ludere tesseris, aleæ se permittere.

On appelle dez pipés, ou chargés, des dez où l’on a mis du plomb, ou du vif-argent en un des côtés, pour les faire arrêter sur un point plutôt que sur l’autre. Dans les Académies de jeu on les appelle des boutons. Tesseræ adulterinæ.

Un en l’air au jeu de Trictrac est un qui n’est pas droit sur son cube. On dit aussi qu’il est à cheval. l’un sur l’autre n’est pas bon. dressé l’un contre l’autre n’est pas bon non plus, ni celui qui est sauté hors du trictrac, ou qui est resté sur le bord.

☞ Avoir le , jouer le premier, flatter le , le pousser doucement. Rompre le , arrêter les dez avant qu’on ait vu les points qu’ils portent, afin de rendre le coup nul.

On dit figurément tenir le , pour dire, se rendre maître d’une conversation, & y vouloir parler toujours. Dominari in circulis.

Oui Madame à jaser tient letout le jour. Mol.

Rompre le , interrompre quelqu’un, prendre la parole sur lui, & le contredire. Interpellare aliquem. Quitter le , pour dire, Quitter la partie, ou donner gagné à celui qui dispute quelque chose. Victum se fateri. Flatter le , pour dire, Ne pas parler franchement & librement de quelque chose. Ambiguè loqui. On le dit aussi pour adoucir quelque chose de fâcheux par des termes qui en cachent une partie, ou qui font le mal moins grand. On dit aussi, Le en est jeté, pour dire, la résolution en est prise, il en faut tenter le hasard : ce qui répond au proverbe Latin, Jacta est alea. On dit : Je jeterois cela à trois dez. Je jouerois cela à trois dez, pour marquer l’indifférence où l’on est du choix qu’on peut faire entre deux ou plusieurs choses. Ac. Fr.

Coup et Dez. Terme de Trictrac. Voyez Coup.

, en termes d’Architecture, est un cube de pierre qu’on met sous les pieds d’une statue, & sur son piédestal, pour l’élever & la faire paroître davantage. On le dit aussi de la partie d’un piédestal qui est entre sa base & sa corniche qu’on appelle le vif du piédestal, & des petits cubes de pierre dans lesquels on scelle les barreaux montans des berceaux, & des cabinets de treillage, & les poteaux des angars.

, signifie aussi un morceau de cuivre, d’argent ou d’ivoire, avec plusieurs petites hachures, ou petits creux, que ceux qui travaillent en linge ou en couture mettent au bout des doigts pour arrêter le cu de leur aiguille, & leur aider à la pousser sans qu’elle entre dans la chair. Digitale.

à emboutir. Morceau de cuivre à six faces, sur chacune desquelles sont pratiqués des trous de forme & de grandeur différentes, dans lesquels s’emboutissent les fonds des chatons, en frappant dessus avec des morceaux de fer appelés bouteroles. Encyc.

Dé de fer. C’est un morceau de fer carré dont on emplit les cartouches. Cubus ferreus.

DE. Article du génitif, qui sert quelquefois de préposition, & souvent d’adverbe. Quoi qu’en disent les Grammairiens, de n’est point article, mais simple préposition ; comme à, si ce n’est peut-être quand il est mis devant un nominatif. Voyez ce que nous avons dit sur les particules A & AU. Le fils de Pierre, de Jacques. On dit aussi : Il est né de bon lieu, de bon père & de bonne mère. Je tiens cela de lui. Il est allé de Paris à Lyon. De cent ans en cent ans cette comète reparoît. Cela est distant de cent lieues. Vous ne me verrez de trois mois. Après les noms de nombre, il faut mettre de : Il y en a eu cent de tués. Cette étoffe a une aune de large. Cette allée a cent toises de long. On navige de jour & de nuit. Il est mort de pleurésie. Cela est de bon or, de bonne étoffe. De bond & de volée. De gré à gré. De pied ferme. D’aventure. De par le Roi. D’où venez-vous ? Toutes les fois que cette particule de est un article ou un adverbe, elle ne se rend point en latin par aucune autre particule ; mais le nom auquel elle est jointe se construit dans les cas différens que demande la Grammaire Latine. Quand de est une préposition, elle se rend par de, ex, è, à, ab, & quelquefois même on la supprime entièrement. Consultez la Grammaire.

