Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/231-240

Fascicules du tome 1
pages 221 à 230

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 231 à 240

pages 241 à 250


médicamens. Les parrains ne sont obligés aux alimens envers leurs filleuls que par une loi de bienséance, & de charité.

ALIMENTAIRE. adj. m. & f. Terme de Pratique. Ce qui est destiné pour les alimens. Alimentarius. Pension alimentaire. Pensio alimentaria. Provision alimentaire.

Conduit alimentaire. Terme d’Anatomie. Quelques auteurs appellent ainsi cette partie du corps par où la nourriture passe depuis qu’elle est entrée dans la bouche, jusqu’à sa sortie par l’anus. Il comprend le gosier, l’estomac, les intestins. Il s’entend aussi quelquefois du canal thorachique. Voyez ce mot.

Loi alimentaire chez les Romains, lex alimentaria, étoit une loi qui obligeoit les enfans de fournir les alimens à leurs peres & meres, ou à les entretenir. C’est moins un devoir naturel de fournir les alimens à un pere tombé dans l’indigence, qu’un crime de les lui refuser.

On a aussi donné ce nom à de jeunes garçons, & de jeunes filles, que la libéralité de quelques Empereurs Romains faisoit élever dans des lieux publics, à peu-près semblables à nos hôpitaux. Trajan est le premier qui ait fait élever de ces enfans alimentaires ; Alimentaii. Adrien l’imita. Antonin Pie fit de même pour de jeunes filles, à la sollicitation de Faustine. Nous trouvons sur des médailles de cette Impératrice, Puellæ Faustinæ. Marc Antonin & Lucius Vèrus firent la même chose. Alexandre Sévère le fit aussi en faveur de Mammée ; & les filles qu’il fit ainsi élever s’appelerent Mammeanæ, Mamméenes. Voyez Capitolin dans Marc Antonin, L. VII. & dans Sévère, & les notes de Saumaise.

ALIMENTATION. s. f. Terme de Coutume, qui désigne un droit dû par les Communautés du Bailliage d’Hagueneau au Lieutenant pour le Roi dans ce Bailliage, quand il va à la chasse. Ce droit qui consistoit autrefois dans l’obligation de défrayer ses équipages de chasses, a été converti en une redevance annuelle.

ALIMENTER. v. a. Nourrir, fournir les choses nécessaires à la vie. Alere, Nutrire. Il faut qu’un bon Magistrat donne ordre qu’il y ait toujours de quoi alimenter tous les habitans de sa ville ; de quoi alimenter les pauvres. Le mot alimenter ne peut passer que dans le Barreau. En sa place on dit nourrir.

ALIMENTÉ, ÉE. part. Alitus, Nutritus.

ALIMENTEUX, EUSE. adj. Terme de Médecine, qui sert d’aliment, qui nourrit. Alibilis. Les Médecins distinguent des remèdes alimenteux, & des alimens médicamenteux. Les quatre humeurs ont toutes deux parties, l’une alimenteuse, & l’autre excrémenteuse. Il y a des chairs qui ont un suc fort alimenteux, ou nutritif.

ALIMESTAR-BASSI. s. m. Terme de Relation. Maître des tentes & pavillons du Grand Seigneur. Tentoriorum magister. Lorsque le Grand Seigneur fait la campagne par lui-même, l’Alimestar-Bassi a soin de faire dresser ses tentes en lieu commode, & ordinairement le plus élevé de tout le camp, afin qu’elles soient mieux vûes de toute l’armée, & que le Prince puisse remarquer avec plus de facilité ce qui s’y passe. A. D. S. M.

ALIMIBIG, ALIMIBÉCONG. C’est un lac de la Nouvelle France, dans l’Amérique septentrionale. Alimibigus, Alimibicongus lacus. Il est dans le pays des Kilistinous, ou Kitistinous, au nord du lac supérieur.

ALIMUS. s. m. Arbisseau qui est d’un beau vert, & dont la fleur ressemble à celle du muguet.

☞ ALINCOURT. Village de Picardie entre Amiens & Abbeville, remarquable par une épitaphe énigmatique que voici.

Ci gît le fils, ci gît la mere,
Ci gît la fille avec le pere,
Ci gît la sœur, ci gît le frere,
Ci gît la femme & le mari,
Et n’y a que trois corps ici.

☞ C’est en abrégé l’odieuse avanture d’une mere, qui ayant eu un commerce incestueux avec son propre fils, en eut une fille qu’elle lui donna ensuite en mariage. On dit qu’elle donna lieu à toutes ces horreurs sans connoître son fils. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’elle n’en révéla l’horrible mystère qu’à la mort. Voyez Pigan. de la Force. Descrip. de la F.

À LINEA. Mots latins que l’on dit en notre langue, quelquefois comme une façon de parler adverbiale, quelquefois comme un substantif masculin. Ils signifient à la ligne. C’est dans un écrit, dans un livre le commencement d’un nouvel article, qui ne continue pas la dernière ligne de l’article précédent, mais en commence une nouvelle. Ainsi ci-dessous au mot Aliquote, une partie aliquante, &c. Ces mots s’emploient, &c. sont deux à linea. Les à linea communément rentrent un peu dans la ligne, ou sortent dans la marge, comme dans ce Dictionnaire. Quand on dicte à quelqu’un, on dit, à linea, c’est-à dire, quittez la ligne où vous en êtes, & commencez-en une autre au dessous. Mettez ici un à linea, ou mettez ceci à linea. Ce mot ne prend pas d’s au pluriel.

ALINER. v. a. Borel dit que ce mot dans Vigenère veut dire, équiper, aliner des vaisseaux, c’est équiper des vaisseaux. Adornare.

ALINGER. v. a. Donner, fournir du linge à quelqu’un. S’alinger, acheter de la toile, faire faire du linge pour son usage. Une personne bien alingée, qui a de beau linge, qui est bien en linge.

☞ Ce mot paroît inusité ; & j’ignore sur quelle autorité on veut le faire passer.

ALINGES. Fort du Chablais, en Savoie. Alingiæ, Arx Alingiarum ou Alingiana. Le Fort d’Alinges est sur une colline près de la rivière de Drance, & près de Thouon.

ALINUBI. Voyez Alimibig.

ALIOA, ALIOLA. Île de l’Océan Ethiopien. Aliodora. Elle est sur la côte orientale d’Afrique, entre Madagascar & les terres du Zanguebar. Aliola est du nombre des îles nommées les Comorres. Elle est fort petite.

☞ ALIPTE. s. m. Terme d’histoire ancienne. Alipta, ou Aliptes, æ. On donnoit ce nom à des Officiers de Palestre, chargés de frotter les athlètes, sur-tout les Lecteurs, qui se rendoient pour cela, avant que la lice fût ouverte, dans un lieu ou appartement des Thermes nommé Alipterion, en latin, alipterium, unctuarium. On l’appeloit encore Æleothesium. Voy. le mot suivant.

ALIPTIQUE. s. f. C’étoit une partie de l’ancienne Médecine : elle enseignoit la manière de frotter & d’oindre les corps, pour conserver la santé, procurer de nouvelles forces, & entretenir la beauté du teint. Aliptice, d’ἀλείφω, ungo.

ALIQUANTE. adj. f. Terme de Géométrie & d’Arithmétique. Une partie aliquante. Voyez le mot suivant Aliquote.

ALIQUOTE. adj. f. Terme de Géométrie & d’Arithmétique, qui se dit des parties qui sont contenues, plusieurs fois dans un nombre, ou dans une autre quantité, ou qui mesurent leur tout exactement. 2 est une partie aliquote de 8. Il y est compris quatre fois. 16 est un nombre composé de quatre parties aliquotes, dont chacune est 4 ; ou de deux parties aliquotes, dont chacune est 8. Les nombres de 7, de 11, de 19, & autres semblables n’ont point de parties aliquotes, car ils ne se peuvent diviser en parties égales.

☞ Une partie aliquante est celle qui répétée un certain de nombre de fois, ne fait pas le tout complet, mais donne un nombre plus grand ou plus petit que celui dont elle est partie aliquante. Ainsi, 5 est une partie aliquante de 12, parce que, prise un certain nombre de fois, elle fait un nombre plus grand ou plus petit que 12.

☞ Ces mots s’emploient quelquefois substantivement. 4 est aliquote de 8.

Ces mots viennent d’aliquotus, & d’aliquantus.

ALIRE. s. m. Nom d’homme. Illidius. Illidius, que nous appelons communément Allyre, ou plutôt Alire, vint au monde vers le commencement du règne de Constantin le Grand. Bail.

ALIS, ALISE. adj. Vieux mot. Uni.

Visage eut bel, doulx & alis.

ALISÉ, ou ALIZÉ, ÉE. adj. On dit aussi, alaisé & alisé. Voyez Alése.

En termes de Marine, on appelle Vents alisés, des vents généraux & réglés qui ont accoutumé de régner pendant certaine saison sur des mers, ou le long de certaines côtes ; comme les vents Etésiens, les Mousons, &c. Quelques-uns dérivent ce mot de venti electi, vents choisis, bon vents, comme qui diroit élisés ; parce qu’étant toujours les mêmes, on peut compter sur eux ; & que sans eux les longues navigations seroient impossibles. L’Abbé de Choisy. D’autres le dérivent de lisière, comme qui diroit, qui viennent des côtes ou lisières des terres. Voyez Vent.

ALISE, ou ALIZE. Alexia, Alisa. Bourg de France, dans l’Auxois, qui est à la place où étoit autrefois Alexis, Alexia, ville forte & célèbre dans les Commentaires de César. C’est de ce nom que s’est formé celui d’Alise. Jean Picard, dans sa Celtopédie, Liv. III, p. 127, prétend après Diodore de Sicile, Liv. VI, que ce nom est originairement grec ; qu’il fut donné à cette ville par l’Hercule Celtique, qui, après sa victoire sur les Lestrygons, qui avoient consenti à la mort d’Osiris son pere, & la défaite de Géyryon, se retira dans les Gaules, délivra les Héduens des tyrans qui les opprimoient, & nomma ce lieu Alexie, comme il étoit nommé lui-même Ἀλεξικακος, du verbe ἀλεξω, Je chasse, je porte du secours. Alise est sur la rivière de Brenne, à l’Orient de Sémur. La ressemblance du nom a fait prendre Alise pour l’ancienne Alexie, Alexia, de César ; mais, dit Vigenère lui-même qui semble être de ce sentiment, c’est par conjecture, car les marques en sont éteintes. Voyez Alexie.

Alise, ou Alize. s. f. Fruit de l’alisier. Alisariæ Bacca.

