Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/011-020

Fascicules du tome 2
pages 1 à 10

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 11 à 20

pages 21 à 30


termes accoutumés, sans qu’ils doivent autre censive ni redevance.

Quand il s’agit de l’Angleterre, le Bourgage est la manière dont les Cités, les Villes, les Bourgs, &c. tiennent leurs terres du Roi, ou de quelque autre Seigneur, moyennant une certaine rente ou redevance annuelle. Harris. M. Boyer ajoute que c’est aussi cette rente, ou redevance ; mais Harris ne le dit point.

On dit franc-bourgage, comme on dit Franche-bourgeoisie. Par une Déclaration du 4 Décembre 1641. le Roi ordonna que toutes personnes, nobles & roturiers, propriétaires & possesseurs d’héritages allodiaux en franc-bourgage & franche-bourgeoisie, qui n’ont justice, fussent & demeurassent confirmés, & leurs successeurs à perpétuité, leur allodialité, &c. Les villes de Gisors & de Neaufle, dont tout le territoire est de temps immémorial en franc-bourgage, ne sont qu’une seule & même Seigneurie. Descript. Géog. & Hist. de la Haute-Norm. T. II p. 298.

BOURG-DIEU. Burgum Dei. C’est un bourg du Berri en France, dans le territoire de Deols, qui pris ce nom à cause d’un Monastère de Bénédictins qui y fut bâti en 917 par Abbon, Seigneur de Deols.

☞ BOURGEOIS, BOURGEOISE. s. m. & f. prononcez BOURJOIS. Urbis incola. Dans la basse latinité on trouve Burgensis. Voyez Act. Sanct. Mart. T. III p. 417. 1 536. A. 551. A. &c. ☞ Celui qui fait sa résidence ordinaire dans la ville, & qui a un degré de condition qui tient le milieu entre la Noblesse & le Paysan. M. l’Abbé Girard. La vraie politesse ne se trouve guère que chez les courtisans & les principaux Bourgeois des villes capitales. Voyez Citoyen, Habitant, leurs différences. M. de Voltaire dans ses remarques sur le Nicomede de Corneille observe que cette expression est bannie du style noble. Elle étoit admise à Rome, & l’est encore dans les Républiques. Le droit de Bourgeoisie, le titre de Bourgeois. Elle a perdu de sa dignité, peut-être parce que nous ne joüissons pas des droits qu’elle exprime. Un Bourgeois dans une République est en général un homme capable de parvenir aux emplois : dans un État monarchique, c’est un homme du commun. Aussi ce mot est-il ironique dans la bouche de Nicomède, & n’ôte rien à la noble fermeté de son discours.

☞ Ce mot vient de l’allemand burger, qui signifie la même chose, ou plutôt, selon Pasquier, il vient du vieux mot bourg qui signifioit une ville.

Bourgeois, se prend aussi comme nom collectif, & signifie l’assemblage, le corps de ceux qu’on nomme bourgeois dans le vrai sens du mot. La police des marchés veut que le Bourgeois soit fourni avant les Marchands & Regratiers.

Bourgeois désigne aussi quelquefois tous les gens du tiers État, à la distinction des Ecclésiastiques & des Gentilshommes qui jouissent de plusieurs priviléges dont le Peuple ne jouit pas. Les charges de l’État sont portées par le Bourgeois.

Laissez les bons Bourgeois se plaire en leur ménage :
C’est pour eux seuls qu’Hymen fit les plaisirs permis.

La Font.

Bourgeois, se dit aussi par mépris pour signifier un homme qui n’est pas Gentilhomme, ou qui n’a nul usage du monde. Ce n’est qu’un Bourgeois. Cela sent bien son Bourgeois.

On appelle en plusieurs Coutumes Bourgeois du Roi, des habitans qui ont quelque privilége pour plaider seulement en la Juridiction Royale, & décliner la Juridiction des Seigneurs : ce qui a lieu dans les Coutumes de Troyes, de Champagne, de Chaumont, de Sens & d’Auxerre : ce qu’on appelloit aussi droit de Juré, parce que ceux qui se rendoient justiciables du Roi, faisoient un serment par devant le Juge Royal ; & pour cela on payoit un droit de six deniers pour livre des meubles, & deux deniers des immeubles ; ce qui s’appeloit droit de Bourgeoisie.

Bourgeois Fieffé, C’est l’habitant d’une ville dont la Bourgeoisie, la Mairie, l’Echevinage & la Commune sont tenues en fief du Roi, ou d’un autre Seigneur. Ragueau.

☞ On appelle Bourgeois du Roi ceux qui quoique demeurans dans des terres seigneuriales, dont tous les habitans sont serfs du Seigneur, communément appellés gens de pot & de main-morte, sont exempts de cette servitude au moyen de leur privilége qui les en excepte, & qui même en quelques endroits les soustrait à la Justice seigneuriale, & les rend justiciables du Juge-Royal en premiere instance.

☞ Ce privilége de Bourgeoisie royale n’a été introduit que pour quelques endroits de la Champagne, où tout le Peuple est de condition servile, ensorte que, si quelque forain venoit habiter la terre d’un Seigneur, il deviendroit son serf : ainsi ceux qui viennent s’établir dans quelque lieu de cette Province, pour se soustraire à la servitude du Seigneur du lieu, ont recours au Roi ou à ses Officiers qui leur donnent des lettres de Bourgeoisie & protection royale.

Bourgeois, en terme de Marine, est le propriétaire d’un vaisseau, soit par achat, soit qu’il en ai fait faire la construction. Navis dominus. C’est celui qui l’équipe de tous ses apparaux, & agrès, & qui le frete ensuite ; c’est-à-dire, le loue à un Marchand pour faire voyage, suivant les conditions d’un traité qu’on appelle charte-partie. ☞ Si plusieurs Marchands s’unissent pour faire l’acquisition d’un Navire, on les appelle Co-Bourgeois.

Quelques Auteurs prétendent que le mot Bourgeois est venu du style de la Hanse Teutonique, à cause qu’il n’est permis en Allemagne qu’aux Bourgeois des villes Hanséatiques d’avoir & de faire construire des navires, & qu’en effet tous les Seigneurs & propriétaires d’un navire sont nommés Bourgeois. Les Patrice ou Sénateurs de Rome ne pouvoient posséder ou tenir en propre des navires ; mais seulement des barques : cela n’étoit permis qu’aux bourgeois.

Les ouvriers appellent Bourgeois, celui pour lequel ils travaillent. Il faut servir le Bourgeois. Le maçon, l’artisan, tâchent toujours de tromper le Bourgeois. C’est en ce sens & en opposant les Bourgeois aux artisans, que le Roi dit dans l’Ordonnance de 1667. art. XI. Les Juges & les parties pourront nommer pour experts des Bourgeois ; & en cas qu’un artisan soit intéressé en son nom contre un Bourgeois, ne pourra être pris pour tiers expert qu’un Bourgeois.

BOURGEOIS, oise, est aussi adj. dans les mêmes sens qu’il est substantif. Une maisons bourgeoise, c’est une maison bâtie simplement & sans magnificence, mais commode & logeable ; & elle est également opposée à palais, hôtel, & à cabane, ou maison de paysan & d’artisan. On appelle dans les bourgs & villages, Maisons bourgeoises, celles que les Bourgeois des villes voisines y ont, par opposition à celles des habitans du lieu. Dans les villages des environs de Paris tout est plein de maisons bourgeoises très-propres. Une maison ou famille bourgeoise, est une famille qui n’est pas noble, mais au-dessus de l’artisan, par ses biens & ses emplois. On le dit aussi adjectivement dans l’autre sens. Cela est du dernier bourgeois. Mol. Corrigez-vous de vos façons de parler bourgeoises, c’est-à-dire, basses & populaires. Il a des manières d’agir tout-à-fait bourgeoises. Vous allez voir entrer dans cette famille un air bourgeois qui n’en sortira de dix générations. Je ne vis jamais un corps composé d’atômes plus bourgeois. Mol. dans le Bourg. Gent.

Franc-Bourgeois. Voyez Franc.

On appelle garde-bourgeoise, un droit établi dans la Coutume de Paris à l’imitation de la garbe-noble, par lequel les pere & mere, ayeul ou ayeules, ont droit de joüir des biens de leurs enfans mineurs sans leur en rendre compte, en les entretenant selon leur état, & en payant leurs dette mobiliaires. Pupillorum tutela, & hereditatis procuratio.

On appelle aussi garde-bourgeoise, la milice des bourgeois qui font garde en quelque partie de leur ville. Civium excubiæ. On appelle caution bourgeoise, une bonne caution, & facile à discuter.

☞ On appelle vin bourgeois, le vin que les Bourgeois de la ville de Paris recueillent de leur crû, & qu’ils ont droit de vendre à pot chez eux. On le dit aussi du vin non frelaté qu’on a dans sa cave par opposition au vin de cabaret. On dit dans le même sens ordinaire, soupe bourgeoise, bonne soupe.

Bourgeois, s. m. Sorte de petite monnoye de billon, qui avoit cours sous le règne de Philippe le Bel. Il y avoit des bourgeois simples, & des bourgeois doubles. Les bourgeois simples étoient les derniers parisis, & les bourgeois doubles, les doubles parisis. Le Blanc. Traité des monnoyes.

BOURGEOIS ne se dit jamais pour Habitant de Bourges. Il faut dire Habitant de Bourges, un homme, une femme de Bourges.

Bourgeoise, s. f. Terme de Fleuriste. Tulipe d’un rouge vif tirant sur l’orangé, & blanc. Morin. Cult. des Fleurs.

BOURGEOISEMENT, adv. D’une manière bourgeoise. Agrestiùs, simpliciùs, rudiùs. Il vit, il parle, il raisonne bourgeoisement. Sur le midi il dine bourgeoisement, & en famille ; mais bien & avec appétit. Vign. Marv.

☞ BOURGEOISIE, s. f. Jus civitatis. La qualité de Citoyen. Ce mot suppose une ville & une société dont chaque particulier connoît les affaires, & aime le bien, & peut se promettre de parvenir aux premieres dignités. Il faut une demeure de dix ans dans les villes franches pour acquérir le droit de Bourgeoisie & l’exemption de la taille. Le droit de Bourgeoisie à Rome, ou de Citoyen Romain, donnoit de grand avantages : on l’accordoit même à des étrangers. Lacédémorte étoit si jalouse de son droit de Bourgeoisie, qu’Jérodote a observé qu’elle ne l’a accordé qu’à deux personnes. La Guil. Les François perdent le droit de Bourgeoisie françoise, en s’établissant dans les pays étrangers ; mais ils le recouvrent s’ils reviennent en France. Pimont dans le Nouveau Praticien François. Voyez dans l’Hist. de Lyon du P. Menestrier, pag. 448, la maniére dont on doit demander la Bourgeoisie & y être reçu.

