L’Encyclopédie/1re édition/QUARRÉ

QUARRÉ, s. m. en Géométrie, est une figure à quatre côtés, dont les côtés & les angles sont égaux. Voyez Figure, Quadrilatere, &c.

Pour trouver l’aire d’un quarré, cherchez la longueur d’un côté ; multipliez-le par lui même, le produit sera l’aire du quarré. Voyez Aire & Mesure.

Ainsi si la longueur d’un côté est 345, l’aire sera 119025 ; & si le côté du quarré est 10, l’aire sera 100.

Puis donc qu’une toise contient 6 piés, qu’un pié contient 12 pouces, &c. une toise quarrée contient 36 piés quarrés ; un pié quarré contient 144 pouces quarrés, &c.

Les propriétés du quarré sont que ses angles sont tous droits, & par conséquent ses côtés perpendiculaires les uns aux autres ; que la diagonale le divise en deux parties égales ; que la diagonale du quarré est incommensurable avec les côtés, &c. Voyez Diagonale & Incommensurable.

A l’égard du rapport des quarrés, ils sont les uns aux autres en raison doublée de leurs côtés. Par exemple, un quarré dont le côté est double d’un autre, est quadruple de cet autre quarré.

Un nombre quarré est le produit d’un nombre multiplie par lui-même. Voyez Nombre.

Ainsi 4 produit de 2 multipliés par 2, ou 16 produit de 4 multipliés par 4, sont des nombres quarrés.

Ces nombres sont appellés nombres quarrés, parce qu’on peut les arranger en forme de quarrés, en faisant que la racine ou le facteur soit le côté du quarré. Voyez Racine.

La différence de deux nombres quarrés, dont les racines ne sont pas l’unité, est un nombre impair, égal au double de la racine du plus petit en y ajoutant une unité.

On a par ce moyen une méthode facile de construire des nombres quarrés pour un nombre de racines qui procedent suivant la suite naturelle des nombres ; pour cela le double de la racine augmenté de l’unité doit toujours être ajouté au quarré précédent.

Ainsi si n = 1 ; 2n + 1 = 3 : si n = 2, donc 2n + 1 = 5. si n = 3, donc 2n + 1 = 7. si n = 4, donc 2n + 1 = 9. &c. ainsi on forme des nombres quarrés en ajoutant continuellement des nombres impairs.

Racine quarrée est un nombre qu’on considere comme la racine d’une seconde puissance, ou d’un nombre quarré ; ou bien, un nombre qui multiplié par lui-même produit un nombre quarré. Voyez Racine.

Ainsi le nombre 2 étant un nombre qui, multiplié par lui-même, donne le nombre quarré 4, est appellé la racine quarrée de 4.

Puisque la racine quarrée est au nombre quarré, comme l’unité est à la racine quarrée, la racine est moyenne proportionnelle entre l’unité & le nombre quarré.

Une racine quarrée qui a deux parties se nomme binome, comme 20 + 4. Voyez Binome.

Si elle a trois parties, on l’appelle trinome, comme 6 + 2 − 1. Voyez Trinome.

On démontre que chaque nombre quarré d’une racine binome est composé du quarré de la premiere partie, plus le double de la premiere multiplié par la seconde, plus le quarré de la seconde.

Pour extraire la racine quarrée de tout nombre donné. Voyez Extraction & Racine. (E)

Quarré quarré, c’est la puissance immédiatement au-dessus du cube, ou la quatrieme puissance ; ainsi a4 est un quarré quarré, parce que c’est le quarré du quarré a. (E)

Quarrés magiques, en Arithmétique, on donne ce nom à des figures quarrées formées d’une suite ou série de nombres en proportion arithmétique, disposés dans des lignes paralleles ou en des rangs égaux ; de telle sorte que les sommes de tous ceux qui se trouvent dans une même bande horisontale, verticale, ou diagonale, soient toutes égales entre elles.

