Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/241-250

Fascicules du tome 1
pages 231 à 240

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 241 à 250

pages 251 à 260


omnibus adire Corinthum : ou comme Erasme l’exprime, sur le grec de Suidas qui le rapporte, Non est cujuslibet Corinthum adpellere. Il se dit aussi des entreprises difficiles : il étoit fondé sur la difficulté qu’il y avoit à entrer dans le port de Corinthe.

☞ ALLÉ, ÉE. part.

ALLER. s. m. ALRE. s. f. Rivière de la basse-Saxe, en Allemagne. Allera, ou Alerus. Elle a sa source dans le duché de Magdebourg, traverse celui de Lunebourg, & se décharge dans le Weser, au-dessous de Ferden.

ALLEBURG. Ville de la Prusse ducale. Allerburgum. Elle est dans la Bartonie, sur la rivière d’Alla, près de son embouchure dans le Prégel.

ALLERIONS. Voyez Alerions.

ALLESPERG. Petite ville du Cercle de Franconie, en Allemagne. Allersperga. Elle est à quelques lieues au midi de Nuremberg.

☞ ALLESER. C’est ainsi qu’écrit l’Académie. Voyez Allezer.

ALLESFORD. Ville du comté de Hant, en Angleterre. Allesfordia. Elle est à l’orient de Wenchester.

ALLÈTES. s. p. Terme de coutumes. Alletes. Les Us & Coutumes de quelque canton de Normandie, citées par M. Du Cange, nous apprennent ce que c’est que le droit des allètes… Entre les autres coutumes, il est une coutume que l’on appelle les allètes, à laquelle coutume il appartient que de Pâque jusqu’à la Trinité, quiconque porte poisson d’eau douce à cou, il paye un denier, à cheval quatre deniers, en bouteille un denier ; mais qu’il ait mis le poisson de son cou en la bouteille, & si il y a mis autrement, il payera quatre deniers pour la bouteille.

ALLEU, ou ALEU, ou ALODES. s. m. Vieux mot gaulois. Fonds de terre, noble ou roturier, qui est exempt de tous droits Seigneuriaux. Allodium, Prædium immune, liberum, nihil pensitans. L’Auteur de la vie de S. Déicole, qui écrivoit dans le Xe siècle, dit alodus, qu’il fait féminin. Il est vrai que les deux manuscrits écrivent allodium. Bollandus T. II, p. 204, l’explique ainsi : Est allodium, prædium, seu quævis possessio libera, jurisque proprii, & non in feudum clientelare accepta. La Loi Salique dit Alode, aussi-bien que les Loix des Boïens, ou Bavarois, chap. 11, & les Formules de Marculphe. Après les conquêtes des Gaules, les terres furent partagées en deux manières à l’égard des particuliers, en bénéfices, & en alodes, ou alleuds. Les bénéfices consistoient en terres que le Prince donnoit aux gens de guerre, ou à vie, ou pour un temps fixé. Les alleuds étoient les terres qu’on laissoit en propriété aux anciens possesseurs. Le tit. 62 de la Loi Salique est des Alleuds, de Alodis, & ce terme y est pris pour les biens héréditaires, patrimoniaux, qu’on reçoit de ses peres ; & souvent alode & patrimonium sont employés comme synonymes. Voyez le Glossarium Salicum de Chifflet, au mot Alodes, & les Notes de M. Bignon, sur Marculphe, Liv. I, ch. 12. Liv. II, ch. 4, 6 & 9. Dans les Capitulaires de Charlemagne, de Louis le Débonnaire, & de Charles le Chauve, on trouve cette perpétuelle opposition entre bénéfice, & alleu. Le P. Sirmond en distingue de trois sortes, propres, acquêts, & ceux qui provenoient de la libéralité du Prince. Cette prérogative des alleuds sur les bénéfices, dura jusqu’à la décadence de la seconde race. Alors les alleuds changerent de nature. Les Seigneurs féodaux contraignirent les possesseurs des biens allodiaux de les tenir d’eux à l’avenir. Ce changement arriva en Allemagne aussi-bien qu’en France. Il n’y eut que les villes qui se conserverent un peu davantage contre l’oppression ; c’est pourquoi l’on y trouve encore plus de francs alleuds. Ainsi les alodes, ou les alleuds, dans leur naturelle signification, n’étoient autre chose qu’une propriété héréditaire. Mais présentement ce mot n’est plus en usage, qu’en y ajoutant le mot de franc ; & alors il signifie une terre, une seigneurie, ou héritage, soit noble, soit roturier, indépendant de tout seigneur, qui ne doit aucune charge ni redevance, & qui n’est sujet à aucuns droits ni devoirs seigneuriaux : il est seulement sujet à la juridiction. L’usurpation des féodaux sur les biens allodiaux alla si loin, que presque tous les alleuds, ou leur furent assujettis, ou furent eux-mêmes convertis en fiefs. De-là est venu la maxime, nulle terre sans Seigneur. Sur ce fondement la plûpart des Docteurs françois tiennent que le franc-alleu, étant un privilége, & une concession particulière contre le droit commun, tout héritage est présumé tenu d’un fief, à moins que le franc-alleu ne soit prouvé par un titre spécial. La présomption générale est pour le Seigneur ; sur-tout quand son territoire est continu & uniforme, ensorte qu’il ne s’y trouve point de terre en franc-alleu qui y soit enclavée. En ce cas, il faut que celui qui prétend posséder un franc-alleu, le justifie par un titre particulier. En quelques lieux on distingue entre un franc-alleu noble, & un franc-alleu roturier. Le franc-alleu noble est celui qui est érigé en fief, où il y a justice, censive & fief mouvant de lui. Le franc-alleu roturier, est celui qui n’a ni justice, ni fief relevant de lui ; il se partage roturièrement, & l’autre noblement. Voyez Du Moulin sur l’art 68 de la coutume de Paris. En latin allodium.

