Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COMÈTE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 708-709).
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☞ COMÈTE. s. f. Corps céleste de la nature des planètes, qui paroît soudainement & disparoît de même, avec une traînée de lumière, à laquelle on donne tantôt le nom de chevelure, tantôt le nom de barbe, & tantôt celui de queue. On a douté pendant long temps si ce mot étoit masculin ou féminin. Ménage dit que de son temps cette question fut fort agitée à la Cour, durant l’apparition d’une comète, & que quelqu’un dit plaisamment qu’il falloit lui regarder sous la queue pour savoit si elle étoit mâle ou femelle. Aujourd’hui l’usage général fait ce mot féminin, & il ne seroit pas moins ridicule de dire le comète, que le lune ou la soleil.

Comète. Les Péripatéticiens, après Aristote, prétendoient que les comètes n’étoient que des vapeurs & des exhalaisons élevées jusqu’à la région supérieure de l’atmosphère terrestre, & enflammées par l’action des vents contraires : mais tout le monde sait que les comètes paroissent plusieurs mois de suite ; qu’elles sont beaucoup plus éloignées de la terre que la lune, & qu’elles ont un mouvement périodique autour du soleil, aussi bien réglé que celui des planètes ordinaires. On ne peut dont pas, suivant les règles de la saine Physique, supposer que les comètes ne sont autre chose qu’un amas de vapeurs & d’exhalaisons. Le système de Descartes, quoique plus ingénieux, n’est pas plus conforme aux loix de la Physique ni aux Observations astronomiques. Les comètes, dit-il, ont d’abord été autant de soleils, placés au centre d’un tourbillon particulier ; mais ces soleils s’étant couverts de taches & de croûtes, ont à la fin entièrement perdu leur lumière, & ont été métamorphosés en planètes. Be pouvant plus alors conserver leur tourbillon, elles en ont été dépouillées par quelque voisin ambitieux & plus fort. Errantes & vagabondes, les comètes vont de tourbillon en tourbillon, & ne nous paroissent visibles que lorsqu’elles entrent pour quelque temps dans celui du soleil.

☞ Descartes, par une suite nécessaire des principes de la Cosmogonie, nous propose un vrai roman, au lieu d’un système physique. 1o. Le système des tourbillons simple est aujourd’hui décrié. Voyez Tourbillon. 2o. La supposition que des corps lumineux peuvent s’encroûter & devenir opaques, & trop l’air d’une fable, & est trop contraire aux loix de la Physique. Enfin Descartes suppose que les comètes, qui n’ont d’elles-mêmes aucun mouvement, & qui ne sont emportées par aucun tourbillon particulier, se trouvent des mois entiers dans le tourbillon solaire avec un mouvement souvent contraire, souvent même directement opposé à celui de ce tourbillon, puisque le tourbillon solaire se meut d’orient en occident, & que parmi les comètes les unes se meuvent du midi au nord, les autres du nord au midi, &c. Or tout cela est contraire aux loix de la Physique. Voyez encore Tourbillon.

☞ Les comètes, suivant la doctrine de Newton, créées au commencement du monde, comme les autres planètes, tirent leur lumière du soleil, & parcourent dans le vide autour de cet astre, des éclipses fort excentriques & faisant de forts grands angles avec l’écliptique. Elles persévèrent dans leur mouvement, aussi-bien quand elles vont contre le cours des planètes ordinaires, que lorsqu’elles se meuvent du même côté ; & leurs queues sont des vapeurs fort subtiles qui s’exhalent de la tête ou noyau de la comète échauffée par la chaleur du soleil.

☞ Les comètes ne décrivent pas autour du soleil des orbites circulaires, puisqu’elles se trouvent tantôt plus tantôt moins éloignées de cet astre.

☞ Les comètes décrivent autour du soleil de vraies ellipses, puisque nous les voyons reparoître après un certain nombre d’années.

☞ Les comètes parcourent des ellipses fort excentriques, puisqu’elles ne sont visibles que lorsqu’elles sont près de leur périhélie, & que la vîtesse qu’elles ont alors est incomparablement plus grande que celle qu’elles ont à leur aphélie.

