L’Encyclopédie/1re édition/LEVRES

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LÉVRES, s. f. (Anat.), sont le bord ou la partie extérieure de la bouche ; ou cette extrémité musculeuse qui ferme & ouvre la bouche, tant supérieurement, qu’inférieurement. Voyez Bouche.

Les levres, outre les tégumens communs, sont composées de deux parties ; l’une est ferme, qui est dure & musculeuse ; l’autre intérieure, qui est molle, spongieuse & glanduleuse, & couverte d’une membrane fine, dont le devant & la portion la plus éminente est rouge, & se nomme en latin prolabia. Les auteurs se contentent ordinairement d’appeller spongieuse la partie intérieure des levres ; mais réellement elle est glanduleuse, comme on voit par les tumeurs scrophuleuses & carcinomateuses ausquelles elle est sujette. Les muscles dont la partie extérieure est composée, sont ou communs aux levres avec d’autres parties, ou sont propres. Les communs sont la troisieme paire des muscles du nez, le peaucier, & le buccinateur.

Les muscles propres des levres sont au nombre de douze paires, six incisifs, deux canins, quatre zigomatiques, deux rieurs, deux triangulaires, deux buccinateurs & un impair, le quarré de la lévre inférieure ; voyez-en la description à leur article.

Les arteres qui portent le sang aux levres sont des branches de carotides, & les veines vont se décharger dans les jugulaires externes. Les nerfs viennent de la cinquieme, de la septieme & de la huitieme paire de la moëlle allongée. Les lévres ont beaucoup de part à l’action de la parole, & servent beaucoup pour prendre la nourriture, &c.

Levres, ou grandes Levres, sont aussi les deux extrémités des parties naturelles de la femme, entre lesquelles est la fente ou vulve. On les nomme en latin, labia pudendi. Ce sont des corps mous & oblongs, d’une substance particuliere, & qu’on ne trouve dans aucune autre partie du corps.

On se sert aussi fort souvent du mot levre dans la description des os.

Lévres, sont aussi les deux bords d’une plaie.

Voilà donc tout ce que l’anatomie sait de la structure de cette partie du visage, appellée les levres, qui après les yeux, a le plus d’expression. Les passions influent puissamment sur les levres ; la voix les anime, leur couleur vermeille y fixe les regards de l’amour. Secundus les nomme suaviorum delubra ; illa rosas spirant, ajoute-t-il, en parlant de celles de sa maîtresse, & tous les amans tiennent le même langage. Mais on peut dire avec plus de vérité, que chaque mot, chaque articulation, chaque son, produisent des mouvemens différens sur les levres ; on a vû des sourds en connoître si bien les différences & les nuances successives, qu’ils entendoient parfaitement ce qu’on disoit, en voyant comment on le disoit. C’est pour cela, que les Anatomistes ont tâché d’expliquer le méchanisme de tous ces mouvemens si variés, en disséquant à leur fantaisie, les muscles de cet organe. Mais premierement, leur travail n’aboutit qu’à des généralités fort incertaines. Le muscle buccinateur, disent-ils, applique les joues aux dents molaires ; l’orbiculaire ride, retrécit, ferme la bouche ; le grand & le petit incisif, dilatent les narines, & relevent la levre supérieure tout à la-fois ; les triangulaires & les canins rapprochent les coins de la bouche, &c. cependant tous ces usages sont d’autant moins sûrs, que le défaut & la varieté des jeux qu’on trouve dans ces muscles par la dissection, ne causent dans les vivans ni d’obstacle aux mouvemens de leurs levres, ni de différence d’avec les autres hommes. Ajoutez, que tous les muscles qui vont à la commissure des levres, forment dans cet endroit un tel entrelacement, qu’on ne sauroit le démêler, quelque habile qu’on soit dans l’art de disséquer. Enfin, la multiplication de tous ces muscles a été portée si loin, qu’il faut l’attribuer, ou à l’embarras de les séparer, ou à l’ouvrage du scalpel, plutôt qu’à celui de la nature.

