Cours d’agriculture (Rozier)/CHEVAL
CHEVAL. Le cheval est sans doute la conquête la plus utile que l’homme ait faite sur les animaux ; on pourroit même dire celle qui fait le plus d’honneur à son industrie. Ce fier animal partage avec lui les fatigues de la guerre & la gloire des combats ; voit le péril & l’affronte, se plaît parmi le sang & le carnage : le bruit des armes n’est qu’un nouvel aiguillon qui excite de plus en plus son intrépidité. Après avoir ainsi contribué aux victoires de son maître, le cheval vient jouir avec lui des fruits du repos : à la ville il partage ses plaisirs ; il le traîne avec docilité dans tous les lieux où sa présence est utile, agréable ou nécessaire. Soumis à la main qui le guide, il obéit toujours aux pressions qu’il en reçoit, se précipite, se modère & s’arrête. Il ne semble exister, dit M. de Buffon, que pour obéir à l’homme ; il sait prévenir ses ordres, par la promptitude & la précision de ses mouvemens, il s’excède & meut, afin de mieux obéir.
Destiné aux travaux de l’agriculture, le cheval fait la richesse du cultivateur ; c’est lui qui transporte les denrées de toute espèce, & les fait circuler ; c’est lui qui alimente les villes, les enrichit des productions de nos campagnes, ou des fruits du commerce & de l’industrie.
La domesticité du cheval est si ancienne, qu’on ne trouve plus de chevaux sauvages dans aucune partie de l’Europe ; peut-être même sont-ils très-rares dans les autres contrées du monde connu : ceux que l’on voit dans l’île de St. Domingue, y furent transportés par les espagnols. Ces chevaux ont beaucoup multiplié en Amérique : on en voit quelquefois des troupeaux nombreux ; ils sont légers à la course, robustes, & plus forts même que la plupart de nos chevaux, mais ils sont moins beaux. Ces animaux sont sauvages, sans être féroces ; prennent de l’attachement les uns pour les autres, vivent dans la plus grande intimité, parce que leurs appétits sont simples, & qu’ils ont assez pour ne rien s’envier.
Les manières douces, & les qualités sociales de nos jeunes chevaux, ne s’observent, pour l’ordinaire, que lorsqu’ils vivent en troupe ; leur force & leur ardeur ne se manifestent le plus souvent, que par des signes d’émulation ; ils cherchent à se devancer à la course, à s’animer au péril, & même jusqu’à le désirer à passer une rivière, sauter une haie ou un fossé. Ceux qui, dans les exercices naturels, donnent l’exemple en marchant les premiers y sont les plus généreux, les meilleurs, & souvent les plus souples & les plus dociles, lorsqu’ils sont domptés ; en un mot, l’attachement de ces animaux les uns pour les autres est si grand, que l’on rapporte qu’un vieux cheval de cavalerie ne pouvant broyer sa paille, ni son avoine, les deux chevaux, placés habituellement à côté de lui, les broyoient, & les jetoient devant cet animal, qui ne subsistoit que par leurs soins pleins de compassion. Cette tendresse ne suppose-t-elle pas une force d’instinct qui étonne la raison ?
Le cheval est, de tous les animaux, celui qui, avec une grande taille, a le plus de proportion & d’élégance dans les parties du corps : en le comparant avec l’âne & le bœuf, nous trouverons que le premier est mal fait & que le second a la jambe trop menue, relativement à son corps.
Nous allons traiter au long de cet animal.
PREMIÈRE PARTIE.
CHAPITRE PREMIER.
De la variété des poils ou de la robe du Cheval ; des marques, de la division de son corps ; de ses proportions géométrales, et de ses allures.
Section première.
De la variété des Poils ou de la Robe.
Le cheval est revêtu de poils partout son corps, à l’exception du fourreau, des mamelles, du raphé & de l’anus : ce sont de petits filets plus ou moins tenus & plus ou moins déliés, qui forment la robe ; ceux de la queue sont infiniment plus longs & plus gros ; ils constituent, ainsi que ceux qui sont à la partie supérieure de l’encolure, ce que nous nommons les crins : ceux qui occupent le dessus de la fosse orbitaire, sont distingués par le nom de sourcils ; ceux qui bordent la paupière supérieure, plus considérables que ces derniers, sont appelés cils ; ceux qui sont épars çà & là, près du menton, forment la barbe ; ceux qui garnissent la partie postérieure du boulet, forment le fanon.
Les poils paroissent plus clairs dans les poulains, & les crins s’y montrent comme des cordes mal filées ; ils varient en couleurs.
Cette variété n’est qu’un jeu de la nature. & ne sauroit être un indice de la bonne ou mauvaise organisation du cheval : toutes les conséquences qu’on en tire encore aujourd’hui à la ville & à la campagne, sont fausses, & démenties par l’expérience, puisque de tous poils & de toutes marques, il est de bons & de mauvais chevaux.
Nous divisons les poils du cheval, en poils simples & en poils composés.
Les poils simples sont 1o. le noir ; il est le plus commun. Dans le noir, nous distinguons le noir de jais & le noir mal teint : nous appelons poil noir mal teint, le noir qui n’est pas foncé. Parmi les chevaux noirs, nous en voyons de pommelés ou miroités, à cause des nuances lisses & polies, plus claires en certains endroits que dans d’autres : elles forment un bel effet, & sont plus agréables à la vue sur les chevaux noirs, que sur les bais.
2o. Le bai, c’est-à-dire, celui dont la couleur est rougeâtre : il est plus ou moins clair, plus ou moins obscur ou foncé, & de ces nuances dérivent en partie les bais suivans : tout cheval bai a, au surplus, les crins & le fonds des extrémités, c’est-à-dire, des quatre jambes, noires, autrement il ne seroit pas bai, mais alezan.
3o. Le bai châtain : celui-ci approche le plus de celui que nous venons de définir ; sa couleur ressemble à celle de la châtaigne.
4o. Le bai doré : il tire sur le jaune.
5o. Le bai brun : il est presque noir, & a communément les flancs, le bout du nez & les fesses d’un roux éclatant, quoiqu’obscur ; alors le cheval est dit marqué de feu. Si cette espèce de poil jaune est au contraire mort, éteint & blanchâtre, nous disons que le cheval est bai brun, fesses lavées.
6o. Le bai à miroir ou miroité : nous y observons des marques plus brunes ou plus claires, qui rendent la croupe pommelée, & qui la différencient en général du fond total de la robe.
7o. L’alezan : il naît en partie du fonds de divers poils bais, & a comme lui diverses nuances ; mais les extrémités n’en sont pas noires. L’alezan clair est blond ou doré ; lorsque les crins en sont blancs, le cheval est dit poil de vache : quant à l’alezan brûlé, il est extrêmement brun, obscur & foncé.
8o. Le poil blanc : nous reconnoissons bien un blanc pâle & un blanc luisant ; mais nous ne croyons pas qu’il y ait des chevaux véritablement blancs : les gris deviennent tels en vieillissant. Du reste, tout cheval noir ou bai, ou alezan sur la robe, & dont les flancs sont semés çà & là, est dit cheval rubican.
Les poils composés, sont 1o. le poil gris ; le fond en est blanc, mêlé de noir. En général, la variété naît du plus ou du moins de noir, ou de la différence des places que cette dernière couleur occupe.
2o. Le gris sale : le poil noir y domine ; si les crins de l’animal sont blancs, nous disons que la robe en est d’autant plus belle.
3o. Le gris brun : le noir y est en moindre quantité que dans le gris sale ; mais cette couleur l’emporte encore sur le blanc.
4o. Le gris sanguin ou rouge, ou vineux, est un gris mêlé de bai dans tout le poil.
5o. Le gris argenté : cette robe présente un gris vif, peu chargé de noir ; mais dont le fond blanc est entièrement brillant.
6o. Le gris pommelé : on le reconnoît à des marques assez grandes, de couleur blanche & noire, parsemées à distances assez égales, soit sur le corps, soit sur la croupe & les hanches.
7o. Le gris tisonné ou charbonné : la robe en est chargée de taches irrégulièrement éparses de côté & d’autre, comme si le poil eût été noirci avec un tison.
8o. Le gris tourdille : il forme un gris sale, qui approche de la couleur d’une grive.
9o. Le gris étourneau : nous le nommons ainsi par sa ressemblance à la couleur du plumage de cet oiseau.
10o. Le gris truité, ou le tigre : le fond blanc en est mêlé, ou d’alezan, ou de noir semé par petites taches assez également répandues sur tout le corps. Cette robe est encore nommée gris moucheté.
11o. Le gris de souris : il est semblable à la couleur du poil de cet animal ; quelquefois les jambes & les jarrets sont tachés de plusieurs raies noires, quelquefois il y en a une sur le dos. Quelques-uns de ces chevaux ont les crins d’une couleur claire ; les autres les ont noirs, ainsi que la queue.
12o. Le rouan ordinaire : il est mêlé de blanc, de gris & de bai.
13o. Le rouan vineux : ce poil est mêlé d’alezan, ou de bai doré.
14o. Le rouan cap ou cavessé de more : c’est une robe rouan ; mais cette distinction n’a lieu que lorsque le cheval a la tête & les extrémités noires.
15o. L’isabelle : le jaune & le blanc composent cette robe ; mais la première couleur y domine. Les nuances sont telles qu’il en est de plus clair, de plus doré, de plus foncé. Quelquefois les crins & les extrémités sont noires ; souvent la raie du mulet s’y rencontre.
16o. Le louvet, ou le poil de loup : ce poil est un isabelle foncé, mêlé d’isabelle roux, le tout approchant de la couleur du poil d’un loup. Souvent ces sortes de chevaux ont la raie noire ou du mulet sur le dos, avec les extrémités noires ; plusieurs cependant n’ont pas ces différentes marques.
17o. Le soupe de lait : il est d’un jaune clair & blanc ; cette couleur y domine. Nous en voyons avec les crins & les extrémités noires ; mais ces sortes de poils, ainsi accompagnés, sont rares. La plupart des chevaux soupe de lait ont la peau très-délicate, & le plus communément ils ont du ladre, c’est-à-dire, que les environs de leurs yeux & de leurs naseaux, séparément ou ensemble, sont dépourvus de poils. On n’y voit à leur place qu’une chair rouge ou fade, mêlée souvent, dans des chevaux de tout autre robe, qui ont aussi du ladre, de quelques taches plus ou moins obscures.
18o. Le poil de cerf ou le poil fauve : il tire son nom de la couleur du pelage du cerf. Plusieurs chevaux de ce poil ont la raie noire, ainsi que les crins & les extrémités.
19o. Le pie : il est coupé par des grandes taches d’un poil totalement différent, sur-tout à l’épaule & à sa croupe. Si les taches sont noires, ce cheval est pie-noir ; si elles sont alezanes, ce cheval est pie-alezan ; si elles sont baies, il est pie-bai.
20o. L’auber, le mille-fleurs, ou fleurs de pêcher : c’est un mélange assez confus de blanc, d’alezan & de bai, le tout ressemblant à la fleur de pêcher.
21o. Le porcelaine : c’est un gris mêlé des taches de couleur bleuâtre d’ardoise. Ce poil n’est pas commun.
Section II.
Des Marques.
Nous appellons du nom général de marques, diverses particularités que l’on observe dans les robes du cheval. Telles sont :
1o. Les balzanes. (Voyez Balzanes)
2o. L’étoile ou la pelotte, qui n’est autre chose qu’un épi ou rebroussement de poils blancs. Les chevaux en qui cette marque existe, sont dits marqués en tête : ceux en qui elle n’existe pas, sont appellés zains, pourvu néanmoins qu’ils n’aient pas des poils blancs sur aucune partie du corps. Il est des peuples qui font le plus grand cas des chevaux zains, & d’autres chez lesquels ils sont mépris. Nous voyons encore de nos jours, à la ville, & sur-tout à la campagne, bien des personnes qui pensent que les chevaux zains doivent être vicieux, & c’est sans doute à cause de ce préjugé que les marchands de chevaux ou les maquignons imaginent d’imiter la nature, en pratiquant artificiellement une étoile au milieu du front, au moyen d’une plaie faite par un instrument en cet endroit ; mais il est facile de distinguer cette marque factice de celle qui est naturelle, en ce qu’au milieu de la première, il y a un espace sans poils, & en ce que les poils blancs qui la forment, ne sont jamais égaux aux autres. Si l’étoile descend un peu, on l’appelle étoile prolongée ; si elle se propage le long du chanfrein, ou si, ensuite de cette marque, le chanfrein est couvert de poils blancs, l’animal est dit belle face. Si la lèvre antérieure est noyée dans le blanc, on dit que le cheval boit dans son blanc ; si le bout du nez est seulement taché d’une bande de poils blancs fort étroite, cette bande est dénommée lisse ; & en signalant le cheval, on ajoute lisse au bout du nez.
3o. Les épis : ces marques naissent, selon quelques-uns, d’une espèce de frisure naturelle du poil, & qui, se relevant sur un poil couché, forme une marque approchante de la figure d’un épi de blé : d’autres ne les envisagent que comme un retour ou un rebroussement de poil. Notre sentiment sur les marques est, qu’elles ne sont dues qu’à la configuration des pores qui criblent la peau du cheval. Il y en a d’ordinaires & d’extraordinaires.