Bourgeoisie, se dit aussi en termes collectifs, de tout le corps des Bourgeois. Cives. La Bourgeoisie est en armes, &c. La Bourgeoisie est toujours la copie de la Cour. Scar.

BOURGEON. Prononcez BOURHON. s. m. Le bouton qui pousse aux arbres & aux plantes au printemps. ☞ Œil animé qui produit dans la suite une jeune branche, dans lequel les feuilles sont arrangées & repliées les unes sur les autres. Voyez Bouton. Gemma, oculus. La gelée n’est dangereuse que lorsque les Bourgeons commencent à pousser.

Ce mot vient de burrio, qui a été fait de burra, bourre. Ménage. Les bourgeons ont la même peau, la même parenchyme, les mêmes corps ligneux, les mêmes insertions, & les mêmes moëlles que la tige, c’est-à-dire, les mêmes parties, qui, par le moyen d’un nouveau suc qui y entre continuellement, reçoivent une extension pareille à celle de l’or qui passe par la filière, & qui se déploient à peu près comme les tuyaux d’une lunette d’approche. Les bourgeons sont toujours placés entre la tige ou branche dont ils sortent, & la base des pédicules, ou queue des feuilles.

Bourgeon, se dit aussi de tout le nouveau jet des arbres & des vignes. Germen, furculus. ☞ Les bourgeons s’alongent dans toutes les parties tant qu’ils sont tendres & herbacés. L’alongement diminue à mesure que le bois s’endurcit. Il cesse, quand le bois est tout-à-fait dur. Voyez Arbre, Aubier, Branche.

☞ Dans ce sens on le dit particulièrement des nouveaux scions de la vigne. On défend l’entrée des bêtes dans les bois nouvellement coupés, à cause qu’elles mangent les bourgeons, les jets tendres & nouveaux.

Bourgeon se dit par extension, dans une espèce de sens figuré, des boutons, bubes, elevures qui viennent au visage. Papula. Il a le visage tout couvert de bourgeons. Papulosus. Elle peint de bourgeons son visage guerrier. Boil.

Bourgeon, dans le commerce de lainage. Les bourgeons ou escouailles sont des laines plus fines que le reste, & qui séchappent ou s’allongent par brins en différens endroits. On les arrcahd de dessus la bête avant que de la tondre. On donne ce dernier nom dans le Berri à la laine levée sur les cuisses.

☞ BOURGEONNEMENT. s. m. action de pousser des bourgeons. Gemmatio. Voyez Bourgeon. Je ne trouve ce mot dans aucun Dictionnaire. Pourquoi cela ? L’usage l’a adopté ; & s’il n’étoit pas reçu, il faudroit le recevoir, parce qu’il est nécessaire. On dit bien ébourgeonnement.

BOURGEONNER. v. n. Pousser des bourgeons. Gemmare, gemmas agere. Les arbres bourgeonnent au printemps. On dit figurément de ceux qui ont des élevures, des bubes au front, au nez, au visage, que leur front, leur nez, leur visage commence à bourgeonner.

Bourgeonné, ée, part. & adj. Gemmatus. Qui a des bourgeons au visage. On dit ordinairement que les ivrognes ont des nez bourgeonnés.

BOURG-ÉPINE. C’est un arbrisseau, qu’on appelle autrement Nerprun, ou Noirprun. Rhamnus. Voyez ces mots.

☞ BOURGES. Ancienne & grande ville de France, capitale du Berry, avec un Archevêché. Bituriges, avaricum Biturigum. Elle est située au confluent de l’eure & de l’auron ; c’est l’ancien Avaricum Biturigum, qui, dès le temps de Tarquin l’ancien, étoit le siége de l’Empire des Gaules.

Bourges, fut dans la suite la capitale du Royaume d’Aquitaine, & son Archevêque eut le titre de Patriarche & la primatie sur les Provinces de Narbonne, d’Auch & de Bourdeaux. Voyez les Antiquités de Bourges par Chenu, l’histoire du Berry par la Thaumassière, & les différentes dissertations de M. Cathérinot, sur la ville de Bourges. Voyez aussi le Dictionnaire de la Martiniere.

☞ On ignore l’origine du mot Bourges. Cette ville est à 20°. 3’ 26” de longitude, & à 47° 4’ 58” de latitude. Cassini & Maraldi. La tour de S. Etienne de Bourges est à 19° 55’ 13” de long. & à 45° 4’ 54” de lat. Cassini.

☞ Louis XI nacquit à Bourges en 1423 ; Charles VII y fit son séjoue le plus ordinaire pendant les premières années de son règle. François I qui aimoit les Sciences & les Savans, alla un jour entendre Alciat dans les Ecoles de Bourges.

Mr. Cathérinot, dans son Patriarchat de Bourges, prouve que Bourges est non-seulement une Primatie, mais aussi un Patriarchat ; ses principales raisons sont que Didier, Desiderius, Evêque de Cahors, écrivant à saint Sulpice le Débonnaire, Archevêque de Bourges, qui mourut en 640, le traite de Patriarche ; Cette lettre est dans Du Chesne, Hist. Gall. Script. p. 88 ; Que Théodulphe, Evêque d’Orléans, écrivant à S. Aoust, ou Aigulphe, qui mourut en 842, dit qu’il a par-dessus les autres l’honneur Patriarchal du premier siège, & qu’il a sous lui une troupe de Peres ; que le Pape Nicolas I. écrivant à S. Raoul, aussi Archevêque de Bourges, qui mourut en 869, le nomme Patriarche. Il devoit dire que dans cette lettre à Raoul, le Pape Nicolas déclare que l’Archevêque de Bourges, en vertu de son Patriarchat, n’avoit de juridiction sur l’Eglise de Narbonne pendant la vacance di Siége ; ce qui est non-seulement appeller l’Archevêque de Bourges Patriarche ; mais reconnoître qu’il étoit en possession de ce titre, & qu’il en exerçoit les fonctions. On n’a donc pas raison de dire que Nicolas fut le premier qui donna ce titre à l’Archevêque de Bourges. Cathérinot ajoute, Jean VIII nomme l’Eglise de Bourges Cardinale, qui est un nom fort approchant du Patriarchat ; que le B. Robert d’Abrissel, écrivant à Léger, Archevêque de Bourges, le nomme aussi Patriarche ; que Gofredus, Prior Vosiensis (Geofroi, Prieur de Vigeois en bas Limousin) qualifie Patriarche de Bourges : Albert, Archevêque de la même ville ; que la Glose du Decret reconnoît un Patriarchat à Bourges : c’est sour la Distinc. 22, Canon 7. S. Antonin, Archevêque de Florence, mort en 1459, observe qu’il y a trois choses dans l’Eglise de Bourges, Métropole, Primatie & Patriarchat. Le Cardinal Alexandre passe plus avant sur le Canon Definium, dist. 22 & dit que l’Archevêque de Bourges est le premier Patriarche après les quatre premiers. En 1210, ou environs, Philippe Auguste écrivit à Innocent III, pour faire confirmer la Primatie de Bourges, parce que c’étoit, dit-il, le seul Patriarchat de son Royaume. Enfin, Coquille, le plus judicieux de nos Jurisconsultes françois, & Chasseneux, disent la même chose. Il prétend même que les Archevêques de Bourges ont exercé les fonctions Patriarchals ; que c’est en cette qualité que Vaufrin, Archevêque de Bourges, bénit en 1122, Suger, Abbé de saint Denys dans l’Eglise de saint Denys même, en présence de Louis le Gros ; que Guillaume de Boisrarier, qui mourut en 1421, Henri d’Avaugour mort en 1446, & le Cardinal de Tournon, ont aussi fait les mêmes fonctions, aussi-bien que M. de Beaune, qui donna l’absolution à Henri IV, & il cite les preuves des libertés Gallicanes, p. 406. M. Cathérinot conjecture que le Patriarchat de Bourges fut institué sous Louis le Débonnaire, Roi des Aquitianes, & depuis Empereur. Ses principales raisons sont, que la ville de Bourges étoit devenue alors capitale des trois Aquitaines, & que vers ce temps-là Raoul, Archevêque de Bourges, est traité de Patriarche. Voilà ce que sa Dissertation contient de plus particulier. Cette conjecture est détruite par le fait de S. Didier, rapporté ci-dessus par M. Cathérinot lui-même. S. Didier ayant vécu sous Dagobert, (Clovis II,) & sous Sigebert fils de Dagobert, Sigebert étoit Roi d’Australier, ainsi Bourges avoit un Patriarche dès le VIIe siècle. Raoul, élu Archevêque en 840 dans des lettres de fondation d’un Monastère, rapportées par le P. Mabillon, Ast. SS. Bened. Sæc. IV. P. II. p. 1158, prend le titre d’Evêque du premier Siége, primæ sedis Episcopus. Bourges a une Université fameuse autrefois pour le Droit, & où il vient encore beaucoup d’étrangers. M. l’Abbé Fleury, qui, dans son Hist. Eccl. L. LV. p. 180, Tom. XI. & Liv. LXXXIV. p. 159, T. XVII; reconnoît le Patriarchat de Raoul, croit aussi qu’il fut érigé, parce que Bourges étoit la capitale du Royaume d’Aquitaine, que Charlemange avoit donné à Louis le Débonnaire, & il ne croit pas qu’on ait parlé de ce Patriarchat avant de temps-là. Cependant Théodulphe d’Orléans vivoit & écrivoit plus de vingt-ans, & Didier, cité par M. Cathérinot, plus de 200 ans avant le Pape Nicolas.