Tous les nombres qui composent un nombre quarré quelconque, par exemple, 1. 3. 4. &c. jusqu’à 25 inclusivement, qui composent le nombre quarré 25, ayant été disposés de suite dans une figure quarrée de 25 cellules, chacun dans la sienne ; si après cela on change l’ordre de ces nombres, & qu’on les dispose dans les cellules de façon que les cinq nombres qui composeront une bande horisontale de cellules quelconques, étant ajoutés ensemble forment toujours la même somme que cinq nombres qui composeront toute autre bande de cellules, soit horisontale, soit verticale, & même que les cinq qui composeront chacune des deux bandes diagonales : cette disposition de nombres s’appelle un quarré magique, pour la distinguer de la premiere disposition qu’on appelle quarré naturel. Voyez les figures suivantes.

Quarré naturel.   Quarré magique.
1 2 3 4 5   16 14 8 2 25
6 7 8 9 10 3 22 20 11 9
11 12 13 14 15 15 6 4 23 17
16 17 18 19 20 24 18 12 10 1
21 22 23 24 25 7 5 21 19 13

On pourroit croire que les quarrés magiques ont eu ce nom, parce que cette propriété de toutes leurs bandes, qui prises en quelque sens que ce soit font toujours la même somme, a paru fort surprenante, sur-tout dans certains siecles où les Mathématiques étoient suspectes de magie : mais il y a aussi beaucoup d’apparence que ces quarrés ont encore mieux mérité leur nom par des opérations superstitieuses où ils ont été employés, telles que la construction des talismans ; car selon la puérile philosophie de ceux qui donnoient des vertus aux nombres, quelle vertu ne devoient pas avoir des nombres si merveilleux ? Ce qui a donc commencé par être une vaine pratique des faiseurs de talismans ou des devins, est devenu dans la suite le sujet d’une recherche sérieuse pour les Mathématiciens ; non qu’ils aient cru qu’elle les pût mener à rien d’utile ni de solide. Les quarrés magiques se sentent toujours de leur origine ; ils ne peuvent être d’aucun usage : ce n’est qu’un jeu dont la difficulté fait le mérite, & qui peut seulement faire naître sur les nombres quelques vûes nouvelles, dont les Mathématiciens ne veulent pas perdre l’occasion.

Emmannuel Moscopule, auteur grec du quatorzieme ou du quinzieme siecle, est le premier que l’on connoisse qui ait parlé des quarrés magiques ; & par le tems où il vivoit, on peut soupçonner qu’il ne les a pas regardés en simple mathématicien : il a donné quelques regles pour les construire. On trouve dans le livre d’Agrippa, que l’on a tant accusé de magie, les quarrés des sept nombres qui sont depuis 3 jusqu’à 9, disposés magiquement ; & il ne faut pas croire que ces sept nombres aient été préférés à tous les autres sans une grande raison ; c’est que leurs quarrés sont planétaires, selon le système d’Agrippa & de ses pareils. Le quarré de 3 appartient à Saturne, celui de 4 à Jupiter, celui de 5 à Mars, celui de 6 au Soleil, celui de 7 à Venus, celui de 8 à Mercure, & celui de 9 à la Lune. Bachet de Meziriac étudia les quarrés magiques, sur l’idée qu’il en avoit prise par les quarrés planétaires d’Agrippa ; car il ne connoissoit point l’ouvrage de Moscopule, qui n’est que manuscrit dans la bibliotheque du roi. Il trouva, sans le secours d’aucun auteur qui l’eût précédé, une méthode pour les quarrés dont la racine est impaire, comme pour 25, 49, &c. mais il ne put rien trouver qui le contentât sur ceux dont la racine est paire.

Après lui vint Frenicle. Un habile algébriste avoit cru que les 16 nombres qui composent le quarré de 4, pouvant être disposés de 20 922 789 888 000 manieres différentes dans un quarré magique ou non magique, ce qui est certain par les regles de combinaisons, ces mêmes nombres ne pouvoient être disposés différemment dans un quarré magique qu’en 16 manieres. Mais M. Frenicle fit voir qu’il y en avoit encore 878. D’où il est aisé de conclure combien sa méthode devoit être supérieure à celle qui n’avoit produit que la 55e partie des quarrés magiques qu’il trouvoit.

