Grammaire de l’hébreu biblique/Syntaxe/Proposition/Paragraphe 155

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 472-476).
§ 155. Proposition verbale.

a Le sujet de la proposition verbale est généralement un nom ou un pronom. De plus, on trouve comme sujet la préposition מִן avec son nom (ou pronom) : Ex 16, 27 יָֽצְאוּ מִן־הָעָם (quelques-uns) du peuple sortirent (cf. § 154 b)[1] ; rarement l’infinitif construit (précédé de ל) Gn 4, 26 (§ 124 b).

b Le sujet personnel vague (fr. on ; all. man) s’exprime souvent par le pronom de la 3e p. pl. m. contenu dans la forme verbale[2] : Gn 29, 2 יַשְׁקוּ on abreuvait ; 26, 18 ; 41, 14 ; 49, 31 ; 2 S 19, 9 ; 1 R 1, 2 ; Is 38, 16 ; Os 12, 9 ; Job 18, 18 ; 34, 20 ; Esth 2, 2 ; Néh 2, 7[3].

c Remarque. En araméen on emploie la 3e p. du pl. même dans des cas où l’on ne pense nullement à un sujet personnel vague (p. ex. Dn 5, 20 הֶעְדִּיוּ transtulerunt au sens de translatum est, après le passif הָנְחַת depositus est). En hébreu biblique les exemples de ce genre sont très rares[4] et suspects ; les moins improbables sont Pr 2, 22 יִסְּחוּ (après un passif) ; 9, 11 יוֹסִ֫יפוּ. La vocalisation est p.-ê. due dans quelques cas à l’influence de l’araméen, p. ex. Job 4, 19 ; 7, 3.

d Assez souvent la 3e p. sg. m., avec ou sans participe, exprime le sujet vague on, parfois aussi quelqu’un (négatt : personne). Dans certains cas le participe (de même racine que le verbe) représente un sujet plus ou moins précis : Jér 9, 23 בְּזֹאת יִתְהַלֵּל הַמִּתְהַלֵּל que celui qui se glorifie se glorifie en ceci ; Is 28, 24 celui qui laboure laboure-t-il ? Mais généralement le participe représente un sujet vague : quelqu’un, on : Éz 33, 4 וְשָׁמַע הַשֹּׁמֵעַ si qn entend ; 2 S 17, 9 et on entendra ; Dt 22, 8 כִּי יִפֹּל הַנֹּפֵל si qn tombe ; 17, 6 qn (ou on) sera mis à mort ; Is 28, 4 qn voit ; 16, 10 on ne foulera pas. Avec le participe indéterminé : Nb 6, 9 כִּי יָמוּת מֵת si qn vient à mourir ; Am 9, 1 לֹא יָנוּס נָס personne ne pourra fuir.

e Avec ellipse du participe : Gn 11, 9 עַל־כֵּן קָרָא שְׁמָהּ c’est pourquoi on l’a appelée… (16, 14 ; 19, 22 ; Ex 15, 23) ; וַיִּקְרָא (Gn 35, 8, 10 ; 2 S 2, 16 ; Is 9, 5) ; Gn 48, 1 וַיֹּ֫אמֶר on (ou qn) dit ; 1 R 22, 38 on lava ; Is 8, 4 on emportera ; 46, 7 qn crie (plutôt que on) ; Am 6, 12 ⸮ ; Job 27, 23 ⸮[5].

f Beaucoup plus rarement le sujet vague personnel est sous-entendu devant un participe pluriel ou singulier (cf. § 154 c). Pluriel : Ex 5, 16 : אֹֽמְרִים on dit (cf. Éz 36, 13 ⸮) ; Is 32, 12 on se frappe les seins ; Néh 6, 10 on va venir. Singulier : Is 21, 11 אֵלַי קֹרֵא qn me crie ; 30, 24 on a vanné ; 33, 4 on se rue.

g Le sujet vague on est, très rarement, exprimé par אִישׁ (qui s’emploie plutôt pour quelqu’un § 147 b) : Ct 8, 11 on devait, de son fruit, lui apporter mille sicles d’argent.

