L’Encyclopédie/1re édition/BONNETERIE

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 325-328).
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* BONNETERIE, s. f. manufacture de bonnets, de bas, de camisoles, de jupons, de chaussons, & autres ouvrages en laine pure ou en laine & soie, qu’on appelle castor & vigogne. Voyez Laine, Soie, Castor & Vigogne

Les Bonnetiers achetent la laine, & la donnent à des ouvriers qui la font passer par toutes les opérations qui la mettent en état d’être employée à leurs marchandises. Ces préparations sont à peu près les mêmes que pour la draperie. Voyez l’article Draperie.

Le dégrais, le battage & l’engrais, trois de ces préparations, dont il sera fait mention à l’article Draperie, se font chez le Bonnetier même. Il n’y a que la carde & le filage qui se fassent dehors.

La premiere attention du Bonnetier doit être de se mettre à couvert de la friponnerie du Cardeur & du Fileur ; il peut être trompé sur le filage, en ce qu’il peut être plus ou moins fin ; il peut être trompé sur la quantité de la laine qu’on lui rend filée, en ce qu’on en peut diminuer la quantité, en augmentant le poids par une addition d’huile. Exemple : dans l’engrais de douze livres de laine qui se fait chez le Bonnetier, il entre trois livres d’huile ; ce qui fait quinze livres de poids : mais la livre de laine peut aller jusqu’à quatre francs, & la livre d’huile ne va qu’à douze sols ; le Cardeur & le Fileur peuvent donc être tentés de substituer de l’huile à de la laine.

Le Bonnetier estimera la finesse du filage par une machine semblable à celle du Drapier. V. l’article Draperie. C’est une espece de devidoir qui indique le nombre de tours, & par conséquent la longueur du fil, qu’on peut toujours comparer avec le poids. Il est évident que la finesse du filage est en raison composée de la directe du nombre des tours, & de l’inverse du poids, ou que le filage est d’autant plus fin, que le nombre des tours est grand, & le poids de l’écheveau petit.

Quant à la quantité de la laine ; s’il veut s’assûrer de la fidélité de l’ouvrier, il n’a qu’à la peser en la recevant ; & après l’avoir parfaitement dégraissée, le dégrais de quinze livres de laine aura d’abord emporté les trois livres d’huile qu’elles avoient reçûes dans l’engrais, & le poids de laine restant devroit être de douze livres, s’il n’y avoit point eu de déchet dans la carde & le filage : mais il y a eu du décher ; & ce déchet est estimé-à deux onces par livre de seize onces.

Le Bonnetier reçoit la laine filée, & la distribue à des Faiseurs de bas au métier & à des Tricoteuses, pour être employée : ces gens lui rendent la laine employée aux ouvrages dont nous avons parlé ci-dessus. Mais il ne faut pas croire qu’alors ces ouvrages puissent se vendre ; ils ont à passer par un grand nombre d’opérations dont nous allons rendre compte, & qui sont proprement du ressort du manufacturier Bonnetier : aussi se font-elles ordinairement chez lui.

La premiere de ces opérations est la foule. La foule demande la construction d’une machine telle qu’on la voit Plan. du Bonnetier en face fig. 1. de côté fig. 3. Cette machine s’appelle une fouloire. La fouloire a été construite jusqu’à présent en bois de chêne : mais son peu de durée & de solidité a déterminé le sieur Pichard, marchand Bonnetier fabriquant rue Mouffetard, à la faire construire de pierre.

Au reste la forme de la fouloire en pierre est la même que de la fouloire en bois que nous allons décrire, parce qu’elle est beaucoup plus ordinaire. abcd, fig. 1. est une planche de chêne échancrée. Les échancrures ae, ed, ont été pratiquées pour faciliter l’action des bras de l’ouvrier. La partie élevée e correspond au ventre de l’ouvrier. Le fond de la fouloire F, fig. 3. est fait d’une forte planche de chêne appuyée sur le bâtis de bois incliné hikl. Entre les piés mnop & sous ce bâtis, est placé un grand panier d’osier. Sur le fond F de la fouloire est fixée à clous une planche oblongue, sur un pié de hauteur & sur un peu plus de longueur ; cette planche est percée de rangées de trous, au nombre environ de cent vingt. On prend des dents de bœuf qu’on entortille de filasse, & qu’on fait entrer dans ces trous. Cette planche F garnie de dents de bœuf, s’appelle le ratelier. On voit même planche du Bonnetier, fig. 7. le ratelier séparé : il seroit mieux que le ratelier, au lieu d’être fixé à clous sur le fond de la fouloire, y fût enchassé, de maniere qu’il n’y eût que les dents qui desafleurassent, & c’est ce que le sieur Pichard a fait observer dans les siennes. Des robinets g, g donnent à discrétion dans la fouloire, de l’eau chaude qui vient d’une chaudiere B, fig. 2. assise sur un fourneau C, au-dessous duquel on remarque un petit bûcher D, & au-dessus un réservoir A d’eau froide, qui fournit à la chaudiere B.