ALISIER, ou ALIZIER. s. m. Cratægus Apii folio laciniato. Inst. R. herb. 733. Arbre qui vient dans les bois, & qui s’élève assez haut. L’écorce de son tronc & de ses branches est lissée ; son bois est assez dur ; ses feuilles ressemblent à celles de l’aubépin ; mais elles sont beaucoup plus larges, d’un vert pâle, & les découpures en sont moins profondes ; leurs bords sont dentelés & découpés, comme dans les feuilles de la vigne. Ses fleurs sont blanches composées chacune de cinq pétales disposées en rose ; ces fleurs sont ramassées en un bouquet qui naît à l’extrémité des branches. Le calice qui soutient la fleur, devient un fruit de la figure de celui de l’aubépin, d’un rouge brun, fort âpre au goût, à moins qu’il ne soit mou. Il contient des semences renfermées dans des loges qui occupent le milieu du fruit. L’alisier ne donne des fruits mûrs qu’en automne. On le distingue du sorbier par ses feuilles ; car il est essentiel au sorbier d’avoir ses feuilles ailées ; c’est à-dire, composés de plusieurs petites feuilles rangées sur une même côte. On le distingue du poirier par ses feuilles dentelées & découpées ; & par ses fruits. Daléchamp parle d’une espèce d’Alisier connu sous ce nom en Bourgogne, & qu’on nomme Cratægus folio subrotundo serrato, &c. Voyez Cirier. Le fruit de l’Alisier est astringent, & se peut employer au défaut de celui du sorbier.

ALISMA. s. m. Terme de Botanique. Alisma. On donne ce nom à plusieurs sortes de plantes. Il y a l’Alisma de Matthiole, qu’on appelle aussi Plantin de montagne, & qui est une espèce de Donoric. Ses feuilles sont semblables à celles du plantin ; mais plus étroites & moins nerveuses. Elles sortent proche de la racine, & sont recourbées contre terre. Sa tige est menue, & de la hauteur d’une coudée. Sa partie supérieure se divise en plusieurs branches, qui portent des calices velus, d’où sortent des fleurs semblables, & qui sont de couleur jaune. Ses racines sont menues, comme celles de l’ellébore noir, âcres, odorantes, & un peu grasses. On les emploie pour les dyssenteries, & les tranchées.

Alisme, se dit aussi d’une espèce d’elléborine, qu’on appelle Alisma à grape. Alisma racemosum. Elle est de la hauteur d’environ douze pouces & demi. Sa tige est pleine de nœuds, d’où sortent ses feuilles, qui ressemblent à celles du grand plantin, & qui ont un pouce & demi de largeur. Ses fleurs sont en grape, & de couleur rouge.

Alisma, se dit encore d’une plante qu’on appelle Double-feuille. Ophris bifolio. Voyez Double feuille.

ALISON. s. f. Nom de femme. Terme populaire qu’on dira une femme de basse condition. C’est peut-être un diminutif d’Alix, dont on aura fait Alison, comme Louison de Louise.

ALITEÏA. s. f. Nom qui signifie Vérité. C’est le nom que les Valentiniens donnoient à un de leurs Eons. Voyez Eon.

☞ ALITÉEN. adj. pris subst. Voyez Aliteus.

☞ ALITER. v. a. & récip. Dans la première acception, obliger, réduire à garder le lit. Affligere lecto. Dans la seconde, garder le lit pour cause de maladie. Afflili lecto ob ægritudinem. Cette blessure l’a alité pendant trois mois. Il a long-temps traîné dans la chambre, & enfin il s’est alité. Il faut qu’il soit bien malade, puisqu’il est alité.

ALITE, ÉE. part. In lecto jacens, detentus.

☞ ALITEUS. Terme de mythologie. Surnom donné à Jupiter, parce que dans un temps de famine, il prit un soin particulier des Meuniers, afin que la farine ne manquât pas. Du latin alere, nourrir.

ALITURGIQUE. adj. Qui n’a point d’office ni de cérémonies particulières. M. Baillet, dans son traité des Fêtes mobiles, dit qu’il n’y avoit presque point de Vendredi qui n’eût son office dans l’Eglise Romaine : au lieu que dans l’Eglise d’Alexandrie ces jours là étoient aliturgiques. Le Cardinal Bona, dans son traité des Liturgies, dit que chez les Grecs tous les jours de Carême étoient aliturgiques, à l’exception du Samedi & du Dimanche. Voyez Liturgie. Ce mot a la même étymologie, avec l’α privatif.

ALJUBAROTE, ou ALGIBAROÇA. Bourg de l’Estramadure portugaise. Aljubaroca. Il est au sud-ouest de la ville de Leiria.

ALIX. s. f. Nom de femme. Voyez Adelaïs.

☞ ALIZÉ. Voyez Alisé.

ALIZON. s. f. Nom de femme, diminutif d’Alix, qu’on écrivoit plus régulièrement Alis, puisque la dernière syllabe se prononce comme dans Senlis. C’est d’Adelaïs, nom connu vers le dixième siècle, que par divers degrés de corruption s’est formé Alis. Les Auteurs Latins-Barbares écrivent Aleydis, Alays, Aëlis, quelques-uns Aleta, nom de la mere de S. Bernard, écrit de sept ou huit autres manières différentes dans les manuscrits. Bucanan a dans ses Elégies, employé Alisa, Jovien Pontan Lisa ; mais on pourroit croire que celui-ci est abrégé d’Elisa, comme Elisa d’Elisabeth. Glossaire Bourguignon.

ALK.

ALKAEST. s. m. Terme de Chimie. Voyez Alcahest.

☞ ALKALI. Voyez Alcali.

☞ ALKALIN, INE. adj. Voyez Alcalin.

☞ ALKALISATION. Voyez Alcalisation.

☞ ALKALISER. Voyez Alcaliser.

ALKEQUENCHE. M. du Verney, Acad. des Sc. 1701, Mém. p. 186. écrit ainsi, au lieu d’alkekenge, qui suit.

ALKEKENGE. Alkekengi. s. m. Plante qu’on appelle autrement en François, Coqueret, & qui est fort semblable à la morelle, ou solanum. Elle n’est différe que par une vessie membraneuse, dans laquelle son fruit est enfermé ; d’où vient qu’on a donné le nom de Solanum à l’Alkekingi : mais on y a ajouté l’épithète, Vesicaire, pour le distinguer du vrai solanum On l’appelle aussi Halicacabum. Il y en a diverses espèces. Celle qu’on nomme Alkekingi vulgaire, à sa tige grêle, ronde, rougeâtre, de la hauteur d’une coudée, & pleine de nœuds. Sa racine est aussi noueuse, & rampe sur terre. Ses feuilles sont attachées à de longues queues ; elles ressemblent à celles de la morelle, mais elles sont plus grandes, & d’un vert obscur. Ses fleurs sont grandes, blanches, & n’ont qu’une feuille qui a cinq découpures. Son fruit est rouge, de la grosseur & de la figure d’une petite cerise : les enfans l’appellent Cerise d’hiver : il est enfermé dans une vessie large, pentagone, & qui devient rouge quand elle est mûre. Sa semence est petite, blanche & aplatie. Ce fruit est propre pour faire uriner, & pour vider les reins & la vessie, des impuretés qui peuvent y être contenues. Voyez Coqueret.

ALKERMÈS. s. m. Terme de Pharmacie, qui vient de l’arabe. C’est une confection faite avec le suc exprimé de grains de kermès, d’où elle a tiré son nom, le suc des pommes, l’aloès, les perles, le sental citrin, la cannelle, l’ambre gris, le musc, l’azur, les feuilles d’or. C’est un des meilleurs cordiaux qu’on ait en Médecine. On en prépare une très-grande quantité à Montpellier, qu’on envoie dans toute l’Europe.

ALKIAN. s. m. Quelques Chimistes entendent par ce mot ce principe qui régit & gouverne le corps de l’homme ; en vertu duquel les alimens qu’il prend, se tournent en sa propre substance, & l’accroissement animal se fait, par lequel l’homme subsiste, & est une substance composée de toutes ces choses mélangées. Dict. de James.

ALKIN. Ancienne ville, aujourd’hui bourg de l’Iémen ou Arabie-Heureuse, en Asie. Alkinum, Kinum. Il est dans le nord de la principauté de la Mecque.

ALKOOL, ou ALCOHOL. s. m. Terme de Chimie, qui est arabe. Il signifie deux choses bien différentes. 1o Une poudre très-subtile, & presque impalpable. 2o un esprit de vin très-rectifié par des distillations réitérées, desorte qu’y ayant mis le feu, il se consume entièrement, & ne laisse aucun flegme. L’alkool de vin est l’esprit le plus subtil ainsi rectifié. Harr.

ALKOOLISER. v. a. Subtiliser, réduire un corps en une poudre très-subtile, & presqu’impalpable, & purifier les esprits, & les essences des impuretés & du flegme qu’ils pourroient avoir. M. Harris écrit Alcohol & alcoholiser. Je ne vois pas pourquoi ajouter un h ; car ce mot vient de l’arabe קלל. qui signifie diminuer, devenir menu, se subtiliser ; & à la troisième conjugaison קאל, Kaal, diminuer, rendre subtil, subtiliser ; & ce mot vient originairement de l’hébreu קלל, qui signifie, être ou devenir léger. Or cette étymologie ne demande point d’h ; mais parce qu’en Anglois ces deux oo de suite se prononceroient comme notre ou, on les sépare en ajoutant un h, pour en faire deux syllabes.

ALKOOLISÉ, ÉE. part.

ALL.

ALLA. Petite ville du Trentin. Alla. Elle est sur l’Adige, dans la vallée de Trente, aux confins du Véronois.

ALLA, rivière de la Prusse ducale. Alla. Elle se jette dans le Prégel, à Welaw.

ALLACHARS ou ALLACHEYR. Voyez Philadelphie.

ALLAH, pour ALELAH. C’est le nom de Dieu chez les Arabes, & chez tous ceux qui font profession du mahométisme, quelque langue qu’ils parlent. Ce nom est le même en arabe que אלה, Eloah, singulier de אלהים, Elohim, en hébreu, & répond à ces mots, & à celui d’Adonaï chez les Hébreux, & même à celui que l’on appelle Tetragrammaton, ou de quatre lettres, qui marque plus particulièrement l’essence divine. D’Herbel. Les Mahométans répètent d’ordinaire ce mot plusieurs fois dans leurs invocations à Dieu. Les Turcs, pour toute ressource, prononçoient d’une voix basse & suppliante, le mot Allah, Allah. S. Evr. Quoique les Turcs se servent de ce mot, il ne faut pas dire avec quelques Dictionnaires, que ce nom est turc : il est arabe ; mais les Turcs l’ont pris de l’arabe, ou de l’Alcoran, comme beaucoup d’autres. Il est même originairement hébreu, & vient du verbe אלה alah, qui signifie, honorer, adorer, & qui est encore en usage en ce sens chez les Arabes. Ainsi Eloah, comme on dit en hébreu ; ou Allah, comme prononcent les Arabes, signifie par excellence l’Etre digne de culte ; l’Etre adorable.

