Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BREDOUILLE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 51-52).
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BREDOUILLE. s. f. On appelle au Trictrac être en bredouille, quand vous avez gagné des points, sans que celui avec qui vous jouez ait gagné depuis, & si vous en gagnez douze sans être interrompu, ils vous valent deux trous, que l’on appelle partie bredouille, ou partie double. Cependant souvent l’on prend douze points sans être interrompu, & même davantage, & néanmoins l’on ne gagne pas la partie bredouille. Par exemple, d’un coup de dé vous gagnez quatre points. Je jette le dé ensuite, & fais un bonnet ou un quine, qui me vaut six sur une dame que je vous bats par passage ouvert. Du même coup vous gagnez douze points sur deux dames que je vous bats par impuissance ou par jan qui ne peut. Vous gagnez ces douze points tout de suite & sans interruption ; mais parce que vous aviez quatre points, vous ne marquerez qu’un trou sans bouger. Ces quatre points que vous aviez, & que j’ai interrompus par les six que j’ai gagnés, étant comptés les premiers sur les douze que vous gagnez sans interruption, de sorte que les quatre qui vous restent, la partie simple marquée, sont censés être restés des douze derniers que vous avez gagnés.

Mais si vous aviez huit points simples, & moi autant en bredouille, & que d’un coup de dé vous gagnassiez dix-huit points, alors comme dix-hui & huit font vingt-six, vous marqueriez partie une, deux & trois, & deux points sur l’autre, c’est-à-dire, que la première partie seroit simple, parce qu’elle seroit composée des huits points que vous aviez, & que j’avois interrompus, & l’autre seroit double, l’interruption que j’avois faite étant cessée, au moyen de ce que vous avez effacé en marquant votre premier trou, les huit points que j’avois en bredouille.

Partie bredouille. Quand un Joueur fait 12 points, & qu’il n’y a qu’un jeton sur le jeu, c’est marque qu’il gagne bredouille, il doit passer un trou, & mettre son fichet dans le suivant, en disant, partie une & deux. Quand les trois jetons sont sur le jeu, & que celui qui en a deux, achève douze points, il gagne bredouille ; parce que si l’autre eût interrompu ses points, il lui auroit ôté un de ses jetons. C’est ce qu’on appelle ôter la bredouille ; il faut donc également passer un trou, & mettre son fichet dans le suivant, en disant, partie une & deux.

Rentrer en bredouille. On se sert de ce terme quand celui qui avoit été débredouillé, vient à faire un grand coup, par lequel il a de quoi marquer trois trous à la fois.

Gagner une partie grande bredouille c’est marquer 12 trous de suite, tandis que l’autre joueur n’en marque aucun. Le premier qui commence à marquer un ou plusieurs trous, n’exclud pas l’autre du droit de gagner grande bredouille, pourvû que ce dernier fasse douze trous de suite sans interruption. La grande bredouille ne se paye qu’autant qu’on en est convenu au commencement du jeu ; alors celui qui fait douze trous se suite, gagne double en jeu, c’est-à-dire, autant que s’il gagnoit deux parties. Le premier qui commence à marquer, n’a pas besoin de distinguer son fichet ; mais lorsqu’il est interrompu, le second met une marque à son fichet, qu’on appelle cravatte ; c’est un jeton percé, ou un morceau de papier qui sert à connoître la suite non interrompue de ses trous. Cela s’appelle entrer en bredouille. Et quand le premier peut à son tour interrompre le second, il lui ôte sa cravatte, & alors ni l’un ni l’autre n’ont rien à prétendre sur la grande bredouille. Traité du Trictrac. Un tour bredouille, c’est quand on gagne 12 trous, ou partie de suite ; & alors on gagne le double de ce qu’on a mis au jeu, si l’on en est convenu. On appelle aussi bredouille, le jeton d’ivoire qui sert à marquer la bredouille.

Bredouille. Quelquefois & en quelques endroits on se sert du mot bredouille au jeu de piquet, & celui qui fait cent points avant que sa partie en ait cinquante, gagne la partie bredouille, c’est-à-dire, le double de ce qu’on joue.

On dit figurément, qu’un homme est en bredouille, lorsque ses affaires sont en désordre, & que cela lui a altéré l’esprit, ou ôté la liberté de la parole ; qu’il ne sait ce qu’il fait ou ce qu’il dit. On dit qu’une femme est sortie bredouille du bal, quand elle n’a point été prise pour danser.

On dit d’un homme qui est allé à des thèses pour y disputer, qu’il est sorti bredouille d’un acte, d’une dispute ; pour dire, qu’il en est sorti sans avoir pu y disputer.