Contes d’une mère à sa fille/Texte entier

À la librairie d’Éducation de Pre Blanchard (2 volumes, ).


La Petite Ville. — Le vieillard saisit sa main la serre dans les siennes et l’arrose de larmes.
La Petite Ville. — Le vieillard saisit sa main la serre dans les siennes et l’arrose de larmes.


Contes d’une mère à sa fille. Couverture illustrée
Contes d’une mère à sa fille. Couverture illustrée
CONTES


D’UNE MÈRE


À SA FILLE,


PAR Mme MALLÈS DE BEAULIEU ;


ORNÉS DE DOUZE GRAVURES.


TOME PREMIER.


SECONDE ÉDITION,


REVUE ET AUGMENTÉE DE PLUSIEURS CONTES.




PARIS,
À LA LIBRAIRIE D’ÉDUCATION
DE PIERRE BLANCHARD,
galerie montesquieu, n°.1, au premier.



1820.


Le Libraire regardera comme contrefait tout exemplaire qui ne portera pas sa signature.

PBlanchard

DE L’IMPRIMERIE DE Et. IMBERT.
rue de la vieille-monnaie, n°. 12.


À MA PETITE FILLE.




Qu’il est doux pour ta mère, ma chère Delphine, ce travail entrepris pour toi, puisqu’il peut contribuer à perfectionner les qualités précieuses que tu annonces ! L’extrême sensibilité de ton cœur dont tu m’as déjà donné des preuves touchantes, doit te rendre agréable un Ouvrage où le sentiment domine, et dont le naturel fait tout le mérite.

Je n’oublierai jamais ce jour où ta mère, fuyant les horreurs de la guerre, suivant avec sa famille un époux adoré, passa dans la ville que j’habite, et pour ménager mes forces et m’épargner une surprise dangereuse, se fit précéder par sa fille conduite par une dame étrangère ; je te considérais avec un vif intérêt, mais je ne pouvais te reconnaître, ne t’ayant vue que dans ta première enfance. Tu prononças le nom chéri de Delphine ; je fis un cri de joie, ma fille fut aussitôt dans mes bras ; je vous y réunissais, et jamais mère ne fut plus heureuse. Mais que cet état de félicité devait peu durer ! un seul quart d’heure était accordé à nos tendres épanchemens ; il fut presque employé à regretter chaque minute qui s’écoulait, à prévoir l’instant cruel de la séparation. Ta mère m’entretenait de son mari, de ses enfans : pendant ce temps, debout près de mon fauteuil, tu t’étais emparée de mes mains, que tu serrais tendrement, et que tu couvrais de baisers en répétant avec l’accent d’un cœur pénétré : Pauvre mère ! Si jeune encore, ma Delphine, tu concevais donc ce qu’une longue suite de malheurs m’a fait éprouver ? Tu semblais par tes caresses vouloir me dédommager de tout ce que j’ai souffert. Ah ! si je vous voyais tous réunis près de moi, les funestes idées du passé s’effaceraient sans doute ; mais nous vivons à cent lieues de distance, et la consolation qui me serait la plus douce m’est refusée.


Reçois au moins, mon aimable enfant, ce témoignage de ma tendresse : en me lisant, tu croiras être près de moi ; en t’écrivant, je me fais la même illusion ; attendons tout du temps et de la Providence : s’il lui plait un jour de nous rapprocher, je ne regretterai ni ma jeunesse, ni ma fortune, puisque mes derniers jours s’écouleront dans le sein de la nature et de l’amitié.


PRÉFACE.




Mon premier but, en composant cet ouvrage, fut de me rendre utile aux enfans d’une fille chérie et bien digne de l’être. Forcée par d’impérieuses circonstances de vivre à cent lieues d’elle, privée de coopérer à l’éducation de mes petits-enfans, j’ai voulu leur offrir quelques leçons de morale dépouillées de cette sécheresse qui les rend trop souvent ennuyeuses et rebutantes ; je les ai liées à des faits intéressans, mises à la portée du jeune âge et rendues simples comme la nature.

En donnant ce recueil au public, je me plais à croire que les jeunes personnes qui le liront partageront les heureux fruits que j’en espère pour ma famille. Il est doux de travailler pour ces êtres intéressans qu’un poëte aimable a nommés :

    Trésor de la race future.

Cette épithète est d’une grande justesse ; c’est sur les jeunes filles qui s’élèvent à présent, que reposent toutes nos espérances pour la génération à venir ; c’est d’elles que dépendront la réformation des mœurs et l’amélioration de l’espèce humaine ; ce seront les heureux résultats des principes qu’on aura inculqués dans leurs jeunes cœurs, qui, comme des sources fécondes et salutaires, fertiliseront les terres où elles seront répandues.

Tant d’auteurs estimables ont consacré leur plume à l’instruction de la jeunesse, qu’il est difficile, en marchant sur leurs traces, d’offrir rien de nouveau à la curiosité du lecteur ; s’il arrive que je me sois rencontrée avec quelqu’un d’eux, on voudra bien me le pardonner : le but qui nous est commun est d’inspirer les mêmes vertus sociales, de prémunir contre les mêmes vices ; il ne peut donc y avoir de différence que dans la manière de présenter les mêmes idées.

Je me suis principalement attachée à combattre des défauts qu’il me semble que jusqu’ici on a trop négligé d’attaquer. La médisance n’est-elle pas un vice affreux, puisqu’elle porte le trouble dans la société, détruit la paix des familles, opprime souvent l’innocence et peut faire perdre l’honneur, les biens et la vie ! Les jeunes personnes ne sont que trop portées à s’entretenir des absens, et malheureusement elles trouvent dans les personnes d’un âge mûr l’exemple dangereux de ce défaut. Quelles sont les sociétés où l’on ménage la réputation du prochain ? elles sont aussi rares que précieuses, et seraient pour la jeunesse la meilleure de toutes les écoles. Ma nouvelle intitulée la Petite Ville, inspirera peut-être une salutaire frayeur sur les suites que peuvent avoir des propos tenus avec légèreté, souvent sans mauvaise intention, et qui, faute de réflexion, ne laissent point de remords.

Dans la Fille sans caractère, je m’élève contre une faiblesse bien dangereuse ; celle qui reçoit indifféremment toutes les impressions qu’on veut lui donner, n’est à l’abri d’aucun vice, puisqu’elle en peut sans cesse contracter de nouveau. Henriette est corrigée par une amie bonne et indulgente qui, pour la ramener, ne se sert que des moyens les plus doux. C’est que cette extrême facilité n’a sa source que dans la faiblesse et l’ignorance ; il ne faut donc qu’éclairer et non réprimer.

L’Amie invisible s’y prend d’une manière tout opposée ; c’est que l’orgueil qu’elle voulait détruire est un vice du cœur avec lequel on ne doit garder aucun ménagement.

Dans le Donjon de Vincennes et l’heureux Incendie, j’offre deux traits touchans de tendresse filiale ; je me flatte qu’ils ne paraîtront pas incroyables à toutes mes lectrices, et qu’il s’en trouvera quelques unes qui sentiront au fond de leur cœur, que dans de pareilles circonstances elles seraient capables du même courage.

Pour moi j’aime à me rappeler que j’ai dû deux fois la vie à la présence d’esprit et à la tendresse courageuse d’une de mes filles, qui ne craignit pas de s’exposer pour moi au péril le plus évident. Le sentiment qui l’inspirait est si naturel, que je ne doute pas qu’elle ne trouve plus d’une imitatrice.




CONTES
D’UNE MÈRE
À SA FILLE.




CONTE I.

LE
DONJON DE VINCENNES.


ou


LA CAPTIVITE VOLONTAIRE.


Au mois de février 1811, on amena au château de Vincennes une dame jeune, belle, intéressante sous tous les rapports. Elle était condamnée pour vingt ans à être renfermée dans le donjon, avec défense expresse de la laisser communiquer avec aucun prisonnier. Cette dame, que je nommerai la comtesse de N…, soutenait son malheur avec une noble fermeté. La seule chose qui lui paraissait difficile à supporter, était cette privation absolue de toute société : son âme aimante sentait le besoin d’un cœur où elle pût épancher les peines du sien. Elle laissa pénétrer sa pensée au gouverneur du château, qui, touché de compassion pour cette illustre infortunée, lui promit de solliciter pour elle la permission d’avoir une compagne) ; il lui fit espérer qu’en offrant de grands avantages à celle qui voudrait partager sa captivité, elle pourrait trouver une jeune personne que l’indigence déciderait à faire le sacrifice de sa libertés. Cet espoir donna quelque consolation à la comtesse. Le gouverneur lui tint parole ; et la permission obtenue, il fit insérer dans les papiers publics l’article suivant :

« Une jeune dame, détenue pour vingt ans au donjon de Vincennes, désire trouver une compagne qui veuille partager son sort et adoucir ses ennuis ; elle la traitera en amie et en égale ; elle lui donnera deux mille francs par an : et comme elle sera logée, nourrie, etc., elle pourra mettre en réserve la presque totalité de cette somme, et se faire un sort indépendant pour l’instant où elle recouvrera la liberté. »

Deux ans avant l’événement que je viens de rapporter, M. Beauval, marchand de meubles, établi dans la rue de Cléry, avait été ruiné par un concours de circonstances malheureuses : trois faillites où il s’était trouvé, avaient achevé sa perte. Sa probité scrupuleuse ne lui permit pas de mettre à l’abri une partie de ce qu’il possédait pour en frustrer ses créanciers ; il leur abandonna tous ses biens, et ne saura de son naufrage que son honneur et sa réputation. Cet homme respectable avait cependant une épouse tendrement aimée, et une fille unique, la gloire de ses parens, et le modèle de son sexe : il les voyait, ainsi que lui, réduites à la plus affreuse indigence ; mais cette considération ne fut pas capable de le faire balancer dans ce qu’il regardait comme un devoir.

Cette famille infortunée alla se loger à un quatrième étage, dans une rue écartée. Dans les premiers momens elle reçut quelques visites de ceux qui s’étaient dit ses amis ; mais bientôt on l’abandonna à elle-même : les personnes qui la composaient ne trouvèrent de ressources que dans leur affection mutuelle et la tendre union qui régnait entre eux. M. Beauval eut de l’occupation chez un notaire voisin ; sa fille, l’aimable Constance, à laquelle il avait donné une excellente éducation, copiait de la musique ; madame Beauval travaillait de même, autant que ses forces le lui permettaient ; mais sa santé, toujours délicate, avait été totalement dérangée par ses derniers malheurs : elle était faible et languissante ; son état donnait à son mari et à sa fille les plus vives inquiétudes.

Un an se passa de la sorte ; les soins affectueux de Constance adoucissaient pour ses parens les peines et les privations qu’entraîne la pauvreté ; ils en devaient éprouver de bien plus terribles. Un jour M. Beauval fut rapporté chez lui dans un état qui différait peu de la mort ; une attaque d’apoplexie lui ôtait tout sentiment. Sa malheureuse femme ne put soutenir ce spectacle ! elle tomba sans connaissance près de son époux. Quelle situation pour la pauvre Constance ! elle ne peut quitter ses parens pour aller implorer le secours d’un médecin ; et ce secours ne souffre point de retardement. Constance ouvre sa croisée : un jeune homme, nommé Firmin, qui apprenait l’état d’ébéniste dans la maison en face, se trouvait sur la porte de la boutique ; elle le conjure, avec l’accent de la douleur, d’aller chercher le médecin le plus voisin, et de l’amener sur-le-champ : le jeune homme vole ; et cinq minutes après il entre suivi du docteur. Madame Beauval a bientôt repris ses sens pour connaître toute l’étendue de son malheur : on administre au mari tous les remèdes usités en pareil cas ; il rouvre les yeux, mais sa langue est embarrassée, ses membres ne peuvent se mouvoir ; le médecin le quitte en promettant de le voir tous les jours.

Firmin avait le cœur le plus sensible ; il était franc et ingénu ; n’ayant jamais vu mauvaise compagnie, ses bonnes qualités n’avaient souffert aucune altération ; il fut pénétré de la douleur de Constance ; et le courage qu’elle montrait pour soutenir celui de sa mère, excita son admiration : il lui offrit avec respect ses services pour le soulagement de ses chers malades, et lui témoigna combien il se trouverait heureux de partager avec elle les soins que leur état exigeait. Mademoiselle Beauval lui témoigna sa reconnaissance, et ne put refuser un secours qu’elle prévoyait devoir lui être très utile.

Bientôt on ne craignit plus pour les jours de M. Beauval ; mais il avait tout le côté droit paralysé, et ne pouvait quitter le lit. Sa femme était dans un état de langueur et d’épuisement qui la rendait incapable de rien faire ; ce fut alors que Constance se vit réduite à la dernière extrémité. La vente de presque tous leurs effets, et même de leurs habits, avait à peine suffi pour fournir aux dépenses qu’avait entraîné la maladie de M. Beauval : les soins dont il avait besoin, ainsi que son épouse, ne permettaient pas à leur fille de se livrer à un travail assidu ; quels que fussent ses efforts, elle avait la douleur de voir ses parens manquer des choses les plus nécessaires. L’honnête Firmin partageait toutes ses peines, et les adoucissait autant qu’il était en son pouvoir ; tout l’argent qu’il pouvait épargner était employé au soulagement de ses malheureux amis ; tantôt c’était une bouteille de vin vieux, tantôt du chocolat ou quelques autres restaurans ; et la timidité, je dirais presque la pudeur, qui accompagnait ces présens, y donnait un charme qui augmentait la reconnaissance. Fallait-il passer plusieurs nuits auprès des malades, Firmin obtenait par ses instances de veiller à son tour ; et lorsque Constance voulait s’y opposer, il lui représentait combien il était nécessaire qu’elle ménageât ses forces, unique ressource de ses malheureux parens. Ce fut donc au sein de l’infortune que le plus tendre sentiment prit naissance dans les cœurs de ces deux intéressantes créatures ; il était fondé sur l’estime la plus parfaite, aussi pur que désintéressé. Firmin était orphelin : un oncle fort riche avait promis de l’établir dès qu’il saurait son état ; et le jeune homme se proposait d’obtenir la main de Constance, et de devenir l’appui de ses parens. Il les entretenait souvent de ses projets : mademoiselle Beauval les traitait de chimères ; mais elle ne pouvait s’empêcher de lui savoir gré de les avoir conçus.

