Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 3/121-130

Fascicules du tome 3
pages 111 à 120

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 3, pages 121 à 130

pages 131 à 140


depravare, corrumpere, ad nequitiam adducere. Les mauvaises compagnies débauchent la jeunesse. Quand on donne trop de liberté aux jeunes gens cela sert à les débaucher.

Débaucher, dans le sens propre, c’est ôter de dessus les murs l’enduit qu’on appelle bauche ; & par métaphore débaucher se prend pour dépouiller quelqu’un des principes de sagesse & de vertu, dont on avoit tâché de le revêtir. Huet.

Débaucher, se dit particulièrement des filles qu’on suborne, qu’on corrompt, à qui l’on ôte l’honneur. Corrumpere, vitiare. On doit punir sévèrement ceux qui font métier de débaucher des filles & femmes, de contribuer à leur débauche.

Débaucher, signifie aussi, persuader à quelqu’un de changer de maître, de parti, de profession : corrompre la fidélité de quelqu’un. Sollicitare aliquem verbis, spe, mercede. C’est une adresse de Capitaine de débaucher les soldats des ennemis. On lui a débauché ses meilleurs amis. Les valets se débauchent les uns les autres pour changer de condition. Cela n’est ni beau, ni honnête, de nous débaucher nos laquais. Mol. Vraiment je vous trouve bien vaine de me débaucher mes beautés. Sar.

Débaucher, signifie aussi détourner quelqu’un de son devoir. Ab officio abducere, avertere, avocare. Débaucher un écolier de l’étude. Débaucher un ouvrier de son travail.

Débaucher, signifie aussi, faire faire à quelqu’un quelque chose qu’il n’a pas coutume de faire ; lui faire quitter son travail pour un divertissement honnête. Persuadere. J’ai débauché mon Avocat, je l’ai mené à la Comédie. On a de la peine à débaucher ce barbon, à le faite sortir de son cabinet, à le faire rire.

Débaucher, se dit figurément en choses morales. Depravare, corrumpere. Les esprits se débauchent aussi-bien que les corps, ils se jettent dans le libertinage. On dit d’un estomac foible & indigeste, qu’il est débauché. On dit d’un homme indisposé, dont la santé commence à s’altérer, qu’il se sent tout débauché.

Débauché, ée, part.

DÉBAUCHÉ, ÉE. s. m. & f. Qui aime la débauche, qui se livre aux plaisirs sans contrainte & sans modération. Popino, ganeo. Un vieux débauché, qui s’est livré à la débauche toute sa vie. Une débauchée, fille de joie, qui se prostitue. Meretrix, scortum. Voyez Libertin & Crapuleux.

Quand ce mot est accompagné d’une épithète favorable, il signifie, qui aime les plaisirs honnêtes, une vie libre. Amator, sectator voluptatis. On dit d’un homme agréable dans la débauche, c’est un agréable débauché.

DEBAUCHEUR, euse. s. m. & f. Qui débauche, qui corrompt les filles & les femmes. Corruptor, vitiator. La plupart des revendeuses sont des débaucheuses de femmes. Il n’est en usage ni au masculin ni au féminin.

DEBBASETH ou DABBASETH. En Hébreu Debbascheth. Lieu de la Tribu de Zabulon. Adrichomius, & d’autres après lui, disent que c’étoit une ville qu’ils placent proche de la mer. S. Jérôme l’appelle Dasbath. Josué en parle, XIX. 11. Les Septante la nomment Betharaba.

DÉBELLATOIRE. adj. de t. g. Vieux mot. Victorieux. Debellatorius, a, um. Les débellatoires effets de la sienne très-glorieuse & très-triomphante victoire de Gennes. J. Marot.

DÉBELLER. v. a. Vieux mot formé du latin debellare, vaincre, dompter, mettre hors d’état de faire la guerre. M. l’Abbé du Bos fait voir clairement que les Gaulois & les Romains n’ont point été débellés & subjugués par les François, & par conséquent n’ont point été réduits à la condition de serfs & d’esclaves par ces prétendus vainqueurs. Le Pour et Contre.

DEBENTUR. s. m. Mot Latin qu’on a francisé. C’est la quittance que chaque officier des Coûts Souveraines donnoit au Roi, lorsqu’il recevoit les gages qui lui étoient dus. Apocha. Cette quittance s’appelle debentur, parce que dans le tems qu’on rédigeoit les actes en latin, elle commençoit par ces mots debentur mihi, &c. Ces debentur n’ont plus lieu depuis qu’il y a des états des gages des officiers.

DEBERA, selon l’Hébreu DEBIRA. Ville de la Tribu de Juda, au nord, proche des confins de la Tribu de Benjamin. Il en est fait mention, Jos. XV. 7. Quelques uns la confondent mal-à-propos avec Dabir, à l’exemple de Wolfgand de Weissembourg, & en font une ville Lévitique. Elle étoit entre la vallée d’Achor au nord, & le rocher de Bohen au midi.

DEBET. s. m. Terme de Finance, qui se dit de ce qui se trouve dû par un comptable après l’arrêté de son compte. Summa quâ obligari quispiam convincitur expensis ejusdem rationibus. On fait la recherche des débets des comptables.

Débet de Quittance, à la Chambre des Comptes, se dit lorsqu’un comptable doit rapporter quittance. Beaucoup de Parties saisies demeurent en débet de quittance.

Débet de Clair est la même chose que dette liquide.

☞ Payer sa charge en débets, c’est la payer en se chargeant de la payer à l’acquit de son prédécesseur.

Débet, se dit aussi dans le commerce des Parties données à crédit qui sont sur les livres des Marchands.

DÉBIFFER. v. a. Gâter, mettre en désordre. Stomachum dissolvere. La débauche continuelle l’a tellement débiffé, qu’il ne s’en sauroit remettre. Il a l’estomac tout débiffé ; c’est-à-dire, qu’il fait mal ses fonctions. Ce mot est tout-au-plus du discours familier.

Débiffé, ée. part. estomac débiffé. Visage débiffé. Visage ou estomac d’un homme qui paroît affoibli par quelque excès.

DÉBILE. adj. de t. g. Foible, sans forces, languissant, Debilis, imbecillis. On a les jambes débiles après de longues maladies. Un estomac débile doit observer un grand régime. Un arbrisseau débile. Boil.

Débile, se dit figurément en choses spirituelles. Un esprit débile est celui qui est foible, avec peu de connoissance & de fermeté. Une mémoire débile, qui ne retient pas facilement.

DÉBILEMENT. adv. D’une manière débile. Debiliter. Ce convalescent marche encore fort débilement.

DÉBILITATION. s. f. Affoiblissement, debilitation des nerfs. Debilitatio. Il se fait une insensible débilitation du corps & de l’esprit à mesure que l’on vieillit.

DÉBILITÉ, s. f. Défaut de forces, foiblesse du corps en général, qui affecte également tous les muscles, en sorte qu’on ne peut exécuter les mouvemens qui dépendent de la volonté, remuer ou lever les membres, quoiqu’on en ait envie, sans cependant qu’on éprouve aucun sentiment de douleur : car la difficulté d’exercer les mouvemens du corps, accompagnée d’un sentiment de douleur, comme dans la goutte, n’est point débilité ; non plus que dans la paralysie, qui n’affecte pas également tous les muscles, & qui d’ailleurs suppose une impuissance absolue de remuer certains membres, au lieu que dans la débilité cette impuissance n’est pas invincible. Un homme affoibli par une longue maladie, alité par la fièvre est dans un état de débilité. Debilitas. Un bon régime, des alimens choisis, des remèdes fortifians, un exercice modéré conviennent dans la débilité ; mais il faut aller lentement pour produire un changement d’état. Débilité de vue. Débilité de jambes, d’estomac, & au figuré, débilité d’esprit ; pour dire, imbécillité. Il n’est point d’usage au figuré.

DÉBILITER, v. a. Rendre foible, affoiblir. Debilitare. Le trop de lecture débilite la vue. Les bains, le vin, débilitent les nerfs. Les trop fréquentes saignées débilitent un malade. Il croyoit qu’un souvenir si funeste débiliteroit le courage des soldats. Ablanc. Affoiblir est bien plus usité que débiliter. Débiliter est plus un terme de Médecine que de l’usage ordinaire. Les prunes débilitent & relâchent beaucoup. Lemery. Il y a lieu de conjecturer que les sels acides sont unis à des particules terrestres propres à absorber les humidités superflues qui relâchoient & qui débilitoient les fibres des parties. Id.

Débilité, ée part. Debilitatus.

DÉBILLARDEMENT. s. m. Terme de Charpenterie. L’action de débillarder. Rescissio. V. Débillarder. C’est dans la coupe des bois ce que le délardement est dans celle des pierres.

DÉBILLARDER. v. a. Terme de Charpenterie. Couper d’une pièce de bois ce qui est inutile, ce qu’il en faut ôter pour former la courbe rampante d’un escalier à noyau évidé. Rescindere, cædere. Quand la courbe est tracée sur une pièce de bois, il faut débillarder cette pièce. Débillarder est dans la coupe des bois enlever une partie en espèce de prisme triangulaire, ou approchant, comprise entre des lignes qui renferment une surface gauche. Frézier.

DÉBILLER. v. a. Terme de rivière. Détacher les chevaux qui tirent les bateaux sur les rivières. Dissolvere. Il y a plusieurs ponts à passer en cette navigation, il faut débiller à tout moment. Voyez Bille.

DÉBIR. Voyez Dabir.

DÉBIT. s. m. Vente facile & prompte des marchandises. Facilis mercium venditio, distractio. Leur bonne qualité ou le bon marché en facilite le débit. La nouveauté d’une étoffe lui donne un grand débit. Les livres de bagatelles sont d’un plus prompt débit que les livres sérieux.

Débit. Terme de teneur de livres. Il se dit de la page à main gauche du grand livre, ou livre d’extrait, ou de raison, qui est intitulée doit, où l’on porte toutes les parties ou articles que l’on a fournis ou payés pour le sujet d’un compte, ou tout ce qui est à la charge de ce compte. Je vous ai donné débit. J’ai passé à votre débit telle somme que j’ai payée pour vous.

Débit. Terme de musique. Manière rapide de rendre un rôle de chant en y mettant beaucoup de variété. Le débit est une grande partie du chant François. Sans le débit, la scène la mieux faite paroît insipide.