Les épis ordinaires sont ceux qui se trouvent indifféremment & indistinctement sur tous les chevaux.
Les épis extraordinaires sont ceux qui, n’étant pas communs, méritent, de la part des esprits foibles & crédules une attention particulière. Tels sont l’épée romaine, qui règne tout le long de l’encolure, près de la crinière, tantôt des deux côtés, tantôt d’un seul, les trois épis séparés ou joints ensemble, que l’on voit quelquefois sur le front de l’animal, ainsi que le coup de lance, ou la cavité sans cicatrice, que l’on remarque quelquefois au-devant, quelquefois au bas du bras, & quelquefois à l’encolure. Elle est plus commune dans les chevaux turcs, dans les chevaux barbes & dans les chevaux d’Espagne, que dans les autres.
Section III.
De la division du corps du Cheval, & des parties extérieures qui le composent.
Nous divisons le cheval en trois parties ; en avant-main, en corps proprement dit, & en arrière-main.
L’avant-main comprend la tête, le col ou l’encolure, le garrot, le poitrail, les épaules & les extrémités antérieures. Le corps renferme le dos, les reins, les côtes, le ventre, les flancs, les testicules dans le cheval, & les mammelles dans la jument.
L’arrière-main est composée de la croupe, des hanches, des fesses, du grasset, des cuisses, du jarret, des extrémités postérieures, de l’anus ou du fondement, de la queue, & de la nature dans la jument.
Chacune de ces parties offre une subdivision particulière.
Dans la première partie, comprise dans l’avant-main, nous distinguons la tête, qui se divise en oreilles, toupet, front, salières, larmiers, sourcils, yeux, paupières, chanfrein, naseaux, bouche, bout de nez, lèvres, menton, barbe & ganache.
Les oreilles sont les deux parties cartilagineuses, qui sont placées près du sommet de la tête, & qui forment un cône large & ouvert.
Le toupet est cette portion de la crinière, passant entre les deux oreilles, & tombant sur le front.
Le front est situé à la partie supérieure & antérieure, qui est au-dessus des salières, du chanfrein & des yeux.
Les larmiers répondent aux tempes de l’homme.
Les salières sont les enfoncemens plus ou moins profonds, que l’on remarque au-dessus des sourcils.
Les sourcils sont directement au-dessous des salières, & au-dessus des yeux.
La situation des yeux est assez connue.
Le chanfrein est la partie antérieure, qui s’étend depuis les sourcils jusqu’aux naseaux.
Les naseaux répondent aux ouvertures que, dans l’homme, on appelle narrines.
Le bout du nez commence à l’endroit de la terminaison du chanfrein, & finit à la lèvre antérieure, entre les deux naseaux.
Les lèvres sont les parties antérieures de la bouche : l’une est antérieure, & l’autre postérieure.
La barbe se trouve située un peu supérieurement à cette dernière partie, & directement à l’endroit de la symphise de la mâchoire postérieure.
Enfin, la ganache est formée proprement par l’os de la mâchoire postérieure. Il en résulte, depuis le gosier jusques à la barbe, une espèce de canal, que nous nommons l’auge.
Nous distinguons dans la seconde partie, comprise dans l’avant-main ; c’est-à-dire, dans l’encolure, deux portions ; la supérieure, ou la crinière formée par les crins qui se montrent depuis la nuque jusques au garrot ; & l’inférieure, vulgairement appelée le gosier.
Le garrot est cette partie élevée, & plus ou moins tranchante, située au lieu de la sortie de la partie supérieure de l’encolure. Il est formé par les apophises épineuses des sept ou huit premières vertèbres dorsales.
Le poitrail occupe la face antérieure de l’animal.
Les extrémités antérieures comprennent les épaules formées par un seul os nommé l’omoplate.
Le bras, qui résulte de l’os connu sous le nom d’humerus.
L’avant-bras, formé par l’os appelle cubitus, placé au-dessous du bras, & se terminant au genou.
Le coude, situé à la partie supérieure & postérieure de l’avant-bras.
La châtaigne, ou cette espèce de corne molle & spongieuse, dénuée de poils, placée au-dessus de chaque genou, à la partie interne de l’extrémité inférieure de l’avant-bras.
Le genou, formant l’articulation de l’avant-bras & du canon.
Le tendon, qui en fait la partie postérieure.
Le fanon ou le toupet de poil, qui se trouve derrière le boulet.
L’ergot ou la corne, semblable à la châtaigne, mais dont le volume est plus petit, & qui se trouve couverte par le fanon.
La couronne, ou cette portion qui couronne la partie supérieure du sabot.
Le sabot ou l’ongle, qui forme le pied de l’animal. La partie supérieure en est la couronne ; la partie inférieure, la fourchette & la sole ; la partie antérieure, la pince ; la partie postérieure, le talon : enfin, les parties latérales, internes & externes sont distinguées par les noms de quartier de devant & de quartier de dehors.
La fourchette, ou cette corne qui forme dans la cavité du pied une espèce de fourche, en s’avançant vers le talon.
La sole, tapissant toute la partie cave du pied, qui n’est pas occupée par la fourchette.
Dans la subdivision du corps, nous considérons :
Le dos, situé entre le garrot & les reins ;
Les reins, situés directement à l’extrémité du dos, jusqu’à la croupe ;
Les côtes, communément au nombre de dix-huit de chaque côté ;
Le ventre ou l’abdomen, placé à sa partie inférieure du corps, au bas & en arrière des côtes ;
Les flancs ou les parties latérales du ventre, bornés supérieurement par les reins, antérieurement par les fausses côtes, postérieurement par les hanches ;
Les testicules occupant la portion inférieure & postérieure du ventre ;
Les mamelles dans la jument, situées inférieurement, & à la partie la plus reculée du ventre.
Nous remarquons dans l’arrière-main :
La croupe, ou la partie supérieure du train de derrière, qui s’étend depuis le lieu de la terminaison des reins jusqu’à la queue ;
Les fesses, commençant directement à la queue, & descendant de chaque côté jusqu’au pli apperçu à l’opposite du grasset ;
Les hanches, proprement formées par les os des îles, & très-mal à propos confondues avec la cuisse.
Les extrémités postérieures comprennent :
La cuisse, formée par le fémur, articulée supérieurement avec les os des hanches, & inférieurement avec le tibia ;
La jambe, formée par l’os appelé le tibia ;
L’ars ou la veine saphène, passant sur la portion latérale interne de cette partie ;
Le grasset ou cette partie placée directement à l’endroit de la rotule ;
Le jarret, situé entre la jambe & le canon. La partie antérieure en forme le pli ; la postérieure, la tête ou la pointe ; les parties latérales, les faces de dedans & de dehors ;
La châtaigne placée au-dessous de l’articulation du jarret, & de la même consistance que celle des extrémités antérieures.
Le canon, le tendon, le boulet, le fanon, le paturon, la couronne, le sabot, la fourchette & la sole ne diffèrent en rien des parties dont nous avons parlé dans la subdivision des extrémités antérieures. Nous remarquons seulement qu’ici le canon a un peu plus d’épaisseur & de longueur.
Section IV.
Des Proportions géométrales.
Ce n’est pas assez d’avoir divisé le cheval, & d’avoir désigné la situation de chaque partie en particulier ; il s’agit encore d’examiner le rapport que ces parties ont les unes avec les autres, ou plutôt le tout qui en résulte. La beauté du cheval résidant dans ce rapport, il faut, de toute nécessité, en observer les dimensions particulières & respectives : mais, pour acquérir une parfaite connoissance de ces proportions, nous devons supposer un genre de mesure qui puisse être indistinctement commune à tous les chevaux. La partie donc, qui peut servir de règle de proportion à toutes les autres, est la tête.
Mesurons-en la longueur entre deux lignes parallèles ; l’une tangente à la nuque, ou à la sommité du toupet ; l’autre tangente à l’extrémité de la lèvre antérieure : par une ligne perpendiculaire à ces deux parallèles, nous aurons sa longueur géométrale. Divisons cette longueur en trois portions, & assignons à ces trois portions un nom particulier, qui puisse s’appliquer indéfiniment à toutes les têtes, comme par exemple, le nom de prime. Une tête quelconque, dans sa longueur géométrale, aura par conséquent toujours trois primes ; mais toutes ces parties que nous aurons à considérer, soit dans leur longueur, soit dans leur hauteur, soit dans leur épaisseur, ne pouvant pas avoir constamment, ou une prime entière, ou une prime & demie, ou trois primes ; subdivisons donc chaque prime en trois parties égales, que nous nommerons secondes ; & comme cette subdivision ne suffiroit pas encore pour nous donner la mesure exacte de toutes les parties, subdivisons de nouveau chaque seconde en vingt-quatre points ; en sorte qu’une tête, divisée en trois primes, aura, par la première subdivision, neuf secondes, & deux cent seize points pour la dernière. Ainsi, lors que nous dirons une tête, nous entendrons toujours sa longueur géométrale ; lorsque nous prononcerons le mot prime, nous entendrons un tiers de cette même longueur ; lors que nous proférerons celui de seconde, nous entendrons la neuvième partie : enfin lors que nous dirons un point, ce point signifiera la deux cent seizième partie de cette longueur géométrale.
Mais la tête peut pécher par un défaut de proportion ; c’est-à-dire, qu’elle peut être trop courte ou trop longue, trop menue ou trop chargée, eu égard au corps du cheval. Dans ce cas, nous ne pourrons asseoir sur sa longueur géométrale les autres portions du corps : abandonnons donc cette mesure commune, compassons la hauteur ou la longueur du corps, partageons la hauteur ou la longueur en cinq portions égales ; prenons ensuite deux de ces portions, divisons-les par primes, secondes & points, conformément aux divisions & subdivisions que nous aurions faites de la tête, & nous aurons une mesure générale, telle que la tête nous l’auroit donnée, si elle eût été proportionnée.
Sans nous arrêter aux dimensions uniques, & à toutes celles qui ne concernent que les plus petites parties, voyons seulement en quoi consistent toutes les proportions générales.
Trois longueurs géométrales de la tête donnent la hauteur entière du cheval, à compter du toupet au sol sur lequel il repose, pourvu que la tête soit bien placée.
Deux têtes & demie égalent la hauteur du corps, du sommet du garrot à terre ; la longueur de ce même corps, celle de l’avant-main & de l’arrière-main, prises ensemble de la pointe du bras, à la pointe de la fesse inclusivement.
Une tête entière donne la longueur de l’encolure du sommet du garrot à la partie postérieure de la nuque ; la hauteur des épaules, du sommet du coude au sommet du garrot ; l’épaisseur du corps, du milieu du ventre au milieu du dos ; sa largeur d’un côté à l’autre.
Une tête, mesurée du sommet du toupet à la commissure des lèvres, égale la longueur de la croupe, prise de la pointe supérieure de l’angle antérieur des os ileon ; la largeur de la croupe ou des hanches, prise sur les pointes inférieures des angles des os ileon ; la hauteur de la croupe vue latéralement, prise du sommet des angles postérieurs des os ileon, à la pointe de la rotule, la jambe étant dans l’état de repos ; la longueur latérale des jambes postérieures de la pointe de la rotule à la partie saillante & latérale du jarret, à l’endroit de l’articulation du tibia avec la poulie ; la distance du sommet du garrot à l’insertion de l’encolure dans le poitrail.
Deux fois cette dernière mesure donnent à peu près la distance du sommet du garrot à la pointe de la rotule ; la distance de la pointe du coude, au sommet de la croupe.
Trois fois cette mesure, plus la demi-largeur du paturon ; le tout équivalant à deux têtes & demie, donne la hauteur du corps, prise du sommet du garrot à terre ; sa longueur, prise de la pointe du bras, à la pointe de la fesse inclusivement. Cette même mesure, plus la largeur entière du paturon, indique la longueur totale du corps, prise rigoureusement.
Deux tiers de la longueur de la tête égalent la largeur du poitrail, d’une pointe du bras à l’autre, de dehors en dehors ; la longueur horizontale de la croupe, prise entre deux lignes verticales, dont l’une toucheroit à la fesse, & l’autre passeroit par le sommet de la croupe, & toucheroit à la pointe de la rotule ; le tiers de la longueur de l’arrière-main & du corps, pris ensemble jusqu’à l’aplomb du garrot, touchant au coude ; la longueur antérieure de la jambe de derrière, prise de la tubérosité du tibia au plis du jarret.
Une moitié de la longueur entière de la tête est la même que la distance horizontale de la pointe du bras à la verticale du sommet du garrot & du coude ; la largeur de l’encolure vue latéralement, prise de son insertion dans l’auge, jusqu’à la racine des premiers crins de la crinière.
Un tiers de la longueur entière de la tête donne la hauteur de ses parties supérieures, depuis le sommet du toupet jusqu’à la ligne qui passeroit par les points les plus saillans des orbites ; la largeur de la tête, au-dessous des paupières inférieures ; la largeur latérale de l’avant-bras, prise de son origine, antérieurement à la pointe du coude.
Deux tiers de cette largeur latérale donnent l’abaissement du dos, par rapport au sommet du garrot ; la largeur latérale des jambes postérieures, près des jarrets ; la distance des avant-bras, d’un ars à l’autre.