Cependant la situation de cette famille devenait de plus en plus cruelle ; en vain Constance travaillait-elle jour et nuit ; en vain Firmin donnait-il tout ce dont il pouvait disposer, cela ne suffisait pas à la subsistance de trois personnes, dont deux étaient en proie à des maux cruels, et ne pouvaient rien pour elles-mêmes. Ce fut dans cette position désespérée, que Constance lut dans un journal l’article dont j’ai fait mention au commencement de cette histoire. Elle vit sur-le-champ ce que son devoir exigeait d’elle, et ne balança pas à le remplir. J’ai donc entre mes mains, dit-elle, la vie des auteurs de mes jours, vingt années de la mienne vont leur assurer tous les secours dont ils ont besoin ; je prolongerai leur existence, et du fond de ma prison je veillerai sur ces chers objets de ma tendresse. Combien il m’en coûtera de m’en séparer ! ce sacrifice m’est plus pénible que celui de ma liberté. Dieu puissant ! qui daigne m’offrir un moyen si extraordinaire de conserver les jours de mes parens, soutiens mon courage pour m’arracher de leurs bras et me dérober à leur tendresse ! Et vous, généreux Firmin, mon ami, mon consolateur, je vais vous dire un éternel adieu ! puisse le ciel répandre sur vous toutes ses bénédictions, et acquitter la dette de ma reconnaissance !

C’était le dimanche matin : Firmin, dispensé de travailler chez son maître, était près de M. et madame Beauval, à qui il faisait une lecture. Constance prend le prétexte d’aller rendre quelques ouvrages ; elle embrasse tendrement son père et sa mère, et les serre long-temps sur son cœur oppressé ; elle tend une main à Firmin, qui la baise respectueusement, et sort avec précipitation, comme une victime dévouée, qui marche vers le lieu du sacrifice.

Arrivée à Vincennes, elle demande le gouverneur : ses grâces modestes le préviennent en sa faveur ; il la reçoit avec beaucoup de politesse ; et l’ayant invitée à s’asseoir, il lui demande ce qui l’amène. Monsieur, répond Constance en lui présentant le journal, je viens me proposer à la dame prisonnière dans ce château ; Je suis prête à me dévouer à son service, aux conditions qu’elle propose ; mais de fortes raisons m’obligent de demander qu’elle me donne six mois d’avance sur les appointemens qu’elle promet : si elle m’accorde cette grâce, et que j’aie le bonheur de lui convenir, dès ce moment je me renferme avec elle, et je lui consacre ma vie.

Le gouverneur, surpris, examinait Constance avec intérêt, et ne put s’empêcher de lui faire quelques observations. — Avez-vous bien réfléchi, mademoiselle, avant de prendre cette étrange résolution ? Aimable et jeune comme vous l’êtes, n’avez-vous aucun autre moyen d’échapper à l’infortune ? peut-être ignorez-vous à quoi vous vous engagez : une fois que vous aurez mis le pied dans l’appartement de madame la comtesse, vous ne verrez d’êtres vivans qu’elle et le geôlier qui lui apporte ses repas ; vous renoncerez à votre famille, à vos amis ; vous n’aurez d’autre liberté que celle de vous promener une heure par jour sur une terrasse d’une prodigieuse élévation ; enfin, vous allez ensevelir vos beaux jours dans le séjour de la tristesse et des larmes. — J’étais instruite, monsieur, de tout ce que vous venez de me dire ; mais rien n’ébranlera ma résolution ; elle est fondée sur des motifs sacrés : toute ma crainte est que votre prisonnière n’agrée pas mes services, ou refuse d’accéder à la condition que je suis forcée d’y mettre. — Quel est votre âge, mademoiselle ? — Dix-huit ans, monsieur. — Encore un mot, je vous prie : peut-être vous sacrifiez-vous au désir de vous assurer un sort indépendant ? N’ayant en ce lieu aucune dépense à faire, quand vous en sortirez vous pouvez avoir un fonds de 40,000 fr. ; mais songez que vous aurez alors trente-huit ans ; votre jeunesse sera passée, vos charmes flétris : quelles jouissances vous procurera la petite fortune que vous aurez achetée si cher ? — Vous vous trompez, monsieur, sur les raisons qui me déterminent ; mais puisque vous me montrez tant de bontés, veuillez vous rendre à ma prière, et me proposer à la comtesse : j’attends sa réponse avec une vive impatience.

Le gouverneur, étonné de trouver tant de fermeté dans une si jeune personne, lui dit qu’il allait dans l’instant parler à sa prisonnière, et qu’avant une demi-heure son sort serait décidé : car, ajouta-t-il, madame de N*** doit vous agréer ou vous refuser sans vous voir ; et sur mon seul témoignage, du moment où vous aurez paru devant elle, vous deviendrez inséparables.

Constance passa ces instans d’attente dans une grande anxiété ; entin le gouverneur parut, et lui annonça que la comtesse l’acceptait avec joie pour sa compagne : il lui compta mille francs en or, en lui promettant que chaque payement s’effectuerait ainsi toujours six mois d’avance. Mademoiselle Beauval remercia affectueusement le gouverneur ; elle lui demanda la permission d’écrire deux lettres, et la faveur de les envoyer à leur adresse avec la somme qu’elle venait de recevoir ; ce devoir rempli, lui dit-elle, je vous suivrai sans regrets près de ma nouvelle maîtresse : le gouverneur lui accorda ces deux grâces, et la laissa libre d’écrire. Ce ne fut pas sans répandre des larmes qu’elle traça ses adieux à ses parens adorés, mais elle ne s’occupa que de leur adoucir le coup dont elle allait les frapper ; elle connaissait trop bien leurs cœurs pour n’être pas assurée que l’aisance dont ils allaient jouir ne les dédommagerait pas de la perte de leur fille ; jamais elle n’eut obtenu leur consentement pour le sacrifice qu’elle voulait leur faire ; il avait donc fallu tromper leur tendresse pour le consommer. La seconde lettre était pour Firmin, à qui elle devait aussi des consolations, et dont elle attendait de nouveaux services. Elle avait à peine achevé, que le gouverneur parut accompagné d’un homme de confiance à qui Constance remit le paquet cacheté à l’adresse de M. Beauval. Cette affaire terminée, elle remercia le gouverneur de sa condescendance, et lui dit qu’elle était à ses ordres. Il la fixa en soupirant ; et ne voyant sur son visage aucune marque de faiblesse, il lui présenta la maint et, précédés d’un porte-clefs, ils traversèrent des corridors longs et obscurs, fermés par d’énormes portes, qui, en tournant sur leurs gonds, produisaient un bruit sourd et effrayant. À l’extrémité de chaque corridor on trouvait un escalier tournant qui conduisait à un autre, et celui-là à un nouvel escalier. Enfin ils parvinrent au logement de madame de N***. Avant d’entrer, le gouverneur, qui jusque-là avait gardé un profond silence, dit à Constance : Mademoiselle, ce moment vous est encore accordé ; si vous vous repentez, je puis vous ramener parmi les vivans : songez que si vous passez cette porte, vous dites au monde un adieu qui peut être éternel.

La réponse de mademoiselle Beauval ne laissant aucun doute sur ses dispositions, la porte s’ouvrit, et le gouverneur la présenta à la comtesse, qui la reçut dans ses bras. Madame, lui dit-il, en vous amenant cette charmante personne, je crois vous faire un présent inestimable ; je ne doute pas que vous n’en sentiez tout le prix : ce sont certainement les plus nobles motifs qui la conduisent près de vous. Vous êtes deux victimes de l’infortune ; puissiez-vous trouver dans votre réunion les consolations dont vous avez besoin ! Je vous laisse commencer une connaissance où vous ne pouvez toutes deux que gagner. Il sortit à ces mots ; et comme lui j’abandonne mes intéressantes captives pour voir ce qui se passait chez les parens de Constance. Voyant se prolonger l’absence de cette fille chérie, toujours si prompte à revenir près d’eux, ils se livraient aux plus vives inquiétudes : Firmin voulait les rassurer ; mais il partageait toutes leurs craintes, et ne pouvait déguiser ce qui se passait dans son âme. Enfin le messager de Constance se présente et remet son paquet à M. Beauval : on s’empresse de le questionner ; il répond qu’il n’est instruit de rien, mais que sans doute les lettres qu’il apporte contiennent tous les éclaircissemens qu’on peut désirer. Il disparaît ; M. Beauval remet d’une main tremblante le paquet à Firmin ; celui-ci rompt le cachet, et la table est couverte de pièces d’or. Les lettres ! les lettres ! disent en même temps le mari et la femme. Le jeune homme ouvre celle qui est adressée à M. Beauval, et lit ce qui suit d’une voix entrecoupée :

LETTRE DE CONSTANCE À SES PARENS.

« Pardonnez, chers auteurs de mes jours, pardonnez à votre fille d’avoir disposé de son sort sans votre permission. Le journal ci-joint vous fera connaître l’occasion unique que la Providence m’a offerte de vous tirer de l’affreuse situation où vous êtes. Vous savez que mes faibles efforts ne pouvaient vous procurer le plus absolu nécessaire ; j’avais la douleur de vous voir souffrir sans qu’il me fût possible d’y apporter aucun soulagement, et j’étais menacée du malheur de vous perdre par l’excès de la misère où nous allions tomber. Croyez, mes chers parens, que vingt ans de réclusion sont un prix bien faible de l’avantage inestimable que je viens de me procurer. La somme que je vous envoie n’est que la moitié de celle que je recevrai chaque année : je serai donc en état de pourvoir à tous vos besoins, de vous procurer les douceurs qu’exigent votre âge et vos infirmités. Le seul sacrifice qui en mérite vraiment le nom, c’est de me séparer de vous, peut-être pour jamais. Cependant j’ai l’espoir que le ciel prolongera vos jours, et que le temps de l’épreuve écoulée, vous reverrez à vos pieds et vous recevez dans vos bras votre heureuse Constance.

» P. S. N’ayez aucune inquiétude sur mon sort. Je suis auprès d’une dame du plus grand mérite, qui aura pour moi mille égards, et dont la société me sera très avantageuse. La retraite où nous vivions depuis plusieurs années, m’a familiarisée avec la vie solitaire : je ne vois donc pas ce qui pourrait m’empêcher d’être heureuse, surtout avec la douce pensée que j’aurai diminué vos souffrances, et que je serai toujours l’objet de vos plus tendres affections. »

Le bouleversement de toute la nature n’aurait pas fait une impression plus terrible sur les malheureux époux, que cette fatale nouvelle ; une douleur muette avait suspendu toutes leurs facultés ; ils se regardaient d’un air égaré ; pas une larme ne s’échappait de leurs paupières ; Firmin, baigné de pleurs, était à leurs pieds, leur prodiguait les tendres noms de père et de mère, et jurait de leur consacrer son existence. Les soins de cet excellent jeune homme eurent un heureux effet ; les larmes s’ouvrirent un passage, et vinrent soulager deux cœurs si profondément affligés. Ils parurent désirer de voir la lettre de Firmin ; voici ce qu’elle contenait :

LETTRE DE CONSTANCE À FIRMIN.

« C’est le ciel même qui nous sépare, mon cher Firmin ; soumettons-nous à ses décrets ; conservez-moi les sentimens d’un frère ; soyez le fils de mes parens ; rendez-leur, par vos soins, la fille qu’ils ont perdue. Je vous lègue tous mes devoirs envers eux ; et c’est la preuve de mon estime pour vous : je suis sans aucune inquiétude par la confiance parfaite que vous m’inspirez.

» Commencez par leur procurer un logement sain et commode ; cherchez une personne honnête, soigneuse et attentive, que vous placerez près d’eux pour leur rendre tous les soins qu’exige leur état ; surveillez sa conduite ; et si vous en êtes content, qu’elle soit récompensée généreusement. Vous-même, mon ami, donnez à notre respectable père, à notre tendre mère, tous les momens dont vous pourrez disposer ; le charme de votre société adoucira leurs ennuis ; vous leur parlerez de leur fille, de votre sœur, qui se repose sur vous pour ses intérets les plus chers.

» Je souhaite que dans quelques années vous songiez à vous marier : si du fond de ma retraite je pouvais apprendre que vous fussiez heureux, il me semble que je n’aurais plus rien à désirer. »

Firmin reçut avec un respect religieux les ordres de son amie : il se trouvait si honoré de la confiance qu’elle lui témoignait, que ses regrets en étaient moins amers ; il employa toute l’éloquence du cœur pour engager M. et madame Beauval à user des dons de leur fille, conformément à ses intentions, et à lui permettre de s’occuper sans retard du choix de leur nouveau logement. Le père, désolé, était enseveli dans ses pensées, et paraissait ne pas l’entendre ; tout à coup il s’écrie : Eh bien, mon fils, j’y consens ; arrachez-nous de ce triste séjour, où nous chercherions en vain celle qui l’embellissait ; mais que ce soit pour nous rapprocher de cette fille incomparable ! Allons habiter le village de Saint-Mandé, que mes yeux affaiblis puissent s’arrêter sur ces tours qui renferment ce que j’ai de plus cher au monde. Approuvez-vous ce projet, ma chère amie ? la vue de la prison de notre enfant n’augmentera-t-elle point votre douleur ? — Je crois qu’elle n’est susceptible ni d’accroissement ni de diminution ; mais je me conformerai sans peine à vos désirs : que Firmin dispose tout pour nous établir dans le lieu où sans doute nous terminerons nos tristes jours.

