Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/521-530

Fascicules du tome 2
pages 511 à 520

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 521 à 530

pages 531 à 540


Chevalier qui ne se choisit une Maîtresse, dont il vouloit mériter l’estime par quelque action héroïque. Le Duc d’Albe lui-même, tout grave & tout sévère qu’il étoit, avoit dévoué la conquête du Portugal à une jeune beauté, auprès de qui il prétendoit que ses exploits guerriers lui tiendroient lieu de jeunesse.

Chevalier de la Table-Ronde. Voyez Table.

Chevalier ès Loix. C’étoit autrefois un titre honorable qui ne s’accordoit qu’aux Chanceliers & aux premiers Présidens du Parlement de Paris : cependant Charles IX l’accorda à un premier Président de Normandie.

On appelle burlesquement, Chevalier de l’industrie, un escroc, un filou, un parasite qui n’a point de bien, & qui ne subsiste que par son adresse aux dépens des autres. Fur, latro, parasitus. L’aventurier Buscon de Quévédo est le premier qui a été appelé Chevalier de l’industrie. Regnier parle d’un autre Chevalier burlesque :

L’un étoit de suivans de Madame Lappée,
Et l’autre Chevalier de la petite Epée.

Chevalier de l’Arquebuse. C’est celui qui est reçu dans la Compagnie de ceux qui tirent réglement, & à certains jours, au jeu de l’arquebuse. Eques sclopetarius.

Chevalier de la coupe, se dit, dans le style comique & burlesque, de celui qui aime l’honnête débauche de vin. Potator liberalis.

Reçois-nous dans l’heureuse troupe
Des francs Chevaliers de la Coupe. S. Amant.

Chevalier du lièvre. Nom donné par définition à quelques Gentilshommes campagnards. Voyez Lièvre.

Chevalier, pièce du jeu des échecs. On dit cavalier. Voyez ce mot.

Chevalier. Oiseau aquatique un peu plus gros qu’un pigeon. Il a le bec long, & les jambes si hautes, qu’il est comme à cheval, & c’est pour cela qu’on l’appelle Chevalier. Il y a de deux sortes d’oiseaux Chevaliers. Celui qu’on appelle Chevalier rouge, & l’autre Chevalier noir. Le Chevalier rouge, equus rufus, est de la grosseurs d’un pigeon. Son bec & ses jambes sont longues, & de couleur rouge, le dessus du bec est noirâtre. Sa tête, son cou, ses aîles & sa queue sont de couleur cendrée ; il a le ventre blanc. Ses plumes sont noires à la racine. Il a deux taches noires aux côtés des tempes, qui servent d’ombre aux sourcils, sur lesquels il y en a une blanche. Il a les piés fendus comme la pie de mer. Cet oiseau court très-légèrement, il fréquente les prairies & le bord des rivières & des étangs. Il se met à l’eau jusques aux cuisses. Sa chair est très-délicate, & ne sent pas la sauvagine. Il y a quantité de ces oiseaux en basse Normandie.

Le Chevalier noir, equus niger, dès sa naissance, a les jambes & le bec noir, à l’exception du dessus, qui est rougeâtre. Belon dit que si l’on ne considère point la tête, les jambes & les aîles du Chevalier noir, on trouvera qu’en tout le reste, il ressemble beaucoup au pigeon ramier, qui est entre cendré & noir. Il fait ses petits au mois d’Avril, & Belon dit qu’en ce temps-là il a beaucoup de ressemblance par le champ de son pennage au râle ; mais on n’en voit pas beaucoup en autre saison qu’en hiver. Il fréquente aussi les lieux marécageux, & vit comme le rouge. On croit que ces deux Chevaliers pouroient bien être le mâle & la femelle de la même espèce.

On a appelé Chevaliers les louis d’or de 25 au marc, dont la fabrication fut ordonnée en 1718. Ce nom leur est venu de la croix de Chevalier, qui étoit au revers.

CHEVALIÈRE. s. f. Eques femina. L’Ordre de S. Jacques de l’Epée, en Espagne & en Portugal, a des Religieuses qu’on appelle Religieuses Chevalières de S. Jacques de l’Epée. Voyez Jacques.

Les Chanoinesses de Nivelle, le jour de leur réception, qui se fait avec beaucoup de pompe & de magnificence, sont aussi reçues Chevalières de S. Georges. On leur présente un carreau de velours sur lequel elles s’agenouillent pendant la messe. A l’Evangile, elles tiennent à la main une épée nue, & à la fin de la messe, un Gentilhomme, après leur avoir donné l’accolade, leur donne trois coups du plat de l’épée sur le dos, & les reçoit ainsi Chevalières de S. George. P. Héliot, Tom. VI, c. 54.

Il y a en France des Chevalières de Malte dans trois cantons, à Toulouse, à Beaulieu en Quercy, & en Provence, près de Fréjus.

CHEVALINE. s. f. Vieux mot, qui ne se dit plus qu’à la campagne, de la nourriture ou du trafic des chevaux. Equorum commercium, pabulum. Ce pays est abondant en prairies, on y fait grande nourriture de chevaline, il y a bien des haras. Les paysans trafiquent en chevaline.

On dit encore bête chevaline, pour signifier un cheval ou une cavalle, & en ce sens-là il est adjectif & du style de pratique.

CHEVANCE. s. f. Vieux mot & hors d’usage, qui signifioit autrefois le bien d’une personne, tout ce qu’on possède. Bona, fortunæ. Ce Seigneur avoit une grande chevance, c’est-à-dire, il avoit beaucoup de bien. La Coutume de Senlis ne permet le don mutuel qu’entre les conjoints qui ont égalité d’âge & de chevance.

De haut savoir le Ciel ne m’a doté,
Mais d’Apollon je sai toucher la lyre.4’
Grosse chevance onque ne m’a tenté,
Et peu de bien a de quoi me suffire.

CHEVANTON. s. m. Vieux mot. Tison.

CHEVAUCHABLE. adj. Que l’on peut chevaucher. Vieux mot. Ragotin, depuis son trébuchement, quand la carabine tira entre ses jambes, fit serment de ne monter jamais sur un animal chevauchable, sans prendre toutes ses sûretés. Scarron, Rom. Com. t. 2, c. 2, p. 13.

CHEVAUCHÉE. s. f. Equestris excursio ; cavalcata dans la basse latinité. Visite que sont obligés de faire certains Officiers dans l’étendue de leur ressort, & qu’ils font d’ordinaire à cheval, comme les Elus, pour faire l’assiette de la taille ; les Prévots des Maréchaux, pour nettoyer la campagne de brigands ; les Trésoriers de France, pour voir si les chemins sont en bon état ; les Maîtres des eaux & forêts, pour conserver les forêts du Roi, &c. Et les rapports qu’ils en envoient au Conseil, sont appelés les procès-verbaux de chevauchée.

Devoir chevauché, c’est être obligé de monter à cheval pour défendre son Seigneur féodal dans ses querelles particulières. Le droit de chevauchée, est un ancien droit seigneurial, qui est la même chose que celui que nous appelons arrière-ban ; droit de faire marcher ses sujets ou vassaux à la guerre. Jus clientes suos ad militiam evocandi. Guillaume Artaud, Seigneur d’Aix, prétendoit avoir le droit de chevauchée dans le village du Moustier de Montelar ; le Prieur le nioit, & s’attribuoit même la haute-justice. Amédée, Evêque de Die, qu’ils prirent pour arbitre, fixa ce droit de chevauchée à dix hommes de pié armés, qu’il chargea le Prieur d’envoyer à Guillaume Artaud, dans les occasions où il armeroit pour la conservation de ses tours contre ses ennemis, ou pour leur recouvrement. Chorier, Hist. de Daup. Tom. II, p. 148. On a rapporté cet exemple, parce qu’il montre que ce droit n’obligeroit pas les vassaux à servir à cheval leur Seigneur, comme le nom semble le signifier.

CHEVAUCHER. v. n. Vieux mot, qui signifioit autrefois, aller à cheval. Equitare. Personne n’a blâmé Agésilaüs de ce que, pour s’accommoder à l’humeur de ses petits enfans, il chevauchoit sur un bâton avec eux. Mascur.

On a dit aussi chevalcher. On dit encore chevaucher parmi les Ecuyers, pour marquer la manière de se mettre sur les étriers. Chevaucher long. Chevaucher à l’angloise, à la turque, &c. Hors ces occasions, on ne se sert point de ce mot, à cause du sens obscène qu’on y a attaché. Ménage dérive de mot de caballicare, dont les Espagnols ont fait cavalgar, & les Italiens cavalcare. Il se trouve dans la basse latinité, auss-bien que caballicata, d’où il dérive cavalcate & chevauchée.

Chevaucher se dit aussi, parmi les Artisans, des pièces qui se mettent l’une sur l’autre. Supergredi. Cette solive ne chevauche pas assez avant dans le mur. Les tuiles doivent chevaucher les unes sur les autres.

☞ C’est encore un terme d’Imprimerie, en parlant des lettres qui montent ou qui descendent hors de la ligne à laquelle elles appartiennent.

☞ On le dit aussi en fauconnerie de l’oiseau qui s’élève par secousses au dessus du vent qui souffle dans la direction opposée à son vol.

CHEVAUCHEUR. s. m. Vieux mot, qui signifioit autrefois Maître de poste, dont les lettres sont expédiées sous le titre de Chevaucheur, Eques, comme le Chevaucheur de Tarare, de la Bresse. On les appelle encore quelquefois ainsi dans les Provinces. Il y a aussi un vieux proverbe qui dit, le dut-on brûler comme un Chevaucheur d’écouvettes. C’est ainsi qu’in appeloit autrefois un sorcier. Il y a une déclaration du Roi Henri II, du mois d’Août 1576, pour les privilèges de six vingts Chevaucheurs de l’écurie du Roi. Chevaucheur d’écurie étoit aussi un office de la maison du Duc de Bretagne. Les chevaucheurs d’écurie portoient un émail aux armes du Duc. Hist. de Bret. par D. Lobineau, Tom. II, p. 1471.