Quant à la Primatie, elle s’étendoit d’abord sur les Provinces de Narbonne, d’Auch & de Bourdeaux. La Province de Narbonne est la premiere qui s’en est soustraite, ensuite celle d’Auch ; mais Bourdeaux y demeura soumis, & en 1146, Eugène III. confirma par une Bulle la Primatie de Bourges sur cette Province ; & les Archevêques de Bourges ont joui incontestablement de ce droit pendant plusieurs siécles, comme il paroît par la Translation de Frotaire, qui en 876, demanda en grace de passer du Siége de Bourdeaux à celui de Bourges, & par la lettre de Philippe Auguste à Innocent III. en faveur de Gerard de Cros, Archevêque de Bourges, rapportées dans le Galia Christiana, Tom. I. p. 174. Les Rois d’Angleterre, devenus Ducs de Guyenne, voulurent soustraire Bourdeaux à la Primatie de Bourges ; Philippe Auguste s’en plaignit à Innocent III, en 1211, & le pria de conserver les droit de cette Eglise, qui étoit la seule Primatiale de son Royaume. Ce Pape confirma ce droit à S. Guillaume l’an 1200, & le supposant incontestable, l’année 1212, il confirma la suspense prononcée l’Archevêque de Bourges contre l’Archevêque de Bourdeaux ; pour n’être pas venu à son Concile ; & ne la leva qu’après que l’Archevêque de Bourdeaux eut promis d’aller au Concile de Bourges quand il y seroit appelé. Alexandre III, Luce III, Urbain III, Clément III, Célestin III, & enfin Grégoire IX, prononcèrent en faveur de Bourges, & les Archevêques de Bourdeaux reconnurent sans difficulté l’Archevêque de Bourges pour leur Primat, comme il paroît par une lettre d’Etienne de Noyon à Honorius III, par l’Auteur de la vie de S. Guillaume dans Surius, par la lettre que Gerard de Malmort, Archevêque de Bourdeaux, écrivit le 28 Octobre de l’année 1247, à Philippe Berruyer, Archevêque de Bourges, qui lui avoit mandé qu’ail alloit faire sa visite dans sa Province, qu’il se préparât, & qu’il en avertît ses suffragants, à quoi Gérard répond qu’il est prêt à la recevoir avec honneur, aussi-bien qu’à exécuter ses ordres. Enfin, en 1255, le Cardinal Octavien, par commission du Pape, fit un réglement pour la visite de l’Archevêque de Bourges dans la Province de Bourdeaux, & le Pape Alexandre IV le confirma. Ce ne fut qu’en 1305, que Clément V, qui avoit été Archevêque de Bourdeaux, transporta, si on en croit Matthieu de Westminster & Wallingham, deux Auteurs Anglois, la Primatie d’Aquitaine de Bourges à Bourdeaux.

Quelques-uns confondent le Patriarchat de cet Eglise avec sa Primatie, comme si c’étoit la même chose. Messieurs de Sainte-Marthe, dans leur Gallia Christiana, Tome I. p. 140, conviennent que Sulpice, Archevêque de Bourges, est appelé Patriarche par Didier de Cahors, mais ils disent qu’en ces temps Patriarche ne signifioit autre chose que Métropolitain. Tout ceci est tiré de Messieurs de Sainte-Marthe, Catherinot & de Hauteserre, Rer. Aquit. L. IV. c. 4. De la Brousse a écrit contre. Voyez Bourdeaux.

Bourges porte d’azue à trois moutons d’argent, accollés de gueules, clarinés d’or, 1, 2, à la bordure dentelée de gueules.

BOURGMESTRE, ou BOURGUEMESTRE, s. m. l’S se prononce. Premier Magistrat des villes de Flandres, de Hollande & d’Alemagne. Il est comme le Maire & le Gouverneur ; il donne des ordres pour le gouvernement, l’administration des finances, la justice & la police de la ville. Le pouvoir & les droits des Bourguemestres ne sont pas égaux partout : chaque ville a ses loix & ses statuts particuliers. En allemand on l’appelle Burgermeister. On ne sait pas bien comment on pourroit exprimer cette dignité en latin. Les uns l’expriment par Senator, & les autres par Consul. Quelques-uns de ces François Religionnaires réfugiés dans les pays étrangers, qui se mêlent d’écrire en françois, écrivent Bourgmaîtres, mais très-mal, il faut dire & écrire Bourgmestre, & prononcer l’s.

Ce mot s’est formé de deux termes flamans ; Borger, bourgeois, & Meester, maître, c’est-à-dire, le maître & le protecteur des bourgeois. M. Bruneau, dans son Traité des Criées, dit que Bourguemestre en Hollande répond à ce qu’on appelle Alderman, & Shérif en Angleterre, Attourné à Compiegne, Capitoul à Toulouse, Consul en Auvergne & Languedoc, Jurat à Bourdeaux, Pair de Ville à Beauvais. Echevin à Paris, Rouen, Tours, Angers, &c.

Bourguemestres, se dit aussi figurément & en badinant des plus considérables bourgeois d’une ville. Tous les honorables Bourguemestres jetterent les yeux sur non inconnus. Scar.

BOURGO. Voyez Burgau.

BOURGOGNE. Grand pays de France, qui a pour bornes à l’orient les Suisses, & une partie de l’Alsace ; à l’occident le Gâtinois, le Nivernois & le Bourbonnois ; au midi le Lyonnois & la Bresse ; au nord la Champagne & la Lorraine. Burgundia. Ce nom de Bourgogne vient de celui de Bourguignons, peuples qui l’ont conquise & possédée. Celui de Burgundia ne se trouve point avant Cassiodore. Nous donnons la terminaison ogne à plusieurs noms de lieux terminés en latin en ia, comme Cologne, Boulogne, Pologne, Catalogne, Sologne. La Bourgogne est le pays des anciens Eduens, Sénonois & Séquaniens. La Bourgogne se divise en deux parties, dont l’une est le Comté de Bourgogne, ou la Franche Comté, que quelques-uns appellent la haute Bourgogne, l’autre est le Duché de Bourgogne, que quelques-uns nomment la basse Bourgogne. Les Eduens & les Sénonois occupoient celle-ci, & les Séquaniens habitoient l’autre. La Bourgogne a été appelée la Mere des eaux, parce que plusieurs grandes rivières des Gaules y ont leur source, ou l’arrosent.

Le Duché de Bourgogne est la partie occidentale de la Bourgogne, Burgundiæ Ducatus, qui a le Comté de Bourgogne à l’orient, au midid la Bresse & le Beaujolais, le Nivernois au couchant, la Champagne au nord. La capitale du Duché de Bourgogne est Dijon. Les vins de Bourgogne sont les meilleurs vins de l’Europe pour l’usage ordinaire.

Le Comté de Bourgogne est la partie occidentale de la Bourgogne, qui a pour bornes au couchant le Duché de Bourgogne ; & une petite partie de la Champagne ; au nord de la Lorraine, au levant le Comté de Mont-Belliard & la Suisse, au midi la Bresse & le pays de Gex. Dole étoit autrefois la capitale du Comté de Bourgogne, aujourd’hui c’est Besançon. Le Comté de Bourgogne fut cédé à la France par les Espagnols à la pais de Nimégue en 1678.

Bourgogne propre. Quelques-uns appellent ainsi les Dijonois, l’un des sept Bailliages du Duché de Bourgogne, duquel Bailliage Dijon est la capitale.

Royaume de Bourgogne. C’est un puissant État que les Bourguignons établirent autrefois dans les Gaules, & qui comprenoit, outre les deux Bourgognes, le Nivernois, la Bresse, le Bugey, & la Suisse ; & qui s’étendit ensuite dans le Valais, la Savoye & le Dauphiné. Le Royaume de Bourgogne s’étendoit du côté du Rhône & de la Saône, comprenoit une partie de la Provence, & ce que nous appelons aujourd’hui le Dauphiné, la Savoye, la Franche-Comté, presque tout le Duché de Bourgogne, le Nivernois & une partie de la Champagne. P. Dan. Il étoit divisé en sept Provinces, dont les Métropoles étoient Arles, Vienne, Lyon, Bezançons, Moustier en Tarentaise, Embrun, Aix en Provence. Voyez le Maire, L. III. de ses Illustrations des Gaules, & Pierre de S. Julien, Antiq. des Bourg. pag. 672. Ensuite il fut divisé en deux Royaumes, dont l’un s’appela la Bourgogne Transjurane, & l’autre le Bourgogne Cis-Jurane. L’un & l’autre furent réunis sous Raoul II. Roi de la Bourgogne Transjurane, à qui Hugues Roi de la Cisjurane céda ses États & ses droits l’an 926. L’an 1032, le Roi Rodolfe III. étant mort sans enfans, tout cet État échut à l’Empereur Conrad le Salique, & ses successeurs en jouirent près de deux siécles. Après quoi étant trop éloignés pour le maintenir, ils y laisserent établir plusieurs petits Souverains, les Comtes de Bourgogne, de Morienne, ou de Savoye, de Forcalquier & de Provence, les Dauphins de Viennois, & les Ducs de Zéringhen. Enfin, ces petits États, excepté la Savoye & le Duché de Zéringhen, ont été réunis à la couronne de France en différens temps, & par différentes voies.

La Bourgongne Transjurane. Ce pays comprenoit la Suisse, & ses dépendances avec la Savoye. burgundia Transjurana, ou Transjurensis. On l’appelle ainsi, parce qu’elle étoit au-delà du Mont-Jura, ou Mont-Jou, Trans-Montem Juram, grande chaîne de montagnes qui s’étend depuis le Rhin près de Bâle jusqu’au Rhone, à quatre lieues au-dessous de Genève. Le Royaume de la Bourgogne Transjurane commença par Raoul, ou Rodoplphe I. l’an 888.

La Bourgogne Cisjurane, en latin Burgundia Cisjurana ou cisjurensis, ainsi appelée parce qu’elle renfermoit tout ce qui étoit en-deçà du Mont-Jura, cis Montem-Juram, se divisoit en Cisjurane inférieure, Cisjurana inferior, qui comprenoit le Duché de Bourgogne, le Nivernois, la Bresse & le Bugey, & en Cisjurane supérieure, qui étoit la Franche-Comté, Cisjurana superior. La Bourgogne Cisjurane a eu titre de Royaume, que l’on a autrement nommé le Royaume d’Arles. Il commença l’an 879 par Bozon d’Ardennes ; & finit l’an 929. Voyez Arles. On doute si la Cisjurane supérieure faisoit partie de ce Royaume, ou si elle appartenoit à celui d’Arles. Voyez la Notice de M. de Valois au mot Burgundia.

La Bourgogne Royale, Burgundia Regia ; la Bourgogne Impériale, Burgundia Imperatoria. On a donné encore ces noms, le premier au duché, & le second au Comté de Bourgogne, vers l’an 1032. ou 1034. lorsque cet État tomba entre les mains de l’Empereur Conrad. Petite Bourgogne. On a ainsi appelé les quartiers du Mont-Jura qu’occuperent les Nuetlandois alliés des Bourguignons, & qui sont aujourd’hui le territoire de Fribourg & autres en Suisse. Voyez Gollut, Mém. des Bourgs. L. III. chap. 2.