ALLAITEMENT. Voyez Alaitement.

ALLAITER. v. a. Nourrir de son lait. M. Deparcieux remarque que le lait d’une femme ne dure ordinairement qu’un certain temps que la nature a proportionné au besoin des enfans ; qu’à l’égard des nourrices, ce temps se trouve partagé entre deux enfans, & qu’il faut donc de nécessité, ou que l’un des deux ne soit pas nourri un temps suffisant, ou qu’ils ne le soient tous les deux qu’à moitié, ce qui ne peut jamais faire que de fort mauvais tempéramens. En Allemagne, en Hollande, en Angleterre, presque toutes les femmes, même de la plus haute distinction, nourissent leurs enfans. En 1745, la Princesse de Nassau, fille du Roi d’Angleterre, allaitoit elle-même la Princesse d’Orange sa fille. M. le Duc d’Orléans, Régent, avoit été nourri par Madame, Princesse Palatine sa mere. Des exemples aussi louables & aussi respectables, devroient bien être plus imités qu’ils ne le sont. Essai sur les probabilités de la durée de la vie humaine. Voyez Alaiter.

ALLAMBRE. s. m. Palais des Rois Maures à Grenade. Maurorum Regum Granatense Palatium. La croix de l’Archevêque de Tolède étoit vénérable à toute l’Espagne, non-seulement parce qu’elle marquoit la dignité de la première Eglise de ce royaume, mais encore parce qu’elle avoit été plantée sur l’Allambre, palais des Rois Maures, comme un étendard & un signe, que les Chrétiens avoit conquis la ville de Grenade. Flech. Lorsque la ville de Grenade fut prise, le cardinal de Mendoza fit dresser au lieu le plus éminent de l’Allambre, la croix primatiale de Tolède, dont il étoit Archevêque. Id.

☞ ALLANT, ANTE. adj. Qui aime à aller, à courir. C’est un homme allant, une femme allante. Il n’est pas d’un usage ordinaire, au moins hors de la conversation. Ambulator, Ambulatrix.

Allant. s. m. sans féminin. Il n’est d’usage qu’au pluriel quand il est joint avec venans. Cette maison est ouverte à tous allans & venans ; pour dire, qu’on y reçoit tout le monde.

Il y a aussi une espèce de chiens qu’on appelle Allans, ou Gentils. Voyez Chien, ou Alan.

ALLANTOÏDE. s. f. Terme d’Anatomie, qui se dit d’une troisième taie, ou membrane qui enveloppe une partie du fœtus, comme une ceinture, ou écharpe, depuis le cartilage xiphoïde, jusqu’au dessous des flancs seulement ; mais elle ne se trouve point au fœtus humain, selon quelques Anatomistes. On l’appelle ainsi, parce qu’elle ressemble à une andouille. Drelincourt, célébre Professeur à Leyde, dans une Dissertation qu’il a faite sur cette membrane, soutient que l’allantoïde ne se trouve que dans les animaux qui ruminent, & que c’est une membrane étendue d’une trompe à l’autre, par le fond de l’utérus, entre le chorium & l’amnios. Il y a dans les Transactions philosophiques, n. 271, une Dissertation de M. Halle sur l’Allantoide, dans laquelle il prétend avoir observé cette membrane dans deux sujets différens. M. Littre a trouvé l’allantoïde dans plusieurs fœtus humains : ainsi cette membrane n’est pas propre seulement des animaux qui ruminent, ou de plusieurs espèces d’animaux seulement. Il conclut de-là que son usage est dans le fœtus humain le même que dans les animaux, je veux dire, que l’urine qui ne peut être contenue dans les bassinets des reins, dans les uretères, ni dans la vessie, passe de la vessie par l’ouraque dans la cavité formée par l’amnios, & par cette membrane particulière, pour y être réservée jusqu’au temps de l’accouchement. Il confirme ce sentiment par trois personnes qu’il a connues, ou qu’il a ouvertes, & qui avoient rendu leur urine toujours ou presque toujours par le nombril, & auxquelles il a trouvé que l’ouraque étoit creux, & s’étoit maintenu en forme de canal. Voyez Acad. D. S. 1701. Mém. p. 88.

ALLARD. s. m. Nom d’homme. Adelardus. Adelard, vulgairement S. Allard, naquit dans les Pays-Bas dépendans du royaume d’Austrasie, l’an 753, & fut élevé à la Cour de France près du Roi Pepin son oncle. Baill. De tous ceux qui ont porté le nom d’Adelard, il n’y a que ce Saint qu’il faut appeler Allard. Ce n’est que pour lui que l’usage a fait ce changement. C’est de-là que vient le nom d’Allard, que portent en France plusieurs familles parmi le peuple. M. Chastelain écrit Aslard, & dit dans ses Notes sur le Martyrol. 2. J. S. Adelard est nommé S. Aslard aux anciennes vîtres du cloître de Corbie ; & on l’appelle encore ainsi à Huise près d’Oudenarde, où ceux du pays assurent qu’il est né. S. Aslard a laissé un traité de la Lune paschale. Il mourut en 826.

ALLASCHIR, s’ALLASCHIR. v. récip. Vieux mot. Perdre cœur, devenir lâche.

ALLATH. s. f. Déesse que les Arabes adoroient autrefois. Ils avoient trois Déesses, Allath, Ménach & Alluza, qu’ils regardoient comme les filles du grand Dieu. Ce mot en arabe est le féminin d’Allah, qui signifie Dieu.

ALLATUR. Ville de Moscovie. Allatura. Elle est sur la rivière de Kuma, dans le royaume de Casan. Allatur n’est pas peuplé.

ALLÉCHEMENT. s. m. Ce mot qui est un peu vieux, signifie, amorce, appât. Illecebra. Il ne se dit qu’au figuré. Il faut fuir les vanités mondaines, qui sont les alléchemens du péché. Résister aux alléchemens de la volupté. Ablanc. Les alléchemens des voluptés n’ont pas été si grands, tandis que notre Empire ne s’est pas étendu au-delà de l’Italie. Id.

ALLÉCHER. v. a. Attirer par quelque appât. Allicere, illicere, pellicere. On allèche des souris avec du lard, ou des noix, pour les faire tomber dans la ratière. Il est plus en usage au figuré ; attirer par le plaisir, par la douceur, la séduction. Mais comme il vieillit, on ne le peut guère employer que dans le style plaisant. La douceur des plaisirs allèche les hommes à la volupté.

ALLÉCHÉ, ÉE. part. Illectus, allectus. Ce mot est vieux, & on ne l’emploie plus que dans le Comique.

Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenoit en son bec un fromage :
Maître Renard par l’odeur alléché,
Lui tint à peu-près ce langage. La Font.

ALLÉE. s. f. Course, Voyage. Itus, itio. ☞ On ne le dit qu’au pluriel, en le joignant au mot venues. Allées & venues, pour désigner les démarches qu’on fait pour le succès d’une affaire. Il a terminé son procès après plusieurs allées & venues. Il a perdu son temps en allées & venues. Expression familière.

Allée, signifie aussi un passage, ou un corridor, dans des bâtimens, par où l’on va d’un lieu à un autre, & qui en fait la communication. Xystum.

Allée, soit dans un jardin, soit ailleurs, est un chemin droit, & parallèle, bordé d’arbres, ou d’arbrisseaux, & généralement tout lieu qui n’est point planté, ni labouré, ou béché, mais battu, & qui a été laissé pour se promener, pour aller d’un endroit à un autre. Ambulacrum, ambulatio. Une allée est ordinairement ce qui partage les carrés d’un jardin, ou les autres parties convenables aux jardins. Lig. Par le mot d’allée je n’entends que la place employée pour la promenade, & rien autre chose, comme font quelques uns, qui appellent allée tout ce qu’il y a de place depuis le mur jusqu’aux buissons du contr’espalier, ou de ce qu’il y a de distance d’un buisson à l’autre dans le partage des carrés. Cette place d’allée ne doit jamais être moins large que de cinq à six pieds, quelque petit que soit le jardin, & n’en doit guère excéder dix-huit ou vingt, quelque grand potager que ce puisse être. La Quint. Ce qui fait la différence d’une allée d’avec un sentier, c’est que dans l’allée il faut au moins se pouvoir promener deux personnes de front ; & ainsi elle ne peut guère avoir moins de cinq ou six pieds de large. Id. On appelle contre-allée, les deux petites allées qui sont à côté de la plus grande. Ambulatiunculæ majorem juxtà positæ. Dans un jardin une allée est une espèce de chemin ferme, sablé pour l’ordinaire, avec une bordure qui sépare les carrés les uns des autres. Les Jardiniers distinguent plusieurs sortes d’allées, les couvertes, & les découvertes ; les allées simples & les doubles; les allées blanches & les vertes ; les sous-allées, les contre-allées. Théor. & prat. du Jard. M. Thévenot dit dans son voyage de l’Indoustan, qu’il y a dans la province de Delhy une allée de 150 lieues de long.

Allée de front, celle qui va droit en face du bâtiment. Ambulacrum adversum.

Allée de traverse, celle qui coupe une allée de front à angles droits. Transversum.

Allée diagonale, celle qui coupe un carré de bois, ou de parterre, d’angle à angle. Diagonium.

Allée biaise, celle qui par sujétion, ou d’un point de vûe, ou d’un terrain, n’est parallèle, ni à l’allée de front, ni à celle de traverse. Obliquum.

Allée rampante, celle qui a une pente sensible. Declive.

Allée en zic-zac, celle qui étant trop rampante, & sujète aux ravines, est traversée d’espace en espace, par des plate-bandes de gazon, en manière de chevrons brisés pour en retenir le sable. Serratum. On appelle aussi allée en zic-zac, celle qui dans un bosquet, ou dans un labyrinthe, est formée par divers retours d’angles pour la rendre plus solitaire, & en cacher l’issue. Labyrintheum.

Allée en perspective, celle qui est plus large à son entrée qu’à l’issue, pour lui donner plus d’apparence de longueur. Opticum.

Allée couverte, celle qui est bordée de grands arbres, comme tilleuls, ou ormes, qui par l’entrelacement de leurs branches donnent du couvert, & de la fraîcheur : ou une allée qui est faite d’un berceau de treillage. Opertum.

Allée labourée, & hersée, celle qui est repassée avec la herse, & où les carrosses peuvent rouler. Occatum.

Allée sablée, celle où il y a du sable sur la terre battue. Sabulo substratum. On ratisse les allées de sable pour les tenir propres.

Allée de gazon, c’est une allée où l’herbe croît & qu’on a soin de temps en temps de faucher, pour rendre le tapis plus uni & plus agréable aux yeux. Liger. Cespititium.

