Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 3/131-140

Fascicules du tome 3
pages 121 à 130

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 3, pages 131 à 140

pages 141 à 150


oraison pro Roscio. Voyez le Dictionnaire de Droit de Calvin.

Ce mot vient de δέκα, dix, & πρῶτος, premier ; apparemment parce qu’on choisissoit les dix premiers, ou les dix principaux des communautés pour faire ces levées.

DÉCARGYRE. s. m. Pièce de Monnoie ancienne dans l’Empire de Constantinople. Decargyrum. Le décargyre s’appeloit autrement majorine, & valoit dix petites monnoies d’argent & c’est de-là que lui venoit son nom. Ainsi c’étoit la sixième partie de la livre ; car il y avoit 60. de ces petites monnoies d’argent à la livre, comme il paroît par la loi I. du Cod. Théod. de expens. Lud. & la livre étant de douze onces, le décargyre en pesoit deux. En supposant que la livre Romaine d’aujourd’hui est la même, mettant l’once Romaine, à 536 de nos grains, comme Gassendi, dans la vie de M. Peyresc ; le décargyre, qui étoit de deux onces, devoit peser 1072. grains, c’est-à-dire, 14. gros 2. deniers 19. grains selon notre poids ; & supposé qu’il fût de même aloi que nos monnoies, & que le prix de l’argent est 31. livres le marc, le décargyre valoit 7. l. 8. s. 10. d. de denier.

DÉCARRELER. v. a. Oter les carreaux d’une salle d’une chambre. Lateres, larerculos avellere, extrahere. J’ai fait décarreler ma chambre.

Décarrelé, ée, part.

DÉCASTYLE, s. & adj. Terme d’Architecture. Qui a dix colonnes de face. Bâtiment qui a une ordonnance de dix colonnes de front. Decastylus. Le temple de Jupiter Olympien étoit décastyle. Davilers écrit décastile avec un i contre l’étymologie, dont on conserve pour l’ordinaire des traces dans les mots propres des Sciences & des Arts. Voy. M. Perrault, trad. de Vitruve l. 3. Davilers t. 2.

Le nom de décastyle vient de δέκα, dix, & de στύλος, colonne.

DÉCASYLLABIQUE. adj. De dix syllabes. Le Traducteur en vers François de la boucle de cheveux enlevée, Poëme ingénieux de M. Pope, a employé en homme d’esprit les vers décasyllabiques qui sont les plus libres, & par conséquent il lui a été plus facile de réussir. Obs. sur les Ecrits mod. to. 30. p. 230, 231. C’est ce que M. de Voltaire appelle dissyllabe dans le titre de sa Comédie de l’Enfant prodigue ; mais ce mot signifiant proprement de deux syllabes, il vaut mieux se servir de décasyllabe, ou décasyllabique, qui n’est pas équivoque, ou écrire au moins dixsyllabique.

DÈCE. s. m. Nom d’homme. Decius. C’est ainsi que nous nommons l’Empereur C. Maissius Quintus Trajanus Decius : nous disons aussi Trajan Dèce. l’Empereur Dèce étoit natif de Bubale, dans la Basse Pannonie. Il s’éleva par les armes & par ses services. L’armée Romaine de la Mœsie & de la Pannonie, où l’Empereur Philippe l’avoit envoyé commander, le proclama Empereur l’an 249. Dèce fut un cruel persécuteur des Chrétiens. Il ne gouverna l’Empire qu’environ 30. mois. Les médailles de Trajan Dèce sont rares en or, mais communes en argent & en bronze. On dit aussi l’Empereur Décius, comme a fait M. de Cordemoy. Quand on parle des autres, qui ont porté en Latin le nom de Décius, on conserve communément ce nom Latin dans notre langue ; on pourroit cependant dire Dèce, & les Dèces. Decius Junius Brutus. Decius Julius Syllanus, &c. Décius est un prénom de la famille Junia.

☞ DÉCÉDER, v. n. Mourir de mort naturelle. C’est proprement être retranché du nombre des mortels. Decedere, e vitâ decedere. Ce mot tient un peu du style du Palais. Cet homme est décédé après une année de langueur. Décéder & trépasser, ne se dit que de l’homme : mourir, se dit à l’égard de tous les animaux.

Décédé, ée. part. & adj. Qui est mort. Mortuus, vitâ functus. Décédé en sa maison un tel jour. Ce mot est en usage dans tous les billets d’enterremens. Il est un peu vieux.

DÉCEINDRE. v. a. Vieux mot. Oter une ceinture.

DECEINT, einte. part. & adj. Il se dit de celui à qui l’on a ôté la ceinture ou qui se l’est ôtée à lui-même.

☞ DECEINTRER. v. a. Voyez Décintrer.

☞ DECINTROIR. s. m. Voyez Décintroir.

DECELEE. Ancienne ville de Grèce. Decelia, Deceleia. C’étoit une des douze villes que Cécrops fonda, ou commença, & que les Lacédémoniens prirent par le conseil d’Alcibiade, lorsqu’il étoit exilé, parce que cette ville étoit fort importante pour le passage de Négrepont en Attique, Du Loir, p. 309.

DÉCÉLEMENT. s. m. Action de déceler. Proditio. On est obligé au décélement des secrets qui regardent la vie du Prince ou le salut de l’Etat.

☞ DÉCELER, v. a. Qui se dit des choses & des personnes. Dans sa signification générale, c’est faire connoître ce qui étoit ignoré. On décèle un coupable. On décèle les vices. Prodere.

☞ Mais, suivant la remarque de M. l’Abbé Girard, ce mot considéré relativement à l’idée qui le caractérise & le distingue des autres verbes, déclarer, découvrir, manifester, révéler, signifie nommer celui qui a fait la chose, mais qui ne veut pas en être cru l’auteur. Patefacere, indicare. Quand on ne veut pas être décelé, il ne faut avoir aucun témoin de son action. Voyez aux autres mots les nuances qui les distinguent.

Décelé, ée, part.

DECEMBER. s. m. Nom d’homme. December. Quoique ce nom soit la même chose que Décembre, il faut dire December quand c’est un nom d’homme, & Décembre seulement quand c’est le nom du dernier mois de l’année. Candisins December a traduit Appien Alexandrin à la sollicitation d’Alphonse V. Roi d’Arragon, & a écrit avec plus de succès la vie de Philippe Visconti Duc de Milan.

DÉCEMBRE. s. m. Dernier mois de l’année, dans lequel le soleil entre au Capricorne & fait le Solstice d’hiver, ou plutôt la terre entre réellement au signe du Cancer, opposé au Capricorne. C’étoit le dixième mois de l’année de Romulus. December. C’est pour cela qu’il fut appelé décembre, de decem, dix, December : car les Romains commençoient dans les premiers temps leur année par le mois de Mars. Le mois de Décembre étoit sous la protection de Vesta. Romulus d’abord lui donna-trente jours, Numa le réduisit à 29. & Jules César lui en assigna 31. Les Romains célébroient dans ce mois différentes fêtes, le jour des Kalendes, la fête de la Fortune, qui fut ensuite transportée au mois de Juillet ; le jour des Nones, 5e. la fête de Faune ; le 3. devant les Ides ou le onzième du mois, les Agonales ; le 18 devant les Kalendes de Janvier, c’est à-dire le 15e. du mois, les Saturnales ; le 15e. devant les mêmes Kalendes, ou le 18. du mois, les Opales, ou fêtes d’Ops ; le lendemain commençoit la fête des Sigillaires ; le lendemain des Divales, ou Angéronales, & outre cela un sacrifice à Hercule & à Cerès. Le 21e. étoit consacré aux Lares, le 22e. étoient les Larentinales ; le 23e. les Jeux de la Jeunesse, Juvenales. On célébroit encore en ce mois une fête appelée Septimonium, dont Varron fait mention, L. V. De ling. Lat. Le 17e. de Décembre on célébroit la Fête des Saturnales.

Dans le Christianisme ce mois a 31. jours, & l’on y célèbre l’Avent & la Fête de Noël. L’année en bien des endroits a commencé dans ce mois.

DÉCEMMENT. adv. D’une manière décente. Decenter, decorè. On est scandalisé de voir un Prêtre qui n’est pas vêtu décemment. Vous ne croyez pas être logés décemment, si vous ne joignez à la propreté le luxe & la magnificence. Fléch.

DÉCEMPÈDE. s. f. Terme d’Histoire ancienne. Instrument dont les Anciens se servoient pour mesurer. Règle de dix pieds. Decempeda. La décempède étoit un instrument à arpenter les terres, une perche longue de dix pieds, d’où elle a pris son nom, & en Grec δεκάπους. Vigenere, Annot. sur Tite-Live, 1514. Les Architectes s’en servoient aussi pour donner aux bâtimens & à leurs parties les grandeurs & les proportions convenables. Horace, L. II. Od. 15. v. 14. se plaignant de la magnificence des bâtimens de son siècle, dit qu’il n’en étoit pas ainsi au temps de Romulus & de Caton, & qu’on ne voyoit point alors dans les maisons des particuliers, des portiques mesurés avec la décempède, & tournés au Nord pour prendre le frais. Saumaise sur Solin, p. 383. parle de la décempède.

Ce nom vient de decem, dix, & pes, pedis, pied.

☞ Les Encyclopédistes conservent le nom latin & le font masculin. Le decempeda étoit une verge ou règle divisée en dix pieds.

DÉCEMVIR. s. m. Magistrat des Romains, qui fut créé avec autorité souveraine pour faire des loix au peuple. Decemvir. Il fut ainsi appelé parce que ce pouvoir fut attribué à dix personnes ensemble. On déféra aux Décemvirs toute la puissance qu’avoient eue les Rois, & après eux les Consuls. Un seul d’entr’eux avoit les honneurs, & les marques de l’autorité, & les autres ensuite tour-à-tour, pendant l’année que duroit le Décemvirat. Les Décemvirs dressèrent la Loi des Douze tables, qu’on appela les loix Décemvirales, en quoi constitoit d’abord tout le Droit Romain. L’an 302. les Consuls Appius Claudius Crassinus & T. Genucius Augurinus furent contraints d’abdiquer, & on créa les premiers Décemvirs. L’année suivante dix autres leur succédèrent ; l’an 304. ils voulurent continuer, mais le peuple se souleva. On les fit abdiquer, & l’on reprit des Consuls. Les débauches d’Appius Claudius Crassinus, qui avoit été un des Consuls qu’on avoit fait abdiquer deux ans auparavant, & que l’on avoit fait depuis trois fois premier Décemvir, en furent la principale cause. Tite-Live, L. III. Denys d’Halicarnasse, L. X. Florus, L. I. C. 24. Cicéron, L. I. de finib. en rapportent l’histoire.