☞ La même comète nous paroît tantôt avec une queue, caudatus, tantôt avec une barbe, barbatus, tantôt avec une chevelure, crinitus, parce que dit M. de Mairan, les comètes passant aussi près du globe du soleil, se chargent d’une partie de l’atmosphère solaire qu’elles traversent. Si la comète suit le soleil, elle doit nous paroître avec une queue ; parce que les rayons de lumière qui sont envoyés avec une vîtesse inconcevable, ont assez de force pour jeter derrière la comète la plus grande partie de son atmosphère qui se trouve entr’elle & le soleil. Si la comète précède le soleil, elle doit paroître avec une barbe, parce que les mêmes rayons de lumière, envoyés sur la comète, chassent la plus grande partie de son atmosphère qui se trouve entr’elle & le soleil. Ces particules ainsi chassées doivent nécessairement précéder la comète dans sa marche & nous la représenter avec une espèce de barbe lumineuse. Si la comète est tellement placée, que l’œil de l’observateur se trouve entr’elle & le soleil, elle doit paroître entourée d’une atmosphère lumineuse, ou, comme on dit, avec une chevelure.

☞ Si les comètes n’ont pas toutes, comme les planètes, un mouvement périodique d’occident en orient, c’est qu’elles n’ont pas reçu au commencement du monde, comme les planètes, un mouvement de projection dirigé de l’occident à l’orient. Toutes ces variétés dans le mouvement des comètes, & la direction si variée de leurs mouvemens, prouvent bien qu’elles ne sont pas emportées par un fluide en tourbillon, qui devroit les diriger toutes dans le même sens, & à peu près dans le même plan.

☞ Enfin, les comètes perdent leur atmosphère lumineuse, ou totalement ou en grande partie, par voie de dissipation dans les espaces célestes, & par voie de précipitation de chûte dans l’atmosphère propre & immédiate du globe de la comète, comme il arrive à la matière de nos aurores boréales qui se précipite dans l’atmosphère terrestre.

☞ Les anciens Philosophes ont débité les plus grandes extravagances sur les comètes qu’ils regardoient comme autant de présages funestes de quelque grand malheur dont le monde étoit menacé. Attentifs à en observer la couleur, ils effrayoient le peuple par les prédictions les plus ridicules. La comète tiroit-elle sur le blanc ? l’année devoit être féconde en léthargies, pleurésies & péripneumonies. Avoit-elle une couleur rougeâtre ? les fièvres chaudes devoient être fréquentes. Sa couleur approchoit-elle de celle de l’or ? c’étoit un pronostic infaillible de la mort de quelque Potentat. Etoit-elle bleuâtre ? elle annonçoit la sécheresse la plus cruelle, la famine la plus terrible, & la peste la plus affreuse. L’assassinat de Jules Cesar, les guerres de Mahomet, le schisme d’Henri VIII, Roi d’Angleterre, tous ces tristes événemens & une infinité d’autres avoient été annoncés par autant de comètes.

☞ Un pareil système ne mérite pas une réfutation sérieuse. On est guéri d’une erreur long temps accréditée par l’ignorance. La comète me fait beaucoup d’honneur, disoit le Cardinal Mazarin. L’ambition de leurs voisins, les plaintes des grands, l’inquiétude des peuples, sont les comètes que les Princes doivent appréhender.

Quelques-uns prétendent que si les comètes ne sont pas des présages des événemens, elles en peuvent être des causes Physiques. La raison est que les comètes occupant une si vaste partie du ciel, communiquent à la matière qu’elles rencontrent des mouvemens fort différens de celui qu’elle avoit auparavant : or il peut arriver des changemens dans le monde par les agitations & les altérations que produit l’influence de la comète. Ben. Au Mexique & en plusieurs lieux des Indes, les peuples faisoient grand bruit de leurs cornets & tambours, quand ils voyoient des comètes, s’imaginant par leurs cris les faire fuir, & dissiper. Herréra.

Comète, terme d’Artificier. On appelle ainsi les fusées volantes, dont la tête est lumineuse aussi-bien que la queue, à l’imitation des comètes du ciel ; quelques-uns les appellent flamboyantes.

Comète, en termes de Blason, est une étoile qui a une queue flamboyante ou ondoyante. On la peint d’ordinaire à huit rais. Quelques-uns appellent aussi comètes, des étoiles à seize rais, quoique sans chevelure & sans queue. On leur donne aussi les épithètes de caudées & de chevelées. On dit aussi, qu’elle est hérissée, lorsqu’entre les rais il y a de la lumière qui paroît par de petits traits.

Comète. Jeu de Cartes, où l’une des cartes porte particulièrement le nom de comète.

L’aimable Iris, qu’on ne peut trop louer,
Me proposa l’autre jour de jouer
Un Madrigal, en cent points de Comète. Ab. Regn.

Comète, dans l’histoire des modes. Espèce de coëffure de femme, montée sur du fil de laiton.