Une moitié du tiers de la longueur entière de la tête égale l’épaisseur de l’avant-bras, vu de face à son origine ; la largeur de la couronne des pieds antérieurs, soit d’un côté à l’autre, soit de l’avant à l’arrière ; la largeur de la couronne des pieds postérieurs, d’un côté à l’autre seulement ; la largeur des boulets postérieurs ; la largeur du genou vu de face ; l’épaisseur des jarrets.
Un quart de ce même tiers de longueur de la tête donne l’épaisseur du canon de l’avant-main.
La hauteur du coude au plis du genou, est la même que la hauteur de ce même plis, jusqu’à terre ; la hauteur de la rotule au plis du jarret ; la hauteur du plis du jarret, jusqu’à la couronne.
L’intervalle des yeux du grand angle à l’autre, égale la largeur de la jambe de derrière, vue latéralement de la coupure de la fesse, à la partie inférieure de la tubérosité du tibia.
Une moitié de cette même mesure donne la largeur du canon postérieur, vu latéralement ; la largeur du boulet de l’avant-main, vu latéralement de son sommet à la naissance de l’ergot ; enfin, la différence de la hauteur de la croupe, respectivement au sommet du garrot.
Section V.
Explication des proportions géométrales du Cheval, vu dans ses trois principaux aspects.
La Planche 7, ci-jointe, présente en trois figures tracées selon les loix du dessin géométral, les principaux contours d’un beau cheval, vu de face dans la première, vu latéralement dans la seconde, & vu postérieurement dans la troisième.
Ces figures sont traversées en divers sens, & circonscrites par une multitude de lignes droites. Parmi celles-ci, il en est qui, par leur longueur relative, & par leur origine, expriment les mesures qu’il faut appliquer aux parties, pour en comparer les dimensions au tout qu’elles forment, & démontrent les lieux & le sens qu’on doit observer, en les appliquant à celles d’un cheval, qu’on prétend comparer au modèle. Il en est d’autres qu’il faut considérer comme autant de plans vus de profil, lesquels couperoient ces mêmes parties, ou les toucheroient seulement en leurs points les plus saillans. Or, toutes les lignes qui expriment des mesures, sont cotées d’une lettre placée à peu près dans leur milieu, la même lettre désignant partout la même ligne de cette espèce, par conséquent, la même mesure : & toutes celles qui ne sont cotées d’aucune lettre qui leur soit propre, représentent les plans dont nous venons de parler.
La ligne qui termine inférieurement la planche, représente un sol plane, & parfaitement de niveau, sur lequel le cheval est figuré non-seulement arrêté, mais fixé dans une position régulière.
La première horizontale qui se présente en remontant de la ligne du sol, & qui, comme elle, traverse toute la planche, est un plan qu’on suppose parfaitement de niveau comme le premier, touchant au sommet du garrot, & coupant les parties supérieures des figures.
La troisième horizontale, qui règne au-dessus de celles dont nous venons de parler, est encore un plan parallèle aux deux premiers, lequel toucheroit au sommet du toupet.
Quant aux lignes verticales, celle qui divise la Figure 1 de face, en deux moitiés semblables, est la représentation d’un plan qui couperoit tout le corps de l’animal, suivant son grand axe, & descendroit du plan horizontal supérieur, sur le sol : c’est ce même plan qui représente la ligne qui coupe en deux parties égales & semblables, la Figure 3.
La verticale, qui passe par l’œil & le naseau dans la Figure 2, est une ligne de mesure ; mais celle qui la suit, & touche la pointe du bras, doit être considérée comme un plan qui coupe les premiers à angles droits, ainsi que la partie antérieure de l’avant-main, en touchant en même temps aux deux pointes du bras ; les trois verticales suivantes, ainsi que celle qui touche à la pointe de la fesse, sont de même autant de plans verticaux, coupant les premiers à angles droits, surtout celui du grand axe du corps.
La petite verticale, (Fig.1) chargée des chiffres 1, 2, 3, 4, &c. est la longueur géométrale de la tête ; elle est cotée A. On doit comprendre que toutes les lignes des mesures qui sont cotées de cette même lettre, & qu’on trouvera dans l’une des trois Figures, désignent que l’intervalle ou la ligne droite, tendue du point du contour où touche une de leurs extrémités, au point du même contour où touche leur autre extrémité, a la même longueur que la tête mesurée de la même manière, par une droite menée, de son point le plus éminent, à son point le plus inférieur. Ainsi :
A (Figure 1 & 3) nous montre que le coffre, mesuré géométralement d’un côté à l’autre, au plus saillant, a une tête de largeur. La même lettre (Figure 2) désigne les lieux où il faut appliquer les deux extrémités de cette mesure, en même temps qu’elle fait voir que la partie du plan vertical qu’elle intercepte, que ce même coffre est aussi haut que large, dans le lieu où il est le plus large & le plus haut ; enfin, que ce lieu est marqué par le plan vertical qui coupe le dos, passant par son milieu, qui en est le plus rabaissé.
La même lettre A désigne encore que la hauteur entre le sommet du coude, & le sommet du garrot, est une tête, & que la longueur de l’encolure se réduit à une tête, à la mesurer par une ligne droite, en forme de corde d’arc, entre le sommet du garrot, & le point postérieur de la nuque, quand la tête de l’animal est bien placée. Enfin, cette même ligne étant aboutie trois fois entre le plan horizontal supérieur & le sol, indique que quand la tête du cheval est bien placée, le sommet du toupet est élevé de trois têtes au-dessus du point du sol qui lui répond verticalement.
B. Cette ligne a la valeur de deux fois & demie la ligne A ; c’est-à-dire, de deux têtes & demie, comme il est facile de le voir par la Figure 2, puisque du sol elle s’élève jusqu’au plan horizontal, qui coupe la tête par la moitié de sa longueur, & qu’entre la partie inférieure de cette même tête & le sol, il s’en trouve deux longueurs entières.
C est attribué à une ligne abaissée (Fig. 2) du sommet de la tête, jusqu’auprès de la commissure des lèvres. Cette mesure seroit trop longue, si elle alloit jusqu’à la commissure même, à moins que la bouche ne fût très-fendue. Or, on trouve dans la même Figure une ligne C, tendante de la pointe du bras à l’insertion de l’encolure dans l’auge ; une autre tendante du sommet du garrot à l’insertion de l’encolure dans le poitrail ; une troisième tendante de la pointe supérieure de l’angle antérieur de l’os ileon, qui soutient la hanche à la tubérosité de l’ischion, à la pointe de la fesse ; trois autres semblables, l’une tendante du sommet de la croupe, marqué par un des plans verticaux au haut du grasset ; l’autre, de ce point, à la partie saillante & latérale du jarret ; enfin, la troisième, de cette partie saillante & latérale au sol : d’où il faut conclure que toutes ces dimensions doivent être égales entr’elles. La même ligne (Fig. 3) annonce que le travers de la croupe du plus saillant d’une hanche, au plus saillant de l’autre, est égal aux précédentes dimensions. On trouve encore (Fig. 2) une ligne marquée C, tendante du sommet du garrot au grasset, & une autre semblable, tendante de la pointe du coude au sommet de la croupe : la valeur de chacune de ces lignes est deux fois celle de la ligne C ; d’où il suit que ces dimensions sont chacune le double de la première.
D, (Fig. 1) parallèle voisine de la verticale A chargée de chiffres, vaut, comme on le voit par ces mêmes chiffres, deux tiers de A, ou de la tête : or, on voit, même Figure, que c’est-là la largeur du poitrail, mesurée d’une pointe de bras à l’autre inclusivement ; ce qui en fait la plus grande largeur.
E, autre parallèle & voisine de A, & qui en est la moitié, fait voir (Fig. 2) que l’encolure, vue latéralement, a une demi-tête de largeur dans le lieu où elle en a le moins, c’est-à-dire, de son insertion dans l’auge à la crinière, la ligne de mesure faisant deux angles égaux avec le contour supérieur ; que la pointe du bras est à une demi-tête en avant du plan vertical, qui passe par le sommet du garrot, & qu’elle n’est pas le point le plus saillant du poitrail vu de profil.
F, parallèle à A, qu’on trouve dans l’angle de la planche, & qui est visiblement un tiers de cette ligne ou de la tête, se montre dans la Figure 1, tendante du sommet du toupet, au milieu d’une horizontale, qui passe par les points les plus saillants des orbites. On voit cette même ligne en travers au-dessous des yeux, parce que la tête, vue de face, a pour largeur, immédiatement sous les paupières inférieures, un tiers de sa longueur. Cette même ligne (Fig. 2) indique que le haut de l’avant-bras, vu latéralement, a pour largeur, du coude au contour antérieur, un tiers de tête, ou la largeur de la tête, mesurée sous les paupières inférieures.
G, voisine de F, & valant les deux tiers de cette ligne, ne surpasse que de fort peu la longueur de l’intervalle qui sépare les jambes antérieures l’une de l’autre à leur origine, autrement dit, aux ars (Fig. 1.)
Cette ligne (Fig. 2) est la mesure de l’intervalle qu’on trouve entre la pointe du coude, & le niveau du dessous du sternum ; de celui qu’on peut mesurer entre le milieu du dos, & le plan horizontal du garrot : elle est égale enfin à la largeur de l’extrémité postérieure, vue latéralement, & mesurée au lieu le plus étroit de la jambe, près du jarret.
H, voisine de sa précédente, valant visiblement les trois quarts de G, ou la moitié de F, désigne, (Fig. 1) que le haut de l’avant-bras, vu de face, ainsi que le genou & la couronne, ont cette largeur.
Cette même ligne (Fig. 2} avertit que la couronne des pieds antérieurs est également large, soit qu’on la mesure d’un côté à l’autre, soit qu’on la mesure de l’arrière à l’avant, & que le boulet postérieur, vu latéralement, présente la même dimension : enfin, cette même ligne (Fig. 3) instruit que le jarret, vu postérieurement, & la couronne mesurée d’un côté à l’autre, & non de l’avant à l’arrière, présentent aussi cette dimension, un peu foible, à la vérité, pour le jarret.
I qu’on découvre entre K & H, dans l’angle de la gravure, & qui vaut les trois quarts de K, ou un quart de F, montre (Fig. 1 & 3) la largeur des canons vus antérieurement & postérieurement, prise dans le milieu de leur longueur où ils sont le moins épais ; mais les canons de l’arrière-main ont un peu plus d’épaisseur que cette mesure n’en donneroit.
K valant un tiers de F, on les deux tiers de H, est la mesure de l’épaisseur des avant-bras vus de face, (Figure 1) & près du genou : celle du paturon postérieur, vu latéralement. (Fig. 2.)
L, hauteur du plis du genou au coude, comme on le voit, (Fig. 2) se montre encore de ce pli à terre, parce que ces deux dimensions sont égales. On voit encore la même ligne tendante du grasset au pli du jarret, & de ce pli à la couronne.
M, sixième partie de L, comme on le voit entre le pli du genou & le sol, (Fig. 2) est la largeur latérale des canons antérieurs, prise au même milieu que leur épaisseur ; & la largeur des boulets vus de face.
N, tiers de cette même ligne, comme on le voit entre le genou & le sol, (Fig. 2) donne très-peu plus que la largeur du jarret vu latéralement, & mesure de la pointe au pli.
O, quart de cette même ligne, comme on le voit (Fig. 2) entre le genou & le coude, donne la largeur latérale du genou, mesuré du contour antérieur au plus saillant du postérieur, & sa hauteur mesurée de l’éminence mitoyenne de l’os du canon, à celle de l’os de l’avant bras ; éminences qu’on sent au tact, & qui doivent être comprises dans cette dimension.
P, intervalle des yeux d’un grand angle à l’autre, donne la largeur latérale des membres de l’arrière-main, vus latéralement, (Figure 2) & mesurés au haut de la jambe, de la coupure de la fesse au point du contour antérieur, où finit inférieurement la tubérosité antérieure de l’os, lieu que la figure indique assez bien, & qu’on sent encore aisément par le tact.
½ P, moitié de l’intervalle qui sépare les yeux l’un de l’autre, est la largeur latérale du canon postérieur, (Figure 2) celle du boulet antérieur, mais un peu foible : enfin, la différence de la hauteur de la croupe, relativement à celle du garrot : cette différence seroit moindre d’un tiers de la ligne K, si le cheval avoit la pince dans la direction verticale du centre de mouvement de la cuisse, & ne fléchissoit pas un peu chaque articulation de ce membre, comme l’exige la position dans laquelle il est figuré dans la planche.
Section VI.
Des Allures.
Nous distinguons deux sortes d’allures : les unes sont naturelles, les autres artificielles.
Le pas, le trot & le galop sont compris dans les premières. Nous en comptons une quatrième, qui est l’amble ; mais elle est défectueuse, & ne dérive de la nature, que dans un petit nombre de chevaux.
À l’égard de certains trains rompus & désunis, tels que l’entrepas, qui tient du pas & de l’amble, & de l’aubin, qui tient du trot & du galop, ils annoncent la foiblesse & la ruine de l’animal, & ne doivent pas être, par conséquent, mis au rang des allures naturelles.