Il y eut aussi des Décemvirs militaires, & en différentes occasions on créoit des Décemvirs, pour régler & conduire certaines affaires ; de même qu’à présent on fait des Bureaux, on nomme des Commissaires, pour certaines affaires. Ainsi il y avoit des Décemvirs pour conduire une colonie, des Décemvirs pour faire préparer & présider aux festins que l’on faisoit de temps-en-temps à l’honneur de Jupiter & des autres Dieux ; des Décemvirs pour avoir soin des sacrifices ; c’étoient eux qui gardoient les livres des Sibylles ; & quelquefois ce n’étoient que des Septemvirs, ou des Triumvirs, c’est-à-dire, que c’étoient des Commissaires que l’on créoit pour ces choses, & que l’on nommoit Décemvirs, Septemvirs, Triumvirs, ou Duumvirs, selon qu’ils étoient dix, sept, trois, ou seulement deux, Voyez encore Quindecemvir. Voyez aussi Vigenere dans ses Notes sur T. L. p. 1570. 1653. Cet Auteur écrit toujours au pluriel Décemvires ; mais mal. Comme on ne dit point au singulier Décemvire mais Décemvir, il faut dire au pluriel Décemvirs, & non pas Décemvires.

Décemvir, est encore un autre Magistrat de Rome. On établit dix Juges, qu’on nomma Décemvirs, pour rendre la justice en l’absence du Préteur.

DÉCEMVIRAL, ale. adj. m. & f. Qui a rapport aux Décemvirs. Decemviralis, e. Cicéron appelle le corps des Décemvirs, le Collège décemviral. Les loix décemvirales. La puissance décemvirale. L’administration décemvirale ne prit pas son commencement lorsque l’autorité des Consuls passa entre les mains des Décemvirs, car après la mort de Romulus, durant l’interrègne, le maniment des affaires que prit alors le Sénat jusqu’à l’élection de Numa, est appelé par Denys d’Halicarnasse, L. II. décemviral ; parce que les Sénateurs partagés par dixaine commandèrent à tour de rôle, sçavoir un de chaque dixaine cinq jours de suite, ayant les faisceaux de verges & les Licteurs, ainsi que les Rois. Et cette dixaine étant finie, une autre commençoit. Vigenere, Annot. sur T. L. p. 1653.

DÉCEMVIRAT. s. m. Magistrature des Décemvirs, ou le temps qu’elle duroit. Decemviratus, Decemviratis votestas. Exercer le Décemvirat. C’est l’an 302. de Rome que le Décemvirat commença. Voyez Décemvir.

DÉCENCE. s. f. Honnêteté, bienséance qu’on est obligé de garder à l’extérieur dans le geste, dans les habits, &c. Conformité des actions extérieures avec les loix, les coutumes, les usages de la Société dont on est membre. Decorum, decentia. Il est de la décence d’un Ecclésiastique d’avoir un habit long, des cheveux courts. Il est de la décence d’être à genoux dans l’Eglise, d’être chapeau bas devant ses supérieurs. Les cérémonies de l’Eglise sont édifiantes & vénérables quand on les fait avec gravité & décence. Fléch. Ecclésiastiques, sages, humbles, retenus, ennemis d’une propreté affectée, & ne voulant que la pure décence de leur état. Bourdal. Exhort. T. I. p. 148. Voyez Decorum.

DÉCENNAIRE. adj. m. & f. Qui est de dix, qui procède par dix. Decennarius, a, um. L’Arithmétique qui est en usage est décennaire, elle procède de dix en dix. M. Leibnitz a voulu changer l’Arithmétique décennaire en une Arithmétique binaire.

On ne dit point un enfant décennaire, pour dire un enfant de dix ans, decennis, quoiqu’on dise un homme sexagénaire & un vieillard septuagénaire.

DÉCENNAL, ale. adj. Qui est composé de dix. Qui dure dix ans, ou qui revient tous les dix ans. Magistrature décennale. Fêtes décennales. Le Tribunal décennal de Venise est fort haï dans la noblesse, parce que c’est lui qui connoît de leurs affaires criminelles, & qui les juge avec beaucoup de sévérité. La charge d’Archonte qui étoit perpétuelle, fut réduite à dix ans, & il y eut sept Archontes décennaux. Le P. Brumoy.

DÉCENNALES. s. f. pl. Fêtes que les Empereurs Romains célébroient tous les dix ans de leur règne par des sacrifices, & par des largesses au peuple. Decennalia festa. Auguste fut l’auteur de cette coutume, & ses successeurs l’imitèrent. On faisoit aussi dans le même temps des vœux pour l’Empereur, en lui confirmant l’Empire, & ces vœux s’appeloient aussi des vœux décennales, ou décennaux. Depuis Antonin Pie, on trouve ces jeux & ces vœux marqués sur les médailles. Primi decennales. Secundi decennales. vota sol. decen. II. vota suscep. decen. III. Ces vœux se faisoient au commencement de chaque dixaine d’années ; car sur les médailles de Pertinax qui eut à peine quatre mois d’Empire, on trouve vota decen. & Votis decennalibus, & sur celles de Pupien, dont l’empire ne dura pas deux ans, Votis decennalibus aussi.

Struvius, Antiq. Roman. Syntagma. C. 4. p. 247. croit que ces vœux avoient pris la place de ceux que les Censeurs avoient coutume de faire au temps de la République pour sa félicité. En effet, on ne les faisoit pas seulement pour le Prince, mais encore pour l’Etat, comme Dion, Liv. VIII. & Pline le Jeune, L. X. ép. 101. le marquent.

Auguste établit cette fête pour conserver l’Empire & l’autorité absolue sans choquer le peuple ; car, durant la célébration de cette fête, ce Prince avoit coutume de remettre au peuple toute l’autorité que le peuple rempli de joie, & charmé de la bonté d’Auguste, lui rendoit aussi-tôt.

DÉCENT, ente. adj. Ce qui est dans les termes de la décence, selon les règles de l’honnêteté extérieure, conforme aux loix, aux usages, aux coutumes, même aux préjugés généralement reçus. Decens. Un Magistrat ne doit aller siéger qu’en habit décent. Devant les gens graves, dans les honnêtes compagnies, il faut être en posture décente. On le trouve en habit décent, composant Lettre Marotine. Sarras.

DÉCEPTE. s. f. Vieux mot qu’on a dit pour tromperie. Il vient du Latin decipere, tromper.

DÉCEPTIF, ive, vieux adj. Trompeur. Fallax, deceptivus, a, um. Un cœur faux & déceptif. Marot.

DÉCEPTION. s. f. Tromperie. Fallacia, captio, fraus. Il ne se dit qu’au Palais. Cela est fait avec fraude & déception.

Au lieu desquels entrerent flaterie,
Déception, trahison, menterie. Marot.

DE CE QUE. Espèce de conjonction, qui signifie, Parce que, à cause que. Eo quòd, propterea quòd, quia. Seigneur, je vous rendrai d’éternelles actions de graces de ce que vous avez fait justice. Port-R.

DÉCERCLÉ. ée. adj. Vieux mot qui a signifié, rompu, dont le bord est défait.

DÉCERNER, v. a. Ordonner quelque chose par une délibération de Sénat, d’Assemblée de ville, par autorité publique. Decernere. Le Sénat de Rome décernoit le triomphe à ceux qui avoient étendu les bornes de l’Empire. On lui décerna les honneurs divins. Vaug. Le petit triomphe fut décerné à Germanicus. Ab. On lui décerna les honneurs funèbres au soir. Patru. On ne se sert guere de décerner dans les discours familiers, mais seulement dans les discours graves, & dans les livres.

Et parmi les mortels,
Quelquefois ceux que l’on encense,
Ne sont que de grands criminels
A qui notre seule ignorance,
Au lieu de châtiment décerne des autels.

Nouv. ch. de Vers.

Décerner, se dit aussi des ordonnances & décrets qui se font dans les Conciles, dans les assemblées Ecclésiastiques. Le Saint Concile a décerné que dorénavant les mariages ne se feroient qu’après trois publications de bans.

Décerner, se dit encore en termes de Palais, des décrets qu’on donne en matière criminelle pour arrêter & ajourner personnellement un accusé. La Cour a décerné son décret de prise de corps contre tels & tels. On ne décerne qu’un ajournement personnel contre un domicilié, quand il n’y a ni meurtre, ni mutilation de membres. On dit aussi en termes de Finances, Décerner une contrainte pour le payement de quelques sommes, & sur-tout des taxes & deniers Royaux. L’Intendant de la Province a décerné une contrainte au bas d’un tel rôle, d’une telle taxe.

DÉCÈS. s. m. Mort. Mors, obitus. Il a fait un legs à cette Eglise pour faire prier Dieu pour lui après son décès. Il a fait faire inventaire dans les 40 jours après le décès de sa femme. On stipule plusieurs conditions dans un contrat de mariage en cas du décès de l’un des conjoints. Elle s’est mariée six semaines après le décès de son mari. Le Mait. Ce mot ne se du guère qu’en termes de Palais.

☞ Le mot trépas est poëtique, & emporte dans son idée le passage d’une vie à l’autre. Mort est du style ordinaire, & signifie précisément la cessation de vivre. Décès est d’un style plus recherché, tenant un peu de l’usage du Palais, & marque proprement le retranchement du nombre des mortels. Le second de ces mots se dit à l’égard de toutes sortes d’animaux : les deux autres ne se disent qu’à l’égard de l’homme.