Chevaucheur. Vieux mot. Cavalier, celui qui monte un cheval, ou qui est dessus. Gloss. sur Marot.

CHEVAUCHONS. (A) adv. A califourchon, qui se dit de la manière d’aller à cheval, jambe deçà, jambe delà ; & se dit aussi de ceux qui sont en cette posture sur un âne, sur un bœuf, sur un cheval, sur un bahu, ou autre chose semblable. Equitis in morem. Suranné.

CHEVAUCHURE. s. f. Vieux mot, qui veut dire mouture.

CHEVEAU-LÉGER. Il vit un Cheveau-Léger, il poussa à lui. Bussi Rab. Voyez Cheval.

CHEVECAGNE. s. f. Cavalerie. Equitatus. Il y a long temps que ce mot ne se dit plus.

CHEVECAILLE. s. f. Tresse de cheveux. Ce mot n’est plus en usage.

CHEVECEL. s. m. Vieux mot qui signifie chevet, oreiller.

CHEVECERIE. s. f. Qualité ou bénéfice du Chévecier. Cerarii sacri Præfectura ; Capicerii dignitas, Præfectura.

CHEVÊCHE. s. f. Espèce d’oiseau nocturne, de mauvais augure, qu’on appelle autrement chouette ou civette, ou fresaye. Noctua, ulula, strix. Voyez Chouette.

Ce mot vient de cavecca, qui a été fait de capo. Mén.

CHEVECIER. s. m. Celui qui est le chef, qui a la première dignité dans plusieurs Eglises Collégiales. C’est la même chose que ce qu’on appelle Trésorier en d’autres, parce qu’il garde le trésor de l’Eglise, qui sont les chefs & les reliques des Saints. Voyez Chefcier.

CHEVECINE. Vieux mot qui se disoit autrefois pour chevêtre.

CHEVEDAGE. s. m. Terme de Coutumes. C’est la même chose que chezal ou chézeau, c’est-à-dire, feu, maison, ménage.

CHEVEL. Voyez CHEF, & AIDE-CHEVEL.

CHEVELÉE. adj. Terme de Blason, qui se dit d’une tête, lorsque les cheveux sont d’un autre émail que la tête. Tête de femme chevelée d’or. Caput mulieris aurcis capillis insigne.

CHEVELEUX, EUSE. Vieil adj. Qui a de grands cheveux, de beaux cheveux. Chevelu. Crinitus, a, um.

☞ CHEVELU, UE, adj. Qui a de longs cheveux. Comatus, crinitus. Les peuples Septentrionaux sont plus chevelus que ceux du Midi. On donne particulièrement cette épithète à un de nos Rois, Clodion le chevelu, à cause qu’il portoit de grands cheveux ; & parce qu’ayant conquis une partie des Gaules, il fit porter aux Gaulois les cheveux, que Jules-César leur avoit fait abattre, comme dit Nicole Gilles ; mais M. l’Abbé Tritheme dit, qu’après sa conquête, il fit tondre les Gaulois, afin de les distinguer des François qui lui avoient aidé à les subjuguer. Il n’est plus en usage en ce sens, si ce n’est en parlant de ces anciens temps. Childebert, dans un Décret qui se voit à la fin de la Loi Salique, dit, que personne des chevelus ne se marie incestueusement, &c. Cet article ne regarde que les chevelus, c’est-à-dire, les plus nobles des François qui étoient à la Cour, parce que ces sortes de mariages étoient plus ordinaires parmi eux. La Loi Salique distingue deux sortes de François, dont les uns étoient chevelus, & les autres ne l’étoient pas ; & Agathias rapporte que ce fut l’usage des Rois françois de porter la longue chevelure ; que leurs Sujets avoient leurs cheveux coupés en rond autour de la tête, & qu’on ne leur permettoit pas aisément de les laisser croître. P. Jourd. T. III, p. 96.

Chevelue. (Comète). Voyez ce mot.

Chevelu. s. m. Terme d’Agriculture. Petits filamens attachés aux racines des arbres, aussi déliés que les chevaux, & qui sortent des grosses racines. Capillitum. Je recommande qu’en plantant, on ôte le chevelu le plus près qu’on peut, du lieu d’où il sort ; certains Jardiniers le conservent avec grand soin, & ont grand tort. La Quint. On appelle ainsi ces racines, parce qu’elles ressemblent en quelque sorte à des cheveux. Quand les racines d’un arbre sont toutes petites, & en forme de chevelu, c’est un signe presqu’infaillible de la foiblesse de l’arbre, & de sa mort prochaine. Idem.

On le dit aussi des plantes qui ont des feuilles fort déliées. On les appelle autrement capillaires.

Chevelu. s. m. Sorte de serpent que l’on voit dans le pays des Hottentots. Il y a des gens qui prétendent que c’est de la tête de ce serpent qu’on tire une pierre qui est un remède souverain contre ses morsures, & celles de tous les autres serpens. Mais M. Kolbe a tué un grand nombre de ces serpens, & n’y a jamais trouvé la pierre en question, ce qui pourroit faire douter de son existence. Quoi qu’il en soit, les pierres de serpent qu’ont les Européens du Cap, sont artificielles. On les apporte des Indes orientales, où elles sont composées par les Brachmanes, qui seuls connoissent ce secret. Cette pierre a la figure d’une féve. Au milieu elle est blanchâtre, le reste est bleu céleste. Obs. sur les Ecr. mod. Tom. XXV, p. 350.

CHEVELURE. s. f. Tous les cheveux dont la tête est couverte. Coma, capilus. Absalon avoit une belle chevelure blonde ; sa chevelure pesoit deux cens sicles. Génébrard dit que c’est cinq livres, quoiqu’il se fit tondre tous les huit mois, à ce que dit Josèphe. Clodion, second Roi de France, fit une loi touchant les longues chevelures, par laquelle il n’étoit permis d’en porter qu’aux personnes libres. Mézerai. Il n’y avoit autrefois que les Rois de France qui eussent droit de longue chevelure. Thiers.

On dit aussi poëtiquement, la chevelure des arbres & des plantes, en parlant de leurs feuilles. Coma.

On appelle chevelure de Comète, en Astronomie, les rayons de la Comète, lorsqu’elle est diamétralement opposé au Soleil, & que ces rayons se répandent également à la ronde. Crines, coma. Le diamètre apparent des Astres est augmenté par la lumière, & par une espèce de chevelure de rayons étincelans, comme parlent les Astronomes, qui rejaillit de tout leur corps, & qui les fait souvent paroître où ils ne sont pas. P. Le Comte.

Chevelure de Bérénice, est aussi un terme d’Astronomie. Coma Berenices. Les Anciens appelèrent de ce nom les sept étoiles de la queue du Lion, parce qu’ils pensoient que les cheveux de Bérénice Reine d’Egypte, qu’elle avoit offert dans le temple de Vénus pour le retour de son mari, avoient été si estimés des Dieux, qu’ils les avoient enlevés du temple pour les placer dans le ciel, où ils furent changés en ces sept étoiles. ☞ Le Mathématicien Conon, qui venoit de découvrir dans le ciel une nouvelles constellation, fit disparoître ces cheveux, & publia qu’ils avoient été changés en cette constellation, qu’il nomma pour cette raison chevelure de Bérénice.

Chevelure de feu. Terme d’Artificier. Espèce de garniture en forme de petits serpentaux, lesquels n’étant point étranglés, retombent du pot de la fusée, en ondoyant comme une chevelure. Encyc.

☞ CHEVELUS. Capillati. Nom que Dicenée donna aux Goths, leur conseillant de porter toujours une longue chevelure, pour les distinguer des Sacrificateurs qu’il institua, & qu’il nomma Pileati, couverts d’un chapeau ou d’un bonnet. Dicenée vint dans le pays des Goths environ quatre-vingt ans avant la naissance de Jesus-Christ. Décébale Roi des Daces ayant envoyé d’abord à l’Empereur Trajan des Ambassadeurs du rang des Capillati, qui étoient les moins considérables, lui envoya ensuite des Pilerati, pour lui faire plus d’honneur. Cependant les Goths & les autres peuples du Septentrion faisoient autrefois grand cas d’une belle chevelure, & prenoient autrefois grand soin de l’entretenir. C’étoit même pour les filles une marque de virginité. Celles qui étoient mariées, avoient la tête couverte ; les filles, au contraire, alloient la tête nue, laissant flotter leurs cheveux qui pendoient jusqu’à la ceinture.

Chevelus. (les) Peuples de l’Amérique méridionale, au pays des Amazones, au nord du fleuve des Amazones. On lui a donné ce nom, parce que les hommes & les femmes ont les cheveux longs jusqu’à la ceinture.

Tous ces mots viennent du latin capillus, qui est dit comme capitis pilus.

CHEVER. v. act. Terme de Jouailler. C’est, cerner ou creuser une pierre par dessous, pour lui ôter de la couleur, quand elle est trop forte. Excavare. On chève aussi les rubis pour leur ôter la chalcédoine, ou la couleur blanche qui les diminue de prix : ☞ c’est aussi chez plusieurs Ouvriers, commencer à rendre concave une pièce qui n’est que forgée.

Chever. Terme de Coutume. C’est empiéter sur la chaussée d’une ville, sur un chemin, sur un héritage.

CHEVESCHE. Voyez CHEVÊCHE.
CHEVESTRAGE. CHEVÊTRAGE.
CHEVESTRE. CHEVÊTRE.

CHEVET. s. m. Oreiller long & rond, rempli de plume, sur lequel on pose la tête quand on est couché. Cervical. On l’appelle autrement traversin. On appeloit autrefois la tête chevet. Un vieux Poëte dit, en parlant de S. Jean,

Que Hérode fit marturer
Li chevet à un gleve trancher.

Chevat est proprement la partie du lit où l’on met ce traversin. Cet homme a toujours des armes sous son chevet. Alexandre avoit toujours Homère sous le chevet de son lit. Cet homme ronfle si-tôt qu’il a la tête sue le chevet.