Les allures que nous appelons artificielles, sont ou près de terre, comme le passage, la galopade, la volte, le terre-à-terre, le mézair, le piaffer, la pirouette ; ou relevées comme la pesade, la courbette, la croupade, la balotade, la capriole & le saut.
CHAPITRE II.
Ce qu’il y a à observer dans le choix d’un Cheval. Choix du Cheval de selle et de labourage.
Section Première.
Qu’y a-t-il à observer dans le choix d’un Cheval ?
Les parties les plus importantes à examiner dans le choix d’un cheval, sont celles qui sont le fondement de la machine. Elles sont, par conséquent, les premières sur lesquelles nos regards doivent s’attacher. Il ne s’agit pas, dans ce moment, de connoître son âge ; on donnera des moyens sûrs au mot Dentition.
Il faut d’abord considérer les pieds, & successivement toutes les parties des extrémités, en remontant jusqu’au garrot & jusqu’à la croupe, revenir au total de chacune, examiner ensuite toutes celles que présente le corps, passer enfin au reste de l’avant-main, comparer encore le tout ensemble, & finir par examiner le cheval dans l’action.
Le trot est communément l’allure à laquelle on doit soumettre un cheval qu’on veut acheter, après en avoir examiné & considéré toutes les parties. Nous exigeons que cette allure soit ferme & prompte, que les mouvemens des membres soient libres, sans cependant que l’action des épaules & des bras soit trop élevée, car toute séduisante qu’elle paroisse être, elle occasionne bientôt la ruine des jambes & des pieds ; que le derrière chasse le devant avec franchise ; que sa tête soit haute naturellement ; que les reins soient droits ; que les mouvemens de l’avant & de l’arrière-main soient uniformes, qu’il ne se berce point ; c’est-à-dire, ne balance pas alternativement à chaque temps qu’il embrasse proportionnément le terrein ; qu’il trotte devant lui sans forger, sans s’entre-tailler, sans s’attraper, sans billarder, ou sans jeter les jambes antérieures en dehors. Elles ne doivent pas en effet s’écarter de la ligne du corps ; il faut, au contraire, que les jambes postérieures les dérobent à l’œil de l’acheteur, qui doit être placé directement derrière le cheval.
Il est essentiel encore de rechercher s’il y a égalité dans l’action de chaque jambe. On ne peut y parvenir qu’en voyant le cheval de profil, parce que dès-lors chaque membre agissant à découvert, il est facile à l’acheteur d’en comparer l’élévation, la progression & la vîtesse. Ce n’est même que par cette voie que l’on peut appercevoir un défaut presque imperceptible de justesse, qui naît assez souvent plutôt de la foiblesse de l’un de ses membres, que d’un mal réel, & qui n’en est pas moins la cause d’une claudication légère, qui échappe toujours, quand on ne considère l’animal que de face, ainsi qu’il est d’usage.
Les yeux sont encore plus aisément frappés de l’irrégularité ou de l’inégalité des mouvemens du cheval dans l’action du pas, parce que ces mêmes mouvemens sont moins rapides. L’acheteur voit clairement si cette action est faite avec hardiesse & avec facilité, si le genou est suffisamment plié, si la jambe parvient à une élévation convenable ; si, lorsqu’elle y est parvenue, elle s’y soutient un certain espace de temps ; si l’action de chaque membre est en raison de celui qui lui correspond. Le pas est donc aussi l’allure qu’il faut exiger d’un cheval. L’acheteur peut se mettre plus souvent à l’abri de la fraude, en le montant lui-même, parce que le sentiment seroit joint alors aux différentes remarques qu’il auroit pu faire, soit dans le repos, soit dans l’action : en pareil cas, le cavalier ne débutera jamais par des aides propres à l’animer & à le rechercher ; il observera attentivement au moment du départ ; il examinera si le premier mouvement est opéré librement & de bonne volonté, & sans aucune action désordonnée de la tête ; il s’éloignera peu à peu du lieu où le maquignon le met en montre ; s’il témoigne de l’ardeur, il l’appaisera, il ne lui demandera rien, & ne le tiendra point ; il le laissera marcher & cheminer quelque temps à son gré, & il verra insensiblement ensuite, en le renfermant & en l’attaquant par degrés, s’il demeure placé, s’il a de la franchise, de l’appui, s’il est libre à toutes mains : au moyen de toutes ces épreuves, on pourra porter un jugement certain du cheval dont on fait choix.
Section II.
Choix du Cheval de selle.
Parmi les chevaux de selle, il est des chevaux fins, & des chevaux communs.
Le cheval fin est proprement un cheval de maître pour le voyage. Il doit avoir quatre pieds huit à neuf pouces de hauteur, la bouche bonne & légère, la tête assurée, les hanches & les jambes musculeuses, le pied & la corne bonne, beaucoup d’allure, de la sensibilité à l’éperon, une action souple & douce, de l’obéissance, de la douceur, de la hardiesse, un grand pas & un estomac facile à digérer, même le foin de basse qualité.
Les chevaux de selle, que nous envisageons comme des chevaux communs, & qui peuvent être mis en opposition avec celui dont nous venons de parler, sont le cheval de domestique ou de suite, le cheval de troupe & le cheval de piqueur.
Le premier doit être bien traversé, bien membré, bien gigoté, & avoir la bouche bonne. Il ne faut pas trop s’attacher au liant ou à la dureté de ses allures.
Le second, c’est-à-dire, le cheval de troupe, doit être plus susceptible d’obéissance, de souplesse & de légèreté, relativement aux manœuvres auxquelles il est soumis, & qu’il ne sauroit exécuter, s’il étoit trop jeune.
Le troisième enfin, ou le cheval de piqueur, demande d’être étoffé, vigoureux, doué d’une grande haleine, & propre à résister au travail pénible auquel il est assujetti.
Quant aux bidets de poste, on doit plutôt considérer la bonté de leurs jambes & de leurs pieds, que leur figure & les qualités de leur bouche. Leur galop doit être aisé, & de manière que la dureté & la force de leurs reins n’incommodent point le cavalier. Trop de sensibilité seroit, au surplus, dans ces chevaux, un défaut d’autant plus considérable, que l’inquiétude qui résulte des mouvemens désordonnés des jambes des différens cavaliers qui les montent, & de l’approche indiscrète & continuelle de l’éperon, les rend bientôt rétifs ou ramingues.
Section III.
Choix du Cheval de labourage.
Le cheval destiné à cet usage doit avoir l’encolure un peu épaisse, les épaules musculeuses, le poitrail large, parce que plus le poitrail est large, plus l’animal donne dans le collier ; les jambes plates, le tendon détaché, le pied bien fait, le dos droit & court, la croupe étoffée, le genou & le jarret souples & parfaitement sains, & la taille de quatre pieds dix pouces jusqu’à cinq pieds. La seule allure que l’on en doive exiger est le pas.
CHAPITRE III.
Des pays qui fournissent des Chevaux.
L’Europe entière & les autres parties du monde fournissent des chevaux, & il est prouvé que les climats plus chauds que froids, & sur-tout les pays secs conviennent le mieux à leur nature, & que leurs caractères ou leurs qualités sont produits par l’influence des climats ; ce qui les fait distinguer en diverses races. Nous allons les décrire.
Section Première.
Des Chevaux Arabes.
L’Arabie contient les plus beaux chevaux que l’on connoisse. Ils sont plus grands & plus étoffés que les autres, & viennent des chevaux sauvages des déserts de ce pays, dont on a fait très-anciennement des haras. L’Asie & l’Afrique en renferment un nombre infini. Les Arabes du désert, & les peuples de Lybie élèvent une grande quantité de ces chevaux pour la chasse. Il ne s’en servent ni pour voyager, ni pour combattre, & les font paître lorsqu’il y a de l’herbe ; & lorsque l’herbe manque, ils ne les nourrissent que de dates & de lait de chameau, ce qui les rend nerveux, légers & maigres. Les jumens de ce pays sont si sensibles que dès qu’elles se sentent chatouiller le flanc avec le coin de l’étrier, ou pressées légèrement, elles partent subitement, vont d’une vîtesse incroyable, sautent les haies & les fossés aussi légèrement que les biches ; & si leur cavalier vient à tomber, elles sont si bien dressées, qu’elles s’arrêtent tout court, même dans le galop le plus rapide.
Section II.
Des Chevaux Barbes.
Les chevaux barbes ou de Barbarie, sont plus communs que les Arabes. Ils ont l’encolure fine, peu chargée de crins, & bien sortie du garrot ; la tête belle, & assez ordinairement moutonnée ; l’oreille belle & bien placée, les épaules larges & plates, les reins courts & droits, le flanc & les côtes ronds, sans trop de ventre ; la queue placée un peu haut ; les jambes belles, bien faites, sans poil ; le tendon bien détaché, le pied bien fait, mais souvent le paturon long. On en voit de tout poil, mais communément de gris ; ils sont fort légers & très-propres à la course ; leur taille ordinaire est de quatre pieds huit pouces ; mais il est confirmé par l’expérience, qu’en France, en Angleterre & dans plusieurs autres contrées, ils engendrent des poulains plus grands qu’eux. Ceux du royaume de Maroc sont les meilleurs, ensuite les barbes de montagne. Ceux du reste de la Mauritanie sont inférieurs, aussi bien que ceux de Turquie, de Perse & d’Arménie. Une autre qualité des chevaux barbes, est de ne s’abattre jamais, de se tenir tranquilles, lorsque le cavalier descend ou laisse tomber la bride. Leur pas est grand, & leur galop rapide.
Section III.
Des Chevaux d’Espagne.
Ceux-ci viennent après les barbes. Leur encolure est longue, épaisse, & chargée de beaucoup de crins ; la tête un peu grosse, & quelquefois moutonnée ; les oreilles longues, mais bien placées ; les yeux pleins de feu, l’air noble & fier ; les épaules épaisses, le poitrail large, le dos de mulet, les reins assez souvent un peu bas ; la côte ronde, les jambes belles & sans poil ; le tendon bien détaché, le paturon long, le pied un peu alongé comme celui du mulet. Ceux de belle race sont épais, bien étoffés, bas de terre, ont beaucoup de mouvement dans leurs allures, beaucoup de souplesse, de feu & de fierté. Le poil le plus ordinaire est le bai-châtain. Leur nez & leurs jambes sont très-rarement blancs. Les chevaux espagnols sont marqués à la cuisse, hors le montoir, de la marque du haras dont ils sont sortis, & ne sont pas communément de grande taille. Elle n’est ordinairement que de quatre pieds neuf pouces. Ceux d’Andalousie passent pour être les meilleurs de tous. Ils ont du courage, de l’obéissance, de la grace, de la fierté, & plus de souplesse que les barbes ; c’est aussi par tous ces avantages qu’on les préfère à tous les autres chevaux pour la guerre, pour la pompe & pour le manège.
Section IV.
Des Chevaux Anglais.
L’Angleterre fournit aussi beaucoup de chevaux. Les plus beaux chevaux de ce royaume ressemblent assez aux arabes ; ils sont cependant plus grands, bien étoffés, vigoureux, hardis, capables d’une grande fatigue, excellens pour la chasse & la course ; mais ils sont durs, & ont peu de liberté dans les épaules. Leur taille commune est de quatre pieds dix pouces. Ces chevaux l’emportent pour la course, & par conséquent pour la chasse, sur tous les autres chevaux de l’Europe : aussi galopent-ils avec tant de vîtesse, qu’on en a vu parcourir l’espace d’une lieue & un quart, en douze minutes.
Section V.
Des Chevaux de France.
Nous avons plusieurs provinces en France qui fournissent des chevaux. Ceux de Poitou sont bons de corps & de jambes ; ils ne sont ni beaux ni bien faits, mais ils ont de la force. Les bretons approchent de ceux-ci pour la taille & pour la fermeté du corps ; ils sont courts & ramassés, ont la tête courte & charnue, les yeux d’une moyenne grandeur. On se sert de ces chevaux pour le labourage & le tirage, & sont peu propres à la course. Le Limosin donne les meilleurs chevaux de selle ; ils ressemblent assez aux chevaux barbes, & sont excellens pour la chasse. Leur accroissement étant fort lent, on ne les monte qu’à sept ans. Les chevaux normands sont à peu près de la même taille que les bretons. On fournit les haras de Normandie de jumens de Bretagne, & d’étalons d’Espagne. Ce mélange produit des chevaux trapus, vigoureux, propres au carrosse, à la cavalerie & à toutes sortes d’exercices. Ceux du Boulonois & de la Franche-Comté sont aussi trapus, & par conséquent propres au tirage ; en un mot, les chevaux de France, en général, ont le défaut contraire aux chevaux barbes : ceux-ci ont les épaules serrées, tandis que ceux-là les ont trop grosses.
Section VI.
Des Chevaux d’Italie.
L’Italie fournissoit autrefois des chevaux plus beaux qu’ils ne le sont aujourd’hui, parce que depuis un certain temps on y a négligé les haras. Il s’y trouve encore de beaux chevaux napolitains, surtout pour les attelages ; mais, en général, ils ont la tête grosse & l’encolure épaisse ; ils sont indociles, & par conséquent difficiles à dresser. Mais ces défauts se trouvent compensés par la richesse de leur taille, par leur fierté & par la beauté de leurs mouvemens.
Section VII.
Des Chevaux Danois.