☞ Les Encyclopédistes ajoutent à ces remarques de M. l’Abbé Girard, que décès & trépas ne s’emploient qu’au style simple, & que trépas qui est noble dans le style poëtique a fait trépassé qui ne s’emploie point dans le style noble.

☞ Le trépas ne présente rien de laid à l’imagination ; il peut même faire envisager quelque chose de gracieux dans l’éternité. Le décès ne fait naître que l’idée d’une peine causée par la séparation des choses auxquelles on étoit attaché. Mais la mort présente quelque chose de laid & d’affreux.

Ce mot vient de decessus, dérivé de decedere, s’en aller, se retirer.

DÉCEVABLE. adj. de t. g. Vieux mot qui signifie. Facile à être trompé.

Nicod a employé ce terme que nous avons laissé abolir, & qui méritoit d’être conservé. Il est à craindre que décevant n’ait le même sort.

DÉCEVANCE. s. f. Vieux mot. Déception, tromperie. Fraus, fallacia, deceptio.

DÉCEVANT, ante. adj. Propre à tromper par quelque chose de spécieux & d’engageant. Fallax. Le monde n’a que des appas décevans. Le calme décevant de la mer nous avoit invités à la promenade. Il n’est guère usité, mais il ne laisse pas d’avoir de la grâce, sur-tout en poësie.

Ne t’avons-nous pas vu démasquer la nature,
Pénétrer à travers ses dehors décevans,
Et l’ouvrir toute entière à tes regards savans ?

Nouv. ch. de Vers.

M. Bossuet, à la fin de ses avertissemens, a dit en parlant de M. Patin : Il donnoit tout au raisonnement, & il n’avoit rien alors qui pût l’empêcher d’ouvrir une vaste carrière à ses sentimens, ni de jouir du charme dévevant qui accompagne naturellement cette liberté. Il n’en est pas moins vrai, comme on l’a dit, que ce mot n’est guère en usage, & que le charme trompeur se dit plus ordinairement que le charme décevant. M. Bossuet affectoit quelquefois des mots un peu surannés, qui n’ont pas mauvaise grâce, pourvu qu’ils ne soient pas trop fréquens, & qu’ils soient placés à propos, comme décevant l’est en cet endroit.

DÉCEVOIR. v. a. Je déçois, je déçus, j’ai déçu, je décevrai, que je déçoive, que je déçusse. Tromper par quelque chose de spécieux, d’engageant. Fallere, decipere. Il ne faut pas se laisser décevoir aux belles apparences. Les hommes se laissent souvent décevoir par l’amour propre. Cette fille s’est laissée décevoir par l’espérance d’un bon parti. Ses souplesses continuelles ne tendent qu’à nous décevoir. Gomb.

Déçu, ue. part. Deceptus. Les Anglois déçus par le nom de liberté, en ont à la fin détesté les excès. Boss.

Malgré mes vœux honteusement déçus. Racine.

Que vous êtes à plaindre étant si fort déçu. Corn.

Vous verrez votre crainte heureusement déçue. Id.

DÉCHAGRINER, v. a. Faire cesser, dissiper le chagrin. Il n’est pas en usage.

Ce Berger enjoué, ce doux Magicien,
Qui connaît tous les morts des vieux temps & du sien ;
S’en va jusqu’aux Enfers déchagriner les ombres.

Eglogue de M. Renault au Furetieriana.

DÉCHAÎNEMENT. s. m. Action d’ôter la chaîne à quelqu’un, de lui donner la liberté ; mais il n’est point d’usage dans le sens propre. Au figuré il signifie emportement de colère ; emportement contre quelqu’un en paroles injurieuses. Immoderata, effrenata maledicendi licentia. C’est un étrange déchaînement que celui des persécuteurs contre les enfans de Dieu. Les fausses prudes tâchent de trouver dans leur modestie forcée, & dans leur déchaînement contre toutes les jolies femmes, le dédommagement de leur beauté usée. Bell.

DÉCHAÎNER, v. a. Oter la chaîne à quelqu’un, lui donner la liberté. Aliquem ex catenâ solvere, catenâ exsolvere. On déchaîne les mâtins la nuit, pour garder la maison. On a déchaîné ce galérien.

☞ Déchaîner au figuré, signifie exciter, animer quelqu’un contre un autre. Exstimulare, commovere aliquem in alium. Vous avez déchaîné contre moi un homme redoutable.

☞ On dit aussi au figuré avec le pronom personnel, se déchaîner contre quelqu’un, s’emporter avec violence, en paroles injurieuses, sans garder aucune mesure. Maledictis conscindere, insectari. Cet homme est si violent, qu’il se déchaîne par-tout contre moi sans sujet. Se déchaîner en inventives.

☞ On dit de même en parlant d’une tempête, que tous les vents sont déchaînés.

Déchaîné, ée. part. Il a les significations de son verbe. Il semble que tout l’enfer en cette triste journée fût déchaîné, Bourdal. Exhort. II. p. 104.

Puis un chacun contre moi déchaîné,
Je fus honni, réprimandé, berné ;
Des malheureux c’est assez le partage. P. Du Cerc.

☞ On dit d’un méchant homme qui ne garde aucune mesure, qui se permet tout, que c’est un diable déchaîné. Acad. Fr.

DÉCHALANDER, ou DÉSACHALANDER. v. a. Terme de commerce, faire perdre les chalands à quelqu’un. Emptores ab alicujus tabernâ avertere, alienare, removere. Déchalander un Marchand.

Déchalandé, ée. Part.

☞ DÉCHALASSER, dans l’Orléanois DÉCHARNELER. v. a. Terme de Vigneron. Oter les échalas des vignes. Voyez Échalas.

Déchalassé, ée. Part.

DÉCHANT. s. m. Discantus. Terme de l’ancien chant. C’étoit la musique du XIIe siècle & des suivans. Le Credo noté à deux parties dans un des Missels du XIIIe siècle en est une preuve. On chantoit encore à Sens ce déchant ou musique ancienne sur les O de Noel en 1553. & en cette année le Chapitre d’Auxerre fit une conclusion le 16 Décembre, où il y a Quælibet earum Antiphonarum cantabitur bis in musicalibus sive discantu & cum organis, &c. C’étoit ce qu’on appelle aujourd’hui faux bourdon ou contrepoint. M. l’Abbé le Bœuf, dans son traité du Chant Ecclésiastique, parle du déchant & de son origine. Il y explique aussi tous les changemens que le déchant a causés dans le chant Grégorien. Les règles de ce chant ont été écrites en François dès le treizième siècle.

Il me suffira d’une Messe
De Requiem haulte chantée
Au cueur me feroit grand-lyesse
Se estre pouvoit deschantée. Jean Regnier.

Ce Poëte demandoit l’impossible en fait de déchant, l’usage n’étoit pas de l’employer aux Messes de Requiem, selon les preuves qu’en donne M. l’Abbé le Bœuf dans son Traité Historique sur le chant Ecclésiastique.

DECHANTER, v. n. Changer d’avis, d’opinion. Palinodiam canere, mutare sententiam. Cet homme est maintenant de cet avis, mais quand il aura approfondi cette affaire, il y aura bien à déchanter. On l’emploie de même dans quelques phrases familières, pour dire rabattre de ses prétentions, de ses espérances, de sa vanité. Il faudra déchanter. Il espère en tirer de grands avantages ; mais il aura bien à déchanter.

Tu vois qu’à chaque instant il te fait déchanter.

DÉCHAPERONNER, v. a. Terme de Fauconnerie. Oter le Chaperon d’un oiseau de proie, quand on le veut lâcher. Nudare, exuere accipitrem capitio.

Déchaperonné, ée. Part.

☞ DECHARGE, s. f. Action par laquelle on ôte un fardeau du lieu où il étoit. Oneris detractio. On le dit en ce sens des bêtes de somme, des charrettes & autres choses sur lesquelles des marchandises sont chargées. Ainsi l’on dit la décharge d’un navire, d’un bateau. Mercium ex navi eductio, in terram expositio. La décharge d’une voiture, d’un coche. Je me trouvai à la décharge du coche. Je fus présent à la décharge de mes ballots. Le voiturier fit la décharge de ses marchandises en tel endroit.

Décharge & labourage des vins, est la fonction des Maîtres Tonneliers-Déchargeurs de vins, à qui seuls il appartient de décharger & labourer les vins qui arrivent à Paris par la rivière, c’est-à-dire, de les sortir des bateaux, & les mettre à port.

En parlant des armes à feu décharge se dit de l’action de tirer, faire partir le coup. La sentinelle fit sa décharge & se retira. La décharge des machines de guerres. Balistarum emissio.

Dans cette acception ce mot est employé comme synonyme de canonnade & mousqueterie pour exprimer plusieurs coups de canon ou de mousquet tirés à la fois. Voyez ces mots. Nous essuyâmes une furieuse décharge. La décharge du canon & de la mousqueterie.

Il est aussi synonyme de salve, c’est-à-dire qu’on s’en sert pour désigner plusieurs canons ou mousquets qu’on tire en même temps en certaines occasions, soit pour faire honneur à quelqu’un, soit dans une réjouissance. Voyez Salve.

Décharge de coups de bâton, synonyme de bastonnade. Fustuarium. Voyez Bastonnade.

Décharge. Terme de marine. C’est un commandement de marine qu’on fait lorsqu’on donne vent devant, pour ôter le vent de dessus le hunier de misaine, & le tenir au plus près du vent. Décharger les voiles, c’est ôter le vent de dessus pour le mettre dedans.

Décharge, en termes de Palais, se dit de la quittance, de la libération qu’on donne à un créancier, ou qu’on écrit sur le registre de celui qui étoit commis à la garde de quelque chose. Décharge en ce sens est un acte par lequel celui qui étoit engagé à quelque chose, en est quitte. Un débiteur est mal assigné quand il a une décharge bonne & valable. La décharge d’une écrou, d’une minute. La décharge d’un Greffier.