Allée bien tirée, celle que le Jardinier a nettoyée de méchantes herbes avec la charrue, & qu’il a ensuite repassée avec le râteau, pour unir & approprier la superficie. Rastello complanatum. On l’appelle aussi, allée bien repassée, ou bien retirée. La Quint. Cela se fait avec la herse, le râteau, & quelquefois le rabot. Id.

Allée de compartiment, large sentier qui sépare les carreaux d’un parterre. Areolis distinctum.

Allée d’eau, chemin bordé de jets, ou bouillons d’eau sur deux lignes parallèles. Salientibus aquis prætextum.

ALLÉGATION. s. f. Citation d’une loi, d’une autorité, d’une pièce authentique pour appuyer une proposition, ou autoriser une prétention, ou l’énonciation d’un moyen. Allegatio, prolatio. Au temps de Pasquier, c’étoit la coutume de remplir ses discours d’allégations d’Auteurs grecs & latins ; &, comme il parle dans une de ses lettres, de rapiécer, ou, pour mieux dire, rapetasser l’éloquence de divers passages. Cette nouvelle forme de plaider, si je ne m’abuse, est venue, dit-il, d’une opinion que nous eûmes de contenter feu M. le Premier Président de Thou, devant lequel ayant à plaider, & voyant son savoir être disposé à de telles allégations, nous voulûmes nous accommoder à l’oreille de celui qui avoit à nous écouter. Pasquier, qui avoit du goût, blâme fort cette manière de plaider, & il ajoute : or, puisqu’il a plû à Dieu l’appeler à soi (M. de Thou) je désire aussi qu’avec lui soit ensevelie cette nouvelle manière d’éloquence, en laquelle, pendant que nous nous amusions à alléguer les Anciens, nous ne faisons rien d’ancien. Les Grecs ni les Romains, dit-il encore, lorsqu’ils furent en vogue de bien dire, n’en userent de cette façon ; ni ceux même qui vinrent sur le déclin de leur éloquence, entre les Latins, comme nous voyons par leurs panégyriques.

Allégation, se dit aussi de la simple proposition d’une chose qu’on met en avant. Il y a lieu d’admettre la preuve de l’allégation de cet alibi. Répondre aux allégations de la partie adverse.

ALLÉGE. s. f. Bateau de suite ou de convoi qu’on attache vide à la queue d’un grand, pour l’alléger & prendre une partie de sa charge, s’il en est besoin. Cymba, actuariolum, scapha. Les coches de Sens, de Joigny, d’Auxerre, ne partent point, qu’il n’y ait une ou deux alléges attachées à la queue.

On le dit aussi sur mer, des bâtimens destinés à porter les marchandises des vaisseaux qui tirent trop d’eau. Les alléges servent aussi au délestage. Le Maître ne peut pas faire saisir pour son fret les marchandises, tant qu’elles sont dans son bord ; mais il le peut faire quand elles sont dans les alléges. En quelques lieux on les appelle souléges. Du Cange les appelle en latin levia, & levamentum.

Les alléges d’Amsterdam sont des bateaux grossièrement faits, sans mâts ni voiles, dont on se sert sur les canaux de cette fameuse ville, pour décharger & transporter d’un lieu à un autre cette prodigieuse quantité de marchandises qui s’y débitent. Le voileur sert de gouvernail.

Allége, en termes de Maçonnerie, est ce petit mur qui sert d’appui dans les croisées, & qui est moins épais que les pieds droits, & que le reste du mur. Fulmentum.

ALLÉGEANCE. s. f. Soulagement d’un mal. Levamen, levatio. Cette veuve cherche de l’allégeance à sa douleur dans la retraite, dans les consolations spirituelles. La Fontaine a employé ce mot dans le style naïf. Il a vieilli.

Allégeance. Serment d’allégeance, est un serment que les Anglois prêtent au Roi en qualité de Roi & de Seigneur temporel, pour le distinguer d’un autre serment qu’ils lui prêtent en qualité de Chef de l’Eglise anglicane, & qu’ils appellent le serment de Suprématie. En ce sens le mot d’allégeance vient de ces mots latins ad legem. Le serment d’allégeance fut ordonné par Jacques I en 1606.

ALLÉGEAS. s. m. Terme de Commerce. Etoffe fabriquée aux Indes orientales. Il y en a de deux sortes. Les unes sont de coton, & les autres de plusieurs espèces d’herbes qui se filent comme le chanvre & le lin. Leurs longueurs & largeurs sont de huit aunes de long sur cinq, six ou sept huitièmes de large ; & de douze aunes sur trois quarts & cinq sixièmes.

ALLÉGEMENT. s. m. Il signifie la même chose qu’allégeance, mais son usage est plus étendu. ☞ On dit au propre, l’allégement d’un plancher, d’un bateau. Donner allégement à un plancher. Au figuré, allégement à un mal. Levamen, levamentum. Allevatio, allevamentum. Je sens un peu d’allégement à mon mal. Si les remèdes ne guérissent pas la goutte, ils y donnent au moins quelque allégement. Ce terme vieillit aussi au figuré.

☞ ALLÉGER. v. a. Au propre, rendre moins pesant, décharger d’une partie d’un fardeau. Au figuré, rendre moins douloureux, soulager dans le mal. Levare, allevare. On allége un bateau, en le déchargeant d’une partie des marchandises dont il est chargé. Je me sens tout allégé depuis que j’ai quitté mon manteau. Ce plancher est trop chargé, il faut l’alléger. Cette médecine m’a bien allégé. Il est allé philosopher à la campagne pour alléger ses ennuis. Alléger la douleur de quelqu’un. Malherbe a dit :

C’est bien, je le confesse, une juste coutume,
Que le cœur affligé
Par le canal des yeux vidant son amertume,
Cherche d’être allégé.

Des Auteurs plus modernes que Malherbe s’en sont servis aussi ; mais cela n’a pû l’accréditer. Il faut dire en sa place, soulager.

Alléger, se dit en termes de Marine, pour dire, aider à quelque mouvement qui sert à faire soulever, ou pousser en avant quelque chose, ou pour faire parer quelque manœuvre. Ainsi on dit, alléger la tournevire, quand on souleve une corde près du cabestan, qui aide avec le cable à lever l’ancre : alléger le cable, quand on y attache plusieurs morceaux de bois qui le font flotter sur l’eau, & empêchent qu’il ne s’arrête sur les rochers. Alléger les cargue-fonds, ou les cargue-boulines, c’est les mettre en état de se pouvoir servir de ces manœuvres. Alléger un vaisseau, c’est lui ôter une partie de sa charge, afin de le mettre à flot, & le rendre plus léger à la voile.

ALLÉGE, ÉE. part.

ALLÉGERIR, ou ALLÉGIR. v. a. Terme de Manége. C’est rendre le cheval plus léger du devant que du derrière ; faire qu’en trottant, il soit prêt de galoper, & qu’il ne soit point pesant d’épaules.

☞ ALLÉGIR. Terme d’Arts mécaniques. Diminuer un corps considérable sur toutes ses faces. Allégir une planche, un arbre. Voyez Aménuiser.

ALLÉGORIE. s. f. Figure de Rhétorique, qui est une métaphore continue, quand on se sert d’un discours qui est propre à une chose pour en faire entendre une autre : ☞ ou bien discours par lequel, outre le sens qu’expriment naturellement les paroles, on veut faire entendre quelque chose qui y a du rapport : ou, comme dit M. du Marsais, c’est un discours qui est d’abord présenté sous un sens propre, qui paroît toute autre chose que ce qu’on a dessein de faire entendre, & qui cependant ne sert que de comparaison pour donner l’intelligence d’un autre sens qu’on n’exprime point. Allegoria. L’allégorie, pour être belle, doit être ingénieusement continuée. S. Evr. Il y a dans les Peres de l’Eglise des allégories bien froides, & qui ne sont fondées que sur quelque étymologie grammaticale, ou sur des jeux de mots auxquels ils font allusion. M. Simon. L’Ancien Testament est une perpétuelle allégorie des mystères contenus dans le nouveau. Philon Juif a fait trois livres des allégories sur l’ouvrage des six jours. L’usage des allégories ne s’est introduit que fort tard parmi les Payens ; c’est-à-dire, lorsque les Philosophes voulurent rendre raison des fables, & des anciennes histoires des Dieux. Il fallut faire accroire à ceux qui étoient choqués de ces absurdités, que les Poëtes avoient pensé toute autre chose que ce qu’ils avoient dit ; & de-là vient le mot d’allégorie. Car un discours qui, à le prendre dans son sens propre, ἀλλὸ ἀγορεύει, signifie toute autre chose que ce que l’on veut dire, est ce qu’on appelle proprement une allégorie. Ainsi parmi les Grecs on tourna l’histoire en allégorie, de peur que l’on ne crût que les Dieux de la Grèce avoient été des hommes assez corrompus. Les Juifs trouverent cette méthode d’expliquer la religion admirable, de s’en servirent pour interpréter les livres sacrés d’une manière plus conforme au goût des Payens. Clément d’Alexandrie donna beaucoup dans les allégories. Origène, qui avoit l’imagination vive & féconde, est tout plein d’allégories. Il appeloit corporels ceux qui s’attachoient trop à la lettre, & qui ne s’appliquoient pas à découvrir le sens mystique caché sous chaque mot & sous chaque syllabe. M. Simon.

Il se dit aussi des tableaux, dans lesquels ce qui est peint, fait entendre autre chose que ce qui est représenté. Il y a trop d’allégories dans ces tableaux. ☞ Quand on charge un tableau d’allégories, il faut au moins que les figures symboliques dont le Peintre fait usage, soient assez connues pour faire deviner le sujet.

ALLÉGORIQUE. adj. m. & f. Qui tient de l’allégorie. Allégoriis refertus, constans. Tableau allégorique. Peinture allégorique. Style allégorique. L’écriture a son sens littéral, & son sens allégorique. Le sens allégorique ne fait point une preuve : c’est seulement une application arbitraire. S. Evr. Il y a une nouvelle allégorique des troubles arrivés dans le royaume de l’Eloquence.

☞ En parlant des livres Saints, les Interprètes distinguent un sens littéral & historique, & un sens mystique, spirituel & figuré. Voyez ces mots.

☞ Ils sous-divisent le sens mystique en allégorique, en tropologique ou moral, & en anagogique.

☞ Le mystique allégorique, est celui qui, caché sous le sens littéral, a pour objet quelque événement futur qui regarde J. C. & son église.

☞ Le tropologique est celui qui, caché sous l’écorce de la loi, a pour objet quelque vérité qui intéresse les mœurs & la conduite des hommes. C’est ainsi qu’il est dit dans l’écriture, lier la bouche du bœuf qui foule le grain.

☞ Le mystique anagogique est celui qui, caché sous le sens littéral, a pour objet les biens célestes & la vie éternelle. Telles sont les promesses des biens temporels, dans l’intention du Saint Esprit, image des biens spirituels.