L’origine de ce mot est fort controversée. M. de Caseneuve, dit qu’elle n’est guère moins inconnue que celle du Nil. Budée & Alciat le dérivent de a, & de laudare, parce que celui qui tient en franc-alleu, n’est point tenu de louer, ni de reconnoître aucun Seigneur : Bodin, de aldius, ou de aldia ; qui dans les lois des Lombards signifie un affranchi : Volsius, de l’allemand al-oudt, qui signifie, ce qu’on possede en propre d’ancienneté, sans aucun bienfait de Seigneur : Caseneuve, de a, & de loz, ou de an lodt, après Rhénatus, vieux mots allemands, qui signifioient sort, croyant que ces terres en franc-alleu étoient venues d’un ancien patrimoine, & n’avoient point passé par le sort qu’avoient jeté les Conquérans des Gaules, quand ils avoient partagé entre eux les terres qu’ils avoient usurpées. Hauteserre, après Dominicus, le dérive de l’allemand ohn leiden, qui veut dire sans sujétion. Quelques-uns le dérivent de l’hébreu halal, qui signifie, laudare, quasi possessionem laudatam habere. Lipse le dérive de Aleudi, île d’Allemagne : Borelli du grec ἄλυτος, c’est-à dire, libre ; car en effet, alleu signifie franchise. Le P. Ménestrier dans son Histoire de la ville de Lyon, p. 94, veut que ce nom vienne du mot alauda, mot gaulois, qui selon lui signifie franc, ou libre ; d’où vient qu’il appelle Légion libre, celle que César avoir appelée Alauda, ainsi que Suétone le rapporte ; mais il se trompe sur la signification du mot celtique. Voyez Allouette. Du Cange prétend que alodium tout seul signifie un héritage sans charge : mais qu’en général alodis & alodum s’est dit de tout héritage, ou fonds, ou immeuble propre ; & qu’on disoit Transire in alodum ; pour dire, donner en propriété. Outre les origines ci-dessus, il dit que Spelmanus le dérive du mot saxon leod, qui signifie héritage populaire, opposé à seigneurie. Wendelinus le dérive de alder, qui signifie majeur, comme étant une chose qui advient par succession légitime des ancêtres. Ménage rapporte toutes les différentes opinions des Auteurs là-dessus, & ne se détermine point. Mais après toutes ces incertitudes, il y a plus d’apparence de s’arrêter à ce que dit Galand, que leud est un vieux mot françois, d’origine gauloise, dont Pasquier dit que sont dérivés lots, & lotir. Ce dernier observe dans ses Recherches Liv. VIII, Ch. 2, que Leudes dans Grégoire de Tours & Aimoin est pris pour sujet ; que Plodoart les nomme Allodes, & que de ce mot est venu alleud, qui est la reconnoissance censuelle, que nous faisons à nos Seigneurs, en conséquence de quoi nous disons tenir des terres en franc-alleud, quand nous n’en payons aucune redevance. Pasq. Chifflet, dans son Glossaire salique, p. 128, le dérive de l’Allemand ael, qui signifie, ingenuum, legitimum, légitime, franc ; & de lod, qu’il interprète : Onus meum quod porto & mihi aufero : Ma charge, ce que je prends pour moi, & que j’emporte ; du verbe allemand ladem, qui veut dire, emprunter, enlever. De-là, dit-il, s’est formé Aellod, Allodium, allea ; pour dire, mon bien légitime que je prends pour moi, & dont je me saisis.