Aujourd’hui, ce que dans l’usage ordinaire on appelle simplement la Bourgogne, c’est le Duché de Bourgogne. Pour le Comté de Bourgogne on l’appelle la Franche-Comté, ou simplement la Comté.

Le Cercle de Bourgogne comprend le Comté de Bourgogne & les Pays-Bas. Circulus Burgundius. Au commencement de la dernière guerre les troupes du Cercle de Bourgogne furent reçûes dans les places du Roi d’Espagne en Flandres, & dans les États des Électeurs de Cologne & de Bavière.

Autrefois on écrivoit Burgoine & Bourgoine. Depuis, quelques-uns, comme Mézerai, on écrit Bourgongne, mais on n’écrit plus que Bourgogne, & il faut prononcer le gn comme une n mouillée à l’ordinaire. Pour l’Histoire de Bourgogne, il y a Pontus Heuterus Rerum Burgundicarum, L. VI. fol. à Anvers 1584. De S. Julien l’Origine des Bourguignons, fol. à Paris 1581. Guil. Paradin, Annales de Bourgogne, L. III. E. Perard, Recueil de plusieurs pièces servant à l’Histoire de Bourgogne ; Nicol. Vignerius, Du chesne, E. Delbene, Schurz, Fleischius, Philb. de La Mare, ont aussi écrit l’Histoire de Bourgogne.

Bourgogne. s. m. On donne ce nom au vin de Bourgogne dans le style familier.

En quel état est votre cave ?
Comment se porte le bossu,
Qui très-souvent la dent se lave :
Tout votre bourgogne est-il bû ?

Divert. de Seaux.


Enfin c’est bien pauvre besogne,
Que de belle eau claire entre nous.
A tout hasard garnissez-vous
De quelque baril de Bourgogne.

Bourgogne. s. f. Dans quelques endroits, on donne le nom de Bourgogne au sainfoin.

La Bourgogne. Espèce de danse françoise qui fut faite pour M. le Duc de Bourgogne.

☞ BOURGOIN. Bergusia, ou Bergusium. Petite ville de France en Dauphiné, dans le viennois, sur la petite rivière du Pin, nommée autrement, la Bourbe.

☞ BOURGUEIL, Burgolium. Petite ville de France, dans l’Anjou, avec une célèbre Abbaye, Ordre de S. Benoît, à quatre lieues de Saumur.

BOURGUIGNON, one, s. m. & f. Nom de peuple que quelques-uns écrivoient autrefois Bourguingnon, & que les Anciens on appelé burgundio, & quelquefois, comme Ammian Marcellin, Burgundius, mais plus rarement. Les Modernes disent souvent Burgundus, mais mal à mon sens, puisque l’antiquité a dit autrement. En parlant des anciens Bourguignons M. de Tillemont a dit en françois. Burgundes. Voyez ce mot. Les Bourguignons, selon quelques Auteurs, étoient une partie des Vandales, dont la première demeure fut la Cassubie en Poméranie, avec les contrées de Pologne qui en sont voisines. Sous Tibère ils sortirent de leur pays, & conquirent une partie de la basse Allemagne. Tibère & Drusus les disperserent en différens camps le long du Rhin, où ils multiplierent de sorte, qu’au rapport d’Orose, L. VII. C. 32. ils parurent au nombre de 80. mille sur le bord du Rhin. Sous l’Empire de Théodose le jeune, fils d’Arcadius, les Allemans les ayant chassés du pays dont ils s’étoient emparés, & que nous nommons aujourd’hui le Palatinat du Rhin, ils passerent ce fleuve, & étant entrés dans les Gaules, ils vainquirent les Eduens, les Sénonois & les Séquaniens, les chasserent & demeurerement maîtres de leur pays, qui depuis fut appelé de leur nom de Bourgogne, où ils formerent le Royaume dont nous avons parlé au mot de Bourgogne. Selon M. de Valois, les Bourguignons ne sont point Vandales, mais une nation Germanique, voisine des Allemans. Sidonius dit qu’ils parloient le langage Germanique. Tibère ayant tiré de la Suabe les Sicambres, leur ayant fait passer le Rhin, & les ayant logés dans la Gaule sur le rivage de ce fleuve, Isidore, & après lui plusieurs autres, se sont imaginé que les Bourguignons sont venus de cette Colonie de Sicambres, & confondent inconsidérément les uns avec les autres.

Selon d’autres, les Bourguignons sont de ces anciens Gaulois, qui sous la conduite de Ségovèse, du temps du vieux Tarquin, s’étoient établis en Germanie, & qui plusieurs siècles après revinrent dans leur ancienne patrie. Voyez Chorier, Hist. de Daup. Liv. III. § 1. p. 124. 125. Ammien dit comme une chose constante que les Bourguignons descendoient des Romains ; & Orose prétend que ce sont ceux que Drusus & Tibère, fils adoptifs d’Auguste, avoient établis dans les châteaux & dans les bourgades de l’Allemagne, & que même ils ont pris leur nom de ces bourgs ; ce mot signifie à-peu-près la même chose en leur langue qu’en la nôtre. Néanmoins Pline, Liv. IV. C. 14. en fait une nation purement Germanique, une partie des Vindiles, qu’on prétend être les Vandales ; & quelques-uns prétendent qu’ils n’ont été appelés Romains, que parce qu’ils croyoient descendre des Gaulois, qui avoient été faits Citoyens Romains.

Marcellin dit qu’auparavant que les Bourguignons se fussent investis d’une partie des Gaules, ils ne s’appliquoient qu’aux armes & au labour, & lorsque, contre leur espérance, la terre leur faisoit faillite, ils entroient en une fureur si étrange, qu’ils chassoient leur Roi de leur Royaume, & en installoient un autre. Pasq. Les Bourguignons ne commencerent à paroître & à se jeter sur les terres de l’Empire Romain que sous Maximien vers la fin du troisiéme siècle. Les Bourguignons passerent le Rhin, & entrerent en Gaule avec les Alains & les Vandales sous Honorius & Arcadius, au quatriéme siècle. Les Bourguignons, que l’on croit n’avoir été différens des Vandales, que par le nom, ne marchoient au commencement que sous les mêmes enseignes & sous les mêmes chefs. Mais ayant traversé le Rhin ensemble, ils se séparerent par le conseil de leurs Prêtres, parce qu’ils avoient embrassé le Christianisme, que ces autres nations avoient en horreur. Chorier.

On ne convient guère plus de l’origine du nom, que de celle du peuple. La plus vraisemblable est que Bourguignon, Burgundio, ou Burgundius, n’est point leur premier nom, ni un nom qu’ils aient apporté en Allemagne ou en France, ou qu’ils se soient donné eux-mêmes, mais un nom que les Allemans ou les François leur donnerent, parce qu’ils bâtirent autour du pays qu’ils avoient conquis un grand nombre de châteaux, ou camps, Castra, pour leur sûreté ; que c’étoit-là une de leurs coutumes, & que château ou camp se dit en allemand & en ancien franc, burg, ou bourg, d’où l’on fit Bourguignons, comme qui diroit Chastelains. C’est l’étymologie d’Orosius, d’Isidore, & de plusieurs autres. Luitprand, L. III. c. 12. parlant des Bourguignons, dit, Ipsi domorum congregationem, quæ muro non clauditur, burgum vocant. Et dans les fragmens de Frédégaire on lot Burgundionum 80 ferè millia... ad Rhenum descenderunt, & ubi castra posuerunt, quasi Burgo vocitaverunt, ob hoc nomen acceperunt Burgundiones. Voyez encore Osorius, L. VII. Hist. 6. 4.

D’autres, qui approuvent cette étymologie, disent que les Bourguignons ne furent point ainsi nommés des bourgs fortifiés qu’ils construisoient, mais des bourgs non fortifiés & tout ouverts que Drusus & Tibère les obligerent de former, pour diviser en plusieurs petite habitations séparées & sans défenses, cette nation qui commençoit à leur devenir suspecte par ses forces & sa multitude. C’est le sentiment de Paradin dans ses Annal. de Bourg. L. I. Chorier, Hist. de Dauph. p. 458, 459. dit que c’est parce qu’ils joignoient leurs tentes pour être plus prêts à leur défense commune, & nommoient bourgs ces assemblées qui avoient du rapport avec les villes, qui néanmoins n’étoient point fermées de murailles.

Quelques Modernes, après M. de Valois, traitent de ridicule cette étymologie tirée du mot bourg, estimant que de Burg on auroit fait Burgiones, & non pas Burgundiones, c’est-à-dire Burgion, & non pas Bourguignons ; mais il faut de meilleures raisons, dit M. de Tillemont, pour se moquer des anciens Auteurs. D’autres, comme Rhénanus, qui tiennent cette étymologie pour vraie, remontent à la langue grecque, & tirent burg de πύργος, une tour ; & si l’on croit Picard, dans sa Celtopédie, il n’y a aucun bon Auteur qui n’en convienne. Quoi qu’il en dise néanmoins, & quelques vraisemblable que puisse être cette opinion, ce mot peut n’être point grec ; & Pierre de S. Julien, dans ses Antiq. des Bourg. ch. 11. réfute cette opinion, parce que, 1o . les Bourguignons ; ni les Allemans, dont ils faisoient partie, ne savoient point le grec, & n’en ont eu connoissance que fort tard, quoique, selon Rhénanus, ils aient été nommés Bourguignons plutôt qu’on ne pense ; c’est-à-dire, avant Tibère. 2o . Les Germains, ni par conséquent les Bourguignons, ne demeuroient point dans des villes, & ne renfermoient point leurs habitations de murailles, ainsi que Tacite nous l’apprend. 3o . Que πύργος est une tour, & non point un bourg. D’autres ont dit que Burgundio s’étoit dit pour Gurgundio, à Gurgitibus, parce que la Bourgogne a été nommée la Mere des eaux, à cause que les plus grandes rivières des Gaules y ont leur cours, ou leurs sources ; mais ces peuples portoient le nom de Bourguignons avant que la Bourgogne eût été nommée la Mere des eaux, & qu’ils y fussent placés ; & il faut dans ce sentiment soutenir que les Bourguignons sont Indigénes, ce qui est faux.

D’autres prétendent que c’étoit un peuple sorti de la Scythie, & qu’ils campoient sous des tentes, qu’ils nommoient Burgs, d’où ils furent appelés Bourguignons. Mais M. de Valois, dans sa Notice des Gaules, prétend que les Bourguignons qui s’établirent en Gaule sont fort différens des Bourguignons venus de Scythie. Ceux qui disent que ce sont de ces Gaulois de Ségovèse ajoutent qu’ils prirent le nom de Bourguignons en l’honneur d’Hercule qu’ils adoroient sous celui d’Ognius.