Cet article de veut toujours être uni immédiatement à son nom, sans qu’il y ait rien d’étranger qui les sépare. On blâme cette construction : J’ai suivi l’avis de presque tous les Jurisconsultes ; il falloit que de fût attaché à son nom tous. Remarquez encore qu’au nominatif & à l’accusatif de se met devant l’adjectif pluriel au nominatif, au datif & à l’accusatif. Ce sont de vaillans soldats. Ils firent des funérailles à leurs morts comme à de vaillans hommes. Ablanc. Dieu réserve de précieuses couronnes pour honorer la vertu de les serviteurs. Maucroix. Mais au génitif & à l’ablatif, il faut toujours mettre des devant l’adjectif. Vaug. La constance & la fermeté des grands hommes n’est pas tout ce que l’on s’imagine. Je me suis arraché des cruelles mains de ces barbares. Il en doit être de même des substantifs. La constance des Martyrs a quelque chose d’admirable. Il s’est arraché des mains de ses ennemis.

De, se joint aux adverbes en cette manière, de près, de peu, de beaucoup. Avec cette licence d’imagination il n’est pas difficile d’être abondant ; mais le jugement & le goût resserrent de beaucoup ces richesses. De la Motte.

De, se joint quelquefois à l’article défini, & avec cet article de marque le nominatif & l’accusatif. Faut-il que de la canaille vous fasse la loi ? De la résolution suffit. Il lui manque de l’argent. Emprunter de l’argent. Avoir de l’honneur. Abbé Regn. Quelquefois le même de sans article se met avec les nominatifs & les accusatifs. Donner de bon argent. De grands Philosophes tiennent. Id. De se met aussi avec le génitif, & en est la marque, aussi bien que de l’ablatif. Un grain de blé. Avoir besoin d’argent. Agir de tête. Id. Ces remarques ne sont vraies qu’autant qu’on suit les notions établies par les Grammairiens Grecs & Latins, & qu’on les applique à la langue Françoise & quand on dit que de se met avec l’ablatif, il est alors préposition, & répond aux prépositions Latines à, ex, è, de, & est formé de la dernière.

De, suivi d’un infinitif, se met pour que avec un subjonctif, par exemple, il m’a dit de faire, pour, il m’a dit que je fisse. Le P. Bouhours appelle cette façon de parler un gasconisme, qui est en usage dans la conversation, mais il dit qu’il ne voudroit pas l’employer en écrivant.

De, étant après les titres de Monseigneur & Monsieur, comme Monsieur de Chastillon, de Luxembourg ; &c. se retranche lorsqu’on retranche le titre de Monseigneur, ou de Monsieur ; par exemple, Chastillon, Luxembourg, &c. La Ferté-Séneterre, accompagné de Ruvigni & de Piennes ses Maréchaux de Camp, étoit parti de Béthune avec toutes ses troupes. Sarasin. L’universalité jointe à l’éminence des vertus guerrières étoit le caractère de l’invincible Condé. P. Bourd. Ce fut alors pour la première fois que l’on vit Luxembourg reculer les armes à la main devant le Prince d’Orange ; mais à la honte du Prince même. P. de la Rue. On conserve néanmoins ce de devant les noms qui ne sont que d’une syllabe, comme de Thou, ou qui sont de deux avec un e muet à la fin, comme de Vardes, de Rades ; ou qui commencent par une voyelle, comme d’Etouteville, d’Usez ; on disoit Stoup & Lée, &c. sans l’article de, soit avec le titre de Monsieur, soit sans ce titre.

De, se met encore après le mot de rivière devant les noms propres de rivière qui sont du genre féminin, la riviere de Seine, de Loire, de Somme, de Garonne, &c. Et après le mot de montagne devant le nom propre des montagnes. Montagne de Tarare. Voyez la Grammaire du P. Buffier.

Cette préposition, en termes de Marine, marque le temps ou l’état de la mer. Quum, dum. cette baie asseche de basse mer, les chaloupes n’y peuvent entrer que de haute mer, de pleine mer. Denys. P. I. C. 5. c’est-à-dire, lorsque la mer est basse, lorsque la mer est haute.