Les Espagnols appellent encore Aldea un village, ou une bourgade : & les esclaves, hommes & femmes, sont appelés Aldii, Aldiæ, Aldiones, & Aldionæ, du même mot ael, ou parce qu’ils étoient à la campagne, dans les villages, dans les terres que l’on héritoit de ses peres, ou parce qu’ils étoient une partie de l’alleu, ou patrimoine. Icquez paroît avoir rencontré la véritable origine de ce mot alleu ou alodes, en le dérivant de deux mots de la langue teutonique & gothique, all, tout, & lod, revenu : suivant cette étymologie alleu, alodes, veut dire un bien dont le revenu appartient tout entier à celui qui possede le fonds dont le revenu est franc ; c’est ce qu’on a exprimé par le terme de franc-alleu. Voyez M. Bignon sur Marculphe, & le P. Sirmond sur les Capitulaires de Charles le Chauve, & Chifflet dans son Glossaire.

☞ FRANC-ALLEU. Liberum allodium. Petit pays de France, dans la basse Auvergne, au pays de Combraille, sur les confins du Bourbonnois. Il est ainsi appelé à cause des exemptions dont il jouit.

ALLEVEURE. s. f. On prononce allevûre. Petite monnoie de cuivre ; la plus petite qui se fabrique en Suède. Elle ne vaut pas tout-à-fait le denier tournois de France. Deux alleveures font la roustique : huit roustiques font le marc de cuivre : 24 marcs font la richedale commune, qui est au prix de l’écu de France de 60 sous.

ALLEZER, ou ALEZER. v. a. Terme d’Artillerie. C’est nettoyer l’ame du canon, l’agrandir, & la rendre du calibre dont il faut qu’elle soit. M. Suriray de Saint Remi, dans ses Mémoires d’Artillerie, page 70 du 2 Tome, explique la manière d’allezer les canons, & dans la première vignette du même tome, il a fait graver au haut du coin de la main droite la manière dont cela se fait, & on en donne quelque explication sur le mot boîte, au 19e article. Voyez Allezoir.

☞ ALLEZER, terme d’Horlogerie, c’est rendre un trou circulaire fort lisse & poli, en y passant un allezoir.