Ce mot vient de chef. Quelques-uns le dérivent de cervical, & Ménage de capetum, diminutif de capa. On appeloit autrfois chevecel un oreiller.

Chevet se dit encore de tout ce qui élève la tête en quelqu’endroit qu’on soit couché. Un Moissonneur qui n’a qu’une pierre pour son chevet, ne laisse pas de bien dormir.

Au Palais, les Avocats appellent droit de chevet, le festin qu’ils donnent à leurs Confrères, quand ils se marient. Nuptiarum epulum. La même chose se pratiquoit aussi par les Officiers des Cours Souveraines, quand leurs Confrères se marioient : mais au lieu d’un repas, c’est le plus souvent une certaine somme d’argent déterminée par la Compagnie, & qui se partage ensuite avec les épices. ☞ C’étoit aussi autrefois un droit que les Seigneurs exigeoient des nouveaux mariés dans l’étendue de leur Seigneurie.

Chevet d’Eglise, c’est la partie postérieure d’une église, comme on dit le chevet de S. Denys, en parlant de cette partie de l’église qui est derrière le chœur, & où l’on monte par plusieurs degrés. Pars templi choro postica, absis. On le dit aussi du presbytère, ou de la maison qui y est jointe ou attenante. Le prieuré de saint Barthélemi est bâti au chevet de l’église de saint Barthélemi, derrière le chœur.

Chevet de canon. C’est ainsi qu’on appelle, en termes de Mer, un gros billot de bois de sapin ou de peuplier, qui étant mis sous le derrière de l’affût du canon, en soutient la culasse. Fulcrum. Chevet de traversin de bittes est une doublure de bois de sapin qu’on joint au derrière du traversin de bittes, parce que le sapin est beaucoup plus doux que le chêne, & que le chêne use les cables qui passent dessus.

Chevet, en termes d’Artillerie. Espèce de petit coin de mire, qui sert à élever un mortier : il se met entre l’affût & le mortier.

Les Plombiers appellent chevet certains rebords de plomb qu’ils mettent au bord des chêneaux, ou proche les godets, pour arrêter l’eau, & empêcher qu’elle ne bave le long de la couverture. Ora extrinsecus prominens.

On appeloit aussi autrefois fief-chevet, ou chevel, ou tenu en chef, celui qui étoit mouvant immédiatement du Roi. Primariæ clientelæ beneficiarium prædium.

On appelle figurément une épée de chevet, un ami brave, & prompt à nous servir & à nous défendre en toutes occasions. Amicus promptus & paratus semper ad rem pro amico bene gerendam. On le dit aussi d’autres choses qui nous sont familières. Cet homme a toujours son Iliade à la main, c’est son épée de chevet. Habet Iliadem in deliciis.

CHEVETAIN, CHÉVETAINE ou CHÉFETAINE, s. m. Vieux terme de Coutume, qui signifioit autrefois Chef & Capitaine, Chef de bande, dont il est fait plusieurs fois mention dans Villehardouin, & le Sire de Joinville. Caput, Dux, Princeps. Les Turcs, quand leur Soudan fut mort, firent leur Chévetain un Sarazin. Joinville.

Ce Seccédun Chévetaine des Turcs étoit tenu pour le plus vaillant & preux de toute payennie. Joinv. Ce Chevetain se vanta qu’il mangeroit en la tente du Roi dedans le jour de S. Sébastien, qui prouchain venoit. Idem.

Chevetain & Guieur de la guerre. M. Btunet, en son Trésor, Part. II, cap. 39. Li Chevetains de batailles doivent assembler les batailleurs à pié & à cheval. H. Gauchi.

L’autre bras sont ceux appelés
Qui ont offices principaux
Sur gens d’armes, comme Maréchaux
Et Chevetains. Pélerinage de l’Ame.

Voyez Du Cange sur Villehardouin.

On appelle encore aujourd’hui Chevetains les Chefs de la Bourgeoisie de Bruges.

Ce mot vient de Capitaneus, d’où on a formé Chevetain, ou Cheftain, Capitaine, & comme on dit aujourd’hui Capitaine. Autrefois on disoit & écrivoit Chefvetaine.

CHEVETEAU. s. m. Grosse pièce de bois de travers où est engravée la couète sur laquelle tourne le tourillon d’un arbre de moulin : elle est posée sur une masse de maçonnerie.

CHEVÊTRAGE. s. m. C’étoit un droit que les Ecuyers du Roi prenoient à Paris sur le foin qui vient par eau. Capistragium. Ce droit est appelé en latin Chestragium, dans une Patente de saint Louis de l’an 1256.

CHEVÊTRE. s. m. Licou de monture. Ce mot est vieux, & vient de chef. Nicod. Capistrum. On dit encore enchevêtrer. Il signifie aussi un joug auquel on attache la tête des bœufs ou vaches. Gloss. sur Marot.

Chevêtre, en termes de Charpenterie, est la pièce de bois qui soutient les solives coupées à l’endroit de la cheminée, pour donner passage aux tuyaux, & empêcher que l’âtre ne pose sur du bois, à cause du danger du feu. Tigillum. Le chevêtre doit être éloigné de trois piés du feu.

Chevêtre, terme de Chirurgie. Espèce de bandage dont on se sert pour la fracture ou la luxation de la mâchoire inférieure. Acad. Fr.

CHEVEU, s. m. Poil, long, fin & délié, qui vient à la tête des hommes & des femmes. Capillus. Les Médecins font plusieurs distinctions des cheveux, & leur donnent des noms différens, mais seulement en grec & en latin. Ils appellent ceux des femmes comas, à cause du verbe κομεῖν, qui signifie attiffer & agencer soigneusement ; ceux des hommes, cæsaries a cædendo, parce qu’on les coupe souvent ; ceux de derrière la tête juba & crines ; ceux qui pendent derrière les oreilles, cincinni, c’est-à-dire, crépus & annelés. La Magdelaine essuya les piés du Seigneur avec ses cheveux. La force de Samson consistoit en ses cheveux. Les femmes qui se querellent, se prennent d’abord aux cheveux. Cheveux bien peignés. Compositi, comti.

Ce mot est dérivé de Capillus. Les cheveux paroissent de petits tuyaux, for unis & fort déliés ; mais quand on les regarde avec un microscope, on y voit des nœuds comme aux branches des arbres. Au bout par où ils tiennent à la tête, ils ont une petite bulbe qui reçoit le suc qui les nourrit, à l’autre bout ils se divisent quelquefois en deux branches : cela arrive lorsqu’on n’a pas soin de les faire faire de temps en temps ; & alors ils deviennent roux vers ce bout, parce que le suc qui les humecte, ne pouvant se communiquer aisément jusques-là, l’air & le soleil dessèchent & en brûlent l’extrémité. Les cheveux tombent & blanchissent plutôt sur le devant que sur le derrière de la tête, parce que le suc qui les entretient, leur est fourni plus longtemps par les parties du derrière de la tête.

☞ Les cheveux croissent en général plus longs & plus promptement chez les femmes que chez les hommes. Ils croissent de même beaucoup plus vîte chez les jeunes gens que chez les vieillards. On les regarde ordinairement comme des corps creux qui sont pénétrés par les sucs dans toute leur longueur. Quelques-uns croient pourtant qu’ils ne croissent que par la racine qui reçoit simplement sa nourriture de la bulbe ou oignon sur lequel le cheveu est implanté. La grandeur des cheveux dépend du suc propre à les nourrir, qui se trouve plus ou moins abondant aux uns qu’aux autres. Ils sont gros, ou fins & déliés, selon que les pores par où ils sont sortis, sont plus ou moins larges.

Lorsque les pores sont droits, les cheveux le sont aussi : quand ils sont courbes ou obliques, les cheveux sont frisés. Ceux qui sont d’un tempérament humide, ont le poil plus doux ; ceux qui sont secs, l’ont plus rude. La figure des cheveux nous paroît ronde ; mais le microscope nous fait voir qu’il y en a de triangulaires & de carrés, aussi-bien que de ronds. Cela vient de la configuration différente des pores par où ils ont passé, & dont ils prennent la figure. Les cheveux se peuvent fendre & séparer en deux ou trois parties, ce qui se voit à leurs extrémités, lorsqu’ils fourchent. Le microscope découvre encore qu’ils sont creux comme de petits tuyaux, ce qui est encore confirmé par la maladie appelée plica, à laquelle les Polonois sont sujets, & dans laquelle il sort du sang par l’extrémité des cheveux. La couleur des cheveux est différente suivant les pays, les tempéramens, les âges & la qualité de l’humeur qui les nourrit ; mais la vieillesse change ordinairement leur couleur, quelle qu’elle soit, en blanc, ce qui arrive par le peu d’humeur qui reste aux vieillards.

C’étoit un grand ornement parmi les Gaulois, que d’avoir de grands cheveux ; & de-là vient que la plus grande partie des Gaules s’appeloit Gallia comata. C’est pour cela que ceux qui quittoient le monde, pour se retirer dans les cloîtres, se faisoient raser les cheveux, pour montrer qu’ils renonçoient à tous les ornemens mondains ; & qu’ils faisoient vœu d’une sujetion absolue à leurs Supérieurs. Aussi Jule-César, lorsqu’il conquit les Gaules, faisoit abattre les cheveux des Gaulois en signe de soumission. Ovide le dit à sa maîtresse, qui se servoit de faux cheveux.

Nunc tibi captivos mittet Germania crines.
Culta triumphatæ munere gentis eris.

On imposoit aux vaincus la nécessité de se faire tondre, pour marque qu’ils étoient subjugués ; & c’est apparemment d’où est venue cette expression, il a été tondu, en parlant d’un homme qui est déchu de quelque prétention : & cette autre, je veux qu’on me tonde, qui est une peine qu’on s’impose, en cas que la chose qu’on affirme ne soit pas véritable. La raison est qu’on regardoit comme une honte d’être tondu. M. Auboux, dans sa véritable Pratique civile & criminelle, dit, qu’apparemment cette manière de parler est venue de ce qu’autrefois, quand un Magistrat trouvoit un Clerc qui n’avoit ni l’habit convenable à son état, ni la tonsure cléricale, il le faisoit tondre.