De, proposition, signifie souvent la manière, les accidens, les circonstances d’une action. Un d’eux joua toujours de si grand malheur, qu’il perdit tout son argent. Bouh. Xav. L. III. Il se présenta d’un air si grand, si vif, si touchant, qu’on ne put s’empêcher de l’admirer en même temps & de le plaindre. Il accorde les graces, il refuse même d’une manière si pleine de bonté, qu’on ne peut lui vouloir de mal.

De ce que, conjonction causative dont se sert ordinairement M. Descartes. Ex ce quòd, &c. De ce que nous voyons un tel effet, il s’ensuit, &c. Il me hait davantage de ce qu’il m’avoit témoigné de la haine inutilement. Bussi Rab.

De, entre aussi dans la composition de plusieurs mots, tant noms, que verbes, adverbes dont il change la signification, comme on verra à leur ordre. Il emporte d’ordinaire la destruction, ou le contraire de ce que signifie le verbe, ou le mot simple, comme démeubler, dénouer, &c. Quelquefois il donne plus d’étendue, ou plus de force à la signification du mot, comme démontrer, dévorer, &c.

De moi, est une transition, dont Malherbe, & autres Poëtes plus anciens se sont servis. On dit maintenant, pour moi. Equidem, ego verò, ad me verò quod attinet.

De moi, que les respects obligent au silence,
J’ai beau me contrefaire, & beau dissimuler,
Les douceurs où je nage ont une violence
Qui ne se peut celer. Malherbe.

De par, préposition composée de la préposition de, & de la préposition par. Elle signifie, par ordre, par autorité. De par le Roi je vous arrête, dit un Officier de Justice en arrêtant un homme. Les Marchands de Tabac mettent à leur enseigne, De par le Roi vente & distribution du Tabac. On s’en sert aussi en style burlesque, pour exprimer un jurement, un serment.

J’avois juré, quelque cher qu’il m’en coûte,
De par le chef de Monsieur Saint Martin,
Que pour guérir les douleurs de ma goutte
Je ne boirois de meshui plus de vin.

Nouv. choix de Vers.
DEA.

DÉALBATION. s. f. Terme de Chimie. Dealbatio. Changement de couleur noire en couleur blanche, qui arrive par la force du feu à la matière de la pierre philosophale.

☞ DEALDER. s. m. monnoie d’argent qui se fabrique en Hollande, & qui vaut trois livres trois sols quatre deniers argent de France.

DÉALE. Château d’Angleterre. Deala. Il est sur la côte de Kent, entre les châteaux de Sandowne, & de Walmer, sur une grande plage que les Anglois appellent les Dunes, & que des châteaux défendent. Plusieurs croient que Déale est l’endroit ou César aborda.

DÉAN ou DÉANE-FOREST. Grande forêt d’Angleterre, dans la Province de Glocester.

DÉARTICULATION. terme d’anatomie. Voyez Diarthrose.

DEARTUER. v. a. Vieux mot. Diviser, anatomiser. Il vient du latin artus, qui veut dire, membre ; comme qui diroit, démembrer.

DÉAUTÉ. s. f. Vieux mot. Remède, ou récompense.

Si tu te tiens en lo alté,
Je te donrai tel déauté,
Que de tes pleurs te guerira.

DÉAUX. Vieux mot dont on s’est servi pour dire Dieu. On a dit aussi Dex & Diex.

DEB.

DÉBÂCLAGE f. m. terme de rivière & de marine. Action de débâcler, travail, peine de ceux qui débâclent. Subductio navium, subducendarum navium labor. Les débâcleurs ne doivent rien prendre des Marchands pour le débâclage. Ordon. de la ville, C. 4.

DÉBÂCLE. s. f. terme de rivière & de marine. Action par laquelle on débarrasse les ports, & on en retire les vaisseaux vides, pour approcher du rivage ceux qui sont chargés. Subductio vacuarum navium ad onerarias excipiendas. Il y a un jour précis ou ordonné pour faire la débâcle.

Débâcle, se dit aussi par extension, de la rupture des glaces qui se fait tout à coup, & qui sont emportées par le courant de la rivière. Concretorum glacie fluminum repentina solutio. La débâcle fait souvent un grand désordre. La débâcle d’une telle année a emporté plusieurs ponts & moulins.

DÉBÂCLEMENT. s. m. moment de la débâcle des glaces, & action de débâcler des vaisseaux, des bateaux.

DEBÂCLER. v. a. Débarrasser les ports. Portus solvere vacuis navibus.