Décharge, se dit aussi d’une libération qu’on obtient par arrêt, ou à l’amiable, de quelque commission onéreuse. Liberatio. Décharge en ce sens est un acte par lequel celui qui étoit chargé de quelque chose, en est déchargé. Il a obtenu la décharge de cette tutelle, on a nommé un autre Tuteur ; la décharge de ce recouvrement qui étoit dangereux.

Décharge, signifie aussi, ordre, pouvoir, précaution que l’on prend, lorsqu’on fait les affaires, ou qu’on exécute les commandemens d’autrui, afin d’éviter les affaires, les poursuites, ou, s’il y en a, afin qu’elles retombent sur celui par les ordres duquel on agit. Perscripta negocii gerendi facultas, auctoritas. Il ne faut pas faire une enchère sans une procuration spéciale, c’est une décharge, une sûreté.

Décharge, se dit aussi d’un jugement qui déclare un accusé pleinement absous du crime qu’on lui imputoit. Un hors de Cour n’emporte pas la décharge de l’accusé. Purgatio. Liberatio. Cet accusé a obtenu la décharge des crimes qu’on lui imputoit, tous les témoins qu’on lui a confrontés ont été à sa décharge. Ici décharge signifie le témoignage que les témoins portent en faveur de l’accusé, les choses qui vont à le justifier. C’est en ce sens que l’Ordonnance veut que les témoins soient ouïs, tant à charge qu’à décharge.

On dit en Fauconnerie, la décharge d’un héron, vomitus, lorsqu’il vomit en fuyant tout ce qu’il a goulûment avalé, afin de se rendre par ce moyen plus léger en sa suite,

Décharge, se dit aussi d’un cabinet, ou d’un lieu proche de soi pour y serrer les meubles ou autres choses qui incommodent, dont on a souvent affaire, & qui empêchent qu’on ne tienne une chambre propre. Receptaculum. Ce petit cabinet sert de décharge à cet appartement.

Décharge, en charpenterie, est une pièce de bois posée obliquement dans l’assemblage d’un pan de bois, ou d’une cloison pour soulager la charge. Postis ligneus obliquè positus.

Décharge, en Serrurerie, est dans une porte de fer une grosse barre posée obliquement en manière de traverse pour entretenir les barreaux, & empêcher le chassis de sortir de son équerre. Postis ferreus obliquè positus.

On fait des décharges au-dessous des portes, & quelquefois au-dessous des fenêtres, pour les soulager, & les décharger d’une partie du poids qui est au-dessus. Ces décharges sont de deux sortes : les unes sont faites en fronton angulaire, & consistent en deux pièces de bois qui se joignent en pointe par le haut, & dont chacune a par-en-bas un bout posé sur le piédroit de la fenêtre ou de la porte : les autres sont faites en arc de voûte, & portent de même sur le piédroit de la porte ou de la fenêtre.

Décharge, en Orfèvrerie, est un poinçon qui s’applique sur les ouvrages, quand ils sont finis, qui marque que les droits imposés sur lesdits ouvrages ont été payés.

Décharge, en parlant de l’endroit par où les eaux s’écoulent. C’est en général un endroit, un trou, une rigole, un conduit, &c, par où les eaux se déchargent. Emissarium, effluvium. Cette fontaine a sa décharge en tel endroit. Décharge d’un lac. Emissarium lacûs. Le trou, la décharge d’un évier.

Décharge d’eau, c’est un nom commun à deux tuyaux dans un regard ou bassin de fontaine, dont l’un avec soupape sert à décharger ou faire écouler entièrement l’eau quand on veut vider le bassin. L’autre est fondé au bord du regard ou bassin, & sert à régler la superficie de l’eau à une certaine hauteur. Tubus per quem aqua defluit. Décharge de fond, décharge de superficie.

☞ On dit en ce sens la décharge des humeurs, pour dire l’écoulement des humeurs du corps humain. Humorum defluvium.

Décharge, est encore synonyme de soulagement dans certaines occasions. Levamen, levamentum. La réduction des rentes est une décharge pour l’Etat, est souvent une charge pour les particuliers. Ses deux filles se sont fait Religieuses, c’est une décharge pour sa famille.

On dit en ce sens la décharge de la conscience pour dire l’acquit. Voyez ce mot. Je fais cela pour la décharge de ma conscience.

DÉCHARGEMENT. s. m. L’action par laquelle on décharge. Ce mot n’est en usage que dans les ports, dans la Marine, & se dit des effets que l’on débarque & qui formoient la cargaison du vaisseau.

DÉCHARGEOIR. s. m. Terme de Tisserand en toiles. C’est un cylindre, ou pièce de bois ronde, autour de laquelle on roule la toile qui est faite, & que l’on leve de dessus la poitrinière. C’est une espèce d’ensuble.

DECHARGER, v. a. Oter le fardeau, diminuer la charge qui pese sur quelque chose. Exonerare, onus eximere. Les marchands jettent leurs marchandises en mer pendant la tempête pour décharger le vaisseau. On dit de même décharger un crocheteur, un cheval, &c. Oter le fardeau qu’il porte.

☞ En termes de jardinage, décharger un arbre, en retrancher quelques branches, quand il est trop chargé de bois. Exonerare.

On dit proverbialement décharger son ventre, le soulager par quelque évacuation. La bétoine décharge le cerveau, le dégage des humeurs qui l’incommodent. Décharger la masse du sang.

On dit aussi proverbialement décharger le plancher, pour dire s’en aller, se retirer.

Décharger un fusil, un pistolet, &c, c’est le tirer, faire partir le coup. Emittere, displodere : ou bien c’est en ôter la charge avec un tire-bourre. Voyez ces mots.

Décharger un coup de poing, de bâton, &c, donner de toute sa force un coup, &c. Pugnum impingere. On dit aussi décharger un coup de fusil, le tirer. On dit aussi que les Charpentiers déchargent les poutres par le moyen des poinçons, arcboutans, & autres moyens qui les soulagent, quand elles ont trop de portée, ou portent un trop grand fardeau. On appelle aussi dans un pan de charpente, des poteaux de décharge, des poteaux inclinés qui arcboutent & qui soutiennent les autres. Postis obliquè positus.

Ce mot vient du Latin discargare ou discaricare. Du Cang. Papebroch. Ce dernier discaricare se trouve dans la vie de Saint Médard par Venantitus Fortunatus, contemporain de Grégoire de Tours. Act. SS. Junii, T. II. p. 80. E. 81. E.

Décharger, se dit au figuré dans le même sens. Exonerare. Pour décharger sa mémoire, il faut écrire ses affaires sur un agenda. Décharger sa conscience, faire une chose à laquelle on est obligé en conscience. C’est dans le sein de ses amis qu’il faut décharger son cœur ; déclarer avec franchise les sujets de plainte, de chagrin, &c. Décharger sa colere sur quelqu’un, lui en faire ressentir les effets. Iram effundere. Déchargez mon cœur de l’ennui que vous lui donnez. Voit. Rien ne peut décharger de l’obligation de restituer, quand on le peut. On ne peut décharger les hommes de l’obligation d’aimer Dieu. Il alla décharger sa douleur dans le cœur de ses filles. Mad. l’Héritier.

Décharger, en termes de Palais, signifie aussi déclarer quitte, délivrer d’une demande, d’une dette, d’une taxe, d’une obligation qui est onéreuse. Liberare, eximere. Un Tuteur n’est point déchargé d’une tutelle, qu’il n’ait rendu compte, & payé le reliqua. Il faut prouver sa noblesse, son exemption, pour être déchargé des tailles. Il a payé cent écus sur cette obligation, il en est déchargé d’autant. En ce même sens on dit, décharger un registre, une grosse, une minute d’un contrat, pour dire, en écrire la décharge, en mettre la quittance au bas, au dos, à la marge.

Décharger, signifie aussi absoudre. Absolvere, purgare, extra culpam ponere. Il a été déchargé, renvoyé quitte & absous de l’accusation qui avoit été intentée contre lui. Cette sentence l’a déchargé pleinement de l’accusation. De Sacy. Ces termes, déchargé de l’accusation, contenus dans un jugement rendu en matière criminelle, déclarent l’accusé pleinement absous du crime dont il étoit prévenu ; de manière que cette décharge en dissipe toute l’idée, & anéantit tous les indices. En quoi cette prononciation est bien différente de celle qui met hors de Cour.

Décharger, se dit aussi des dépositions des témoins, ou complices, qui tendent à cette absolution. Tous ceux dont on le croyoit complice l’ont déchargé à la mort. Liberare culpâ. Les témoins à la confrontation se sont dédits, l’ont déchargé.

En termes de Marine, décharger les voiles, c’est ôter le vent de dessus pour le mettre dedans ; c’est lorsqu’elle est coëffée la changer de situation, en lui faisant prendre le vent en dedans, soit qu’on la revente du même bord, ou du bord opposé. Décharger le petit hunier, c’est ôter le vent de dessus le hunier de misaine, & le tenir au plus près du vent.

Décharger. Terme de Manufacture de lainage. C’est ôter le trait, après avoir fait aller & venir le peigne droit sur le gauche, & le gauche sur le droit.

Décharger et labourer des vins. C’est les tirer hors des bateaux, & les mettre à terre.

Décharger la pierre de dessus les bois. Terme de Carrier. C’est la faire tomber de dessus les étais, avec lesquels on la soutient, à mesure qu’on la soulève.

Décharger, avec le pronom personnel, signifie, Mettre sur autrui une charge, le soin de quelque chose. Curam rei alicujus in aliquem transferre. Les grands Seigneurs se déchargent du soin de leurs affaires sur leurs Ministres, sur leurs Intendans.

Décharger, signifie aussi, s’excuser. Purgare se, culpam in alium refundere. On l’accusoit d’une telle faute, mais il s’en est déchargé sur les Commis, sur les Clercs.

Se décharger, se dit aussi de l’écoulement des eaux. Influere, exonerare se, exundare. Le Nil se décharge dans la Méditerranée par sept embouchures ; la Marne se décharge dans la Seine. Le bassin de cette fontaine se décharge dans cet étang. Les eaux de cette maison se déchargent dans la cour de ce voisin.

