Contes d’une mère à sa fille/Préface

À la librairie d’Éducation de Pre Blanchard (p. 11-16).


PRÉFACE.




Mon premier but, en composant cet ouvrage, fut de me rendre utile aux enfans d’une fille chérie et bien digne de l’être. Forcée par d’impérieuses circonstances de vivre à cent lieues d’elle, privée de coopérer à l’éducation de mes petits-enfans, j’ai voulu leur offrir quelques leçons de morale dépouillées de cette sécheresse qui les rend trop souvent ennuyeuses et rebutantes ; je les ai liées à des faits intéressans, mises à la portée du jeune âge et rendues simples comme la nature.

En donnant ce recueil au public, je me plais à croire que les jeunes personnes qui le liront partageront les heureux fruits que j’en espère pour ma famille. Il est doux de travailler pour ces êtres intéressans qu’un poëte aimable a nommés :

    Trésor de la race future.

Cette épithète est d’une grande justesse ; c’est sur les jeunes filles qui s’élèvent à présent, que reposent toutes nos espérances pour la génération à venir ; c’est d’elles que dépendront la réformation des mœurs et l’amélioration de l’espèce humaine ; ce seront les heureux résultats des principes qu’on aura inculqués dans leurs jeunes cœurs, qui, comme des sources fécondes et salutaires, fertiliseront les terres où elles seront répandues.

Tant d’auteurs estimables ont consacré leur plume à l’instruction de la jeunesse, qu’il est difficile, en marchant sur leurs traces, d’offrir rien de nouveau à la curiosité du lecteur ; s’il arrive que je me sois rencontrée avec quelqu’un d’eux, on voudra bien me le pardonner : le but qui nous est commun est d’inspirer les mêmes vertus sociales, de prémunir contre les mêmes vices ; il ne peut donc y avoir de différence que dans la manière de présenter les mêmes idées.

Je me suis principalement attachée à combattre des défauts qu’il me semble que jusqu’ici on a trop négligé d’attaquer. La médisance n’est-elle pas un vice affreux, puisqu’elle porte le trouble dans la société, détruit la paix des familles, opprime souvent l’innocence et peut faire perdre l’honneur, les biens et la vie ! Les jeunes personnes ne sont que trop portées à s’entretenir des absens, et malheureusement elles trouvent dans les personnes d’un âge mûr l’exemple dangereux de ce défaut. Quelles sont les sociétés où l’on ménage la réputation du prochain ? elles sont aussi rares que précieuses, et seraient pour la jeunesse la meilleure de toutes les écoles. Ma nouvelle intitulée la Petite Ville, inspirera peut-être une salutaire frayeur sur les suites que peuvent avoir des propos tenus avec légèreté, souvent sans mauvaise intention, et qui, faute de réflexion, ne laissent point de remords.

Dans la Fille sans caractère, je m’élève contre une faiblesse bien dangereuse ; celle qui reçoit indifféremment toutes les impressions qu’on veut lui donner, n’est à l’abri d’aucun vice, puisqu’elle en peut sans cesse contracter de nouveau. Henriette est corrigée par une amie bonne et indulgente qui, pour la ramener, ne se sert que des moyens les plus doux. C’est que cette extrême facilité n’a sa source que dans la faiblesse et l’ignorance ; il ne faut donc qu’éclairer et non réprimer.

L’Amie invisible s’y prend d’une manière tout opposée ; c’est que l’orgueil qu’elle voulait détruire est un vice du cœur avec lequel on ne doit garder aucun ménagement.

Dans le Donjon de Vincennes et l’heureux Incendie, j’offre deux traits touchans de tendresse filiale ; je me flatte qu’ils ne paraîtront pas incroyables à toutes mes lectrices, et qu’il s’en trouvera quelques unes qui sentiront au fond de leur cœur, que dans de pareilles circonstances elles seraient capables du même courage.

Pour moi j’aime à me rappeler que j’ai dû deux fois la vie à la présence d’esprit et à la tendresse courageuse d’une de mes filles, qui ne craignit pas de s’exposer pour moi au péril le plus évident. Le sentiment qui l’inspirait est si naturel, que je ne doute pas qu’elle ne trouve plus d’une imitatrice.