☞ On dit dans le sens figuré qu’un homme a un beau débit, le débit aisé & agréable, pour dire qu’il parle avec grâce & avec facilité. Cette expression est du discours familier. Expeditè loqui ; oratio facilis. expedita.

Débit du Bois. L’art d’exploiter le bois relativement aux usages auxquels il est propre. On débite le bois pour le sciage, pour la charpente, pour le charronnage, &c. voyez Bois.

☞ DÉBITANT, ante. s. Marchand qui vend en détail. Débitant de Tabac : celui qui vend en détail le Tabac qu’il va prendre en gros dans le Bureau général. Voyez Entreposeur.

DÉBITER. v. a. Vendre promptement & facilement sa marchandise. Vendere, distribuere. On débite plus en un jour de Foire, qu’on ne fait à la boutique en un mois. Quelquefois débiter se prend dans une signification plus particulière, & signifie vendre en détail.

Ce mot vient de débet ; car la première signification de débiter étoit de vendre à crédit : ce qui est le vrai moyen de faciliter une vente.

Débiter. En termes de forêts, signifie aussi couper de longueur du bois abattu, pour en faire du bois d’ouvrage ; c’est-à-dire, du bois de fente, de latte, tant carrée que volige, échalas, merrain à futaille, contre-lattes, planches, membrures, chevrons, poteaux, solives, battans, limons d’escaliers, gouttières, rais, cordes, cornets, fagots & charbon, suivant sa destination. Lignum varios in usus describere, scindere, dissecare.

Débiter, se dit de même du marbre, des pierres, &c. Lapides varios in usus sertâ desecare. Une scie à débiter.

Débiter, une partie, un article, sur un Livre, dans un compte, c’est la porter à la page à main gauche du Livre, que l’on appelle le côté du débit. Je vous ai débité pour telle somme.

On dit figurément, qu’un homme débite bien, pour dire, qu’il dit bien ce qu’il dit, qu’il récite, qu’il parle agréablement, & avec facilité. Facilè, commodè, concinné, eleganter loqui ; qu’il débite des nouvelles, narrare res novas ; pour dire, qu’il les répand, qu’il les publie. Débiter des vérités. Vera loqui. Débiter des mensonges. Fabulas, nugas vendere. Débiter de beaux sentimens. Les philosophes les plus résolus ne sont que des Charlatans, qui avalent le poison un peu de meilleure grâce que les autres, afin de mieux débiter leurs drogues. S. Evr.

Mes vers paroissent si mauvais,
Paul, de l’air dont tu les débites,
Qu’il semble quand tu les récites,
Que ce soit toi qui les a faits.

Voyez Ménage, T. II, p. 178,

Débiter, en musique, c’est rendre un rôle de chant avec rapidité, avec justesse, avec précision & variété.

Débité, ée. part. Il a tout les sens de son verbe en François & en Latin.

DÉBITEUR, EUSE. s. m. & f. Qui ne se dit qu’est cette phrase au figuré. C’est un débiteur, ou une débiteuse de nouvelles. Celui qui a coutume de dire, de débiter des nouvelles. Rerum novarum narrator, nugivendus.

DÉBITEUR. s. m. Débitrice. s. f. Homme, femme qui doit. Debitor, femina aliquo nomine obligata. Un débiteur doit satisfaire autant qu’il peut ses créanciers. Je suis votre débiteur, elle est votre débitrice.

☞ En matière civile nous n’avons point aujourd’hui en France de peine contre les débiteurs qui ne satisfont pas à leurs créanciers, que la condamnation aux dépens & la condamnation d’intérêts ; encore les intérêts ne sont-ils dûs que du jour que la demande en a été faite en justice par le créancier, & de plus, il faut que cette demande ait été suivie de condamnation.

DÉBITIS. s. m. Terme de Chancellerie. C’est un mandement général, ou compulsoire obtenu à la Chancellerie Royale pour contraindre les débiteurs par saisie, vente & exploitation de leurs biens, à payer ce qu’ils doivent à l’impétrant selon qu’ils y sont obligés. On se servoit de ces lettres, quand l’obligation étoit passée par d’autres Notaires que de Cour Laie, parce que c’étoit un instrument qui ne portoit point d’exécution ni d’hypothèque ; & quand il y avoit appel interjeté de telles exécutions, il ressortissoit à la Cour du Parlement, & non pas pardevant le Juge Royal. Ces lettres sont maintenant hors d’usage, parce qu’il est rare que les Juges refusent leur permission pour faire exécuter les contraintes. Les lettres de débitis ont le même effet dans l’étendue d’un Parlement, que les lettres de pareatis hors l’étendue d’un Parlement. L’Auteur du petit Glossaire sur les arrêts de Jean le Cocq, dit, que les lettres de débitis sont celles qu’on appelle aujourd’hui les lettres de committimus, débitis, litterarum genus, quæ hodie vocantur, lettres de committimus. Le même Auteur donne une formule des lettres de débitis.

DÉBLAER, ou DÉBLAVER. Vieux terme de Coutumes, qui signifie couper les blés. Metere, segetes resecare. Mes pères moururent saisis & vêtus, tenant & prenant, blaans & déblaans, & les biens dépouillans. Établiss. de France. Voy Déblayer.

☞ DÉBLAI. s. m. Terme familier & de conversation, qui signifie l’action de se débarrasser de quelque chose. Il n’est d’usage que dans cette phrase : Voilà un beau déblai, pour dire qu’on s’est heureusement débarrassé d’un homme incommode ou d’une chose fâcheuse.

Déblai, dans les travaux d’Architecture, signifie le transport des terres qui proviennent des fouilles qu’on fait pour la construction d’un. bâtiment. Terrarum deponatio, exportatio. M. de Feuquieres dans ses Mémoires a employé ce mot. Si l’ennemi a fait un abbatis dans une forêt dont le fonds est marécageux, & où il n’y a que quelques chemins secs : comme les déblais de ces abbatis sont longs à faire sous le feu de l’ennemi, cet ouvrage coûtera bien des hommes.

DÉBLATHA, ou DIBLA, ou DÉBLATHAÏM, ou DIBLATHAÏM, & DIBLAÏM. Nom d’une petite région de l’Arabie Déserte, & qui faisoit la partie septentrionale de la Terre de Moab, ou des Moabites ; elle touchoit à la Tribu de Ruben. Il y avoit dans cette petite contrée un lieu nommé Beth-Deblathaïm, c’est-à-dire, Maison de Déblathaïm, que quelques-uns croient avoir été une ville, d’autres le nient. Voy. Ezech VI. 4. Jérem. XLVIII. 22.

☞ DÉBLAYER, v. a. Débarrasser d’une chose qui incommode. Expedire ab aliquâ re. Déblayer une maison, une salle, &c. des choses qui sont incommodes, qui embarrassent. Ce mot s’est du originairement des Marchands de blé qui s’étoient défaits du blé qui occupoit & embarrassoit leurs greniers : & on a dit autrefois déblayer au propre, pour signifier moissonner un champ, en couper & ôter le blé ; Metere, comme l’on a dit emblaver & ablayer une terre, pour dire l’ensemencer en blé ; & ablais & emblée & debleure, pour dire, le blé pendant par les racines, comme l’on voit en plusieurs Coutûmes, qui disent aussi bléer ou debléer.

Déblayer. Se dit aussi en termes de guerre. Il fallu plusieurs jours pour déblayer le camp des blessés. M. de Feuquieres dans ses Mémoires.

Ce mot vient de bladare, ou de bladiare, qu’on a dit en la basse Latinité, pour signifier, moissonner des blés.

Déblayé, ée. part. Expeditus, liberatus ab aliquo, ab aliquâ re.

☞ DEBLEURE, ou EMBLEURE. s. f. Terme de Coutumes. Voy. l’art précédent. Ces mots signifient non seulement les bleds pendans par les racines, mais quelquefois la récolte ou la levée des bleds.

DÉBLOQUER. v. a. Terme d’Imprimerie. C’est remettre dans une forme les lettres qui, ayant manqué dans la casse, ont été bloquées, c’est-à-dire dont les places ont été remplies par d’autres lettres mais que l’on a renversées.

Deboêté, ou Déboîté, ée. part. pass. & adj. Os motum sede suâ.

DÉBOÊTEMENT, ou DÉBOÎTEMENT. s. m. Il se dit d’un os qui est hors de sa place. C’est la même chose que dislocation. Ossis de sede suâ depulsio.

DÉBOÊTER, ou DÉBOÎTER, v. a. Disloquer un os, le faire sortir de sa place. Os sede suâ movere.

Déboêter, se dit aussi des pièces de bois assemblées, qui sont sorties de leurs mortoises. Compagem aliquam, coagmentum dissolvere. Cette bordure de tableau est déboêtée.

On le dit aussi en hydraulique, pour séparer des tuyaux endommagés, pour en remettre de neufs.

Déboêter est aussi réciproque. Un os se déboëte. Une cloison se déboëte.

DÉBOIRE. s. m. Mauvais goût qui reste de quelque liqueur après qu’on l’a bue. Ingratus sapor. Il se dit aussi de la qualité ou de la saveur même qui cause ce mauvais goût. Ce vin a un déboire affreux Boil.

Déboire, se dit figurément du déplaisir, des chagrins occasionnés par le mauvais succès d’une affaire, ou des mortifications que l’on reçoit d’un Supérieur. Molestia. Les Courtisans sont souvent sujets à avoir de fâcheux déboires. C’est un furieux déboire que de se voir préférer un fat insolent. S. Evr.

DÉBONDER, v. a. & n. Lâcher, ou ôter la bonde d’un étang, d’un tonneau, &c. Sublato objectaculo aquam emittere. Quand on veut pêcher un étang, il faut le débonder & lâcher la bonde, afin de laisser écouler les eaux. Avec le pronom personnel, il se dit en parlant des eaux qui se répandent avec impétuosité ou abondance par les ouvertures qu’elles trouvent. Effluere, affluere, effundi. Cette chaussée est rompue, les eaux se débondent dans les prairies. Quand les écluses & les digues de Hollande sont rompues, la mer se débonde dans les campagnes.

On dit aussi neutralement que l’eau d’un étang débonde par quelque ouverture.