Il s’avisa d’ajoûter à cette recherche une difficulté qui n’y avoit point encore eu lieu. Le quarré magique de 7, par exemple, étant construit, & ses 49 cellules remplies, si on en retranche les deux bandes horisontales de cellules & les deux verticales les plus éloignées du milieu, c’est-à-dire, toute l’enceinte exterieure du quarré, il restera un quarré dont la racine sera 5, & qui n’aura que 25 cellules. Il ne sera pas étonnant que ce petit quarré ne soit plus magique ; car les bandes du grand n’étoient disposées de maniere à faire toutes la même somme, que prises dans leur tout & avec les 7 nombres qu’elles renfermoient chacune dans leurs 7 cellules : mais ayant été mutilées chacune de deux cellules, & ayant perdu deux de leurs nombres, il peut bien arriver que leurs restes ne fassent plus par-tout une même somme. M. Frenicle voulut qu’une enceinte de quarré magique étant ôtée, & même telle enceinte qu’on voudroit, lorsqu’il y en a assez pour cela, ou enfin plusieurs enceintes à la fois, le quarré restant fût encore magique ; & sans doute cette nouvelle condition rendoit ces quarrés beaucoup plus magiques qu’ils n’avoient jamais été.

Il renversa aussi cette question ; il voulut qu’une certaine enceinte prise à volonté, ou plusieurs, fussent inséparables du quarré ; c’est-à-dire qu’il cessât d’être magique si on les ôtoit, & non si on en ôtoit d’autres. M. Frenicle ne donne point de démonstration générale de ses méthodes, & quelquefois il ne se conduit qu’en tâtonnant. Il est vrai que son traité des quarrés magiques n’a pas été donné au public par lui-même ; il ne parut qu’après sa mort, & fut imprimé par M. de la Hire en 1693.

M. Poignard, chanoine de Bruxelles, publia en 1703 un livre sur les quarrés magiques, qu’il appelle sublimes. Jusqu’ici on n’avoit construit les quarrés magiques que pour des suites de nombres naturels qui remplissoient un quarré : mais à cela M. Poignard fait deux additions importantes. 1°. au lieu de prendre tous les nombres qui remplissent un quarré, par exemple les trente-six nombres consécutifs qui rempliroient toutes les cellules d’un quarré naturel, dont le côté seroit 6, il ne prend qu’autant de nombres consécutifs qu’il y a d’unités dans le côté du quarré, c’est-à-dire ici 6 nombres, & ces 6 nombres seuls il les dispose dans les 36 cellules, de maniere qu’aucun ne soit répété deux fois dans une même bande, soit horisontale, soit verticale, soit diagonale. D’où il suit nécessairement que toutes les bandes, prises en quelque sens que ce soit, font toujours la même somme. M. Poignard appelle cela progression répétée. 2°. Au lieu de ne prendre ces nombres que selon la suite des nombres naturels, c’est-à-dire en progression arithmétique, il les prend aussi & en progression géométrique & en progression harmonique : mais avec ces deux dernieres progressions il faut nécessairement que la magie soit différente de ce qu’elle étoit dans les quarrés remplis par des nombres en progression arithmétique ; elle consiste en ce que les produits de toutes les bandes sont égaux, & dans la progression harmonique, les nombres de toutes les bandes suivent toujours cette progression. Ce livre de M. Poignard fait également des quarrés de ces trois progressions répétées.

Enfin M. de la Hire nous a donné dans les Mémoires de l’académie 1705 ses recherches sur ce sujet. Il considere d’abord les quarrés impairs. Tous ceux qui ont travaillé sur cette matiere ont trouvé plus de difficulté dans la construction des quarrés pairs ; & par cette raison M. de la Hire le garde pour les derniers. Le plus de difficulté peut venir en partie de ce qu’on prend les nombres en progression arithmétique. Or dans cette progression si le nombre des termes est impair, celui du milieu a certaines propriétés qui peuvent être commodes ; par exemple, étant multiplié par le nombre des termes de la progression, le produit est égal à la somme de tous les termes.

M. de la Hire propose une méthode générale pour les quarrés impairs, & elle a quelque rapport avec la théorie du mouvement composé, si utile & si féconde dans la Méchanique. Comme cette théorie consiste à décomposer les mouvemens, & à les résoudre en d’autres plus simples ; de même la méthode de M. de la Hire consiste à résoudre en deux quarrés plus simples & primitifs le quarré qu’il veut construire. Il faut avouer cependant qu’il n’étoit pas si aisé de découvrir ou d’imaginer ces deux quarrés primitifs dans le quarré composé ou parfait, qu’il l’est d’appercevoir dans un mouvement oblique un mouvement parallele, & un perpendiculaire.