Debacler, v. n. se dit absolument des rivières dont les glaces viennent à se rompre tout-à-coup. Solvi. Cette nuit la rivière a débâclé, & a causé bien du désordre.

Debacler, signifie aussi, Oter les barres des portes & fenêtres des maisons qui étoient fermées, & les ouvrir. Referare fenestras & ostia alicujus domus. On a débâclé cette maison pour l’aérer, il y avoit long-temps qu’elle étoit fermée & bâclée. Dans ce sens il est du style familier.

Debacler, se dit aussi dans un sens neutre de plusieurs personnes ou marchands qui déménagent, qui ôtent leurs meubles & leurs marchandises en même temps. Abscedere, excedere. Le terme de la Foire est expiré aujourd’hui, tous les Marchands débâclent. La crainte des eaux fait que tout le monde débâcle sur le Pont-au-Change.

DEBÂCLEUR. s. m. Officier de ville qui commande sur le port quand il faut débâcler, pour faire sortir les vaisseaux vides qui sont sur le rivage, & en faire approcher les autres qui en sont plus éloignés. Præfectus subductioni vacuarum navium. Les Ordonnances de la Ville, C. 4. portent les réglemens sur la charge des Débâcleurs, & entre autres, qu’ils ne doivent rien prendre des Marchands pour le débâclage.

DEBADINER. v. n. Terme de jeu d’Impériale. C’est démarquer les points que l’on avoit amassés, quand celui contre qui l’on joue a une Impériale en main, ou qu’il en acheve une avec ses points ; car alors l’autre est obligé de débadiner, c’est à-dire, de démarquer ses points.

DÉBAGOULER. v. a. Vomir, dégueuler. Vomere, evomere. Ce mot n’est plus en usage que parmi le peuple, où on le dit aussi au figuré ; & il signifie alors, Dire indiscrètement tout ce qu’on fait. Deblaterare. On a confronté à ce criminel son complice, qui a tout débagoulé, qui a dit tout le secret de l’affaire. Débagouler des rapsodies. Ab. Il est populaire & bas.

Débagoulé, ée, part.

DÉBAGOULEUR. s. m. Qui débagoule. Pomey. Blatero.

DÉBAIL. s. m. Terme de Coutumes. État d’une femme qui devient libre par la mort de son mari. Débail est opposé à bail. Quand une femme ou une fille se marie, il y a bail, parce qu’elle est en la puissance de son mari ; quand le mari meurt, & que la femme survit, il y a débail. Soluta est mulier. Bail signifie garde & gardien.

DÉBALLER, ou DESEMBALLER, v. a. Ouvrir, défaire une balle. Strictas mercium sarcinas solvere, resolvere. Il faut déballer les marchandises aux Douanes.

Déballer, se dit dans une signification contraire des marchands qui quittent une foire, il faut déballer, c’est-à-dire, remballer les marchandises.

Déballé, ée. part.

DÉBANDADE. s. f. Qui ne se dit plus qu’adverbialement en ces phrases, Aller à la débandade ; vivre à la débandade ; c’est-à-dire, à la manière des soldats qui se débandent, qui vivent sans discipline ou qui marchent en confusion sans garder aucun ordre. Dissolutè, inordinatè, incompositè.

On dit aussi figurément, Mettre, laisser tout à la débandade ; pour dire, Abandonner le soin de son bien, ou de quelque affaire comme une chose désespérée.

DÉBANDEMENT. s. m. L’action de se débander. Relaxatio, remissio. Pomey. Les forces communiquées par les débandemens du ressort, sont comme les carrés des inflexions. Elémens Mathématiques de Physique de S’Gravesande.

☞ On le dit particulièrement des troupes. Il y eut un débandement général.

DÉBANDER, v. a. Oter la bande d’une plaie, le bandeau de dessus les yeux. Vulnus obligacum solvere. Pour débander la partie, il faut que le Chirurgien la mette dans la même situation qu’elle étoit quand il l’a bandée. Dionis.

☞ On dit aussi débander quelqu’un, ôter le bandeau qu’on lui a mis devant les yeux, débander un colin-maillard.

Débander, se dit aussi des choses qui font ressort. C’est les détendre. Débander un arc, un pistolet. Arcum remittere.

Débander, se dit neutralement de la cessation de l’érection naturelle. Remitti.