Pour fouler, on ouvre les robinets g, g, fig. 3. l’eau chaude tombe dans la fouloire ; l’ouvrier a du savon dans un sac de toile ; il prend ce sac, & le promene dans l’eau chaude. La précaution du sac est bonne ; par ce moyen il ne passe dans l’eau que les particules plus fines du savon, le gros tacheroit l’ouvrage. Cette eau imprégnée de savon, s’appelle eau neuve. Quand l’eau neuve est prête, l’ouvrier prend sur la planche 1, 2, 3, 4, au lieu 1, une certaine quantité d’ouvrage qu’on appelle une poignée. Si ce sont des bas d’homme, il n’en faut qu’une paire pour faire une poignée. Cette poignée a déjà souffert plusieurs préparations dans la fouloire, avant que de passer dans l’eau neuve, ainsi qu’on le verra par la suite de l’opération que nous décrivons. L’ouvrier foule cette poignée : son travail consiste alors à tourner, retourner, & presser à plusieurs réprises sa poignée sur les dents du ratelier ; observant de la faire toucher à chaque mouvement à l’eau qui s’éleve dans la fouloire jusqu’à la hauteur de deux rangées de dents les plus voisines du fond. Il continue son opération pendant une bonne heure au moins, ayant soin de ne pas fouler à sec ; car sa marchandise en deviendroit cassante. Cela fait, il tord bien son ouvrage pour en faire sortir l’eau, le plie & le met dans le panier qui est sous la fouloire.

Son ouvrage serré dans le panier, il ouvre les robinets g, g ; il tombe de l’eau chaude dans la fouloire ; cela s’appelle réchauffer. Cette eau réchauffée une premiere fois s’appelle eau d’imprime. L’eau d’imprime étant préparée, l’ouvrier prend une poignée d’ouvrage au lieu 2 ; il met cette poignée dans l’eau d’imprime, l’y agite, & commence à la fouler un peu. Cette manœuvre dure un quart d’heure ; au bout de ce tems, au lieu de jetter cette poignée dans le panier, comme la premiere, il la met sur la planche au lieu 1, après l’avoir tordue.

Cela fait, il réchauffe l’eau : cette eau réchauffée s’appelle eau de dégrais à fait : il prend une autre poignée au lieu 3 ; il a du savon noir dans un barril ; il en frotte sa poignée à la quantité d’une demi-livre, ensuite il l’agite dans l’eau, & la presse fortement sur le ratelier pour en faire sortir la graisse. Cette manœuvre dure un quart-d’heure : au bout de ce tems, il tord sa poignée & la met sur la planche au lieu 2.

Il réchauffe l’eau : cette eau réchauffée s’appelle eau grasse. Il prend une autre poignée au lieu 4 ; il la met dans l’eau grasse sans la frotter de savon, il se contente de l’agiter & de la presser fortement contre le ratelier. Cette manœuvre dure encore un quart-d’heure ; au bout de ce tems il tord sa poignée & la met sur la planche au lieu 3.

Pour cette fois il ne réchauffe point, il prend seulement une nouvelle poignée au lieu 5 ; cette poignée est d’ouvrage tel qu’il sort des mains du fabriquant, & sans aucune préparation. Il jette sa poignée dans l’eau, l’y agite, & presse contre les dents. Cette manœuvre dure un quart-d’heure ; au bout de ce tems il la tord & la met sur la planche au lieu 4.

Cela fait, il vuide toute la fouloire par un bouchon qui est au fond, & la nettoye exactement. Quand la fouloire est bien nettoyée, il refait de l’eau neuve pour recommencer la suite d’opérations que nous venons de décrire, & dans lesquelles consiste la foule.

D’où l’on voit que nous avons supposé la fouloire en train : mais si elle n’y eût point été, on eût fait une eau neuve avec du savon noir, & on eût continué le travail dans l’ordre que nous avons prescrit : mais le commencement eût été coûteux & n’eût pas donné un ouvrage si parfait. Le but de la foule est de dégraisser, & de rendre l’ouvrage plus fort & plus serré.

