L’Encyclopédie/1re édition/BLANCHIR
BLANCHIR, v. act. c’est, en Maçonnerie, donner une ou plusieurs couches de blanc à colle sur un mur sale, après y avoir passé un lait de chaux, pour rendre quelque lieu plus clair & plus propre. (P)
Blanchir, terme de Boyaudier, c’est tremper les boyaux dans une tinette ou chaudron, immédiatement après qu’ils ont été dégraissés, pour achever de les nettoyer : c’est de cette tinette où on les met blanchir, que des femmes les retirent pour les coudre.
Blanchir, en terme de Chauderonnier ; c’est donner le lustre aux chauderons, chaudieres, poellons, &c. sur le tour avec une paroire. Voyez Paroire .
Blanchir la cire, c’est lui faire perdre la couleur jaune sale qu’elle a, après qu’on en a séparé le miel. Voyez Cire, miel, &c.
La cire séparée du miel, & fondue en gros pain, est ce que l’on appelle de la cire brute. C’est en cet état qu’on l’apporte dans les blanchisseries, où elle passe par les préparations suivantes.
Premierement, un ouvrier la coupe par morceaux gros comme le poing, afin qu’elle fonde plus facilement lorsqu’elle est portée dans les chaudieres A, A, A (Pl. du blanchissage des cires, vignette) où on la remue jusqu’à parfaite fusion avec la spatule de bois, fig. 4. Après qu’elle est fondue, on la laisse couler au moyen des robinets adaptés aux chaudieres, dans les cuves B & C qui sont de bois, & placées de façon que le fond des chaudieres est de quelques pouces plus élevé que la partie supérieure des cuves. On la laisse reposer dans les cuves environ cinq ou six heures, tant pour qu’elle n’ait plus qu’un mediocre degré de chaleur, sans toutefois cesser d’être fluide, que pour donner le tems aux ordures ou feces, dont elle est chargée, de se précipiter dans l’eau, dont le bas de la cuve est rempli à cinq ou six pouces de hauteur.
Au-dessous des cuves B, C, en sont d’autres D, E, de forme oblongue, qu’on appelle baignoires, posées sur le pavé de l’attellier. Ces baignoires qui sont de bois & cerclées de fer, sont revêtues intérieurement de plomb, pour qu’elles tiennent mieux l’eau dont on les remplit, en ouvrant le robinet X, par lequel l’eau vient d’un réservoir. Chaque baignoire a de plus sur le devant & à la partie inférieure, un robinet F, F, par le moyen duquel on vuide l’eau qu’elles contiennent dans le puisart ou égoût soûterrein, dont G est l’ouverture recouverte d’une grille.
Toutes choses ainsi disposées, on place les cylindres de bois H, H en travers des baignoires. Ces cylindres qui ont un pié de diametre, en occupent toute la largeur. Ils sont traversés par un arbre de fer, dont une des extrémités est courbée en manivelle : ensorte que les cylindres peuvent tourner librement sur les tourillons de ces arbres, auxquels des échancrures pratiquées dans les bords des baignoires, servent de collets. Les cylindres doivent être placés dans les baignoires, ensorte que leur centre ou axe soit directement à plomb au-dessous de l’extrémité des canelles K, K par lesquelles la cire contenue dans les cuves doit sortir. On place ensuite au-dessus du cylindre, une espece de banquette de fer ab, ou a b, a c, b c, fig. 2. qu’on appelle chevrette, qui a quatre piés qui appuient sur les bords de la baignoire, comme on voit en C, fig. 2. ensorte que les tourillons du cylindre soient au milieu entre les piés de la chevrette. Cette chevrette a vers chacune de ses extrémités deux lames de fer élastiques 1, 2 ; 1, 2, entre lesquelles on place un vaisseau de cuivre L, L, de forme oblongue, qu’on appelle greloire. Cette greloire est plus large par le haut que par le bas. Sa longueur LL qui est égale à celle du cylindre, est divisée en trois parties ; celle du milieu qui est la plus grande, est percée d’une cinquantaine de petits trous, plus ou moins, d’une ligne de diametre, distans les uns des autres d’un demi-pouce ou environ. Les deux autres parties servent à placer des réchauds pleins de braise, dont l’usage est d’entretenir un médiocre degré de chaleur dans la greloire, dont la fraîcheur ne manqueroit pas de faire figer la cire que l’on y laisse couler.