Les chevaux danois ou de Dannemarck, sont de si belle taille & si bien étoffés, qu’on les préfère à tous les autres pour en faire des attelages & pour la guerre. Ils sont bien faits, & leurs mouvemens sont beaux. Les poils singuliers, tels que le pie & le tigre, se trouvent assez souvent dans ces chevaux.
Section VIII.
Des Chevaux Allemands.
Il y a en Allemagne de fort beaux chevaux ; mais, en général, pesans & ayant peu d’haleine ; ils sont par conséquent peu propres à la course. Ceux de Hongrie & de Transilvanie sont, au contraire, légers & bons coureurs. Les hongrois leur fendent les naseaux pour leur donner plus d’haleine, & pour les empêcher de hennir.
Section IX.
Des Chevaux de Hollande.
Les chevaux de Hollande sont excellens pour le carrosse. Ce sont ceux dont nous nous servons le plus communément en France. Les meilleurs viennent de la province de Frise ; il y en a aussi de fort beaux dans les pays de Bergues & de Juliers.
Section X.
Des Chevaux de Tartarie.
La Tartarie fournit des chevaux forts, hardis, fiers, ardens, légers, grands coureurs. Ils ont la corne du pied fort dure, mais trop étroite ; la tête fort légère & roide, les jambes hautes ; malgré tous ces défauts, ils sont infatigables, & courent d’une vîtesse extrême. Les tartares vivent avec leurs chevaux, à peu près comme les arabes. Ces chevaux, qui sont si robustes dans leur pays, dépérissent dès qu’on les transporte à la Chine, mais ils réussissent en Perse & en Turquie.
Section XI.
Des Chevaux d’Islande.
Les chevaux de ce pays sont courts & petits, endurcis au climat, ils soutiennent des fatigues incroyables. À l’approche de l’hiver, leur corps se recouvre d’un crin extrêmement long, roide & épais.
Nous devons conclure, d’après tout ce que nous venons de dire sur les diverses races des chevaux, que les arabes sont les premiers chevaux du monde, tant pour la beauté que pour la bonté ; que c’est d’eux que l’on tire, soit médiatement, soit immédiatement par les barbes, les plus beaux chevaux d’Europe, d’Asie & d’Afrique ; que l’Arabie est peut-être le vrai climat de ces animaux, puisqu’au lieu d’y croiser les races par des races étrangères, on a soin de les conserver dans toute leur pureté. Que les climats plus chauds que froids conviennent mieux à leur nature ; que le soin leur est aussi nécessaire que la nourriture ; que les chevaux des pays chauds ont les os, la corne, les muscles plus durs que ceux des climats froids : qu’enfin leur habitude & leur naturel dépendent presqu’en entier du climat, de la nourriture, de l’éducation, ou des soins qu’on en prend dans les haras.
CHAPITRE IV.
Des Haras.
Section première.
Qu’entend-on par Haras ?
Section II.
Quel est le but de tout Haras ?
Le but de tout haras est l’augmentation de l’espèce, ou la correction des défauts de la race dominante. La nature paroît avoir attaché à chaque pays, l’espèce & la race d’animal qui lui est propre, & la plus relative à ses besoins : un pays, par exemple, dont le sol est humide ou marécageux, sous un ciel triste, froid & nébuleux, qui ne produit qu’une herbe grossière & de mauvaise qualité, ne peut point donner des chevaux fins, vifs & légers, & de la qualité des chevaux arabes ou barbes. Ces races, quelques soutenues qu’elles pussent être, ne pourroient que dégénérer ; il en seroit de même si, dans l’Arabie ou dans la Barbarie, on vouloit y transporter des chevaux de voiture ou de labourage. La nature cependant nous indique, par elle-même, les moyens d’affoiblir & de corriger certains défauts attachés à quelques pays ou cantons : l’expérience prouve que si l’on donne à une jument, dont la tête est grosse, pesante & charnue, un étalon à tête fine, sèche & légère, le poulain qui naît de cette union, a cette partie moins grosse que celle de la mère, en approchant de celle du père ; mais que si ce défaut est attaché au pays, au canton, que si c’est le vice dominant de la race, il faut la combattre sans cesse, en se servant d’étalons étrangers. Sans cette précaution, la race retomberoit bientôt dans son premier état, par les influences perpétuellement agissantes du sol & du climat : de-là le principe fondamental de tout haras, le croisement de races, sans lequel il est bien possible d’augmenter le nombre des individus, mais jamais de les perfectionner.
Section III.
Des connoissances que l’on doit avoir dans l’établissement d’un Haras.
Dans l’établissement d’un haras, il est essentiel de connoître parfaitement la nature du terrein, & le climat du pays ou du canton où l’on forme cet établissement. Ce n’est que par la combinaison de l’un & de l’autre, que l’on peut déterminer la race des chevaux qui doit y réussir & se soutenir. Les climats chauds, les terreins secs, montagneux, fertiles en pâturages fins, produisent des chevaux de légère taille, qui ont de la finesse, du nerf & de la vivacité, des chevaux de selle, tandis que des climats froids, des prairies grasses, fraîches & abondantes, ne donnent que des chevaux de trait, plus ou moins étoffés, suivant les degrés de température ordinaire, & les qualités plus ou moins marquées du sol. L’étendue, la nature du terrein, le climat & la température ayant déterminé le nombre & la quantité d’étalons dont le haras doit être composé, il faut partager le sol en plusieurs enclos, fermés de haies ou d’autres barrières. L’un sera destiné pour les jumens qui n’ont pas été saillies ; l’autre pour celles qui allaitent, & le dernier ou le troisième, pour les poulains sevrés. Il est avantageux qu’un ruisseau traverse les parcs, & qu’il y ait des arbres pour que les chevaux puissent s’y abreuver, & se mettre à l’ombre ; qu’il y ait des hangars pour servir d’abri contre les chaleurs ou les grandes pluies.
CHAPITRE V.
De la Génération.
Section première.
Des qualités de l’Étalon destiné à la propagation.
L’étalon doit réunir, autant qu’il est possible, toutes les qualités propres à son espèce, & être exempt de certains défauts qui la détériorent. Parmi ces défauts, il en est sur-tout qui doivent faire rejeter les étalons, parce qu’ils se perpétuent, se transmettent & sont héréditaires. De ce nombre sont tous les défauts de conformation dans les os, tels que le chanfrein renfoncé, la grosse ganache, la côte plate, la croupe avalée, les épaules serrées & chevillées ; le pied plat, les éparvins, les courbes, les jardons, les suros, & toujours le trop de volume des os ; la disproportion choquante des différentes parties, & tous les vices de méchanceté : un étalon naturellement hargneux, ombrageux, rétif, produit des poulains qui ont ce même naturel.
Parmi les bonnes qualités de l’étalon, nous exigeons donc qu’il soit grand, âgé de six ans, sain, relevé de devant, ayant la tête sèche, les oreilles déliées & bien situées, le front un peu convexe, les salières remplies, les yeux vifs, assez gros & à fleur de tête ; la ganache décharnée & peu épaisse ; les naseaux bien ouverts, la bouche médiocrement fendue, le garrot élevé & tranchant ; les épaules sèches & plates, le poitrail large, le dos uni, égal, les flancs pleins & courts, la croupe ronde & bien fournie, un bon poil ; le genou rond sur le devant, le jarret ample & bien évidé, les canons minces sur le devant, & larges sur les côtés ; le tendon bien détaché, le boulet menu, le fanon peu garni, le paturon gros, ni court ni long ; la couronne peu élevée, la corne noire, unie & luisante ; le sabot haut, les quartiers ronds, les talons larges & médiocrement élevés ; la fourchette menue & maigre, la sole épaisse & concave. Nous exigeons encore qu’il soit docile, ardent, agile, qu’il ait de la sensibilité dans la bouche, de la liberté dans les épaules, & de la souplesse dans les hanches.
Section II.
Qualités de la Jument.
Nous ne demandons point à la jument la perfection de l’étalon ; il suffit qu’elle ait de la beauté dans la tête, l’encolure & le poitrail ; qu’elle soit bien coffrée, afin que le poulain soit logé à son aise, puisse profiter, croître & s’étoffer ; de l’âge de trois ans au moins ; si elle en avoit plus, son fruit seroit plus parfait, se trouvant mieux formée & plus vigoureuse. En général, la jument doit être plus basse que l’étalon, & lui être assortie le plus qu’il sera possible ; on n’oubliera pas surtout de changer les étalons tous les quatre ou cinq ans, pour croiser les races, & de n’en jamais prendre de ces mêmes races, pour servir d’étalon dans le même haras.
Section III.
De la Monte & de ses espèces.
La monte est l’opération de l’étalon, par laquelle il saute sur la jument. C’est de cette opération que dépendent la réussite & les progrès du haras. Mais, quoique l’étalon s’acquitte de toutes ses fonctions avec ardeur, la jument ne sera jamais fécondée, si elle n’est point en chaleur. Cet état s’annonce par la tuméfaction des parties naturelles, & par une humeur épaisse & blanchâtre, qui coule de ces mêmes parties. La jument entre en chaleur ordinairement au printemps, depuis le mois de mai jusqu’au mois de juin, quelquefois plutôt. La chaleur disparoît aussitôt qu’elle a été fécondée ; mais si la conception n’a pas lieu, la chaleur revient ; elle est si nécessaire à l’œuvre de la génération, que les jumens qui en sont exemptes, refusent absolument les approches de l’étalon.
Il y a deux espèces de monte : la monte en main, & la monte en liberté. Dans la première, on présente la jument qui est en chaleur, à l’étalon, lequel est dirigé & conduit par deux serviteurs, tenant deux longes attachées aux anneaux du cavesson, qui servent à le retenir ou à le laisser approcher, suivant qu’il est préparé. Lorsqu’il est en état, on lui permet de sauter sur la jument, qui doit être enchevêtrée & soutenue à la tête. Dans la monte en liberté, on abandonne l’étalon dans le parc qui renferme les jumens : alors il va de l’une à l’autre, les flaire, & saute enfin celle qui est le plus disposée à le recevoir, ou qui lui fait le plus de plaisir. Si l’étalon monte plusieurs fois sur la jument, il faut parer à cet inconvénient en lui mettant des lunettes. Il s’use beaucoup par des jouissances réitérées : le vrai moyen de prévenir cet accident est d’avoir plusieurs étalons : aussitôt que ce premier a sauté une jument, on le retire du parc avec cette jument, en lui substituant un autre étalon que l’on retire de même avec sa jument, ainsi de suite jusqu’à ce que tous les étalons aient servi, ou que toutes les jumens aient été sautées. Par ce moyen, les étalons ont le temps de reposer, sans que le service du haras en souffre. La monte dure deux à trois mois ; pendant tout ce temps, les étalons doivent être nourris abondamment, être pansés de la main ; ils n’en ont que plus d’ardeur. On ne doit pas surtout oublier de déferrer les jumens. Il en est quelquefois qui sont si chatouilleuses, qu’elles ruent ou se défendent aux premières approches.
Section IV.
Des signes qui font connaître que la Jument a été fécondée.
Les signes qui font reconnoître qu’une jument a été fécondée, sont très-incertains, & fort douteux dans les premiers mois de la conception. Le moins équivoque est la cessation de la chaleur, & lorsque la jument refuse l’étalon, en s’en défendant vigoureusement, & en ne souffrant pas même son voisinage. Il faut encore ajouter à ces signes, un embonpoint qui n’est pas ordinaire, plus de pesanteur après le sixième mois ; les secousses ou battemens du poulain que l’on éprouve alors en portant la main sur le côté du ventre, au bas du flanc, lorsque la jument vient de boire, qu’elle mange l’avoine, où lorsqu’elle est fatiguée ; la tuméfaction des mamelles, qui se manifeste & disparoît alternativement deux ou trois fois, pendant les deux derniers mois qu’elle porte.
Section V.
Des soins que l’on doit avoir de la Jument lorsqu’elle est pleine.
On doit ménager la jument pendant tout le temps qu’elle porte, éviter, avec grand soin, tout ce qui pourroit la blesser, ou lui occasionner quelque commotion forte, capable de la faire avorter, (voyez Avortement) la nourrir suffisamment avec de bon foin, & l’eau blanchie avec la farine d’orge ; il importe encore qu’elle ne soit point surchargée de graisse, parce qu’un excès d’embonpoint devient ordinairement dangereux, en rendant l’accouchement laborieux & difficile.
Section VI.
De l’Accouchement & des moyens de le faire réussir.
La jument met bas au commencement du douzième mois : le terme est retardé ou avancé de quelques jours, suivant que la mère & le poulain sont vigoureux. La plupart des jumens restent debout dans l’accouchement ; & après quelques efforts, elles jettent leur poulain, qui, en tombant, rompt le cordon ombilical, & donne une secousse à l’arrière-faix, pour en faciliter la séparation & la sortie. Cette opération s’exécute sans effusion de sang ; le cordon se dessèche, & tombe par la suite. Dans l’accouchement naturel, le poulain présente la tête la première : s’il est mal tourné, ou qu’il se présente par une autre partie, on le remet en situation avec la main. Dans le cas où la mère manque de forces, ou si le poulain est mort, on le tire avec des cordes, après avoir fait entrer de l’huile dans la matrice, dans la vue de lubréfier le passage, & faciliter la sortie.