Se décharger, se dit aussi des couleurs, quand elles perdent leur première vivacité. Remittere. Il faut prendre le gris fort brun, il se décharge toujours assez.

On dit aussi que le temps se décharge, quand il pleut après que le ciel est demeuré long-temps couvert. Pluere.

Déchargé, ée. part.

On dit dans le Manège, qu’un cheval est bien déchargé, qu’il a la taille déchargée, qu’il est déchargé d’encolure, pour dire, qu’il n’a point le cou trop chargé de graisse, qu’il l’a menu & droit. Gracilis.

On le dit aussi des personnes qui sont d’une taille déliée & aisée.

Déchargé, ée. adj. Terme de Blason. Armes déchargées est le contraire d’armes chargées, & une espèce des armes diffamées. Ce sont des armes auxquelles on a retranché quelque chose en punition d’un crime de celui qui les porte. Voyez Diffamé.

DÉCHARGEUR. s. m. Officier de ville, commis sur les ports pour décharger les bateaux. Les Déchargeurs de vin sont des Tonneliers, qui, après que les Bourgeois ont acheté des vins dans les bateaux, les déchargent & mettent à terre par le moyen de grosses pièces de bois qu’ils appellent chemins : car il leur est défendu de passer sur les planches mises par les Officiers Planchéïeurs. Il y a aussi des Déchargeurs d’artillerie qui ont soin de décharger les poutres & les autres munitions.

DÉCHARMER, v. a. Oter un charme à quelqu’un. Pomey. Fascinationem ab aliquo amovere, aliquem magicis carminibus illigatum, adstrictum solvere. Il n’est pas usité.

☞ DÉCHARNELER. v. a. Terme usité dans l’Orléanois, la même chose que Déchalasser.

DÉCHARNER. v. a. Oser la chair de dessus les os. Carne nudare, exuere. Il a fallu décharner l’os pour panser ce nodus.

Décharner, signifie aussi, amaigrir, ôter l’embonpoint. Macie conficere, tenuare, macilentum reddere, emaciare. Cette maladie l’a décharné.

Ce vieillard n’a sauvé des ravages du temps
Qu’un peu d’os & de nerfs qu’ont décharné cent ans. Corneille.

Décharner, se dit aussi figurément du style, de la langue, & même des discours entiers, pour signifier, Dessécher, dépouiller d’agrémens & d’ornemens. Spoliare sermonem lepore suo, suâ elegantiâ. Il est à craindre qu’à force de rafiner sur la langue, & de la vouloir purger de tout ce qui n’est pas du bel usage, on ne la décharne trop. Cail. Les Sermons de Nestorius sont secs & décharnés. Du Pin. Il faut éviter une fausse délicatesse qui décharne le discours, & qui lui ôte sa substance & sa solidité. S. Evr.

Décharné, ée. part. Ne se dit guère que dans le sens d’amaigrir. Visage décharné.

On dit aussi figurément du style, qu’il est décharné. Jejuna oratio, exsucca ; pour dire maigre, sec.

DÉCHARPIR. v. a. séparer deux personnes qui se battent, qui se tiennent saisis au corps & aux cheveux. Duos colluctances, & in fauces invicem involantes divellere. Ces gens étoient si animés qu’on a eu bien de la peine à les décharpir. Mol. ce mot est bas.

DÉCHASSER. v. a. Terme de Tourneur. Trudere, depellere, detrudere. Déchasser une clef de bois, c’est la faire sortir.

DÉCHAUMER. v. a. Terme d’Agriculture. Déchaumer une terre, c’est ouvrir avec la bêche ou la charrue, une terre qui n’a point encore été cultivée. Arare, aratro primum proscindere. Liger se sert de ce mot qu’on ne dit point ici.

DÉCHAUSSEMENT. s. m. Terme d’Agriculture, qui se dit de la façon qu’on donne aux vignes & aux arbres lorsqu’on les déchausse, ou qu’on laboure & qu’on fume la terre qui est au pied. Ablaqueatio.

DÉCHAUSSER, v. a. Oser la chaussure, les bas, ou les souliers à quelqu’un. Un laquais déchausse son maître. Excalceare. En Orient c’est un signe d’humilité de se déchausser en entrant dans le Temple. On déchausse ses éperons quand on va rendre la foi & hommage à un Seigneur.

Déchausser des bas, des souliers, tirer des souliers, des bas. Detrahere.

Déchausser se dit en Agriculture des arbres fruitiers & des vignes qu’on laboure au pied, où l’on met du fumier, ou dont on change la terre, pour leur faire rapporter plus de fruit. On déchausse la vigne en hiver dans les pays chauds, pour la faire hiverner, & aux froids on la chausse, c’est-à-dire, qu’on enterre les brins de sarmens pour les préserver du froid. Denys, P. II. C. I. Quand un arbre est malade, on fait la même opération : on le déchausse d’un côté, c’est-à-dire, qu’on fait un petit cercle à son pied, & on en tire la terre, pour visiter les racines, & connoître la cause de la maladie de l’arbre. Cet examen ne se fait point pendant la sève. Ablaqueare.

Déchausser une dent, terme de Chirurgie, c’est avec un instrument nommé Déchaussoir, la découvrir en séparant la gencive d’autour de la dent. Scalpere.

☞ On dit que les dents se déchaussent quand les gencives sont rongées, soit par la carie, soit par les drogues qu’on emploie pour les nettoyer.

Déchausser, se dit aussi en Architecture, des murailles dont les fondemens sont dans l’eau, qui les lave, les dégrade, & les détruit insensiblement. Suffodere. Il y a une pile du Pont-au-Change qui est toute déchaussée.

On dit proverbialement, qu’un homme n’est pas digne d’en déchausser un autre, quand il vaut beaucoup moins que lui. Toutes vos Angéliques ne sont pas dignes de déchausser la sans-pareille Caroline. S. Evr. On le dit même des choses. Cette étoffe n’est pas digne de déchausser celle que j’ai vue ailleurs. On appelle pied déchaux, un homme de néant qui veut paroître quelque chose, & qui n’a pas le moyen d’avoir des souliers.

Déchaussé, ée. Part. Sans chaussure, sans souliers. Excalceatus, discalceatus.

On appelle des Carmes, des Augustins Déchaussés, des Religieux Augustins, ou Carmes, qui vivent dans une étroite réforme, & qui ne portent point de chausses, mais seulement des sandales. Il y a aussi des Pères de la Mercy déchaussés. Il y a eu des Dominicains déchaussés institués par le P. le Quien, des Trinitaires déchaussés, & de même pour les filles des Augustines déchaussées, des Carmélites déchaussées, des Religieuses déchaussées de la Mercy, des Trinitaires déchaussées. Voyez sur ces Congrégations Religieuses l’Histoire des ordres Religieux par le P. Hélyot, P. I. C. 57. 48. 49. 50. P. II. C. 47. 48. 49. P. III. C. 6. 8. 27. 56. Il y a aussi des Frères Mineurs déchaussés. On dit plus ordinairement Carmes déchaux. On ne dit point Augustins déchaux, ou Frères Mineurs déchaux, mais Augustins déchaussés, Frères Mineurs déchaussés. Sur ceux-ci voyez FRÈRE MINEUR.

Déchaussé, ée. adj. Les Romains désignoient par cette épithète les pièces qui étoient jouées par les Mimes, parce que ces Acteurs n’avoient point de chaussure, c’est-à-dire, de brodequins.

DÉCHAUSSOIR. s. m. Instrument de Chirurgie, qui est un fer pointu & taillant qui sert à séparer les gencives d’autour des dents qu’on veut arracher. Dentiscalprum. Voyez Déchausser. On l’ouvre doucement & avec grande circonspection, en se servant du déchaussoir, ou du scalpel. Dionis. Il y a aussi des déchaussoirs pour écarter, séparer les chairs, les membranes, &c. dans la cure des plaies, dans les ouvertures qu’on fait au corps, à l’abdomen, au thorax, à la poitrine, & aux autres parties, pour guérir ou extirper certaines maladies, comme la bubonocèle, la varicomphale, &c. Scalpellum, Scalpellus, Scalprum.

DECHAUSSURE. s. f. Terme de Vénerie, qui se dit du lieu où a gratté le loup, où il s’est déchaussé, & où il gîte. Fovea, lupi cubile.

DÉCHAUX, adj. m. qu’on écrit aussi sans s. Déchaussé, qui n’a point ou qui ne porte point de chausses, ni de bas, quoiqu’il porte des sandales. Discalceatus. On ne le dit guère, ou plutôt on ne le dit que des Religieux. Les Carmes Déchaux. Tout l’Ordre des Observantins Déchaux. Chastel. 5 Févr. Voyez Déchaussé qui est plus en usage. p. 150.

DÉCHÉANCE. s. f. Terme de Jurisprudence, perte de de quelque droit acquis. Decessio, diminutio. Un dévolutaire est obligé de prendre possession, de contester & de donner caution dans l’année de son impétration, à peine de déchéance de ses droits. La rébellion d’une ville emporte la déchéance de ses privilèges.

DECHEOIR. On écrit communément comme on prononce, Déchoir, v. n. Je déchois, je déchus, je suis déchu, je décherrai, je décherrois, je déchusse. Au pluriel du présent de l’indicatif il y en a qui disent, nous déchoyons, vous déchoyez, ils déchoient, & d’autres, nous déchéons, ils déchéent : peut-être que la seconde formation n’est point dans l’orthographe, mais seulement dans la prononciation, car il y a des personnes qui prononcent la seconde syllabe de déchoyons, &c. comme la première de croient. Aller en décadence, se détériorer dans son état ; tomber dans un état pire que celui où l’on étoit ; diminuer en biens, en crédit, en faveur. Decidere, deficere, imminui. Déchoir de son rang, de sa faveur, de sa dignité, de ses privilèges. Il est déchu de sa réputation. Ce malade déchoit de jour en jour. Ce Banquier lest bien déchu, a bien perdu de son crédit. Les Romains étoient tellement nés pour commander, que ce peuple magnanime aimoit autant périr que déchoir. S. Evr. Judas déchut de l’Apostolat par son crime. Port-R.