Le jeune homme ayant obtenu ce consentement, ne perdit pas un moment pour servir ses amis ; il demanda à son maître quelques jours de congé, et les employa si utilement, qu’une jolie maison fut louée à Saint-Mandé, meublée modestement, mais fournie de tout ce qui peut être utile et agréable dans un ménage. Annette, jeune fille du village, lui fut recommandée par les principaux habitans comme un sujet très propre à soigner des malades, et possédant la douceur et la patience nécessaires pour cet emploi. Il la présenta à M. et madame Beauval, qui agréèrent ses services. Le premier fut transporté avec toutes les précautions possibles dans sa nouvelle demeure, où il trouva rassemblées toutes les commodités dont il avait été privé si long-temps. Firmin, satisfait d’avoir rempli des devoirs si chers, quitta le couple affligé pour retourner à Paris ; mais il promit qu’il viendrait passer avec eux tous les dimanches, s’entretenir de l’objet de leurs justes regrets, et partager leur douleur, s’il ne pouvait la soulager.

Ce tendre jeune homme ne put quitter ce lieu sans s’approcher du château, autant que cela était permis. Il en fit de loin le tour ; il mesurait des yeux la hauteur de ses murs ; leur épaisseur effrayait son imagination : Je suis, disait-il, plus séparé d’elle que si j’en étais à mille lieues : le plus grand éloignement ne pourrait m’empêcher de tenter de la rejoindre ; mais elle respire près de moi, et je l’ai perdue pour toujours !

Il est temps de retourner auprès de la comtesse ; elle rendait grâce au destin de lui avoir fait trouver une amie en qui elle découvrait à chaque instant mille qualités précieuses : elle avait d’abord été agréablement surprise des manières polies et de l’excellent ton de mademoiselle Beauval ; l’heureux choix de ses expressions, sa facilité à s’énoncer attestaient combien son éducation avait été soignée ; mais toutes les ressources de son esprit, mais le charme de ses talens ne se découvrirent que peu à peu à madame de N*** : sa modestie et sa simplicité ne laissaient pas d’abord soupçonner tous les dons qu’elle possédait ; elle était excellente musicienne, la comtesse avait le même talent ; et souvent les charmes d’une douce mélodie faisaient oublier aux deux captives les sujets qu’elles avaient de s’affliger ; on convertissait en une tendre mélancolie la tristesse que leur situation devait leur inspirer ; le dessin et la peinture, qu’elles avaient également cultivés, leur offrirent une nouvelle ressource contre l’ennui et le désœuvrement : mais le plus puissant remède qu’elles trouvèrent à leurs peines, ce fut l’amitié qu’elles conçurent l’une pour l’autre, et l’entière confiance qui en fut la suite. Constance apprit de madame de N*** tous les secrets de sa vie, et les motifs de son arrestation, qui la rendirent encore plus respectable à ses yeux ; à son tour elle lui fit part de la cause de son dévouement ; elle se livra au plaisir de parler de ses parens, et son cœur ingénu ne craignit pas de se montrer tout entier à son amie : elle lui raconta ce qu’elle devait à Firmin, et lui laissa voir l’attachement qu’elle avait pour cet aimable jeune homme. La comtesse en fut encore plus pénétrée d’admiration pour l’héroïsme de Constance, qui sacrifiait à la nature, non-seulement sa jeunesse et sa liberté, mais encore tout espoir d’être unie à celui qu’elle aimait.

Le gouverneur avait tant d’estime pour ses prisonniers, qu’il se plaisait souvent à les visiter ; il avait appris quelque chose de l’histoire de Constance, et on l’avait instruit que son père et sa mère étaient venus habiter Saint-Mandé ; il crut pouvoir se permettre de lui annoncer cette nouvelle qui devait servir à la consoler. Mademoiselle Beauval apprit, avec un vif attendrissement, cette nouvelle preuve delà tendresse de ses parens. Le gouverneur mit le comble à sa joie, en ajoutant que l’air de la campagne, et l’aisance doht elle jouissait, avaient fortifié la santé de sa mère, et que, malgré les chagrins dont elle était accablée, ses forces revenaient sensiblement ; que le retour du printemps avait aussi produit un bon effet sur son père ; qu’il commençait à marcher, et que sa femme le conduisait tous les jours sur une petite éminence, d’où ils pouvaient contempler le château.

De douces larmes baignaient les joues de Constance, à ce touchant récit ; elle ne savait comment exprimer sa reconnaissance au bon gouverneur, qui lui promit de lui donner fréquemment des nouvelles de sa famille, et se retira charmé d’avoir adouci, sans blesser son devoir, les peines d’une infortunée.

Au bout de six mois, M. et madame Beauval reçurent, par le même messager, la somme de 1,000 francs avec ce billet :

« Mademoiselle Constance se porte à merveille ; elle possède toute l’affection de la dame dont elle partage le sort ; elle supplie ses chers parens de mettre des bornes à leur affliction, et de conserver leur santé. »

Ce peu de lignes, quoiqu’il ne fût pas de la main de leur fille, fit grand plaisir à M. et madame Beauval ; ils les communiquèrent à Firmin. Ce bon jeune homme tenait fidèlement l’engagement qu’il avait pris, de remplir envers eux tous les devoirs d’un fils ; il veillait avec un tendre zèle à ce que rien ne leur manquât ; il passait près d’eux ces jours que le Parisien consacre à de frivoles amusemens ; il les dévouait au souvenir de Constance et à la consolation de ses parens. Deux ans après leur séparation, l’oncle de Firmin acheta pour lui un fonds considérable ; il se vit solidement établi dans un quartier avantageux : avec quelle douleur il songeait qu’il eût pu offrir à son amie un sort digne d’elle ! L’aisance dont il allait jouir n’était d’aucun prix à ses yeux, puisqu’il ne pouvait la partager avec elle.

Personne n’ignore les événemens de 1814. La défense de Vincennes, contre les troupes alliées, et la magnanime résolution du brave gouverneur de ne remettra ce château qu’entre les mains du Roi. Je ne rendrai pas compte des alternatives de crainte et d’espérance qu’éprouvèrent M. et madame Beauval, obligés de se réfugier à Paris : ces sentimens sont trop pénibles pour être peints avec vérité. Firmin exposa plus d’une fois sa vie en rôdant autour du château pour savoir quelqnes nouvelles, et en faire part à ses amis ; mais il n’apprenait que des choses vagues, peu propres à calmer leur inquiétude. Un jour que, réunis tous trois, ils s’entre- tenaient de l’objet de toutes leurs craintes, la porte du salon s’ouvre, une dame couverte d’un voile se présente, elle tient par la main une jeune personne, c’est Constance qui se jette dans les bras de ses parens, qui arrose de ses larmes le sein maternel, et qui ne peut exprimer d’une autre manière les sentimens dont son cœur est plein ! Ce sont encore là de ces scènes qu’il faut laisser deviner aux âmes sensibles, puisqu’on ne peut que les affaiblir en cherchant à les décrire. Firmin contemplait avec ravissement le père, la mère et la fille enlacés dans les bras l’un de l’autre, et exprimant leur joie par les plus touchantes caresses. M. Beauval prend enfin la parole : Ma fille, dit-il, embrassez votre frère ; Firmin a été pour nous le plus tendre des fils ; commencez à acquitter votre dette envers lui. Constance, en rougissant, lui présente la joue, qu’il ose à peine effleurer de ses lèvres. Elle se tourne ensuite vers la dame qui s’enivrait de ce touchant spectacle. Mille fois pardon, lui dit-elle, si j’ai pu vous oublier un moment ; la nature est mon excuse. Voilà, mes chers parens, ma protectrice et mon amie ; elle a préféré ce titre à celui de maîtresse ; vous lui devez votre fille ; sans ses bontés, sans ses consolations, je n’aurais pu supporter l’absence de tout ce que j’aime ; son amitié a seule eu le pouvoir d’adoucir mes regrets et mes justes douleurs. M. et madame Beauval rendirent mille grâces à la comtesse ; elle les assura qu’ils ne lui en devaient point, puisque les soins et les consolations avaient été réciproques, et que Constance lui avait rendu avec usure tout ce qu’elle avait pu faire pour elle. Mais, ajouta-t-elle, laissons cela, et parlons de nos affaires. Je viens de recouvrer la liberté, et j’attends un bien plus précieux encore ; mon mari, qui était près du Roi, va m’être rendu ; il est retenu à Cambrai pour le service de sa majesté, et je ne l’attends pas avant huit jours ; je veux, mes amis, passer ce temps au milieu de vous, et qu’il soit employé à assurer le bonheur de ma chère Constance et de l’honnête Firmin ; les circonstances où ils se sont trouvés ont mis leurs vertus dans tout leur jour, et prouvent qu’ils sont dignes l’un de l’autre. Je ne doute pas que M. et madame Beauval ne désirent cette union. — Vous ne vous trompez pas, madame ; mais vous ignorez que ce jeune homme, qui commence seulement à s’établir, dépend d’un oncle, son bienfaiteur, qui ne permettra pas que son neveu épouse une fille sans fortune ; il voudra lui donner une femme dont la dot lui procure les moyens d’étendre son commerce, et de former une bonne maison, Firmin, se jetant aux pieds de M. Beauval, le conjura de ne pas s’opposer aux démarches qu’il voulait faire auprès de son parent, dont il connaissait le bon cœur, et qui, disait-il, se rendrait non-seulement à ses ardentes prières, mais à l’admiration que lui inspirerait la conduite de Constance. Je le pense comme vous, dit la comtesse, et je crois que les 40,000fr. dont je suis redevable à mademoiselle Beauval, et que mon notaire lui comptera le jour de la signature des articles, aplaniront toutes les difficultés. Tous le yeux se fixèrent sur madame de N…, avec l’expression de la surprise. Constance se jeta dans ses bras en la conjurant de mettre des bornes à ses bienfaits : J’accepterai, lui dit-elle, de mon excellente amie, ce qui sera absolument nécessaire pour la subsistance de mes parens, au cas que le mariage dont on s’occupe n’eût pas lieu ; s’il se faisait, je ne rougirais pas de tout devoir à mon époux, et mes efforts, pour le seconder dans son commerce, nous mettraient, je l’espère, en état de soutenir mon père et ma mère. En vérité, mademoiselle, reprit la comtesse, je trouve très étrange que vous vouliez m’empêcher de payer mes dettes. Vous imaginez-vous que nos engagemens soient rompus ? Vous vous êtes donnée à moi pour vingt ans ; j’ai promis 40,000 francs comme un faible prix d’un si grand sacrifice ; s’il a plu au ciel d’abréger le temps de notre épreuve, cet événement imprévu ne peut détruire un contrat sacré. Je retrouve ma liberté, un époux chéri ; je rentre dans la jouissance de tous mes biens, et comme je ne veux point qu’ils soient grevés par l’obligation de payer une rente, vous permettrez, s’il vous plait, que je m’acquitte de mes dettes, ne fût-ce que pour les liquider. Madame de N… ne voulut écouter aucune représentation ; elle pressa l’union de Constance et de Firmin, qui obtint facilement le consentement de son oncle ; elle présida aux noces dont elle voulut faire tous les frais ; et, en quittant cet heureux couple pour se réunir à son mari, elle fit promettre à madame Firmin de venir tous les étés passer au moins un mois à un château qu’elle avait en Normandie.

M. et madame Beauval vivent chez leurs enfans, dont la tendresse et les soins empressés prolongeront leurs jours ; ils ont la satisfaction de serrer dans leurs bras les enfans de leur chère Constance, et celle-ci reçoit le prix de sa piété filiale par l’estime respectueuse qu’elle inspire, et par la constante tendresse d’un époux qui croit posséder en elle la première de toutes les femmes.


CONTE II.

LA PETITE VILLE,
OU
LA CALOMNIE.




Le genre humain n’est qu’une grande famille répandue sur toute la surface de la terre : nous avons tous une origine céleste, puisque nous devons l’être au Tout-puissant ; mais, lorsqu’il a formé l’univers, il n’a voulu, dans sa sagesse, créer qn’un couple unique, et l’a seul chargé de peupler toutes les parties du monde, afin que tous les hommes, descendant d’un même père et d’une même mère, fussent unis par les liens de la fraternité, s’aimassent, se secourussent mutuellement, et se regardassent comme les membres d’une même famille.

Par quelle fatalité la conduite de l’homme est-elle diamétralement opposée aux vues de son Créateur ? Dès le commencement du monde, nous voyons le frère s’élever contre son frère ; le juste Abel devient la victime de la jalouse fureur de Caïn : ces affreux exemples se multiplient en même temps que l’espèce humaine, et bientôt les plus viles passions, le sordide intérêt, la basse envie, l’orgueil et l’ambition divisent les enfans d’Adam, font naître des querelles, amènent des guerres sanglantes, et désolent ce bel univers, ouvrage de la main d’un Dieu, et au lieu de l’ordre admirable qu’il y a établi, y font régner le trouble et la confusion.