Débonder, se dit aussi des humeurs qui sont dans le corps. Effluere, effundi, diffundi. Quand la bile se débonde, elle fait de grands ravages. Quand le ventre se débonde & se décharge, le corps en est fort soulagé.

Transporté au figuré, ce mot n’est que du style familier. Ses pleurs ont enfin débondé. Après s’être fait violence pendant long-temps, il fallut enfin débonder, & donner un libre cours à la colère, à ses larmes. Erumpere in, &c.

Débondé, ée. part.

DÉBONDONNEMENT. s. m. L’action de débondonner. Pomey. Solutio, operculi detractio.

DÉBONDONNER. v. a. Oter le bondon. Suum dolio operculum detrahere. On a trop tôt débondonné ces muids, il les faut débondonner, les laisser débondonner durant quelque tems.

Débondonné, ée. part. pass. & adj. Solutus operculo.

DÉBONNAIRE. adj. m. & f. Doux, Bienfaisant. C’est là proprement l’idée que présente ce mot. Pius, lenis, humanus : mais il n’est d’usage que dans le style noble ou sérieux, en parlant des Princes : partout ailleurs il se prend en mauvaise part, ou en plaisantant. Louis le Débonnaire, ou le Pieux, Roi de France, étoit fils de Charlemagne. M. Châtelain, dans son Martyrologe, dit aussi Antonin le Débonnaire. Nos Antiquaires disent Antonin Pie. Le même Auteur avec Baillet dit : Saint Sulpice le Débonnaire, d’autres disent le Pieux.

Saint Louis étoit un Prince débonnaire. Un homme débonnaire est un homme facile, foible, & bon jusqu’à l’excès. M. Esp. Il n’est plus guère en usage en bonne part, suivant ce qu’a dit Balsac : Ils ont nommé le débonnaire, celui qu’ils n’ont osé nommer le sot. En parlant de cette vertu, que J. C. a canonisée, & qui va à souffrir & à pardonner les plus grands outrages, on peut dire : Les vrais Chrétiens sont débonnaires. Hors de-là, je ne voudrois pas m’en servir, & aujourd’hui un visage débonnaire signifie une physionomie niaise. Du tems de Montagne il signifioit quelque chose de doux & d’humain. Il y a, dit-il, quelque art à distinguer les visages débonnaires, d’avec les niais. Bouh. Quand on appelle quelqu’un débonnaire, on ne sait si c’est pour le louer, ou pour le blâmer. M. Esp. La mollesse des personnes débonnaires fait leur débonnaireté. Id.

On appelle un mari débonnaire, un mari qui souffre patiemment la mauvaise conduite de sa femme.

Pasquier, après Henri Etienne, dit que ce mot est composé de ces trois mots, de bon aire. Mais Ménage, à cause que cette signification est trop éloignée, tient qu’il vient de bonus & bonarius.

DÉBONNAIREMENT. adv. Avec douceur, avec bonté. Benignè, clementer. Un vainqueur doit traiter ses ennemis débonnairement. Il est vieux & hors d’usage.

DÉBONNAIRETÉ. s. f. Qualité de celui qui est d’humeur débonnaire. Clementia, mansuetudo, benignitas. La débonnaireté sied bien à un Prince. Il vaut mieux dire la douceur, ou la clémence, que la débonnaireté ; car lorsque la débonnaireté n’est pas une vertu du Christianisme, elle se prend d’ordinaire pour un manque de vigueur & de courage. Bouh. Dans le monde on se moque de la débonnaireté, & de la forte patience de ceux qui se laissent opprimer sans résistance. S. Evr.

La débonnaireté a quelque chose de vil & de méprisable. M. Esp. Ce mot est vieux.

DÉBORD. s. m. Ce qui sort ou qui passe au-delà du bord. Projectura, eminentia. On le dit en termes de monnoie, de cette saillie qui est hors le bord des flancs des monnoies, qui est au-delà du cordon de la légende, entre la tranche & le greneti.

Débord, se dit aussi par les Médecins, pour débordement. Profusior humorum cerebrum inundantium effluentia. Débord d’humeurs. Débord de bile. Danet.

DÉBORDEMENT. s. m. Elévation des eaux au-dessus des bords de leur lit. Exundatio. Les Anciens se sont vainement tourmentés à trouver les causes du débordement du Nil, quoiqu’il fût aisé de le trouver, comme l’on a fait depuis.

Débordement & Inondation ne sont synonymes que par l’idée générale que présentent ces deux mots, d’une certaine quantité d’eaux qui s’élèvent au-dessus des bords de leur lit. C’est-là l’idée propre du mot débordement. Inondation ajoûte à cette idée celle d’un terrein distingué des bords, & couvert par les eaux qui se répandent en sortant de leur lit. Voyez ce mot.

On le dit de même des humeurs du corps humain qui se dégorgent. Le débordement de la bile cause la jaunisse. On appelle débordement de cerveau une chute extraordinaire de pituite qui coule du cerveau & des conduits salivaires par le nez & par la bouche. Effluvium, effusio.

Dans un sens figuré, débordement se dit de l’irruption d’un peuple barbare qui vient avec des armées nombreuses ravager les Provinces. Irruptio. L’Empire Romain n’a pu soutenir le débordement des nations du Nord, des Goths, des Vandales, &c. L’Angleterre seroit inondée par le débordement effroyable de mille sectes bisarres. Boss. Sectarum colluvies, effluvium.

Débordement, se dit aussi figurément pour épanchement, effusion. Effusio, effluentia. Je serois au désespoir d’avoir perdu tant de paroles passionnées que M. de S. Cyran appeloit des effusions de cœur & des débordemens d’amitié. Balz.

Débordement, signifie figurément, débauche, dérèglement. Vivendi licentia, morum licentia, corruptela. Le débordement des mœurs avoir besoin d’une forte digue. Patru. Il ne peut ignorer ce débordement honteux. Maucroix. L’Ordonnance a relevé du tombeau l’autorité paternelle ensevelie sous les vices & les debordemens du siècle. Le Mait.

DÉBORDER, v. a. Dans les arts méchaniques, c’est en général ôter les bords d’un chapeau, d’un manteau, d’un habit, d’une jupe. Limbum tollere.

Déborder les tables. Terme de Plombier, c’est avec un débordoir rond rogner les bords des tables de plomb, pour les unir des deux côtés. Resecare.

Déborder, v. n. Et se déborder, passer par-dessus les bords. Il se dit des eaux qui sortent de leur lit, qui s’enflent, qui se grossissent trop, & qui s’écoulent. La fonte des eaux fait déborder les rivières, fait que les étangs se débordent. La mer a beau se remplir de fleuves, elle ne se déborde point. Maucroix.

On le dit dans le même sens des humeurs du corps humain, particulièrement de la bile, lorsqu’elles sont en si grande abondance, qu’elles ne peuvent plus être contenues dans les vaisseaux. Effluere, diffundi. Quand la bile se déborde, elle fait de grands ravages.

Déborder, se dit aussi des choses qui avancent au-delà d’une autre, quand le bord de l’une passe celui de l’autre. Eminere, prominere. Il faut rogner cette doublure, elle déborde d’un grand doigt. Les passemens, les passepoils débordent au-delà des coutures. Cette maison déborde dans la rue. Le cordon déborde tout le long d’un bâtiment.

On le dit de même activement en termes de guerre d’une ligne qui a plus de front & d’étendue que la ligne qui lui est opposée. La première ligne des ennemis débordoit la nôtre.

On le dit même de tous les corps qui en débordent d’autres.

Déborder, en termes de Marine, se dit d’un vaisseau qui se dégage du bord d’un autre qui l’avoit abordé, & qui y étoit attaché par un grapin, ou autres amarres, ou qui se détache d’un brûlot pour se sauver de l’insulte de l’abordage. Expedire, explicare, dissolvere. Déborder, se du aussi d’un bâtiment qui s’éloigne d’un autre pour quelque cause que ce soit. Une chaloupe ne déborde point du vaisseau sans que le Capitaine en soit informé.

Déborder signifie encore, en termes de Marine, tirer les écoutes d’une voile pour la carguer. Le Manoeuv.

Déborder, terme de Plombier. C’est couper les deux côtés des tables de plomb avec la plane. Resecare. Déborder les tables de plomb.

On dit figurément se déborder en injures, vomir des injures, exhaler sa colere en injures. Evomere iram, virus acerbitatis suæ. Sa cruauté se déborda sur toutes sortes d’âges. Vaug. Se déborder en paroles impures & licencieuses. Erumpere in obscœnas voces. Maucroix. Plus la cupidité trouve d’ouvertures, plus elle se déborde. Roy.

Déborder signifie encore, se répandre, venir en foule, concurrere, irrumpere. Les nations barbares ont débordé dans toutes les Provinces de l’Empire Romain.

Paris voit tous les ans,
Les auteurs à grands flots déborder de tout temps. Boil.

Débordé, ée. part. Exundans, effusus, diffusus.

On appelle une personne débordée celle qui est déréglée, qui sort des bornes que l’honnêteté & la Religion prescrivent. C’est un jeune homme débordé. Il mene une vie débordée. Dissolutus, libidinosus, liberiùs vivens.

DÉBORDOIR. s. m. Instrument de fer, tranchant, avec une poignée de bois, fait en forme de plane, dont se servent les Plombiers pour rogner les bords des tables de plomb. Voyez Déborder.

DÉBOSSER le cable, v. a. Terme de Marine. C’est démarrer la bosse qui tient le cable.

DÉBOTTER, ôter les bottes à quelqu’un. Ocreas alicui detrahere. Se débotter, c’est tirer ses bottes avec un tirebotte. Ocreas exuere.

On le dit aussi substantivement : Il se trouva au débotter du Roi. Acad. Fr.

Débotté, ée. part. Solutus ocreis.

DÉBOUCHÉ. s. m. On appelle un débouché, un moyen, un expédient pour sortir de quelque affaire, de quelque embarras. Trouvez-moi un débouché, & je m’en servirai. Le Conseil ne trouva point de meilleur débouché pour les billets de banque, que de les faire mettre au visa, pour être liquidés à perte, suivant leur nature, & convertis en rente usagère au denier 20, ou perpétuelle au denier 50.