☞ On dit d’un homme avancé en âge qu’il commence à déchoir, pour dire que son corps ou son esprit s’affoiblit.

☞ On le dit de même de l’esprit, de l’éloquence, &c. Cet esprit est bien déchu, a bien perdu de sa force avec l’âge. Dès que la forme du gouvernement de Rome fut changée, l’on vit déchoir l’éloquence. S. Evr. Deficere, immutari.

On dit aussi déchoir de ses espérances, pour dire, voir ses espérances, ses prétentions trompées. De spe decidere, spe labi.

Décheoir, en termes de Marine, signifie, Sortir de la route, ou dériver. Deflectere, dectinare. Les courans, les flux & les reflux plus ou moins violens, & la variation de l’aiguille sont les causes qui font déchoir ou dériver un vaisseau ; à quoi il faut que le Pilote prenne garde dans son estime.

Décheoir, en termes d’Agriculture, se dit des blés & des autres biens de la terre, dont la récolte n’est pas si abondante, qu’ils sembloient le promettre. Minùs esse fertilem quàm spes erat, spem agricolæ fallere. Les blés sont déchus de moitié. Il est fâcheux de voir déchoir les vignes de la manière qu’elles font, c’est-à-dire, de voir que les vignes ne donnent pas tant de raisin, qu’elles promettoient d’en donner. Liger.

Déchu, ue. part. & adj. Lapsus. La véritable vertu déchue une fois, se rétablit difficilement dans une ame abâtardie. S. Evr. Le Roi étoit seul, abandonné, & tellement déchu dans l’esprit des siens, qu’il devint l’objet de leur mépris. Boss.

Déchu. Terme de Palais. Un appelant est dit déchu de l’appel, quand il laisse prendre un congé par l’Intimé. Déchu & débouté, sont deux termes de Palais dont la signification a quelque chose d’approchant : ils diffèrent en ce que déchu se dit de l’appel, & débouté, de la demande, ou de l’opposition ; par exemple, un tel est déchu de son appel, un tel est débouté de sa demande, de son opposition.

DÉCHET. s. m. Perte, diminution qui se fait sur la totalité d’une substance, soit dans la quantité, soit dans la qualité. Diminution d’une chose ou en elle-même, ou dans sa valeur. Decessio, imminutio, diminutio. On ne peut garder du blé en grenier, du vin en cave, sans beaucoup de déchet. Il y a toujours quelque déchet dans la fonte des métaux. Intertrimentum. Il n’y a guère de marchandises auxquelles il n’arrive du déchet. Déchet du sel, du vin, de l’huile.

Déchet. En matière de Gabelle, se dit d’une diminution qui survient au sel en masse, pendant le temps qu’il reste dans le grenier. Le déchet ordinaire est réglé à deux minots sur chaque muid de sel vendu & distribué dans les greniers du Roi. Le déchet extraordinaire est celui qui se trouve au dessus des deux minots qu’on accorde pour le déchet ordinaire, & que les Grénetiers, Receveurs & Contrôleurs sont tenus de payer en argent, sur le même pied qu’il se vend dans les greniers où ils sont établis. Ordonn. des Gabelles de 1680.

Déchet. Terme de Marine, signifie dérive, biaisement d’un vaisseau qui ne porte pas à la route, & qui le fait aller par un autre rhumb de vent que celui par lequel il doit aller. Declinatio, deflexus. Il est de la prudence d’un bon Pilote de donner plus ou moins de déchet à la route. Par exemple, si un vaisseau veut faire voile au Nord, & qu’il soit dans un parage où l’aiguille décline au Nord-Est de cinq à six degrés, & que les courans portent aussi au Nord-Est ; il faudra que ce vaisseau, pour faire le Nord, & s’empêcher de déchoir, gouverne au Nord-Ouest, afin que sa route vaille Nord. Mais si l’aiguille varie d’un côté, & les courans portent de l’autre, ensorte que ce qui seroit de déchet par les courans, fût ôté par la variation, il faudroit balancer judicieusement toutes choses, en compensant un déchet par l’autre.

On dit proverbialement qu’il y a bien du déchet sur la filasse, pour dire qu’un homme n’est pas si riche qu’il étoit, ou qu’une succession, ou un emploi ne sont pas aussi considérables qu’on pensoit, ou qu’une chose n’a pas réussi comme on l’espéroit.

Déchet, se dit aussi au figuré, pour décadence, ou relâchement. L’Eglise voit maintenant avec compassion, & à son dommage, le déchet de plusieurs compagnies régulières. Hermant. Dans ce sens il n’est pas usité.

☞ DÉCHEVELER. v. a. Déranger la chevelure. On ne le dit guère que des femmes. Décheveler une femme, lui arracher sa coëffure, en sorte que ses cheveux soient épars & en désordre. Reticulum, capitis tegmen revellere, capillosque deficere, disturbare. Ces deux femmes se sont déchevelées.

Déchevelé, ée. part. C’est la même chose qu’échevelé. On peint les sur les déchevelées, passis crinibus, dans un état conforme à la fureur qui les transporte.

Mainte veuve souvent fait la déchevelée,
Qui n’abandonne pas le soin du demeurant,
Et du bien qu’elle aura fait le compte en pleurant. La Font.

J’aimerois mieux échevelée.

DÉCHEVÊTRER. v. a. Oser le chevêtre d’une bête de somme. Jumentum capistro exuere. Ce mulet s’est déchevêtré tout seul.

On dit aussi figurément & bassement, qu’un homme s’est déchevêtré d’une méchante affaire où il étoit embarrassé, quand il s’en est tiré, & d’une méchante compagnie où il étoit engagé. Expedire se ex difficili negotio.

DÉCHIFFRABLE. adj. de t. g. Que l’on peut déchiffrer ou lire aisément. Cette ancienne écriture n’est pas déchiffrable.

DÉCHIFFREMENT. s. m. L’action de déchiffrer, l’art d’expliquer un chiffre, de deviner le sens de ce qui est écrit en caractères différens des caractères ordinaires. Literarum occultis notis exaratarum explicatio. Le déchiffrement est une chose où l’on ne réussit pas toujours. Il faut avoir un certain génie pour le déchiffrement des lettres. Jacques de Gevri a fait un Traité du déchiffrement de la langue Françoise. La Bibliographie est le déchiffrement des anciens manuscrits sur l’écorce des arbres, sur le papier & sur le parchemin. Spon. Chaque langue a des règles particulières du déchiffrement. Le livre de Gevri contient celles qui sont propres à la langue Françoise. Les principales sont que lorsqu’un caractère se trouve seul, il faut que ce soit un A, un Y, ou un O, parce qu’il n’y a que ces trois lettres qui fassent un mot à part en françois. 2o. Le caractère qui se rencontre le plus souvent dans l’écriture qu’on veut déchiffrer est ordinairement un E ; car c’est la lettre la plus commune de toutes en notre langue. 3o. Pour connoître un U, il faut prendre le caractère qui est toujours précédé d’un certain autre, qui sera le Q. 4o. L’I se connoît aussi par le moyen du Q ; car comme QUE & QUI sont les seuls en notre langue qui, commençant par un Q, n’ont que trois lettres, lorsqu’on trouve un mot de trois caractères, dont la première est un Q, & dont la dernière n’est pas un E, c’est un I. 5o. Dans les mots de deux caractères l’un ou l’autre est une voyelle. 6o. Des trois premiers caractères d’un mot l’un est une voyelle. 7o. Les voyelles étant une fois déchiffrées, on connoît aisément les consonnes par la liaison qu’ont ordinairement certaines consonnes avec certaines voyelles.

DÉCHIFFRER, v. a. Trouver l’alphabet d’un chiffre, l’explication d’une lettre écrite en chiffre. Litteras occultis notis exaratas explicare. On a intercepté des lettres ; mais jamais on ne les a pu déchiffrer. Les anciens n’ont guère connu l’art de chiffrer, ni de déchiffrer. Voy. Chiffrer. Les Modernes l’ont poussé bien avant, & l’ont appellé Polygraphie & Stéganographie. Trithême, Vigenere, Aporta, Nicéron, ont écrit de l’art de déchiffrer.

Déchiffrer, signifie aussi lire un titre, un acte dont l’écriture est ancienne, ou à demi effacée, ou si mal écrite, qu’il semble qu’elle soit écrite en chiffre. Caracteres veteres, & deletos pœnè diuturnitate temporis legere. Ce curieux est un savant Antiquaire, qui déchiffre les plus vieilles inscriptions, les titres les plus effacés. Les Sergens de village écrivent si mal, qu’on a bien de la peine à déchiffrer leurs exploits. Pour déchiffrer les écritures effacées, il faut faire tremper de la noix-de galle dans du vin blanc, ou de l’eau-de-vie ; & de la liqueur il en faut frotter l’écriture ; elle deviendra noire & lisible.

Déchiffrer, se dit aussi figurément, pour dire pénétrer dans le fond d’une affaire fort difficile, la débrouiller ; & aussi, expliquer ce qu’il y a de plus obscur ou de plus subtil dans un Auteur, dans une science, expliquer un terme obscur. Du moins faudroit-il déchiffrer en marge tous ces termes inconnus, mais le plus sûr est d’en mettre d’autres qui soient intelligibles à tout le monde. Bouh. Abstrusa quæque & maximè recondita & intricata indagare, explicare, expedire, involutam ambagibus scriptorum mentem penetrare, introspicere, perspicere. Scaliger, Casaubon, Lipse, Erasme & autres Critiques du siècle passé ont déchiffré bien des passages des Anciens. Il faut un habile Rapporteur pour déchiffrer ce procès, tant il est embrouillé ; déchiffrer une intrigue.

☞ On le dit aussi des personnes. Déchiffrer quelqu’un, dit l’Académie, c’est faire connoître un homme, en découvrant ses inclinations, & ce qui lui est arrivé de plus secret. Il se prend plus ordinairement en mauvaise part. On a parlé de lui dans une Compagnie où on l’a bien déchiffré. Nudare alicujus animum, facta, &c. Je ne crois pas cette façon de parler bien noble, ni fort en usage, même dans le style familier.