L’ouvrier est payé trois sous la poignée : mais tous les ouvrages ne sont pas également durs. Les bas d’homme, de Segovie, sont les plus durs ; les bas de femme sont de deux paires à la poignée. L’ouvrage de foule le moins pénible, ce sont les calottes de castor, quoiqu’il y en ait huit à la poignée.

Si l’on veut avoir de bel & bon ouvrage, il ne faut le fouler ni aux piés ni au moulin ; ces deux manieres rendent les bas durs & inégalement foulés.

La seconde opération est celle de la forme. Au sortir des mains du foulon, dans le même jour, il faut enformer les marchandises : si on les laissoit sécher, on ne pourroit plus les enformer sans les mouiller, ce qui les gâteroit. La forme n’est autre chose qu’un morceau plat de bois de hêtre, dont le contour est, à proprement parler, la ligne de profil de la piece à enformer. On la fait entrer dans les ouvrages foulés, qu’on tend fortement sur elle, avec de petits clous qu’on plante, soit dans l’ouvrage, soit dans une lisiere ou allonge qu’on y attache : ordinairement on met des lisieres aux jupons. On laisse les marchandises en forme jusqu’à ce qu’elles soient seches, ce qui demande au-moins douze heures, sans feu ni soleil. Quand on est pressé, on porte les marchandises enfermées dans une étuve ou cabinet échauffé par une poelle de feu : il ne faut aux marchandises qu’une heure d’étuve pour les sécher : mais il vaut mieux les laisser sécher à l’air.

La troisieme opération consiste à les racoutrer. Racoutrer, n’est autre chose que réparer les défauts que les marchandises rapportent, soit du métier à bas, soit de la foule. Cette réparation se fait à l’aiguille & avec la même matiere : il faut qu’elle soit la plus solide & la plus propre qu’il est possible.

La quatrieme opération est le draper. Pour draper, on a une broche double : cette broche double est une espece de fourche de fer, telle qu’on la voit fig. 5. On a monté sur chaque fourchon, un chardon de ceux qu’on appelle chardon à bonnetier ou drapier ou foulon ; ces chardons peuvent se mouvoir ou tourner sur les deux fourchons, & y sont arrêtés par une planchette qui en est traversée, & une clavette qui les traverse. L’ouvrier prend la queue de cette broche ou fourche entre l’index & le doigt du milieu de sa droite ; place son ouvrage sur son genou gauche, qu’un petit marche-pié tient élevé, & passe dessus, les deux chardons, jusqu’à ce qu’il s’apperçoive qu’il s’est formé assez de duvet. Les chardons en roulant sur la marchandise, se chargent de bourre. Quand ils en ont trop, on a une carde telle qu’on la voit fig. 6. sur laquelle on les roule, ce qui s’appelle debourrer.

La cinquieme opération est la tonte. Cette opération est très-délicate, & il faut une certaine habitude pour aller vîte & ne pas tondre en échelle ou inégalement : pour cet effet le tondeur se ceint d’une ceinture telle qu’on la voit fig. 8 ; elle a une boucle ordinaire à son extrémité, & elle traverse un morceau de bois fait en cœur, dont on auroit coupé la pointe, & au milieu duquel on auroit pratiqué une ouverture quarrée. Il arrête ce morceau de bois, qu’on appelle coussinet, sur son flanc droit. Il prend dans sa main gauche un rouleau ou morceau de bois rond, couvert de serge, qu’on voit fig. 10. Ce rouleau ou morceau de bois a un pié de long sur quatre pouçes de diametre. Il place son ouvrage sur ce rouleau, en travers, si c’est un bas ; il appuie la longue branche de ses ciseaux dans l’ouverture du coussinet ; il les saisit toutes deux, & faisant ouvrir & fermer rapidement son ciseau, il enleve de dessus l’ouvrage les gros poils, observant de tourner peu à peu le rouleau, afin que la surface de l’ouvrage à tondre succede à la surface tondue, & se présente continuement au ciseau.

On appelle bourre, tant la laine enlevée au chardon, que celle qui vient du ciseau ; ce produit du draper & de la tonte sert à remplir les dents des cardes neuves, quand on craint qu’étant trop longues elles ne déchirent la laine. On la vend aussi à des ouvriers qui ont trouvé le secret d’en faire une sorte de tapisserie qu’on appelle tontisse. La bourre vaut quatre sous la livre.