ALLEZOIR. s. m. C’est un châssis de charpente suspendu en l’air avec de forts cordages qui le tiennent bien ferme. On y place une pièce de canon pour l’allezer. Il y est perpendiculairement la bouche en bas, dans laquelle entre un couteau bien acéré & bien tranchant, qui est posé sur un arbre de fer, planté bien ferme en terre. Il est traversé horizontalement par une roue ou par une croix aussi de fer, sur laquelle on met des hommes ou des chevaux pour la faire tourner. On descend & l’on remonte le canon à mesure qu’il en est besoin, par le moyen des moufles & des poulies, afin de donner lieu au couteau de couper aussi avant qu’il le faut. Ce couteau est emboîté dans une boîte de fonte ou de cuivre ; il faut jusqu’à dix-huit boîtes différentes pour une pièce, & la pièce est environ deux heures à descendre. Voyez les Mémoires de M. de S. Remi.

☞ ALLEZOIR. Outil d’Horlogerie, broche d’acier trempé, ronde, polie & un peu en pointe, servant à polir intérieurement & à accroître un peu les trous ronds dans lesquels on la fait tourner à force.

ALLEZURE. s. f. C’est ainsi qu’en termes d’Artillerie on appelle le métal qui tombe en bas lorsqu’on allèze des canons.

ALLI. petite rivière du royaume de Naples. Semirus, Allius. Elle arrose la Calabre ultérieure, & se jette dans le golfe de Squilace, à peu de distance au levant de la rivière de Cantazaro.

ALLIA. Voyez Ahia.

ALLIAGE. s. m. Mélange de divers métaux, ou d’un seul métal de différens titres. Metallorum permistio ac temperatio. On le dit particulièrement de l’or ou de l’argent, & des monnoies. Le titre des monnoies change suivant la quantité d’alliage qu’on y met. L’argent d’Allemagne est plus bas que celui de Paris, parce qu’on y met plus d’alliage. L’alliage pour les statues se fait moitié de cuivre rouge, & moitié de cuivre jaune. Félib. Charles le Chauve défendit que dorénavant il ne fût fait aucun alliage d’or ni d’argent dans le royaume. Le Blanc. Voyez les Capitulaires de ce Roi, T. II, fol. 117, §. 8.

Ce qui a donné lieu à l’alliage, est 1.o Le mélange des métaux, qui ne viennent pas des mines en leur entière pureté. 2.o L’épargne de la dépense qu’il faudroit faire pour les affiner. 3.o La nécessité de les rendre plus durs par quelque portion d’autre métal. 4.o La fonte des monnoies étrangères qui sont alliées. 5.o Les frais de la fabrication qui sont pris sur la monnoie. 6.o Le droit des Princes pour leur seigneuriage.

Alliage, se dit en Arithmétique du mélange de plusieurs choses ensemble de divers prix, ou de différente valeur. Par la règle d’alliage on suppute, ou le prix commun de ce mélange de choses de différente valeur ; ou combien il faut de chacune de ces choses pour en composer un mélange sur un certain pied, afin de les réduire à un certain prix, ou à un certain nombre.

Alliage, se dit aussi au figuré pour toute sorte de mélange & d’union. Conjunctio. Les élémens sont des êtres simples qui naissent du premier alliage des principes. Roh. Il n’y a guère de vertu si pure qu’il n’y entre quelque alliage.

ALLIAIRE. s. f. Alliaria. Plante qu’on appelle autrement Herbe des Aulx, & dans quelques endroits aillet, tous noms qu’on lui donne parce qu’étant écrasée, elle rend une odeur d’ail. Elle pousse plusieurs tiges à la hauteur d’un pied & demi, menues, un peu velues. Ses feuilles sont au commencement rondes, comme celles du lierre-terrestre, ensuite elles deviennent un peu longues, & dentelées tout à l’entour. Ses fleurs naissent aux sommités, blanches, petites, de quatre feuilles, & de filamens jaunâtres ; il leur succède de petites gousses longuettes, anguleuses, contenant des semences oblongues, menues, noires. Sa racine est longue, menue, dure, blanche, sentant l’ail. Cette plante croît le long des haies. Lorsque les vaches en mangent, leur lait & le beurre qu’on en fait a un goût d’ail, de même que les œufs des poules qui en ont mangé. C’est une espèce de Julienne, ou Hesperis. Quelques-uns l’appellent, Hesperis allium redolens. On s’en sert dans les sauces, & dans les ragoûts. Elle est bonne aussi pour faire uriner, contre le venin, contre les vieilles toux, & sur-tout contre la gangrène.