Déchiffré, ée. part. Il a les sens de son verbe en Latin & en François.

DÉCHIFFREUR. s. m. Celui qui a la clef d’un chiffre, ou qui déchiffre les lettres, sans en avoir le chiffre. Explicator, indagator. On le dit aussi de celui qui découvre les choses cachées, soit dans les sciences, soit dans les affaires. C’est un grand déchiffreur.

DÉCHIQUETER, v. a. Couper en menus morceaux. Minutatim incidere. Cet homme a été assassiné, & son corps a été déchiqueté en mille pièces. Déchiqueter la peau avec des lancettes, avec des fers à scarifier. Les soldats déchiquetèrent les corps morts d’une étrange façon. Ablanc.

Déchiqueter, se dit aussi des taillades & coupures qu’on fait sur des étoffes pour leur servir d’ornement. La mode est passé de déchiqueter les habits.

L’origine de ce mot peut venir du mot chiquet, qui signifie un petit morceau ; ou d’échiquier, parce qu’on a pu commencer à déchiqueter par menus carreaux.

Déchiqueté, ée. part.

DECHIQUETURE. s. f. Découpure, moucheture, taillades faites sur une étoffe. Incisio.

DECHIRAGE. s. m. On appelle à Paris Bois de déchirage, le bois qui provient des vieux bâteaux que l’on dépèce.

DÉCHIREMENT. s. f. Action de mettre en pièces, rupture. Scissura, laceratio. N’avoit-on pas raison de reprocher au Grand Prêtre son animosité & son emportement, qu’il avoit suffisamment fait paroître par le déchirement de ses habits ? M. Fleury. Ce mot est rarement employé au propre. Il est plus en usage au figuré : déchirement de cœur, douleur vive & amère ; déchirement de conscience. Le P. Bouhours ne l’approuve pourtant point. Déchiremens d’entrailles causés par la colique.

On trouve déchirement pris dans un sens propre en parlant de la solution de continuité faite en longueur dans les parties membraneuses du corps humain. La cause des hernies ventrales est toujours un déchirement qui ne surviendra que par quelque effort très-rude, & qu’aux endroits où il y aura eu abscès, ou plaie, qui n’ayant pas été bien cicatrisée, laissera le péritoine sujet à se déchirer, ou à se r’ouvrir. Dionis.

DÉCHIRER, v. a. Mettre en pièces sans user d’instrumens tranchans. Lacerare, laniare, discerpere. On ne le dit au propre que des étoffes, de la toile, du papier, de la peau, des chairs & autres choses de cette nature. Les Juifs déchiroient leurs vêtemens quand ils entendoient blasphémer. Il a fallu presque lui déchirer le manteau pour le retenir à dîner. Ils commencèrent à crier qu’on leur laissât déchirer le parricide. Vaug. On le déchiroit de coups. Maucroix. Je veux cependant que vous sachiez que je me sens depuis quelques jours en état de déchirer & de brûler ces gages de votre amour qui m’étoient si chers. Let. Portug. Les Cailloux & les ronces lui avoient déchiré les pieds. Bouh. Xav. L. V.

Nicod tient que ce mot vient du Latin dilacerare, ou du Grec σχίζω, qui signifie la même chose.

Déchirer un bateau. C’est le mettre en pièces, le dépecer.

Déchirer la cartouche avec les dents. Neuvième commandement de l’exercice. On porte la cartouche à la bouche, le bras tendu à la hauteur du bout du canon, le bout déchiré en haut à un demi-pied éloigné du bout du canon.

Déchirer, se dit figurément des choses spirituelles & morales, pour signifier Agiter, tourmenter par des mouvemens différens. Lacerare, dilacerare, laniare. La jalousie déchire le cœur de ceux qui en sont possédés. Oreste se sentit déchiré par de cruels remords. S. Evr. L’effort que nous faisons pour arracher le trait qui nous blesse, l’enfonce encore davantage : l’ame se déchire elle-même par cette nouvelle agitation.

Trop rigoureux devoir,
Qui déchire mon cœur & ne l’ébranle pas. Corn.

☞ On dit dans ce sens, des douleurs vives & aiguës, qu’elles déchirent l’estomac, qu’elles déchirent les entrailles.

☞ On dit encore figurément qu’une chose déchire le cœur, les entrailles, pour dire qu’elle touche sensiblement.

Déchirer signifie encore, Partager, diviser, ruiner, désoler. Miscere, perturbare, depopulari, devastare, desolare. L’Eglise a été déchirée par ses propres enfans. Boss. Les Nations barbares déchirèrent l’Empire, & le mirent en pièces. La guerre civile déchira cruellement le Royaume, & le mit sur le penchant de sa ruine.

Déchirer. Déchirer la robe, la tunique de Jesus-Christ, en style dogmatique signifie diviser l’Eglise, rompre l’unité, faire schisme. C’est que dans le langage des Pères de l’Eglise, la robe ou la tunique de Jesus-Christ qui étoit toute d’une pièce & sans coutures, représentoit l’Eglise & son unité.

On dit dans le style dogmatique déchirer un Auteur, déchirer un passage, pour dire l’expliquer à contresens, lui faire dire ce qu’il ne dit pas. Detorquere, corrumpere.

Déchirer signifie aussi médire, calomnier, outrager par des médisances. Maledictis aliquem proscindere. Les femmes sont sujettes à se déchirer l’une l’autre. Les Auteurs dans leurs critiques se déchirent cruellement. On se sauve à déchirer le monde en général : mais on se damne à déchirer les particuliers. B. Rab. Vous ne cessez de me déchirer. Boss. Vous allez partout me pleurer comme un hérétique, & vous me déchirez en me pleurant. Fenel. La Philosophie médisante des Cyniques faisoit profession de japper, de mordre, & de déchirer tout le monde. Balz. On hait les médisans comme des bêtes féroces qui déchirent tout le monde. Bell.

Déchiré, ée. adj. Laceratus, laniatus, desolatus. J’étois bien aise de n’être plus exposé à voir mon cœur déchiré par la douleur de votre absence. Let. Port. Déchirée par mille mouvemens contraires, je ne sais ni ce que je fais, ni ce que je dis. Id. Biens des gens ne pouvant plus reconnoître le Religion déchirée par tant de sectes, sont allés chercher un funeste repos dans l’indifférence des Religions. Flech.

On dit qu’une femme n’est pas trop déchirée, pour dire qu’elle est encore assez jolie & assez fraîche, pour qu’on cherche à lui plaire. On dit en proverbe, qu’un chien hargneux a toujours les oreilles déchirées, pour dire qu’un querelleur a toujours des affaires désagréables.

☞ DECHIREURS de bateaux. s. m. pl. Ouvriers qui dépècent les vieux bâteaux, pour en vendre les planches & les débris.

☞ On donne encore le nom de déchireurs à certains Officiers établis pour empêcher qu’on ne déchire aucun bateau propre à la navigation. Encyc.

DÉCHIRURE. s. f. Rupture qui s’est faite en déchirant. Scissura, laceratio. La déchirure d’une plaie. Déchirure faite à un habit.

DÉCHOIR. Voyez DÉCHEOIR.

DÉCHOUER. v. n. & a. Terme de Marine, qui dans la signification active signifie remettre à flot un navire qui est échoué sur un fond où il n’y a pas assez d’eau pour lui. Navim relevare. Pour déchouer un pareil navire, il faut l’alléger, en lui ôtant une partie de sa charge. Dans la signification neutre, lorsqu’un navire échoué se met à voguer de lui-même. La marée étant venue, le navire déchoua, & l’on recommença à manœuvrer. Quand mes deux Corsaires furent déchoués, je fis brûler une barque marchande que j’avois prise dans cette rade. Chev. de Forbin. Nous travaillâmes toute la nuit à alléger ces deux bâtimens, afin de les déchouer. Id.

DÉCHU. Voyez Décheoir.

DÉCIDER. v. a. Déterminer, porter son jugement sur une chose douteuse ou contestée. Quæstionem, controversiam decidere, decidere de controversiâ, quæstiioem persolvere. On ne doit point douter des articles que l’Eglise a décidés. Cette loi décide notre question.

☞ On le dit neutralement pour signifier porter son jugement avec trop de confiance. On dit qu’un homme décide dans les compagnies, quand il donne son jugement, soit bon, soit mauvais, avec hardiesse & témérairement sur tout ce qu’on propose. Si les hommes ne se hâtoient point de décider après un examen superficiel, ils ne se tromperoient pas si souvent. S. Evr. Un homme sage est toujours fort retenu à décider. Le Ch. de Mer.

Croi ce que croit l’Eglise ;
Si son silence laisse une chose indécise.
Ne la décide pas ; sur un point contesté,
Tu ne peux décider qu’avec témérité. Vill.

Décider s’emploie encore neutralement, comme synonyme d’ordonner, disposer. C’est à vous à décider de mon sort, de ma fortune. De aliquâ re statuere.

Il n’est dans ce vaste univers
Rien d’assuré ni de solide ;
Des choses d’ici tas la fortune décide
Selon ses caprices divers. Deshoul.

Décider, juger, synonimes. On décide une contestation, une question. On juge une personne, un ouvrage. Les particuliers décident. Les Magistrats jugent.

Décider, se dit aussi en morale pour, Terminer ce qui étoit en contestation. Une bataille décide souvent une guerre. La mort a décidé ce procès. Un coup de dé peut décider une partie, pour dire qu’ils terminent la guerre, le procès, le jeu.

Décider. Avec le pronom personnel se dit pour prendre son parti sur une chose douteuse. Statuere, capere consilium. C’est sur la foi de ce titre que cet Auteur & les autres Ecrivains de l’Abbaye se sont décidés. Dissert. sur l’orig. de l’Abb. de S. Bertin. Il s’est décidé bien légèrement.

Décidé, ée. part. & adj. On dit qu’un homme est décidé, pour dire qu’il est d’un caractère ferme, & qu’il a des principes dont il ne s’écarte pas.