Enfin, quelques-uns disent qu’ils ont été ainsi nommés du nom d’un lieu situé dans le diocèse de Langres, & qui s’appeloit Bourg ongne, ou Ogne, & dont le nom est resté à la vallée d’Ogne. C’est le sentiment de S. Julien, Antiq. des Bourguignons, C. 2, 3, 4, 5 ; c’est pour cela qu’il écrit Bourgogne & Bourgognons. Il prétend que Ongne en ancien langage celtique signifioit Dieu & Dieux, parce que Bourgogne est la même chose que Burgus Deorum, Bourg des Dieux, qui étoit au même lieu ; que c’est de-là aussi qu’a été fait Burgundia, de burgum, & dia ; mais tout cela n’a pas grande apparence. Les Bourguignons étoient ainsi nommés avant qu’ils passassent le Rhin, & qu’ils habitassent le bourg d’Ogne. Ogne est une terminaison que nous donnons à bien d’autres lieux, comme je l’ai déjà remarqué au mot Bourgogne, après de saint Julien lui-même. Dia est de même une pure terminaison latine.

M. de Marca, dans son Hist. de Bearn, Liv. I. p. 129 en parlant de Burgundio, Comte de Fézensac vers le commencement du neuviéme siècle, dit que le nom de Burgund, ou Bergund, exprimé en latin par Burgundio, est un ancien nom gascon, mais il n’en apporte point de preuves, & ne dit point ce qu’il signifioit.

Voyez le mot de Bourg, & sur la Bourgogne & les Bourguignons, l’Antiquité & l’Origine des Bourguignons par P. de S. Julien ; les Annales de Bourgogne, par G. Paradin de Cuyseayx. La Notice des Gaules de M. de Valois. Beatus Rhenanus, Rerum Germanicarum Nov. Antiq. sur-tout, Liv. I. & II. & les Notes qu’Orton a faites sur cet ouvrages ; cluvier, Germ. Ant. L. III. p. 145 & suiv Cambden, p. 625. Britann. de Hauteserre, Not. in Greg. Tur. p. 46 & 73, 74. Chorier, Hist. de Dauphiné.

Bourguignon. Ce mot est venu en usage dans la langue par ce proverbe, Bourguignon salé, qu’on dit par reproche à ceux qui aiment à saler trop leurs viandes : ce qui s’est dit depuis l’an 1422. auquel temps, y ayant dans Aiguesmortes une compagnie de Bourguignons, les bourgeois se ruerent sur cette garnison, & jeterent leurs corps dans une grande cuve de pierre, qu’on y montre encore à présent, & ils les salerent pour les conserver plus long-temps, comme un glorieux trophée de leur fidélité envers leur Roi légitime ; ou simplement, comme dit Andoque dans son Hist. de Languedoc, p. 444. de peur que ce qui s’exhaloit des corps morts de ces Bourguignons n’infectât l’air, ils firent un grand trou, dans lequel ils les jeterent, & les couvrirent un grand trou, dans lequel ils les jeterent, & les couvrient de sel. C’est de-là, selon Monstrelet & Juvénal des Ursins, qu’est venu ce proverbe. La Faille, dans ses Annales de Toulouse, p. 173. dit précisément la même chose qu’Andoque. D’autres tirent ce proverbe du sel qui se fait à Salins, à cause que les Bourguignons ont eu plusieurs disputes pour leurs salines.

Bourguignon. s. m. Ce mot se dit dans le style familier, pour signifier du vin de Bourgogne. Avalons de ce bon Bourguignon. On emploie ce mot en ce sens dans les chansons à boire.

Bourguignon. s. m. Terme de mer. Les Mariniers appellent ainsi les glaces séparées que l’on rencontre en mer.

BOURGUIGNONISME. s. m. Expression Bourguignonne, patois de Bourgogne. C’est un terme dont s’est servi Mr. de la Monnoye dans son Glossaire, au mot Dézar. Cet Auteur a fait de même le verbe Bourguignoniser, rendre Bourguignon, au mot Pitainche.

☞ BOURGUIGNONNES (Loix), sont celles qui étoient en usage chez les Bourguignons avant Gondebaud, l’un de leurs derniers rois, qui les réforma & en fit une espèce de code, qu’on appela de son nom, loix Gombettes.

BOURGUIGNOTES. s. f. Arme défensive pour couvrir la tête d’un homme de guerre : c’est une espèce de casque, ou se salade. Galea. Son nom vient de ce que les Bourguignons s’en sont servis les premiers. ☞ Cette armure de tête dont se servoient les piquiers n’est plus en usage.

☞ On appelle maintenant Bourguignote, une sorte de bonnet, garni en dedans de plusieurs tours de mêches & revêtu d’étoffe que l’on porte dans les occasions à l’armée pour parer le coup de sabre. Acad. Fr.

A la Bourguignote. Phrase adverbiale. A la manière des Bourguignons. Burgundionun more, instar. Des françois croisés à la Bourguignote. Gollut, Mém. des Bourg. L. XC. 19. C’est-à-dire, comme il l’explique, portans croix & écharpes de Bourgogne.

BOURI. s. m. On nomme ainsi en Egypte le Muge, des œufs de la femelle duquel on fait la boutargue.

BOURIAGE. s. m. Vieux mot qui se disoit autrefois pour métairie. Prædium rusticum. Il est encore en usage dans quelques Provinces.

BOURJASSOTTE. s. f. Espèce de figue. Il y a la petite bourjassote, qui est noirâtre, ou plutôt d’un vilet obscur, tel qu’est celui de certaines prunes : elles est fort délicate, mais elle ne rapporte guère qu’au printemps, & mûrit rarement à l’automne. La Quint. P. III. c. 5. p. 415.

BOURIER. s. m. Mot usité quand quelques provinces & qui n’est pas françois. Il ne se prend pas seulement pour les ordures qui sont dans le blé, mais pour toutes sortes d’ordures. Purgamenta. Cette chambre est pleine de bouriers, il faut la balayer. J’ai un bourier dans l’œil qui m’incommode.

Ce mot semble venir de bourre, comme si les bouriers étoient les poils de bourre.

BOURIGNONISTE. s. m. & f. Nom de Secte. Les Bourignonistes sont dans les Pays-Bas Protestans, ceux qui suivent la doctrine d’Antoinette Bourignon, native de Lille, apostate de la religion Catholique, & qui étoit une espèce de Quiétiste, ou Fanatique, qui se conduisoit par de prétendues révélations, & avoit beaucoup d’attraits pour la tolérance en matière de religion, comme il paroît par les Nouvelles de la Rép. des Lett. 1685. Avril, pag. 420. Voyez au même endroit, pag. 418 & suivantes. Il y a beaucoup de particularités touchant la Bourignon & les Bourignonistes ses disciples. Voyez aussi la vie de Mme Bourignon.

BOURIQUET. Voyez BOURRIQUET.

BOURLET. Voyez BOURRELET.

BOURME, ou BOURMIO. s. m. Ce sont les soies Legis de Perse, qui ne sont pas de la meilleure qualité, elles ne sont que de la seconde espèce. Voyez Legis.

☞ BOURMONT. burnonis mons. Bourg de France, dans le Barrois, au Bassigni sur une montagne.

BOURNAL. s. m. Vieux mot, qui signifie une rayon de miel. Favus mellis. Il est encore en usage dans la campagne.

☞ BOURNEUF, Village de France en Bourgogne, bailliage & recette de Châlon-sur-Sône, près de Mercurey. Ses vins sont de bonne qualité.

☞ BOURNIQUET. Burnichildis castrum, petite ville de France, en Guienne, dans le Quercy, sur l’Aveiroux, aux confins du haut Languedoc.

BOURNOYEUR. s. m. Voyez Ardent.

BOURON. s. m. Vieux mot, qui signifie Cabane.

☞ BOURON, ville de la Turquie, en Europe, dans la partie méridionale de la Romanie, avec un Evêché des Grecs ; Bistonia, sur un lac de même nom, Bistonis Lacus & Bistonium stagnum.

☞ BOUROU-IERDÉ, ville de Perse, à 74°. 30’ de long. & 34°. 20’ de lat.

BOURRACHE, ou BOURROCHE. s. f. Terme de Botanique. Le premier est le plus en usage. Borrago. Plante fort commune dans les jardins. Sa racine est blanchâtre, grosse comme le doigt, visqueuse au goût ; elle pousse des feuilles larges, arrondies, succulentes, ridées, âpres dans toute leur surface, à cause d’un poil court & dur dont elles sont couvertes. Ses tiges sont assez foibles, hérissées de petits poils piquans, branchues, hautes d’un pied & demi, garnies de quelques feuilles semblables à celles du bas, mais un peu plus petites. Ses tiges & ses branches se terminent par des bouquets, composés de trois ou quatre fleurs bleues le plus souvent, quelquefois blanches ou couleur de chair, & semblables à une molette d’éperon. Leur calice est vert, velu, découpé en cinq parties jusqu’à la base ; il devient assez grand lorsque la fleur est passée, & il contient quatre semences qui ressemblent à la tête d’une vipère. La fleur de bourrache est du nombre de celles qu’on nomme cordiales. On met les feuilles de bourrache dans les bouillons rafraîchissans, & son suc pousse par les sueurs & la transpiration. Parce que la bourrache est cordiale, on l’appelle en latin borrago, qui vient de corago, n’y ayant que le C qui a été changé en B.

La bourrache ne se multiplie que de graine, qui est noire, d’un rond un peu alongé en ovale bossce, ayant d’ordinaire un petit bout blanc du côté de la base, & ce bout séparé du reste ; la longueur est toute comme entaillée de rayons noirs, qui vont d’une extrémité à l’autre. La Quint. P. VI. pag. 279. La bourrache & la buglose viennent & se gouvernent comme la bonne-dame. On en sème plusieurs fois pendant l’été, parce que leurs feuilles dans lesquelles consiste tout le mérite de la plante ne sont bonne que pendant qu’elles sont tendres & jeunes ; leur petite fleur violette fait un ornement sur les salades. Leur graine tombe aussi-tôt qu’elle est mûre. Id. P. VI. p. 374.

BOURRACAN. Voyez Bouracan.

BOURRADE. s. f. Atteinte que les chiens donnent au lièvre, quant au lieu de le prendre, ils n’attrapent qu’un peu de sa bourre. Petitio.

Bourrade, se dit aussi d’une attaque, d’un coup qu’on porte à quelqu’un avec le bout d’un fusil. ☞ Donner des bourrades à quelqu’un, le faire sortir à coups de bourrades.

