Grammaire de l’hébreu biblique/Syntaxe/Temps et modes/Paragraphe 119

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 326-336).
§ 119. Forme weqataltí (parfait inverti).

a L’explication de la forme invertie weqataltí est analogue à celle de la forme invertie wayyiqtol.

Cette forme se compose du waw énergique (avec vocalisation faible וְ etc., § 43 a N) et de qatal, avec ton mileraʿ (p. ex. qataltí) dans la mesure du possible. En la comparant à la forme séparée qatal (qatálti) il a tué etc., quant à la place du ton et quant aux sens, on peut dire que c’est un qatal inverti. Elle a, par contre, à peu près les mêmes valeurs que la forme yiqtol, à laquelle elle ajoute surtout l’idée de succession.

b Les verbes statifs n’offrent pas de difficulté particulière ; ainsi וְהָיָה, employé au sens statif, équivaut à יִֽהְיֶה et signifie et erit. Employé au sens actif, il équivaut au יִֽהְיֶה d’action et signifie 1) et eveniet, et fiet ; 2) et eveniebat, et fiebat ; 3) et evĕnit, et fit (cf. § 111 i).

c A) La forme weqataltí s’emploie surtout pour une action future postérieure à une autre action. Ainsi l’annonce d’événements futurs commence normalement par un yiqtol et continue par un ou plusieurs weqataltí : Am 9, 3 אֲחַפֵּשׂ וּלְקַחְתִּים je (les) rechercherai et (puis) les enlèverai ; Joël 4, 18 וּמַעְיָן יֵצֵא וְהִשְׁקָה et une source sortira et arrosera (opp. Gn 2, 6 ; § u). La forme weqataltí est si propre à exprimer le futur qu’on l’emploie même en début relatif ou absolu : Is 11, 1 וְיָצָא Et il sortira (au début d’une prophétie) ; la formule introductive וְהָיָה Et il arrivera est très fréquente, p. ex. : Is 2, 2 ; Os 2, 1 (en début absolu). Bien plus, on peut l’employer après un verbe au présent ou au passé : Jug 13, 3 « Vois, tu es stérile et tu n’a pas eu d’enfant : eh bien ! tu concevras et tu enfanteras un fils וְהָרִית וְיָלַדְתְּ בֵּן » ; 1 R 18, 14 « Mais il me tuera ! »

d Le sens de succession ressort notamment du fait qu’on évite weqataltí et qu’on le remplace par we… yiqtol, quand on ne veut pas exprimer la succession : Gn 12, 12 b וְהָֽרְגוּ אֹתִי וְאֹתָךְ יְחַיּוּ et ils me tueront, et toi ils te laisseront vivre (chiasme dû à l’opposition des deux pronoms moi, toi) ; Am 9, 13 : « … et les montagnes dégoutteront וְהִטִּ֫יפוּ de vin et toutes les collines en seront détrempées וְ… תִּתְמוֹגַ֫גְנָה » (synonymie) ; Dt 8, 12 תֹּאכַל וְשָׂבָ֑עְתָּ וּבָתִּים טוֹבִים תִּבְנֶה וְיָשָֽׁבְתָּ tu mangeras et (puis) seras rassasié, et de belles maisons tu bâtiras et (puis) y habiteras (deux groupes sans idée de succession, composés chacun de deux actions dont la 2e est postérieure à la 1re) ; Os 2, 25 « Et je dirai וְאָֽמַרְתִּ֫יet lui dira וְהוּא יֹאמַר » (opposition de deux sujets). Comparer le wayyiqtol évité, § 118 d-g.