Assez d’articles sûrs & de points décidés,
Donnèrent aux pécheurs des scrupules fondés. Vill.

Décidé, tout passif qu’il est, se dit dans un sens actif, pour décisif, qui prend aisément son parti, & est opposé à foible, chancelant, indéterminé, irrésolu. Certus, constans. Antoine de Bourbon, Roi de Navarre, père du plus intrépide & du plus ferme de tous les hommes, fut le plus foible & le moins décidé. Voltaire. Si toutefois on pouvoit s’assurer d’un caractère aussi peu décidé que le sien. Mém. de Trév. L’incrédule Dogmatiste se donne pour décidé, pour persuadé, & il ne l’est pas. P. Tournemine.

Décidé, ée, se dit depuis quelque temps pour déclaré & reconnu manifestement pour ce qu’il est, qui n’est point douteux ou dissimulé, qui est certainement & ouvertement ce qu’il est. Notior, notissimus, clarè ac manifestè talis. On ne sait ce que c’est que cet Abbé par rapport à la Religion. S’il avoit été plus décidé, on l’auroit fait Evêque. Ses larmes, qui trahirent sa douleur (du Princes des Asturies, lorsque le Roi Philippe V lui déclara qu’il vouloit lui remettre la couronne) aux yeux de toute la Cour, ne trahirent point sa discrétion, & dès lors le père reconnut dans son fils un Roi décidé, & capable de porter seul le poids de l’Etat, dont il portoit déjà le secret avec tant de sagesse. Mongin. La plupart des hommes ne savent se prêter qu’aux idées dont ils sont déjà prévenus, le hasard a fixé leur choix, ils sont décidés. Gamaches.

☞ DÉCIDÉMENT. adv. D’une manière décidée. Il veut décidément telle chose.

DÉCIL ou DEXTIL. adj. Terme d’Astronomie, ou plutôt d’Astrologie. Aspect de deux planètes éloignées l’une de l’autre de la dixième partie du Zodiaque.

DECILLER. Voyez Dessiller.

DÉCIMABLE. adj. de t. g. Qui est sujet aux décimes, à la dixme. Decumanus, decimis obnoxius. Les héritages que les Religieux de Citeaux cultivent par leurs mains, ne sont pas décimables ; ils ont un privilège qui les exempte des décimes, de la dixme. Champ décimable. Decumanus ager.

DÉCIMAL, ale. adj. Terme de Jurisprudence. Qui regarde les dixmes. Decumanus. Une matière décimale. Par l’article 3. de la Coutume de Normandie, le Bailli connoît des matières décimales, à l’exclusion du Haut-Justicier.

Décimal, est aussi un terme d’Arithmétique. Fraction décimale. On trouve dans les tables des Anglois les logarithmes des nombres entiers, avec les fractions décimales. Nombre décimal est un nombre entier réduit en parties décimales, & les parties décimales sont les parties dans lesquelles ce nombre est réduit. Pour entendre ceci, il faut savoir que pour la commodité des calculs, on partage l’unité en dix parties, chacun de ces dixièmes en dix parties qui sont des centièmes de l’unité, chaque centième en dix parties, qui sont des millièmes de l’unité, chaque millième en dix parties, & ainsi de suite à l’infini. Quand un nombre contient un nombre entier d’unités, & qu’il contient de plus de ces sortes de parties, qui sont des dixièmes de l’unité, des centièmes, des millièmes, &c. l’on ajoûte les chiffres qui marquent ces parties dans la même ligne au devant de l’unité, en allant dans ce cas de gauche à droite, & quand il manque un chiffre dans l’un des rangs, on marque 0 dans ce rang-là pour distinguer les rangs qui sont plus à droite.

Pour distinguer ces parties décimales, des unités entières, on marque un point, ou une virgule, ou une petite ligne, ou un petit arc entre les unités entières, & les parties décimales. On peut aussi marquer en haut du dernier chiffre, à droite des parties décimales, le chiffre en petit caractère, qui exprime le rang où il est, comme l’on voit ici, ce que l’on néglige ordinairement comme inutile.

3 Centaines
4 Dixaines.
5, Unités.
3 Dixièmes.
7 Centièmes.
0 Millièmes.
4 Dixmillièmes.
5 Centmillièmes
6 Millionièmes.
8 &c.
9
1
0
4
3 XII. .

Pour réduire un nombre entier en dixièmes, sans en changer la valeur, il n’y a qu’à ajouter un zéro, en mettant un point entre le nombre & le zéro que l’on ajoûte. Par exemple, si vous voulez changer 304 en dixièmes, il faut mettre 304.0. car 304 entiers valent 3040 dixièmes.

Pour le réduire en centièmes, il faut lui ajouter deux zéro, en millièmes trois zéro, & ainsi de suite 304.00. trente mille quatre cents centièmes sont la même chose que 304 entiers ; & 304.000. trois cents quatre mille millièmes sont égaux à 304 entiers ; & ainsi du reste.

De même, pour réduire un nombre qui exprime des parties décimales de l’unité, c’est-à-dire, des dixièmes, des centièmes, des millièmes, &c. en parties décimales plus petites, il n’y a qu’à ajouter à ce nombre qui exprime des parties décimales, autant de zéro qu’il en faut pour lui donner le rang qui lui convient, par rapport aux parties décimales plus petites auxquelles on le veut réduire. Ainsi pour réduire 0.13. c’est-à-dire, 13 centièmes en millionièmes il faut écrire 0.130000.

Si dans un nombre décimal quelconque, par exemple, 132.456378. on avance le point qui distingue les parties décimales d’avec les entiers d’un rang vers la droite, le nombre 1324.56378. vaudra précisément dix fois plus que le précédent ; car chacun des chiffres vaudra par-là dix fois plus qu’il ne valoit. Si l’on avance le point de deux rangs, le nombre 13245.6378. vaudra précisément cent fois plus qu’il ne valoit ; car chacun des chiffres vaudra par-là cent fois plus qu’il ne valoit. Si l’on avance le point de trois rangs, le nombre 13245678. vaudra mille fois plus qu’il ne valoit, & ainsi de suite.

Si au contraire on recule le point qui distingue les entiers d’avec les parties décimales vers la gauche d’un rang, de deux rangs, de trois rangs, &c. le nombre proposé vaudra par ce changement dix fois moins, cent fois moins, mille fois moins, &c. qu’il ne valoit. Voyez le P. Reyneau, Science du Calcul, L. I. Sect. I.

Tout nombre entier pouvant être considéré comme une fraction, dont le nombre entier est le numérateur, & l’unité le dénominateur, si l’on ajoûte le même nombre de zéro au numérateur & au dénominateur, le nombre entier, considéré comme fraction, sera changé en nombre décimal sans changer de valeur. Ainsi car par cette opération on multiplie le numérateur & le dénominateur par le même nombre dans notre exemple par 1000000, ce qui ne change point la valeur de la fraction. Mais au lieu d’écrire le dénominateur, on a trouvé plus court pour le calcul d’exprimer ces fractions décimales en supprimant le dénominateur, & en marquant simplement un point entre les entiers & les parties décimales. Ainsi . Id.

On voit par tout ceci que décimal n’est pas la même chose que dixième, & que les parties décimales ne sont pas des dixièmes parties, mais des dixièmes, des centièmes, des millionièmes, &c. & généralement ce sont toutes les parties qui vont en augmentant de dix en dix : dix fois un font dix, dix fois dix font cent, dix fois cent font mille, dix fois cent mille font un million. Ces dixièmes, centièmes, millièmes, millionièmes, &c. sont des parties décimales, & un nombre décimal est un nombre qui contient quelques-unes de ces parties, par exemple, 0.130000, c’est-à-dire, 13 millionièmes, est un nombre décimal, bien qu’il ne contienne point de dixième, mais de millionièmes.

DÉCIMATEUR. s. m. Celui qui a droit de percevoir les dixmes d’une paroisse, ou d’un certain canton. On appelle gros décimateur celui qui a les grosses dixmes, le Curé n’ayant que les menues dixmes & les novales. Cui jus est in decimas, qui decimandi jus habet. Cet Abbé est le Collateur de cette Cure, en est le gros Décimateur. Les gros Décimateurs doivent donner aux Curés une portion congrue ; ils sont de plus chargés des réparations du Chœur & Cancel, & de fournir les ornemens & livres nécessaires, au moins quand la fabrique n’est pas en état d’en fournir. Les Seigneurs Laïcs qui ont des dixmes inféodées sont aussi gros Décimateurs. Quand il y a des dixmes à partager entre le Curé & les gros Décimateurs, c’est au Curé à choisir.

DÉCIMATION. s. f. Action de décimer les soldats, pour punir le dixième d’un Corps, d’une Légion qui a failli. Decimi cujusque sorte ducti animadversio. Decimatio.

☞ Le Romains usoient de cette peine envers les soldats qui avoient abandonné leur poste, ou excité quelque émeute dans le camp, ou qui s’étoient comportés lâchement dans le combat. Le Général assembloit toutes les troupes : alors le Tribun lui amenoit les coupables, & leur reprochoit leur lâcheté & leur perfidie en présence de toute l’armée. Ensuite mettant leur nom dans une urne ou dans un casque, il en tiroit cinq, dix, ou vingt, suivant leur nombre, & le cinquième, le dixième, ou le vingtième passoit par le fil de l’épée, le reste étoit sauvé.

DÉCIME. s. f. Terme de Mythologie. Decima. C’est le nom de l’une des trois Parques ; car ces Déesses, que l’on appelle communément Clotho, Lachesis & Atropos, selon Varron & Cœsellius Vindex, cités par Aulu-Gelle, L. III. C. 16. se nommoient, None, Décime & Morte : Parque, à partu, c’est-à-dire, de l’enfantement, où commençoit leur empire sur la vie de chaque homme ; None & Décime, à cause des neuf ou dix mois que l’enfant est dans le sein de sa mère ; comme Varron l’explique.

Décime étoit encore le nom que les Grecs donnoient au dixième jour après la naissance, auquel on donnoit le nom à l’enfant ; ils appeloient aussi