Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 1.djvu/906

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’attraction Newtonienne, au contraire, est un principe indéfini, c’est-à-dire, par lequel on ne veut désigner ni aucune espece ou maniere d’action particuliere, ni aucune cause physique d’une pareille action, mais seulement une tendance en général, un conatus accedendi, ou effort pour s’approcher, quelle qu’en soit la cause physique ou métaphysique ; c’est-à-dire, soit que la puissance qui le produit soit inhérente aux corps mêmes, soit qu’elle consiste dans l’impulsion d’un agent extérieur.

Aussi Newton dit-il expressément dans ses principes, qu’il se sert indifféremment des mots d’attraction, d’impulsion, & de propension ; & avertit le lecteur de ne pas croire que par le mot d’attraction il veuille désigner une maniere d’action ou sa cause efficiente, & supposer qu’il y a réellement une force attractive dans des centres, qui ne sont que des points mathématiques. L. I. p. 5. Et dans un autre endroit il dit : qu’il considere les forces centripetes comme des attractions, quoique peut-être elles ne soient, physiquement parlant, que de véritables impulsions. Ib. pag. 147. Il dit aussi dans son optique, p. 322. que ce qu’il appelle attraction, est peut-être l’effet de quelque impulsion qui agit suivant des lois différentes de l’impulsion ordinaire ; ou peut-être aussi l’effet de quelque cause qui nous est inconnue.

Si on considere l’attraction, continuent les Newtoniens, comme une qualité qui résulte des formes particulieres de certains corps, on doit la proscrire avec les sympathies, antipathies, & qualités occultes. Voyez Qualité occulte. Mais quand on a une fois écarté cette idée, on remarque dans la nature un grand nombre de phénomenes, entre autres la pesanteur des corps ou leur tendance vers un centre, qui semblent n’être point l’effet d’une impulsion, ou dans lesquels au moins l’impulsion n’est pas sensible : de plus, ajoûtent-ils, cette action paroît différer à quelques égards de l’impulsion que nous connoissons ; car l’impulsion est toûjours proportionnelle à la surface des corps, au lieu que la gravité agit sur les parties solides & intérieures, & est toûjours proportionnelle à la masse, & par conséquent doit être l’effet d’une cause qui pénetre toute leur substance.

D’ailleurs, les observations nous ont appris qu’il y a divers cas où les corps s’approchent les uns des autres, quoiqu’on ne puisse découvrir en aucune maniere qu’il y ait quelque cause extérieure qui agisse pour les mettre en mouvement. Quiconque attribue ce mouvement à une impulsion extérieure, suppose donc un peu trop legerement cette cause. Ainsi quand on voit que deux corps éloignés s’approchent l’un de l’autre, on ne doit pas se presser de conclurre que ces corps sont poussés l’un vers l’autre par l’action d’un fluide ou d’un autre corps invisible, jusqu’à ce que l’expérience l’ait démontré ; comme il est arrivé dans les phénomenes que les anciens attribuoient à l’horreur du vuide, & qu’on a reconnu être l’effet de la pression de l’air. Encore moins doit-on attribuer ces phénomenes à l’impulsion, lorsqu’il paroît impossible, ou au moins très-difficile, de les expliquer par ce principe, comme il est prouvé à l’égard de la pesanteur. Mussch. Essay de Phys.

Le principe inconnu de l’attraction, c’est-à-dire inconnu par la cause (car les effets sont sous les yeux de tout le monde) est ce que l’on appelle attraction ; & sous ce nom général, on comprend toutes les tendances mutuelles dans lesquelles l’impulsion ne se manifeste pas, & qui par conséquent ne peuvent s’expliquer par le secours d’aucunes lois connues de la nature.

C’est de là que sont venues les différentes sortes d’attractions ; savoir la pesanteur, l’ascension des liqueurs dans les tuyaux capillaires, la rondeur des gouttes de fluide, &c. qui sont l’effet d’autant de dif-

férens principes agissant par des lois différentes ; attractions

qui n’ont rien de commun, sinon qu’elles ne sont peut-être point l’effet d’une cause physique, & qu’elles paroissent résulter d’une force inhérente aux corps, par laquelle ils agissent sur des corps éloignés, quoique notre raison ait beaucoup de difficulté à admettre une pareille force.

L’attraction peut se diviser, eu égard aux lois qu’elle observe, en deux especes. La premiere s’étend à une distance sensible : telles sont l’attraction de la pesanteur qui s’observe dans tous les corps, & l’attraction du magnétisme, de l’électricité, &c. qui n’a lieu que dans certains corps particuliers. Voyez les lois de chacune de ces attractions aux mots Gravité, Aimant & Electricité.

L’attraction de la gravité, que les Mathématiciens appellent aussi force centripete, est un des plus grands principes & des plus universels de la nature. Nous la voyons & nous la sentons dans les corps qui sont proche de la surface de la terre, (Voyez Pesanteur.) & nous trouvons par observation que la même force, (c’est-à-dire cette force qui est toûjours proportionnelle à la quantité de matiere, & qui agit en raison inverse du quarré de la distance) que cette force, dis-je, s’étend jusqu’à la lune, & jusqu’aux autres planetes premieres & secondaires, aussi-bien que jusqu’aux cometes ; & que c’est par elle que les corps célestes sont retenus dans leurs orbites. Or comme nous trouvons la pesanteur dans tous les corps qui font le sujet de nos observations, nous sommes en droit d’en conclurre par une des regles reçûes en Philosophie, qu’elle se trouve aussi dans tous les autres : de plus, comme nous remarquons qu’elle est proportionnelle à la quantité de matiere de chaque corps, elle doit exister dans chacune de leurs parties ; & c’est par conséquent une loi de la nature, que chaque particule de matiere tende vers chaque autre particule. Voyez la preuve plus étendue de cette vérité, & l’application de ce principe aux mouvemens des corps célestes, sous les articles Philosophie newtonienne, Soleil, Lune, Planete, Comete, Satellite, Centripete, Centrifuge.

C’est donc de l’attraction, suivant M. Newton, que proviennent la plûpart des mouvemens, & par conséquent des changemens qui se font dans l’univers : c’est par elle que les corps pesans descendent, & que les corps légers montent ; c’est par elle que les projectiles sont dirigés dans leur course, que les vapeurs montent, & que la pluie tombe ; c’est par elle que les fleuves coulent, que l’air presse, que l’Océan a un flux & reflux. V. Mouvement, Descente, Ascension, Projectile, Vapeur, Pluie, Fleuve, Flux & Reflux, Air, Atmosphere &c. Les mouvemens qui résultent de ce principe, sont l’objet de cette partie si étendue des Mathématiques, qu’on appelle Méchanique ou Statique, comme aussi de l’Hydrostatique, de l’Hydraulique, &c. qui en sont comme les branches & la suite, &c. V. Méchanique, Statique, Hydrostatique, Pneumatique ; voyez aussi Mathématiques, Philosophie, &c.

La seconde espece d’attraction est celle qui ne s’étend qu’à des distances insensibles. Telle est l’attraction mutuelle qu’on remarque dans les petites parties dont les corps sont composés ; car ces parties s’attirent les unes les autres au point de contact, ou extrèmement près de ce point, avec une force très supérieure à celle de la pesanteur, mais qui décroît ensuite à une très-petite distance, jusqu’à devenir beaucoup moindre que la pesanteur. Un auteur moderne a appellé cette force, attraction de cohésion, supposant que c’est elle qui unit les particules élémentaires des corps pour en faire des masses sensibles. Voyez Cohésion, Atome, Particule, &c.