Section VII.
Des soins que le Poulain exige depuis le moment de sa naissance, jusqu’au temps du sevrage.
Aussitôt que le poulain est né, il essaie de se lever & de se tenir debout ; mais ses articulations, encore molles & mal assurées, ne pouvant le soutenir, il chancelle, & tombe souvent fort lourdement. Dans un parc, les chutes n’ont aucune suite fâcheuse ; mais si le poulain naît dans une écurie, on doit l’éloigner des murailles, & mettre autour de lui beaucoup de paille, afin d’amortir les heurts, toujours dangereux sur un corps aussi tendre. En naissant, il a douze dents molaires, qui se trouvent un peu usées. (Voyez Dentition) Deux jours après sa naissance, il s’affermit assez pour pouvoir marcher. À six mois ou un an, suivant la vigueur de l’animal, ou, la température de la saison, le poil doux & très-long, dont son corps étoit couvert, tombe, & découvre celui dont la couleur sera permanente.
Pour que le développement du poulain se fasse promptement, il faut lui fournir un aliment sain & abondant, tel que le bon foin, un peu de luzerne, du sainfoin, de l’eau blanchie avec la farine d’orge & de froment. Cette nourriture convient même à la jument qui allaite : on ne doit point encore la faire travailler, comme on le pratique malheureusement à la campagne, parce que le travail, quelque petit qu’il soit, échauffe le lait, & diminue sa sécrétion. Il est donc essentiel de la laisser tranquille avec son poulain : celui-ci, en s’égayant, en courant & en bondissant dans le parc, se fortifie ; son accroissement en est plus prompt & plus parfait. Il s’habitue peu à peu aux alimens solides ; il tette moins fréquemment, & parvient insensiblement au point d’être sevré sans inconvénient.
Section VIII.
Du temps du Sevrage, & des moyens de l’opérer.
C’est à six mois qu’on sèvre le poulain. Un plus long usage de lait le rend mol & flasque : d’un autre côté, la jument, fatiguée d’avoir nourri pendant tout ce temps, dépérit considérablement, si le poulain continue à la têter. Il est quelquefois des accidens qui obligent de le sevrer au bout de trois mois ; mais il est toujours plus avantageux de ne le faire qu’à six, les poulains en étant plus forts, plus en état de supporter la rigueur de l’hiver, & le changement de nourriture, du vert au sec.
Dans les premiers jours du sevrage, on doit diminuer la nourriture de la mère, pour lui faire passer son lait ; la traiter, quant au régime, avec l’eau blanche, une diète plus ou moins sévère, selon la quantité de lait, en observant sur-tout de la tenir bien chaudement : mais, quant aux poulains, il est à propos de placer dans les parcs des baquets remplis de la farine d’orge ou de petit lait. Rien ne contribue plus à les entretenir en bon état, & à leur faire prendre du corps ; mais il faut avoir soin de renouveler deux fois le jour cette boisson, sans quoi elle s’aigrit, & contracte des qualités mal-faisantes. On ne doit toucher les poulains que le moins qu’il est possible, depuis le moment de leur naissance jusqu’à l’âge de deux ans, parce que leur délicatesse en souffre. Il est bon aussi de les rendre familiers, sans les tourmenter. Dans la belle saison, c’est-à-dire, depuis le mois de mai jusqu’en septembre ou octobre, suivant les climats, on abandonne les poulains dans les parcs qui leur sont destinés, pourvu qu’ils soient garnis d’herbages, ou bien dans de gras, pâturages, en les y laissant nuit & jour jusqu’à l’hiver, temps où ils doivent être retirés dans les écuries. Il doit y avoir, sous les hangars des parcs, des auges où l’on puisse mettre tous les jours quelques jointées d’orge concassé, ou quelque peu d’avoine cartellée. Les poulains retirés dans les écuries, on doit les nourrir avec le bon foin, l’orge cartellée & l’eau blanche ; les laisser en liberté sans les attacher, placer les auges & les râteliers à une certaine hauteur. Si les râteliers sont trop hauts, les poulains en contractent l’habitude de porter la tête relevée. Le fumier leur gâte les pieds ; il convient donc de les tenir proprement ; d’ailleurs les exhalaisons qui s’en élèvent sont mal-saines. Si l’on est à portée d’une rivière, il faut les faire baigner journellement, pourvu toutefois que l’eau ne soit pas trop froide. Nous observons que les poulains élevés sur le bord des rivières, obligés de passer l’eau plusieurs fois le jour, sont plus gais & plus nerveux. À un an ou dix-huit mois, il est d’usage de leur tondre la queue, pour rendre leurs crins plus forts & plus touffus. Nous ne saurions approuver l’usage où l’on est dans certains pays, de couper tous les ans la crinière des poulains. Les crins, par cette opération réitérée, devenant plus épais, & la crasse s’amassant dans les plis du col, il en résulte l’espèce de gale, appelée roux-vieux. (Voyez Roux-vieux)
Section IX.
À quel âge doit-on séparer les Poulains mâles d’avec les femelles ? Du temps de châtrer les premiers & de les ferrer.
À deux ans, on sépare les poulains mâles des femelles de cet âge, parce qu’ils commencent à sentir leur sexe, sur-tout s’ils sont bien nourris ; & s’ils sont vigoureux, ils s’échauffent, s’énervent, & fatiguent inutilement les jumens pouliches.
Ceux qui sont destinés à être hongrés, ne doivent l’être qu’à deux ans & demi. Le printemps & l’automne sont les saisons les plus convenables à cette opération. (Voyez Castration) Le froid & la chaleur y sont contraires.
Les fers n’étant inventés que pour conserver la corne du sabot, & cette corne ne s’éclatant que par les marches & le travail, il est inutile de ferrer les poulains, tant qu’ils n’y sont point soumis. Les pieds en liberté se renforcent & prennent leur force naturelle. Nous voyons la plupart des pieds devenus défectueux par itne ferrure précoce, ou par les défauts de la ferrure. (Voyez Ferrure) Ainsi, les poulains peuvent rester jusqu’à trois ans, c’est-à-dire, jusqu’au temps où on commence à les dresser.
Section X.
Manière de dresser les Poulains.
On dresse les poulains, en leur mettant d’abord une selle légère & aisée, en les accoutumant à recevoir un bridon dans la bouche, & à se laisser lever les pieds. Tout cela exige de la patience & de la douceur : un moment d’impatience, des coups sont souvent capables de les rendre indociles. S’ils sont destinés à la selle ou au labour, on leur met une selle ou un harnois, sans bride ni pour les uns ni pour les autres ; on les fait trotter à la longe, avec un cavesson sur le nez, sur un terrein uni, sans les monter, & seulement avec la selle & le harnois sur le corps. Lorsque le cheval de selle tourne facilement, & vient volontiers auprès de celui qui tient la longe, c’est alors qu’il faut le monter & le descendre à la même place, sans le faire marcher, & cela jusqu’à ce qu’il ait atteint l’âge de quatre ans : c’est seulement à cet âge qu’on doit monter le cheval de selle, pour le faire marcher au pas, au trot, & toujours à petites reprises.
Quant au cheval de labourage, lorsqu’il est accoutumé au harnois, le laboureur doit l’attacher avec un autre cheval fait ; & pour peu d’adresse qu’il ait, il le dressera bientôt à la charrue, en lui apprenant ce que c’est que le dia ou le hurhaut. Il commencera à lui faire sentir plusieurs fois son fouet ; il l’intimidera plus dans la suite par le bruit que par les coups, & prendra garde de ne jamais le surcharger, ni de le trop pousser au travail ; ce seroit un vrai moyen de l’abattre, & de le rebuter.
Section XI.
Du temps de faire travailler les Poulains.
Le temps de faire travailler les poulains varie selon les différentes races. Les chevaux fins & de légère taille, ne sont ordinairement formés qu’à cinq ou six ans, tandis que les gros chevaux le sont à quatre. Si on les accoutume au travail avant ce temps, leurs membres ne peuvent point se fortifier, & contractent des défectuosités. Nous en avons des exemples dans les poulains élevés en bas Languedoc, où ils sont employés à fouler le blé, dès l’âge de deux ans. Ce genre de travail leur gâte tellement les pieds & les jambes, que ces animaux sont ruinés à l’âge de cinq ans.
CHAPITRE VI.
Des alimens solides propres au cheval, de leurs bonnes et mauvaises qualités, de leurs effets.
Nous comptons, parmi ces alimens, le foin, la paille, l’avoine, le son, l’orge en grain, la luzerne, le sainfoin, le trèfle & l’orge en vert. Nous allons traiter de chacun de ces alimens en particulier.
Section première.
Du Foin.
Le foin est la nourriture la plus universelle du cheval : il est plus ou moins bon, suivant le terrein qui le produit. La qualité de celui des bas prés est toujours plus inférieure à celle du foin cueilli dans les prés élevés. Celui qui est vasé, qui est semé ou mêlé de joncs, ne vaut rien ; celui qui est très-fin, très-délicat & très-substantiel, a un inconvénient : les chevaux, qui y ont été accoutumés, refusent tous autres foins qui leur sont présentés. On ne doit, au surplus, donner aux chevaux que le foin de la première récolte, le regain ne convenant qu’aux chevaux de vil prix. Le foin nouveau n’est bon, qu’autant qu’il a été renfermé trois ou quatre mois dans les fenils. Quand il n’a pas eu le temps de suer, il suscite, à raison de la fermentation dans l’estomac, de très-violentes maladies. Un foin trop vieux n’a plus de substance, ni de goût ; un foin trop court se dessèche trop promptement.
Les qualités du foin dépendent de celles des plantes qui lui sont associées. La pimprenelle des prés, les paquerettes, les chiendents, la sarriette, le tussilage, la scabieuse, le trèfle, le sainfoin, la pédiculaire, la grassette, &c., sont autant de plantes bienfaisantes & appétissantes. Un foin ainsi composé, & fauché dans sa juste maturité, forme pour le cheval une nourriture très-salutaire. Toutes les espèces de tithymales, & les différentes renoncules, sont autant de plantes qui, confondues avec les bonnes, détériorent totalement ce fourrage, & le changent en une nourriture très-nuisible & très-malfaisante. En un mot, le foin que l’on doit choisir, est en général celui dont les parties fibreuses ou vasculaires, à peine altérées dans le conduit des alimens, ne sont ni trop déliées ni trop fortes, dont la couleur n’offre point un noir ou brun, ou trop de blancheur, & dont l’odeur n’a rien de fétide, & est agréable.
Section II.
De l’Avoine.
L’avoine donne de la force & de la vigueur au cheval. La meilleure est celle qui est noire, pesante, luisante, bien nourrie, & non mélangée de mauvaises graines que certaines plantes y déposent, telles que le coquelicot, le sénevé, la nielle, &c. Celle qui n’est pas parvenue à son degré de maturité est aqueuse, flatueuse, peu nourrissante. On doit encore faire attention qu’elle n’ait pas souffert d’altération dans le champ ou dans le grenier. Dans le champ, si, après avoir été moissonnée, & y avoir été étendue, pour lui donner le temps de javeler, au moyen de la pluie ou de la rosée, elle a souffert une pluie trop abondante & de longue durée, de façon qu’elle soit en partie pourrie, & en partie germée ; dans le grenier, si, par la négligence qu’on a eue de la remuer, elle a fermenté, & est échauffée. Ses principes alors se développent ; une portion de son sel volatil s’exhale, son huile devient acide, rance, fétide, & elle tombe dans une espèce de putréfaction capable de donner au cheval, s’il la mangeoit, les maladies qui résultent d’une nourriture corrompue.
Section III.
De la Paille.
La paille, & sur-tout celle de froment, est un bon aliment, lorsqu’elle est blanche, menue, fourrageuse, c’est-à-dire, associée à de certaines plantes, telles que la gesse, la fumeterre, la percepierre, &c. La paille blanche doit être préférée à celle qui est grossière & noire, celle-ci étant plus dure, moins capable de réparer les déperditions animales, & assez souvent ayant une odeur qui répugne au cheval. La paille contenant le corps sucré, il ne faut pas s’étonner qu’on puisse nourrir les chevaux avec cette substance. C’est ce qu’on observe en Espagne, où tous les végétaux en général sont plus sucrés qu’en France, & par conséquent plus nourrissans. Quoiqu’en Provence & en Languedoc, la paille soit très-bonne, elle ne vaut point celle d’Espagne ; & en général, plus on approche du nord, & de tous les pays froids & humides, moins la paille a de corps doux, capable de nourrir. En Allemagne, on a soin de hacher la paille, & d’en faire la principale nourriture des chevaux. Aux heures de la distribution de l’avoine, on la mêle avec ce grain, qui en devient moins échauffant, en ayant toujours la précaution de mouiller légèrement le tout, pour éviter que le cheval n’en perde pas par son souffle la plus grande partie. Pourquoi ne suit-on pas en France, du moins dans les provinces, dans les campagnes, où il y a disette de foin, l’exemple des Allemands ? Ne seroit-ce pas un moyen de nourrir les chevaux avec plus d’économie ? En faisant hacher une très-légère quantité de foin avec la paille, & en formant, par ce moyen, un mélange admirable pour le bon entretien des chevaux, ces animaux montreroient-ils moins d’ardeur au travail, moins de vigueur, d’haleine & de légéreté ; & seroient-ils aussi sujets à la pousse, & aux autres maladies que l’excès du foin leur procure ?