☞ On le dit figurément dans le style familier, des attaques ou reparties vives que l’on fait à quelqu’unn en disputant ou en écrivant contre lui. V. Bourrer.

BOURRAS. s. m. Sorte de grosse étoffe, comme qui diroit, faite de bourre. Ledivensa. Il n’étoit vêtu que d’un bourras. Ce mot est vieux. Voy. Bure.

BOURRASQUE. s. m. Tempête soudaine & violente qui s’éleve, soit sur la mer, soit sur la terre, & qui dure peu. Tempestas, turbo, procella. Nous fîmes voile au matin par un doux vent, qui se changea sur le midi en une violente bourrasque. Ablanc. La mer avec ses tempêtes & ses bourrasques, est plus agréable qu’une eau tranquille. M. Scud.

Ce mot vient de l’italien burrasca, signifiant la même chose. Ménage.

Bourrasque, se dit figurément d’une émotion populaire qui fait beaucoup de bruit, & qui dure peu. Il ne faut qu’avoir patient, & laisser passer ces bourrasques. On le dit aussi des caprices & de la colère de quelqu’un qui menace, qui fulmine. Il a quelquefois des bourrasques insupportables. Je ne veux point essuyer ses bourrasques ; c’est-à-dire, ses humeurs bourrues & emportées.

Il se dit aussi d’un malheur, d’un accident fâcheux, d’un redoublement subit de quelque mal, & de peu de durée. Il ne se peut qu’il arrive dans notre vie des bourrasques & des tempêtes, puisque nous faisons tous notre navigation sur une mer orageuse. Ab. d. l. Tr.

Bourrasque, se dit encore d’une révolution d’humeur ou façon de penser, qui rend maussade. Morositas. J’ai beaucoup à souffrir ses bourrasques.

Bourrasque, se dit encore du désordre qui arrive dans le corps d’une personne, par quelque mal, ou quelque remède violent. L’émétique cause quelquefois d’étranges bourrasques. Il se trouve très-foible & très-abbattu par cette bourrasque. Dom Quichote.

BOURRE. s. f. Poil de plusieurs animaux, comme bœufs, vaches, chèvres, cerfs, &c. qu’on enleve de dessus leur peau quand on les prépare dans les tanneries. Tomentum. La bourre sert à garnir des chaises, des selles, &c.

Ce mot vient du latin burra, selon Ménage, d’où il dérive aussi le mot de bourrée & de bourgeon.

Bourre-lance, est la laine qui se tire des draps, quand on les prépare avec le chardon de Bonnetier. Tomentun laneum. C’est aussi la grosse laine qui reste aux moulins, où l’on foule des draps fins. Celle qui sort à la foulure des gros draps, s’appele Laveton.

Bourre-tontice, est celle qui se tire des draps, quand ils passent par les mains du Tondeur. Celle-là est la moindre, & il est défendu aux Tapissiers d’en mettre dans les matelas entre les deux futaines. On la laisse aux Potiers d’étain pour faire des bourrelets. Il y a aussi de la bourre de soie, qui est de la soie de rebut ou imparfaite, qu’on tire avec le peigne après que le cocon est dévidé.

Bourre, en termes de Teinturier, se dit aussi d’une certaine nuance, qui est la même que celle du rouge cramoisi.

Bourre de Marseille, étoffe moirée, dont la chaîne est de soie, & la trame de bourre de soie. Il s’en fabrique présentement dans plusieurs villes. Acad. Fr.

Bourre, se dit aussi de ce qui sert à mettre sur la poudre en chargeant les armes à feu, papier, foin, &c. La bourre de ce pistolet lui a donné au visage. En ce sens on appelle un tire-bourre, un fer pointu, & fait en forme de vis, attaché au bout de la baguette, avec lequel on décharge une arme à feu sans la tirer.

Bourre. C’est aussi un terme de Corroyeur, qui signifie la tannée, ou vieux tan qui est resté des peaux de moutons au sortir de la tannerie.

Bourre, signifie aussi le commencement d’un bourgeon de vigne. Muscus vitiarius, sarmentarius. ☞ C’est un amas de poils rassemblés en peloton sur l’œil de la vigne, un duvet qui couronne le bourgeon. On dit que la vigne est en bourre, quand ses boutons commencent à s’ouvrir, parce qu’il se montre d’abord un duvet qui ressemble à la bourre. On dit, geler en bourre, c’est-à-dire, avant que la feuille de la vigne ait paru. Liger l’étend aussi aux boutons des arbres fruitiers. Ainsi, selon lui, on dit, les arbres ont gelé en bourre. Cependant il y a lieu de douter si l’usage est qu’on le dise, au moins aussi communément des arbres que de la vigne. Voyez Bourré.

Bourre, se dit figurément & familièrement de tout ce qui est grossier, inutile dans quelque ouvrage de prose, ou de vers ; & cela par une métaphore tirée des garnitures des chaises qui sont mal conditionnées, quand on y met de la bourre au lieu de crin. Il y a de beaux endroits dans ce livre, mais il faut avouer qu’il y a aussi de la bourre.

BOURRÉ, ée, adj. Terme d’Agriculture & de Jardinage. On dit, voilà des arbres bien bourrés ; c’est-à-dire, bien préparés à donner du fruit, bien remplis de bourre. Liger. ☞ Bien des jardiniers appellent bourres ou bourses à fruit ce qu’on appelle communément boutons ; mais il n’y a que Liger qui ait dit bourré pour boutonné.

BOURREAU. s. m. Le dernier des Officiers de Justice, qui exécute les criminels. Carnifex, tortot. Quand on scelle les lettres du bourreau, on les jete sous la table, pour marquer l’infamie du métier. Le bourreau ne se saisit de la personne condamnée, qu’après avoir oui la prononciation de la sentence, ou de l’arrêt qui la condamne. Arithène disoit, que les bourreaux étoient plus honnêtes que les Tyrans, parce qu’ils ne font mourir que des criminels, au lieu que les Tirans ôtent la vie à des innocens. On a comparé ceux qui font un trafic du métier de la guerre, & qui se louent pour aller tuer des hommes, à des bourreaux, qui sont d’autant plus détestables, qu’ils tuent des innocens sans raison : au lieu que les bourreaux tuent avec raison, & par ordre de la Justice. Cour. On dit qu’en quelques endroits d’Allemagne les bourreaux acquièrent le titre & les droits de noblesse, quand ils ont coupé un certain nombre de têtes porté par la coutume de ces pays. Les bourreaux sont les diables du corps, comme les diables sont les bourreaux des ames. La loi des censeurs les privoit de domicile. Rochef. Scaliger dit que de son temps un Gentilhomme Savoyard, irrité contre ses freres, s’alla faire bourreau à Genêve.

Chorier remarque que dans la Jugement de l’empoisonneur de Remond, Baron de Menillon, en 1323. les deux exécuteurs, car il y en eut autant, sont appelés simplement Commissaire & Spiculateurs : ce qui apprend, ajoute-t-il, que le mot de bourreau n’étoit pas encore en usage & que l’exécution des jugemens de mort n’attachoit pas de l’infamie à la personne qui la faisoit ; les noms de Commissaires & de Spiculateurs ne pouvant facilement devenir susceptibles de sens honteux & injurieux. Chez les Israelites Dieu avoit ordonné que ce fut ou tout le peuple, ou les parens d’un homme tué, ou quelques autres personnes semblables, selon les différens cas, qui exécutassent les sentence de mort ; & on se faisoit un honneur & un mérite de cette execution, loin qu’elle eut rien d’infamant. Dans la seconde cour du Serrail de Constantinople il y a une fontaine où l’on fait couper la tête à tous les Bachas que le Grand-Seigneur fait mourir publiquement, & où le bourreau crioit autrefois au Grand-Seigneur, qui voyoit l’exécution d’une fenêtre grillée : Mon Roi, le repentir d’une chose faite ne sert de rien ; mais Sultan Mourat a aboli cette coutume. Du Loir, pag. 44. 45.

Borel dérive ce mot de bourrée, qui signifie une poignée de verges de saule, comme Témoigne Monet, parce que les verges sont les premiers instrumens dont se sert le bourreau. Il peut venir aussi de burrus, qui signifie roux, parce qu’en plusieurs lieux les bourreaux doivent être habillés de rouge & de jaune. Ailleurs il le dérive du grec βορὸς, qui signifie carnassier. Mais il est vrai que c’est un mot celtique & ancien gaulois ; car les bas-Bretons se servent encore de ce mot sans y rien changer. M. Huet le dérive de boyereau, qui est un diminutif de boye. Autrefois on appeloit un bourreau boye, & les Italiens l’appellent boya. Selon Guichard, de כבר, cabar, en omettant la première radicale, se fait כר, bar, qui en chaldéen signifiant facultas, licentia, a fait birro en italien, pour signifier lictor ; & de birro, bourreau en françois pour signifier à-peu-près la même chose. Bourreau pourroit venir de birro ; mais que birro vienne de cabar, il n’y a pas d’apparence.

☞ On dit figurément que le remords de la conscience est un cruel bourreau, parce que les remords tourmentent sans cesse le coupable. Le criminel porte toujours avec lui son bourreau.

Chaque sens a son bourreau :
En vain dans sa soif brûlante,
Le damné qui se tourmente,
Implore un goutte d’eau.

Duché, Ode sur l’Enfer.

On appelle aussi un bourreau, celui qui est sanguinaire, cruel, sans pitié. Ce maître bat tous ses gens, c’est un vrai bourreau. Les Chirurgiens ignorans sont de vrais bourreaux. Le Démon artificieux procure quelquefois aux hommes d’heureux succès pour les entretenir dans l’illusion : ainsi l’ame se livre elle-même à son bourreau. Nic. Il est lui-même son impitoyable bourreau. Pat. Les envieux sont eux-mêmes leurs bourreaux. Vaug. en quelque lieu que se trouve un patricide, il rencontre un accusateur, un juge, & un bourreau. Le Mait. Vous ne savez pas en quel embarras je me trouve réduit, par les conseils de ce malheureux, qui est devenu mon bourreau. Port. R. Le vice est lui-même son cruel bourreau. Ablanc.

On dit proverbialement, qu’un homme est un vrai bourreau d’argent, prodigus æris ; pour dire qu’il le prodigue sans nécessité. On dit aussi, qu’un homme se fait payer en bourreau, pour dire, qu’il se fait payer d’avance. On dit aussi, qu’un homme est brave comme un bourreau qui fait ses pâques, quand il n’a pas coutume d’être bien vêtu.