Débouché, se dit dans le même sens dans le commerce pour exprimer la facilité qu’on a de se défaire de ses marchandises. J’ai un débouché pour me défaire de telles marchandises.

Débouché. Lieu par où l’on sort d’un défilé, d’une gorge, & d’un col de montagne. Le Lieutenant-Colonel aura soin aux défilés de faire faire halte à la tête du Régiment au delà du débouché, pour faire réformer les rangs & les divisions, de façon qu’elles soient toujours en bon ordre. Bombelles.

DÉBOUCHEMENT. s. m. Action de déboucher. Le débouchement des égoûts, des canaux, &c.

Débouchement, signifie aussi figurément, moyen, expédient de se défaire utilement des choses dont on ne trouve pas aisément l’emploi ou le débit. Il a trouvé un débouchement pour ses billets. J’ai des marchandises dont je cherche le débouchement. Dans ce sens il est synonyme à débouché.

DÉBOUCHER, v. a. Oter ce qui bouche. Recludere, aperire. On a débouché ces bouteilles. Souvent en conservant son idée principale, il signifie débarrasser, ôter les obstacles. Déboucher les chemins, un égoût, les passages, &c. En médecine il signifie la même chose qu’évacuer. Cette médecine l’a débouché.

Déboucher, se dit neutralement pour, Sortir d’un défilé, d’une gorge, & d’une montagne. A peine avions nous débouché dans la plaine, que la tête des ennemis parut sur les montagnes opposées. Nous débouchions par le col, ou le pas de Suze, pour entrer dans la plaine de Turin.

☞ Dans ce sens l’infinitif est souvent employé comme substantif, & l’on dit au déboucher du défilé, des montagnes, pour dire à la sortie.

Débouché, ée. part.

☞ DÉBOUCHOIR. s. m. En termes de Lapidaire, c’est un morceau de fer sur lequel est creusé la forme de la coquille & de la queue, qu’on repousse avec un poinçon hors de cette coquille, lorsqu’elle est cassée.

DÉBOUCLER, v. a. Oter les boucles de ce qui est bouclé. Diffibulare. Déboucler un ceinturon. Déboucler des bottines ; déboucler des souliers.

Déboucler, Oter les boucles qu’on a mises à la nature d’une cavale pour l’empêcher d’être saillie. Equam diffibulare. Il faut déboucler cette cavale.

Déboucler, signifie aussi, Défaire quelques boucles de cheveux, les défriser, Cirros dissolvere. Déboucler une perruque. Cette perruque s’est toute débouclée.

Débouclé, ée. part.

DÉBOUILLI. s. m. Epreuve que l’on fait de la bonté ou fausseté d’une couleur, ou teinture, en faisant bouillir les étoffes dans de l’eau avec de certaines drogues. Si la couleur soutient le débouilli, c’est-à-dire, si elle ne se décharge point, ou très-peu, & que l’eau n’en reste point colorée, la teinture est jugée de bon teint.

DÉBOUILLIR. v. a. Terme de Teinturier. C’est éprouver la bonté ou la fausseté d’une teinture. Tincta, infecta probare, experiri. On fait bouillir des échantillons d’étoffe demi-heure dans des eaux sûres avec un poids égal d’alun & de tartre, ou de savon, ou de jus de citron : & alors les couleurs se changent. Par exemple, l’échantillon noir qui aura été guédé deviendra bleuâtre tirant sur le verd brun. S’il a été guédé & garancé, il deviendra minime. Et celui qui n’aura été ni guédé, ni garancé, ne verdira point, mais deviendra d’une couleur entre jaune & fauve. On voit aussi par le débouilli si les étoffes ont été bien engallées & noircies. On fait aussi débouillir un échantillon de la couleur matrice qui se garde au Bureau, qui a été teinte dans les règles, pour en juger par la comparaison des uns aux autres. Le bleu ne manque jamais dans le débouilli, si la teinture en est bonne. On fait des demi-débouillis & des quarts de débouillis, en mettant moins pesant d’alun & de tartre, ou en les faisant bouillir moins de temps. La manière de faire le débouilli est amplement décrite dans les Statuts des Teinturiers de l’année 1669.

Débouilli, ie. part. on dit aussi subst. Un débouilli.

DÉBOUQUEMENT. s. m. Action de débouquer. Egressus, exitus. Sortie des bouches, ou canaux qui séparent les îles.

☞ Ce mot ne signifiant autre chose qu’un passage formé par plusieurs Îles, entre lesquels un vaisseau est obligé de passer, paroît synonyme à détroit & à canal ; mais il s’applique particulièrement aux Antilles & aux Îles qui sont au Nord de S. Domingue. Voy. Desembocadero.

DÉBOUQUER. v. n. Terme de Mer. C’est sortir des bouches ou des canaux qui sont entre deux Îles, ou entre une Île & la Terre-ferme. Pomey. Expedire se, excedere.

DÉBOURBER. v. a. Oter, tirer de la bourbe une roue, ou autre chose semblable. Danet. E cœno extrahere, evellere, avellere.

Débourber. Se dit aussi pour, Faire jeter la bourbe. Pour manger de bon poisson, il le faut faire débourber dans de l’eau claire. Danet. On dit aussi, Débourber un étang, pour dire, en tirer la bourbe. L’Acad. Cœno purgare, expurgare.

DÉBOURGEOISER. v. a. Oter à quelqu’un les maniéres bourgeoises, lui faire voir le beau monde. M. Regnard, Scène VI du Retour imprévu, fait ainsi parler le Marquis au sujet de Clitandre : Il n’est pas connoissable depuis qu’il me hante, ce petit homme. Il est vrai que je n’ai pas mon pareil pour débourgeoiser un enfant de famille, le mettre dans le monde, le pousser dans le jeu, lui donner le bon goût pour les habits, les meubles, les équipages. Je n’ai trouvé ce mot dans aucun Dictionnaire, excepté Pomey.

DÉBOURRER, v. a. Au propre signifie ôter la bourre. Tormentum ex ephippio detrahere, eximere ; mais il n’est guère en usage qu’au figuré, & signifie apprendre à vivre à quelqu’un, le façonner, lui faire perdre le mauvais ton, les mauvaises manières, & dans ce sens il est aussi réciproque. Aliquem erudire, instituere, perpolire. Cet homme étoit fort grossier quand il vint à Paris, mais il s’est bien débourré à la Cour. La fréquentation du beau monde débourre bien les Provinciaux. Il n’est que du style familier.

Débourrer un cheval, terme de manège. C’est rendre les mouvemens d’un jeune cheval souples & lians.

Débourré, ée. part.

DÉBOURSEMENT. s. m. Payement qu’on fait des deniers qu’on tire de sa bourse. Pecuniæ dinumeratio. Le remboursement des frais n’égale jamais ceux du déboursement, ou ce qu’on a déboursé.

DÉBOURSER, v. a. Tirer de l’argent de sa bourse pour faire quelque dépense, quelque payement, quelque achat. Pecuniam è marsupio promere, depromere. Il a déboursé tant d’argent pour les affaires de son maître.

Déboursé, ée. part. & adj. & quelquefois subst. Depromta e marsupio pecunia. Il faut rendre l’argent déboursé par notre ordre. On ne peut rien rabbatre sur le déboursé. Il lui faut allouer son déboursé. Il se dit ordinairement des petites sommes qu’on avance pour les autres.

DEBOUT. adv. Sur ses pieds. Stans. Les Juifs étoient obligés de manger l’Agneau Pascal tout debout. Quand vous priez, ne faites pas comme les hypocrites, qui affectent de prier en se tenant debout dans les Synagogues. Port-R. On a dit qu’il falloit qu’un Empereur mourût debout, c’est-à-dire, qu’il fût toujours actif & vigilant. Il faut être debout & tête nue devant ceux à qui l’on doit du respect. Le bois qui est debout dans les forêts, c’est celui qui n’est point abattu.

☞ On est debout, lorsqu’on est sur ses pieds. On est droit, lorsqu’on n’est ni courbé, ni panché. Syn. Fr. La bonne grâce veut qu’on se tienne droit. Le respect fait quelquefois tenir debout.

Debout, se dit aussi de ceux qui ne sont point couchés. Stare. Cet homme a été long-temps alité, mais maintenant il est debout. Les Soldats d’Alexandre couchent sur la terre, & jamais le jour ne les trouve que debout. Vaug. On dit aussi d’un homme fort assoupi, qu’il dort tout debout. Quand on éveille quelqu’un à la hâte, on lui crie : Debout, debout ; sus, debout, il est grand jour.

Debout, se dit des bâtimens anciens qui subsistent encore. Le Colisée est encore debout, quoi que Rome ait été sept fois prise par les Barbares ou les Etrangers. La muraille de la ville étoit encore debout. Ablanc.

☞ On dit mettre du bois debout, lorsqu’on le met de sa hauteur : un tonneau debout, quand on le met sur un de ses fonds.

Debout, se dit proverbialement en ces phrases, On est plus couché que debout, pour dire que la vie est bien plus courte que l’éternité. On dit qu’un homme ne sauroit tomber que debout, quand il a tant de ressources, que si l’une lui manque, l’autre ne lui manquera pas. On appelle aussi des contes à dormir debout, des contes avec lesquels on amuse & on endort les enfans. On dit pareillement à ceux qui font de vaines promesses auxquelles on n’ajoûte pas foi, ou qui font de vains raisonnemens qui ne persuadent point, que ce sont des contes à dormir debout.

Debout, en termes de Blason, se dit des animaux qu’on représente tout droits & posés sur les pieds de derrière. Erectus. On voit des écus où il y a des ours, des écureuils, des boucs, &c. qui sont debout, ou peints de cette sorte.

En termes de Marine, donner debout à terre, veut dire courir droit à terre. Avoir vent debout, aller debout au vent, être debout au vent, c’est avoir vent contraire, avoir vent par proue, aller contre le vent, présenter l’avant du navire au vent. Debout à la lame, naviger debout à la lame, se dit quand la lame prend le vaisseau par l’avant, & qu’il la coupe pour avancer. Aborder un vaisseau debout au corps, c’est lui mettre l’éperon dans le flanc.

Debout. adv. Il se dit des marchandises qui passent dans une ville sans décharger.

Debout et costes. Termes qui se trouvent dans quelques Coutumes, ils signifient aux deux bouts, aux deux côtés. Utrinque, ex utraque parte.