S’il faut, par exemple, remplir magiquement avec les 49 premiers nombres de la progression naturelle les 49 cellules d’un quarré qui a 7 de racine, M. de la Hire prend d’un côté les 7 premiers nombres depuis l’unité jusqu’à la racine 7, & de l’autre 7 & tous ses multiples jusqu’à 49 exclusivement ; & comme il n’a par-là que 6 nombres il y joint 0 ; ce qui fait cette progression arithmetique de 7 termes, aussi-bien que la premiere 0, 7, 14, 21, 28, 35, 42.

Ensuite avec sa premiere progression répétée, il remplit magiquement le quarré de 7 de racine. Pour cela il écrit d’abord dans les 7 cellules de la premiere bande horisontale les 7 nombres proposés, selon tel ordre que l’on veut ; car cela est absolument indifférent : & il est bon de remarquer ici que les 7 nombres seuls peuvent être arrangés en 5040 manieres différentes dans une seule bande. L’arrangement qui leur sera donné dans la premiere bande horisontale, quel qu’il soit, est le fondement de celui qu’ils auront dans tous les autres pour la seconde bande horisontale. Il faut mettre dans sa premiere cellule ou le troisieme, ou le quatrieme, ou le cinquieme, ou le sixieme, qui suit le premier de la premiere bande horisontale, & après cela écrire les six autres de suite. Pour la troisieme bande horisontale, on observe à l’égard de la seconde le même ordre qu’on a observé pour la seconde à l’égard de la premiere, & toujours ainsi jusqu’à la fin. Par exemple, si on a rangé les sept nombres dans la premiere bande horisontale selon l’ordre naturel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, on peut commencer la seconde bande horisontale par 3, ou par 4, ou par 5, ou par 6 ; mais si on l’a commencé par 3, la troisieme doit commencer par 5. la quatrieme par 7, la cinquieme par 2, la sixieme par 4, la septieme par 6.

1 2 3 4 5 6 7
3 4 5 6 7 1 2
5 6 7 1 2 3 4
7 1 2 3 4 5 6
2 3 4 5 6 7 1
4 5 6 7 1 2 3
6 7 1 2 3 4 5

Le commencement des bandes qui suivent la premiere étant ainsi déterminé, nous avons déjà dit que les autres nombres s’écrivoient tout de suite dans chaque bande allant de 5 à 6 à 7, & retournant à 1, 2, &c. jusqu’à ce que chaque nombre du premier rang se trouve dans chaque rang au-dessous, selon l’ordre qui a été arbitrairement choisi pour la premiere.

Par ce moyen il est évident qu’aucun nombre ne sera répété deux fois dans une même bande quelle qu’elle soit, & par conséquent les sept nombres 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, étant toujours dans chaque bande, ils ne pourront faire que la même somme.

On voit dans l’exemple présent que l’arrangement des nombres dans la premiere bande ayant été choisi à volonté, on a pu continuer les autres bandes de quatre manieres différentes ; & puisque la premiere bande a pu avoir 5040 arrangemens différens, il n’y a pas moins que 20160 manieres différentes dont le quarré magique de sept nombres répétés puisse être construit.

1 2 3 4 5 6 7   1 2 3 4 5 6 7
2 3 4 5 6 7 1 7 1 2 3 4 5 6
3 4 5 6 7 1 2 6 7 1 2 3 4 5
4 5 6 7 1 2 3 5 6 7 1 2 3 4
5 6 7 1 2 3 4 4 5 6 7 1 2 3
6 7 1 2 3 4 5 3 5 6 6 7 1 2
7 1 2 3 4 5 6 2 3 4 5 6 7 1