Vers l’an 428, Clodion introduisit dans la famille Royale seulement la coutume de porter les cheveux longs ; mais, à la réserve des Princes, tous les hommes portoient les cheveux courts, de sorte qu’ils ne leur venoient qu’au dessous des oreilles. Greg. de Tours, Hist. Fr. L. III, c. 18 ; L. VI, c. 24 ; L. VIII, ch. 10. Agathias en parle plus particulièrement dans son premier Livre. C’est la coutume des Rois des François, dit cet Auteur, de ne se faire jamais couper les cheveux. Leur chevelure, qui descend toute sur les épaules, a fort bonne grace. Les cheveux de devant se partagent sur le front, & se rejettent des deux côtés. Leurs cheveux ne sont point mal en ordre, & mal propres, comme ceux des Turcs & des Barbares, ni liés & cordelés tout ensemble sans grace & sans agrément, mais ils ont différentes manières de les tenir propres, & en ont un très-grand soin. Au reste, c’est chez eux un privilége de la famille Royale ; car leurs sujets les coupent en rond ; il ne leur est pas permis de les porter longs. Hotman traite de ce droit des Rois de France, c. 11. Franco-Galliæ. Voyez aussi les Notes de Savaron & celles du P. Sirmond sur l’épître 2 du Livre I de Sidonius Apollinaris. Couper les cheveux à un fils de Roi de France sous la Ie race, c’étoit le déclarer déchu de la succession à la couronne, & le réduire à la condition de sujet. P. Daniel, T. I, p. 83.

Dans le onziéme siècle, ceux qui se piquoient de bonne grace, laissoient croître leurs cheveux, qui leur descendoient jusques à la ceinture par grosses boucles. Godefroi Evêque d’Amiens y trouva de l’indécence & de la mollesse. Il refusa le jour de Noël la communion à ceux qui se présentoient ainsi à la sainte Table, & rejeta leurs offrandes, ce qui les obligea à faire couper leurs cheveux sur le champ ; & la coutume cessa. ☞ Les Courtisans & les Seigneurs qui accompagnoient Robert, Comte de Flandre, qui étoit venu célébrer la Fête de Noël à S. Omer, & qui avoit prié l’Evêque d’Amiens de lui dire la messe de minuit, coupèrent à l’instant leurs cheveux les uns avec des ciseaux, les autres avec leurs couteaux, & même avec leurs épées, de peur, disoient-ils, d’être privés de la bénédiction d’un si Saint Evêque.

Dans le VIII siècle, les personnes de qualité faisoient couper les premiers cheveux à leurs enfans par d’autres personnes qualifiées, qui étoient appelées pour cela les peres spirituels de ces enfans. Ainsi Charles Martel envoya son fils Pepin à Luitprand, Roi des Lombards, afin qu’en lui coupant les cheveux, selon la coutume, il devînt son pere spirituel. Cette coutume étoit plus ancienne. L’Empereur Constantin envoya au Pape les cheveux de ses fils Justinien & Héraclius, pour lui témoigner, selon la coutume de ce temps-là, qu’il desiroit qu’il leur tînt lieu de pere, & qu’eux lui obéissent & l’honorassent comme ses enfans. C’étoit un témoignage bien authentique du respect qu’il portoit au Pape. Godeau.

On attribue au Pape Anicet la défence pour les Clercs de porter de grands cheveux ; mais elle est plus ancienne dans les Eglises d’Occident ; & l’Epitre où ce Décret se lit aujourd’hui, a été écrite long-temps après la mort de ce Pape. La tonsure Cléricale est rapportée par S. Isidore de Séville à la Tradition Apostolique, en quoi il est suivi par plusieurs Auteurs.

Les cheveux longs ont été si odieux autrefois, qu’il se trouve un Canon de l’an 1096, portant que ceux qui auront de longs cheveux ; seront exclus de l’entrée de l’Eglise pendant leur vie, & qu’on ne priera point Dieu pou eux après leur mort. Nous avons dit ci-dessus ce que fit un Evêque d’Amiens. Luitprand a fait une furieuse déclamation contre l’Empereur Phocas, qui portoit de longs cheveux, comme les Empereurs d’Orient ; à la réserve de l’Empereur Théophile, qui étant chauve, crut effacer cette opprobre de dessus sa tête, en ordonnant à ses sujets de raser leurs cheveux, pour ôter la différence qui le choquoit. S. Paul, en recommandant aux femmes le soin de leurs cheveux, ajoute à l’égard des hommes, qu’il est contre nature de les nourrir. On ne comprend pas bien la raison de ces défenses, de porter des cheveux ; puisqu’ils paroissent un des plus beaux ornemens de l’homme, & non pas une superfluité de la nature. Sans doute que la nature dans le passage de S. Paul signifie la coutume. En 1650, un Professeurs d’Utrecht agita la question, s’il est permis aux hommes de porter de longs cheveux. Un Théologien, nommé de Reves, qui avoit écrit pour l’affirmative, lui repliqua. Pasquier dit qu’en son jeune âge tout le monde portoit de longs cheveux, à la réserve des Moines. Le Roi François I. ayant commencé à porter des cheveux courts, pour la raison rapportée ci dessous, les Prêtres mêmes se firent tondre : ce qui eût été auparavant de mauvais exemple, comme dit le même Auteur. L’offre qu’ils font à Dieu de leur cheveux, quand ils font des vœux, est une marque qu’ils se donnent à lui en perpétuelle servitude.

Les cheveux longs furent donc à la mode sous la première race de nos Rois. Le Roi les portoit très-longs, ses parens de même, & la Noblesse à proportion de son rang & de sa naissance. Le peuple étoit plus ou moins rasé. L’homme serf l’étoit tout-à-fait ; l’homme de pote ou poeste ; c’est-à-dire, l’homme payant tribut, ne l’étoit pas entièrement. Pepin & Charlemagne méprisèrent les cheveux longs. Charlemagne les portoit courts, sont fils encore plus : Charles le Chauve n’en avoit point. On commença sous Hugues Capet à les porter un peu plus long. Cela déplut aux Ecclésiastiques : on excommunia ceux qui laissoient croître leurs cheveux. Pierre Lombard en fit si grand scrupule à Louis le Jeune, que ce Prince fit couper les siens. Les autres Rois, jusqu’à Louis XIII, ne les ont porté que fort courts. Les cheveux de S. Louis, de Charles V, de Louis XII, tels qu’on les voit dans leurs portraits, & sur leurs médailles ou monnoies, ne passent pas le milieu du cou. François I, ayant été blessé à la tête par Montgommeri, les Médecins lui firent couper les cheveux. Sur son exemple tous ses sujets quittèrent leur chevelure ; chacun porta longue barbe, & fit couper ses cheveux : ce qui auparavant étoit une ignominie. Pasq. Sous Louis XIII, la mode changea ; comme il aimoit fort les cheveux, on lui fit plaisir de les porter longs. Le Gendre. Voyez aussi Thiers, Traité des Perruques. L’an 1460, le Duc de Bourgogne fut si grièvement malade, que l’on désespéra de sa santé ; pour laquelle assurer, les Médecins lui conseillèrent de permettre que sa longue perruque lui fût abattue. Ce qu’ayant été fait, tous les Courtisans, (sauf le Prince & quelques grands Seigneurs) & le peuple en firent autant, & fut mis en usage de ne porter les longs cheveux. Gollut. Mem. de Bourg. L. X, c. 81.

Cheveu, sert de comparaison à toutes les choses déliées. Ce fil, cette soie, sont déliés comme des cheveux. Cette aiguille, cette ligne, sont comme des cheveux.

On dit, qu’une femme est coëffée en cheveux, lorsqu’elle a seulement ses cheveux arrangés, ou entortillés autour de la tête, & qu’elle n’a ni bonnet, ni coëffe qui les cache. En Grece, & sur-tout à Lacédémone, les filles laissoient pendre leurs cheveux, & flotter au gré du vent. Les femmes au contraire les nouoient négligemment par derrière.

On appelle faux cheveux, ceux qui ne tiennent point à la tête, mais qui y sont appliqués en tresses, tours, coins ou perruques. Mentiti, falsi, adscititii capilli. On a remarqué que les Grecs apprirent aux Romains l’usage des faux cheveux, & à se servir de cet ornement emprunté.

On dit aussi des cheveux de Cour, pour dire, de faux cheveux ; mais c’est seulement dans le style comique & burlesque. On le trouve dans ce sens dans quelques Comédies modernes.

On appelle cheveux vifs, les cheveux arrangés dans les perruques de la maniere qu’ils l’étoient sur la tête de la personne vivante, sur laquelle ils ont été coupés à ce dessin, Vivi capilli ; & on les appelle firsé naturellement, quand ils étoient frisés, bouclés ou annelés auparavant que d’être coupés, capilli crispi, cirrati.

On appelle un toupet de cheveux, une poignée de cheveux, ce qui croît ou ce qu’on laisse en quelque endroit de la tête, Cirri. Les Tartares & les Chinois se rasent les cheveux, à la réserve d’un petit toupet qu’ils laissent croître au derrière de la tête.

Les Poëtes appellent le Soleil, Phœbus aux bonds cheveux. Crinibus aureis, & se servent du mot de cheveux gris & cheveux blancs, pour marquer la vieillesse, Cani’. Ozius déshonora ses cheveux gris par sa chûte. Herman. Ainsi Malherbe a dit :

Les ridicules avantures
D’un amoureux en cheveux gris.

Et Corneille,

Touche ces cheveux blancs à qui tu rends l’honneur

Rafraîchir les cheveux, c’est en couper les extrémités pour en hâter l’accroissement ; faire les cheveux, c’est les tailler selon la mode ; couper les cheveux, c’est les abattre entièrement. Capillum tondere.