Section. IV.
Du Son.
Le son n’est autre chose que l’écorce du blé écrasé par la meule. Il est d’un usage très-familier dans la médecine vétérinaire, & dans le régime qu’elle prescrit : il forme un aliment très-rafraîchissant, & d’une très-facile digestion. Nous le présentons au cheval sain ou malade, sec ou mouillé, selon les cas. Cette nourriture, seule avec le fourrage, ne suffit point au cheval de labourage. Il est important de s’assurer que cet aliment ne soit point vieux, & d’une odeur fétide & dégoûtante. Dans ce cas, le cheval le refuse, ainsi que l’eau blanche qu’on fait avec cet aliment. (Voyez Boisson)
Section. V.
De l’Orge en grain.
L’orge en grain sert aussi de nourriture : on doit préférer celui qui est pur, compacte, pesant & plein. Il faut rejeter celui qui est ridé, spongieux, léger & petit, & n’en faire usage que long-temps après la moisson, afin de donner à l’humeur visqueuse qu’il contient, le temps de s’atténuer ou de s’évaporer. Son écorce ou sa farine est, en quelque sorte, dénuée de la faculté de nourrir, & relâche au contraire le cheval. En Espagne, on en fait un des principaux alimens : sans doute que cette plante a d’autres propriétés dans ce royaume qu’en France, où sa paille n’est livrée qu’aux bœufs & aux vaches. Un françois, ne voulant admettre aucune distinction relative aux divers pays, en ce qui concerne les plantes, & s’obstinant à nourrir un beau cheval espagnol avec de l’orge, sous prétexte qu’il y étoit habitué, se trouva forcé d’y renoncer, après avoir vu son cheval attaqué d’une fourbure des plus violentes.
Le grain de froment produit la même maladie. Bien des gens de la campagne sont dans l’usage d’en donner tous les matins une jointée, avant de faire boire des chevaux dont l’estomac est affoibli : donné de cette manière, l’usage ne doit pas en être condamné. Dans ce cas, un mêlange de féverolles n’est pas moins efficace. Quant au grain de seigle, on l’emploie plutôt comme médicament, que comme aliment, & la paille de cette espèce de blé est consommée pour la litière.
Section. VI.
De la Luzerne.
La luzerne sert encore à la nourriture du cheval, donnée en vert, seule, sans mêlange, sans discrétion, avant l’épanouissement des boutons à fleurs, couverte de rosée, ou mouillée par la pluie. Elle occasionne ordinairement de fortes indigestions. Nous avons vu des chevaux & des bœufs enfler sur le champ ; les uns périr faute de secours, & les autres, par le défaut de connoissance des remèdes convenables. Ce n’est qu’en essayant d’en donner d’abord en très-petite quantité, & en la mêlant avec la paille, qu’on parvient à la faire manger avec quelque succès, & sans danger. L’estomac du cheval & du bœuf s’y habitue peu à peu.
Lorsqu’elle est présentée à l’animal sous la forme d’un fourrage sec, aussitôt après la fenaison, elle produit des effets sinistres, si on manque de la mêlanger avec une égale quantité de paille.
Une grande propriété de la luzerne est d’augmenter le lait de la jument, de la vache, & de servir au rétablissement des chevaux de labour, qui, à la suite d’un grand travail, tombent dans un amaigrissement total.
Section VII.
Du Sainfoin ou Esparcette.
Cette plante n’est pas d’un usage aussi périlleux : c’est un aliment très-nourrissant & échauffant. Soit que les tiges en aient été fauchées avant l’épanouissement des fleurs, soit enfin qu’elles l’aient été entre fleurs & graines, la ration n’en doit pas être cependant trop abondante : elle pourroit susciter, comme nous l’avons vu plus d’une fois à Pézenas, des coliques avec convulsion, qui se terminent par la gangrène des intestins.
Section VIII.
Du Trèfle.
Le trèfle ou triolet des prés est très-propre à engraisser le cheval. On le fait consommer en vert ou sec dans les écuries. S’il est mouillé par la rosée ou par la pluie, ou par les brouillards, il fermente dans l’estomac des animaux, & donne lieu à des indigestions, & à des tranchées semblables à celles que l’on a à redouter de l’usage de la luzerne. Le cheval en est si friand, qu’il le dévore, & que sa voracité, jointe à la quantité qu’il en mange, produisent des douleurs qu’il ressent : aussi ne doit-on lui en donner qu’avec modération.
Ce trèfle est moins succulent que le grand trèfle, autrement dit trèfle de Hollande. On administre celui-ci à sec & en vert, de la même manière que le vert d’orge.
Section IX.
De l’Orge en vert.
Le vert d’orge est aussi utile à de jeunes chevaux, qu’il est contraire à des chevaux poussifs, farcineux, morveux, & qui sont vieux.
On le donne en vert pendant un mois ou six semaines, & avant qu’il ait épié. Quand l’épi est sorti du fourreau, il provoque la fourbure. (Voyez Fourbure) Il faut le couper avant que la rosée soit dissipée ; il est certain qu’il n’en purge que mieux le cheval. On le lui distribue continuellement poignée par poignée, en observant de tremper au même instant chacune de ces poignées dans un seau d’eau. Quelques jours après l’usage de cette nourriture, le cheval évacue copieusement par le fondement : insensiblement cette évacuation cesse, & n’a plus lieu ; il engraisse, le poil devient plus vif, le flux d’urine est abondant ; ce qui est une preuve certaine du mérite & de l’efficacité de cet aliment.
À l’égard des herbages ordinaires, dans lesquels les habitans de la campagne jettent leurs chevaux de labour ou de bât, ils ne sont nullement convenables à ceux en qui la lymphe est épaisse, dont l’habitude du corps est spongieuse. En général, les herbages rendent les liqueurs tenaces & visqueuses ; ils relâchent les fibres, & les affoiblissent. Les chevaux soumis à cette nourriture, engraissent, à la vérité ; mais ils sont mols & paresseux, & sont disposés à beaucoup de maladies. Les herbages, selon nous, ne conviennent qu’aux chevaux & aux bœufs sujets à des embarras dans les reins, à des ardeurs d’urine, & à certaines tranchées qui suivent ces maladies, parce que l’herbe a, dès les premiers momens de sa croissance, un caractère savonneux, qui la rend très-salutaire. C’est pour cette raison que les bœufs nourris dans l’étable, & que l’on tue dans l’hiver, ont souvent des pierres dans le foie, dans la vésicule du fiel, dans la vessie & dans le canal de l’urètre, tandis qu’il est rare d’en trouver dans ceux qui ont été d’abord jeté dans les prairies.
Section X.
Des considérations qu’il faut avoir dans la distribution des alimens.
L’unique but qu’on doive se proposer en nourissant un cheval, est de le maintenir en chair, & de le rendre capable de satisfaire au travail auquel il est destiné : il ne doit donc être ni trop gras, ni trop maigre. Les chevaux voraces sont toujours maigres, parce qu’ils mâchent peu ; aussi l’estomac & les intestins, dans ces sortes de chevaux, sont toujours farcis de crudités qui s’annoncent par des borborygmes ou vents, (Voyez le mot Vent) ou par des gonflemens, ou par des déjections fréquentes, ou fétides & semées de fourrages, & sur-tout de grains mal digérés, ou par des maladies plus ou moins sérieuses, & plus ou moins funestes.
L’âge, le tempérament, les saisons & la taille sont autant d’objets essentiels à considérer pour la fixation du régime.
1o. L’âge : on ne nourrira point les poulains comme des chevaux faits, parce qu’on n’exige d’eux aucun travail, & qu’ils ne sont point exposés à toutes les rigueurs du temps. Les alimens qui succèdent au lait bien conditionné, dont s’est nourri le poulain, sont des alimens tempérés & substantiels, tels que le bon foin, un peu d’avoine, la farine d’orge. Le cheval formé, & parvenu à son accroissement, doit être différemment nourri qu’un cheval vieux ou avancé en âge, soit par rapport au travail auquel il est assujetti, soit par rapport à la force de son estomac.
2o. Le tempérament : le cheval sanguin doit être nourri modérément ; le colérique, dont les fibres tenues ont une grande rigidité, & en qui la marche du sang est impétueuse, ne doit point être soumis à une nourriture échauffante ; il faut modérer les effets de l’avoine par un mélange d’alimens tempérés, ne l’abreuver de temps en temps que de l’eau blanche, & n’user jamais de rigueur envers lui, tant il est toujours dangereux de l’irriter. Les alimens qui sont le moins substantiels conviennent au cheval triste & mélancolique.
3o. La taille : on donne au cheval de selle dix livres de foin, autant de paille, & deux picotins d’avoine ; au cheval de labour ou de charrette, vingt livres de foin, dix de paille, & trois picotins d’avoine. Trente livres pesant d’un mêlange de paille & de luzerne, suffisent à la nourriture du cheval de labour ; encore faut-il que l’avoine lui soit retranchée dans le repos, la ration de ce grain lui devant seulement être accordée lors du travail. Vingt livres de ce mêlange nourrissent amplement des chevaux de selle & de bât, de la grande taille. L’expérience nous apprend que les habitans des campagnes, qui ne craignent pas de faire manger ce fourrage pur, au-dessus de trente livres par jour, à chaque cheval de labourage en repos, exposent cet animal à la gale, aux eaux, au farcin, à la fourbure ; (voyez ces mots) & à tous les désordres que peut occasionner la pléthore, & dont la mort la plus prompte est le résultat ; en un mot, si les uns & les autres de ces chevaux jouissent d’un long repos, ou sont tenus à une fatigue plus forte. Dans le premier cas, il convient de diminuer la ration, & de l’augmenter dans le second. Les cultivateurs n’oublieront pas sur-tout, que la surabondance des alimens les plus convenables, est plus pernicieuse que leur mauvaise qualité ; ils proportionneront donc la ration toujours d’après l’observation de l’âge, du tempérament, de la taille, & de la somme du travail auquel ils soumettent leurs chevaux, ou sur la somme des déperditions qu’ils font.
CHAPITRE VII.
Des Alimens liquides.
Section première.
De l’Eau.
L’eau est la boisson ordinaire du cheval : l’eau de la rivière est bonne & salubre, pourvu qu’on n’y mène pas le cheval dans le temps le plus âpre de l’hiver, & qu’on ait l’attention à son retour, non-seulement d’avaler l’eau, ainsi que nous devons l’indiquer à l’article du pansement de la main, mais de lui sécher parfaitement les pieds, en les essuyant. Si l’on est obligé, dans l’hiver, d’abreuver le cheval dans l’écurie, il faut avoir grand soin de faire boire l’eau sur le champ aussitôt qu’elle est tirée, & avant qu’elle ait acquis un degré de froid considérable. Il est possible de parer & d’obvier à la froideur de l’eau, & à sa trop grande crudité, en y trempant les mains, ou en y jetant du son, ou en y mêlant une certaine quantité d’eau chaude, ou bien en l’agitant avec une poignée de foin.
Section II.
De l’heure convenable pour abreuver le Cheval.
Le laboureur ne doit jamais, & dans aucune circonstance, faire boire ses chevaux, quand ils sont échauffés par le labourage, ou par un autre exercice pénible. L’heure la plus convenable pour les abreuver, est celle de huit ou neuf heures du matin, & de sept ou huit heures du soir. En été, il les abreuvera avec raison trois fois par jour, & alors la seconde sera fixée environ cinq heures après la première. Nous imaginons bien, qu’eu égard aux chevaux qui labourent, & à ceux qui voyagent, un pareil régime ne peut être exactement & constamment suivi : dans ce cas, on ne les fait boire qu’une heure ou deux après la fin du travail, c’est-à-dire, à sept heures du soir, & le matin avant de les faire travailler.
Section III.
Du temps pendant lequel le Cheval peut se passer de boire.
Aristote a fixé à quatre jours, le temps pendant lequel le cheval peut se passer de boire. Tout ce que nous savons là-dessus, c’est qu’il est des chevaux qui boivent naturellement moins les uns que les autres, & qu’il en est aussi qui boivent trop peu, comme par exemple, les chevaux étroits de boyaux : il en est encore que le dégoût & la fatigue empêchent de s’abreuver ; il s’agit alors de réveiller dans ceux-ci le désir de boire, par quelques poignées de bon foin.
CHAPITRE VIII.
Du Pansement de la Main.
Section première.
Nécessité du Pansement de la Main.
De toutes les excrétions, la plus intéressante est celle qui se fait dans toute la surface du corps, au moyen d’une infinité de pores dont la peau du cheval est criblée. Ces pores ne sont autre chose que les orifices des artérioles séreuses, qui se terminent au niveau du derme ; & cette excrétion est appelée du nom de transpiration insensible. Elle ne peut être que très-considérable, puisqu’elle s’exécute sur une superficie aussi étendue que l’est le tégument du cheval. Ses effets consistent à maintenir la peau de l’animal dans une souplesse nécessaire, d’unir le poil, de le vivifier, de dégager les humeurs d’une infinité de superfluités nuisibles, de les entretenir dans un mêlange, une proportion, & une température qui constituent la santé du cheval.
