L’Encyclopédie/1re édition/BOUCHE

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BOUCHE, s. f. en Anatomie, est une partie du visage composée des levres, des gencives, du dedans des joues, & du palais. Voyez Face, Levres, &c.

Toutes ces parties sont tapissées d’une tunique glanduleuse qui se continue sur toute la surface interne de la joue, & sur toutes ses parties excepté les dents.

Les glandes de cette tunique séparent une sorte de salive qui coule par une infinité de petits conduits excrétoires, & sert à entretenir dans la bouche & dans toutes ses parties l’humidité & la souplesse. Voyez Salive.

A la partie postérieure du palais, & perpendiculairement sur la glotte, pend un corps rond, mou, & uni, semblable au bout du doigt d’un enfant, & qui est formé par la duplicature de la membrane du palais ; il se nomme la luette : il est mû par deux muscles, savoir, le sphénostaphylin, & le ptérygostaphylin, & suspendu par autant de ligamens. Voyez Luette.

Sous la membrane du palais sont quantité de petites glandes assez visibles dans la partie antérieure de la bouche, & semblables à des grains de millet, & dont les conduits excrétoires s’ouvrent dans la bouche à travers sa membrane : mais vers la partie postérieure de la bouche elles sont beaucoup plus serrées, & autour de la racine de la luette elles sont rassemblées si près les unes des autres, qu’elles semblent ne former qu’une grosse glande conglomérée, que Verheyen appelle par cette raison glandula conglomerata palatina. Voyez Palais. Les gencives couvrent les alvéoles où les dents sont enchâssées. Voyez Dent.

Outre les parties propres de la bouche, il y en a d’autres dedans & alentour qui lui sont extrèmement utiles & nécessaires ; comme les glandes, dont les plus considérables sont les parotides, les maxillaires, les sublinguales, & les amygdales. Voyez-les chacune dans leurs articles particuliers, Parotides, &c.

Ces glandes sont les organes de la salive, & fournissent toute la liqueur des crachats qui découlent dans la bouche par différens conduits, après qu’elle a été séparée du sang dans le corps des glandes. Comme il sort plus de salive lorsque la mâchoire inférieure agit, par exemple, lorsque l’on mâche, que l’on avale, ou que l’on parle beaucoup, &c. la disposition des conduits salivaires favorise aussi dans ces occasions cette plus grande évacuation.

M. Derham observe que la bouche des differens animaux est exactement proportionnée aux usages de cette partie, étant d’une figure très-convenable pour saisir la proie, ramasser & recevoir la nourriture, &c. La bouche de presque tous les animaux s’appelle gueule.

Dans certains animaux elle est grande & large, dans d’autres petite & étroite ; dans les uns elle est taillée profondément dans la tête, pour mieux saisir & tenir la proie, & briser plus aisément une nourriture dure, d’un gros volume, & qui résiste ; dans les autres, qui vivent d’herbes, elle est taillée moins avant.

Celle des insectes est très-remarquable : dans les uns elle est en forme de pinces, pour saisir, tenir & déchirer la proie ; dans les autres elle est pointue, pour percer & blesser certains animaux, & sucer leur sang ; dans d’autres elle est garnie de mâchoires & de dents, pour ronger & arracher la nourriture, traîner des fardeaux, percer la terre & même le bois le plus dur, & jusqu’aux pierres mêmes, afin d’y pratiquer des retraites & des nids pour les petits.

La bouche des oiseaux n’est pas moins remarquable, étant faite en pointe pour fendre l’air, & étant dure & de la nature de la corne, pour suppléer au défaut des dents, étant crochue dans les oiseaux de proie, pour saisir & tenir la proie, longue & mince dans ceux qui doivent chercher leur nourriture dans les endroits marécageux, longue & large dans ceux qui la cherchent dans la vase. Voyez Bec. (L)

Bouche-en-cour, (Hist. mod.) c’est le terme dont on se sert pour signifier le privilége d’être nourri à la cour aux dépens du Roi. Ce privilége ne s’étend quelquefois qu’à la fourniture du pain & du vin. Cette coûtume étoit en usage anciennement chez les seigneurs de même que chez les rois. (G)

La Bouche & les mains, terme de Jurisprudence féo'dale, employé dans la coûtume de Paris art. 3. pour signifier la foi & hommage. L’origine de cette expression vient de ce qu’autrefois le vassal en prêtant le serment de fidélité à son seigneur, lui présentoit la bouche, & lui mettoit les mains dans les siennes : mais cette formalité a été abrogée par le non-usage. (H)

Ouvrir & fermer la bouche d’un cardinal, c’est une cérémonie qui se fait en un consistoire secret, où le pape ferme la bouche aux cardinaux qu’il a nouvellement nommés, en sorte qu’ils ne parlent point quoique le pape leur parle : ils sont privés de toute voix active & passive jusqu’à un autre consistoire, où le pape leur ouvre la bouche, & leur fait une petite harangue, pour leur marquer de quelle maniere ils doivent parler & se comporter dans le consistoire.

Bouche signifie aussi dans les cours des princes ce qui regarde leur boire & leur manger, & le lieu où on l’apprête ; de-là les officiers de bouche, les chefs de la bouche.