Débander, avec le pronom personnel se dit en parlant des armes dont le ressort se détend de lui-même. Son fusil se débanda. Son arbalète s’étoit débandée.

☞ On le dit d’une troupe de gens de guerre qui se sépare du gros de l’Armée confusément & sans ordre. Les soldats se débandèrent pour aller piller. Le manque de vivre a fait débander l’armée, à signis discedere, à castris dilabi, discedere.

☞ On le dit aussi d’un corps de gens de guerre qui se disperse sans ordre pour se retirer ou pour s’enfuir.

On dit figurément se débander l’esprit ; pour dire, Se relâcher l’esprit après une longue application. Animum relaxare. L’esprit ne peut être dans une contention perpétuelle, il a besoin de se débander de temps en temps.

Débander, se dit aussi figurément de la gelée & du froid, quand il se radoucit. Le temps s’est débandé depuis le matin. Remisit frigus.

Marot a dit proverbialement :

Débander l’arc ne guérit point la plaie.

Débandé, ée. part.

DÉBANQUER. v. a. Terme du jeu de Bassette ou de Pharaon. C’est épuiser le banquier, lui gagner tout l’argent qu’il a devant lui.

Finette en racontant le bonheur de Julie sa Maîtresse, qui avoit joué contre Cléon, finit son récit par ces vers :

Jusqu’au trente-&-le-va leur fureur les conduit,
Plus Cléon risque & tient, plus le malheur le suit,
D’un sang froid merveilleux ma prudente Maitresse
Pour le mettre au néant épuise son adresse,
Enfin elle a gagné tout ce qu’elle a risqué,
Et jusqu’à quatre fois elle l’a débanqué.

Le Dissipateur, Com. de M. Destouches.

DÉPABTISER. v. a. terme familier. Perdre la grâce du Baptême, y renoncer. Acceptam per baptismum gratiam abdicare, abjurare. Il ne se dit qu’en cette phrase odieuse, Je veux être débaptisé, je me ferois debaptiser, plutôt que de faire une telle affaire. Molière s’en est servi dans un autre sens, pour signifier, Changer de nom, quand il dit dans son Ecole des Femmes,

Qui Diable vous a fait aussi vous aviser,
A quarante & deux ans de vous débaptiser ?


Mutare nomen, il est du style familier.

Débaptisé, ée. part.

DÉBARBOUILLER, v. a. Oter la saleté, la crasse, ce qui rend sale. Maculas abstergere, eluere, detergere. Cette femme passe la moitié du jour à sa toilette, à se parer & à se débarbouiller. Débarbouillez cet enfant. On le dit particulièrement du visage.

Débarbouillé, ée. part.

DÉBARCADOUR. s. m. Lieu propre à débarquer ce qui est dans un vaisseau ou pour transporter les marchandises avec plus de facilité du vaisseau à terre. Locus exscensioni commodus, idoneus.

DÉBARDAGE. s. m. Sortie des marchandises hors d’un bateau, lorsqu’on le décharge. On l’emploie particulièrement pour l’action de décharger un bateau de bois. Lignorum in terram expositio. Les Marchands de bois, de fagots & de cotrets, doivent payer le débardage, & livrer le bois à terre.

DÉBARDER, v. a. Terme de Marchand de bois. Décharger un bateau de bois, & l’apporter sur le rivage pour l’empiler, ou pour le transporter ; ce qui se faisoit autrefois avec un bard, & ce qu’on fait maintenant sur des crochets. Ligna in terram exponere. On dit aussi débarder un train.

Débarder, se dit aussi en termes de forêts, des bois que l’on transporte hors du taillis où ils ont été coupés, afin que les voitures n’y entrent point, ce qui pourroit endommager les nouvelles pousses.

Débardé, ée. part.

DÉBARDEUR. s. m. Celui qui décharge les bateaux & met à terre les marchandises dont ils sont chargés, principalement le bois. Bajulus. Ce sont les Marchands qui payent les Débardeurs. Par une Ordonnance du Magistrat de Police du 30 Mars 1635, il est défendu à tous Courtiers, Débardeurs, Trieurs de foin, leurs femmes, enfans & serviteurs, & toutes autres personnes, de s’entremettre de vendre le foin pour les Marchands, à peine de cent livres parisis d’amende. De la Mare, Tr. de la Pol. L. I. T. VIII. C. 3. p. 124.