ALLÉGORIQUEMENT. adv. D’une manière allégorique. Per allegoriam. On ne doit pas prendre ce passage à la lettre, il s’entend allégoriquement.

ALLÉGORISER. v. a. Parler par allégorie, donner un sens allégorique. Uti allegoriis. Les Lévantins se plaisent à allégoriser. Par exemple, le Gouverneur de Schiras fait ajouter à tous ses titres, fleur de courtoisie, muscade de consolation, & rose de plaisir. Ils ne manquent pas d’obscurcir & d’allégoriser le texte de l’Alcoran, dès qu’un intérêt de secte le demande. Le P. de Laubrussel. Les Peres ont allégorisé tout l’ancien testament.

ALLÉGORISEUR. s. m. Celui qui allégorise. Il ne se dit guère qu’en mauvaise part, en parlant d’un homme qui s’attache toujours à chercher un sens allégorique à toutes choses. C’est un allégoriseur perpétuel. Acac. Fr.

ALLÉGORISTE. s. m. Celui qui explique un Auteur par allégorie dans un sens allégorique. Qui allegorias adhibet. Les anciens interprètes de l’Ecriture ont été presque tous des allégoristes. Saint Augustin, S. Grégoire, Théophylacte, Origène, Denis le Chartreux, ont expliqué la bible en allégoristes, dans des sens allégoriques. Les Hérétiques Millénaires donnoient le nom d’Allégoristes aux Catholiques, parce qu’ils n’ententendoient pas à la lettre comme eux le règne de mille ans, dont il est parlé dans l’Ecriture. L’Evêque Népos, qui vivoit au troisième siècle, & qui fut leur principal Auteur, fit, pour soutenir cette erreur, un livre qu’il intitula : Réfutation des Allégoristes.

Ces mots viennent du grec ἀλληγορέω, muto, je change.

☞ ALLEGRO. adv. italien. Terme de Musique, qui se met à la tête d’un air, pour marquer que cet air doit être joué vivement & gaiement. Il désigne un mouvement gai & animé, le plus vif de tous après le presto.

Allegro, se prend aussi substantivement, en parlant de l’air même. Jouer un allegro.

☞ Le diminutif allegretto indique un peu moins de vivacité dans la mesure.

ALLÉGUER. v. a. Citer une loi, une autorité, un exemple. Laudare, citare, proferre. Les Avocats doivent rapporter les propres termes des loix qu’ils alléguent. Plusieurs Orateurs alléguent des passages, & des autorités qu’ils forment eux-mêmes.

Alléguer, signifie aussi, mettre en avant. Causari, allegare. Celui qui a tort, a toujours quelque prétexte, quelque vaine excuse à alléguer. C’est à celui qui allégue un alibi, de le prouver. En Droit on ne croit point à celui qui allégue sa propre turpitude.

ALLÉGUÉ, ÉE. part. Allegatus, laudatus, prolatus. Un Juge doit prononcer selon ce qui est allégué & prouvé. Judex debet judicare secundùm allegata & probata. C’est une thèse de morale.

ALLELUIA. s. m. Petite plante, dont les racines sont longues, menues, fibreuses, comme écailleuses dans quelques endroits, & d’un blanc tirant sur le rouge. Elles donnent des feuilles portées sur des pédicules grêles. Chaque pédicule soutient trois feuilles à son sommet, comme le trefle, taillées en cœur. D’entre ces feuilles, qui sont d’un vert tirant sur le jaune lorsqu’elles passent, s’élèvent quelques pédicules, qui pour l’ordinaire ne soutiennent qu’une seule fleur en forme de cloche, découpée en cinq parties jusque vers son centre. Le pistil qui sort du fond du calice, s’emboîte avec la fleur, & devient ensuite un fruit membraneux, semblable en quelque manière à une lanterne, & divisé le plus souvent en cinq loges, qui s’ouvre chacune en dehors par une fente étendue de la base du fruit jusqu’à sa pointe. Chaque loge contient quelques semences enveloppées dans une coiffe, qui par sa contraction pousse ordinairement la graine assez loin du fruit. Il y a plusieurs espèces d’alléluia : les plus communes en France, & celles auxquelles cette description convient, ont les fleurs, ou blanches, ou jaunes, ou purpurines. Elles ont un goût aigrelet dans presque toutes leurs parties. Elles sont bonnes dans les fièvres malignes. Francus, Médecin Allemand, a ramassé dans un traité toutes les propriétés de cette plante. Les autres espèces qui sont étrangères different de celles-ci, parce qu’elles sont, ou branchues, ou parce qu’elles ont de fort grosses racines. On l’appelle autrement, Pain de Cocu, & en latin, Trifolium acetosum, oxys, oxytriphillum, acetosella, & lujula. Selon Dodonée on l’appela alleluia, parce qu’elle fleurit dans le temps qu’on chante alleluia dans les Eglises, vers le temps de Pâque ; & selon Scaliger, son nom vient de l’italien juliola par corruption.

Alleluia, est un mot de réjouissance, que l’Eglise chante au temps de Pâque à la fin des traits ou versets. C’est S. Jérôme qui l’avoit introduit dans l’Eglise du temps du Pape Damase. Somozène se trompe, quand il dit qu’il ne se chantoit qu’une fois l’année, & S. Jérôme au contraire témoigne qu’on le disoit même dans l’enterrement des morts. God. Il semble néanmoins que dans l’Eglise romaine, on ne le disoit plus hors le temps de Pâque avant S. Grégoire le Grand ; mais qu’on le disoit dans l’Eglise grecque. Car ce saint Pape ayant ordonné qu’on le dit pendant tout le cours de l’année ; & quelques gens l’ayant trouvé mauvais, parce qu’il introduisoit, disoient-ils, à Rome les coutumes de l’Eglise de Constantinople, il répondit qu’il n’avoit eu égard en cela à la coutume d’aucune Eglise ; que ç’avoit été l’ancien usage de Rome, & que sous le Pape Damase cette coutume avoit été apportée de Jérusalem. Ainsi S. Grégoire ne fit que la rétablir. Les Grecs disent encore aujourd’hui souvent l’alleluia durant le carême, & même dans les cérémonies funèbres. Goar. S. Jérôme dans la vie de Sainte Paule, & dans son épitre 23e à Marcelle, fait entendre qu’on appeloit & qu’on assembloit les religieuses pour l’office, ou la prière, au chant d’alleluia, au lieu des cloches. Dans la Liturgie ambroisienne, alleluia signifie ce que nous appelons le Graduel.

☞ Il y avoit en Ethiopie un Monastère qu’on appeloit alleluia, parce que son premier Abbé faisoit souvent chanter alleluia.

Ce mot est hébreu, ou plutôt ce sont deux mots hébreux, dont l’un est הללו, hallelu, & l’autre יה, Ja, nom abrégé du nom propre de Dieu, יהוה, Jehova. L’un signifie, Laudate, louez ; & l’autre, selon l’interprétation commune, Dominum, le Seigneur. Louez le Seigneur. Ç’a été aussi autrefois un cri militaire, comme on voit dans Ado Viennensis.

ALLEMAGNE. Alemannia, Germania. Grand pays d’Europe, qui a titre d’Empire. Au lieu d’Alemannia les médailles de Crispus & de Constantin le jeune, tous deux fils de Constantin le Grand, disent Alamannia. L’Allemagne avoit autrefois pour bornes au septentrion la mer Baltique & la mer Germanique ; au midi le Danube ; à l’occident le Rhin, & à l’orient la Vistule. Elle avoit encore ces bornes du temps de Charlemagne. Aujourd’hui & depuis plusieurs siècles on y comprend encore au midi tout ce qui s’étend depuis le Danube jusqu’à la Suisse, à l’Italie, & à la Dalmatie. Elle a à l’orient la Hongrie, la Pologne & la Prusse. Au nord, la mer Baltique & le Danemarck, & une partie de l’Océan ; & l’occident l’Alsace, & les Pays-Bas. La haute Allemagne est la partie qui est au midi, & dont la Franconie, la Bohème, & la Moravie, font le nord. La basse Allemagne est tout ce qui est compris entre ces trois provinces, & la mer Baltique, le Danemark & l’Océan. ☞ Il y a des Auteurs qui mettent les Pays-Bas au nombre des Etats de la basse Allemagne. Leur erreur vient de ce qu’anciennement une partie des Pays-Bas étoit comprise dans la Germanie inférieure. Or l’Allemagne & la Germanie ne sont pas des noms qui signifient les mêmes peuples, renfermés dans les mêmes bornes ; non plus que la France & la Gaule ne signifient pas la même chose, quoique dans les livres écrits en latin Germania se prenne pour l’ancienne Germanie ; & pour l’Allemagne d’aujourd’hui, & Gallia pour la Gaule de Jules Cesar, & pour la France sous Louis le bien aimé. L’Allemagne s’appela d’abord Teutonie, ensuite Germanie, & enfin Allemagne. Trebells Pollion, qui vivoit sous Constantin Chlorus, est le premier que je sache, qui se soit servi du mot Allemannia. On le trouve ensuite dans Claudien, de Laud. Stilic. Liv. I. Mais celui d’Allemannus se trouve dans Spartien, & il paroît qu’il étoit plus ancien, & que dès le temps d’Antonin Caracalla il étoit en usage ; puisque Spartien dit dans la vie de cet Empereur, qu’il prit le titre d’Allemannique, Allemannicus, parce qu’il avoit vaincu la nation des Allemands. c’est de ce peuple que l’Allemagne a pris son nom. L’Allemagne est entre le 44e & le 55e degré de lat. & entre le 27e & le 41e de longit. Maty.

L’Allemagne est appelée Saint Empire. Un Savant croit que ce titre a été donné à l’Empire germanique, à l’imitation du grec, où tout s’appeloit saint & sacré, même les dignités fort inférieures à celle de l’Empereur ; témoin son Trésorier qui s’appeloit, Comes sacrarum largitionum : Que jusqu’à l’encre de l’Empereur s’appeloit sacrée : Que les Empereurs de Constantinople étoient appelés Saints ; de sorte qu’un Patriarche de Constantinople ayant manqué de donner ce titre dans un acte à l’Empereur Michel Paléologue, cela lui suscita une grosse querelle, comme on le voit dans l’histoire de Pachimere. Ensorte qu’il est très-vraisemblable que les Empereurs d’Occident, voulant jouir des mêmes prérogatives que ceux d’Orient, ont peu à peu pris les mêmes titres, que les Papes leur ont donnés pour leur faire leur cour, comme à nos Rois celui de Très-Chrétiens. Cette conjecture paroît d’autant plus probable, qu’elle est confirmée par quelques exemples, qu’on peut voir dans le Glossaire latin de Du Cange, aux mots sacer & sanctus. M. le P. B.