BOURRÉE. s. f. Petit fagot fait de fort menu bois, qui fait un feu prompt & de peu de durée. Fascis virgeus. On le dit aussi de l’ame d’un fagot.

Bourrée, est aussi une espèce de danse composée de trois pas joints ensemble avec deux mouvemens, & commencée par une noire en levant. Le premier couplet contient deux fois quatre mesures, & le second deux fois huit. Elle est composée d’un balancement & d’un coupé. On croit que cette danse vient d’Auvergne. Le pas de bourrée est composée de deux mouvemens, savoir, un demi-coupé, un pas marché sur la pointe du pied, & un demi-jeté, parce qu’il n’est sauté qu’à demi ; & comme ce n’est pas un pas coulant, son dernier pas ne doit pas être marqué si fort. Il faut avoir beaucoup de coup du pied pour faire ce pas. Rameau.

Pas de bourrée ouvert, ou espèce de fleuret. Il se fait ainsi. Si on le prend du pied droit, l’ayant en l’air à la première position, vous pliez sur le gauche, & vous portez le droit à côté à la deuxième position, & vous élevez dessus, en vous élevant sur le droit, la jambe gauche suit la droite en s’approchant à la première position, dans le même temps le pied droit se pose entièrement, & de suite vous posez le pied gauche à côté de la seconde position, en posant le talon le premier : & lorsque le corps se pose sur ce pied, vous vous élevez sur la pointe, ce qui attire la droite dont le pied se glisse derrière le gauche, jusqu’à la troisième position, ce qui termine ce pas ; mais si vous en voulez faire un autre du pied gauche, il faut poser le talon droit à terre & plier dessus, & porter le pied gauche à côté, en observant la même manière. Id.

Ce même pas se fait d’une autre manière. Faisant votre premier pas qui est un demi-coupé, ayant le corps posé sur le pied gauche, vous pliez dessus, & en prenant ce mouvement, la jambe droite qui est en l’air, marche faisant un battement sur le coup du pied, & de même temps se porte à côté à la deuxième position, en vous élevant dessus, & continuant votre pas, comme ci-devant. Id.

Pas de bourrée emboëté. On le nomme ainsi, parce qu’il s’arrête au second pas à l’emboëture, & se fait ainsi. Il faut faire le demi-coupé en arrière en portant le pied à la quatrième position ; le second pas se porte vîte à la troisième, & vous restez un peu dans cette position sur la pointe des pieds, les jambes étendues, pour vous laissez glisser le pied qui est devant jusqu’à la quatrième position ; ce mouvement se fait en laissant plier le genou du pied de derrière, qui renvoye par son plié le corps sur le pied de devant, ce qui fait l’étendue de ce pas. Id.

BOURRELER. v. a. Faire souffrir du mal, tourmenter. Excarnificare, cruciare, discruciare. Un Chirurgien ignorant bourrelle les gens qu’il panse. Ce mot s’emploie rarement au propre, & jamais hors de la conversation.

On le dit au figuré plus ordinairement des remords de la conscience. Les méchans sont toujours bourrelés par leurs propres crimes. Une conscience est bourrelée de mille remords, quand elle a fait quelque action noire & indigne. Le remords de son crime le bourrelle. Ablanc.

Bourrelé, ée, part. & adj. Excruciatus, cruciatus. Etre bourrelé par l’image de son crime. Etre bourrelé en sa conscience. Ablanc. Les méchans ont l’ame bourrelée, & ne sauroient reposer. Vaug.

BOURRELERIE. s. f. Ce mot se trouve dans Pomey, pour signifier le tourment que l’on souffre, ou que l’on fait souffrir aux autres. Carnificina, cruciatus.

BOURRELET, ou BOURLET. s. m. C’étoit autrefois une partie de l’habillement de tête, qui servoit à la coëffure des hommes & des femmes, ou une espèce de cordon qui servoit d’arrêt au chaperon, & qui le serroit sur la tête. Pulvinata spira honorarii capitii. Les Magistrats & les Docteurs dans les Universités portent encore le chaperon sur l’épaule avec un petit tour rond qui représente l’ancien bourrelet. Les femmes se servent encore de bourrelet pour se coëffer, & pour soutenir & arranger leurs cheveux. Les femmes ont aussi porté des bourrelets au lieu de vertugadins, pour se garnir le bas du dos, & élever un peu leurs jupes. On met aussi des bourrelets sur la tête des enfans, pour empêcher qu’ils ne se blessent en tombant. ☞ Le Bourrelet est une espèce de bandeau rembourré & épais qui leur ceint le front, arrêté par des cordons ou des rubans. Circulus tomento fartus.

Bourrelet se dit encore d’un coussin rempli de bourre, arrondi, & vide par le milieu, qu’on applique sur un bassin, pour l’usage des malades, qui y sont assis plus mollement. Les femmes qui portent des fardeaux sur leur tête, donnent encore ce nom à un cercle ou espèce de couronne d’étoffe ou de linge qu’elles mettent sur leur tête, & sur lequel elles appuient ce qu’elles portent.

Bourrelet, en termes de Blâson, est un tour de livrée, rempli de bourre, & tourné comme une corde, que les anciens Chevaliers portoient dans les tournois. Il étoit de la couleur des émaux de l’écu, ou des couleurs ordinaires des Chevaliers. Spira farta. Les Dames prenoient elles-mêmes le soin d’attacher ces livrées ou tortils sur les casques, & on les appelloit les faveurs des Dames. On les représente encore aujourd’hui dans les ornemens de l’écu. On appelle autrement ce bourrelet que les simples Gentilshommes mettent sur leur casques, tresque, torque, toril.

Bourrelet, signifie aussi en termes de Marine, de grosses cordes que l’on entrelace autour du mât de misaine, du mât d’artimon, & du grand mât, pour tenir la vergue dans un combat, quand on craint que les manœuvres qui la tiennent ne soient coupées.

Bourrelet, en termes d’Artillerie, se dit de l’extrémité d’une pièce de canon vers la bouche, & par où on la charge ; en cet endroit elle est renforcée de métal, & a la figure d’un bourrelet.

Bourrelet, terme de Jardinage. Selon la Quintinie, bourrelet se dit de l’endroit où au bout de quelques années la greffe devient plus grosse que le pied sur laquelle elle a été faite, & d’ordinaire c’est une marque que le sauvageon n’est pas trop bon ; la poire de petit blanquet est sujete à faire le bourrelet. Selon Liger, le bourrelet est une espèce de gros nœud qui survient directement au bas des greffes quelques années après qu’elles ont été faites ; ce qui est une marque que la séve en montant du sauvageon, n’a point trouvé de dispositions à passer dans la greffe qui lui est appliquée ; & les Jardiniers disent. Cet arbres fait le bourrelet ; c’est-à-dire, que tantôt c’est la greffe qui grossit plus que le sauvageon, & tantôt le sauvageon qui grossit plus que la greffe, & que l’un & l’autres s’appellent également bourrelet. ☞ On entend par bourrelet une saillie arrondie en boudin, qui se forme au bas des greffes, au bas des boutures & au bas des plaies des arbres. Voyez aus mots Greffe & Bouture la raiosn physique de ces sortes de bourrelets.

Bourrelet, ou Bourlet. Faux pli qui se fait aux pièces de drap lorsqu’on les foule.

Bourrelet, ou Bourlet, se dit aussi de l’enflure qui survient autour des reins à un hydropique. Il est hydropique, il a le bourlet. Le bourlet est déjà formé.

Bourrelet, signifie quelquefois le collier des chevaux de charettes, que fait un Bourrelier. Helcium.

BOURRELIER, iére, s. m. & f. Ouvrier qui fait les harnois des chevaux de carrosse & de charrette. Helciorum opifex. ☞ On appeloit autrefois bourrelet la partie du harnois des chevaux qu’on appelle à présent collier. De-là le nom de Bourrelier. On l’appelle aussi Sellier-Lormier.

☞ BOURELLE. s. f. La femme du bourreau. Figurément, une mere qui traite ses enfans avec une extrême dureté. Cette mere est une vraie bourrelle. Il est populaire.

BOURRER. v. a. Mettre de la bourre, ou autre chose, sur la charge dans le canon de l’arme à feu. Farcire. Ainsi on dit, bourrer un fusil. On dit aussi en général, bourrer une chose, pour dire, la garnir de bourre.

Bourrer se dit, en parlant d’un chien qui poursuit un lièvre, & lui arrache le poil d’un coup de dent. Lacessere, petere. On dit aussi en termes de fauconnerie, que l’oiseau bourre la perdrix. Involare.

☞ BOURRER, se dit au figuré pour donner des bourrades, des coups avec le bout d’un fusil. Ferire.

☞ On le dit dans le même sens des atteintes, des coups que l’on porte à quelqu’un. Ces deux escrimeurs se sont portés plusieurs bottes franches, ils se sont bien bourrés. On le dit aussi des combats de langue & de plume : ces deux pédans se sont bien bourrés dans cette dispute, dans leurs écrits ; ils se sont bien attaqués & bien défendus.

BOURRICHE. s. f. Espèce de panier, de forme ovale, qui est plus foible, & qui a le tissu plus clair que les paniers ordinaires. On se sert de bourriches principalement, pour transporter du gibier & de la volaille des provinces à Paris. L’usage des bourriches est ancien. Voiture écrivant à Mad. la Marquise de Sablé, disoit : J’envoie une bourriche de galans, que je vous supplie très-humblement de faire mettre entre les mains de la Confidente de ***. C’est dans sa lettre 108.

BOURRIERS. s. m. Voyez Bourier.

BOURRIQUE. s. f. Méchante bête de voiture. Asellus, asinus. Il se dit particulièrement des ânes, ou ânesses, & ensuite des méchans chevaux. Ceux à qui on donne le fouet en Espagne, sont montés sur des bourriques.

Ce mot vient de Burichus, burricus, ou buricus, qui signifie cheval. Ménag. Saumaise dérive ce nom du grec πύῥῤικος diminutif de πυῤῥὸς, rufus, à cause que les Auteurs de la basse latinité ont ainsi appelé tous les bidets ou petits chevaux, quoiqu’ils fussent d’un autre poil. Guichard dit que de רכש, Rekes, qui signifie dromadarius, dromadaire, mulus, mulet, s’est fait en grec βρικὸς, qui signifie un âne, en préposant un ϐ ; & de βρικὸς, borrico en espagnol, qui a la même signification.

Bourrique, est aussi une machine composée d’ais, qui sert aux Couvreurs quand ils travaillent sur les couvertures. Ils l’accrochent aux lates, & elle leur sert à porter l’ardoise dont ils ont besoin.