On met une plaque de fer blanc ou de cuivre 3, 3, fig. 2. inclinée vers la canelle K, pour rejetter la cire dans l’auge ou greloire LL. La plaque 3, 4, posée de l’autre sens, sert au même usage. Par-dessus ces deux plaques, on met une passoire 5 toute criblée de trous. C’est dans cette passoire que coule la cire après qu’on a repoussé dans la cuve le tampon qui bouche la canelle K, au moyen de la cheville 6 qu’on laisse dans la cannule plus ou moins enfoncée, pour modérer, selon le besoin, la vîtesse de l’écoulement.
La cire, après avoir passé dans la passoire ou crible 5, tombe sur les plaques 4, 3 ; 3, 3, & de-là dans la greloire LL, d’où elle sort par les petits trous que nous avons dit être au fond de cette greloire, & tombe sur la surface du cylindre en d. Si en même tems un ouvrier assis en I, fait tourner le cylindre à l’aide de la manivelle qui est de son côté, de d par e vers f, il est évident que le filet de cire qui tombe sur le cylindre, doit s’étendre, & former une bande qui sera d’autant moins épaisse, que le cylindre se sera mû avec plus de vîtesse : mais comme il est mouillé, étant immergé dans l’eau au quart de sa surface, la cire ne s’y attachera point. Mais après avoir descendu en f, elle passera par g, pour aller se rassembler en E, fig. 1. Ce mouvement est encore facilité par celui de l’eau qui est dans la baignoire, laquelle se porte vers E, pour sortir à mesure qu’il en vient d’autre du réservoir par le robinet X ; ensorte que l’écoulement par le robinet F, soit égal à celui par le robinet X. On rechange continuellement d’eau, non-seulement pour qu’elle soit plus propre, mais aussi afin qu’elle soit toûjours fraîche, & qu’elle puisse faire congeler les rubans de cire à mesure qu’ils tombent dans la baignoire.
Par cette opération, la baignoire ne tarde pas d’être remplie de rubans ; un ouvrier placé en M les enleve avec une fourche à trois dents, & les jette de la baignoire dans la manne N qui est un grand panier d’osier revétu intérieurement de toile ; lorsque le panier est plein, un autre ouvrier à l’aide de celui qui a empli la manne, la place sur une broüette O, sur laquelle il la transporte près des quarrés ou chassis sur lesquels sont des toiles tendues & exposées à l’air. Voyez Quarré. Il vuide sa manne sur ces toiles, en un seul tas que des femmes qui sont autour des quarrés ou toiles, éparpillent sur toute leur surface : pendant que cet ouvrier conduit sa broüette, le tireur remplit une autre manne ; ainsi alternativement jusqu’à ce que la cuve soit épuisée.
En réduisant la cire en rubans, les surfaces en sont prodigieusement multipliées, ce qui donne plus de prise à l’action de l’air & du soleil à laquelle on les expose sur les quarrés pour dissiper l’huile volatile qui fait la couleur jaune de la cire.