h Remarques. 1) Pour exprimer l’idée du pronom vague quelqu’un, qui que ce soit, etc. en fonction de génitif, on emploie le participe, comme dans § d, p. ex. Éz 18, 32 מוֹת הַמֵּת la mort de qui que ce soit (comp. Dt 17, 6, § d). On a le pronom de la 2e p. sg. m. dans la locution (עַד־)בּֽוֹאֲךָ, p. ex. Jug 6, 4 jusqu’à ta venue = jusqu’à ce qu’on vienne (à Gaza) ; Gn 10, 19, 30 ; 13, 10.

i 2) Le sujet logique d’une action exprimée par un infinitif sans sujet grammatical peut être le sujet vague on. Inf. absolu : 2 R 4, 43 on mangera et on en aura de reste (§ 123 w) ; 8, 6 הָשֵׁיב qu’on restitue (probt) ; 2 Ch 31, 10 on a mangé etc. Parfois le sujet logique apparaît dans une forme finie qui suit : Agg 1, 9 פָּנֹה on a attendu (= vous avez attendu ; cf. וַֽהֲבֵאתֶם). — Infinitif construit : voir les exemples § 124 s.

3) Un passif impersonnel tel que Gn 27, 42 וַיֻּגַּד il fut annoncé équivaut à on annonça (§ 128 b).

4) Sur le sujet impersonnel vague cf. § 152 c-e.

j Le prédicat de la proposition verbale est une forme verbale finie. Tout ce qui regarde le prédicat verbal a été amplement traité dans le chap. I : Temps et modes.

k L’ordre des mots dans la proposition verbale (comme dans la proposition nominale, § 154 f) est normalement : Sujet — Verbe. Mais s’il y a quelque emphase sur le prédicat on a l’ordre V.Suj. Or, avec une particule il y a généralement emphase sur le prédicat, d’où l’ordre V.S.[6]

I. Proposition verbale sans particule. En début absolu on a généralement l’ordre S.V. : Job 1, 1 אִישׁ הָיָה il y avait un homme ; 1, 14 הַבָּקָר הָיוּ חֹֽרְשׁוֹת ; 16 אֵשׁ אֱלֹהִים נָֽפְלָה ; 17 כַּשְׂדִּים שָׂמוּ ; Ps 93, 1 (97, 1) יְהֹוָה מָלָ֑ךְ Jéhovah est roi [mais 2 R 9, 13 מָלַךְ יֵהוּא Jéhu est devenu roi[7]] ; 1 R 8, 12 יְהֹוָה אָמַר (mais à la fin d’une prophétie toujours אמר יהוה Agg 1, 8 ; 2, 7, 9) ; Agg 1, 2 הָעָם הַזֶּה אָֽמְרוּ ; Gn 36, 2 עֵשָׂו לָקַח אֶת־נָשָׁיו מִבְּנוֹת כְּנָ֑עַן ; Nb 27, 3 אָבִ֫ינוּ מֵת בַּמִּדְבָּר ; Éz 29, 18 ; Pr 18, 16 (et très souvent dans les Proverbes). — En poésie l’ordre V.S. est assez fréquent, mais généralement motivé par quelque cause particulière, p. ex. Is 19, 13 ; Ps 34, 22. En prose simple on le rencontre p. ex. dans la communication d’une nouvelle[8] : 2 S 3, 23 בָּא־אַבְנֵר בֶּן־נֵר ; 2 R 8, 7 בָּא אִישׁ הָֽאֱלֹהִים ; encore avec בָּא : Gn 27, 35 ; 39, 17. En dehors de ce cas : בָּ֫אָה : Jér 47, 5 ; Éz 7, 7 ; בָּ֫אוּ : Jug 5, 19 (poét.) ; Os 9, 7.

l Dans les propositions interrogatives, l’emphase étant sur le prédicat, on a ordinairement l’ordre V.S. (cf. § 154 g) : Gn 18, 13 לָ֫מָּה זֶּה צָֽחֲקָה שָׂרָה ; 44, 7 ; Ex 32, 12.