Remarquons sur-tout ici, que les levres offrent à la méditation, une structure aussi curieuse que peu connue. Couvertes de peau & d’un tissu graisseux en dehors, elles sont tapissées d’une membrane glanduleuse en dedans ; elles paroissent de plus avoir un tissu spongieux, qui se gonfle & se dégonfle dans certaines occasions, indépendamment de l’action musculaire de leurs portions charnues. Le tissu qui forme le bout rouge des levres est encore plus singulier ; il ne ressemble en rien au tissu de la peau, voisine ; son épaisseur est un amas de mamelons veloutés, longuets, très-fins, & très-étroitement collés ensemble ; ce tissu est couvert d’une peau subtile, qui paroît une continuation réciproque de l’épiderme, & de la pellicule qui s’étend sur la membrane glanduleuse de la cavité de la bouche. Ce tissu est d’une extrême sensibilité, comme le prouve l’attouchement le plus léger de la barbe d’un épi d’orge. Cette sensibilité devient fort incommode, quand la levre est tant soit-peu dépouillée de sa pellicule épidermique. Enfin, la membrane interne de la levre supérieure forme une petite bride mitoyenne au-dessus des premieres dents incisives ; on n’en connoît point l’usage ; Ruysch avoit une tête d’enfant injectée, où cette bride étoit double.

Les levres reçoivent leurs nerfs de la cinquieme paire de la moëlle allongée, & de la portion dure du petit nerf sympatique, dont les ramifications sont dispersées amplement sur toutes ces parties, sans qu’il soit possible d’en suivre le cours. En un mot, toute la structure des levres est fort étonnante. (D. J.)

Levres, plaies des (Chirurg.) les plaies des levres peuvent être faites avec des instrumens ou tranchans, ou émoussés.

Dans les plaies faites par des instrumens tranchans, les maîtres de l’art conseillent, soit que ces plaies soient longitudinales ou transversales, d’en faciliter la réunion avec des emplâtres agglutinatifs, & lorsque les plaies sont un peu considérables, de les saupoudrer avec quelque poudre consolidante, telle que celle de sarcocolle ou autre préparée avec la racine de consoude, la gomme adraganthe, & la gomme arabique. Si la plaie est si grande, qu’elle rende tous ces moyens inutiles, il faut nécessairement en procurer la réunion avec une suture.

Dans les plaies des levres, occasionnées par des corps émoussés, par une chûte, ou par des armes à feu ; la premiere chose qu’on doit faire, est de préparer la plaie à la suppuration, par quelque onguent digestif ; il faut ensuite la déterger & finalement en réunir les levres, par une emplâtre agglutinatif, ou par la suture, comme on la pratique pour le bec-de-lievre.

Dans toutes plaies des levres, on évitera de parler, & on n’usera que d’alimens qui ne demandent point de mastication. (D. J.)

Levre, s. f. (Botan.) M. de Tournefort a introduit en Botanique ce mot de levre, pour exprimer les découpures recourbées ou relevées des fleurs en gueule ; car on peut dire que ces découpures sont en quelque maniere un prolongement des mâchoires de ces sortes de gueules ; aussi les Botanistes ont donné à ces fleurs en général, le nom de fleurs labiées. Voyez Fleurs labiées, à l’article, Fleurs des Plantes, Botan. Syst. (D. J.)

Levres, (Conchyl.) en latin, oræ ; ce sont les bords de la bouche d’une coquille. (D. J.)

Levre, en Architecture. V. Campane.

Levre de Cheval. (Maréch.) ; c’est la peau qui regne sur les bords de la bouche & qui environne les mâchoires. On dit qu’un cheval s’arme de la levre, ou se défend de ses levres, quand il les a si grosses, qu’elles couvrent les barres, en ôtent le sentiment, & rendent l’appui du mors sourd & pesant. Voyez Barre.

Toute embouchure dont le canon est beaucoup plus large auprès des banquets, qu’à l’endroit de l’appui, empêche un cheval de s’armer des levres. Voyez Canon, Embouchure, Banquet.