L’ordre des nombres dans la premiere bande étant déterminé, si l’on prenoit pour recommencer la seconde, le second 2 ou le dernier 7, une des bandes diagonales auroit toujours le même nombre répété, & dans l’autre cas ce seroit l’autre diagonale ; par conséquent l’une ou l’autre diagonale seroit fausse, à moins que le nombre répété 7 fois ne fût 4, car 4 fois 7 est égal à la somme de 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, & en général dans tout quarré construit d’un nombre de termes impairs en progression arithmétique, une des diagonales seroit fausse par ces deux constructions, à moins que le nombre toujours répété dans cette diagonale ne fût le terme du milieu de la progression. Il n’est nullement nécessaire de prendre des termes en progression arithmétique ; & on peut faire, suivant la regle de M. de la Hire un quarré magique de tels nombres qu’on voudra qui ne suivent aucune progression. De plus, lors même qu’on les prendra en progression arithmétique, il faudra excepter de la méthode générale les deux constructions qui produisent la répétition continuelle d’un même terme dans l’une des deux diagonales, & marquer seulement le cas où cette répétition n’empêcheroit pas la diagonale d’être juste.

Recommencer la seconde bande par tout autre nombre que le second ou le dernier de la premiere, ce n’est pas une regle générale ; elle est bonne pour le quarré de 7 : mais s’il s’agissoit, par exemple, du quarré de 9, & qu’on prît pour le premier nombre de la seconde bande horisontale le quatrieme de la premiere ; on verroit que ce même nombre commenceroit aussi la cinquieme & la huitieme bande, & par conséquent seroit répété trois fois dans la premiere bande verticale ; ce qui entraîneroit de semblables répétitions dans toutes les autres. Voici donc comment doit être conçue la regle générale. Il faut que le nombre que l’on choisit dans la premiere bande pour recommencer la seconde, ait un exposant de son quantieme, tel que diminué d’une unité il ne puisse diviser la racine du quarré. Si, par exemple, dans le quarré de 7 on a pris pour recommencer la seconde bande le troisieme nombre de la premiere, cette construction est bonne, parce que l’exposant du quantieme de ce nombre qui est 3 − 1, c’est-à-dire 2, ne peut diviser 7 ; de même on peut prendre le quatrieme nombre de la premiere bande, parce que 4 − 1 ou 3 ne divise point 7. C’est la même raison pour le cinquieme & sixieme nombre. Mais dans le quarré de 9, le quatrieme nombre de la premiere bande ne doit pas être pris, parce que 4 − 1 ou 3 divise 9. La raison de cette regle sera évidente, pourvu que l’on observe comment se font ou ne se font point les retours des mêmes nombres, en les prenant toujours d’une même maniere dans une suite quelconque donnée.

Il suit de là que moins la racine du quarré que l’on construit a de diviseurs, plus il y a à cet égard de manieres différentes de le construire ; & que les nombres premiers, c’est-à-dire qui n’ont aucuns diviseurs tels que 5, 7, 11, 13, &c. sont ceux dont les quarrés doivent recevoir le plus de variations à proportion de leur grandeur.

Les quarrés construits suivant cette méthode ont une propriété particuliere, & que l’on n’avoit point exigée dans ce problème. Les nombres qui composent une bande quelconque parallele à une des deux diagonales, sont ranges dans le même ordre que ceux de la diagonale à laquelle cette bande est parallele ; & comme une bande parallele à une diagonale est nécessairement plus courte qu’elle & a moins de cellules, si on lui joint la parallele correspondante qui a le nombre de cellules qui lui manque pour en avoir autant que la diagonale, on trouvera que les nombres des deux paralleles mises, pour ainsi dire, bout à bout, garderont entre eux le même ordre que ceux de la diagonale. A plus forte raison ils feront la même somme ; ce qui fait que ces quarrés sont encore magiques en ce sens-là.

1 2 3 4 5 6 7
3 4 5 6 7 1 2
5 6 7 1 2 3 4
7 1 2 3 4 5 6
2 3 4 5 6 7 1
4 5 6 7 1 2 3
6 7 1 2 3 4 5
0 7 14 21 28 35 42
21 28 35 42 0 7 14
42 0 7 14 21 28 35
14 21 28 35 42 0 7
35 42 0 7 14 21 28
7 14 21 28 35 42 0
28 35 42 0 7 14 21

Au lieu que nous avons formé jusqu’ici les quarrés par les bandes horisontales, on pourroit en former par les verticales, & ce seroit la même chose.