e Comme wayyiqtol (§ 118 h) weqataltí exprime parfois une consécution (logique) : Gn 20, 11 « Peut-être n’y a-t-il point ici de crainte de Dieu, et (donc) ils me tueront וַֽהֲרָג֫וּנִי » ; Is 6, 7 « Voici que ceci touche נָגַע (présent instantané plutôt que passé) tes lèvres, et (en conséquence) ton iniquité disparaîtra וְסָר » ; Ex 6, 6 « Je suis Jéhovah ! et (en conséquence) je vous ferai sortir… וְהֽוֹצֵאתִ֫י » ; Ps 80, 13 « pourquoi as-tu démoli son mur, de sorte que tous les passants la vendangent ? וְאָֽר֫וּהָ » (weqataltí fréquentatif du présent, § t) ; 2 S 3, 21 « Je veux aller et rassembler auprès de mon seigneur le roi tout Israël, afin qu’ils concluent וְיִכְרְתוּ (jussif final) un pacte avec toi, et (ainsi) tu régneras וּמָֽלַכְתָּ֫[1] » ; 1 R 2, 31 וַֽהֲסִירֹ֫תָ ainsi tu enlèveras (nesīgah) ; Jug 6, 16 ; Dt 2, 6, 28 ; 10, 19 vous aimerez donc.

f L’emploi large ou abusif de weqataltí, comme de wayyiqtol (§ 118 k-m), dans des cas où il n’y a pas idée de succession, est assez fréquent, p. ex. Gn 12, 13 ; 1 S 1, 11 וּזְכַרְתַּ֫נִי (malgré synonymie pratique) ; Am 8, 8 וְאָבַל (id.). En général on n’interrompt pas une série de weqataltí sans une raison assez forte ; ainsi Is 28, 13 on a וְנִלְכָּ֑דוּ malgré la synonymie avec וְנֽוֹקְשׁוּ ; Am 9, 14 (les groupes parallèles ils bâtiront et habiteront, ils planteront et boiront, ils feront et mangeront ont les premiers verbes au weqataltí aussi bien que les seconds ; opp. Dt 8, 12 cité § d).

g Les remarques faites sur wayyiqtol § 118 l-m valent naturellement pour weqataltí : p. ex. après un infinitif Gn 27, 45 (sans succession).

h Dans la sphère du futur, le weqataltí peut continuer[2] un futur indicatif (yiqtol), un futur volitif § i (cohortatif § j, jussif § k) et un impératif § l, un participe § n, et un infinitif §§ o-p.

Après un yiqtol les exemples sont extrêmement nombreux (cf. § c sqq.). On remarquera le cas du futur injonctif (§ 113 m) : Lév 19, 32 « Tu te lèveras תָּקוּם devant les cheveux blancs et tu honoreras וְהָֽדַרְתָּ֫ la présence du vieillard » ; Dt 2, 6 ; 23, 24 תִּשְׁמֹר וְעָשִׂ֫יתָ tu garderas et feras (= tu veilleras à accomplir).

i Weqataltí continuant un mode volitif (cohortatif, jussif, impératif). Après un mode volitif, un second verbe peut être purement coordonné, sans waw ou avec waw. Si le waw a un sens énergique avec idée de finalité-consécution on a le volitif indirect (§ 116). Enfin s’il y a idée de succession, le second verbe a la forme weqataltí. Donc, après un mode volitif, weqataltí a sa valeur ordinaire, celle qu’il a par exemple après un futur injonctif (§ h) : et (puis) je tuerai. L’origine de l’emploi de weqataltí après un volitif est sans doute dans les cas où l’on voulait exprimer l’idée de succession. Pour exprimer cette idée il était nécessaire de sacrifier la forme volitive dans le second verbe et de passer à la forme de l’indicatif. Mais ici aussi, weqataltí peut être employé assez librement ou même abusivement. Parfois même on peut penser que l’écrivain n’a passé à weqataltí que pour la variété. Mais de ce que, dans certains cas, on pourrait avoir aussi bien un volitif qu’un weqataltí, on ne peut pas conclure que le weqataltí ait, en soi, le sens du volitif[3]. Par conséquent on ne peut pas dire, avec certains auteurs, que weqataltí a parfois, en soi, le sens de finalité. Pour exprimer la finalité il faut normalement le volitif indirect[4].