Cheveux, se dit figurément des petites racines ou filamens des plantes, d’où leur vient la première nourriture. Capilli.

Cheveux de Venus. On donne ce nom à certains filamens qui volent dans l’air en Automne. Capilli Veneris. On les appelle plus ordinairement Cheveux de Notre-Dame ou de la Ste. Vierge. Capilli. B. Virginis. Quelques exhalaisons grossières composent, en se réunissant, ces fils longs & blancs que l’on voit s’attacher aux arbres ou voltiger au gré des vents.

On dit figurément d’une chose qui fait horreur, qu’elle fait dresser les cheveux à la tête : qu’il faut prendre l’occasion aux cheveux, pour dire, qu’il ne faut pas la laisser échapper ; qu’un passage, qu’une comparaison, sont tirés par les cheveux, lorsqu’ils ne viennent pas naturellement au sujet, qu’ils sont tirés de trop loin, & amenés par force & par machine. On dit encore, que tous nos cheveux sont comptés ; pour dire, que la Providence a soin des moindres choses qui nous regardent. On dit aussi, quand on veut trop subtiliser sur les choses, que c’est fendre un cheveu en deux, d’autres disent en quatre. On dit encore, il ne s’en faut pas de l’épaisseur d’un cheveu ; pour dire, peu s’en faut, ou il ne s’en faut presque rien. On dit aussi, se prendre aux cheveux, se tirer aux cheveux ; tirer quelqu’un par les cheveux, lui sauter aux cheveux, s’accrocher aux cheveux, pour représenter la maniere dont certaines gens se battent.

Nos braves s’accrochant, se prennent aux cheveux.

Boil.

On dit auss, s’arracher les cheveux de douleur, de désespoir.

☞ CHEVILLE. s. f. On entend généralement par ce mot, un morceau de fer ou de bois, rond ou carré, qui va en diminuant, qui sert à boucher un trou, à faire un assemblage de plusieurs pièces, ou à d’autres usages. Fibula, clavis ligneus, ferreus. Les Cordonniers font tenir les talons de cuir avec des chevilles. Toute cette menuiserie ne tient qu’avec des chevilles. Pyrard dit qu’aux Maldives, tous les assemblages se font sans cloux & sans chevilles.

☞ Ce mot est dérivé de clavus. Ménage le dérive de clavicula, qui se trouve dans les vieux titres en la même signification. On trouve cavilla, pour dire cheville, dans la basse latinité.

Cheville ouvrière d’un carrosse, est une grosse cheville de fer sur laquelle tourne le train de devant, & qui l’attache à la flèche. Clavus rhedæ primarius. Les chevilles coulisses sont celles qui s’appliquent, & qui se levent quand on veut. Elles servent dans l’assemblage des machines qui ne sont pas toujours montées.

Chevilles ranches, sont celles qui traversent les pièces de bois, & forment des échelons de part & d’autre. Scansiles, scansoriæ.

Cheville barbue, dont le bout est édenté, afin qu’étant chassée avec force dans le bois, on ne puisse plus l’en tirer.

Cheville à tourniquet. C’est une cheville à l’aide de laquelle, par le moyen de ce tourniquet, on serre avec une corde la charge qui est sur une charette. Liger.

En termes de Marine, des chevilles à croc, sont des chevilles de fer avec des crocs, qui sont à côté des sabords pour amarer les canons. Clavi unci præfixi. Chevilles à tête de diamant, ou à tête ronde, sont des chevilles de fer dont la tête est si grosse, qu’elle ne peut entrer dans le bois du vaisseau. Chevilles à tête pendue, sont des chevilles dont la tête entre dans le bois. Cheville de pompe, est une cheville de fer mobile, qui assemble la bringuebale avec la verge de pompe. Chevilles de potences de pompe, sont des chevilles de fer d’un pié de long, qui passent dans les deux branches de la potence de la pompe, pour tenir les bringuebales, &c. Cheville à boucle, est une cheville à la tête de laquelle il y a une boucle. Cheville à croc, est celle qui a un croc à côté de la tête : on appelle encore chevilles des morceaux de bois qu’on arrange sur une pierre, & qu’on attache avec des cordes, pour tenir cette pierre ferme lorsqu’on veut la scier, & faire de ses différens morceaux des ouvrages à la mosaïque.

Cheville du pié, est une apophyse ou éminence, qui est en la partie inférieure de la jambe, dans l’endroit où elle se joint avec le pié, & où se fait la fléxion. Malleoli. Les Médecins l’appellent malléole. Il y en a une de chaque côté, l’interne & l’externe. La cheville, ou la malléole interne, est une éminence du tibia ; & l’externe l’est du péroné. Quand on veut marquer que l’eau est fort basse dans un gué, on dit qu’elle ne va que jusqu’à la cheville du pié.

Cheville, en Poësie, se dit figurément d’une épithète inutile, ou des mots qui ne sont mis que pour faire la mesure des vers, ou pour la rime ; qui ne servent de rien pour le sens & la pensée. Inane versûs complementum. Maître Adam Billaud, Menuisier de Nevers, a fait un livre de Poësies, qu’il a intitulé les Chevilles.

Chevilles, en termes de Vénerie, se dit aussi des branches du bois de cerf, quand il se divise en plusieurs andouillers : ce qu’on appelle aussi chevilures. Cervini cornu ramuli.

☞ En termes de maréchallerie & de manége, on dit qu’un cheval n’est propre qu’à mettre en cheville, pour dire, qu’il n’est propre qu’à tirer devant un limonier, à tirer avec des traits, parce que ces traits s’attachent avec des chevilles.

Cheville. Terme de jeu d’hombre. On appelle être en cheville, lorsque l’on n’est ni le premier, ni le dernier en carte. Medius, intermedius : medium esse.

On appelle cheville, dans les instrumens de Musique à cordes, certains petits morceaux de bois, ou de fer, fichés dans la table, ou dans le manche de l’instrument, qui servent à tendre, ou à détendre les cordes qui y sont attachées par un des bouts. Claviculus Chevilles d’épinette, de psaltérion, de luth, de théorbe, &c.

Cheville se dit aussi de certains petits morceaux de bois en saillies & crochus, qui sont posés sur des rateliers dans des Greffes ou dans des études de Procureurs pour y attacher des sacs, & les y ranger sans confusion. Ligneus clavus exrema parte recurvus. Ce procès a été mis au Greffe, on le trouvera à la cheville de M. un tel, Rapporteur.

Cheville se dit proverbialement en ces phrases. On dit à un homme, autant de trous, autant de chevilles, quand il trouve promptement des excuses, des échapatoires, des distinctions pour se défendre de toutes les objections qu’on peut lui faire. On dit figurément qu’un homme ne vient pas à la cheville du pié d’un autre ; pour dire, qu’il lui est fort inférieur en mérite & en capacité. On dit aussi d’un homme que la fortune a mis dans un bon poste, le voilà bien, il ne lui faut plus qu’une cheville pour le bien tenir. On dit aussi d’un bâtiment qui est achevé, & en bon état, qu’il n’y manque pas une cheville.

CHEVILLER. v. a. Mettre des chevilles. Clavos affigere, suffigere ; fibulis compingere. Cette charpente n’est pas encore en état, elle n’est que chevillée.

Cheviller, en termes de sortilége, c’est empêcher par sort les autres de pisser. Mictum sortibus impedire, sistere, &c.

CHEVILLÉ, ÉE. part & adj. Qui ne tient qu’avec des chevilles. Clavatus, fibulis affixus.

On appelle au manège un suros chevillé, quand le calus qui se forme sur le canon du cheval est double, l’un en dehors & l’autre en dedans ; & des épaules chevillées, quand elles sont engourdies & presque sans mouvement.

On dit en Poësie, que des vers sont bien ' chevillés, quand ils sont chargés de plusieurs mots inutiles, & qui ne servent que pour la mesure, ou pour la rime.

Que dites-vous des ces vers chevillés,
De ces discours obscurs, entortillés ? R.

☞ En termes de Venerie, une tête de cerf bien chevillée, qui a beaucoup d’andouillers bien rangés. On le dit de même du daim, du chevreuil.

Chevillé, en termes de Blason, se dit des ramures d’une corne de cerf ; & quand on veut exprimer le nombre de cornichons ou dagues, qui sont dans un bois de cerf peint sur un écu, on dit chevillée de tant de cors. Cornu cervinum ramulis distinctum. Le Baron d’Hona porte d’azur à deux bois de cerf posés en sautoir, chaque branche chevillée de six pièces d’argent.

On dit proverbialement & figurément d’un homme qui, malgré son grand âge, résiste à de grandes maladies, qu’il a l’ame chevillée dans le corps.

CHEVILLETTE. s. f. Terme de Relieur. C’est un petit morceau de cuivre plat & troué, qu’on met sous le cousoir, & où l’on attache les nerfs des livres qu’on coud. Claviculus.

☞ CHEVILLOIR. s. m. Instrument du métier des étofes de soie, dont on se sert pour mettre les soies en main, c’est-à-dire, d’usage, quand il s’agit de séparer les différentes qualités dont un ballot est composé, & de les assembler pour en former des pantines. Encycl.

CHEVILLON. s. m. Terme de Tourneur. Petit bâton tourné, que les Tourneurs mettent au dos des chaises de paille. Claviculus torno factus.

Chevillon. Terme de Ferrandinier. Bâton de deux piés de long, sur lequel on lève la soie de dessus l’ourdissoir.

CHEVILLOTS. s. m. Terme de Marine. Petits morceaux de bois tournés, qui servent à langer les manœuvres le long des côtes du vaisseau.

CHEVILLURE. s. f. Terme de Vénerie. Petites pointes ou cornichons qui sortent des perches du serf. Cervini cornu ramuli.