Tout ceci ne regarde encore que le premier quarré primitif, dont les nombres étoient dans l’exemple proposé 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, reste le second primitif dont les nombres sont 0, 7, 14, 21, 28, 35, 42. M. de la Hire opere de la même façon sur ce second quarré ; & il peut être construit, selon sa méthode, en 20160 manieres différentes, aussi-bien que le premier, puisqu’il est composé du même nombre de termes. Sa construction étant faite, & par conséquent toutes ses bandes composant la même somme, il est évident que si l’on ajoute l’un à l’autre les nombres des deux cellules correspondantes dans les deux quarrés, c’est-à-dire les deux nombres de la premiere d’un chacun, les deux de la seconde, de la troisieme, &c. & qu’on les dispose dans les 49 cellules correspondantes d’un troisieme quarré, il sera encore magique, puisque ses bandes formées par l’addition de sommes toujours égales à sommes égales seront nécessairement égales entre elles. Il s’agit seulement de savoir si par l’addition des cellules correspondantes des deux premiers quarrés, toutes les cellules du troisieme seront remplies de maniere que chacune contienne un des nombres de la progression depuis 1 jusqu’à 49, & un nombre différent de celui de toutes les autres ; ce qui est la fin & le dessein de toute l’opération.

Il faut remarquer que si dans la construction du second quarré primitif, on a observé en recommençant la seconde bande un ordre à la premiere différent de celui qu’on avoit observé dans la construction du premier quarré, si, par exemple, on a recommencé la seconde bande du premier par le troisieme terme, & que l’on recommence la seconde bande du second quarré par le quatrieme, chaque nombre du premier quarré se combinera une fois par l’addition & une fois seulement avec tous les nombres du second ; & comme les nombres du premier sont ici 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, & ceux du second 0, 7, 14, 21, 28, 35, 42, on verra qu’en les combinant ainsi on aura tous les nombres de la progression depuis 1 jusqu’à 49, sans qu’il y en ait aucun répété ; & c’est-là le quarré parfait qu’il s’agissoit de construire.

1 9 17 25 33 41 49
24 32 40 48 7 8 16
47 6 14 15 23 31 39
21 22 31 38 46 5 13
37 47 4 12 20 28 29
11 19 27 35 36 46 3
34 42 43 2 10 18 26

La sujétion de construire différemment les deux quarrés primitifs, n’empêche nullement que chacune des 20160 constructions de l’un ne puisse être combinée avec toutes les 20160 constructions de l’autre, & par conséquent 20160 multiplié par lui-même, c’est-à-dire 406425600, est le nombre de toutes les constructions différentes que peut avoir le quarré parfait, qui est ici celui des 49 premiers nombres de la progression naturelle.

Quant aux quarrés pairs, M. de la Hire les construit ainsi que les impairs par deux quarrés primitifs ; mais la construction des primitifs est différente en général, & peut l’être même en plusieurs manieres ; & ces différences générales reçoivent plusieurs variations particulieres, qui donnent autant de constructions différentes pour un même quarré pair. Il paroît à peine possible de déterminer, ne fût-ce qu’à-peu-près, ni combien de différences générales il peut y avoir entre la construction des quarrés primitifs d’un quarré pair & d’un impair, ni combien chaque différence générale peut recevoir de variations particulieres ; & par conséquent on est encore bien éloigné de pouvoir déterminer le nombre des constructions qui se feront par des quarrés primitifs. Hist. & Mém. de l’académie des Sciences, 1705. (E)

M. Sauveur a donné aussi ses recherches sur le même problème dans les Mém. de l’acad. de 1710, auxquels nous renvoyons. Enfin dans ceux de 1750, M. Dons-en-Bray a donné aussi une méthode pour construire les quarrés magiques. On peut voir dans l’Hist. des Mathématiques de M. Montucla, tome I. p. 336. la liste des principaux ouvrages qui ont été composés sur ce sujet.

Quarré-cube, quarré-quarré-cube & quarré-cube-cube, sont des noms dont Diophante, Viete, Oughtred & d’autres se servent pour exprimer la cinquieme, septieme & huitieme puissance des nombres. Voyez Puissance. (E)

Quarré du cube, quarré-quarré-quarré & quarré du sursolide, sont des noms dont se servent les Arabes pour exprimer la sixieme, la huitieme & la dixieme puissance des nombres. Voyez Puissance. (E)

Quarré, en Musique, B quarré ou béquarre. Voyez B. (S)

Quarré, terme d’Anatomie, on donne ce nom à deux muscles, dont la figure est quarrée.