ALLIANCE. s. f. Liaison, union qui se forme entre deux personnes, ou deux familles, par le moyen d’un mariage. Affinitas, Affinitatis conjunctio. Il y a plusieurs alliances contractées entre ces deux maisons. L’heureuse alliance de la France & de l’Espagne. L’alliance est une cause de récusation. Les Romains blâmoient les alliances basses dans les Princes : elles choquoient leur amitié, dit Tacite. De Roch. La loi des douze Tables défendoit les alliances entre les personnes inégales de biens & de condition. Id. Les mariages étoient défendus en Portugal entre les hommes qui n’avoient jamais fait la guerre, & les filles des nobles. Id. Ce mot vient d’adligatio. Huet.

Alliance, se dit figurément en choses spirituelles & morales, pour affinité spirituelle. Il se contracte une alliance spirituelle au Baptême entre le parrain & la marraine, le pere & la mere du baptisé. La plupart des bourgeois s’appellent compere & cousin, & il n’y a rien de plus ordinaire entr’eux que ces noms d’alliance. Cail. Voy. Affinité.

Alliance, se dit aussi des unions des ligues, des traités qui se font entre des Souverains & des Etats, pour se joindre d’intérêt dans une défense commune. Fœdus. La triple alliance de la Hollande avec la Suède & l’Angleterre a été fort fameuse. Ainsi on dit, Jurer alliance avec quelqu’un. Ablanc. Recevoir quelqu’un en son alliance. Id. Rompre, quitter l’alliance de quelqu’un. Arn. C’est en ce sens qu’on dit, L’alliance de Dieu avec les hommes, ou avec son peuple. L’Arche d’alliance chez les Juifs étoit le coffre où étoient renfermées les Tables de la loi, qui contenoient les principaux articles de cette alliance.

☞ On dit l’ancienne & la nouvelle alliance, l’ancien & le nouveau Testament. L’alliance du Seigneur avec la race d’Abraham. Cette alliance dura depuis la vocation d’Abraham jusqu’à la venue du Messie. La nouvelle alliance ; celle que le Seigneur a faite avec tous les hommes par Jésus-Christ. Cette alliance dure depuis la venue du Messie, & durera jusqu’à la consommation des siècles. Ces deux alliances contiennent éminemment toutes les autres.

Alliance, se dit figurément pour Union, mélange de plusieurs choses. Societas, commercium. Faire alliance des maximes de l’Evangile avec celles du monde. Pasc. Il faut que l’art vienne au secours de la nature, parce que c’est leur parfaite alliance qui fait la souveraine perfection. Boil. L’alliance monstrueuse que vous faites de la sainteté avec les crimes les plus détestables, est une preuve que vous n’avez nulle idée de la piété. Nicol. Les alliances fermes & durables sont appelées des alliances de sel, parce que le sel est incorruptible, ou bien que le sel est le symbole de la sagesse, qui fait présumer qu’elles ont été faites avec mûre délibération.

☞ On appelle aussi alliance, l’anneau de mariage. C’est une bague faite d’un fil d’or & d’un fil d’argent entrelacés, ou une bague d’une seule matière, montée de deux pierres de différentes couleurs. Sponsalium annulus. Les femmes mariées portent une alliance au doigt.

☞ ALLIAR-ÆRIS. C’est ainsi qu’on appelle en Alchimie, le cuivre des Philosophes, c’est-à-dire, de ceux qui travaillent au grand œuvre.

ALLIBAWN. Contrée de l’Écosse septentrionale. Caledonia, Albania. C’est le pays des anciens Calédoniens, qui comprend aujourd’hui les Comtés de Ross, de Loquebar, & d’Athol.