Si je te présente, ma Delphine, des réflexions aussi sérieuses, c’est pour en amener d’autres qui conviennent mieux à ton âge et à ton sexe, fait pour embellir la société, pour adoucir la rudesse de l’homme ; c’est lui qui devrait entretenir l’union dans la grande famille, et trop souvent son influence ne sert qu’à la troubler. Les petites jalousies des femmes, leur rivalité dans l’art de plaire ; mais plus que tout cela, le désœuvrement où un grand nombre d’elles vivent, et ce besoin insatiable de parler, qu’on leur reproche avec tant de raison, sont la source de cette humeur médisante qui devient souvent la cause des plus grands malheurs ; mais on en ignore souvent les funestes effets, et telle qui s’endort tranquillement, après avoir, par un propos indiscret, porté un coup mortel à la réputation d’une fille innocente, frémirait si elle connaissait les suites affreuses de sa légèreté.

C’est surtout dans les petites villes que s’exerce cette fureur de blâmer les actions des autres, de juger sur les apparences, et même de prêter aux choses les plus innocentes des intentions coupables. On est plus rapproché, on se connaît davantage ; on n’est point distrait par le spectacle varié et le mouvement continuel qu’offre une capitale ; les sujets de conversation manquent souvent : de là ce caquetage insignifiant que l’on ne ranime qu’au moyen de réflexions malignes et de railleries amères sur le compte des absens.

J’ai coutume, ma chère enfant, d’appuyer les avis que ma tendresse te donne par des faits dont j’ai souvent été moi-même témoin. L’histoire de Clémentine Vernange te montrera les dangers de la médisance, et t’engagera sans doute à veiller sur toutes les paroles, pour te préserver des reproches affreux que tu le ferais, si tu devenais la cause de la perte d’un être que, par le commandement exprès de la Divinité, tu dois aimer comme toi-même.

Clémentine avait perdu son père en has âge ; sa mère, que la médiocrité de sa fortune obligeait à l’économie, s’était retirée au couvent, où les maîtres étaient moins chers que dans le monde. Madame Vernange assistait à toutes les leçons de sa fille, et l’élevait dans une simplicité qui convenait à l’état de ses affaires. Un vieil ecclésiastique venait tous les matins dire sa messe à cette communauté ; il passait ensuite dans la sacristie, où on lui servait une tasse de chocolat. Elle lui était apportée par une petite pensionnaire, et toutes se disputaient cet emploi. Bientôt Clémentine en obtint le privilège exclusif. Quoiqu’elle n’eût que huit ans, le bon abbé Ducosquer avait trouvé tant de charme dans sa conversation aussi naïve que sensée, qu’il demanda qu’on la lui envoyât tous les matins. La petite Vernange était née avec la soif de s’instruire ; l’étude n’était pour elle qu’un amusement qu’elle préférait à tous les jeux de son âge. La ville qu’elle habitait, petite et peu peuplée, offrait bien peu de ressource pour l’éducation ; ses maîtres ne pouvaient lui donner que des connaissances très bornées, comme leurs lumières ; aussi les embarrassait elle souvent par les questions que lui suggérait l’avide désir de savoir. Combien elle se trouva heureuse, lorsque son vieil ami se chargea de résoudre toutes les difficultés, d’éclaircir ce qu’il y avait d’obscur dans les leçons qu’elle recevait, et de lui en donner de nouvelles et de plus étendues ! Tous les principes de la langue française lui furent bientôt familiers, et l’exactitude de son orthographe étonnait tout le monde. Au bout de six mois d’étude, elle servit de secrétaire à sa mère, qu’une santé très délicate rendait incapable d’application, et qui avait beaucoup d’affaires relatives à la tutelle de sa fille. Clémentine, à neuf ans, s’enfermait les jours de courriers pour écrire à un avocat ou à un procureur. Madame Vernange lui disait en substance le sujet de la lettre, et elle le développait avec clarté et précision.

Un trait assez plaisant montre le goût que cette enfant avait pour l’étude ; en furetant dans la petite bibliothèque de sa mère, elle trouva un volume intitulé : Méthode du blason, et orné de beaucoup d’estampes représentant des écussons de toute espèce, avec leur explication détaillée en termes de l’art. Voilà ma petite fille enchantée de sa découverte ; c’est une science nouvelle qui lui semble qu’elle peut acquérir sans le secours de personne ; c’est une mine qu’elle va exploiter, et quelle charmante surprise ne causera-t-elle pas à sa mère et à l’abbé ! Plus fière qu’un conquérant, qui vient de découvrir une contrée nouvelle qu’il peut soumettre à son obéissance, Clémentine s’empare du livre, consacre à l’étudier tous ses momens de récréation, et, au moyen d’une intelligence rare et de la mémoire la plus heureuse, parvient à le comprendre, à en retenir les termes bizarres, et se met en état d’expliquer toutes les armes qu’on pourra lui présenter. Sûre de ses nouvelles connaissances, elle choisit, pour les mettre au jour, le dimanche suivant, où elle devait dîner avec sa mère chez l’abbé Ducosquer. Au dessert elle se lève le cœur palpitant, et présentant à madame Vernange le livre de blason, elle lui indique différentes armoiries, et lui en donne une explication détaillée. Les champs de gueules, de synople, les pals, les besans, etc., tous ces mots barbares s’étaient classés dans sa jeune tête, et mis chacun à sa place. Clémentine n’était pas exempte d’amour-propre, elle jetait sur sa mère un regard furtif pour jouir de l’impression que devait lui faire cet étalage de savoir. Madame Vernange la laissa achever ; puis d’un ton froid et sévère : Ma fille, lui dit-elle, lorsqu’une jeune personne veut diriger elle-même ses études, lorsqu’elle néglige de prendre l’avis d’un guide éclairé, elle s’expose à perdre un temps précieux, et à meubler sa mémoire de choses aussi vaines qu’inutiles. Nous ne tenons en rien à la noblesse ; mais, notre famille est distinguée dans la bourgeoisie, par de bonnes mœurs et une probité héréditaire : laissons donc l’étude des armoiries à ceux à qui leurs ancêtres ont transmis le droit d’en avoir, et contentons-nous des titres que les nôtres nous ont laissés à l’estime de nos concitoyens. La pauvre Clémentine fut très sensible à cette réprimande, et ses yeux se remplirent de larmes ; mais l’abbé prit la parole pour justifier sa bonne intention, et répondit pour elle que cette leçon la corrigerait pour toujours de vouloir se conduire par ses petites lumières. L’aimable enfant en fit la promesse, et un baiser de la bonne mère lui fit oublier son petit chagrin.

La fête de madame Vernange approchait ; Clémentine tourmentait l’abbé, qui faisait des vers charmans, pour en obtenir quelques couplets analogues à cette circonstance ; il le lui avait promis, mais des occupations imprévues l’empêchèrent de lui tenir parole. Le beau jour arriva, et Clémentine, désolée de n’avoir rien à chanter à sa mère, passa une partie de la nuit à composer trois couplets pleins d’âme et de sensibilité. Madame Vernange en fut très attendrie, et s’empressa de les montrer à l’abbé Ducosquer, qui découvrit, par cet essai, que son élève avait pour la poésie les plus heureuses dispositions. Il se fit un plaisir de les cultiver, et, après avoir enseigné à Clémentine les règles de la versification, il l’encouragea à composer de petites pièces fugitives ; il lui en faisait remarquer les défauts, les corrigeait avec elle ; mais il lui présenta toujours cette occupation comme un délassement d’études plus sérieuses, propre seulement pour une femme à semer quelques fleurs sur le chemin de la vie.

Je m’arrête avec plaisir sur l’heureuse enfance de Clémentine ! Jours fortunés du jeune âge, dont on ne connaît le prix que lorsqu’ils sont loin de nous, votre touchant souvenir fait quelquefois diversion aux maux qui nous assiègent ; c’est un baume qui rafraîchit notre sang quand il est aigri par le malheur !

Un murmure sourd annonçait depuis long-temps cette affreuse révolution qui précipita la France dans un abîme de maux. Bientôt elle éclata dans toute sa violence ; le trône fut renversé ; les autels ébranlés ; les vierges du Seigneur, chassées de l’asile qu’elles s’étaient choisi, furent jetées au milieu d’un monde où elles étaient étrangères ; les ministres d’un Dieu de paix qui refusaient de prêter un serment impie et sanguinaire, furent persécutés avec fureur. Pour éviter la mort ou la déportation, plusieurs prirent la fuite, et trouvèrent, au milieu des bois, dans des chaumières isolées, un refuge qu’on leur eût refusé dans des villes infectées des principes révolutionnaires. L’abbé Ducosquer fut de ce nombre ; il disparut, et, quelques recherches que fissent les agens du despotisme, ils ne purent découvrir son asile.

Madame Vernange fut une des victimes les plus malheureuses des événemens qui se succédaient. Sa fortune consistait en une portion d’habitation située à l’île Saint-Domingue ; cette colonie perdue pour la France, ses revenus furent anéantis. Il ne resta d’autre ressource pour elle et pour sa fille, que le travail de leurs mains. Elles avaient quitté le couvent en même temps que les religieuses, et loué un petit logement dans le quartier le plus tranquille de la ville. Clémentine entrait alors dans sa quinzième année ; elle supporta avec beaucoup de courage le changement de sa situation ; elle ne s’occupa que d’adoucir les peines de sa mère, et sa tendresse ingénieuse lui en fournit mille moyens. Madame Vernange n’avait pas négligé d’apprendre à sa fille tous les petits ouvrages de son sexe. Clémentine, adroite comme les fées, cousait parfaitement, brodait au métier et à la main, et nuançait avec tout le goût possible : ces petits talens que jusqu’alors elle n’avait cultivés que pour son amusement, lui devinrent d’une grande utilité. Elle demanda de l’ouvrage à toutes ses connaissances, et bientôt la perfection de son travail, la fraîcheur et la propreté de tout ce qui sortait de ses mains, la fit préférer à toute autre ouvrière. Madame Vernange, dont la vue affaiblie ne lui permettait pas de partager ces occupations, se chargea de tous les soins de leur petit ménage, ainsi que d’entretenir le linge et les vêtemens ; en sorte que Clémentine, n’étant point détournée de son ouvrage, se levant avec le jour, et animée par le désir d’être utile à sa mère, faisait un gain suffisant pour fournir à leurs besoins, qui se bornaient au simple nécessaire.

On pourrait imaginer que cette jeune personne, dans une position si fâcheuse, trouvait son sort bien malheureux ; c’est qu’on ne connaît pas la délicatesse et la sensibilité de son âme ; elle remplissait un devoir sacré, non comme une tâche pénible, mais comme la source des jouissances les plus pures. Travailler pour sa mère, la distraire et la consoler par les charmes de sa conversation, et par une gaieté soutenue, c’était pour elle le bonheur. Madame Vernange, qui voyait les vertus de sa fille s’épurer au creuset de l’adversité, goûtait de nouvelles douceurs dont elle n’avait pas eu d’idée avant ce temps d’épreuves.

Trois années s’écoulèrent dans cette situation. Clémentine venait d’atteindre dix-sept ans, lorsque sa mère lui fut enlevée, en trois jours, par une fièvre maligne. Elle perdit la connaissance dès les premiers instans de &a maladie, et mourut sans la recouvrer. Ce fut pour elle un bonheur, puisque l’abandon où elle laissait sa fille, eût rempli ses derniers momens de douleurs et d’amertume.

Madame Gélin, propriétaire de la maison, était une femme de soixante-dix ans ; son revenu très borné ne suffisait à ses besoins qu’au moyen de la plus sévère économie. Elle estimait ses locataires ; elle admirait surtout la modestie de la jeune fille ; son assiduité au travail et l’égalité de son humeur. Elle fut pénétrée de la perte qu’elle venait de faire, et s’empressa de venir partager sa douleur, et lui offrir tous les secours que les circonstances exigeaient. La pauvre Clémentine, absorbée par le sentiment de son malheur, paraissait aussi inanimée que le corps qu’elle pressait dans ses bras. Madame Gélin employa la voix puissante de la religion, pour modérer une affliction aussi légitime. L’infortunée, après avoir donné un dernier baiser à sa bonne mère, consentit à suivre madame Gélin, qui l’emmena dans son appartement, et se chargea de faire rendre les derniers devoirs à madame Vernange.

Clémentine n’avait rien à attendre de sa famille. Tous ses parens étaient ou détenus ou en fuite. Madame Gélin, qui avait un cœur excellent, fut vivement touchée de l’abandon où elle se trouvait, et, lorsque sa douleur fut plus tranquille, elle lui parla en ces termes :

« J’ai beaucoup réfléchi sur votre situation, ma chère enfant ; je sais que votre travail peut toujours vous suffire, et vous mettre au-dessus du besoin ; mais votre jeunesse ne vous permet pas de vivre seule ; si la compagnie d’une femme de mon âge, si mes infirmités ne vous rebutent pas, soyez ma compagne et mon amie ; venez occuper un cabinet qui communique à ma chambre ; acceptez ma table, c’est tout ce que je puis vous offrir ; mais vos petits ouvrages fourniront facilement à votre entretien : vous ne devrez rien, puisque la pension que je vous donnerai, sera un dédommagement du temps que je vous ferai perdre, par les soins que la vieillesse exige, et que j’attends de votre amitié. »

Clémentine fut pénétrée de reconnaissance pour des offres si généreuses, et faites avec tant de délicatesse ; elle les accepta avec joie ; et sa protectrice trouva bientôt qu’en suivant l’impulsion de son cœur sensible, elle avait travaillé pour elle-même. Les soins, les complaisances de son aimable compagne, adoucirent ses maux, charmèrent ses ennuis et semèrent de fleurs le déclin de sa vie.