Le quarré de la cuisse naît de la partie latérale externe de la tubérosité de l’ischion, & va s’attacher, en conservant sa grosseur & sa longueur, à la partie latérale interne du grand trochanter. Voyez nos Pl. d’Anatomie.

Le quarré pronateur. Voyez Pronateur.

Le quarré de la levre inférieure, c’est le nom qu’on a donné à la partie musculeuse du menton ; cette portion est composée de deux plans de fibres obliques attachés de part & d’autre aux parties latérales du menton, & qui en se réunissant se perdent dans la levre inférieure. On remarque entre ces deux plans une espece de houppe musculaire qui se perd dans le menton, auquel elle est attachée par une de ses extrémités, & se perd par l’autre dans la peau. Voyez Levre, &c.

Le quarré ou triangulaire des lombes vient de la partie postérieure & supérieure de la crête des os des îles, & se termine aux apophyses transverses des vertebres lombaires de la derniere vertebre du dos, & à la derniere fausse-côte.

Le quarré de la levre inférieure est un muscle qui paroît composé de deux plans de fibres, situés obliquement sur le menton, & qui en montant de sa partie inférieure se rencontrent à sa partie moyenne, & s’attachent & à la peau & à la partie inférieure du muscle orbiculaire.

Quarré, (Hydr.) est une piece d’eau de forme quarrée ; cependant on appelle communément de ce nom toute piece d’eau, à-moins qu’elle ne soit ronde ou assez longue pour être appellée canal. (K)

Quarré naval, (Marine.) c’est un grand quarré qu’on fait sur le pont d’un vaisseau de guerre entre le grand-mât & le mât d’artimon, pour faciliter le mouvement de l’armée. On divise ce quarré en deux également par une ligne perpendiculaire à deux côtés paralleles, & on mene deux diagonales des quatre angles du quarré. La premiere ligne répond à la quille du vaisseau, & représente la route qu’il tient. Les côtes du quarré paralleles à cette ligne marquent son travers ; & quand le vaisseau est au plus près, les diagonales désignent l’une la route que tiendra le vaisseau, & l’autre son travers. La diagonale qui est à droite s’appelle la diagonale stribord, & celle qui est au côté gauche la diagonale bas-bord.

Le quarré sert pour reconnoître la position du vaisseau, à l’égard des autres, afin d’avoir des points sur lesquels on puisse se fixer, suivant les évolutions qu’on doit faire, il paroît que le P. Hoste est l’inventeur de ce quarré. Il en a expliqué les usages avec soin dans son Art des armées navales, p. 409, & suivantes, qui se réunissent tous à celui que je viens d’indiquer.

Quarré, s. m. (Art numismat.) on appelle ainsi le coin des médailles, lequel est gravé avec le poinçon, & sert à en frapper d’autres. Il ne faut pas croire que chaque médaille ait un coin, un quarré ou une matrice différente, comme quelques antiquaires l’ont imaginé, en prétendant qu’il ne s’est jamais trouvé deux médailles parfaitement semblables. Outre que le fait est faux, & qu’on a rencontré plus d’une fois des médailles tellement pareilles, qu’il n’étoit pas possible de disconvenir qu’elles ne fussent sorties du même coin. On peut alléguer deux raisons assez fortes pour détruire absolument ce principe, qui d’ailleurs n’est fondé sur rien. La premiere, c’est qu’il n’y a point d’apparence qu’on ait frappé les médailles autrement qu’on ne frappoit les médaillons ; & cependant il est très-certain qu’on a plusieurs médaillons de même coin, comme le sénateur Buonarotti l’a remarqué dans ses observations sur ceux du cardinal Carpagna. Assurément la dépense d’un nouveau coin auroit toujours excédé la valeur de la médaille dans le moyen & le petit bronze. 2°. S’il eût été d’usage de faire un nouveau coin pour chaque médaille, il ne s’en trouveroit point d’incuses. En effet, ces sortes de médailles n’existeroient point, si le monétaire par hasard ou par inattention, n’eût oublié de retirer la médaille qu’il venoit de frapper. & n’eût réuni dans le même coin une nouvelle piece de métal, laquelle trouvant d’une part le quarré, & de l’autre, la médaille précédente, a reçu l’impression de la même tête, d’un côté en relief, & de l’autre, en creux. Il est donc évident que les mêmes quarrés servoient à plus d’une médaille.