j Weqataltí continuant un cohortatif : Ruth 2, 7 אֲלַקְּטָה־נָּא וְאָֽסַפְתִּ֫י je glanerai, si tu veux bien, et (puis) je recueillerai. (L’idée de succession est peu marquée ; par contre au v. 2 où elle serait plus nette on a néanmoins אֵֽלְכָה־נָּא הַשָּׂדֶה וַֽאֲלַקְּטָה j’irai aux champs, si tu veux bien, et je glanerai) ; Mich 4, 6-7 : אֲקַבְּצָה coordonné au synonyme אֹֽסְפָה, puis וְשַׂמְתִּ֫י et (puis) je placerai ; Gn 31, 44 נִכְרְתָה בְרִית … וְהָיָה faisons un pacte… et il sera… ; Jug 19, 13 נִקְרְבָה … וְלַ֫נּוּ atteignons… et nous passerons la nuit (opp. 11). Les exemples semblent rares. Assez souvent on emploie un second cohortatif simplement coordonné, même quand il y a idée de succession : Gn 11, 3 ; 2 S 17, 1-3 (mais v. 2 weqataltí).

k Weqataltí continuant un jussif est un peu plus fréquent, bien que les exemples certains soient encore peu nombreux[5] : 1 R 1, 2 יְבַקְשׁוּ … וְעָֽמְדָה Qu’on cherche… et elle se tiendra ; וּתְהִי … וְשָֽׁכְבָה et qu’elle soit… et elle dormira (curieuse alternance de jussifs et de weqataltí ; encore 1 R 22, 13 ; Ps 109, 10. Le sens virtuellement volitif, ici et ailleurs, ne ressort que du contexte) ; 2 S 13, 5 ; Ps 64, 11 (ce verset final semble à l’optatif, car si יִשְׂמַח était un indicatif on aurait un 2d weqataltí וְהִתְהַלְלוּ ; l’ordre des mots est en faveur de l’optatif, ainsi que le parallélisme avec le verset final 32, 11 à l’impér.) ; 1 Ch 22, 11 (probt sens final).

l Weqataltí continuant un impératif est au contraire très fréquent[6]. Dans plusieurs cas le sens propre de succession apparaît clairement : 1 R 2, 31 עֲשֵׂה כַּֽאֲשֶׁר דִּבֶּר וּפְגַע־בּוֹ וּקְבַרְתּ֑וֹ וַֽהֲסִירֹ֫תָ דְּמֵי חִנָּם Fais comme il a dit, [7] tue-le, puis tu l’enseveliras ; et ainsi tu écarteras le sang innocent… (וּפְגַע coordonné sans succession ; וּקְבַרְתּוֹ avec succession ; וַֽהֲסִירֹ֫תָ avec consécution). Comme l’impératif s’emploie proprement pour une action immédiate (§ 114 m), si la seconde action n’appartient pas au moment présent, mais à un temps plus ou moins éloigné, il est logique qu’on l’exprime par le futur avec nuance de succession : weqataltí. Ainsi encore 1 R 2, 36 « Bâtis-toi בְּנֵה־לְךָ une maison à Jérusalem : tu y habiteras וְיָֽשַׁבְתָּ֫ et tu n’en sortiras pas… » ; Jér 11, 6 « écoutez שִׁמְעוּ les paroles de ce pacte et (puis) accomplissez-les וַֽעֲשִׂיתֶם » (littt : et (puis) vous les accomplirez). L’écrivain est assez souvent libre d’exprimer ou non la nuance de succession ; ainsi on a Jér 36, 2 « Prends un rouleau, et tu y écriras וְכָֽתַבְתָּ֫ », mais v. 28 וּכְתֹב et écris ; Nb 16, 17 « Prenez chacun votre encensoir, et vous y mettrez וּנְתַתֶּם de l’encens », mais vv. 6-7 וּתְנוּ et mettez. Les exemples où la nuance de succession est bien apparente sont nombreux : Gn 19, 2 ; Nb 20, 26 ; 1 S 23, 23 ; 1 R 17, 13 ; après le fréquent קַח prends etc. : Gn 6, 21 ; 45, 19 ; Ex 12, 32 ; Nb 8, 6 ; Jug 6, 25 ; 1 S 6, 7 ; 1 R 1, 33 ; Jér 25, 15 ; Éz 4, 1, 2, 3, 9 ; après le fréquent לֵךְ va etc. : Job 42, 8 « allez vers mon serviteur Job ; et (une fois arrivés) vous offrirez un holocauste » ; Ex 3, 16 לֵךְ וְאָֽסַפְתָּ֫ va et (une fois arrivé) tu réuniras[8]. Mais assez souvent le sens de succession, ici comme ailleurs, est faible ou nul[9] : 1 S 12, 24 יְראוּ אֶת־יְהֹוָה וַֽעֲבַדְתֶּם אֹתוֹ craignez Jéhovah et servez-le (mais Jos 24, 14 plus régulièrement … וְעִבְדוּ אֹתוֹ) ; Ex 19, 23 ; Nb 3, 6 ; après le fréquent קַח prends etc. : Ex 17, 5. Parfois le weqataltí est purement explicatif : Lév 10, 12-13 אִכְלוּהָ … וַֽאֲכַלְתֶּם ; Lév 1, 2 דַּבֵּר … וְאָֽמַרְתָּ֫ « parle aux enfants d’Israël : tu leur diras » (formule assez fréquente où וְאָֽמַרְתָּ֫ équivaut à un simple לֵאמֹר) ; 21, 1 אֱמֹר … וְאָֽמַרְתָּ֫.