Allemagne Françoise. Germania Francica. Quelques Auteurs appellent ainsi les terres d’Allemagne, qui ont été cédées à la France par la paix de Munster, ou depuis, comme la haute & la basse Alsace, & le Sundgaw.

La mer d’Allemagne. Mare Germanicum, Germanicus Oceanus. C’est le nom que l’on donne à la partie de l’Océan septentrional, qui est renfermée entre la Grande-Bretagne au couchant, les Pays-bas au levant, avec un bout de l’Allemagne & la Jutie, & qui s’étend depuis le pas de Calais jusqu’aux côtes méridionales de Norwege.

☞ On l’appelle quelquefois l’Empire, parce qu’elle a pour souverain un Prince qui porte le titre d’Empereur d’Occident. Après le renversement de l’Empire Romain sous Augustule, cet Empire fut rétabli par Charlemagne, qui conquit une grande partie de Allemagne ; mais son Empire ayant été affoibli par les partages, & plus encore par la foiblesse de sa postérité, il s’en forma quantité de souverainetés, & les Rois de Germanie s’approprierent enfin le titre impérial, duquel ils sont demeurés en possession. L’Empire d’Allemagne n’a rien de commun ni avec l’Empire Romain, ni avec l’Empire d’Occident sous les Rois de France. Ce ne sont ni les mêmes pays ni les mêmes gouvernemens. C’est un Empire particulier dont le commencement doit se prendre à Conrad I, duc de Franconie, élu par les seigneurs Allemands pour succéder à Louis IV, dernier Empereur de la maison de Charlemagne.

L’Allemagne est une République dont l’Empereur est le Chef, & dont les membres sont les trois Colléges de l’Empire. Le Collége des Electeurs, le Collége des Princes tant ecclésiastiques que séculiers, & le Collége des villes impériales. La souveraineté de l’Allemagne ne réside point dans l’Empereur, mais dans les Etats ou asemblées générales d’Allemagne, de l’Empire, qu’on nomme Diétes, ou Journées Impériales. Dans la vie de Charlemagne composée par Eginard, il est dit que le Leck séparoit la Bavière des Allemands. Walasfidus Strabo, qui écrivoit sous Louis le Débonnaire, dit dans la préface de la vie de S. Galle, qu’il a trouvé que l’Auteur de la vie de ce Saint appelle souvent l’Allemagne Altimannia, Hautemannie. Il ajoute qu’il n’a trouvé ce nom nulle part ailleurs ; qu’il croit qu’il a été forgé par les Modernes à cause de sa situation élevée, parce qu’une partie de l’Allemagne est entre les Alpes Pennines, & le rivage méridional du Danube.

ALLEMAND, ANDE. s. m. & f. Ce mot est le nom du peuple qui a occupé la vieille Germanie, qui habitoit le long des rives du Rhin, du Danube, de l’Elbe & de l’Oder. Allemannus, Germanus. Le mot Allemand, Allemannus, ne se trouve point, comme j’ai dit, avant Caracalla. Quelques Auteurs ont tiré ce nom du Lac Léman, à Lacu Lemano, aujourd’hui le Lac de Genève ; d’autres d’un fleuve nommé Almon, aujourd’hui Altmul. Mais la plus commune opinion, & qui paroît certaine, est qu’il vient de deux mots allemands dont l’un est all, qui signifie tout, & l’autre man, qui signifie homme. Dès le IIIe siècle Asinius Quadratus, qui écrivoit sous les Philippes, disoit, au rapport d’Agathias, que dans la langue des Allemands c’étoit-là le sens de leur nom ; cependant on ne convient pas de la raison qui le fit donner à ces peuples, & l’on varie sur cela, selon que l’on varie sur l’origine de ce peuple. Quelques-uns ont prétendu, qu’on avoit appellé les Germains Allemands, c’est-à-dire, Tout homme, de gar, & man, & planè virum, entièrement homme ; parce qu’ils étoient très-belliqueux ; qu’ils n’avoient rien que d’homme & de mâle ; que tout en eux étoit homme, mâle, viril. Peu d’Auteurs sont de ce sentiment, qui ne paroît pas vrai. Cluvier, dans le IIIe Liv. de son Ancienne Germanie, prétend que les Allemands n’étoient pas Germains, mais Gaulois d’origine. Tacite dit au Liv. des mœurs des Germains, ch. 29, que des Gaulois avoient passé le Rhin, & s’étoient établis au-delà de ce fleuve & du Danube, & y avoient étendu leurs conquêtes : ce sont là, selon Cluvier, les premiers Allemands, qui furent ainsi appelés, parce que c’étoit un mélange de différentes Nations gauloises. D’autres veulent que les Gaulois n’aient point été les vrais Allemands, mais un assemblage de différens peuples venus de différens endroits, du nord, ou de l’orient de la Germanie. M. Sperlinger, savant Danois, dans une Dissertation où il a prétendu montrer que nous venons du Nord, aussi-bien que presque tous les peuples de l’Europe, soutient que le septentrion a été peuplé d’abord ; que c’est la première demeure des Celtes ; que ces peuples multiplierent en si grande quantité dans ce pays, qu’on les appela Allman, qui ne signifie pas assemblage de différens peuples mais grande & nombreuse nation ; comme il paroît par les autres composés semblables du nom all. Car, dit ce savant Danois, allaf signifie grande & universelle succession, magna & universæ hæreditas, & alting, Jugement grand & général. Tout cela peut être vrai, sans que les Allemands, ni les Gaulois soient venus du Nord ; & l’on a pu appeler les Celtes des Gaules, la grande & universelle nation, parce qu’en effet ils multiplierent extrêmement, & peuplerent beaucoup de pays, en Espagne, en Italie, dans l’Albion, & en Germanie. Sous Clovis, les Allemands qui n’avoient pas encore donné leur nom à toute cette grande étendue de pays aujourd’hui si peuplée & si féconde en vaillans guerriers, faisoient un peuple à part, qui habitoient la plus grande partie des terres situées entre le Mein, le Rhin & le Danube. P. Daniel. Allemand, selon Chrétien Juncker, ne signifie autre chose qu’un habitant du fleuve Almon, aujourd’hui Altmuhl qui coule entre la Souabe, la Franconie & la Bavière.

Le mot Allemand est venu en usage dans la langue, en ces phrases proverbiales : Vous me prenez bien pour un Allemand ; c’est-à-dire, pour une dupe, pour un homme qui ne connoît pas le prix des choses, pour un brutal, pour un ivrogne. Ainsi Sarrasin a dit, Philis, la plûpart des amans sont des Allemands, de tant pleurer, &c. On dit aussi, une querelle d’Allemand; c’est-à-dire, une querelle faite sans sujet, & de gaieté de cœur. Je n’entends non plus cela que le haut Allemand ; c’est-à-dire, que c’est une chose qui n’est point intelligible.

Ce mot en langage de pays, signifie Tout homme ; desorte que ce peuple a été appelé ainsi, à cause qu’il étoit composé de plusieurs nations, comme témoigne Agathias, de même que les anciens habitans du même pays, avoient été appelés autrefois Germains, parce qu’ils vivoient entre eux en paix, sans haine, ni jalousie.

ALLEMANDE. s. f. Terme de Danse. Saltatio germanica. ☞ Cette danse nous est venue d’Allemagne & de Suisse où elle est fort en usage. L’air doit en être gai, & se bat à deux temps. Danser une Allemande.

Allemande. s. f. Pièce de Musique qui est grave, & de pleine mesure, qu’on joue à quatre temps lents sur les instrumens, & particulièrement sur le luth, le tuorbe, l’orgue, & le clavecin. Elle commence par une croche hors de mesure. Les Musiciens s’en servent peu aujourd’hui.

ALLENDORF. Ville d’Allemagne. Allendorfium. Elle est dans le Landgraviat de Hesse-Cassel sur la rivière de Werre. Les salines d’Allendorf rendent ce lieu considérable, & lui ont donné son nom qui signifie Village au sel.

ALLENÉE. s. f. Pour haleine, respiration. Gloss. sur Cl. Marot. Tout d’une allenée, d’un seul trait d’haleine, sans reprendre haleine. Cl. Marot. Voyez Alénée.

ALLENSTEIN. Nom d’une ville de Warmie, dans la Prusse royale. Allensteinum. Elle est sur la rivière d’Alla, dont elle prend le nom, au-dessus de la ville de Gotstad.

ALLER. v. n. Se transporter d’un lieu à un autre, soit par son propre mouvement, soit par le secours d’une voiture. Ire, pergere, vadere, proficisci. Allons à l’église, au sermon. Il est allé en voyage. Il est plus sûr d’aller par terre que par mer. Le verbe aller est le seul irrégulier de la première conjugaison. Il se conjugue ainsi : je vais, ou je vas, tu vas, il va. Nous allons, vous allez, ils vont. Il a à l’imparfait j’allois : au prétérit, je fus, j’ai été, je suis allé : au futur j’irai. Dans le subjonctif, il a que j’aille, pour le présent : j’irois, j’allasse, pour l’imparfait : que je sois allé, que j’aie été, pour le prétérit : je serois allé, je fusse allé, j’aurois été, pour le plus que parfait : je serai allé, j’aurai été, pour le futur. Dans l’impératif : on dit va, qu’il aille, allez, qu’ils aillent.

Il seroit trop long de rapporter ici les diverses occasions où il se faut servir tantôt de l’un, & tantôt de l’autre des prétérits de ce verbe. On peut consulter pour s’en instruire tous ceux qui ont fait de nouvelles remarques sur la langue Françoise. On dira seulement, que quand on veut exprimer que quelqu’un est en chemin pour aller en quelque lieu, ou qu’il est dans ce lieu-là, il faut dire qu’il est allé : mais si l’on veut exprimer qu’il est de retour, il faut dire, il a été. Il est allé à Rome ; pour dire, il est à Rome, ou en voyage pour y aller. Il a été à Rome, pour dire, il en est de retour, ou il en est parti. Il faut dire encore pour parler régulièrement : il alla trouver son ami ; & non pas il fut trouver son ami. On dit, le courier est allé de Paris à Rome en dix jours ; & il est venu de Rome à Paris en huit jours. Il est bon de remarquer cette différence. Ménag.

☞ Il faut encore observer qu’on met un s après l’impératif va, quand il est suivi de la particule y. Ainsi l’on dit vas-y, pour éviter l’hiatus que causeroit la rencontre des deux voyelles. Cependant s’il se trouve un verbe après la particule y, on ne met point d’s après va. Tes affaires vont mal ; va y mettre ordre.

☞ Autrefois le verbe aller se joignoit avec les gérondifs des verbes, soit en vers, soit en prose, desorte que tous deux ne signifioient que la même chose que le gérondif. Ainsi l’on disoit qu’un ruisseau va serpentant. Cet homme va disant par-tout. Il les alloit chassant comme des troupeaux de moutons. Ces façons de parler ne sont plus que du discours familier. On dit qu’un homme s’en va mourant ; pour dire, qu’il est sur le point de mourir.