Madame Gélin avait un jugement sain, mais peu d’esprit, et encore moins de connaissances acquises ; une piété sincère avait dirigé toute la conduite de sa vie : sa conversation roulait ordinairement sur les maximes qu’elle avait recueillies dans les livres saints, qui étaient sa seule lecture ; quand elle traitait ces sujets, elle devenait éloquente ; elle attendrissait, et elle persuadait. Clémentine sut se conformer à sa manière d’être ; leurs entretiens étaient de la plus grande simplicité ; la jeune personne se défendait tout ce qui pouvait déceler la supériorité de son esprit, et se mettait sans peine à la portée de son amie. Son âme, pleine de candeur et d’innocence, goûta facilement les charmes de la piété ; la Providence lui ménageait sans doute ce puissant secours pour supporter les épreuves qu’elle lui destinait.

Le receveur des impositions, jeune homme de vingt-huit ans, plein d’esprit et de mérite, eut quelques affaires à traiter avec madame Gélin ; Clémentine travaillait auprès d’elle. Lebel, c’était le nom du receveur, fut frappé de la douceur de sa physionomie ; lorsqu’il eut exposé le motif de sa visite, elle se leva, le salua gracieusement en passant devant lui, et se retira dans son cabinet. Il la suivit des yeux en admirant sa taille légère et la grâce de tous ses mouvemens. Après avoir parlé de l’affaire qui l’amenait, Lebel demanda à madame Gélin si la jeune personne qu’il venait de voir était sa parente ; la vieille dame répondit à cette question par le récit des malheurs de Clémentine : ensuite elle s’étendit sur ses qualités aimables ; la bonté de son cœur, la douceur de son caractère, la fermeté de son âme, sa conduite modeste et réservée reçurent les éloges qu’elles méritaient. Quoique ce panégyrique fût un peu diffus, il fut loin d’ennuyer Lebel, qui prolongea cet entretien autant qu’il put, et se retira pénétré de ce qu’il venait d’entendre, non sans se ménager un prétexte pour revenir bientôt.

Lebel était fils unique d’une veuve qui habitait sa terre à quelques lieues d’A… Elle avait obtenu pour lui la place qu’il occupait dans cette petite ville, afin de ne pas vivre trop loin de lui et d’être à même de le voir fréquemment. Il allait ordinairement passer les jours de repos avec sa mère, qu’il respectait et aimait de tout son cœur. Elle désirait depuis long-temps de le voir marier, mais il n’avait encore trouvé dans aucune femme les qualités qui pouvaient l’attacher. Ce n’était pas de frivoles agrémens qui devaient fixer son cœur : il ne les estimait qu’autant qu’ils étaient joints à une vertu solide, mais douce, aimable et indulgente. Le portrait que lui avait fait madame Gélin, de sa jeune amie, était celui de l’objet idéal qu’il s’était souvent représenté ; il résolut d’examiner par lui-même si l’amitié ne l’avait point flatté. Il retourna fréquemment dans cette maison, observa d’abord Clémentine avec assez de sang-froid ; mais bientôt un sentiment plus tendre, né de l’estime la plus parfaite, le domina avec d’autant plus de force, que c’était la première fois qu’il l’éprouvait. Ce fut en présence de madame Gélin qu’il en fit l’aveu ; il demanda à cette dame la main de sa protégée, s’il était assez heureux pour ne pas lui déplaire. Clémentine, depuis qu’elle le connaissait, cherchait à se défendre de l’inclination qu’elle sentait pour lui ; dénuée de fortune et même d’espérance pour l’avenir, elle ne pouvait se flatter de faire un établissement aussi avantageux. Le désintéressement du jeune homme la surprit et augmenta son estime pour lui ; mais elle combattit son projet par toutes les raisons que sa délicatesse put lui suggérer ; elle lui représenta surtout la difficulté d’obtenir le consentement de sa mère pour une union aussi disproportionnée du côté de la fortune. Lebel l’assura qu’il était sûr de l’obtenir, puisqu’elle ne demandait de lui, dans le choix d’une épouse, qu’une famille honnête, une conduite irréprochable et une réputation sans tache. Vous possédez tous ces avantages, chère Clémentine, ajouta-t-il, et si vous n’avez point d’autres obstacles à m’opposer, dès demain je vole aux genoux de ma mère, et j’en obtiens la seule femme qui puisse assurer mon bonheur. Madame Gélin, transportée de joie, se rangea du parti de l’amant, et Clémentine confuse, mais doucement émue, écouta en silence les arrangemens que faisaient la vieille dame et le jeune homme, dont les expressions vives et les regards passionnés couvraient son front d’une modeste rougeur.

Lebel partit effectivement le lendemain, et deux jours après Clémentine reçut la lettre suivante :

« Combien je vous dois de reconnaissance, mademoiselle ! Grâce à vous, je verrai bientôt rempli le plus cher désir de mon cœur ; vos grâces et vos vertus ont triomphé de l’insensibilité de mon fils ; en vous priant d’agréer sa recherche, je sais que je m’assure une fille digne de toute mon estime, dont les qualités aimables feront le charme du reste de ma vie, et rendront mon fils aussi heureux qu’il mérite de l’être. Je souhaiterais qu’une union si désirée pût se terminer promptement, mais des affaires de famille que j’ai encore à régler, m’obligent de demander à mon fils un délai de quatre mois. Chargez-vous, aimable Clémentine, de modérer son impatience ; que votre digne protectrice lui continue ses bontés et lui permette de vous voir sous ses yeux. Vos doux entretiens abrégeront ce temps d’épreuves, après lequel je m’empresserai de vous présenter moi-même la main du fils le plus tendre et le plus respectueux, qui ne peut manquer d’être le meilleur des époux, etc. »

Une lettre aussi flatteuse satisfit également celle à qui elle s’adressait et sa respectable amie ; Lebel, à son retour, fut reçu de cette dernière comme l’enfant de la maison. Il s’établit entre ces trois personnes une douce intimité, une confiance parfaite, et le jeune homme, content de sa situation présente, attendait avec résignation l’époque fixée par sa mère pour l’accomplissement de ses vœux les plus chers.

Madame Gélin, quoique bornée dans ses moyens, trouvait, par l’ordre qui régnait dans son ménage, et les privations qu’elle savait s’imposer, la faculté d’être utile aux malheureux. Clémentine, depuis qu’elle vivait auprès d’elle, était la dispensatrice de ses libéralités ; on était alors à cette époque désastreuse où une disette factice désolait la France. Des familles entières, consumées de besoins, suppléaient au pain qui leur manquait, par des alimens malsains qui achevaient de détruire leurs forces et leur santé. Des mères, entourées d’enfans en bas âge, avaient le cœur déchiré des plaintes et des gémissemens que la faim leur arrachait. Quel vaste champ pour l’active charité de nos deux amies ! Clémentine, de grand matin, parcourait les environs de la ville, visitait les chaumières les plus misérables, et, chargée de quelques petits pains, qu’il fallait encore cacher soigneusement, distribuait ce soulagement suivant le besoin de chaque famille.

Un jour que son zèle l’avait emportée plus loin qu’à l’ordinaire, elle découvrit une chétive cabane éloignée de toute autre habitation, et dont le seul aspect donnait l’idée de l’excessive misère de ses habitans ; elle frappe doucement, et ne recevant point de réponse, elle ouvre une porte fermée par un simple loquet de bois. Elle entre dans un bouge obscur et infect, et n’y trouvant personne, elle pénètre dans une chambre de derrière, où, sur un banc vermoulu, elle découvre un vieillard vénérable enveloppé d’une mauvaise redingote, et portant sur son visage l’empreinte de la misère et de la maladie, et dans ses yeux le calme de la résignation. Clémentine lui adresse avec attendrissement quelques questions sur son état et sur les moyens de l’adoucir. À peine sa douce voix a-t-elle frappé les oreilles du vieillard, qu’il saisit sa main, la serre dans les siennes et l’arrose de larmes. Clémentine, aussi surprise que touchée, le regarde attentivement, et dans ces traits défigurés par de longues souffrances, reconnaît ceux de son respectable instituteur, du tendre ami de son enfance. Mille sentimens confus vinrent assaillir l’âme sensible de la jeune fille ; la joie, la douleur s’y combattaient ; elle ne put d’abord s’exprimer que par un déluge de pleurs, mais l’abbé Ducosquer la pria de modérer son affliction. Ma fille, lui dit-il, ne songez pas seulement à ce que je souffre, mais à la cause pour laquelle je souffre ; croyez surtout que ce moment de joie, que la Providence m’accorde, me fait oublier des années de peines. Je retrouve mon élève chérie et je la retrouve dans l’exercice des vertus qu’elle annonçait dès ses jeunes années ; béni soit Dieu, qui me réservait cette consolation avant de m’appeler à lui !

L’abbé fit ensuite à Clémentine le récit de toutes les fatigues qu’il avait essuyées et de tous les dangers qu’il avait courus. Toujours errant de bourgade en bourgade, manquant souvent du nécessaire, sans cesse au moment d’être découvert, ce dernier péril l’avait amené dans cette chaumière isolée et presque inconnue, où, privé d’air et d’alimens, il était dévoré d’une fièvre ardente, dont il attendait la fin de ses maux, plutôt que des quatre-vingt-six ans qu’il venait d’atteindre.

Clémentine raconta à son tour tout ce qui lui était arrivé depuis leur séparation, et fit part à son ami de sa situation présente et du mariage qu’elle devait contracter ; puis revenant à l’objet qui l’occupait alors le plus fortement, elle pria le vieillard de lui permettre de mettre madame Gélin dans la confidence du bonheur qu’elle avait eu de le retrouver, afin qu’elles pussent aviser ensemble aux moyens de lui procurer les secours et les remèdes que sa maladie nécessitait. Il y consentit, mais en exigeant de Clémentine la promesse solennelle que cette dame serait la seule à qui elle découvrirait son asile et même son existence.

Madame Gélin était très inquiète du retardement de sa jeune amie. Quand celle-ci lui eut raconté ce qui venait de lui arriver, elle se réjouit avec elle de connaître la retraite de l’abbé Ducosquer et de pouvoir adoucir ses maux ; elle jugea qu’ils n’étaient causés que par l’excès de la misère, et que des alimens sains et un régime fortifiant suffiraient pour le rétablir. Le peu d’argent que la vieille dame avait en réserve, fut destiné à se procurer du vin vieux, du chocolat de santé, et de la volaille pour des bouillons. Clémentine les préparait dans la chambre de madame Gélin, ne voulant pas se confier à la fille qui les servait, et tous les matins elle portait à la chaumière ses petites provisions, et faisait prendre au vieillard ce qu’elle croyait propre à le soulager ; elle passait ordinairement une heure auprès de lui, et ne le quittait qu’après avoir recommandé à la vieille Brigitte, qui habitait cette cabane, tous les soins qu’elle jugeait nécessaires à son cher malade. Bientôt elle eut la satisfaction de le voir reprendre des forces ; il recouvra le sommeil et l’appétit, et sa santé se rétablit entièrement.

Combien alors Clémentine se trouvait heureuse ! Ses matinées étaient consacrées à la reconnaissance et à l’humanité ; les après-midi elle jouissait de la vue et de la conversation de l’ami de son cœur, qu’elle trouvait chaque jour plus digne de son attachement ; le soir, retirée dans son cabinet, elle repassait avec une douce joie toutes ses actions de la journée, et n’y trouvait aucun sujet de remords ou de repentir. Souvent elle prolongeait son travail bien avant dans la nuit. S’apercevant que les moyens de madame Gélin ne pourraient long-temps suffire aux engagemens que sa bienfaisance lui faisait prendre, elle se proposa d’y suppléer par le produit de ses ouvrages, et ce motif lui donna une nouvelle activité.

Tandis que l’innocente Clémentine goûtait ces jouissances pures, que la vertu seule peut donner, la méchanceté travaillait sourdement à détruire son bonheur. Le bruit de son prochain mariage s’étant répandu, des mères, qui avaient désiré cette alliance pour leurs filles ; des jeunes personnes, à qui Lebel paraissait un parti avantageux, éprouvèrent un secret dépit de la préférence qu’obtenait une fille sans bien, qui vivait des bienfaits de sa protectrice. Tant qu’on l’avait vue pauvre et délaissée, comme elle n’excitait point l’envie, on rendait justice à sa conduite. On la citait même comme un modèle de réserve et de modestie ; mais lorsque le sort heureux qui se préparait pour elle, l’eut rendue l’objet d’une basse jalousie, on lui chercha des torts, et la malignité empoisonna ses démarches les plus innocentes. Ses fréquentes sorties à une heure où l’on supposait que sa protectrice était encore endormie, furent attribuées à des motifs criminels, ainsi que le mystère dont elle les enveloppait. Ces bruits circulèrent dans toutes les sociétés ; des femmes, ennuyées de leur oisive existence, répétèrent ces propos malins et les commentèrent pour le seul plaisir de parler ; enfin il demeura constant dans toute la ville, que Clémentine avait quelque intrigue secrète et ne méritait plus l’estime publique ; on s’appitoyait sur le sort du pauvre Lebel, si indignement trompé par une fille artificieuse, et l’on désirait charitablement qu’il pût être éclairé sur la folie qu’il allait faire.