m Tous les exemples de weqataltí du § l sont à la même personne que l’impératif, c.-à-d. à la 2e. Les exemples à la 1re et à la 3e p. sont assez rares. À la 1re p. : Ex 34, 1 ; Nb 22, 8 (clairt succession) ; 1 S 15, 30 וְהִשְׁתַּֽחֲוֵ֫יתִי (le contexte semble demander le sens final pour que j’adore, comme v. 25 où l’on a normalement וְאֶשְׁתַּֽחֲוֶה) ; 2 S 24, 2 וְיָֽדַעְתִּ֫י (même remarque ; dans le passage parallèle 1 Ch 21, 2 on a normalement וְאֵֽדְעָה). — À la 3e p. : Ex 8, 12 ; 9, 8 (mais 9, 22 ; 10, 12 en même situation on a le jussif indirect) ; Nb 4, 19 וְזֹאת עֲשׂוּ לָהֶם וְחָיוּ faites-leur ceci et ils vivront (opp. Gn 42, 18 § 116 f 3) ; 1 R 22, 12, 15 ; Éz 37, 17.

n Weqataltí continuant un participe à sens futur. Comme, généralement, on ne continue pas un participe par un participe, un participe à sens futur est normalement continué par un weqataltí également à sens futur. Le plus souvent il y a idée de succession. Le futur exprimé par le participe est ordinairement un futur prochain. La nuance de proximité est souvent accentuée par un הִנֵּה : Gn 6, 17-18 Voici que je vais amener הִנְנִי מֵבִיא le déluge… et j’établirai וַֽהֲקִימֹתִ֫י mon alliance avec toi… » (sans succ.) ; 7, 4 « Je vais faire pleuvoir אָֽנֹכִי מַמְטִירet je détruirai וּמָחִ֫יתִי » (succ.) ; 1 R 20, 36 « Tu vas me quitter הֹלֵךְ, et un lion te tuera וְהִכְּךָ » ; 2 R 20, 17 (= Is 39, 6) « Voici que des jours vont venir et l’on enlèvera… (toujours weqataltí après הִנֵּה יָמִים בָּאִים, p. ex. Jér 31, 27, 31, 38) ; Is 7, 14 ; 8, 7 ; Am 6, 14.

