Grammaire de l’hébreu biblique/Syntaxe/Proposition/Paragraphe 163

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 500-502).
§ 163. Proposition optative.

a L’expression du souhait voisine souvent avec celle de l’exclamation et de l’interrogation.

La manière la plus fréquente et la plus simple d’exprimer un souhait est d’employer le mode volitif :

1re personne : cohortatif, surtout avec נָא : Dt 3, 25 אֶעְבְּרָה־נָּא puissé-je passer, je te prie ! = je voudrais passer ou permets-moi de passer (§ 114 d) ; parfois la forme du cohortatif est négligée : אֶמְצָא חֵן puissé-je trouver grâce ! (Gn 34, 11 ; cf. § 114 b N).

2e personne : jussif, presque toujours avec אַל : Dt 9, 26 אַל־תַּשְׁחֵת ne fais pas périr ! (§ 114 g). L’impératif s’emploie aussi avec une nuance optative, surtout avec נָא : 2 R 5, 22 תְּנָה־נָּא veuille bien donner (§ 114 m).

3e personne : jussif, surtout avec נָא : Gn 26, 28 תְּהִי נָא אָלָה qu’il y ait, je te prie, un serment.

Remarques. 1) Sur l’ordre des mots dans la proposition verbale optative cf. § 155 l.

2) Sur le parfait à sens optatif en poésie cf. § 112 k.

b Une proposition nominale peut avoir le sens optatif ; ainsi dans les formules de salutation : שָׁלוֹם לְךָ salut à toi ! Jug 6, 23 etc. ; יְהֹוָה עִמָּכֶם Jéhovah soit avec vous ! Ruth 2, 4 † (opp. Jug 6, 12 Jéhovah est avec toi †) ; dans les bénédictions et les malédictions : Gn 9, 26 בָּרוּךְ יְהֹוָֹה béni soit Jéhovah ! ; 3, 14 אָרוּר אַתָּה maudit sois-tu ! (ordre des mots inverti).

c Parfois on emploie les particules conditionnelles אִם, לוּ si (avec l’indicatif) : אִם avec yiqtol : Ps 81, 9 אִם־תִּשְׁמַע־לִי si tu m’écoutais ! = puisses-tu m’écouter ! ; 95, 7 ; 139, 19.

לוּ avec yiqtol (comme אִם et sans différence sensible de valeur) : Gn 17, 18 לוּ יִשְׁמָעֵאל יִֽחְיֶה לְפָנֶ֫יךָ que (du moins) Ismaël vive, sous ton regard ! ; Job 6, 2 (Gn 30, 34 לוּ est suspect ; יְהִי serait seul exemple de jussif avec לוּ ou אִם).

לוּ avec qatal, quand le souhait se rapporte au passé : Nb 14, 2 לוּ־מַ֫תְנוּ בְּאֶ֫רֶץ מִצְרַ֫יִם que ne sommes-nous morts en Égypte ! (si nous étions morts !) ; 20, 3 ; Jos 7, 7 ; Is 48, 18 ; 63, 19[1].

Enfin on a une fois אַֽחֲלַי (§ 105 b N) avec yiqtol : Ps 119, 5 Ah ! puissent-ils être fermes ! ; une fois אַֽחֲלֵי 2 R 5, 3 devant proposition nominale (mais un verbe a pu tomber).

d Le souhait est parfois exprimé par une demande exclamative : 2 S 15, 4 מִי־יְשִׂימֵ֫נִי שֹׁפֵט בָּאָ֫רֶץ Qui m’établira juge dans le pays ? = Que ne suis-je institué juge… ! ; 23, 15 מִי יַשְׁקֵ֫נִי Ah ! si l’on me donnait à boire… ! ; Nb 11, 4 מִי יַֽאֲכִלֵ֫נוּ בָּשָׂר Qui nous donnera de la viande à manger ? ou Que n’avons-nous de… !

L’emploi exclamatif de מִי יִתֵּן qui donnera ? est une particularité notable de l’hébreu. Dans certains cas le sens plein donner etc. est conservé, dans d’autres cas il est atténué ou même effacé, de sorte que מִי יִתֵּן devient une formule optative au sens de utinam ! plût à Dieu ! Avec le sens plein de donner etc. : Jug 9, 29 מִי יִתֵּן אֶת־הָעָם הַזֶּה בְּיָדִי Ah ! si l’on mettait ce peuple dans ma main ![2] ; avec sens atténué : Ps 55, 7 Ah ! si l’on me donnait des ailes = Ah ! si j’avais des ailes ; avec sens effacé : Dt 28, 67 מִי־יִתֵּן עֶ֫רֶב que ne suis-je au soir ! ; avec deux accusatifs : Nb 11, 29 מִי יִתֵּן כָּל־עַם יְהֹוָה נְבִיאִים plût à Dieu que tout le peuple de Jéhovah fût prophète ! ; Jér 8, 23 ; avec suffixe verbal : Job 29, 2 מִֽי־יִתְּנֵ֫נִי כְיַרְחֵי קֶ֑דֶם que ne suis-je comme aux mois d’autrefois ! L’idée verbale est exprimée par le participe dans Job 31, 35 מִי יִתֶּן־לִי שֹׁמֵעַ לִי que n’ai-je quelqu’un qui m’écoute ! ; par l’infinitif construit : 2 S 19, 1 מִֽי־יִתֵּן מוּתִי אֲנִי תַחְתֶּ֫יךָ que ne suis-je mort à ta place ! (cf. § 146 d) ; Ex 16, 3 ; par un verbe fini : au parfait : Job 23, 3 מִֽי־יִתֵּן יָדַ֫עְתִּי ah ! si je savais ! ; au yiqtol : 6, 8 מִֽי־יִתֵּן תָּבוֹא שֶֽׁאֱלָתִי ah ! si ma demande arrivait ! ; enfin מִי יִתֵּן peut être suivi d’un waw : Dt 5, 26 מִֽי־יִתֵּן וְהָיָה לְבָבָם זֶה לָהֶם puissent-ils conserver ce cœur ! ; Job 19, 23 (équivalent d’une proposition-objet, § 177 h).

  1. Dans Gn 23, 13, avec impératif, לוּ semble être adverbe (de grâce !), p.-ê. lire encore לוּ v. 5 et v. 11 (où séparé de l’impér.). Mais ce לוּ, employé d’une façon archaïque qui a dérouté les copistes, est-il identique à לוּ si ?
  2. Pour l’apodose וְאָסִ֫ירָה cf. § 116 c.