Bouches inutiles, (Art milit.) ce sont dans une ville assiégée les personnes qui ne peuvent servir à sa défense ; tels sont les vieillards, les femmes & les enfans, &c. Un gouverneur qui sait que sa place est pourvûe de peu de vivres, doit prendre le parti de se défaire de bonne heure des bouches inutiles ; car lorsque le siége est formé, l’assaillant ne doit pas permettre la sortie de ces personnes, afin qu’elles aident à consommer les vivres, & que le gouverneur se trouve forcé de se rendre plus promptement (Q)

Bouche à feu, c’est dans l’Art militaire, les canons & les mortiers : ainsi battre une place avec 200 bouches à feu, c’est avoir 200 pieces, tant de canons que de mortiers, en batterie sur la ville. (Q)

Bouche, en terme de Manege, marque la sensibilité du cheval en cette partie où on lui met le mors. Filets de la bouche d’un cheval, voyez Filet.

La bouche est la partie de la tête du cheval à laquelle on donne le nom de gueule dans les autres animaux. Le cheval à cause de sa noblesse, est le seul quadrupede à qui on donne une bouche : ses bonnes qualités sont d’être bonne ou loyale, c’est-à-dire, que le mors n’y fasse trop ni trop peu d’impression. On appelle aussi bouche à pleine main, une bouche que l’on ne sent ni trop ni trop peu dans la main : assûrée, c’est-à-dire, que le cheval sente le mors sans inquiétude : sensible, signifie qu’elle est délicate aux impressions du mors ; c’est un défaut à une bouche que d’être trop sensible : fraîche, c’est-à-dire, qu’elle conserve toûjours le sentiment du mors, & qu’elle est continuellement humectée par une écume blanche.

Les mauvaises qualités d’une bouche sont d’être fausse ou égarée, c’est-à-dire, qu’elle ne répond pas juste aux impressions du mors ; chatouilleuse, vient d’une trop grande sensibilité ; seche, c’est-à-dire sans écume, est quelquefois une suite d’insensibilité ; forte, veut dire que le mors ne fait presque point d’impression sur les barres : on dit dans cette occasion que le cheval est gueulard, ou a de la gueule, ou est sans bouche, ou est fort en bouche : perdue ou ruinée, signifie que le cheval n’a plus aucune sensibilité à la bouche. Assûrer, rassûrer, gourmander, offenser, ouvrit la bouche d’un cheval, voyez ces termes à leurs lettres. (V)

Bouche, en Architecture, terme métaphorique, pour signifier l’ouverture ou l’entrée d’un tuyau, d’un four, d’un puits, d’une carriere, &c.

Bouche, c’est, chez le roi & chez les princes, un bâtiment particulier composé de plusieurs pieces, comme de cuisines, offices, &c. où l’on apprête & dresse séparément les viandes des premieres tables. (P)

Bouche, (Marine.) on donne quelquefois ce nom aux ouvertures par lesquelles de grandes rivieres déchargent leurs eaux à la mer. On dit les ' bouches du Rhone, les bouches du Nil, &c. Quelquefois on l’applique à certains passages de la mer resserrés entre les terres, comme les bouches de Boniface, entre la Corse & la Sardaigne. (Z)

Bouche, Bosson, Besson ; voyez Bouge & Besson.

Bouche, dans les tuyaux d’Orgue ; on appelle ainsi l’ouverture du tuyau par laquelle l’air qu’il contient sort. On a ainsi appellé cette partie par analogie à la bouche de l’homme, parce que c’est par cette ouverture que le tuyau parle : la largeur entre les deux levres 3 & 0, fig. 30. Pl. d’Orgue, doit être le quart de leur longueur bb, pour qu’elle parle avec le plus d’avantage qu’il est possible ; car si elle est trop ouverte, le tuyau ne parle presque pas ; & si elle l’est trop peu, le tuyau ne fait entendre qu’un siflement desagréable.

Bouche ovale, sorte de bouche des tuyaux d’Orgue laquelle est arrondie par le haut, comme la figure 31. Plan. d’Orgue le représente.

Pour trouver le trait de cette bouche, soit db, fig. 31. n° 2. sa largeur ; il faut diviser cette largeur en deux au point 3, élever perpendiculairement la ligne 3 e, sur laquelle on prendra 3 f égale à db ; du point f, comme centre, & d’un rayon moitié de db, on décrira la demi-circonférence e, qui avec les deux perpendiculaires aux points d & b, terminera la figure de la bouche ovale. Voyez Orgue.

Bouche en pointe, c’est ainsi que l’on nomme la bouche des tuyaux d’orgue dont la levre supérieure, figure 33. Plan. d’Orgue, est faite en triangle isoscele abc ; bc est la largeur de la bouche ; c 2 une fois & demie cette largeur qui est la hauteur de la bouche, que l’on forme en tirant les deux lignes égales ac & ab. Voyez l’article Orgue.

Bouche de four, en terme de Boulanger, est une ouverture en quarré ou cintrée, par laquelle on met le bois & le pain dans le four. Voyez fig. 1. du Boulanger ; ABCD est la bouche du four, & CDEF, la plaque de fer avec laquelle on le ferme, en levant cette plaque qui fait charniere dans la ligne CD. Voyez la fig. 2. qui est le profil du four sur sa longueur.