Il est étonnant qu’on ait trouvé un emploi à la bourre de la laine, & qu’on n’en ait pas encore trouvé à la recoupe de la gase ; l’un pourtant me semble bien plus facile que l’autre. On entend par la recoupe de la gase, cette portion de fil & de soie blanche qui s’enleve au ciseau de dessus les pieces, quand elles sont fabriquées, pour en faire paroître les fleurs, voyez Gase : on brûle cette matiere ou cet amas de petits fils plus blancs que la neige. Cependant il n’est personne à qui il ne vienne en pensée qu’on en pourroit très-bien faire usage dans les papeteries : peut-être que du papier fabriqué en entier de cette matiere seroit cassant ; mais si on la mêlangeoit avec le chiffon, je ne doute point qu’elle ne contribuât à la blancheur & à la finesse : j’invite les fabriquans de papier à en faire l’essai. Si cet essai réussissoit, il y auroit un gain considérable à faire pour les premiers entrepreneurs ; car ces bouts de fil & de soie forment au bout de l’an, dans l’attelier d’un gasier un peu occupé, une masse très-considérable, & ils se donnent pour rien ou pour très-peu de chose.

La sixieme opération est la teinture. Après la tonte on teint ou l’on envoye à la teinture les ouvrages faits de laine blanche ; car pour ceux qui sont fabriqués de laines déjà teintes, ils restent de la couleur qu’on a cardé la laine. Voyez sur le mêlange des laines teintes propres à produire la couleur qu’on desire, l’article Draperie. Voyez aussi Teinture.

Septieme opération. Il faut rapprêter les marchandises passées à la teinture. On entend par rapprêter, repasser au chardon légerement, ce qu’on appelle éclaircir, & tondre ensuite.

Huitieme opération. Quand les marchandises ont passé par toutes les opérations précédentes, on les presse ou on les catit. La presse des Bonnetiers n’a rien de particulier ; elle ressemble à celle des relieurs & de quelques autres ouvriers. L’action de la presse est de rendre les marchandises moins épaisses, & de leur donner un œil plus fin. Catir, c’est chauffer modérément sur une poelle pleine de feu, qu’on appelle catissoire. La catissoire renfle la laine, & donne à la marchandise un air plus moelleux & plus chaud, mais plus épais, ce qui ne plaît pas à tout le monde.

Il ne reste plus au Bonnetier après cela, qu’à renfermer sa marchandise dans des armoires, & à veiller à ce que les vers ne s’y mettent point.

La Bonneterie de Paris est sans contredit une des meilleures de l’Europe, & la meilleure du royaume. La crainte qu’elle ne perdît de son crédit par de mauvais ouvrages distribués sur son compte, détermina sa Majesté à ordonner à trois reprises différentes, en 1713, 16 & 21, que les marchandises de bonneterie, qui se présenteroient à l’entrée de Paris, seroient visitées à la doüane ; & pour cet effet il fut enjoint 1° au commis des portes & barrieres de Paris, sous peine d’interdiction pendant un mois, & de révocation en cas de récidive, d’envoyer au bureau de la doüane tous les marchands forains, voituriers, conducteurs de coches, & messagers qu’ils trouveront chargés de bonneterie, tant au métier qu’à l’aiguille, de leur délivrer des envois, d’en prendre des gages proportionnés à la quantité des marchandises, & même de les conduire : 2° en cas qu’il se trouvât des gens en contravention, de saisir & de dresser procès-verbal & rapport de saisie, dans les vingt-quatre heures : 3° au lieutenant de police d’ordonner en ces conjonctures ce qu’il appartiendra : 4° que le tiers des marchandises prises en fraude, soit adjugé aux commis.

La Bonneterie forme le cinquieme des six corps des marchands de Paris. Il a droit de vendre bonnets de drap, de laine, bas, gants, chaussons, camisoles, caleçons, & autres semblables ouvrages faits au métier, au tricot, à l’aiguille, en laine, fil, lin, poil, castor, coton, & autres matieres ourdissables.

Les Bonnetiers entendent par des bas castors, ou autres ouvrages désignés sous ce nom, ceux qui sont faits avec de la laine filée & torse, ensuite avec de la soie. Ces marchandises se traitent au sortir des mains du fabriquant, précisément comme si elles étoient toute laine.

Dans les statuts de la Bonneterie, accordés par Henri IV. en 1608, les marchands bonnetiers sont appellés Aulmulciers-mitoniers ; parce qu’anciennement c’étoient eux qui faisoient des aulmulces ou bonnets propres pour la tête quand on alloit en voyage, & qu’ils vendoient des mitaines. Voyez Aumusse. Suivant ces statuts, on ne peut être reçû dans le corps avant vingt-cinq ans, & sans avoir travaillé cinq ans en qualité d’apprenti, & cinq autres années en qualité de compagnon, & sans avoir fait chef-d’œuvre.