La plupart des maladies que l’hippiatre observe dans cet individu, naissent de l’interruption, ou de la diminution de cette excrétion. Plus les solides chassent & déterminent les fluides à la circonférence, plus il est de ces parties qui sortent, & qui sont expulsées sous la forme d’une humidité vaporeuse, dont la plus grande partie prend corps, dès qu’elle est parvenue à l’habitude de la machine. Il en résulte la crasse, ou la poussière blanchâtre ou grisâtre que nous appercevons sur le tégument. Si cette crasse y séjourne, elle obstrue, bouche tous les orifices de la peau, prive de toute issue les liqueurs impures ; & ces liqueurs forcées, les unes de refluer dans le centre, les autres de s’arrêter à la circonférence, produisent des maladies graves & dangereuses.
Le pansement de la main n’est donc pas un soin indifférent, puisqu’il importe à la conservation du cheval, & à son existence. Si le laboureur étoit pénétré de tous ces avantages, resteroit-il des semaines entières sans étriller ses chevaux ?
Section II.
Des instrumens nécessaires au Pansement de la Main.
L’étrille, l’époussette, la brosse ronde, la brosse longue, l’éponge & le couteau de chaleur, sont les instrumens nécessaires à ce pansement.
L’effet de l’étrille est de détacher la crasse résultante de l’évaporation, dont nous avons parlé dans la section précédente.
À l’étrille succède l’époussette : c’est ainsi que s’appelle une certaine étendue de serge ou de gros drap, destiné à enlever les corpuscules que l’étrille peut avoir élevées & laissées à la superficie des poils.
La brosse ronde achève d’enlever la crasse & l’ordure que l’époussette n’a pu ôter.
La brosse longue sert à nettoyer les jambes.
Quant à l’éponge & au couteau de chaleur, le premier de ces instrumens est destiné à laver les jambes & les crins, & le second à avaler l’eau ou la sueur.
Section III.
Manière de précéder au Pansement de la Main.
La première attention du valet d’écurie ou du laboureur, en entrant le matin dans l’écurie, est d’attacher à un des fuseaux du râtelier, une des doubles longes du licol du cheval qu’il veut étriller : c’est ce qu’on ne pratique jamais dans les campagnes. Il doit ensuite nettoyer les auges avec un bouchon de paille, & distribuer à l’animal l’avoine ou le son, selon qu’il est ordonné. Aussitôt après que le cheval a mangé ce qu’on lui a donné, il faut remuer la litière avec une fourche de bois, & non de fer, la relever proprement, & mettre à l’écart les parties de cette même litière, qui se trouvent pourries par la fiente & par l’urine. Toutes ces précautions prises, le valet d’écurie, armé de l’étrille qu’il tient dans sa main droite, saisit la queue du cheval avec la main gauche ; il passe l’étrille sur le milieu & sur le côté de la croupe, à rebrousse poils, en allant & revenant pendant un certain espace de temps, avec vîtesse & avec légéreté, sur toutes les parties de ce côté, qu’il parcourt d’abord ainsi, en remontant jusqu’à l’oreille, en observant de ne porter jamais l’étrille ni sur le tronçon de la queue, ni sur les parties latérales de l’encolure, ni sur l’épine, ni sur le fourreau, & de la passer légèrement sur les jambes. Le cheval suffisamment étrillé sur le côté droit, il doit l’être sur la partie gauche : il s’agit alors de changer l’étrille de main, & de pratiquer sur cette face du corps du cheval, ce qui a été pratiqué sur l’autre. Cela fait, on prend l’époussette, qu’on tient par un des bouts, pour en frapper légèrement tout le corps de l’animal, & en nettoyer & frotter la tête, les oreilles, l’auge, & toutes les parties sur lesquelles l’étrille n’a pas dû être passée. Après l’époussette, vient la brosse, dont on frotte avec soin la tête en tout sens, en observant de ne pas offenser les yeux ; ensuite tout le côté droit du corps, en passant à poil & à contre-poil. Toutes les parties du corps soigneusement brossées, & la brosse ne se chargeant plus de poussière, il faut passer & repasser sur tout le corps, entre les ars & dans toutes les articulations, un bouchon de paille ou de foin légèrement humecté, à l’effet d’unir exactement le poil. Il s’agit ensuite de laver les jambes, en se munissant de la brosse longue & de l’éponge. Les jambes étant lavées, on peigne & lave les crins, & on les démêle ; l’huile d’olive est excellente pour aider à les débrouiller ; le savon, pour les décrasser. Le pansement sera terminé en lavant les fesses & le fondement, & en étuvant les testicules & le fourreau.
Toutes les fois que le cheval vient de l’eau, il convient de la lui avaler des quatre jambes, & de les nettoyer de la boue dont elles sont chargées, avec l’éponge & la brosse. Cette pratique ne sauroit être trop recommandée, surtout dans les villes, dont la boue est toujours épaisse, noire & caustique.
Quant à l’habitude où sont certains valets d’écurie, de faire passer les chevaux à l’eau, après les avoir courus, elle est très-préjudiciable, si on ne prévient les suites funestes de cette habitude, d’une part en exigeant des chevaux une allure très-prompte & très-pressée dans leur retour à l’écurie, & de l’autre, en leur abattant l’eau avec le couteau de chaleur, dont on racle avec force toutes les parties du corps, & en les bouchonnant ensuite. (Voyez Bouchonner)
CHAPITRE IX.
De l’exercice, du repos, du sommeil du Cheval. De la durée de sa vie.
Section première.
De l’Exercice.
L’exercice borné à un mouvement modéré, aide à l’insensible transpiration ; il subtilise les liqueurs, en entretient la fluidité, augmente la vélocité de la circulation, fortifie les parties solides, tient les cavités des petits vaisseaux ouvertes, éloigne une foule de maladies qui dépendent de l’abondance des humeurs, de leur impureté, de l’engorgement & des obstructions des viscères, rappelle l’appétit qui languit, & remédie aux vices de l’estomac ; & ses effets influent sur toute l’économie des mouvemens vitaux. Mais autant il importe au laboureur d’habituer le cheval, & de le soumettre à un travail proportionné à son tempérament, autant il est à craindre de le livrer à des exercices violens & supérieurs à ses forces ; ce qui n’arrive que trop souvent à la campagne. On voit des laboureurs & des charretiers user de la plus grande violence envers leurs chevaux : non-seulement ils les accablent de fatigue & de coups, mais souvent ils leur refusent la nourriture & le repos nécessaires pour maintenir leur vigueur naturelle. Qu’arrive-t-il de là ? Que les forces motrices se consument, que les organes s’usent & se débilitent, & que l’animal devient incapable de service ; ce qui s’annonce par la maigreur, le retroussement, & souvent l’altération du flanc, le ternissement du poil, le flageollement des jambes, leur courbure en forme d’arc, l’éloignement de tout aplomb, la foiblesse de leurs articulations ; la lenteur, la molesse, & la difficulté de leur action.
Section II.
Du Repos.
Le repos est le remède à la lassitude : lorsqu’il est trop long, il préjudicie absolument au cheval, parce qu’une cessation perpétuelle des mouvemens, & un régime absolument oisif & sédentaire, rendent les fibres musculeuses inhabiles à toute action, épaississent la masse, ralentissent le cours de toutes les humeurs, les pervertissent, les condensent, & produisent, en un mot, tous les effets diamétralement contraires aux effets salutaires d’un exercice modéré : aussi voyons-nous que des chevaux, pour ainsi dire, abandonnés dans des écuries, sont affectés de plusieurs maux, tels que le refroidissement d’épaule, l’enflure des jambes, l’obésité, le gras-fondu, la fourbure, & diverses maladies cutanées. (Voyez chacun de ces mots)
Section III.
Du Sommeil.
Le sommeil est encore plus propre à la réparation des forces que le repos. Un sommeil inquiet & troublé, tel que celui pendant lequel le cheval, même en santé, rêve, s’agite & hennit, n’est point aussi confortatif, & même le fatigue souvent, au lieu de le délasser. Mais celui qui est doux & paisible, lui rend sa vigueur & son agilité ; il dispose, de nouveau, toutes les parties à l’exercice de leurs fonctions, favorise la digestion, la transpiration & la nutrition.
Le cheval, de sa nature, ne dort pas si long-temps que l’homme : quatre heures de sommeil suffisent ordinairement à certains. Il en est plusieurs auxquels il en faut moins ; les uns dorment couchés, & les autres communément debout. Si le sommeil de l’homme a plus de durée que celui du cheval, nous devons remarquer aussi que les instans que l’homme emploie à dormir, sont employés par le cheval à manger, & à se renforcer d’une autre manière. Le moment du réveil est marqué, dans tous les deux, par les mêmes actions, par le bâillement & par l’extension des membres, dont la langueur des fibres exige que l’animal y rappelle les esprits, & y accélère machinalement le cours du sang, au moyen des différentes contractions répétées.
Section IV.
De la durée de sa vie.
La durée de la vie commune du cheval est de dix-huit ou vingt ans. Il en est qui outre-passent ce terme, & qui vivent jusqu’à vingt-cinq ou trente ans ; mais le nombre en est médiocre. On a observé que les chevaux nourris dans des écuries, vivent beaucoup moins que ceux qui sont en troupeaux. L’état d’esclavage & de domesticité est bien fait pour opérer quelque différence ; il seroit essentiel d’observer & d’examiner si le terme de dix-huit ou vingt ans, que nous lui assignons, est plus long ou plus court dans les pays élevés, où communément les hommes vieillissent plus que dans les pays aquatiques. L’air & la nourriture étant différens dans les uns & dans les autres de ces lieux, nous pourrions alors juger du pouvoir & de l’influence des climats, ainsi que de la nourriture sur cet animal, & par conséquent de la durée de sa vie.
Après la mort du cheval, l’homme met à profit sa dépouille. Les tamis, les archets d’instrumens, les fauteuils, les coussins, prouvent l’utilité de son crin. Les selliers, les bourreliers font grand usage de son cuir tanné. On fait des peignes avec sa corne.
SECONDE PARTIE.
Des Maladies auxquelles le Cheval est sujet.
CHAPITRE PREMIER.
Maladies Internes.
Nous les divisons en maladies inflammatoires, en spasmodiques, en évacuatoires, en maladies de foiblesse & fébriles.
Section première.
Maladies Inflammatoires.
Le vertigo, le mal de feu ou d’Espagne, le mal de tête de contagion, l’étourdissement, l’esquinancie, la pleurésie, la péripneumonie, la courbature, la toux sèche ; l’inflammation de l’estomac, l’inflammation des intestins, & les coliques.
Section II.
Maladies Spasmodiques.
Le tetanos, le mal de cerf, la fourbure, le rhumatisme, la faim-valle, la crampe, le priapisme, le tremblement, l’épilepsie, la palpitation, le tic, l’ébrouement, & les différentes espèces de pousse.
Section III.
Maladies Évacuatoires.
La bave, le larmoiement, les diabetes, la diarrhée, le flux bilieux, la superpurgation, la gras-fondure, l’hémorragie du nez, l’hémoptysie, le pissement du sang, l’avortement, la dyssenterie, la gourme, la morve, la pulmonie, & le pissement du pus.
Section IV.
Maladies de Foiblesse.
La goutte sereine, la surdité, le dégoût, la paralysie, l’épuisement, la fortraiture & les affections soporeuses, telles que l’assoupissement & l’apoplexie.
Section V.
Maladies Fébriles.
La fièvre éphémère, les fièvres continues, la fièvre inflammatoire, la fièvre maligne, la fièvre putride, & la fièvre lente.
CHAPITRE II.
Des Maladies Externes.
Elles se divisent en maladies de l’avant-main, du tronc ou du corps, & en celles de l’arrière-main.
Section première.
Maladies de l’Avant-Main.
La taupe, l’enflure des paupières, la cataracte, la fluxion lunatique, les aphtes, le chancre à la langue, la blessure des barres, le lampas, les avives, le mal de garrot, le roux-vieux, l’avant-cœur, l’écart, la loupe au coude, l’enflure du genou, la nerferure, les molettes, le furos, la malandre & la fourmillière.
Section II.
Maladie du Tronc ou du Corps.
Le durillon, l’effort des reins, la fracture des côtes, la hernie ventrale, l’œdême sous le ventre, la fistule & l’enflure des bourses, les dartres, la gale & le farcin.
Section III.
Maladies de l’Arrière-Main.
L’effort de la cuisse, le charbon-musaraigne, l’effort du grasset, l’effort du jarret, le vessigon, le capelet, la courbe, l’éparvin, les jardons, l’ankylose, l’enflure des jambes, le ganglion, les arrêtes ou queues de rat ; les eaux aux jambes, les crevasses, la forme ; les maladies du pied, telles que la piqûre, l’enclouure, la brûlure de la sole, sa compression, l’oignon, la bleime, le clou de rue, l’encastelure, la seime, l’avalure, le javart, la cerise, le fic ou crapaud.
La Planche 8, ci-jointe, indique les parties affectées par ces maladies, qui sont décrites chacune sous le mot qui les désigne dans le corps de l’Ouvrage, avec le traitement qu’elles exigent ; & au mot Écurie on trouvera les détails nécessaires sur leur construction. M. T.