Le jussif des propositions optatives est le plus souvent avant le sujet : Gn 1, 3 יְהִי אוֹר ; vv. 6, 9, 11, 14, 20, 24 ; 27, 41 ; Ex 5, 21 ; Nb 6, 24-25 (bénédiction sacerdotale) ; 20, 24 ; Ps 128, 5. Parfois le sujet est en tête : Ps 67, 2 (devant plusieurs jussifs).

m II. Proposition verbale avec particule. L’ordre est généralement V.S., à moins qu’il n’y ait emphase sur le sujet.

Avec כִּי : Gn 29, 32 כִּי־רָאָה יְהֹוָה בְּעָנְיִי ; 5, 24 ; 28, 6 ; 1 R 19, 10. Mais avec emphase sur le sujet : Nb 16, 28 בְּזֹאת תֵּֽדְעוּן כִּי־יְהֹוָה שְׁלָחַ֫נִי par ceci vous reconnaîtrez que c’est J. qui m’a envoyé ; כִּי יהוה דִּבֵּר Is 1, 2 (et souvent) : car c’est J. qui parle.

Avec אִם : Gn 13, 16 אִם יוּכַל אִישׁ לִמְנוֹת ; 32, 9 ; 44, 23.

Avec פֶּן : Gn 19, 19 : פֶּן־תִּדְבָּקַ֫נִי הָֽרָעָה.

Avec לֹא : Gn 6, 3 : לֹא־יָדוֹן רוּחִי בָֽאָדָם ; 42, 38 ; 44, 22 ; 49, 10 ; 2 R 5, 25. Mais, avec quelque emphase sur le sujet : 1 R 1, 11 וַֽאֲדֹנֵ֫ינוּ דָוִד לֹא יָדָ֑ע ; 2, 32. Si la négation porte sur le sujet on a naturellement l’ordre S.V. : Nb 16, 29 לֹא יהוה שְׁלָחָ֑נִי ce n’est pas J. qui m’a envoyé (comp. 28).

Avec הִנֵּה : Gn 16, 2 הִנֵּה־נָא עֲצָרַ֫נִי יהוה מִלֶּ֫דֶת ; 19, 19 ; 22, 20. Mais, avec quelque emphase sur le sujet : 1 R 1, 18 הנּה אֲדֹנִיָּה מָלָ֑ךְ ; Ex 32, 34.

Avec כֹּה : Agg 1, 2 a כֹּה אָמַר יהוה (opp.b) et souvent.

Avec כַּֽאֲשֶׁר : Ex 9, 35 כַּֽאֲשֶׁר דִּבֶּר יהוה et souvent.

Avec אֲשֶׁר : Gn 1, 21 אֲשֶׁר שָֽׁרְצוּ הַמַּ֫יִם ; 2, 3, 19 ; 3, 1.

n Remarque. Avec ו l’ordre des mots est déterminé par l’emploi des formes verbales. Dans la plupart des cas le waw est inséparable de la forme verbale, p. ex. dans וַיִּקְטֹל ; le sujet est donc nécessairement après le verbe. Mais dans certains cas le waw doit être séparé de la forme verbale, par exemple, pour indiquer l’absence de succession après une forme de succession : le sujet est alors nécessairement avant le verbe : Gn 31, 34 וְרָחֵל לָֽקְחָה or Rachel avait pris (cf. § 118 d).

o Dans les propositions verbales vêtues (§ 153) l’objet et les diverses déterminations adverbiales suivent normalement le verbe. L’ordre normal est donc en principe S.V.Obj.Adv., p. ex. Gn 36, 2 עֵשָׂו לָקַח אֶת־נָשָׁיו מִבְּנוֹת כְּנָ֑עַן. En fait diverses raisons, notamment l’emphase et la longueur relative des membres, font qu’on s’écarte de cet ordre[9].

L’objet affecté peut être en tête pour l’emphase[10] ; dans ce cas l’ordre est généralement O.V.S.[11] : Ex 21, 32 אִם עֶ֫בֶד יִגַּח הַשּׁוֹר si c’est un esclave que le bœuf frappe ; 1 S 15, 1 אֹתִי שָׁלַח יהוה c’est moi que J. a envoyé ; Dt 18, 15 ; rarement on a O.S.V. : 2 R 5, 13.

L’objet effectué et l’objet interne se placent également après le verbe, sauf raison d’emphase. Voir des exemples § 125 p-t ; et pour l’infinitif absolu § 123 e-o.

p Les diverses déterminations adverbiales se placent en tête dès qu’il y a emphase.