o Weqataltí continuant un infinitif construit à sens futur. De même, comme on ne continue pas un inf. cst. par un inf. cst., un inf. cst. à sens futur est continué par un weqataltí également à sens futur : 1 R 2, 37 בְּיוֹם צֵֽאתְךָ וְעָֽבַרְתָּ֫ le jour où tu sortiras et passeras ; 2, 42 ; Gn 27, 45 ; Jug 6, 18 ; Éz 30, 25 בְּתִתִּי … וְנָטָה quand je donnerai… et qu’il étendra (non : pour qu’il étende) ; 26, 19 ; 30, 8, 18 ; 32, 15 (l. וְנָשַׁ֫מָּה).

p Weqataltí continue aussi un infinitif absolu ayant le sens d’un impératif (cp. § l) ou d’un futur (cp. § h) : 2 R 5, 10 הָלוֹךְ וְרָֽחַצְתָּ֫ « va et tu te laveras sept fois dans le Jourdain » ; Dt 1, 16 « Vous écouterez שָׁמֹעַ impartialement vos frères et vous jugerez וּשְׁפַטְתֶּם équitablement » ; Lév 2, 6 « Tu la diviseras פָּתוֹת en morceaux et tu répandras וְיָֽצַקְתָּ֫ » ; Éz 23, 46-47 (cf. § 123 u, v) ; Is 5, 5.

q B) Pour le présent weqataltí est beaucoup moins fréquent que pour le futur. C’est qu’en effet on n’a pas très souvent l’occasion d’employer un présent fréquentatif ou duratif avec un et. (Sans et, la forme employée est yiqtol § 113 c-d).

Ce weqataltí continue surtout un yiqtol à sens de présent (§ 113 c-d) : Am 5, 19 « Comme quand un homme fuit יָנוּס devant un lion et rencontre וּפְגָעוֹ un ours, et entre וּבָא dans sa maison, et appuie וְסָמַךְ la main contre le mur, et un serpent le mord וּנְשָׁכוֹ » (actions successives) ; Is 29, 11 « On donne יִתְּנוּet il dit וְאָמַר » ; Os 7, 7 ; Ps 90, 6. — Comparer wayyiqtol § 118 q.

r Weqataltí continue aussi parfois un participe à sens de présent : Ex 21, 12 מַכֵּה אִישׁ וָמֵת « Quiconque tue un homme et (cet homme) meurt… » (littéralement : le tuant, le tueur d’un homme ; waw avec nuance de consécution) ; 21, 16 ; Hab 2, 12 הוֹי בֹּנֶה עִיר בְּדָמִים וְכוֹנֵן קִרְיָה בְּעַוְלָה malheur à qui bâtit une ville dans le sang, et fonde une cité dans le crime ; de même encore après un הוֹי Is 29, 15 וְהָיָה et il est (cf. § 118 r) ; Am 6, 1 וּבָ֫אוּ et ils viennent. — Comparer wayyiqtol § 118 r.

s Weqataltí continue un infinitif absolu à sens de présent dans Jér 7, 9-10 « גָּנֹב vous volez, vous tuez, etc. וּבָאתֶם et puis vous venez vous présenter devant moi » ; 23, 14.

t En dehors des cas où il continue une forme verbale à sens de présent, weqataltí avec sens de présent est assez rare : Ps 80, 13 (§ e) ; Nb 16, 10 « Et il a fait approcher… : et vous recherchez וּבִקַּשְׁתֶּם le sacerdoce ! ».

u C) Dans la sphère du passé weqataltí est très fréquent. Comme yiqtol (§ 113 e) il n’exprime alors que l’aspect : action répétée ou durative. La valeur temporelle de la forme ressort uniquement du contexte. On ne peut donc employer ce weqataltí que dans un contexte préalablement situé dans le passé. Le plus souvent ce weqataltí continue une forme verbale ayant un sens d’imparfait (fréquentatif ou duratif).