Ces horribles calomnies n’étaient ignorées que des personnes qu’elles intéressaient. Madame Gélin et Clémentine vivaient dans une retraite absolue, et Lebel, qui passait avec elles tous ses momens de loisirs, ignorait tous les propos qui se tenaient. Il n’en fut pas ainsi de sa mère, on eut grand soin de l’en instruire ; avec un génie très borné, elle était crédule, facile à prévenir, et d’une extrême obstination. Elle reçut les fâcheuses impressions qu’on voulut lui donner sur la conduite de sa future belle-fille, et n’écoutant que sa colère, elle manda sur-le-champ son fils, et lui déclara qu’il fallait renoncer à Clémentine, ou encourir sa malédiction. Que devint le malheureux Lebel, à ces terribles paroles ! La surprise et la douleur suspendirent toutes les facultés de son âme ; il ne reprit ses sens que pour demander à sa mère les raisons d’un si cruel changement. La réputation de votre maitresse est perdue, lui dit-elle froidement : j’aimerais mieux mourir que de la voir votre épouse. On peut juger avec quelle ardeur le jeune homme plaida la cause de celle qu’il aimait ; il répondit sur sa tête de son innocence ; proposa d’aller à la source de ces bruits injurieux et d’en démontrer la fausseté ; mais sa mère lui répéta avec la plus grande force qu’elle le renoncerait pour son fils, s’il ne rompait sans retour avec Clémentine ; et que s’il ne se soumettait pas à sa volonté, il serait cause de sa mort. Quelle alternative pour un si bon fils et un si tendre amant ! Il voyait l’impossibilité de ramener sa mère ; il était assuré que mademoiselle Vernange lui refuserait sa main dès qu’elle saurait que madame Lebel s’opposait à leur union. Après avoir tout tenté inutilement pour fléchir cette dernière, le désespoir s’empara de lui ; il prit la poste et alla joindre la troupe qui se rassemblait sous les ordres du général Moreau, pour défendre nos frontières ; il y obtint du service et un poste honorable, et consacra à son pays une vie qui ne lui promettait plus aucune douceur.

Madame Lebel n’apprit le départ de son fils que par une lettre qui fut trouvée sur son secrétaire, et dont voici le contenu :

« Je vous quitte, ma mère, pour vous conserver l’obéissance que je vous dois. Vous préférez, dites-vous, la mort à mon union avec celle que j’aime ; moi je la préfère à la nécessité de manquer à des engagemens aussi chers que sacrés. Je vais la chercher au milieu des ennemis de ma patrie ; j’ai le pressentiment qu’elle ne tardera pas à me délivrer du malheur de vivre dans votre disgrâce, ou de manquer de foi à celle que j’estime autant que je l’aime. Pardonnez-moi le chagrin que je vais vous causer, et songez avec bonté au plus soumis des fils. »

Quelque entêtée que fut madame Lebel dans ses résolutions, elle fut désespérée du parti violent qu’avait pris son fils ; elle dépêcha des gens par diverses routes pour lui ordonner de sa part de revenir près d’elle ; mais comme il avait pris des chemins détournés, il ne fut point arrêté dans sa marche, et arriva sans obstacle à sa destination.

Que ce passait-il à A… pendant ce temps ! Madame Gélin et Clémentine attendaient Lebel à chaque instant, et s’en entretenaient avec le plus vif intérêt. On apporte une lettre dont l’écriture est bien connue ; elle était à l’adresse de madame Gélin pour remettre à mademoiselle Vernange. Celle-ci l’ouvre avec empressement et en commence tout haut la lecture. La voici :

Chère et innocente Clémentine,

« On vous a calomniée près de ma mère ; elle a pris contre vous des impressions que rien ne peut détruire. Elle m’a menacé de sa malédiction si je ne renonçais à vous ; elle m’a juré que sa mort suivrait ma désobéissance. Placé entre l’alternative d’être un fils ingrat et rebelle, ou de sacrifier tout le bonheur de ma vie, et d’abandonner celle que j’aime plus que moi-même ; persuadé d’ailleurs que quand je voudrais être votre époux, contre la volonté de ma mère, votre vertu ne vous permettrait pas d’y consentir, j’ai pris le seul parti qui pouvait convenir à mon désespoir. Je vais joindre l’armée ; sans attenter sur une vie qui m’est odieuse, mais dont je n’ai pas le droit de disposer, j’espère trouver la fin de mes peines en remplissant le devoir d’un citoyen. Votre image adorée me suivra partout ; mon estime et mon respect pour vous n’ont pas souffert la moindre altération, et mon seul espoir est de vous retrouver dans un monde meilleur. Adieu, chère Clémentine, adieu sa bonne et respectable amie ; recevez mes vœux pour votre bonheur, et songez quelquefois au malheureux Lebel. »

La voix de mademoiselle de Vernange s’était altérée par degrés en lisant cette fatale lettre ; elle eut cependant le courage de l’achever, malgré l’impression cruelle qu’elle en recevait. Elle et son amie se trouvèrent dans une confusion d’idées qui leur paraissait l’effet d’un songe pénible, et leur ôtait la faculté de parler ; Clémentine sortit la première de cet état de stupeur. De grâce, dit elle à madame Gélin, ne vous laissez point abattre par l’événement qui m’arrive ; certaine de ne l’avoir pas mérité, j’espère que le ciel me donnera la force de le supporter. J’ignore ce qui a pu détruire ma réputation, mais je ne me reproche aucune de mes actions, ni même de mes pensées ; j’approuve la conduite de Lebel ; en s’éloignant il s’épargne de cruels combats entre le devoir et l’inclination ; je suis heureuse de pouvoir toujours l’estimer et conserver son souvenir ; mais je réglerai mes sentimens, et j’espère retrouver bientôt la tranquillité de mon âme. Madame Gélin admirait le courage de sa jeune amie ; son âge et son caractère la rendaient incapable de le partager ; mais elle eut la prudence de cacher sa faiblesse, et de ne gémir qu’en secret sur les infortunes de celle qu’elle chérissait comme sa fille.

L’abbé Ducosquer, instruit de ce qui venait d’arriver, fut profondément touché des malheurs de son élève ; c’était à lui qu’elle ouvrait son cœur sans réserve ; c’était devant lui qu’elle laissait couler ses larmes sans contrainte ; mais les discours du vieillard, pleins de sagesse et de piété, ranimaient ses forces abattues, et ramenaient le calme dans son cœur agité. La méchanceté qui avait détruit toutes ses espérances de bonheur, avait encore eu d’autres suites. Avant cette époque, plusieurs jeunes personnes lui apportaient elles-mêmes de l’ouvrage, et les charmes de sa conversation les retenaient long-temps auprès d’elle ; ce fut désormais des femmes de chambre qui lui furent envoyées ; lorsqu’on la rencontrait, on évitait de la regarder, pour ne pas répondre à son salut ; elle supportait toutes ces humiliations avec une douceur angélique, et s’en consolait par le témoignage d’une conscience pure et d’un cœur innocent.

Enfin arriva le moment où la France devait respirer sous un gouvernement plus doux. Les prisons furent ouvertes ; les ecclésiastiques eurent la liberté de reparaître, et commencèrent à reprendre leurs fonctions. L’abbé Ducosquer quitta la cabane hospitalière de la pauvre Brigitte, et vint occuper un petit logement à A… Toutes ses anciennes connaissances s’empressèrent de l’aller voir ; on voulait savoir tout ce qui lui était arrivé ; il en faisait le détail à ses amis, et lorsqu’il en était venu à sa rencontre avec mademoiselle Vernange, sa reconnaissance s’exprimait avec feu ; il peignait, avec les couleurs les plus vives, tout ce qu’il devait à ses soins, et aux bienfaits de madame Gélin. Quelle fut sa surprise, lorsqu’il apprit que cette conduite généreuse était la source des calomnies dont mademoiselle Vernange était la victime ! avec quelle ardeur s’empressa-t-il de la justifier, et de faire renaître dans tous les cœurs les sentimens d’estime et d’admiration dont elle était si digne ! La vérité, qu’il montra dans tout son jour, ramena tous les esprits, qui passèrent de leur injuste prévention à l’enthousiasme pour des vertus si long temps méconnues. La modeste Clémentine vit triompher son innocence avec la même modération qu’elle avait montrée dans son malheur ; mais madame Gélin vit avec grand plaisir la confusion des ennemies de sa chère fille, et jouit du mépris qu’inspirait leur malignité. Elle conçut aussi l’idée que l’union projetée pourrait se renouer ; elle s’en occupait secrètement, lorsqu’elle reçut de madame Lebel la lettre suivante.

Madame,

« Votre aimable protégée pourrait-elle refuser à une mère infortunée le pardon qu’elle lui demande J’ai été trop tard détrompée, et mes regrets ne peuvent réparer les maux que j’ai causés. J’ai séparé deux cœurs dignes l’un de l’autre : j’ai réduit mon malheureux fils au désespoir ; il a trouvé à la bataille de… la mort qu’il désirait ; je viens d’apprendre cette funeste nouvelle qui m’a déchiré le cœur. Je suis l’assassin de mon unique enfant, et cette pensée empoisonnera le reste de mes tristes jours. Le testament de mon fils, qui m’a été envoyé, porte un legs de quarante mille francs en faveur de mademoiselle Vernange ; mon cœur le lui confirme, et en daignant l’accepter elle me procurera la seule consolation que je sois capable de goûter. »

Madame Gélin fut consternée à la lecture de cette lettre ; elle la communiqua d’abord à l’abbé Ducosquer, et tous deux n’annoncèrent à Clémentine la mort de son amant qu’avec les plus grandes précautions. Ce coup fut terrible pour elle ; mais sa résignation n’en fut point ébranlée ; elle se prêta aux consolations de ses amis, et reçut leurs soins avec reconnaissance, quoiqu’elle eût préféré se livrer, dans la solitude, à sa douleur et à ses justes regrets. Madame Gélin répondit à madame Lebel, et accepta, au nom de mademoiselle Vernange, le don de l’infortuné Lebel, en assurant sa mère que sa jeune amie ne conservait contre elle aucun ressentiment, et qu’elle avait pour elle le respect et l’affection d’une fille.

Le temps modéra l’affliction de Clémentine, et ne lui laissa de son amant qu’un souvenir tendre et mêlé de quelque douceur. Sa petite fortune fut placée sûrement par les soins de ses amis ; elle jouit alors d’un sort indépendant, et de la faculté de suivre ses inclinations bienfaisantes ; la considération publique l’environnait, l’amitié remplissait son cœur ; et, n’étant plus forcée à un travail assidu, elle avait la faculté de se livrer de nouveau à l’étude, pour laquelle elle avait toujours le même goût, et d’exercer son esprit et son imagination.

L’abbé Ducosquer eut à cette époque la satisfaction de revoir un neveu qui lui était très cher, et que les circonstances l’avaient fait perdre de vue depuis six ans. M. Désessards arrivait de l’armée, où il s’était signalé en plusieurs occasions ; c’était un homme de quarante ans, d’une physionomie noble et spirituelle ; sa taille était fort belle, et les qualités de son âme répondaient à ces avantages extérieurs. Privé de bonne heure de ses parens, son oncle avait formé sa jeunesse ; les vertus qu’il possédait étaient fondées sur des principes solides ; aussi avaient-elles résisté aux orages de la révolution. Dans ce choc d’opinions contraires, il avait su se concilier l’estime de tous les partis, par une conduite constamment honnête et respectable.

L’abbé fut très empressé de présenter son neveu à madame Gélin et à mademoiselle Vernange ; ce que le dernier avait appris de cette jeune personne, l’avait pénétré d’admiration ; sa vue fortifia cette impression ; le voile de modestie dont elle couvrait tant de rares qualités ajoutait à leur charme, et Désessards demeura convaincu qu’elle était la seule femme qu’il pût désirer pour la compagne de sa vie. Bien des obstacles semblaient s’opposer à ses vœux ; le souvenir récent d’un homme qu’elle avait aimé ne permettrait pas sitôt à Clémentine d’écouter d’autres propositions ; elle n’avait que dix-huit ans, et une si grande différence d’âge pourrait l’effrayer ; enfin Désessards se trouvait si éloigné de la mériter, qu’il n’osait se livrer à l’espérance de lui plaire. Cependant il fut encouragé par son oncle, qui désirait vivement cette union. L’abbé passait toutes ses heures de loisir chez madame Gélin. Son neveu vivant avec lui, il était naturel qu’il l’accompagnât ; il fut bientôt goûté de la vieille dame, qui ne trouvait jamais ses visites trop fréquentes. Il faisait avec complaisance sa partie de piquet, et lorsqu’elle était fatiguée du jeu, il s’établissait près du métier de Clémentine, et lui lisait nos meilleurs poètes avec tout le goût possible et cet accent enchanteur qui pénètre jusqu’à l’âme. Quelquefois il accompagnait de sa flûte la douce voix de mademoiselle Vernange ; il dessinait tous ses ouvrages, et ses soins empressés suppléaient au silence qu’il s’imposait. Il s’était écoulé plus d’un an depuis la mort du malheureux Lebel ; l’abbé pressait en vain son neveu de s’expliquer ; le respect et une timidité que le véritable amour inspire, suspendaient l’aveu de ses sentimens ; un motif bien délicat le retenait encore : il craignait que sa fortune, qui était considérable, ne parût à Clémentine le fondement de ses espérances. L’âme noble de cette jeune personne lui étant parfaitement connue, il ne voulait pas qu’elle le soupçonnât d’attacher trop de prix à des biens qui n’en ont que par l’usage qu’on en fait.