Debout à éteinte de chandelle. Termes de Coutumes. Bail qui se fait à éteinte de chandelle ; adjudication d’héritages qui se fait en faveur du plus offrant & dernier enchérisseur qui s’est présenté pendant que brûloit un petit bout de bougie ou de chandelle, qu’un Sergent Crieur avoit allumé devant le Juge qui fait l’adjudication. Voyez la Coutume de Bretagne.

DÉBOUTER, v. a. Terme de Palais. Rejeter la requête, la demande qu’on fait en Justice, déclarer par sentence, par arrêt que quelqu’un est déchu de la demande qu’il avoit faite en Justice. Actorem actione suâ submovere. Ce chicaneur a été débouté par arrêt de toutes ses prétentions. La formule de prononcer est telle : La Cour a débouté & déboute le demandeur de sa demande, de l’entérinement de ses lettres, & l’a condamné aux dépens.

On dit aussi débouter quelqu’un de ses espérances, de ses prétentions : cette expression est du style familier, ou du style du Palais. Aliquem de suâ spe dejirere.

Débouté, ée. part. Il a les significations de son verbe, & signifie la même chose que déchu.

Débouté de sa demande, de son opposition, à quoi le Juge ajoûte toujours une condamnation aux dépens, en quoi le débouté est différent de ce qu’on appelle hors de Cour.

Débouté. s. m. Terme de Palais. On appelle un débouté de défenses, un jugement qui se donnoit avant la dernière Ordonnance, par lequel un défendeur étoit débouté de donner des défenses, faute de les avoir données en temps & lieu : & le demandeur étoit reçu à vérifier sa demande tant par titres, que par témoins. Facultate & copiâ omni tuendæ defensionis multatus. Les déboutés de défenses sont abrogés par l’Ordonnance de 1667.

DÉBOUTONNER, v. a. Faire sortir les boutons de leurs ganses, ou boutonnières. Astrictum globulis thoracem laxare. Déboutonner sa soutane, son juste-au-corps. On le dit aussi avec le pronom personnel. Se déboutonner.

On dit figurément, dans le style familier, se déboutonner avec ses amis, pour dire parler librement avec eux, leur ouvrir son cœur.

Déboutonné, ée. part. Qui a le pourpoint ouvert. Thorax globulis laxatus, vestis globulis laxata. Il est mal séant de paroître dans une compagnie tout déboutonné.

On dit proverbialement, Rire à ventre déboutonné, pour dire, rire de toute sa force, & manger à ventre déboutonné, manger avec excès.

DÉBRAILLER, qui ne se dit qu’avec le pronom personnel. Se débrailler. v. récip. Se découvrir trop la gorge, l’estomac ; être mal boutonné, ou attaché, montrer ce qui a coutume d’être caché. Pectus, collum nudare. Les grandes chaleurs obligent quelquefois à se débrailler. C’est une indécence de paroître débraillé devant les honnêtes gens. Il n’est que du discours familier.

Débraillé, ée. part. Il a ses significations de son verbe.

Mon diner fait, ne vous déplaise,
Je dors & ronfle dans ma chaise ;
Je me mets en déshabillé,
Devant mon feu, tout débraillé. De Malézieu.

DÉBREDOUILLER. v. a. Terme de Joueurs de Trictrac. Oter la bredouille, empêcher qu’un homme ne puisse gagner partie double. Débredouiller quelqu’un. Il est aussi neutre & réciproque. Débredouiller & se débredouiller. Quand on gagne quelques points après celui qui avoit marqué bredouille, on le fait débredouiller, on lui fait ôter la marque de la bredouille. Jus ad merum duplex adimere. Il se dit de la petite & de la grande bredouille. Pour la petite, c’est entrer avec deux jetons, tandis que le premier joueur n’en a qu’un, parce que vous lui ôtez le droit de partie bredouille ; ou ôter un jeton à celui qui en a deux, pour lui ôter également la bredouille. Débredouiller la grande bredouille, c’est empêcher qu’un joueur ne gagne douze trous de suite, ce qui se fait en l’interrompant, & gagnant un trou au moins avant qu’il en ait gagné douze. Voyez Grande Bredouille. Il est d’un honnête homme de se débredouiller, sans attendre que son adversaire le lui dise. Traité du Trictrac. On le dit par extension à toutes sortes de jeux, ou en d’autres occasions, quand on commence à gagner, ou à faire quelque chose à son tour pour la première fois. Cette femme est revenue du bal sans débredouiller ; c’est-à-dire, qu’elle n’a point dansé.

Débredouillé, ée. part. Jure lucri duplicis privatus, a. Quand celui qui a été débredouillé vient à faire un grand coup, par lequel il a de quoi marquer trois trous à la fois, cela s’appelle rentrer en bredouille.

☞ DEBREZEN. Ville de la Haute Hongrie, dans le Comté de Zabotez, au midi de Tokay. Debrecinum.

DÉBRIDÉE. s. f. Prix qu’on paye à l’Hôtellerie pour un cheval, lorsqu’on ne s’y arrête que le temps de son diner. Voilà une belle débridée, dit-on d’une folle entreprise. On le dit aussi d’une grande compagnie qui descend chez quelqu’un. Il a eu toute la débridée, c’est-à-dire, ils ont tous logé chez lui. Ce mot n’est pas d’usage.

DÉBRIDEMENT. s. m. Action de débrider. Pomey. Freni solutio. Il n’est pas d’usage.

DÉBRIDER. v. a. ôter la bride à un cheval. Equo frenos detrahere. Débridez mon cheval, je ne veux plus sortir. Ce cheval s’est débridé tout seul. On le dit absolument. Nous avons fait dix lieues sans débrider, tout d’une traite. Il est temps de débrider.

Débrider, signifie souvent ouvrir, dégager, élargir, desserrer, &c. Laxare, aperire, deducere, &c. Je me servis de la pointe d’une lancette pour débrider cette partie du conduit de l’uretère. Dionis. Ce terme est en usage dans les Arts dans le sens qui vient d’être expliqué.

Débrider une pierre. Terme de Carrier. C’est en ôter le cable, quand elle est arrivée en haut, & qu’on veut la décharger sur la forme, ou raccommoder le cable sur la pierre, quand dans les premiers tours de la roue on s’apperçoit qu’elle est mal bridée.

Débrider, se dit figurément en parlant de plusieurs travaux qu’on fait sans discontinuation. Ces manœuvres ont travaillé continuellement, & sans débrider. Il nous a fait vingt contes sans débrider. J’ai dormi sept heures sans débrider. Continenter, assiduè, sine ullâ intermissione. Cet homme a parlé deux heures sans débrider, c’est-à-dire, sans cesser, sans laisser un moment aux autres pour parler. Cela n’est bon que dans le style familier.

Débrider, se dit populairement de plusieurs choses qu’on fait à la hâte, & avec une extrême précipitation. Deproperare. Voyez comme ces gens-là débrident. On dit d’un homme qui dit trop précipitamment son Bréviaire, qu’il a bientôt débridé son Bréviaire. Ac. Fr.

Debridé, ée. part. Il a la signification de son verbe, en Latin comme en François.

DÉBRIDEUR. s. m. Qui fait quelque chose vite, à la hâte. Deproperator. Rabelais appelle frère Jean un bon débrideur de Matines. On le dit encore en semblables phrases en style bas & familier.

☞ DÉBRIS. s. m. Restes d’une chose détruite. Ruines & décombres ; se dit principalement des édifices. Voyez ces mots ; Reliquiæ. On voit encore en Orient, les débris, les pitoyables restes des villes de l’antiquité. Ce sont là les tristes débris de la guerre civile. Chercher Rome en ces vastes debris. Main.

Débris, se dit plus particulièrement des restes ou des pièces dispersées d’un vaisseau qui a fait naufrage, & des effets qui étoient dans le vaisseau que la mer jette sur le rivage. En termes de marine, on dit bris. Fracta, lacera navis, fractæ navis reliquiæ. Il n’a sauvé que peu de chose du débris de son naufrage. La mer jeta sur les bords plusieurs pièces du débris de ces vaisseaux.

Débris, se dit au figuré, de ce qui reste de bien après un revers de fortune, & de ce qui reste de troupes après une défaite. Reliquiæ tristes, ruinæ. Il a sauvé beaucoup de bons effets du débris de sa fortune. Il a rallié le débris de son armée, pour tenter encore une fois le combat. Si vous vous élevez sur les ruines d’autrui, un plus puissant que vous s’élèvera à son tour sur les débris de votre grandeur. Fléch. Il avoit recueilli trois cens écus d’or du débris de son patrimoine. Id. Les Millenaires se figurent que Dieu tirera du débris du monde un plus bel édifice, & une constitution de toutes choses plus heureuse, & moins fragile. S. Evr. Lors même que la pudeur est vaincue, l’on aime encore à en voir les restes & les débris. Id.

Débris, se dit aussi de ce qui se casse & se brise dans une maison, où il aborde beaucoup de monde. Fractura, ruptio, detrimentum. Il faut qu’un Hôtelier fasse état de telle somme tous les ans pour le débris qui se fait en sa maison. En plusieurs lieux on fait payer tant pour le débris des maisons où on loge. Quand le Roi loge quelque part, il fait payer tant pour le débris.

DÉBROUILLEMENT. s. m. Action par laquelle on démêle, on débrouille une chose embrouillée. Explicatio. Le débrouillement du chaos. Il n’y avoit que cet Intendant qui fût capable du débrouillement des affaires de cette maison.

☞ DÉBROUILLER. v. a. Démêler, mettre l’ordre dans les choses qui étoient en confusion. Explicare, expedire. J’ai débrouillé nos papiers qui étoient mal en ordre. Ce fut l’amour, disent les Poëtes, qui débrouilla le chaos.

Débrouiller, se dit au figuré en parlant d’affaires, de sciences, de questions, pour dire, les démêler, les éclaircir, &c. Un habile Rapporteur sait bien débrouiller une affaire, la mettre en son jour. Les Scaliger, Lipse, Casaubon, & autres Critiques du dernier siècle, ont fort débrouillé les sciences.

Débrouillé, ée. part.

DÉBROUTIR. voyez Débrutir.