CHEVIR. v. n. Etre maître de quelqu’un, de quelque chose, venir à bout de quelqu’un, lui faire faire ce qu’on veut. Flectere, vincire, adducere aliquem quò velis. Cet Artisan a tant de besogne, qu’on ne sauroit chevir de lui. Cet enfant est si mutin, qu’il n’y a que sa nourrice qui puisse chevir de lui. Ce mot n’est en usage que parmi le peuple. On écrivoit autrefois chesvir. Autrefois le mot de chevir vouloit dire traiter, composer, capituler : on le trouve en ce sens dans les Coutumes. Voyez le grand Coutumier. Beaumanoir l’emploie dans un autre sens : dans cet Auteur, il veut dire, nourrir. Si comme chil qui ne sont pas de leur Quemune ou Gentilshommes, liquel ne s’entremettent de marchander, ainchois se chevissent de leur hiretage. Beaum.

Chevir, en termes de Palais, signifie aussi, traiter, composer. Mutuo pacisci, conventis & pactis mutuis rem decidere. Dans toutes les transactions après avoir expliqué le différent, on ajoute. Les parties en ont chevi, composé & transigé ainsi qu’il s’ensuit. Ce mot, aussi bien que celui de chevisance, qui signifioit composition, vient de chef, comme qui diroit, mettre à chef.

Chevir signifioit aussi, sortir d’une affaire, en venir à bout. Quelquefois simplement, sortir. Gloss. sur Marot.

CHEVISANCE. s. f. Vieux mot. Traité, accord fait avec quelqu’un au sujet de quelque différent, quelque dette ou obligation. Pactum, transactio, conventio. Beaumanoir use quelquefois de ce mot pour celui de chevance.

CHEVISSEMENT. s. m. chevisance, accord que l’on fait avec quelqu’un. Pactio, conditio. Les statuts de l’Ordre de Malte distinguent des Commanderies de grace & des Commanderies de chevissement ; ce sont, je crois, les Commanderies que l’on donnoit à des Chevaliers par accord, à condition qu’ils rendroient & envoieroient une certaine somme au trésor commun.

Chevissement vient de l’ancien mot françois, chevir, qui signifioit se charger d’une entreprise dont on espéroit venir à bout. On appelle Commanderie de chevissement, la première Commanderie qu’on obtient, par le rang de son ancienneté.

CHÈVRE. s. f. Capra, capella. C’est la femelle du bouc. On se sert de poil de chèvre pour faire des chapeaux, & des camelots : de leur lait, pour faire des fromages ; & même quelques pauvres gens en mangent la chair. Varron assûre que les chèvres sont mal-saines, & qu’elles ont toujours la fièvre. Il est certain du moins que par la plûpart des Coutumes de France, il y a une prohibition perpétuelle de laisser aller les chèvres dans les champs, ou dans les prairies d’autrui, & qu’elles sont toujours en deffends. ☞ Il faut sur-tout écarter cet animal des arbres auxquels il porte un dommage considérable en les broutant. Varron soutient que ce mot a été dit a capra, comme carpa, de carpere, brouter. Les Mendésiens, & les habitans de la ville de Copte en Egypte adoroient les chèvres, ceux-ci parce qu’elles étoient le divertissement d’Isis. Vossius, de Idol. L. III, c.4’ 74.

Hérodote dit qu’on révéroit à Mendès une chèvre sur-tout, à la mort de laquelle on faisoit un grand deuil. Pendant qu’à Mendès on avoit de la vénération pour les chèvres, & qu’on n’y immoloit que des brebis, dans la Thébaïde au contraire, les victimes ordinaires étoient les chèvres, & on y respectoit les brebis. La chèvre étoit consacrée à Jupiter, à cause de la chèvre Amalthée qui fait la constellation de la chèvre.

Chèvre se dit proverbialement en ces phrases : prendre la chèvre, c’est se fâcher, se mettre en colère légèrement : c’est la même chose que, se cabrer, qui vient aussi du mot de chèvre.

D’un mari sur ce point j’approuve le souci,
Mais c’est prendre la chèvre un peu bien vîte aussi.

Mol.

Chèvre est aussi une machine dont se servent les Architectes, & Charpentiers, pour élever des pierres & des poutres. Capreolus. Elle porte de plus gros fardeaux que la grue, parce qu’elle n’a pas le bec si long. La figure de sa base est triangulaire, & est appuyée par deux bras & un ranchet ou une troisième jambe, qui en soutiennent le poinçon. A l’endroit où ces trois pièces se joignent, est pendue une poulie avec ses mouffles, dans lesquelles est passé un cable qui lève ce que l’on veut par le moyen d’un treuil ou tour, qui se meut avec des leviers passés à travers, & qui est appuyé sur les deux jambes de la chèvre. Il y a aussi des pinces de fer qu’on appelle piés de chèvre. Columelle l’appelle Capreolus.

Chèvre, chez les Charrons, est un outil qui sert pour lever le train de derrière d’un carrosse, pour en graisser les roues plus facilement.

Chèvre de Guideau, terme de Pêche. Ce sont les pieux sur lesquels on pose le rest ou sac de Guideau.

On donne aussi le nom de chèvre, dans les Salines de Lorraine, particulièrement dans celles de Moyenvic, à une espèce de grande table de bois sur laquelle les Sauniers dressent leurs meubles de sel à mesure qu’il se fait, & qu’ils le tirent du fond de la chaudière avec des rateaux.

On dit proverbialement. On ne peut pas sauver la chèvre & les choux ; pour dire, qu’on ne peut pas mettre une affaire à l’abri de toutes sortes d’inconvéniens, ni se ménager avec tout le monde. On dit aussi des choses qui n’ont aucune liaison ensemble, cela s’entretient comme crottes de chèvre. On dit encore, que là où la chèvre est attachée, il faut qu’elle broute ; pour dire, qu’il faut s’accommoder aux choses, aux temps, & à la situation des affaires où l’on se trouve engagé. On appelle barbe de chèvre, un homme qui n’a de la barbe que sous le menton, & par bouquets. On dit aussi, qu’un homme aimeroit une chèvre coëffée, lorsqu’il n’est pas difficile en amour, que toutes les femmes lui sont bonnes indifféremment. On dit, La chèvre a pris le loup, en parlant de ceux qui, pendant prendre ou tromper les autres, demeurent eux-mêmes pris. Cette expression se trouve dans un des dialogues de Lucien que d’Abalcnourt a traduit ainsi ; Voilà le proverbe arrivé, de la chèvre qui prit le loup ; & il ajoute cette remarque ; on dit aussi ce proverbe en notre langue, & l’on feint qu’une chèvre poursuivie d’un loup se sauva dans une maison déserte, dont elle ferma la porte par hazard avec ses cornes après que le loup fut entré, qui fut pris par ce moyen.

Chèvre. Constellation de l’hémisphère septentrional, composée de trois étoiles comprises entre les 45e & 55e degré de latitude nord, tout près du Cocher. L’une est de la première grandeur, & touche au 45e degré, les deux autres ne sont que de la 6e, & sont l’une au dessus de l’autre, entre le 50 & le 55e degré. Les Poëtes disent que c’est la chèvre d’Amalthée, qui nourrit Jupiter dans son enfance. On la surnommoit Olénie, Olenia, parce qu’elle avoit été nourrie dans la ville d’Olène en Bœotie ; ou parce qu’Olenus, fils d’une fille de Vulcain, la reçut entre ses bras, quand elle naquit. Quelques-uns disent que c’étoit un astre heureux ; cependant Horace l’appelle, L. III, Od. VII, v. 6, Insana Capræ Sidera. C’est, à ce que l’on croit, parce qu’elle fait des nuits froides, & que quand elle paroît, dit Pausanias, elle diminue les forces. Acosta écrit, L.V, c. 2, que les habitans du Pérou adorent la Constellation de la chèvre, qu’ils appellent Colea.

Chèvre, en Astronomie, est aussi une étoile de la première grandeur, située sur l’épaule gauche du Cocher. Capra.

☞ Les Physiciens appellent chèvre-dansante, un phénomène lumineux qui paroît quelquefois dans l’atmosphère, auquel le vent faire prendre différentes figures.

L’Île aux Chèvres. Île de l’Acadie, dans la Nouvelle-France. Capraria Acadica. Elle est au milieu du bassin du Port-Royal. Denis.

CHEVREAU. s. m. Le petit d’une chèvre, Hædus. On mange des quartiers de chevreau, aussi-bien que des quartiers d’ageau. On l’appelle autrement cabrit. Les Anciens disoient chevrel, à cause qu’ils prononçoient en el tout ce que nous prononçons en eau. Chastel, pour château, & bel pour beau. Borel dit avoir lu ces mots dans un certain Auteur ; il print un mourcel de pel de chevrel ; pour dire, il prit un morceau de peau de chevreau. Le chevreau a toujours passé pour un mêts excellent, & les Anciens en servoient dans leur plus magnifiques repas. L’Ecriture nous en fournit plusieurs exemples à l’égard des Hébreux, comme Gen. XV, 9 ; XXX, 32, 35 ; 'XXXI, 38 ; XXXII, 14 ; I Liv. des Rois, XVI, 20 ; Jug. XIII, 15, &c. Il y a peu de festins dans Athénée où les chevreaux ne se trouvent au nombre des plus excellens mêts. Voy. L. I, c. I, L. IV, c. 6, L. IX, c. 3, c. 13. Juvenal, Sat. XI, vante la bonté d’un jeune chevreau du territoire de Tivoli. En France on en mange beaucoup en quelques Provinces. Les chevreaux de Poitou sont les meilleurs ; & on les compare en bonté à ceux d’Italie, De la Mare, Tr. de la Pol. L. V, T. XXII, où il cite Nonius de Re Cibar. L. II, c. 6. La chair d’un chevreau, qui est encore sous la mere & ne s’est nourri que de lait, est excellente, & bonne pour la santé. A deux & à trois mois, les chevreaux sont bons ; on en peut manger jusqu’à six mois, mais ils sont moins bons. Cette chair est de facile digestion, nourrit beaucoup, & on l’estime très-salutaire aux personnes convalescentes, à cause de ses sucs huileux & balsamiques. Idem.