Pour terminer toutes ses indécisions, l’abbé résolut, de concert avec madame Gélin, d’agir auprès de mademoiselle Vernange, de lui découvrir les sentimens de son neveu et de pénétrer les siens. Il n’était pas difficile de lire dans cette âme ingénue : sa réponse à ses amis fut aussi simple que franche. La recherche de M. Désessards, leur dit-elle, m’honore et ne me déplait pas ; j’ai pour lui la plus parfaite estime, de l’amitié et de la reconnaissance ; je ne crois pas mon cœur susceptible de sentimens plus vifs ; s’il veut se contenter de ceux que je viens de vous exprimer ; je consens à devenir son épouse, et j’espère en remplir tous les devoirs.

Cette réponse, qui fut fidèlement rendue à Désessards, combla tous ses vœux ; quinze jours après, le mariage fut célébré sans aucune pompe, suivant le désir de Clémentine. Les nouveaux époux partirent pour une terre superbe que Désessards possédait à quatre lieues d’A… Madame Gélin céda à leurs instances et alla habiter un joli appartement dans leur château ; elle reçut jusqu’à sa mort les soins de celle qu’elle avait recueillie dans son malheur. L’abbé Ducosquer s’était aussi fixé chez son neveu ; il vécut encore dix ans, et conserva un jugement sain et une douce gaieté jusqu’à la fin de sa vie.

Jamais ménage ne fut plus heureux que celui de M. et madame Désessards ; ils firent le charme des sociétés, le bonheur de tout ce qui les environnait, et se virent renaître dans des enfans dont la conduite et les vertus furent le complément de leur félicité.




CONTE III.

LA
MÈRE BIEN REMPLACÉE.




La mort de madame de Saint-Alme venait de rompre l’union la mieux assortie ; son époux, inconsolable, s’était promis de ne jamais former d’autres liens, et de vivre uniquement pour les enfans qu’elle lui avait laissés. Octavie, sa fille aînée, âgée de treize ans, était bonne et sensible ; mais étourdie, légère et dissipée. Sa mère voyait ses défauts, et aurait bien voulu les corriger ; mais elle était sur cet article perpétuellement contrariée par sa belle-mère, qui vivait avec ses


La mère bien remplacée. Voilà les enfants soumis du plus indulgent des pères. Dans un sousbois, le père attablé à une table de jardin. Une jeune femme fait avancer deux jeunes enfants vers lui.
La mère bien remplacée. Voilà les enfants soumis du plus indulgent des pères. Dans un sousbois, le père attablé à une table de jardin. Une jeune femme fait avancer deux jeunes enfants vers lui.


enfans, et qui avait pour sa petite-fille une tendresse aveugle et une extrême faiblesse. Elle était âgée et infirme, et la jeune madame de Saint-Alme craignait de la fâcher, et d’augmenter ses maux en résistant à ses volontés. Elle n’avait jamais voulu consentir que sa chère Octavie fût mise en pension ; elle assurait qu’elle mourrait de chagrin si on la privait de cette enfant, et avait exigé que des maitres du dehors vinssent lui donner des leçons.

Après la perte de sa femme, M. de Saint-Alme avait renouvelé ses instances pour obtenir de sa mère que sa fille entrât chez madame C…, dont la pension était bien dirigée, et qui formait des élèves distinguées ; mais la douleur de sa mère, ses reproches et ses emportemens l’obligèrent de renoncer à ce projet ; il voyait avec peine l’éducation de sa fille absolument manquée. Elle prenait ses leçons dans la chambre de sa grand’mère ; mais elle n’y donnait aucune attention, et ne désirait que d’en voir la fin, pour se livrer aux amusemens les plus frivoles. Lorsque madame de Saint-Alme l’engageait à étudier, un mal de tête de commande venait à son secours ; elle avait besoin de prendre l’air, et sa crédule grand’mère l’envoyait au jardin, et n’exigeait plus d’elle aucune application. Son frère Jules, enfant de six ans, et sa petite sœur Hermine, qui n’en avait que trois, étaient négligés et abandonnés aux soins des domestiques. Octavie avait bien d’autre chose à faire que de s’en occuper. L’été, les parties de volant avec de petites compagnes, les courses dans de petits charriots ; l’hiver, les boules de neige et les glissades sur la glace du bassin remplissaient tous ses momens. M. de Saint-Alme occupait une place importante dans une administration. Après une journée, remplie par un travail pénible et fastidieux, il rentrait chez lui à six heures pour dîner. Sa mère, que ses infirmités retenaient dans son appartement, ne paraissait point au salon ; il n’avait d’autre compagnie que celle de ses enfans ; les deux petits arrivaient, le visage et les mains sales, les cheveux en désordre, et les vêtemens tachés ou déchirés ; Octavie, presque aussi négligée, prenait sa place près de son père, après lui avoir fait de tendres caresses, auxquelles il était fort sensible, et qui le distrayaient un moment de ses douloureuses pensées. M. de Saint-Alme cherchait, par des discours sensés, mais pleins de douceur, à tourner l’esprit de sa fille vers des objets utiles ; il lui demandait compte de ses études, lui donnait des leçons de morale qu’il rendait plus frappantes par des exemples tirés de l’histoire ; mais l’ennui que tout entretien raisonnable causait à Octavie, se peignait sur sa figure ; et son père, rebuté du peu de succès de ses efforts, prenait un livre, ou se retirait dans son cabinet.

Il éprouvait encore un autre chagrin ; il s’apercevait que le plus grand désordre régnait dans sa maison. Une femme, chargée de veiller à l’entretien du linge et des habits, s’acquittait très mal de son emploi depuis qu’elle n’était plus surveillée par une maîtresse attentive ; la dépense de la table était presque doublée, sans qu’elle fût mieux servie, parce qu’il se faisait un gaspillage de toutes les provisions. M. de Saint-Alme, accoutumé aux attentions délicates, aux soins empressés d’une femme qui l’adorait, ne pouvait se faire à la négligence de ses gens ; il ne trouvait jamais sous sa main les choses dont il avait besoin ; il était contrarié du matin au soir. Quoique toutes ces considérations lui fissent sentir plus vivement la perte de son épouse et augmentassent ses regrets, elles lui firent aussi naître l’idée de la remplacer, et de mettre à la tête de sa maison une femme intéressée à sa prospérité. Son cœur se révolta d’abord contre ce projet ; mais, l’ayant mûri par de sérieuses réflexions, il prit un parti décisif, se promettant bien de ne consulter dans son choix que la raison, sa tendresse pour ses enfans, et leur véritable intéret. Son année de deuil était écoulée ; mais le tendre souvenir qu’il conservait de madame de Saint-Alme retardait, de jour en jour, l’accomplissement du dessein qu’il avait formé. Enfin, il se décida à en faire part à sa fille, afin de la disposer aux sentimens de respect et d’attachement qu’il voulait exiger d’elle pour sa future belle-mère. Il la fit appeler dans son cabinet ; et, l’ayant prise sur ses genoux, il lui annonça sa résolution, entra avec bonté dans le détail des raisons qui motivaient sa conduite, pour lui en faire sentir la nécessité, et termina en lui disant : Tu vois, chère Octavie, qu’il me faut une compagne qui prévienne mes besoins ; qui, par la douceur de son entretien et les ressources d’un esprit cultivé, me délasse des fatigues de mon état ; qui soigne mes enfans, surveille leurs études, et leur tienne lieu de la mère qu’ils ont perdue. Octavie avait écouté son père sans l’interrompre ; la surprise et le saisissement qu’elle éprouvait lui ôtaient l’usage de la parole ; il se fit tout à coup une grande révolution dans son esprit et dans toutes ses idées ; et, formant sur-le-champ une ferme résolution, elle se laissa glisser aux pieds de M. de Saint-Alme, et elle embrassa ses genoux en fondant en larmes. Étonné d’une si profonde douleur, il la pria de se calmer et de lui apprendre la cause de l’état où il la voyait. Elle reprit un peu de courage, et lui dit d’une voix tremblante : Je sais, mon cher papa, que vous êtes le maître de vos actions, et que je ne dois qu’à votre extrême bonté pour votre Octavie, la faveur que vous me faites en me prévenant de vos desseins ; j’ose cependant en solliciter une plus grande, et qui excitera ma plus vive reconnaissance : c’est, au nom de mon excellente mère, de l’épouse que vous avez tant chérie, que je vous supplie d’accorder encore une année à son souvenir et à nos regrets ; ce temps écoulé, vos volontés s’accompliront sans qu’il m’échappe un soupir ; je serai une fille soumise et respectueuse pour celle que vous aurez jugée digne de remplacer ma mère, et je me souviendrai toute ma vie de la condescendance que vous m’aurez montrée. Ce petit discours entrecoupé de sanglots, les pleurs dont Octavie arrosait les mains de son père, en les couvrant de baisers, tout cela lui causa un tel attendrissement, que quelques larmes s’échappèrent de ses paupières, et se mêlèrent à celles de sa fille. Il la releva, et la serrant dans ses bras : Chère enfant, lui dit-il, je cède à tes prières ; ce ne sera pas en vain que tu auras invoqué le nom de ta mère ; je consens à souffrir encore, pendant un an, tous les inconvéniens qui naissent de mon veuvage, et à te laisser le temps de t’accoutumer à l’idée d’une belle-mère. Comme ce ne sera pas la passion qui me guidera dans mon choix, sois sûre qu’il ne te rendra pas malheureuse.

Octavie remercia son père avec les expressions les plus touchantes ; et, ayant reçu l’ordre de se retirer, elle s’enferma dans sa chambre, où elle se livra, pour la première fois de sa vie, à des réflexions sérieuses et suivies. Elle commença par se rappeler la conduite de sa mère ; l’utile emploi qu’elle faisait de son temps ; l’ordre qui régnait chez elle ; ses soins pour ses enfans ; son aménité avec son époux, dont elle consultait tous les goûts et prévenait tous les désirs ; enfin les charmes de sa conversation, aussi sensée qu’agréable, qui faisaient écouler si promptement les heures de la soirée. Voilà mon modèle, pensa-t-elle ensuite ; dès ce moment toute mon étude sera de l’imiter. Ce fut d’après ces idées qu’elle forma son plan de réforme ; elle fit par écrit une distribution des heures de la journée, qu’elle trouvait bien courte pour tout ce qu’elle voulait entreprendre. Elle s’endormit, l’esprit rempli de son projet, et vit en songe madame de Saint Alme qui lui tendait les bras, et avec un doux sourire la félicitait de l’heureux changement qui s’était fait en elle : elle se réveilla, le cœur plein de joie et animée d’un nouveau courage ; et, se mettant à genoux devant le portrait de sa mère, elle lui promit d’être constante dans ses résolutions.

Octavie se levait ordinairement à neuf heures ; ce jour-là elle fut debout à six, et se promit d’être tous les matins aussi diligente. Après avoir fait sa prière, elle passa deux heures à étudier ses leçons de géographie, d’histoire et de calcul. À huit heures elle entra dans la chambre de son frère et de sa sœur, qu’elle trouva encore au lit ; elle les fit lever, et présida elle-même à tous les soins que la propreté exige. Mais lorsqu’elle voulut leur donner du linge blanc, elle ne trouva dans l’armoire qui renfermait leurs vêtemens, que des chemises déchirées, des bas percés, etc. Les habits de Jules étaient tachés de graisse, et les petites robes d’Hermine étaient en pièces. Il était difficile de remédier à ce désordre. Madame Millet, chargée de tous ces détails, était la favorite de madame de Saint-Alme, à qui elle donnait tous les soins qu’exigeait sa position ; il n’y avait pas moyen de se plaindre de sa négligence ; et, pour se mettre à sa place, il fallait l’obtenir d’elle-même. Voici comment s’y prit Octavie ; elle l’alla trouver, et voici l’entretien qu’elles eurent ensemble :

OCTAVIE.

Je viens, ma chère madame Millet, d’habiller mon frère et ma sœur pour vous en éviter la peine ; en vérité vous avez beaucoup plus d’ouvrage que vous n’en pouvez faire, et je serais charmée de vous débarrasser d’une partie de vos occupations. Vous êtes si utile à ma bonne maman, et vous lui êtes si chère, que je voudrais que vous pussiez rester toujours auprès d’elle ; voulez-vous me charger du soin du linge de la maison et de celui des vêtemens ? je tâcherai de m’en bien acquitter, et vous pourrez jouir d’un peu de repos.


Mme MILLET.

Vous n’y pensez pas, mademoiselle ; savez-vous que ce détail est immense et prendrait tout votre temps ? Il ne nous en resterait plus pour ces parties de jeux que vous aimez tant. J’ai sans doute ici beaucoup de fatigue et d’embarras, mais je suis si attachée à madame de Saint Alme, que je supporte tout pour l’amour d’elle. Je ne puis pas compter sur un enfant pour partager mon travail ; ainsi les choses iront tant qu’elles pourront, et au bout du fossé la culbute.


OCTAVIE.

Je conviens que jusqu’ici je n’ai été qu’un enfant ; mais je vais avoir quatorze ans, et j’ai résolu de renoncer à tous les enfantillages qui remplissaient mon temps. D’un ton caressant. Essayer, ma bonne madame Millet, et que ce soit entre vous et moi ; si je fais bien, vous en aurez l’honneur ; si je fais mal, vous serez la maîtresse de me retirer votre confiance.

Octavie accompagna cette prière de manières si engageantes, que madame Millet se rendit à ses désirs, et lui remit les clefs qui concernaient son nouvel emploi.