DÉBRUTALISER. v. a. Ôter la brutalité ; faire qu’un homme brutal ne le soit plus. Aliquem à rusticis, serinis moribus ad humanitatem traducere. Madame la Marquise de Rambouillet a fait ce mot, qui est assez heureusement inventé. Vaug. Mais quoiqu’il dût être reçu avec applaudissement, l’usage ne l’a point confirmé.

DÉBRUTIR, ou DÉBROUTIR. v. a. Terme de Miroitier. Commencer à polir les glaces, en ôter d’abord ce qu’il y a de plus brute, commencer à les dégrossir. Speculi crystallum lævigare. Débrutir une glace de miroir. On le dit aussi du marbre.

☞ DÉBRUTISSEMENT. s. m. L’art de débrutir, de polir jusqu’à un certain point la surface d’un corps solide. On le dit particulièrement des glaces, des miroirs, &c.

DEBTEUR. s. m. Vieux mot. Débiteur. Debitor.

DEBUCHER, v. n. Terme de Vénerie. Sortir du bois. Il ne se dit que du gros gibier, quand il sort du bois où il s’étoit retiré, ou de son buisson, de son fort. Migrare è silva, è lustro. Mon cerf débuche, & passe une assez longue plaine. Mol.

☞ On le dit substantivement. Se trouver au débucher.

DÉBUSQUEMENT. s. m. L’action de débusquer. Pomey. Exactio, ejectio.

DÉBUSQUER, v. n. Sortir du bois. Exire, egredi. Dès que le loup eut débusqué, on mit les chiens après lui.

Débusquer, v. a. Chasser un homme d’un lieu qu’il occupe, d’un poste avantageux. Aliquem ex aliquo loco detrudere, depellere, ejicere. Ce Capitaine avoit occupé ce château, mais on l’en a débusqué.

☞ On le dit figurément d’un rival, d’un concurrent qui en déposséde un autre. Débusquer quelqu’un de sa place, du ministère. Il n’est que du style familier.

Débusqué, ée. part. Depulsus, ejectus, detrusus.

DÉBUT. s. m. Commencement d’une partie, le premier coup à certain jeu, au mail, à la boule, &c. Ludendi initium. Dès que j’ai vu son début, j’ai bien jugé qu’il perdroit la partie.

On dit qu’une chose est en beau début ; pour dire qu’on la peut miser, abattre facilement, ou la jeter loin du but. De meta dejici, depelli facilis.

Début, se dit en général d’une chose qu’on fait pour la première fois, ou du commencement d’une action. Début d’un acteur. Début d’un orateur. De la première démarche dans une entreprise, du commencement d’une affaire, d’un discours, &c. alors il se prend au figuré. Initium, exordium. Quand on vient à la Cour, on prend garde au début. Le début de ce livre est beau, mais il ne se soutient pas long-temps.

Que le début soit simple, & n’ait rien d’affecté. Boil.

DÉBUTER. v. a. Ôter du but, d’auprès du but, une boule. Globulum de meta depellere. C’est un avantage de jouer le dernier à la boule, car on débute les autres.

Débuter, signifie aussi, Commencer une partie, jouer le premier coup. Ludendi initium facere. Ce joueur a si bien débuté, que je parierois pour lui. Il a débuté par un beau coup.

Débuter, se dit figurément pour commencer quelque chose, faire les premières démarches dans une entreprise, dans une profession, &c. Dicendi facere initium, agendi initium facere. Cet Avocat a plaidé sa première cause, & a débuté par une sottise. Il importe en toutes choses de débuter avec esprit. Ab. Il a malheureusement débuté auprès d’elle. La belle galanterie que la leur ! quoi ! débuter par le mariage, & en venir de but-en-blanc à l’union conjugale ? Mol. Toute la fortune d’un homme qui entre à la Cour, consiste à bien débuter, à se mettre d’abord en bonne réputation : car on juge de sa conduite par les premiers pas.

☞ On le dit particulièrement aujourd’hui des Acteurs qui jouent pour la première fois sur un théâtre. Tel Acteur a débuté dans telle pièce.

Débuter, se dit souvent ironiquement, de ceux qui font, ou qui disent mal-à-propos quelque chose qu’on désapprouve. Facere aliquid perperam, malè. Vous croyez avoir fait une bonne affaire, voilà bien débuté.

Débuté, ée. part.

DEC.

DEÇÀ. Préposition qui marque un lieu plus proche de nous qu’un autre, qui en est séparé par quelque montagne, ou rivière, ou qui en est plus éloigné, & qu’on désigne par la préposition delà, qui est opposée à deçà. Citra. La Provence est deçà les Monts. La Franche-Comté est deçà le Rhin.

Il est plus ordinairement adverbe de temps & de lieu, & est opposé à delà. Le soleil retourne en deçà en été. Sous l’Empire d’Auguste, & long-temps en deçà la langue Latine florissoit. Tournez-vous en deçà, vers moi. Venez par deçà. Ce mur penche en deçà. Les pays de deçà ; c’est-à-dire, voisins. Il n’y a rien de nouveau en deçà, par deçà. Je vous enverrai toutes les nouvelles de deçà. Il vieillit en ce sens.

On dit d’un inconstant, qu’il est tantôt deçà, tantôt delà, qu’il incline deçà & delà, d’un coureur, d’un inquiet, qu’il va deçà & delà. Ultrò citròque.

DÉCACHETER, v. a. Ôter, rompre le cachet. Il se dit particulièrement des lettres & paquets, quand on les ouvre. Resignare. On est exempt de payer le port des lettres décachetées.

Décacheté, ée. part.

DÉCADARQUE, ou DÉCADUQUE. s. m. Magistrat que Lysandre établit dans les villes de la dépendance d’Athènes, après sa victoire sur les Athéniens. Decadarchus, Decaducus. Lysandre créa dix Magistrats dans chacune des villes Athéniennes, après en avoir chassé tous les partisans d’Athènes, & il n’admit personne parmi ces Magistrats qui ne fût son hôte & son ami, ou qui ne lui jurât fidélité. Ainsi il se rendit maître de tout le Gouvernement : c’est ces dix Magistrats qu’on appela Decadarques & Decaduques, de δέκα, dix, & de ἀρχή, Commandement, Magistrature ; ou de δεκάς, δεκάδος, Décade, & de ἔχω, j’ai, je possède, je contiens. Dans Athènes il en mit trente.

☞ DÉCADE. s. f. Terme dont on se servoit autrefois en arithmétique pour signifier dixaine. Decas du mot grec qui signifie la même chose. Il ne se dit plus que pour désigner les livres d’histoire qui sont partagés par dixaines. Les Décades de Tite-Live. L’histoire Romaine de Tite-Live est divisée par Décades.

Décade. Ouvrage composé de dix Livres. Decas.

DÉCADENCE. s. f. Disposition à la chute, état de ce qui tend à sa ruine, tant au propre qu’au figuré. Ainsi le mot ruine dit plus que décadence, & en est distingué comme l’effet l’est de sa cause. Ad ruinam inclinatio. Les bâtimens qui ne sont point habités, tombent bientôt en décadence. Que j’aime à voir la décadence de ces vieux palais ruinés. S. Amand. Le P. Bouhours, dans ses nouvelles remarques sur la langue Françoise, avertit que décadence ne s’emploie guère qu’au figuré, si ce n’est en vers, comme dans l’exemple de S. Amand, qui vient d’être rapporté ; & que quand on dit la décadence d’une maison, une maison qui tombe en décadence, alors maison se prend pour famille, & non pas pour bâtiment.

Décadence, se dit figurément dans la même signification de tout ce qui va vers le déclin. Res inclinata, ab exaltatâ fortunâ ad inclinatam & prope jacentem dejici ; imperii, regni, Reipublicæ occasus, senectus ; rerum inclinatio. Le crédit de cet homme va en décadence. Toutes les choses du monde vont en décadence, c’est-à-dire, de mal en pis. Cette famille tombe en décadence. Vigenere a écrit l’Histoire de la Décadence de l’Empire d’Orient, & le P. Maimbourg celle de l’Empire d’Occident après Charlemagne. Bien loin que les sciences soient allées en décadence dans ce siècle, elles ont au contraire reçu de considérables accroissemens. S. Evr. La décadence des arts a suivi la chûte de l’Empire Romain. Id. Les hommes ne regardent pas volontiers les choses dont la décadence leur remet devant les yeux la nécessité inévitable de mourir. Bouh. Les femmes laissent aller leurs charmes en décadence, dès qu’elles ont enchaîné un mari. S. Evr. Depuis ce malheur tout alla visiblement en décadence, & les affaires furent sans retour. Boss. Dom Mabillon, dans les Acta Sanct. Bened. Sæc. IV. Præf. §. VI. traite des causes de la décadence de l’Ordre de S. Benoît.

DÉCAGER, v. a. Ôter, tirer d’une cage. Me voilà donc décagé pour la troisième fois, dit Cyrano dans son Histoire comique de l’Empire de la Lune. Mais un Écrivain si libre dans sa manière de penser, peut bien l’être dans ses expressions : encore celle-ci n’est-elle pas la plus hardie.

DÉCAGONE. s. m. Terme de Géométrie. Figure plane qui a dix angles & dix côtés. Decagonus. Un Décagone régulier. Il est aussi adjectif. Le bassin de cette fontaine est décagone.

En matière de Fortification on appelle aussi un décagone, un ouvrage composé de dix bastions.

DÉCAISSER, v. a. Terme de Jardinier. C’est tirer quelques plantes, quelques arbres, quelques fleurs de la caisse. Plantas suis de capsulis extrahere. Décaisser un jasmin. Décaisser un oranger, &c.

Décaisser des marchandises. Terme de commerce, plus usité que désencaisser. C’est les tirer hors de la caisse où elles sont renfermées. Il ne se dit que de la première ouverture que l’on fait d’une caisse.

DÉCALENGÉ, ée. adj. Terme de Coutumes. Qui n’est point accusé, ou qui n’est point appréhendé. On dit aussi des biens & des meubles décalengés, & déchargés de la saisine.