Weqataltí continuant un yiqtol à sens d’imparfait (§ 113 e-f) est très fréquent : Gn 2, 6 « un flux montait יַֽעֲלֶה (action durative)… et arrosait וְהִשְׁקָה toute la surface du sol » (opp. Joël 4, 18 ; § c) ; Gn 2, 10 « il se divisait et devenait וְהָיָה » ; 29, 2-3 ; Ex 34, 34 ; Nb 9, 21 ; Jug 2, 19 ; 1 S 2, 19 ; 1 R 14, 28 « portabant ea... et postea reportabant וֶֽהֱשִׁיבוּם » (cf. § 117 d) ; 2 R 3, 25 ; 12, 15.

v Weqataltí peut se trouver aussi au sens d’imparfait fréquentatif ou duratif après n’importe quelle forme verbale ou proposition nominale situant préalablement l’action dans le passé. Le weqataltí est alors en connexion plus ou moins lâche avec la forme verbale qui précède.

Ainsi, après un qatal (exprimant une action unique) : 1 S 16, 14 « Or l’Esprit de Jéhovah s’était éloigné סָ֫רָה (ici plus-que-pf. § 112 c) de Saül et un esprit mauvais l’agitait וּבִעֲתַ֫תּוּ ».

Après un wayyiqtol (exprimant une action unique) : Ex 18, 25-26 « et il les établit וַיִּתֵּן chefs sur le peuple… et ils jugeaient וְשָֽׁפְטוּ le peuple en tout temps » ; 40, 30 b-31 « et il y mit de l’eau pour les ablutions et ils s’y lavaient וְרָֽחֲצוּ » ; 1 S 7, 15-16 ; 2 S 12, 16 ; 15, 1-2 ; 2 R 6, 10 ; 12 10, 11-12.

Après un participe (exprimant une action durative dans le passé) : Is 6, 2-3 « des Séraphins se tenaient debout עֹֽמְדִיםet l’un criait וְקָרָא à l’autre » ; 2 S 17, 17 « ils se tenaient debout עֹֽמְדִים et une servante allait וְהָֽלְכָה ».

Après un infinitif construit : p.-ê. Am 1, 11 (mais d’après le contexte וְשִׁחֵת semble plutôt un weqatálti, avec waw non inversif contre l’usage ; cf. § 124 q).

Après un infinitif absolu : pas d’exemple certain ; dans Jos 6, 13 a ; 2 S 13, 19 il faut probablement lire un second inf. absolu (§ 123 n).

Après une proposition nominale du passé : 1 S 2, 22 וְעֵלִי זָקֵן מְאֹד וְשָׁמַע « Or Héli (était) très vieux (adjectif ou adjectif verbal) et il entendait… » ; Gn 47, 22 וְאָֽכְלוּ et ils mangeaient ; 1 R 4, 7.

Enfin après une proposition verbale exposant une situation au passé : 2 R 3, 4 « Or Mēšaʿ, roi de Moab, était הָיָה pasteur ; et il payait וְהֵשִׁיב » ; 1 S 1, 3 וְעָלָה et il montait ; Job 1, 4.

w Weqataltí, comme yiqtol § 113 l-n, peut avoir les nuances modales pouvoir, devoir, vouloir (cf. § 111 g) : 2 S 14, 32 « si je suis coupable, il pourra (aura le droit de) me faire mourir וֶֽהֱמִיתָ֑נִי » (non : qu’il me fasse mourir !) ; 1 S 10, 4 (prédiction) « ils te salueront et te donneront deux pains et tu devras les accepter וְלָֽקַחְתָּ֫ » ; Ruth 3, 9 « et tu dois étendre וּפָֽרַשְׂתָּ֫ » (Ruth déclare à Booz son obligation de goʾel ; cf. v. 12) ; Ex 12, 48 « si un étranger habite avec toi et veut faire וְעָשָׂה la pâque » (très clairement).

x Conclusion. Comme on le voit, weqataltí concorde généralement avec yiqtol. Comme le yiqtol il exprime surtout le temps futur[10], moins souvent le temps présent ; dans le présent et dans le passé il exprime la nuance fréquentative ou durative. Au contraire, weqataltí diffère radicalement de qatal : 1)  qatal, dans les verbes d’action, exprime surtout le passé, or weqataltí, de soi, n’exprime pas le passé ; 2) weqataltí exprime surtout le temps futur, or qatal n’exprime pas proprement le futur ; 3) l’aspect de qatal est celui de l’action unique et instantanée, l’aspect de weqataltí celui de l’action répétée ou durative.