Déterminations locales : sans emphase : Nb 27, 3 (§ k) ; avec emphase : Gn 19, 2 c’est sur la place que nous passerons la nuit.

Les déterminations temporelles sont généralement en tête, à cause de leur importance : Gn 1, 1 בְּרֵאשִׁית בָּרָא אֱלֹהִים ; 1 R 14, 1 בָּעֵת הַהִיא חָלָה אֲבִיָּה.

q L’objet indirect de l’action est en tête, par ex. dans Gn 15, 3 הֵן לִי לֹא נָתַ֫תָּה זָ֑רַע ; 13, 15 ; 26, 3.

r L’infinitif avec ל indiquant le but de l’action est régulièrement en tête : Gn 42, 9 לִרְאוֹת אֶת־עֶרְוַת הָאָ֫רֶץ בָּאתֶם c’est pour voir les points faibles du pays que vous êtes venus ; 47, 4 ; Nb 22, 20 ; Jos 2, 3 ; Jug 15, 10, 12 ; 1 S 16, 2, 5 ; 17, 25 ; 2 S 3, 25.

s L’accusatif de direction est assez souvent en tête : 1 R 2, 26 עֲנָתֹת לֵךְ va à Anatoth ; Jos 2, 16 הָהָ֫רָה לֵּ֔כוּ allez vers la montagne ; Ex 1, 22 ; Jug 20, 4 ; 1 S 5, 8 ; Is 23, 12 ; 52, 4 ; Jér 2, 10. Dans ces exemples l’emphase est peu ou point marquée ; elle l’est au contraire dans 1 R 12, 1 b ; Jér 20, 6 ; 32, 5.

  1. Cp. Jean 16, 17 Εἶπαν οὖν ἐκ τῶν μαθητῶν ; Act. 21, 16 συνῆλθον δὲ καὶ τῶν μαθητῶν.
  2. Dans Ruth 1, 19 וַתֹּאמַ֫רְנָה on a la forme féminine, ne s’agissant, en fait, que de femmes. Comp. יָֽלְדָה Nb 26, 59 (§ e N).
  3. L’idée du type on fit équivaut souvent à il fut fait ; ainsi à côté de וַיִּקְבְּרוּ אֹתוֹ on l’ensevelit 1 R 15, 8 on a v. 24 וַיִּקָּבֵר il fut enseveli (usuel dans cette formule, cf. 2, 10 ; 11, 43 ; 14, 31 etc.).
  4. Ils sont fréquents en néo-hébreu, sans doute sous l’influence de l’araméen.
  5. À la 3e p. sg. f., le sujet étant une femme : Nb 26, 59 יָֽלְדָה (1 R 1, 6) on a enfanté. Comp. וַתֹּאמַ֫רְנָה Ruth 1, 19 (§ b N).
  6. De plus, dans le cas d’une conjonction, il est naturel de ne pas la séparer du verbe qu’elle régit.
  7. Dans une exclamation. L’emphase sur le verbe est p.-ê. due à la nouveauté de l’action.
  8. C’est sans doute la nouveauté de la chose qui provoque cet ordre. On remarquera que בא est assez souvent en tête. — Voici une analogie en français : « Supposons un homme dont toute la fortune consiste en pierreries, qu’il croit fines. Vient un connaisseur qui lui affirme qu’elles sont fausses. Quel désappointement ! ».
  9. Assez souvent la tendance au chiasme fait préposer l’objet : 2 Ch 29, 7, 18, 19 ; 34, 4 ; aussi 1 Ch 22, 14 ; 2 Ch 28, 8 (cf. Kropat, Synt. d. Chronik, p. 59).
  10. Ainsi סָרָה dans Jér 28, 16 ; 29, 32 ; mais non Dt 13, 6. — On a toujours זֹאת עֲשׂוּ faites ceci (puis vient l’énoncé de la chose) : Gn 42, 18 ; 43, 11 ; 45, 17, 19 ; Nb 4, 19 ; 16, 6 †. (Pas d’exemple au singulier).
  11. Sans doute à cause de la tendance générale à l’ordre V.S. quand un mot précède.