La Bonneterie a ses armoiries ; elles sont d’azur, à la toison d’argent, surmontée de cinq navires aussi d’argent, trois en chef & deux en pointe ; & une confrairie établie en l’église de S. Jacques de la Boucherie, sous la protection de S. Fiacre.

Il y a à la tête du corps six maîtres ou six gardes. Trois sont appellés anciens. Le plus ancien des trois s’appelle le premier ou le grand garde ; les trois autres sont nommés nouveaux gardes. On ne peut être élû premier garde, qu’on n’ait été nouveau garde.

L’élection de deux gardes se fait tous les ans après la S. Michel, au bureau de la Bonneterie ; savoir, d’un ancien pour la seconde fois, & d’un nouveau pour la premiere fois ; ensorte qu’il en sort deux, le grand garde, & le premier des trois nouveaux. L’élection se fait à la pluralité des voix, en présence du procureur du Roi du châtelet, & d’un greffier.

Les six gardes portent en cérémonie la robe consulaire, c’est-à-dire, la robe de drap noir, à collet, à manches pendantes, à paremens & bord de velours noir.

Dans les comptes que les gardes ont à rendre, ils sont entendus par six anciens hors de charge, nommés à la pluralité des voix.

Quand un ancien garde décede, les quatre derniers gardes en charge sont tenus d’assister en robe à son convoi, & de tenir chacun un des coins du poîle, qui est fourni par le bureau, avec six flambeaux de cire blanche, auxquels sont attachées les armoiries du corps.

Ce cinquieme corps s’est accrû, en 1716, de la communauté des maîtres bonnetiers & ouvriers au tricot des faubourgs.

Cette réunion occasionna dans la suite des contestations ; ces contestations augmenterent encore quand la communauté se fut accrue des faiseurs de bas au métier. Ce fut pour terminer tous ces démêlés, occasionnés par les différens réglemens qu’avoit chacun de ces corps avant la réunion, & qu’il prétendoit conserver après, qu’il fut ordonné par un arrêt du conseil de 1716, qui n’eut son effet qu’en 1718,

1° Que la communauté des bonnetiers de faubourgs sera éteinte & restera unie au corps des Bonnetiers.

2° Que les maîtres des faubourgs reçûs avant la réunion, seront réputés maîtres de la ville, & pourront y tenir boutique.

3° Qu’ils joüiront eux, leurs veuves & leurs enfans, des droits des Bonnetiers de Paris.

4° On peut voir le reste de ces réglemens dans le dictionnaire du Commerce, avec les huit articles qu’on fut obligé d’y ajoûter lors de la réunion des fabriquans de bas au métier, aux Bonnetiers de la ville & des faubourgs. Voyez aussi l’article Bas au métier.

Je finirai cet article par un fait qui pourra être de quelqu’utilité à d’autres marchands bonnetiers qu’au sieur Pichard. Il est constant qu’il n’y a point de fouloire bien entretenue, qui ne consomme au moins pour dix sous d’eau par jour, & un marchand bonnetier peut avoir chez lui jusqu’à six, huit, dix fouloires, ce qui fait pour l’eau seulement un objet assez considérable. Le Sr Pichard parloit un jour de cette dépense, devant un aveugle de naissance déjà connu (dont il s’agit dans la Lettre sur les aveugles & dans l’art. Aveugle), & cet aveugle lui donna un conseil dont on ne s’étoit pas encore avisé depuis qu’on fait de la bonneterie : ce fut de se servir de l’eau de son puits ; cela n’étoit pas difficile à trouver, diront ceux qui ignorent que l’eau de puits est très-dure & se charge si difficilement de savon, qu’il n’est pas possible d’en faire usage en bonneterie. Mais notre aveugle savoit très-bien, par l’usage qu’il avoit de la distillation, que cette même eau de puits distillée devenoit très-pénétrante, se chargeoit de savon avec une extrème facilité, & en demandoit même beaucoup moins que l’eau de riviere, pour produire le même effet.

Il savoit encore que le travail de la bonneterie demandoit que l’on tint perpétuellement du feu sous la chaudiere qui fournit de l’eau aux fouloires. Il conseilla donc au sieur Pichard de placer un grand alembic entre deux chaudieres, qui recevroient l’eau qui s’en distilleroit, & qui la rendroient dans les fouloires. L’alembic de la fouloire du Sr Pichard est d’une forme singuliere ; il est concave en-dessous, & oppose une large surface au feu ; il s’en éleve perpétuellement une masse considérable de vapeurs ; il est placé de façon qu’il est échauffé par le feu même qui entretient la chaleur des chaudieres, & il fournit aux fouloires de l’eau qui ne coûte rien, qui épargne le savon, & qui foule mieux que l’eau de riviere.