y Anomalies. Dans l’exposé qui précède, sont énumérés tous les emplois normaux de la forme weqataltí. Comme la forme wayyiqtol (§ 118 u), elle est employée très largement et assez souvent d’une façon abusive. Par contre, dans quelques cas assez rares[11] on a la forme weyiqtol (weyaqūm : waw faible et futur) au lieu de weqataltí : Ps 2, 12 פֶּן־יֶֽאֱנַף וְתֹֽאבְדוּ de peur qu’il ne s’irrite et que vous ne périssiez (l’idée de consécution demanderait le waw énergique, et donc וַֽאֲבַדְתֶּם) ; Os 6, 1 טָרַף וְיִרְפָּאֵ֑נוּ il a déchiré, mais il nous pansera ; 6, 2[12].

z Le cas inverse d’omission du waw énergique est celui où l’on a la forme weqatálti et j’ai tué au lieu de la forme attendue wayyiqtol, demandée par l’usage classique. Même en tenant largement compte des altérations possibles du texte consonantique, il reste un assez grand nombre de weqatálti et j’ai tué anormaux, c’est-à-dire contraires à l’usage. Certains exemples peuvent provenir de scribes postérieurs, influencés par l’araméen ou par l’usage hébreu postbiblique. Nous ne donnerons que quelques exemples typiques. Dans Éz 37, 7 et 10 וְנִבֵּ֫אתִי et וְהִנַּבֵּ֫אתִי et je prophétisai sont très probt authentiques (une altération graphique est difficile à supposer ici ; au contraire dans un 3e exemple, v. 2 וְהֶֽעֱבִירַ֫נִי et il me fit passer, ה est p.-ê. fautif pour י ; l. וַיַּֽעֲבִירֵ֫נִי). Dans 2 R 23 on trouve jusqu’à 5 exemples de weqatálti anormaux : v. 4 b וְנָשָׂא et il porta (même en supposant une ajoute, la forme est anormale), v. 5 וְהִשְׁבִּית et il supprima, v. 10 וְטִמֵּא et il souilla, v. 12 וְהִשְׁלִיךְ et il jeta, v. 15 וְשָׂרַף et il brûla. Autres exemples : Gn 15, 6 וְהֶֽאֱמִין ; 21, 25 וְהוֹכִחַ ; 34, 5 וְהֶֽחֱרִישׁ ; Jug 3, 23 וְנָעָ֑ל (et 2 S 13, 18) ; 1 R 12, 32 וְהֶֽעֱמִיד ; 2 R 14, 14 וְלָקַח. Dans des cas comme 1 S 5, 7 וְאָֽמְרוּ un י a pu facilement tomber. Dans des cas comme Is 40, 6 וְאָמַר la forme weqatálti n’est due qu’à une mauvaise vocalisation : lire וָֽאֹמַר et j’ai dit (LXX, Vulg.). — La ressemblance graphique entre וְהָיָה et וַיְהִי peut expliquer en partie certains וְהָיָה anormaux : 1 S 1, 12 (cf. Driver et Ehrlich in h. l.) ; 10, 9 ; 13, 22 ; 17, 48 ; 25, 20 ; 2 S 6, 16 (mais parall. 1 Ch 15, 29 correctement וַיְהִי) ; 2 R 3, 15 ; Jér 37, 11 ; Am 7, 2[13]. — Par contre ויהי pour והיה a été vocalisé וִיהִי et sit (pour obtenir un sens moins mauvais que וַיְהִי) dans 2 S 5, 24 ; Ruth 3, 4 (dans les deux exemples il y a injonction) ; 1 S 10, 5 ; 1 R 14, 5 (dans les deux exemples il n’y a pas d’injonction)[14].