Aller, exprime quelquefois le mouvement de certaines choses vers quelque endroit. Toutes les rivières vont à la mer. Les nuages vont de l’orient au couchant. Tendere, deferri, moveri.

Aller au combat, c’est s’avancer pour combattre. Aller à l’ennemi, s’avancer pour le charger : ce qui paroît supposer que les deux armées sont en présence. Aller au feu, en termes de guerre, s’exposer à essuyer le feu des ennemis. On dit familièrement d’un homme brave, qui s’y expose de bonne grâce, qu’il va au feu comme à la nôce.

Aller aux opinions, aux avis, c’est les recueillir. Suffragia cogere. Aller au conseil, consulter, demander conseil. Consulere. Aller au devin, consulter le devin.

Aller à quelqu’un, quand il s’agit de choses qui sont de sa compétence, de sa juridiction, qui dépendent de son autorité, c’est s’adresser à lui. Il faut aller à l’Evêque pour obtenir des dispenses. Il faut aller au Roi pour telle chose.

Aller, se dit aussi en parlant de la manière dont on se meut. Aller vite, aller bon train. Pleniore gradu incedere. Aller lentement, à pas de tortue. Testudineo gradu. Aller devant. Anteire. Aller après. Subsequi.

Aller bon train, avancer beaucoup en peu de temps, se dit au propre & au figuré, d’un homme par exemple qui fait fortune en peu de temps, d’un auteur qui compose aisément, qui met peu de temps à composer un ouvrage, d’un orateur qui prononce un discours fort vite : alors il est du style familier.

☞ On dit aussi qu’un homme va à pied. Incedit pedes. Aller à cheval. Equitare, equo vehi. Aller en chaise. Gestatoriâ sellâ vehi. En carrosse. Rhedâ. En litière. Lecticâ, &c.

☞ En termes de Manége, on dit en parlant des allures d’un cheval, aller le pas, l’amble, le trot, le galop, &c. Asturco, gradarius, solutarius, succussator equus. Voyez ces mots.

Aller étroit, c’est s’approcher du centre du Manége. Aller large, s’en éloigner. Aller par surprise.

Aller par surprise, c’est se servir des aides, de façon qu’on surprend le cheval au lieu de l’avertir. Aller à toutes jambes, à toute bride, c’est pousser le cheval aussi vite qu’il peut aller.

☞ On dit d’un cheval, qui boîte, qu’il va à trois jambes ; & de celui qui fait une inclination de tête à chaque pas, qu’il va de l’oreille.

☞ En termes d’Escrime, aller à l’épée, c’est faire des mouvemens trop précipités avec son épée pour trouver celle de son adversaire. L’escrimeur qui va à l’épée, en voulant parer un coup, en découvre un autre.

Aller, joint avec les infinitifs des verbes, sert quelquefois à marquer qu’on se met en mouvement pour faire une chose, quelquefois qu’une chose est sur le point d’être faite. Dans la première acception on dit, nous allons nous promener. Allons travailler, allons étudier. Dans la seconde, un tel va partir. Ce malade va mourir. Le jour va finir.

Aller, en parlant de certaines choses artificielles, sert à marquer leur mouvement & leur effet. On fait aller un moulin. Une montre va bien ou mal. Cette pendule va huit jours. Ce ressort ne va pas.

Aller, en parlant du temps, est synonyme de s’écouler. Effluere. Rien ne va plus vite que le temps. Il sert aussi à marquer la durée du temps qu’on emploie à faire quelque chose. Son discours n’ira qu’à une heure. Cet ouvrier va lentement. Cet ouvrage est allé fort vîte.

Aller, servant à marquer l’étendue de certaines choses. Cette montagne va jusqu’aux nues. La forêt va jusqu’à tel endroit. Sa robe va jusqu’à terre.

Aller, servant à marquer la manière dont une chose est figurée. Cette pyramide va en pointe. Desinit in. Une allée qui va en pente. Declivis. Un chemin qui va en tournant. Tortuosus.

Aller, servant à marquer où conduit, où aboutit un chemin. Ce chemin va à la ville. Ducit.

Aller, en matière de comptes, de supputations, est synonyme de monter ou se monter. Sa dépense ira plus loin qu’on ne l’avoit cru. Major erit. Les nouvelles levées vont à plus de vingt mille hommes.

Aller, est aussi employé, tant au propre qu’au figuré, pour marquer le progrès en bien ou en mal, des personnes & des choses. Il n’y a qu’un esprit pénétrant qui puisse aller jusque-là. Pertingere. On dit d’un homme, qu’il ira loin dans les sciences, dans les arts. Progressus facere. Une chose va de mal en pis. In pejus ruere. La santé va de mieux en mieux. Une maison va en décadence. Je n’eusse jamais cru que le luxe & la vanité dussent aller jusque-là. Boil. Eò procedere.

Aller, synonyme d’aboutir. Tous ses vœux vont à la paix. Son entreprise est allée en fumée. In tenuem auram evanuit.

Aller au bien, c’est y tendre, l’avoir pour objet. Tendere, contendere. Heureux l’homme qui va à la gloire par le chemin de la vertu !

Aller, servant à marquer la façon d’agir dans certaines circonstances, la manière de se conduire, d’employer certains moyens. Dans les affaires importantes il faut aller avec prudence. Prudentiam adhibere. Un honnête homme va droit dans les affaires. Un homme éclairé va au fait. La médisance y va plus doucement.

☞ On dit aller par les voies de droit, poursuivre en Justice. Jus persequi. Aller par les voies de fait. Voyez ces mots.

☞ On dit qu’une affaire ira loin ; pour dire, qu’elle aura des suites, qu’elle durera long-temps, qu’elle coûtera bien de la peine & des frais. Qu’un homme ira loin ; pour dire, que par son mérite, par ses talens, il fera fortune, il s’avancera dans le monde.

☞ En parlant de deux personnes qui s’échauffent un peu trop dans une dispute, on dit cela va trop loin, pourroit aller trop loin. N’allons pas plus loin. Cela n’ira pas plus loin : c’est-à-dire, on en demeurera .

Aller, servant à marquer l’état bon ou mauvais de certaines choses. Le commerce va bien, va mal. Sa santé va bien. Benè, bellè se habet. Cela va bien pour lui. Benè hoc habet illi. Cela tourne avantageusement pour lui. On dit familièrement, comment vous en va ?

Aller, en parlant des choses qui concernent l’habillement, la parure, sert à marquer la manière dont une chose est faite, mise ou disposée. Aptus, conveniens. Ce manteau va bien, va mal. On dit aussi qu’une chose va bien à quelqu’un, qu’elle lui va mal ; pour dire, qu’elle sied bien ou qu’elle sied mal. Cet habit vous va bien. Hæc te vestis decet.

☞ On dit à peu près dans le même sens, que deux choses vont bien ensemble ; pour dire, qu’elles conviennent bien ensemble. Ces deux couleurs vont bien l’une avec l’autre. Conveniunt.

☞ On le dit de même des choses qui sont faites pour s’accompagner, qui ne se vendent point séparément. Ces tableaux-la vont ensemble.

Aller de pair, être égal. Parem esse. Expression d’usage quand on compare la qualité, la dépense, le mérite des personnes. Ces deux maisons vont de pair pour la noblesse. Il va de pair avec les plus riches Seigneurs pour la dépense. Racine va de pair avec Corneille : personne ne va de pair avec Racine.

☞ Le mot aller est quelquefois surabondant, & s’emploie seulement par élégance, pour donner plus de force à l’expression. N’allez pas croire, n’allez pas imaginer. Dans ces phrases le mot aller ne s’exprime point en latin. Ne credas. Voyez où j’en serois, si elle alloit croire cela. Mol. Il n’est pas de la prudence d’aller attaquer à force ouverte les défauts qu’on a dessein de corriger. S. Evr.

☞ L’impératif de ce verbe sert également à faire des souhaits, des exhortations, des imprécations. Allez en paix. Allons, enfans, courage. Macti este pueri, Macti virtute este. Au singulier, Macte virtute esto ; Macte animi, ou animo. Macte hocce vino. Allons, va, de ce vin. C’est le vocatif de l’ancien Mactus, pour Magis actus. Va, malheureux, va, va-t-en au gibet. Crucem in malam abi, furcifer.

Aller, en termes de jeu, signifie mettre au jeu, provoquer les autres joueurs à coucher une pareille somme. Positâ ludere pecuniâ. On dit au berlan & au lansquenet, j’y vais de tant ; pour dire, je mets tant au jeu. Aux dez & à la bassette, il y va de tout son reste. Va tout.

On dit en termes de Vénerie, aller sur soi, se sur-aller, se sur-marcher, pour dire, revenir sur ses erres, sur ses pas, repasser par le même chemin. Decursum tramitem remetiri. Aller de bon temps, c’est-à-dire, qu’il y a peu de temps que la bête est passée, & alors on dit, les Véneurs alloient de bon temps, lorsque le Roi arriva. Aller d’assurance, c’est-à-dire, que la bête va au pas le pied serré & sans crainte. Aller au gaignage, c’est-à-dire, que la bête fauve, qui est le cerf, le daim & le chevreuil, va dans les grains, pour y viander & manger ; ce qui se dit aussi du lièvre. Aller de hautes erres, c’est lorsqu’il y a sept ou huit heures qu’une bête est passée. On dit, ce lièvre va de hautes erres. Aller en quête ; c’est quand le valet de limier va au bois pour y détourner une bête avec son limier.

En termes de Marine, on dit aller vent largue, c’est avoir le vent par le travers, ensorte qu’on ne soit point obligé de haler les boulines. Transverso vento navigare. Aller au plus près du vent ; c’est cingler à six quarts du rumb d’où il vient. Aller à la bouline grasse, ou à la grasse bouline, c’est se servir d’un vent éloigné du lieu de la route par un intervalle d’environ six rumbs. Aller proche du vent, ou aller à la bouline, c’est se servir d’un vent qui semble contraire à la route, & prendre ce vent de biais, en mettant les voiles de côté par le moyen des boulines. Obliquis ventis navigare. Aller au lof, c’est chercher l’avantage du vent, & la même chose qu’Aller au plus près du vent. Aller debout au vent, ou avoir le vent par proue, c’est aller contre le vent, ou à vent contraire, comme il arrive aux petits bâtimens. Adverso vento. Aller à la dérive, c’est aller de côté au gré du vent & de la marée, au lieu d’aller en droiture. Deflectere. Aller terre à terre, c’est ranger la côte, naviger en cotoyant le rivage. Terras radere. Aller à trait, & à rame, c’est aller avec les voiles, & avec les rames. Remis ventisque procedere. Aller à mats, & à cordes, c’est quand on a abaissé les vergues & les voiles, pour éviter la fureur du vent. Contractis velis ire. Aller à la sonde, c’est quand on se trouve dans un pays inconnu, ou dangereux, aller en sondant le fond. Ad bolidem navigare. Aller entre deux écoutes, c’est aller contre un vaisseau ennemi pour l’enlever. Hostilem navim invadere. Aller de flotte, c’est aller de compagnie. Conjunctis ire navibus. Aller en caravane ; c’est aller croiser sur les Turcs, & faire une campagne de mer. Navalem contra Turcas expeditionem moliri. Aller en droiture, c’est naviger en droite route, sans se détourner & sans s’arrêter. Rectà pergere. Aller en course, c’est croiser sur les vaisseaux du parti contraire. Mare infestum habere.