Les quarrés sont de grands chassis de charpente de dix piés de large sur une longueur telle que le lieu le permet, élevés d’un pié & demi au-dessus du terrein. Sur les chassis sont tendues horisontalement des toiles soûtenues dans le milieu de leur largeur par une piece de bois horisontale qui se trouve dans le plan du chassis. C’est sur cet assemblage de charpente & de toile qu’on étend ou éparpille également la cire mise en rubans ou en pains, ainsi qu’il sera dit ci-après. On entoure encore le quarré d’une bande de toile verticale accrochée à des piquets, dont l’usage est d’empecher que le vent n’emporte la cire, & ne la jette par terre. Lorsque la cire a été exposée un tems convenable sur les quarrés, on la retourne, ensorte que la partie qui étoit dessous paroisse dessus. Et lorsque l’on juge que la cire a acquis un premier degré de blancheur, on la reporte à la fonderie, où on lui fait subir la même suite d’opérations que nous venons de détailler ; c’est-à-dire qu’on la remet en rubans, & qu’on l’expose encore sur les quarrés à l’action du soleil & de l’air : mais comme il ne peut pas manquer d’arriver à cette seconde fonte que les parties intérieures des premiers rubans ne se trouvent à la surface des seconds, il suit que toutes les parties de la cire auront été successivement exposées à l’action de l’air & du soleil. On réitere une troisieme fois cette opération, si on juge que la cire n’ait pas encore acquis le degré de blancheur que l’on desire qu’elle ait.
La cire exposée pour la derniere fois au soleil sous la forme de rubans, est encore remise dans une chaudiere, d’où, après qu’elle a été fondue, on la laisse couler dans la cuve : au lieu de la faire passer par la greloire, comme dans les opérations précédentes, on la laisse couler dans le coffre représenté fig. 7, que l’on substitue à la place de la greloire.
Ce coffre est une caisse de cuivre étamé, portée sur quatres piés de fer semblables à ceux de la chevrette. Aux deux longs côtés de ce coffre sont deux auges de même métal, dans lesquelles on place des réchauds de braise dont l’usage est d’entretenir dans l’état de fluidité la cire dont le coffre est rempli : on tire la cire de ce coffre par le robinet A, dans l’écuellon fig. 5, qui est un vase de cuivre ayant deux anses AA, & deux goulettes BB, avec lequel on verse la cire dans les planches à pains.
Les planches à pains, ainsi appellées parce que c’est dans ces planches que l’on fait prendre à la cire la figure de pains, sont de chêne d’un pouce d’épaisseur, creusées de deux rangées de trous ronds, chacun d’un demi pouce de profondeur sur 4 pouces de diametre ; on remplit deux de ces moules à la fois au moyen des deux goulettes de l’écuellon, observant de mouiller la planche auparavant, afin que la cire ne s’y attache point. Après que les pains sont figés, on les jette dans l’eau de la baignoire pour les affermir : on les porte ensuite sur les quarrés ; on les y laisse jusqu’à ce qu’ils ayent acquis tout le degré de blancheur que l’on desire qu’ils ayent, ou dont ils sont capables, observant de les retourner quand ils sont assez blancs d’un côté, ce qui se fait avec une main de bois qui est une planche de bois mince représentée fig. 3 : cette planche a 3 piés ou environ de longueur sur un demi-pié de large ; elle est percée d’un grand trou vers une de ses extrémités qui est traversée d’une poignée par laquelle on tient cette machine, avec laquelle on retourne les pains comme on feroit avec une pelle plate ; ce qui est plus expéditif que de les retourner les uns après les autres.
La cire blanchie & réduite en pains passe entre les mains du cirier, qui l’employe aux différens usages de sa profession. Voyez Cirier.
Blanchir ou faire blanchir, (en terme de Confiseur) c’est enlever de dessus les abricots, amandes, &c. cette espece de bourre ou de duvet dont ils sont chargés, en faisant passer ces fruits par une lessive préparée pour cela. Voyez Amande, Abricots, &c.
Blanchir, (chez les Couteliers) c’est quand la piece est forgée & dressée à la lime, la passer sur la meule pour la premiere fois ; c’est sur la seconde meule qu’on la dégrossit, & sur la troisieme qu’on la met à tranchant : la polissoire succede à la meule.