  1. Après le jussif final וְיִכְרְתוּ, le weqataltí, par contraste, exprime plus clairement la consécution que ne ferait l’impératif indirect וּמְלֹךְ § 116 f. Remarquer que pour la finalité on n’a pas weqataltí.
  2. Il s’agit ici d’une véritable continuation, non d’une connexion plus ou moins lâche.
  3. De même qu’un indicatif sans waw, continuant un volitif, ne prend la valeur volitive qu’en vertu du contexte, p. ex. Gn 43, 12 תָּשִׁ֫יבוּ vous rapporterez (= rapportez) (futur injonctif précédé de trois et suivi de trois impératifs) ; 1 R 18, 23 ; 20, 8.
  4. Du reste les cas où le contexte indique réellement le sens final sont très rares : 1 S 15, 30 ; 2 S 24, 2 (dans les deux cas 1re p. après impér. § m) ; 1 Ch 22, 11 (probablement ; 2e p. après jussif § k) ; Ruth 1, 11 (וְהָיוּ probablement afin qu’ils soient, dans interrogation). À la 2e p. après un impératif nous n’avons pas trouvé d’exemple.
  5. König n’en parle pas (cf. Syntax, § 367 q-r).
  6. Voir les exemples réunis par Mayer Lambert, Sur la syntaxe de l’impératif en hébreu (Revue des Études juives, 35, p. 106-9).
  7. L’usage du français n’admet pas ici et.
  8. Comme le verbe de mouvement aller implique un but, une fin, on a pu croire qu’une expression de ce genre, p. ex. לֵךְ וְאָֽמַרְתָּ֫ 2 S 7, 5 avait le sens final : va pour dire (cf. Kautzsch, § 112 r damit du sagst). Mais la nuance finale n’est que virtuelle ; elle est due au sens même du verbe aller, non à la forme weqataltí. Pour traduire va afin de dire il faudrait לֵךְ וֶֽאֱמֹר (§ 116 f 3), qui du reste pourrait signifier aussi va et dis (avec waw purement coordinatif). Le sens littéral de לֵךְ וְאָֽמַרְתָּ֫ est va et tu diras. Bien entendu, on peut traduire librement va dire. — Le weqataltí est fréquent après l’impératif des verbes de mouvement : Gn 27, 43-44 בְּרַח ; 44, 4 רְדֹף ; 45, 9 עֲלוּ ; Ex 7, 26 בֹּא ; Jos 10, 19 רִדְפוּ ; Jug 7, 10-11 רֵד ; Éz 9, 4 עֲבֹר ; Ruth 2, 14 גּ֫שִׁי.
  9. Comparer le cas du yiqtol à sens impératif après un impératif, § 113 m.
  10. Par exemple et il tuera s’exprime ainsi : sans idée de succession : après yiqtol : וְיִקְטֹל ; après weqataltí : וְ… יִקְטֹל ; — avec idée de succession : après yiqtol ou weqataltí : וְקָֽטַלְתִּ֫י.
  11. Ex 12, 3 וְיִקְחוּ au sens de et ils prendront ne serait pas classique, mais la forme est jussive : qu’ils prennent (LXX λαβέτωσαν ; Vulg. tollat) contre Driver § 125 ; — opposer v. 4 l’indicatif וְלָקַח (LXX συλλήψεται ; Vulg. assumet).
  12. Dans des phrases où il est question de demande de secours dans le premier membre et d’exaucement dans le second, on a yiqtol… weyiqtol : Ps 91, 15 יִקְרָאֵ֫נִי וְאֶֽעֱנֵ֫הוּ ; Is 19, 20 ; 58, 9 ; Job 22, 27 (cf. Ps 91, 14 ; Zach 10, 6). Opp., au passé, Ps 120, 1 קָרָ֫אתִי וַיַּֽעֲנֵ֫נִי (Jon 2, 3) ; Ps 119, 26 (mais Ps 34, 5 וְעָנָ֑נִי).
  13. Voir quelques exemples en proposition adversative, § 172 a.
  14. Sur ces quatre וִיהִי cf. Driver, § 121, Obs. 3, qui s’efforce de les justifier.