DÉBARETER. v. a. Vieux mot. Décoëffer, mettre en désordre.

☞ DÉBARQUEMENT. s. m. Sortie des marchandises hors du vaisseau pour les mettre à terre. On le dit aussi des troupes destinées à quelque expédition, à faire une descente. Exscensio. Les ennemis retranchés sur le rivage nous attendoient au débarquement.

☞ DÉBARQUER, v. a. Oter les marchandises d’un vaisseau pour les mettre à terre, ou mettre à terre du monde, des troupes, merces, copias in terram exponere. Exscensionem facere. Débarquer l’Infanterie, du canon, des marchandises.

☞ Ce verbe est aussi neutre, & signifie sortir du vaisseau arrivé au lieu de sa destination. De navi egredi. Nous débarquâmes à Brest.

☞ On dit au débarquer, pour dire dans le tems même du débarquement. Il se trouva au débarquer.

Débarqué, ée. part. De navi egressus, emissus. Un nouveau débarqué, pour dire, Un homme nouvellement arrivé de la province.

DEBARRASSER, ou DESEMBARRASSER, v. a. Le premier est plus usité, ôter l’embarras, tirer d’un embarras ; délivrer de quelque chose qui embarrasse, qui incommode, qui est inutile.

☞ On le dit souvent au réciproque. Expedire aliquem, expedire se ab aliquâ re. Débarrasser les rues, les chemins. Je n’ai point encore débarrassé mon cabinet. Se débarrasser de la foule, des carrosses, des importuns, s’en défaire.

Veux-tu qu’à retenir chaque point soit facile :
De ce fatras de mots va te débarrasser,
Et pour t’exprimer juste, apprens à bien penser. Vill.

Débarrasser, se dit au figuré comme au propre. Il faut se mettre en retraite pour se débarrasser des intrigues du monde, & vaquer à la contemplation. Il s’est débarrassé l’esprit de toutes affaires. Je préfère une certaine simplicité qui débarrasse la Religion d’un dehors fastueux, & d’une pompe étudiée. S. Evr.

Débarrassé, ée. part.

DEBARRER. v. a. Oter les barres d’une porte, d’une fenêtre. Obices, repagula revellere. Prononcez debârer.

Débarrer, au figuré, terme de palais. Décider entre plusieurs personnes dont les avis sont partagés. Lorsque les Juges d’une chambre sont barrés, c’est à-dire, lorsque les avis sont partagés, le Rapporteur & le Compartiteur portent le procès dans une autre Chambre pour les débarrer. Ils y soutiennent chacun leur sentiment, & c’est cette chambre qui donne l’arrêt. Voyez Compartiteur.

Débarré, ée. part.

On dit d’une épinette, d’un luth ou autre instrument de Musique, qu’il est débarré, quand on a ôté ce qui en soutient la table.

☞ DÉBAT. s. m. Contestation tumultueuse entre plusieurs personnes, contentio, concertatio. Le Parlement d’Angleterre est sujet à de grands débats. Les voisins qui aiment à chicanner, sont souvent en débats. V. Contestation, Dispute, Querelle, Procès.

☞ En parlant de deux hommes qui sont en contestation, on dit proverbialement entre eux le débat, pour dire qu’on ne veut point s’en mêler.

Solennités & loix n’empêchent pas
Qu’avec l’Hymen Amour n’ait des débats. La Font.

Débat vient de battre, & de la préposition de. On trouve debatum dans des Actes du commencement du quinzième siècle. Voyez Acta Sanct. Jun. T. V. p. 348. B.

Débat, en Jurisprudence, signifie généralement une contestation que l’on a avec quelqu’un, & la discussion que l’on a par écrit d’un point contesté. Exaratæ scripto partis utriusque rationes.

Débats de compte. Sont les contestations que forme celui auquel le compte est rendu sur quelques articles de dépense mis dans le compte, ou qui auroient été omis au chapitre de recette, demandant qu’ils soient rayés, modérés & réformés, ou ajoûtés. Les réponses que le rendant fait aux débats de compte, sont appelées souténemens. On a appointé les Parties à fournir des débats & des souténemens.

Débat de tenure. Contestation entre deux Seigneurs pour la mouvance d’un héritage.