Blanchir, (en terme de Cuisine) c’est faire revenir une piece, quelle qu’elle soit, dans de l’eau tiede : il ne faut l’y laisser qu’un demi-quart d’heure ou environ.
Blanchir, (en terme de Doreur) s’entend d’une opération par laquelle on enduit de plusieurs couches de blanc une piece qu’on veut dorer. Voyez Dorer. C’est par-là qu’on remplit les inégalités du bois qui empêcheroient l’or de s’étendre par-tout. La figure 5, Planche du Doreur, représente un ouvrier qui blanchit.
Blanchir, (en terme de Cloutier d’épingle) c’est étamer les clous de cuivre. Voyez Etamer.
BLANCHIR, (en terme d’Epinglier) c’est faire changer au laiton, sa couleur jaune en blanche ; pour cet effet, on étend d’abord les épingles au nombre de six ou sept mille sur les plaques. Voyez Plaque. On empile ces plaques les unes sur les autres, tant qu’il y en a de la même espece d’épingle, sur des croisées ; on les lie ensemble avec les fils de laiton des croisées. Voyez Croisée. Soit qu’il y ait une ou plusieurs portées de plaque, voyez Portée, on met le tout dans une grande chaudiere avec de l’eau & de la gravelle, ou lie de vin ; on le fait bouillir trois heures & demie ou environ. On les déteint, on les lave, on les seche, & on les vanne. Voyez ces mots à leurs articles, & les fig. Pl. II. de l’Epinglier ; 13, est la chaudiere ; 12, son couvercle ; 14, la croisée, aux quatre extrémités de laquelle sont attachées des cordes de laiton ; 15, une plaque chargée d’épingles que l’on pose sur la croisée ; 11, plusieurs plaques empilées sur la croisée, que l’on met dans la chaudiere, par le moyen des cordons de laiton attachés à cette croisée.
Blanchir, (en terme de Layetier.) Voyez Rabotter.
Blanchir la sole d’un cheval (Maréchalerie) c’est en ôter simplement la premiere écorce.
Blanchir, (en Monnoyage) l’argent se blanchit en le faisant bouillir dans de l’eau forte, mêlée avec de l’eau commune, ou seulement de l’eau où on a fait dissoudre de l’alun. Les ouvriers en médailles & en monnoie sablonnent tous les flancs, & les frotent dans un crible de fer pour en ôter les barbes. Voyez Blanchiment.
Blanchir, (en terme d’Orfévre en grosserie) c’est mettre un morceau d’orfevrerie dans de l’eau seconde, pour le délivrer des ordures qui empêcheroient de le polir & de recevoir tout l’éclat dont la matiere est susceptible. On blanchit encore en Allemagne avec de l’alun bouilli dans de l’eau, ou même avec de la gravelle & du sel mesuré par portion égale : mais ce blanchiment ne peut servir en France, où l’argent est monté à un titre beaucoup plus haut qu’en Allemagne. Voyez Blanchiment,& Eau seconde.
Blanchir le Plomb, (terme de Plombier) est l’étamer au feu, ou le couvrir de feuilles d’étain. Les plombiers sont obligés de blanchir toutes les pieces de plomb qu’ils placent sur un bâtiment neuf & qui sont en vûe. C’est pourquoi ils ont un fourneau à étamer, sur le foyer duquel chargé de braise, deux compagnons tiennent suspendues & chauffent les tables de plomb, tandis qu’un autre y étend des feuilles d’étain battu, qu’il frotte avec des étoupes & de la poix-résine, à mesure que l’étain se fond. Voyez Plomb & Plombier, & la fig. prem. Pl. III. de Plomberie.
Blanchir, (en terme de Plumassier) c’est ôter aux plumes le gros de la teinture, en les passant dans de l’eau claire.
Blanchir, (en Serrurerie) c’est enlever à la grosse lime les premiers traits de la forge.
Blanchir la soie, les étoffes de laine. Voyez Soie, Bonneterie, Drapier, Laine.