DÉCALITRE, ou DÉCALITRON. s. m. Ancienne monnoie de la ville d’Egine. Decalitron. Le Décalitre des Eginètes valoit deux stateres Corinthiens, au rapport de Pollux, c’est-à-dire, qu’il valoit dix oboles d’Egine, ou seize oboles d’Athènes, & les deux tiers d’une obole d’Athènes. Saumaise, de M. U. sur. c. 6. prétend que le Décalitre ne valoit que 16. oboles & un tiers d’obole d’Athènes ; mais il se trompe : car 6. oboles d’Egine en valoient dix d’Athènes. Ainsi 1. obole d’Egine égale à une obole d’Athènes, plus obole, plus d’obole. Or & . Donc 1. obole d’Egine valoit d’oboles d’Athènes. Il s’ensuit encore de-là, contre le sentiment de quelques Auteurs que le Décalitre valoit plus de deux drachmes d’Athènes, car la drachme, ou dragme d’Athènes, ne contenoit que six oboles, & conséquemment les deux dragmes n’en faisoient que 12. & le Décalitre 16. qui font 2. dragmes & de dragme d’Athènes. Il paroît par-là que si l’on appelle quelquefois le Décalitre d’Egine une dragme, c’est un abus de ce nom, ce n’est pas parler juste. Il y avoit aussi un Décalitre de Corinthe, & un de Syracuse, qui étoient l’un & l’autre de même poids que celui d’Egine. Voyez Gronovius, L. III. De Pec. Vet. C. 3.

Pour réduire maintenant le Décalitre à notre monnoie, supposons que 1o. l’argent est à 32. livres le marc ; le grain vaudra un denier, plus de denier. Supposons en second lieu, ce que tout le monde accorde, que la dragme d’Athènes pesoit un huitième de l’once Romaine, c’est-à-dire, 67. de nos grains : comme nous l’avons dit au mot Dragme. Soixante & sept grains ou la dragme Attique valoit 9. s. 3. d. de denier, comme nous l’avons montré au même endroit. Donc deux dragmes & f de dragme, c’est-à-dire, le Décalitre, valoit 1. liv. 1. s. 8. d. de denier.

Ce mot est Grec composé de δέκα, dix, & λίτρα, litre, qui étoit, selon Pollux, une petite monnoie, laquelle, comme il paroît parce que nous avons dit, valoit deux sous deux deniers plus y de denier, puisqu’il y a dix litres dans le Décalitre.

DÉCALOGUE. s. m. Les dix Commandemens de Dieu gravés sur deux tables données à Moïse sur le Mont Sinaï. Decalogus. Ce nom est Grec, composé de δέκα, dix, & λόγος, parole, comme qui diroit dix paroles ; & on a donné ce nom aux Commandemens que Dieu grava sur les deux tables qu’il donna à Moïse, parce que ces Commandemens sont au nombre de dix, ou qu’on les a divisés en dix. Les Juifs les appellent aussi עשרת הדברים, les dix paroles, & ce nom est très-ancien. Il n’y a que les Samaritains qui, & dans leur texte Hébreu, & dans leur Version, ajoutent après le v. 17. du XX. C. de l’Exode, & après le 21. v. du C. V. du Deutéronome, un onzième précepte, de bâtir un autel sur le mont Garizim, &c. Mais on voit manifestement que c’est une addition qu’ils ont faite au texte, pour s’autoriser à avoir un autel & un temple, & à offrir des sacrifices sur le mont Garizim, comme ils faisoient, & pour décréditer s’ils avoient pu, le temple de Jérusalem, & le culte qu’on y rendoit à Dieu. Du reste, quoiqu’aux Samaritains près, tous, Juifs & Chrétiens, conviennent du nombre de dix préceptes, il y a quelque différence pour la manière de les diviser. Le Décalogue est un abrégé de ce que nous devons faire, somme le symbole est un abrégé de ce que nous devons croire, & l’Oraison Dominicale un abrégé de ce que nous devons demander à Dieu. Confer. d’Ang. Le décalogue est un abrégé des loix de Dieu, qui contient les devoirs de l’homme envers Dieu & envers le prochain. Il fut donné à Moïse écrit sur deux tables, dont la première contenoit les trois premiers préceptes qui regardent Dieu, & la seconde les sept autres, qui concernent le prochain.

Les Talmudistes, & après eux Postel dans son traité De Phœnicum litteris, disent que le Décalogue, ou ces dix Commandemens étoient gravés d’outre en outre sur les Tables que Dieu donna à Moise, & que néanmoins le milieu du ם, mem final, & du ס, samech, demeuroit miraculeusement suspendu sans tenir à rien. Voyez la Dissert. sur les Médailles Samarit. imprimée à Paris en 1715. Ils disent encore que le Décalogue étoit écrit en lettres de lumière, c’est-à-dire, lumineuses & brillantes.

DÉCALQUER, v. a. Terme de Peintre & de Graveur. Tirer une contre-épreuve d’un dessein. On pose pour cela un papier blanc dessus, & on le frote avec quelque chose de dur, afin de lui faire recevoir l’impression. Voyez ci-devant Contre-Epreuve.

DÉCAMERIDE. s. m. Decameris. Ce mot, qui veut dire dixième partie, est employé par M. Sauveur, dans son Traité des principes d’Acoustique, pour désigner, mesurer, connoître les intervalles & les rapports des sons.

☞ il divise l’octave en quarante-trois parties, qu’il appelle Mérides, & chaque Méride en sept parties qu’il appelle Eptamerides, & enfin chaque Eptaméride en dix autres parties, qu’il appelle Décamérides. Ainsi l’octave se trouve divisé en 3010. parties, par le moyen desquelles on peut exprimer les rapports de tous les intervalles de la Musique.

Ce mot Décaméride vient de δέκα, dix, & de μερίς, pars, partie, portion.

DÉCAMÉRON. s. m. Ouvrage qui contient les actions, ou les entretiens de dix journées. Rerum per dies decem gestarum aut dictarum narratio. Le Décaméron de Bocace contient cent Nouvelles racontées en dix Journées.

DÉCAMPEMENT. s. m. Action de quitter un camp, pour en aller occuper un autre. Voyez Camp. Le décampement se fit avec précipitation.

DÉCAMPER. v. n. Lever le camp, quitter le camp pour en aller occuper un autre. Castra movere. C’est le plus souvent la nuit qu’on décampe, quand on est près des ennemis.

On dit figurément dans un discours ordinaire, qu’on a fait décamper quelqu’un lorsqu’on lui a fait quitter la place, qu’on l’a mis en fuite, Ejicere, expellere. Dès qu’il a su qu’on avoit décrété contre lui, il a décampé. Excedere, evadere.

DÉCAMYRON. s. m. C’est le nom d’un cataplasme dont il est parlé dans Oribase, auquel on a donné ce nom, parce qu’il est composé de dix aromates différens. De δέκα, dix, & μύρον, onguent. Voyez en la composition dans le Dict. de James.

DÉCAN. Royaume de l’Asie, dans la presqu’Île de l’Inde deçà le Gange. Decanum, Decanum Regnum. Le Décan est borné au midi par le Royaume de Bisnagar, au couchant par l’Océan Indien, au nord par les Etats du Mogol ; au levant les montagnes de Gate le séparent du Royaume de Golconde. Maty dit que la Capitale est Visapour, & le P. Catrou, dans son Histoire générale du Mogol, dit que c’est Oramgabad.

DÉCAN. s. m. Decanus. Les Décans étoient de petits Officiers sous le Chambellan de l’Empereur de Constantinople, qui commandoient chacun à neuf autres. Chastelain. Ce n’étoit pas seulement à la Cour que ce mot étoit en usage ; on appeloit à l’armée Décan un soldat qui commandoit à dix autres (Nous disons Dixainier, ou Dizainier) dans les Monastères, un Moine qui avoit soin de dix autres ; dans les grandes Eglises, un Prébendé, ou Chanoine, qui en avoit dix à sa charge, & qui étoient ordinairement dix Prêtres, d’où vient que ce Décan passoit pour Archiprêtre. Dans la division d’un Evêché, un Prêtre qui avoit inspection sur dix Clercs, ou dix Paroisses, étoit aussi Décan. C’est ce que nous appelons Doyen rural, quoiqu’à présent ils ne soient pas restreints à dix Paroisses, mais qu’ils en aient souvent plus ou moins. Sur les Décans militaires, voyez Végèce, L. II. C. 8. & sur les Décans Monastiques, S. Augustin, De Moribus Eccl. Cath. L. I. C. 31. Il y a dans le Code un titre De Decanis. S. Jean Chrysostome, hom. 13. sur le Ch. VII de l’Epitre aux Hébreux, & S. Ambroise, L. V. ép. 35. parlent aussi des Décans.

Constantin fit à Constantinople un corps de 950 personnes ou familles prises de divers métiers, qu’il donna à l’Eglise cathédrale, en les déchargeant de toutes sortes d’impositions pour qu’ils rendissent gratuitement aux morts les devoirs de la sépulture, particulièrement aux pauvres. On les appeloit Decani & Lecticarii, peut-être parce qu’ils étoient divisés par dizaines, dont chacune avoit une bière, ou litière pour porter les corps. On croit que ce sont ceux que l’on commença sous Constance à appeler Copiates, c’est à dire, des Clercs destinés au travail ; car on leur donne ordinairement rang parmi les Clercs, même avant les Chantres. On les a aussi nommés fossoyeurs à cause qu’ils avoient soin de faire les fosses pour les morts. Il paroît par une loi de l’an 537. qu’il y avoit à Rome de ces Copiates : on le voit de même des Gaules sous Honorius. Mais leur nom qui est tout Grec, fait juger qu’ils venoient originairement de l’Orient, & peut- être de l’établissement que Constantin en avoit fait dans sa nouvelle ville. Tillem.

Ce nom vient de Decanus, dérivé de decem, dix. Et quoique de Décan nous ayons fait Doyen en François, on croit cependant que, quand il s’agit de ces Offices anciens, tant Ecclésiastiques que civils, on fait bien de dire Décan à l’exemple des Auteurs cités ci-dessus, & non pas Doyen ; l’usage a attaché une signification particulière au mot Doyen, qui ne conviendroit pas à ces autres Officiers. Cependant l’Abbé de la Trappe en a usé autrement au Chapitre XXI. de la Règle de S. Benoît, où il est traité des Décans des Monastères que cet Abbé appelle Doyens.