☞ Malgré tous ces éloges de la chair de chevreau, il faut convenir qu’elle est fade, humide & glaireuse, & que bien des estomacs ne s’en accommodent pas.

Le chevreau étoit la victime la plus ordinaire du Dieu Faune, & des autres Dieux champêtres.

CHÈVREFEUILLE. s. f. Caprifolium, periclymenon. Il y en a qui écrivent chèvrefeuil. Arbrisseau dont la racine est ligneuse, rampante, & donne à son collet plusieurs jets ligneux, gros comme des plumes à écrire, ronds, longs plus ou moins, suivant le terrain dans lequel il se trouve, couchés par terre, en partie sur tout, & en partie debout, lorsqu’ils ne sont pas éloignés de quelque corps auquel ils puissent s’entortiller pour se soutenir. De chaque nœud de ces jets, qui sont souvent branchus, naissant des feuilles opposées, arrondies, molles, d’un vert gai en dessus, plus pâles & un peu velues en dessous. A l’extrémité des branches sont attachées des fleurs disposées en rayons. Chaque fleur est un tuyau fermé par le bas, évasé par le haut, & découpé en deux lèvres, dont la supérieure est recoupée en quelque partie, & beaucoup plus grande ordinairement que l’inférieure, qui est taillée le plus souvent en manière de langue. Le calice qui soutient la fleur devient une baie molle, d’un rouge tirant sur le jaune, grosse comme un pois, d’un goût désagréable. Elle renferme quelques semences dures applaties, & presque ovales. Il y a plusieurs espèces de Chèvrefeuilles. Les unes ont leurs feuilles opposées & séparées ; dans quelques espèces, elles se joignent tellement par leur base, qu’il semble que la branche ne fait que les enfiles. C’est pour cela que quelques-uns l’appellent Caprifolium perfoliatum. Leurs fleurs varient par leurs couleurs, par leur odeur, & par le temps auquel elles naissent. Dans la plûpart des espèces, la couleur de la fleur est purpurine, rayée de quelques lignes blanches, qui deviennent jaunes, lorsque la fleur commence à passer. Mais dans certaines espèces, ces couleurs sont plus vives, de même que l’odeur. Il y en a aussi qui fleurissent plutôt, d’autres plus tard, & d’autres qui gardent leurs feuilles toute l’année. On cultive dans les jardins le chèvrefeuille, parce qu’il garnit des espaliers, & qu’il donne beaucoup de fleurs. On fait des palissades de chèvrefeuille, des berceaux, des cabinets de chèvrefeuilles, des buissons de chèvrefeuille. On le met dans des pots, on le taille, on l’arrondit, on lui donne diverses figures. Les fleurs du chèvrefeuille sont en usage en Médecine : elles sont un puissant diurétique, & propres pour la rate. On s’en sert aussi dans l’asthme, & dans la toux. On en fait aussi une eau distillée qui fortifie les nerfs, & facilite l’accouchement. On l’appeloit autrefois chievreboust.

CHEVRE-PIÉ. C’est une épithète que les anciens Poëtes donnoient aux Faunes & aux Satyres, à qui ils attribuoient des piés de chèvre. Capripes. Dieux Chevre-piés.

CHEVRETER. v. n. Qui s’est dit d’une chèvre qui met bas son petit. Edere, eniti. On dit aujourd’hui chevroter.

CHEVRETTE. s. f. Petite chèvre. Capreola.

Je tout malade & privé de soulas,
D’un lieu loingtain mène cy mes chevrettes,
Accompaignée d’agneaux & brebiettes. Marot.

CHEVRETTE. Petit chenet de fer qui a quatre piés, & qui n’a point de branche élevée, qui arrête le bois qu’on met dessus. Fulcrum ferreum pedibus quatuor instructum.

Chevrette est aussi un terme d’Apoticaire, qui signifie un pot de faïance avec un goulot, où l’on met les syrops. Guttus.

Chevrette, dans l’Artillerie, est une petite machine de trois piés & demi de hauteur. Elle est composée de deux pièces de bois élevées perpendiculairement & fichées sur une autre pièce de bois qui traverse & qui touche à terre. Elle a en haut un boulon de fer qui entretient les deux pièces droites, & une cheville de fer qui hausse & baisse dans les trous faits exprès, à proportion que l’on veut hausser, ou baisser les fardeaux qui se posent dessus.

Chevrette signifie aussi, la femelle du chevreuil. Caprea, câpra silvestris. La chevrette & le chevreuil se gardent la fidélité tant qu’ils vivent. Sal. Quelques-uns disent aussi chevrelle. Voyez Chevreuil.

Chevrette est le nom que l’on donne à Dieppe & en d’autres lieux de Normandie, à une espèce d’écrevisse de mer, qu’on appelle ailleurs & plus communément crevette. Voyez Crevette.

Chevrette. Terme de Chirurgie. Capistrum. Bandage dont on se sert pour la fracture & la luxation de la mâchoire inférieure. Il est simple & double. Le simple est pour la fracture d’un côté, le double est employé à la mâchoire inférieure fracturée des deux côtés. Voyez le Dict. de M. Col de Villars.

CHEVREUIL. s. m. Bête fauve & sauvage, qui vit dans les bois, qui ressemble au cerf, mais qui est plus petit, & qui est de meilleure fuite. Capreolus. Il s’apprivoise aussi plus aisément, & ne fait point mal avec son bois. On appelle bosse ou enflure, ce qu’on appelle au cerf la meule. Sa femelle se nomme chevrelle ou chevrette. On ne peut discerner le mâle d’avec la femelle, quand on les chasse, que par la tête. Les chevreuils sont les plus dispos des animaux qui ont les piés fourchus. Ils ne vont point au change des femelles, qui portent deux ou trois petits ; au contraire, ils les secourent & les gardent, quand elles sont pleines ; & quand elles ont mit bas, ils leur aident à élever leurs faons, jusqu’à ce qu’ils soient en état de les suivre. Les chiens barreurs sont les meilleurs pour courre le chevreuil.

La chair de chevreuil est la meilleure entre tous les animaux sauvages, & la plus délicieuse au goût. Les Médecins ne lui trouvent aucune mauvaise qualité ; ils disent qu’elle est fort propre aux tempéramens flegmatiques, & à ceux qui sont sujets à la colique & au mal caduc. De la Mare, Tr. de la Pol. Liv. V, tom. XXIII, ch. 1, § 3, où il cite Sint. Sethi de alimentor. facultatib. Lit. D. n. 1. Nonius, de Re Cibar. L. II, ch. 10. Bruyer. Campeg. De Re Cibar, L. XIII, ch. 20. Il y a beaucoup de chevreuils dans le pays du nord, dit Olaüs Magnus, Liv. XIII, ch. 3, dans les Alpes, en Suisse, & dans quelques-unes de nos forêts de France. Les chevreuils, non plus que les cerfs, n’ont point de fiel. Le petit du chevreuil s’appelle faon, aussi-bien que celui du cerf. Id.

CHEVREUSE. Ville de France, dans le Hurepoix. Caprausium, Caprosio. Chevreuse, qui est sur la petite rivière d’Ivette, fut érigée en Duché par François I, l’an 1545. Dix ans après, Henri II confirma cette érection ; & l’an 1612, Louis III fit une Pairie de ce Duché, qui appartenoit à la Maison d’Albert.

☞ CHEVREUSE ou BELLE CHEVREUSE. s. f. Caprusiana. Espèce de pêche, grosse, de belle figure, un peu longuette, bien colorée, d’un très-bon goût & d’un très-grand rapport. Elle devient pâteuse, quand elle est trop mûre, ou quand elle a crû dans un fond froid & humide. Elle demande l’exposition du levant ou du midi. Dans les fonds médiocrement humides, elle s’accommode assez bien de l’exposition du couchant. Elle mûrit au commencement de Septembre.

☞ Quand ce mot se dit de l’arbre, il est masculin. Un chevreuse.

CHEVRIE. s. f. Nom d’un instrument qu’on croit être la musette, la cornemuse, ou quelque chose de semblable.

CHEVRIER. Celui qui garde, qui mène paître les chèvres. Caprarius.

CHEVRILLARD. s. m. Petit chevreuil. Faon de chevrette. Acad. Fr.

CHEVRON. s. m. Pièce de bois de sciage écarrie qui se débite, de six à sept piés de long, & de trois à quatre pouces de gros, qui sert ordinairement à mettre sur les pannes des couvertures d’un logis pour soûtenir les lattes. Cantherius. Les chevrons coulent sur la couverture, faute d’être bien chevillés & brandis sur la panne. Il y a des chevrons de croupe, & des chevrons de long-pan. Ceux-ci portent depuis la panne jusqu’au haut du toît, & sont de la plus grande étendue du bâtiment. Les autres sont inégaux, & attachés sur les arétiers de la croupe d’un comble. Il y a aussi des chevrons de remplage, des chevrons cintrés, qui servent pour les dômes. ☞ Les cintrés sont ceux qui sont courbés & assemblés dans les liernes d’un comble.

☞ Les chevrons de remplage, sont les plus petits chevrons d’un dôme. Ils ne suivent pas dans les liernes, parce que leur nombre diminue, à mesure qu’ils approchent de la fermeture au pié de la lanterne.

☞ Les chevrons de ferme, sont deux chevrons encastrés par le bas sur l’entrait, & joints en haut par l’extrémité au poinçon.

On cloue au bas des chevrons, des coyaux, qui portent jusques sur les bords de la saillie de l’entablement. Quand les chevrons sont chevillés sur les pannes, on dit qu’ils sont brandis sur panne.

Ce mot vient de caprone, qui a été fait de caper ou de capreolus, qui se trouve dans Vitruve en cette signification. Ménage. On les a appelés aussi caprones.