☞ C’est aussi le mandement d’un Juge Royal donné au vassal, à l’effet d’assigner les deux Seigneurs qui contestent sur la mouvance, pour s’accorder entre eux.

DÉBÂTER, v. a. Ôter le bât d’un mulet, d’un cheval, d’un âne. Clitellas demere, eximere mulo, equo, asino.

Débâté, ée. part. On dit populairement d’un homme dangereux pour les femmes, que c’est un vrai âne débaté.

DEBATTRE, v. a. Il se conjugue comme battre. Contester, plaider. Contendere, concertare, agitare. Débattre un compte, un testament, une succession. Cette question a été long-temps débattue dans l’Eglise.

Se debattre. Se tourmenter, s’agiter. Vehementer jactari, agitari. Ce prisonnier s’est bien débattu entre les mains des Sergens. Un saumon pris dans les filets les rompt souvent en se débattant. Il n’a fait que se débattre, & roidir les jambes. Ab. Ces Orateurs qui s’emportent & se débattent mal-à-propos devant les gens qui ne sont point émus, se rendent ridicules & insupportables. Boil.

Débattre, se dit figurément en choses spirituelles. Disputare acriter, agitare rem aliquam. Les Philosophes se débattent souvent sur plusieurs questions vaines, & impossibles à décider. Sur ce vers de Corneille dans Nicomède :

Amusez-le du moins à débattre avec vous.

☞ Voltaire observe que débattre est un verbe réfléchi qui n’emporte point son action avec lui. Il en est ainsi de plaindre, souvenir. On dit se plaindre, se souvenir, se débattre. Mais quand débattre est actif, il faut un sujet, un objet, un régime. Nous avons débattu ce point : cette opinion fut débattue.

On dit proverbialement, se débattre de la chape à l’Evêque, pour dire contester sur des choses qui ne nous regardent point, d’où il ne nous vient aucun profit. Voyez Chape. On dit aussi il se débat comme un Procureur qui se meurt.

DEBATTU, UE. part. On dit un compte bien débattu, une cause bien débattue, pour dire un compte bien examiné, une cause bien discutée. L’affaire fut longtemps débattue. Fl.

DEBAUCHE. s. f. Dérèglement, usage immodéré du vin, des femmes, du jeu & des autres plaisirs. Licentior vita, liberior vivendi licentia, perpotatio, commessatio, libido, luxuries. On dit particulièrement, faire débauche de vin, de femmes : pour dire, en user avec excès. Il faut renoncer à la fortune dès qu’on se plonge dans la débauche. Les douleurs & la misère suivent la débauche & le luxe. S. Evr. La débauche d’Henri IV. pour les femmes alloit si loin, qu’on ne peut pas même lui donner le nom d’amour & de galanterie. Mez. La débauche se fait voir toute nue sur les théâtres Anglois. S. Evr.

☞ La crapule est une débauche habituelle & excessive qui ne suppose ni choix dans les objets, ni modération dans la jouissance. Débauche dit moins, & n’exclud que la modération.

Débauche, en termes de Marine, se dit du dérèglement qui arrive quelquefois aux marées. Perturbatio. Les vents d’Ouest portent les marées de la rivière de Bordeaux en étrange débauche, jusque-là qu’on voit souvent deux ou trois fois la pleine mer en une même marée.

Débauche, se prend quelquefois en bonne part, d’une petite réjouissance entre honnêtes gens, d’un repas, d’une promenade, d’une partie de divertissement. Obleclatio. Faisons une petite débauche. Quand on fait la débauche comme vous, l’on n’est pas capable de s’y oublier. S. Réal.

Débauche, se dit aussi de ce qui se fait au-delà de l’ordinaire. Cet homme est sobre & réglé, c’est une débauche pour lui de boire du vin. Cet Auteur ne sort point de son cabinet, c’est une débauche pour lui d’aller à Vaugirard. J’ai fait débauche de melons, de muscats : c’est-à-dire, j’en ai mangé beaucoup. Il se dit aussi quelquefois au figuré. Il y a des gens accoutumés aux débauches, & aux excès des Poëtes modernes, qui n’admirent que ce qu’ils n’entendent point. Boil. Les débauches de lecture & d’esprit ne sont guère moins dangereuses que celles des sens. S. Evr.

DÉBAUCHER, v. a. Corrompre les bonnes habitudes de quelqu’un, le jeter dans la débauche. Aliquem