DÉCANAL, ale. adj. Qui appartient à un Décanat. Decanalis, e. Chez les Barthélemites tous les ans le Président du consentement de l’Ordinaire, doit s’assembler avec tous les supérieurs du district décanal, pour traiter des affaires qui regardent l’Institut. P. Heliot, Tome VIII. C. 6.

DÉCANAT. s. m. Décanat & Doyenné sont la même chose & signifient la dignité, la qualité de celui qui est Doyen d’un Corps ou d’une Compagnie ; mais il faut distinguer les Corps ou Compagnies Ecclésiastiques, comme un Chapitre, un Monastère, & les Corps ou Compagnies civiles & politiques, comme un Présidial, un Parlement, un Conseil, &c. Dans les Compagnies Ecclésiastiques on dit communément Doyenné, & en quelques endroits seulement Décanat. Dans les Compagnies civiles ou politiques on dit toujours Décanat, & jamais Doyenné. Ainsi on ne dira point le Doyenné du Conseil, le Doyenné du Parlement, &c. mais le Décanat du Conseil du Roi, le Décanat du Parlement, &c. On par vient au Décanat du Parlement par Antiquité. Il y a eu une grande question sur le Décanat du Conseil, savoir si les Conseillers d’Etat ordinaires pouvoient prétendre au Décanat du Conseil à l’exclusion des Conseillers sémestres, si le plus ancien Conseiller d’Etat ordinaire doit être Doyen du Conseil préférablement à un Conseiller sémestre, quoiqu’il soit dans le Conseil avant le Conseiller ordinaire. Le Conseiller ordinaire disoit que le Conseil du Roi est ordinaire & perpétuel, qu’ainsi la fonction de Doyen devant être continuée pendant toute l’année ne peut être remplie par un Conseiller d’Erat sémestre dont la fonction est bornée à six mois seulement ; qu’un Conseiller sémestre ne peut se prévaloir de ce qu’il est plus ancien dans le Conseil, parce que la prérogative que donne la date de la réception n’a lieu que quand il y a parité de droit entre les Officiers. Le Conseiller sémestre répondoit que le Décanat du Conseil est donné à l’ancienneté, qu’ainsi le Doyen des Conseillers d’États est toujours le plus ancien : que l’intention du Roi n’a point été d’exclure du Décanat les Conseillers sémestres, qu’ils sont en parité de droit avec les ordinaires, puisque le Conseiller sémestre précède au Conseil & en particulier le Conseiller d’Etat ordinaire qui est plus jeune que lui. Le Roi par un Arrêt du 9 Décembre 1685. ordonna que le Conseiller sémestre & l’ordinaire qui disputoient le Décanat, seroient Doyens du Conseil pendant six mois chacun, mais qu’à l’avenir le Décanat venant à vaquer, le plus ancien des Conseillers d’Etat, fût-il sémestre, y sera admis, & que s’il étoit sémestre, il sera ordinaire du jour que le Décanat aura vaqué. Un Ecclésiastique peut posséder le Décanat du Conseil. Decanatus, Decani munus, officium.

Jusqu’ici on n’avoit pu parvenir au Décanat du sacré Collège que l’on ne se trouvât actuellement à Rome, lorsqu’il venoit à vaquer ; mais en 1714. le Pape Benoît XIII. fit un Décret en date du 7 Septembre par lequel il déclare que le Décanat du sacré Collège venant à vaquer, dans la suite il sera donné au plus ancien Cardinal de promotion, quand même il seroit pour lors absent de Rome, pourvu qu’il soit actuellement dans son Diocèse.

Décanat se dit aussi de la durée du temps de cette dignité pendant son Décanat.

Décanat, chez les Barthélemites se dit d’une maison ou d’un district gouverné par un Supérieur. Les Supérieurs des Décanats font exécuter dans leurs propres Maisons les réglemens faits dans leurs assemblées. P. Hélyot, Tome. VIII. C. 16.

DÉCANISER. v. n. Terme de Palais. Tenir la place, faire les fonctions de Doyen. Decanum agere. Tous les jours les Conseillers-Clercs du Parlement président & Décanisent en l’absence des Présidens.

Décaniser, se dit aussi des Docteurs de Sorbonne qui sont assez avancés en âge pour être Doyens aux examens particuliers des Bacheliers & Licentiés.

DÉCANONISER, v. a. Ôter de dessus le catalogue des Saints. Un Moine, nommé Fra Matthio, si j’ai bonne mémoire, fut quasi aussi-tôt décanonisé que canonisé, en la ville de Venise, il y a environ treize ans. Henri Etienne, Apol. pour Hérodote ; ch. 39. 10. 3. p. 357. de l’Edit. de la Haye, 1735.

DÉCANTATION. s. f. Terme de Chimie. C’est l’action par laquelle on verse quelque liqueur, en inclinant doucement le vaisseau par son goûlot, ou canthus, d’où ce mot est dérivé. Infusio.

DÉCANTER, v. a. Terme de Chimie. Verser doucement par inclination la liqueur qui s’est clarifiée d’elle-même, par le dépôt qui s’est fait au fond du vase où elle est contenue. Infundere, decapulare.

DÉCAPER. v. a. Terme de Chimie. C’est ôter le vert de gris ou la rouille du cuivre. Après avoir décapé le cuivre avec de l’eau forte. Mém. de l’Ac. des Sciences 1742. p. 84.

DÉCAPITATION. s. f. Action de décapiter. Ce mot nous manque. Celui de décollation n’est en usage qu’en cette phrase : la décollation de S. Jean, pour dire un tableau où est peinte la tête de S. Jean-Baptiste qu’on a décollé, ou la Fête qu’on fait en honneur de son martyre. Fur. Sur la décapitation de François de Thou avec son ami Cinq-Mars, on peut consulter Bayle à l’article de Louis XIII. rem. R. au second alinea. Gui Patin y est relevé au sujet de ce qu’il dit dans ses lettres touchant le prétendu motif de vengeance du Cardinal de Richelieu.

La décapitation est le supplier des Gentilshommes qui n’ont pas commis de crime dérogeant. Les Astrologues prétendent que la décapitation est ordinairement l’ouvrage de Mars, pour peu que son influence, portée d’elle-même au mal, soit rendue plus malfaisante. S. Aubin. Décapitation signifie en Chimie l’action de décaper.

DÉCAPITER, v. a Couper la tête à quelqu’un par ordre de Justice. Aliquem securi ferire, alicujus caput à cervicibus abscindere ; à cervicibus revellere, decollare. En France on décapite les Nobles qui ont mérité la mort, & c’est un supplice qui ne déroge point à la Noblesse. Il fit pendre les uns, & décapiter les autres. Ablanc. La raison pourquoi les Saints qui ont été décapités, sont représentés portant leurs têtes dans leurs mains, n’est pas qu’ils les y aient reçues, comme le peuple mal instruit se l’imagine ; c’est qu’on a voulu marquer par-là le genre de mort qu’ils avoient souffert, & que le tronc seul d’un corps auroit trop choqué la vue. Ménage. Un Ambassadeur de France à Constantinople fit voir à l’Empereur des Turcs, Mahomet II, un chef de S. Jean très-bien représenté. Le Grand Seigneur n’y trouvoit d’autre défaut, sinon que le Peintre n’avoit pas observé que quand un homme est décapité, la peau se retire un peu en arrière ; & afin d’en convaincre l’Ambassadeur, il fit sur le champ décapiter un homme, & apporter la tête ; voilà une barbare exactitude, & une cruelle autopsie. Catherinot, Traité de Peinture. Décapiter n’est pas si usité que couper le cou, du moins en parlant de choses qui se sont passées de notre temps, mais en fait d’antiquité, en parlant des martyrs, &c. décapiter se dit tout autant que couper le cou.

Décapité, ée. part. Capite truncatus.

DÉCAPOLIS. Décapolis. Petite Province de la Cœlésyrie, en comprenant dans la Cœlésyrie une partie de l’Arabie déserte, comme on le fait souvent, c’est à-dire, le plat pays qui est entre le Liban, les montagnes de Galaad & le Jourdain ; & une partie de la Galilée. Le pays de Décapolis étoit à l’Orient du Jourdain, & s’étendoit du nord au midi, depuis le Liban, ou plutôt l’Antiliban, jusqu’à la mer de Galilée. Dans l’usage ordinaire j’ai souvent oui-dire Décapole ; on dit Pentapole ; néanmoins tous nos Traducteurs du Nouveau-Testament, tant anciens que modernes, dans S. Mathieu, IV. 25. & dans S. Marc, V. 20. VII. 31. & Pinet, dans sa Traduction de Pline, &c. disent toujours Décapolis, & non point Décapole.

Ce nom fut donné à cette contrée par les Grecs depuis l’Empire d’Alexandre. Il vient de δέκα, dix, & πόλις, ville, & ce pays fut ainsi nommé, à cause de dix villes principales qu’il renfermoit ; mais les Auteurs ne conviennent pas du nom de ces dix villes, ni de leur situation. Éusèbe dans son Onomasticon, les place au-delà du Jourdain, & en effet Josephe y en met aussi une partie en deçà. C’est une remarque de M. Simon sur S. Marc, V. 20. qui est très-vraie, comme il paroît par le même Evangéliste, VII. 31. cité ci-dessus. Pline décrit le pays de Décapolis, Hist. Nat. L. V. C. 18. & dit que tout le monde ne convient pas sur ces villes. Celles, dit-il, dont le plus grand nombre convient, sont Damas, Opotos, Philadelphie, Raphana, Nysa, ou Scytopolis, Gadara, Jippodion, Pella, Galasa & Cantha. Bochart en nomme d’autres ; & il les met toutes dans la Galilée, en quoi il se trompe, dit très-bien M. Simon. Les Hébreux disent que c’est Sephet, Tibériade, Nephtali, ou Cedes-Nephtali, Azor, Césarée de Philippe, Capharnaüm, Bethsaïde, Corozain, Bethsan & Joropata.

DÉCAPROTE. s. m. Officier qui levoit les tributs, ou recueilloit les taxes. Decaprotus, Decemprimus. Les Décaprotes étoient obligés de payer pour les morts ; de répondre à l’Empereur sur leurs biens de la quote-part de ceux qui mouroient. Voyez le Digeste, l. 3. & l. ult. De Muner. & honor. Et l. 10. De pollicitat. Cicéron les appelle Decemprimi dans son