Quarré, (Monnoie.) c’est la matrice ou coin d’acier gravé en creux, avec lequel on imprime en relief sur les monnoies les différentes figures qu’elles doivent avoir pour être reçues dans le public. (D. J.)

Quarrés, en terme de Blanchisserie, voyez Toile, & l’article Blanchir.

Quarré, c’est ainsi que les Horlogers appellent l’extrémité d’un arbre ou d’un canon limée à quatre faces égales ; ainsi l’on dit le quarré de la fusée, de la chaussée, &c. On les lime ainsi, pour que la clé entrant dessus, elle ne puisse tourner sans les faire tourner en même tems. Voyez Fusée, Chaussée, &c.

Quarré a vis sans fin, (Voyez les Planches de l’Horlogerie.) espece de clé qu’on met sur le quarré de la vis sans fin, pour bander le grand ressort par le moyen de cette vis.

Quarré, bâtons quarrés, (Lutherie.) dans les mouvemens de l’orgue sont des barres de bois de chêne d’un pouce d’équarrissage qui communiquent d’une piece du mouvement à une autre, pour transmettre l’action que le premier a reçu. Voyez Mouvemens, & la fig. 1, Planche d’orgue.

Quarré, c’est dans le Manege, une volte quarrée & large, de maniere que le cavalier fasse marcher son cheval de côté sur une des lignes du quarré. Les écuyers imaginent quelquefois ce quarré parfait ; d’autres fois ils font un quarré long ; & c’est sur les angles de ces quarrés qu’ils instruisent le cheval à tourner, en faisant ensorte que les piés de devant fassent un quart de rond pour gagner l’autre face du quarré, sans que les piés de derriere sortent de leur place, & qu’ils fassent un angle presque droit. On dit travailler en quarré, lorsqu’au lieu de conduire le cheval en rond & sur une piste circulaire autour du pilier, on le mene par les quatre lignes droites & égales qui forment le quarré, tournant la main à chacun des angles qu’on suppose qu’elles forment à une égale distance du centre, ou du pilier qui le représente.

Quarré, (Charpent.) faire le trait quarré, selon les ouvriers, c’est élever une ligne perpendiculaire sur une autre ligne. (D. J.)

Quarré, bois, (Commerce de bois.) c’est le bois de charpente & de sciage dont on fait les poutres, les solives, les poteaux, & autres sortes de bois qui se débitent pour les ouvrages des Charpentiers & les assemblages des Menuisiers.

Quarré bataillon, (Arch. milit.) c’est un bataillon qui a le nombre des hommes de la file egal au nombre des hommes du rang. Bataillon quarré du terrein est celui qui a le terrein de chacune de ses ailes égal en étendue au terrein de la tête, ou à celui de la queue. Dict. milit. (D. J.)

Quarré perspectif, (Perspective.) c’est la représentation d’un quarré en perspective : ce quarré comprend ordinairement toutes les assietes des objets qu’on veut représenter dans un tableau, & pour cet effet, on le divise en plusieurs petits quarrés perspectifs, par le moyen desquels on décrit en abrégé les apparences de tout ce que l’on veut représenter dans le tableau. Voyez la perspective de M. Desargues.

Quarré, (Jardin.) s’entend d’abord d’une forme quarrée telle que seroit un parterre, un bâtiment aussi long que large : ce qui s’évite ordinairement, n’étant pas une figure heureuse.

On dit encore un quarré de bois, de foin, de parterre, de potager.

Un quarré long, s’il est régulier, est un vrai parallélogramme.

Quarré, en terme d’Orfevre en Grosserie, c’est une espece de rebord qui seroit sur le bassinet d’un chandelier, &c. ou même au milieu d’une piece, comme dans le bassinet entre le colet & le panache. Voyez Colet & Panache.