BOURRIQUET. s. m. est parmi le peuple un diminutif de bourrique. Petit ânon. Un petit bourriquet, un méchant bourriquet.

Ces deux noms, bourrique & bourriquet se disent métaphoriquement aussi par le peuple des enfans paresseux, méchans, ignorans, &c. & quelquefois même des hommes.

Bourriquet. Terme de Maçonnerie. C’est une petite civière qu’on charge de moilons, ou de mortier dans des baquets, & qu’on éleve avec des grues, quand la hauteur du bâtiment est fort grande.

BOURRIR. v. n. Terme de chasse, qui se dit en parlant du bruit que font les aîles des perdrix, & sur-tout des rouges, quand elles partent.

BOURROCHE. s. f. Plante. Voyez Bourrache.

Bourroche, s. m. Terme de paysans & de preneurs de pluviers ; c’est un panier de la forme d’un œuf, dans lequel on met les oiseaux de marécage, pour les transporter vivans. C’est apparemment la même chose que Bourriche.

BOURRON. Nom de lieu. Ces Camaldules firent l’an 1642. un établissement à Grosbois, que l’on appeloit pour lors le Bourron, à quatre lieues de Paris & ils eurent pour fondateur de cette maison Charles de Valois, Duc d’Angoulême, Pair de France, Comte d’Auvergne & de Ponthieu. P. Hélyot, T. V. p. 2-6.

BOURRU, UE. adj. Celui qui s’écarte du goût des autres par grossièreté de mœurs & par défaut d’éducation. Le bourru dit proprement quelque chose de maussade. Morosus. Voyez Bizarre.

☞ Demandez aux Vocabulistes ce que c’est qu’un homme bourru, ils vous répondront avec leur justesse ordinaire que c’est un homme bizarre, fantasque, difficile, fâcheux, comme si tous ces prétendus synonymes n’avoient pas leur caractère particulier. Celui du bourru, morosus, est de s’écarter du goût des autres par grossiéreté de mœurs & par défaut d’éducation. Le bourru, dit proprement quelque chose de maussade. Il a l’esprit bourru, l’humeur bourrue.

On sçait que c’est un vieux bourru, (Juvénal.)
Dont l’âpre & bouillante colère,
Quand une fois il est feru,
Ne feroit pas grace à son pere. P. Du Cerc.

☞ Voyez aux articles particuliers les nuances qui distinguent les autres mots.

☞ On appelle vin bourru, du vin blanc nouveau, qu’on n’a point laissé bouillir, & qui se conserve doux dans le tonneau pendant quelque temps.

☞ Le mot de bourru s’applique aussi à tout fil inégal, ou chargé de différentes bourres de la même espèce, qu’on n’a pas eu soin d’ôter lors de sa fabrique. Fil bourru, soie bourrue.

Bourru, en termes de botanique, se dit des plantes, ou de leurs parties, qui sont garnies de bourre. Pilosus. L’artichaut a une tige cannelée & bourrue.

Les Naturalistes appellent plantes bourrues, celles dont la graine étant trop mûre, devient en petites parties si menues, que le moindre vent ou soufle les dissipe, comme celles de plusieurs chardons qui croissent dans les blés.

Le Moine Bourru, est un fantôme imaginaire, dont on fait peur aux petits enfans ; un lutin, qui dans la croyance du peuple court les rues aux Avents de Noël, & qui fait des cris effroyables. Larva.

☞ BOURRY. Bœuf de l’Isle de Madagascar. Voyez Bœuf.

BOURSAULT. s. f. Espèce de saule. Salix fatua.

Boursaut, ou Bourseau. Voyez Bourseau.

BOURSE. s. f. Espèce de petit sac de cuir, ou de velours, ou de quelque étoffe d’or, d’argent, ou de soie, qui se ferme avec des cordons ou avec un ressort, & dans lequel on met l’argent qu’on veut porter sur soi. Sacculus, marsupium, crumena, loculus. Les voleurs demandent la bourse le pistolet à la main.

Ce mot vient de bursa, dont les Auteurs de la basse latinité se sont servis dans le même sens, & qui vient du grec Βύρσα, qui signifie cuir. Ménag. Henri Etienne, De latinitate falso suspectâ, c. 8. le tire de Βύρσα, d’où les Italiens ont aussi fait borsa ; mais il y a plus d’apparence que du grec Βύρσα on a formé en latin barbare boursa, & de boursa les François ont fait bourse. Le P. Pezron prétend qu’il est pris du celtique bours & purs. On trouve souvent byrsa, & byrsus, dans la basse latinité, pour signifier un sac, ordinairement de cuir de cerf, de bœuf, &c.

Bourse de Jetons, est une bourse pleine de cent jetons d’or, ou d’argent, que certains corps d’Officiers font battre avec quelques devises pour en faire présent aux Princes, aux Ministres, aux Magistrats de la protection desquels ils ont besoin. Calculorum sacculus. Le garde du trésor royal porte tous les premiers jours de l’an une bourse de jetons d’or au Roi.

Bourse. Dans les Eglises & les sacristies, est aussi une espèce de boîte platte & carrée, faite de deux cartons, joints par un bout, & ouverts par l’autre, entre lesquels on met le corporal. Ils sont revêtus en dedans de toile, & en dehors couverts d’étoffe, & souvent ornés de broderie. Les deux côtés sont garnis de toile, qui donne du jeu aux cartons, afin qu’on puisse les ouvrir & les fermer. Corporalis theca. La bourse se met sur le calice ; & quand le Prêtre est à l’autel, & qu’il a tiré le corporal de la bourse, il dresse la bourse contre les gradins du côté de l’Evangile.

Bourse, est aussi dans le Levant une manière de compter. Le Grand-Seigneur a tant de bourses de revenu. L’Egypte doit tant de bourses au Bacha qui la gouverne. Ces bourses sont de cinq cens écus, ou de vingt-cinq mille médins. Il est très-probable que cet usage de compter par bourse ne vient point des Turcs, mais qu’ils l’ont pris des Grecs, & ceux-ci des Romains, dont les Empereurs l’avoient porté de Roma à Constantinople. Une lettre de Constantin à Cécilien, Evêque de Carthage, rapportée par Eusèbe, Hist. Eccl. T. IX. chap. 6. & par Nicéphore, Liv. VII. ch. 42. le prouve. Ce Prince dit : Ayant résolu de donner quelque chose pour l’entretien des Ministres de la Religion Catholique par toutes les provinces d’Afrique, de Numidie & de Mauritanie, j’ai écrit à Vesus, Trésorier général d’Afrique, & lui ai donné ordre de vous faire compter trois mille bourses. On peut appeller bourse, dit sur cela M. l’Abbé Fleury, ce que les Romains nommoient alors follis ; c’étoit une somme de deux cens cinquante deniers d’argent, qui revient à cent quatre livres trois sols quatre deniers de notre monnoie. Ainsi les trois mille bourses faisoient plus de 300000 livres.

Mais il faut remarquer que follis se prenoit en plusieurs significations très-différentes. Car premièrement il signifie une bourse, un petit sac dans lequel on met son argent. Plaute, Aulul. Act. II. fc. 4. v. 23. & Juvénal, Sat. XIII. v. 61. Sat. XIV. v. 281. Apul. Liv. IV. Métam. Vegetius II. 20. le prennent en ce sens.

Ensuite follis se prit pour l’argent qui étoit dans la bourse, de même qu’en françois & il se dit tant du cuivre, que de l’argent & de l’or, & eut différentes significations. Car, 1°. on appela follis le dupondius, ou la pièce de deux sols, qui étoit une monnoie de cuivre, & qui changea de poids & de prix selon les changemens du dupondius, mais ceci n’est point de notre sujet. Dans l’or il ne se dit jamais d’une pièce de monnoie particulière ; mais dans l’argent, peut-être l’usage avoit-il introduit que les pièces d’argent qui faisoient la bourse s’appelassent aussi chacune, follis, bourse.

Quelquefois follis se prenoit pour un poids, & c’est en ce sens que le follis comprenoit 312 livres six onces, lesquelles font 250 deniers, si cependant ce sont des deniers ; car un vieux Glossaire des Basiliques qu’avoit le P. Sirmond, & dont le P. Petau rapporte le morceau qui regarde le fillis, sembloit porter δονάρια, au lieu de δηνάρια, & Alciat traduit donos : on ne comprend pas trop ce que c’est. M. l’Abbé Fleury dit sans hésiter que ce sont des derniers, & les prend pour la somme signifiée par le mot follis, bourse, quoique ce ne soit encore que le follis, poids, & non point le follis, somme, comme il paroît par le texte de ce Lexicon Nomique rapporté par le P. Petau.

Enfin, il se prend pour une somme composée de 225 petites monnoies d’argent, dont chacune pesoit deux κεράτια moins un quart. Le κεράτιον étoit la douzième partie d’une once ; ainsi la bourse composée de 225 de ces monnoies étoit de 32 onces, neuf κεράτια ou 9 douzièmes d’once, plus les trois quarts d’un κεράτιον ; & 3000 bourses faisoient 98250 onces, ou 12281 marcs plus deux onces. Or en mettant le marc d’argent à 27 livres, les 3000 bourses font 331587 livres, & chaque bourse 100 livres 17 sous & un peu plus, mais ce plus ne va pas à un denier. Voilà ce que c’étoit que la bourse chez les anciens. Voyez le P. Petau sur S. Epiphane, Tom. II. pag. 431 & suiv. Jean Frid. Grononius, De Pecuniâ Vet. Lib. IV. cap. 16. Vossius, Lex Etymol. Stewech, in Veget. Thesaur. Antiq. Rom. Grævii, Tom. X. p. 1179.

S. Epiphane, dans son Traité des poids & des mesures, parlant du follis, dit qu’il est de deux sortes, l’un qui est composé de deux pièces d’argent, ἐκ δύο ἀγύρωο συγκέιμενον, lesquelles valent 208 deniers, οἱ γίνονταί σή δηνάρια ; l’autre est une pièce de monnoie, & ne fait rien ici. Scaliger, au lieu de lire comme le P. Petau σή δηνάρια, 208 deniers, corrige σπὴ, 288 deniers. Un manuscrit de la bibliothèque du Roi cité par le P. Petau, Epiph. T. II. p. 443, porte, οἳ γίνονταί σοι δηνάρια, lesquelles (deux pièces d’argent) vous font vingt deniers. Mais Gronovius, à l’endroit que j’ai cité, lit, σὶ δηνάρια, 250 deniers ; & l’on ne peut douter que ce ne soit