Chevron, en termes de Blason, est l’une des pièces honorables de l’écu, qui représente deux chevrons de charpente assemblés sans aucune division. Il descend du chef vers les extrémités de l’écu en forme d’un compas à demi-ouvert. Il est le symbole de la protection & de la conversation, ou celui de la constance & de la fermeté. D’autres disent qu’il représente les éperons du cavalier. Quand il est seul, il doit occuper la troisième partie de l’écu. Quand il est accompagné, sa largeur ne doit être observée qu’autant que le permet la commodité des pièces qui l’accompagnent. On charge quelquefois les chevrons d’un autre chevron du tiers de sa largeur. Il y a des chevrons de plusieurs pièces, ainsi que la fasce, la bande & le pal. On tient que le chevron étoit autrefois une pièce de lice de barrière & clôture de parc. Quelques-uns le dérivent de chèvre, parce qu’il en représentoit autrefois la tête. D’autres le dérivent de chef, & disent qu’on le nommoit chievron, comme on disoit aussi chief pour chef.

Chevron abaissé, est celui dont la pointe n’approche pas du bord du chef de l’écu, & qui va seulement jusqu’à l’abyme, ou aux environs. Cantherius depressus.

Chevron alaisé, est celui qui ne parvient pas jusques aux extrémités de l’écu. Accisus.

Chevrons appointés, sont ceux qui portent leurs pointes au cœur de l’écu, & qui sont opposés l’un à l’autre, y en ayant un droit, & l’autre renversé. Obversus.

Chevron brisé ou éclaté, que quelques-un appellent fendu, se dit quand la pointe d’en haut est fendue, en sorte que les pièces ne se touchent que par un de leurs angles. Supernè disjunctus.

Un chevron coupé ou essimé, est celui dont la pointe est coupée. Sectus.

Chevron rompu, est celui dont une branche est rompue, & séparée en deux pièces. Fractus.

Chevron couché, est celui dont la pointe est tournée vers un des côtés de l’écu sur lequel il est appuyé. Jacens.

Chevron ondé, est celui dont les branches sont ondoyantes, & vont en ondes. Undatus.

Chevron parti, quand il a ses branches de différent émail, & lorsque la couleur est opposée au métal. Partitus.

Chevron ployé, quand ses branches sont courbes. Flexus, incurvus.

Chevron renversé, quand sa pointe est vers la pointe de l’écu, & les branches vers le chef. Inversus.

On appelle un écu chevronné, quand il est rempli de chevrons en nombre égal de métal & de couleur.

Chevron. s. m. Terme de Commerce. Sorte de laine ou de poil, qui vient du Levant.

Chevron, terme de Pêcheur, signifie toutes sortes de petits poissons, frai en général.

CHEVRONNÉ, CONTRE-CHEVRONNÉ, se dit lorsque l’écu est parti, & que la couleur est opposée au métal, & réciproquement le métal à la couleur, comme celui de la Haye Ventelet. Cantheriatus, cantheriis refertus. On dit aussi un pal chevronné, quand il est chargé de chevrons, & pareillement des autres pièces. Palus cantheriis onustus.

CHEVROTAGE. s. m. Droit que les habitans qui ont des chèvres doivent en quelques lieux à leur Seigneur. Ce droit consiste en la cinquième partie d’un chevreau mâle ou femelle, qui se paye annuellement au Seigneur.

☞ CHEVROTEMENT. s. m. Terme de Musique. Défaut dans la voix d’une personne qui chante par secousses, & en tremblotant. Le moindre chevrotement rend insupportable le plus beau chant du monde.

☞ CHEVROTER. v. n. En parlant de la chèvre, faire de petits chevreaux. Hædulos parere, edere. Les chèvres ne chevrotent qu’une fois l’an.

Chevroter se dit, dans le style familier, pour s’impatienter, se dépiter, & comme on dit, prendre la chèvre. Stomachari. Quand on lui reproche sa naissance, cela le fait chevroter. Il signifie encore, aller en bondissant, aller par sauts & par bons. Chevroter en marchant. On dit qu’un homme chevrote en chantant, ou que sa voix chevrote, quand il chante par secousses & en tremblotant. Cet homme croit bien chanter, mais il ne fait que chevroter.

Et certain fat, ivre de sa parure,
En se mirant, chevrotoit, fredonnoit ;
Et de l’index battant faux la mesure,
Crioit bravo, lorsque l’on détonnoit. Voltaire

Avec un fausset des plus aigres & des plus chevrotans, il chanta ces paroles. S. Didier.

☞ CHEVROTÉ, ÉE. part. Cadence chevrotée. Voyez Chevroter.

CHEVROTIN. s. m. Peau de chevreau préparée, qui sert à faire des gants, & plusieurs autres choses qui demandent une peau délicate. Pellicula hædina.

CHEVROTINE. s. f. Terme d’Artillerie. Balle de plomb d’un petit calibre. Glans plumbea. Il y en a cent soixante-six à la livre.

On donne encore ce nom à une sorte de plomb dont on se sert à la chasse du chevreuil.

CHEUTE. Voyez Chute.

CHEZ. Proposition qui signifie, en la maison, en la demeure de quelqu’un. Apud, lorsqu’il n’y a point de mouvement : ad, lorsqu’il y a du mouvement. Venez dîner chez moi. Il est allé chez le Roi, chez les Dames. Il est chez son Rapporteur.

Chez est quelquefois employé comme equivalent de parmi ou dans, quand on parle d’un peuple, par exemple, & quand on cite des Auteurs : inter, apud. Ainsi, l’on dit, c’étoit une coutume chez les Romain ; les Druides exerçoient une grande autorité chez les Gaulois. On trouve chez les Auteurs grecs des exemples de… &c. Des gens délicats condamnent l’usage de ce mot dans ce sens, mais mal-à-propos, puisqu’on en trouve des exemples dans les meilleurs Ecrivains. On croit pourtant qu’il ne faut pas s’en servir pour citer un Auteur en particulier. On ne diroit pas, par exemple, on trouve chez Homère, hæc canuntur apud Homerum. Chez n’est propre qu’à dénoter la demeure de quelqu’un, ou quand on parle de toute une nation. On dit, dans Homère, parce qu’on sous entend dans les livres d’Homère. C’est le sentiment de Vaugelas & de Corneille.

Chez s’emploie encore avec grace pour dire, dans l’intérieur, dans l’esprit. C’est ainsi que Montaigne dit, nous ne sommes jamais chez nous ; nous sommes toujours au de-là. Mont. Pour vivre tranquille dans la retraite, il faut avoir réglé bien des choses chez soi, dont on a bien de la peine à venir à bout. Font. Il vaut mieux se soucier que l’on est chez soi, que ce que l’on est chez les autres. Mont. On dit, vous êtes mal chez lui, c’est-à-dire, dans son esprit.

☞ Cette même proposition, jointe à un pronom personnel, devient un nom substantif. Il a un chez soi. Vous avez un chez vous. Quand j’aurai un chez moi, j’y recevrai mes amis. J’ajouterai à ce petite article du Dictionnaire de l’Académie & du Vocabulaire, une chose qu’ils n’auroient pas dû oublier, c’est que cette expression est des plus bourgeoise. Quelques-uns croient que ce mot vient de casa, à cause que le mot de ca se change aisément en notre langue en ché, comme Chézal-benoist vient de Casa Benedicti. Ménage dit qu’il vient du latin apud ; mais il ne dit point par quel chemin il est venu : il est difficile de le deviner.

CHÉZAL-BENOIST. Voyez Chésal-Benoist.

CHEZANANCE. s. f. En général, tout ce qui contraint d’aller à la selle ; mais en particulier, c’est dans Paul Eginete le nom d’un onguent préparé avec le miel & l’alun, bouillis ensemble, jusqu’à ce que le tout soit d’une couleur rouge, dont on frote l’anus, & qui procure une copieuse évacuation, mais non sans douleur & sans peine. χεζανάγκη. Paul Eginete a tiré ce remède d’Oribase, Synops. Lib. III. Aétius donne le même nom, Tetrab. I, Serm. 3, ch. 135, à une emplâtre purgative qu’on appliquoit sur le nombril. Ce mot vient de χέζειν, aller à la selle, ἀνάγκη, nécessité.

CHEZÉ. Terme de coutume. C’est un certain espace de terre autour du château ou de la maison noble qui est en fief : cet espace est en quelques endroits de deux arpens, en d’autres, de quatre : c’est ce qu’on appelle ailleurs le vol du chapon.

CHI.

CHIA-JA-BOEH. s. m. Second Lieutenant-Général. C’est le troisième Officier général des Janissaires. Il ne cède rien au second, qui est Seymer-Bassy, pour les privilèges, pour l’autorité & pour le commandement. Il est Capitaine de la plus riche compagnie, savoir, de celle des Boluc-Durys. Il la gouverne despotiquement, & même il a le privilège d’hériter de ceux de ses soldats, qui meurent sans enfans & sans parens, & il a le droit de donner à ses Officiers subalternes les postes appelés Kullurs, ou gouvernemens des villes de guerre.

CHIANA. Rivière d’Italie. Clanis. Entre les montagnes de la Toscane, il se trouve dans une longue plaine un grand lac, que la Chiana traverse, & où ses eaux sont tellement en équilibre, qu’elles n’ont pas plus de pente pour couler du côté d’orient dans le Tibre, que du côté de l’occident dans l’Arne, qui passe à Florence ; de sorte qu’elle coule de l’un & de l’autre côté. Elle contribue beaucoup aux inondations tant du Tibre que de l’Arne. Ac. des Sc. 1703, Hist. p. 141.

☞ CHIANGARE. Ville de Turquie, en Asie, dans la Natolie propre. Elle donne son nom à la Province de Chiangare, qui répond à l’ancienne Galatie, selon Baudrand.

CHIANTZOLLI. s. m. Herbe qui croît dans le Nouveau-Mexique. Ses feuilles ressemblent à celles du lierre, & ses fleurs sont blanches. Sa semence est aussi blanche & semblable à une lentille. On s’en sert en Médecine, pour en faire des potions