Ménage dérive ce mot de anare, qui a été fait de l’italien andare, qu’il prétend avoir été fait d’anduare, qu’on a dit pour andruare. Voyez ses raisons. Et en un autre lieu, il dit qu’il vient de ambulare, qu’on a dit pour proficisci. D’autres le dérivent de ala, parce que les ailes servent à aller plus vite, quasi ab alis ferri.

Aller, devient quelquefois impersonnel. Alors on y joint la particule y, & il sert à marquer la chose dont on parle, & de quelle importance elle est. Quand il devroit y aller de toute ma fortune. C’est une affaire où il y va de tout votre bien. Agitur de fortunis. Il faut prendre garde d’offenser Dieu, il y va de notre salut. Il y va de votre réputation. Vaug. Il y alloit de sa gloire. Ablanc.

☞ Dans cette acception, si l’on se sert du futur du subjonctif, on supprime la particule y, à cause de la rencontre désagréable de ces deux lettres. Quand il iroit de tout mon bien ; quand il iroit de ma vie, & non pas quand il y iroit.

☞ On l’emploie aussi impersonnellement avec la particule relative en. Il n’en va pas de cette affaire comme de l’autre ; pour dire, il n’en est pas ainsi.

Aller, signifie aussi faire ses nécessités naturelles. Alvum reddere. Aller à la garde-robe, aller à la selle. Le remède que ce malade a pris, l’a fait aller plusieurs fois. Alvum ducere, liquare. Aller par haut, c’est vomir. L’émétique fait aller par bas & par haut. Alvum vomitumque ciet. Aller à la selle avec beaucoup de vents. Alvum reddere cum mulco spiritu.

☞ On dit en ce sens, qu’un malade laisse tout aller sous lui ; pour dire, qu’il ne peut plus retenir ses excrémens. Alvus resoluta, fusior.

Se laisser aller, se dit des gens qui ne sont pas fermes de corps. Dejicere, demiettere ; & s’il est neutre, prolabi, flacescere, Laxo ac remisso esse corpore. Il laisse aller son corps, ses bras, sa tête en dansant. Il s’applique figurément aux choses spirituelles & morales. Il se laisse aller à toutes ses passions. Il se laisse aller à tout ce qu’on lui dit, pour dire, il est crédule, on fait de lui tout ce qu’on veut. On dit aussi, se laisser aller, pour signifier, ne pas résister, ne pas faire la résistance qu’on pourroit ou qu’on devroit faire. Permittere se, Parere, Morem gerere. Cette fille s’est laissé aller ; pour dire, qu’elle n’a pas résisté aux insinuations de son amant. Il se laisse aller aux pleurs comme une femme. Ablanc. Heureux l’homme qui ne se laisse point aller au conseil des méchans.

Aller, avec le pronom personnel, & la particule en, est réciproque, & signifie alors sortir d’un lieu. Abire. Il s’en va, arrêtez-le. Ils s’en sont allés. Ils s’en iront demain.

s’en aller, signifie s’écouler, dissiper, s’évaporer. Ce muid de vin s’en va ; pour dire, que le vin qui est dedans, s’écoule. Diffluere. Si votre fiole n’est pas bien bouchée, l’esprit de vin s’en ira.

Faire aller, façon de parler qui ne peut trouver place que dans la conversation, ou dans le style très-familier, signifie quelquefois, congédier, renvoyer. Dimittere. Faites en aller tout le monde. Quelquefois ôter, effacer, guérir. On vend des pierres pour faire en aller les taches des habits. Abolere, delere. Pommade pour faire en aller les rousseurs. Secret pour faire en aller les punaises. Recette pour faire en aller la fièvre.

s’en Aller, se dit encore des choses qui s’usent ou se consument de quelque manière que ce soit. Cet habit s’en va. Usu detrita est vestis. Son argent s’en va en procès. Absumi, consumi. Tout son temps s’en va à cette affaire.

☞ Dans le style très-familier, on dit qu’une chose s’en va faite ; pour dire, qu’elle est sur le point de finir, d’être achevée. Le sermon s’en va dit. La comédie s’en va finie. On dit aussi dans le même style qu’une chose s’en va commencer, s’en va finir ; pour dire, qu’elle commencera ou finira bientôt. Le sermon s’en va commencer, s’en va finir. Il s’en va onze heures. Il s’en va midi.

☞ Au jeu des cartes, On dit s’en aller d’une carte ; pour dire, l’écarter, ou s’en défaire. Abjicere, dimittere. Il s’en est allé d’un roi. Je m’en suis allé de tous mes carreaux.

s’en Aller. Terme de Trictrac. S’en aller, je m’en vais, allons-nous-en, sont les termes dont se sert un joueur, qui voyant que son jeu n’est pas si beau que celui de son adversaire, se dégarnit entièrement, remet les dames au talon, & oblige l’autre à en faire de même, pour recommencer de nouveau. L. S. Un joueur ne peut s’en aller que sous deux conditions. La première est qu’il ne peut le faire que lorsqu’il a assez de points pour marquer au moins un trou de son dé, & non pas du dé ou de la perte de son adversaire, Id. S’en aller d’accord. Il arrive souvent qu’après avoir commencé un retour, les deux joueurs conviennent ensemble de s’en aller au premier trou ; souvent même dans le jeu ordinaire, lorsque les avantages paroissent égaux, & qu’on craint mutuellement le retour, on permet à celui qui fait un trou de points donnés, ou d’écoles, de s’en aller contre la règle générale. Cela est permis ; celui qui s’en va de la sorte, joue le premier à la reprise suivante ; mais on doit éviter ces façons de s’en aller. Id. Lorsqu’on veut s’en aller, il faut dire, je m’en vais, avant de rompre son jeu, ou du moins en le rompant. Tr. du Trictrac. Il n’est pas permis de s’en aller après avoir dit je tiens, ni de tenir après avoir dit je m’en vais. Ib. Celui qui veut s’en aller, ne doit pas jouer son bois, autrement il ne peut plus s’en aller. Ib. Qui s’en va, perd tous les points qu’il a de reste.

Aller, est quelquefois substantif. L’aller ne me coûte rien, il n’y a que le retour. ☞ Au long aller petit fardeau pese, pour marquer, qu’il n’y a point de charge, quelque légère qu’elle soit, qui ne devienne fâcheuse à la longue. Marot a aussi employé cet infinitif substantivement.

Le temps (pour vrai) efface toutes choses
Au long aller mes tristes encloses
Effacera.

☞ On dit aussi le pis aller ; pour dire, le pis qui puisse arriver. Quod deterius contingere potest. Alors il s’emploie ordinairement avec les pronoms personnels. S’il ne réussit pas dans son entreprise, son pis aller sera de demeurer comme il est. Si vous ne trouvez pas mieux, je serai votre pis aller.

☞ On dit aussi adverbialement, au pis aller. Au pis aller, j’en serai quitte pour une reprimande.

Aller, se dit proverbialement en ces phrases. Aller son chemin, poursuivre son entreprise. Aller son grand chemin, sans détour, sans artifice. On dit qu’un homme sait aller & parler ; pour dire, qu’il est éclairé, qu’on peut lui confier quelque affaire. On lui a donné l’aller & le venir ; pour dire, un soufflet sur chaque joue. On dit encore à force de mal aller, tout ira bien, quand on espère quelque révolution, quelque événement heureux qui fera changer la face des affaires. On dit aussi il y va de cul & de tête, comme une corneille qui abat des noix : il n’y va que d’une fesse ; pour dire, qu’il agit mollement & lentement. Cela est comme le Bréviaire de Messire Jean, il s’en va sans dire, en parlant de quelque chose qu’on doit sous-entendre. Cela va comme il plaît à Dieu, en parlant d’une chose dont on néglige la conduite. Cela ne va pas comme votre tête ; pour dire, cela n’ira pas comme vous pensez. On dit qu’un homme va vîte en besogne ; pour dire, qu’il expédie les affaires ; & quelquefois, qu’il y va à l’étourdie, & qu’il ne consulte pas assez. Allez lui dire cela, & puis allez vous chauffer à son feu ; pour dire, allez-lui reprocher en face sa faute. Toujours va qui danse ; pour dire, faire une chose bien ou mal. Tout son bien s’en est allé en eau de boudin, en brouet d’andouilles, à-vau-l’eau. On dit aussi, il va & vient comme un pois en pot ; pour dire, qu’il se donne beaucoup de mouvement sans sujet. Tout y va, la paille & le blé. On dit encore, on va bien loin depuis qu’on est las, il ne faut pas se décourager, se rebuter dans les affaires. Tout chemin vont à Rome, par différens moyens on arrive au même but. On dit qu’un homme n’y va pas de main morte ; pour dire, qu’il frappe de toute sa force. Qu’on l’a bien rangé à son devoir. On appelle aussi un las d’aller, un fainéant, un paresseux, qu’on a de la peine à faire travailler. On dit aussi, ce qui vient de la flûte, s’en va par le tambour ; pour dire, que le bien s’en est allé comme il étoit venu ; ce qui se dit aussi d’un bien mal acquis. Malè parta malè dilabuntur. Va-t-en voir s’ils viennent Jean, va-t-en voir s’ils viennent, qu’on prononce comme en chantant. Ce qui se dit d’une personne qui s’est esquivée, dont on n’attend plus le retour ; on le dit aussi d’une chose qui a été détournée. En allant doucement on va bien loin ; pour dire, que sans rien brouiller, ni se précipiter, on ne laisse pas de faire bien de l’ouvrage. Cet homme va comme on le mène, c’est-à-dire, est foible & ne fait rien de lui-même. Qui va trop loin se perd. M. de Coulanges a employé ce proverbe pour marquer qu’il ne faut rien entreprendre au-dessus de ses forces.

Sapho qui va trop loin se perd.
Je crains un labyrinthe :
Le chemin ne m’est point ouvert,
Pour aller à Corinthe.

Ces deux derniers vers sont encore un proverbe grec & latin qu’il a traduit en notre langue : Non licet