Madame de Saint-Alme déjeûnait à dix heures ; Octavie faisait ce repas avec elle : ce jour-là elle se présenta avec une physionomie animée, et un visage si riant, que la vieille dame s’en aperçut. Qu’a donc mon Octavie ? dit elle, après l’avoir tendrement embrassée. Sans doute elle a arrangé quelque partie de plaisir bien agréable, et je vois qu’il faudra donner des cachets à ses maîtres et les remettre à demain. — Non, non, chère maman, j’ai une prière toute contraire à vous faire ; veuillez les engager à redoubler de soins pour mon instruction, et les assurer que désormais ils seront satisfaits de mon application. Charmante petite ! s’écria madame de Saint-Alme, en la serrant dans ses bras ; n’avais-je pas raison de dire qu’il ne faut point tourmenter les enfans, et que ceux que l’on gêne le moins sont souvent les meilleurs sujets ? mais qui t’a donc fait prendre une résolution si subite ? — Maman, c’est l’âge, sans doute, j’ai songé que dans un an je serai regardée comme une grande demoiselle, et qu’il est temps que je renonce aux amusemens de l’enfance.

Les maîtres arrivèrent successivement ; madame de Saint-Alme leur fit part des dispositions de sa petite-fille ; ils en furent charmés, et redoublèrent de zèle, en songeant que leurs soins ne seraient pas perdus. Octavie fut toute attention, et comprit parfaitement ce que ses distractions l’avaient jusqu’alors empêché d’entendre.

Rentrée dans sa chambre, elle fit appeler Suzon ; c’était une jeune fille de seize à dix-sept ans, qui aidait les domestiques et faisait les commissions ; souvent Octavie l’avait détournée de ses devoirs pour jouer à la course avec elle, ou se faire traîner dans son petit carrosse. Elle était douce et timide, et aimait beaucoup sa jeune maîtresse. Suzon, lui dit-elle lorsqu’elle parut, je t’annonce que je suis devenue raisonnable ; comme tu as partagé mes jeux, je veux que tu partages aussi mes occupations ; tu passeras tous les jours deux heures avec moi, et nous réparerons ensemble tout le linge ; si je suis contente de ton travail, je te donnerai six francs par mois ; c’est la moitié de mes menus plaisirs, et je n’en peux pas faire un meilleur usage. La proposition fut acceptée avec reconnaissance, et l’on décida de commencer dès le lendemain. Octavie passa le reste du temps, jusqu’à l’arrivée de son père, avec Jules et Hermine. Elle donna au premier une leçon d’écriture, et lui fit lire deux pages ; Hermine, occupée d’un livre d’estampes, ne dérangea point son frère, et s’amusa sans faire le moindre bruit.

Ces détails pourront paraitre minutieux à mes jeunes lectrices, mais mon but est de leur prouver que rien n’est impossible avec du courage et une volonté ferme ; qu’aucun obstacle ne les arrête lorsqu’elles voudront opérer le bien : Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/147 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/148 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/149 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/150 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/151 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/152 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/153 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/154 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/155 M. de Saint-Alme était très sensible aux marques d’afîection qu’il recevait de sa famille, mais l’objet de cette petite fête ne se présentait pan à son esprit. Lorsqu’on eut fini de manger, les trois enfans se levèrent, et, se jetant à ses pieds : Voici, dit Octavie, les enfans soumis et obéissans du plus indulgent des pères. L’an de grâce est écoulé, votre volonté doit s’accomplir ; nommez-nous, cher papa, nommez-nous celle que nous devons chérir et respecter, puisqu’elle doit faire votre bonheur.

M. de Saint-Alme, dans le saisissement de sa joie, fut quelques momens sans pouvoir répondre ; de douces larmes coulaient sur ses joues ; enfin, pressant sur son sein sa chère Octavie : Mon bonheur est ton ouvrage, s’écria-t-il ; je trouve en toi une compagne, une amie ; c’est tout ce qu’il faut à mon cœur : mes plus jeunes enfans ont retrouvé une mère, rien ne manque plus à ma félicité. La scène qui suivit ne pourrait se peindre avec tous ses charmes ; une joie pure inondait l’âme d’Octavie ; la gaieté bruyante des enfans, les caresses dont ils accablaient tour à tour leur père et leur sœur, qu’ils nommaient leur petite maman, causaient un aimable tumulte qui faisait diversion aux sensations trop vives qu’éprouvaient le père et la fille. On reprit enfin le chemin de la maison, et cette journée fut terminée par les plus doux épanchemens de la tendresse et de la confiance.

Octavie continua de remplir, avec le même zèle, les devoirs qu’elle s’était imposés ; cinq ans après elle fut mariée avantageusement, et n’eut rien à changer dans sa conduite pour être une bonne épouse, une excellente mère, une maîtresse de maison attentive et éclairée. Son époux lui dut son bonheur et ses vertus ; elle sut lui rendre son intérieur si agréable, qu’il ne chercha point hors de chez lui des amusemens souvent dangereux ; elle fut l’exemple des femmes comme elle avait été le modèle des filles vertueuses.


La flatterie. Claire prononça ce petit discours. Une salle très haute de plafond, avec six jeunes femmes assises devant une table. Devant elles, une autre femme debout.
La flatterie. Claire prononça ce petit discours.
Une salle très haute de plafond, avec six jeunes femmes assises devant une table. Devant elles, une autre femme debout.


CONTE IV.

LA FLATTERIE.




Madame Bermance était restée veuve à vingt-quatre ans ; jeune, belle et riche, elle fut aimée, recherchée ; on lui proposa plusieurs partis avantageux ; sa tendresse pour sa petite Virginie, seul fruit de son hymen, ne lui permit pas de céder aux vœux de ses amans, et aux instances de sa famille. Elle avait résolu de vivre uniquement pour sa fille, et de se consacrer tout entière aux soins qu’exigeait son éducation ; elle ne voulait s’en fier qu’à elle-même pour former l’esprit et Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/162 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/163 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/164 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/165 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/166 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/167 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/168 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/169 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/170 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/171 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/172 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/173 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/174 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/175 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/176 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/177 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/178 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/179 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/180 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/181 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/182 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/183 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/184 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/185 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/186 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/187 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/188 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/189 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/190 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/191 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/192 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/193 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/194 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/195 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/196 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/197 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/198 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/199 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/200 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/201 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/202 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/203 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/204 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/205 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/206 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/207 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/208 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/209 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/210 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/211 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/212 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/213 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/214 sans cesse contre la fortune, qui, disait-elle, ne favorise jamais l’esprit et le mérite.

Claire et Virginie passèrent leur heureuse jeunesse dans les douceurs d’une véritable amitié. Madame Dermance les maria avantageusement, et consulta leur cœur autant que les convenances. Leur établissement ne les éloigna point l’une de l’autre, et elles goûtent encore, dans un âge avancé, les charmes du sentiment qui embellissait leurs jeunes années.


CONTE V.

L’INFORTUNÉE IMAGINAIRE,
ET
LA PAYSANNE PHILOSOPHE.




Laure Selmours avait perdu ses parens en bas âge. Héritière d’une fortune considérable, elle était sous la tutelle d’une tante, dont elle était l’idole. Madame Melfort avait pour principe, que l’âge mûr et la vieillesse étant destinés aux peines, aux inquiétudes et aux douleurs de toute espèce, il fallait écarter de la jeunesse l’ombre même du chagrin et de la contradiction, et la laisser jouir de la plus heureuse saison de


L’infortunée imaginaire. Voici mon bon ami deux animaux que je vous prie de loger dans votre étable. Devant un pignon flanqué d’une porte, un homme et une femme parlent. Un peu sur la gauche un jeune garçon mène deux bœux par un lien.
L’infortunée imaginaire. Voici mon bon ami deux animaux que je vous prie de loger dans votre étable. Devant un pignon flanqué d’une porte, un homme et une femme parlent. Un peu sur la gauche un jeune garçon mène deux bœux par un lien.
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devait passer loin de sa chère Marie, qu’elle retrouva l’année suivante avec un plaisir qui surpassait tous les autres.


L’amie invisible. « Déjeuner que Valérie offrira à ses compagnes ». Dans une chambre, un lit dans le fond, une jeune femme penchée sur une table où se trouve plusieurs plats chargés de nourriture.
L’amie invisible. « Déjeuner que Valérie offrira à ses compagnes ». Dans une chambre, un lit dans le fond, une jeune femme penchée sur une table où se trouve plusieurs plats chargés de nourriture.


CONTE VI.

L’AMIE INVISIBLE.




Dans la capitale d’une de nos provinces occidentales, il existait, avant la révolution, un couvent d’Ursulines très renommé pour l’éducation de la jeunesse. La plupart des religieuses étaient des filles du plus grand mérite, et remplies de talens, qui non-seulement formaient leurs élèves à la vertu et aux bonnes mœurs, mais leur donnaient encore ces manières polies et cette urbanité qui font l’agrément de la société. Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/270 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/271 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/272 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/273 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/274 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/275 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/276 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/277 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/278 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/279 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/280 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/281 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/282 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/283 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/284 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/285 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/286 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/287 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/288 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/289 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/290 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/291 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/292 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/293 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/294 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/295 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/296 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/297 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/298 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/299 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/300 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/301 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/302 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/303 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/304 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/305 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/306 elles la félicitèrent de la victoire qu’elle avait remportée sur elle-même, et des suites qu’elle avait eues, et lui promirent de l’admettre dans leur société, distinction très flatteuse pour une si jeune personne. Valérie, avec un guide aussi éclairé qu’il lui était cher, parvint à ajouter aux grâces et aux talens la modestie qui leur donne un nouveau prix.


CONTE VII.

LES
DEUX JOURS DE FÊTE.




Madame Verleur, veuve, à vingt-quatre ans, d’un homme qui aurait pu être son père, jouissant d’une fortune solide, et réunissant les grâces à la beauté, fut vivement pressée de contracter un nouvel engagement ; peut-être eût-elle cédé aux sollicitations de sa famille, si l’amour maternel qui remplissait son cœur y eût laissé place à un autre sentiment. Deux filles encore au berceau réunissaient toutes ses affections ; elle les avait nourries de son lait ; elle jouisPage:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/309 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/310 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/311 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/312 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/313 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/314 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/315 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/316 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/317 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/318 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/319 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/320 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/321 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/322 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/323 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/324 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/325 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/326 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/327 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/328 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/329 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/330 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille.djvu/331 dépens de ses amies. Ah ! je suis guérie pour toujours de l’envie de me faire remarquer et d’effacer les autres. Je veux, ainsi que ma bonne maman, être simple dans mes goûts comme dans ma parure ; et si son exemple ne m’a pas suffi pour me garantir d’une erreur, l’expérience d’un jour me l’a fait connaître et ne m’y laissera pas retomber. Madame Verleur embrassa sa fille avec un vif sentiment de joie, et Césarine tint si bien ses résolutions, qu’elle a toujours été citée comme un modèle de nature et de simplicité.


FIN DU TOME PREMIER.


TABLE
DES MATIÈRES
CONTENUES DANS CE VOLUME.




 
Pages
FIN DE LA TABLE.

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CONTES


D’UNE MÈRE


À SA FILLE,


PAR Mme MALLÈS DE BEAULIEU ;


ORNÉS DE DOUZE GRAVURES.


TOME SECOND.


SECONDE ÉDITION,


REVUE ET AUGMENTÉE DE PLUSIEURS CONTES.




PARIS,
À LA LIBRAIRIE D’ÉDUCATION
DE PIERRE BLANCHARD,
galerie montesquieu, n°.1, au premier.



1820.


CONTES

D’UNE MÈRE

À SA FILLE.




CONTE VIII.

L’ESPRIT ET LE BON SENS.


Madame de Verceil, veuve depuis quelques années, avait deux filles jumelles, qui avaient quelque ressemblance pour la figure et pour la taille, mais dont le moral offrait un contraste frappant. Rosa, douée d’une imagination vive et d’une mémoire heureuse, avait une conversation légère, des saillies brillantes et les plus fines reparties. Dès l’âge de dix ans elle annonçait du talent pour la poésie ; elle faisait de mauvais vers, qui en promettaient de bons lorsque son goût serait formé, et qu’elle aurait étudié les règles. On la trouvait toujours un livre ou une plume à la main, jamais l’aiguille ni la navette. La couture, la broderie, la dentelle, étaient pour elle des occupations ennuyeuses et insupportables. À treize ans, Rosa ne cas que de l’esprit ; passait la moitié de sa vie à orner son esprit, et l’autre à montrer son esprit. Elle se liait indistinctement avec toutes sortes de personnes, pourvu quelles fussent spirituelles, qu’elles sussent parler littérature, et deviner des énigmes. Elle ne pouvait soutenir un quart d’heure de conversation avec des femmes ordinaires, qui ne s’entretiennent communément que de leur Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille - volume 2.djvu/17 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille - volume 2.djvu/18 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille - volume 2.djvu/19 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille - volume 2.djvu/20 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille - volume 2.djvu/21 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille - volume 2.djvu/22 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille - volume 2.djvu/23 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille - volume 2.djvu/24 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille - volume 2.djvu/25 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille - volume 2.djvu/26 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille - volume 2.djvu/27 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille - volume 2.djvu/28 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille - volume 2.djvu/29 Page:Beaulieu - Contes d une mere a sa fille - 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TABLE
DES MATIÈRES
CONTENUES DANS CE VOLUME


 
Pages
L’Esprit et le bon Sens.
5
Aux grands Maux les grands Remèdes.
63
La Bienfaisance délicate.
118
L’Heureux Incendie.
154
Le Billet de Loterie.
177
La Fille sans caractère.
192
La Curiosité punie.
216
Le Retour de pension.
235
La vertueuse Orpheline.
271


FIN DE LA TABLE.
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