☞ ALLIEMENT. s. m. Nom que les ouvriers qui se servent de la grue ou d’une autre machine à élever des fardeaux, donnent au nœud qu’ils font à la corde qui doit enlever la pièce.

☞ ALLIER. v. a. Mêler, incorporer ensemble plusieurs métaux par la fusion. Dans ce sens il est aussi réciproque. Metalla commiscere. On allie l’or & l’argent. L’or & le fer ne s’allient point ensemble pour se mêler, non pas même pour se souder, si ce n’est par le moyen du cuivre. L’étain fondu avec l’or s’allie tellement, qu’on ne le peut séparer, & il gâte toute une fonte. Ce mot vient d’alligare.

Allier, se dit figurément en Morale ; pour dire, joindre une famille à une autre par quelque mariage ; & alors il se dit avec le pronom personnel. Inire affinitatem. Cette maison s’est alliée plusieurs fois avec des Princes. S’allier en bon lieu, à une bonne famille, ou avec une bonne famille.

Allier, signifie aussi, en parlant d’États & de Souverains, se confédérer, se liguer pour les intérêts communs. Fœdus icere, sancire. Les Suisses se sont toujours alliés avec la France. C’est l’intérêt de leurs États qui allient les Princes.

Allier, se dit figurément pour Mêler, joindre ensemble. Jungere, conjungere, sociare. Vous alliez les loix humaines avec les divines. Pasc. Avec le pronom personnel, il se dit pour s’associer, se joindre. La miséricorde & la vérité s’allieront heureusement. Port-R.

ALLIÉ, ÉE. part. pass. & adj. Affinis, conjunctus, sociatus, fœderatus, dans le sens de leurs verbes.

Allié, est aussi substantif. Confédéré. Socius fœderatus. Les Rois ont grand soin de prendre les intérêts de leurs alliés. Assister, secourir les alliés. Cette République est notre alliée.

☞ On le dit encore substantivement, en parlant de ceux qui sont joints par quelque degré d’affinité. Affinis. C’est mon allié. Nous ne sommes pas parens ; nous ne sommes qu’alliés.

ALLIER. s. m. Ce mot n’est que de deux syllabes. Filet tendu sur deux bâtons, propre à prendre des cailles et des perdrix. On l’appelle aussi Trimallier parce qu’il est fait de trois doubles de mailles. Rete triplici hamulo consertum. Les alliers sont défendus par les Ordonnances.

Ces mots viennent du latin alligare, lier.

ALLIER. s. m. Vieux mot, qui signifioit autrefois certains oiseaux qui vivent de rapine, comme on l’a dit au mot Alérion, espèce d’oiseau de proie.

ALLIER. s. m. Rivière. Elaver. L’Allier sort de la montagne de Losève, la plus haute du Gévaudan, traverse l’Auvergne & le Bourbonnois, & se jette dans la Loire au-dessus de Nevers, à un endroit appelé pour cela Le Bec d’Allier. Os Elaveris. Allier est un nom formé par corruption, du nom latin Elaver, qui se trouve dans César. Pour le Bec d’Allier, quelques Auteurs veulent que ce soit une corruption de bucca Elaveris, la bouche d’Allier. Peut-être aussi a-t-on appelé cet endroit-là Bec, rostrum, à cause de la pointe de terre qui fait le confluent des deux rivières.

ALLIGATION. s. f. Quelques Arithméticiens ont appelé Règle d’alligation, ce que d’autres nomment Règle d’alliage.

ALLIGATOR. s. m, C’est le nom d’un animal de l’Amérique, que l’on voit principalement à la Jamaïque. L’Auteur de l’Etat présent des îles du Roi d’Angleterre, dans l’Amérique, dit qu’il y a peu de bêtes nuisibles dans cette île, excepté l’Alligator. Il y en a de 15 & 20 pieds de long. Ils se tiennent en embuscade dans les rivières & les étangs où les autres bêtes viennent boire. Ils ressemblent à une pièce de bois sec & immobile, qu’on croit pouvoir approcher sans rien craindre : ils ont quatre pieds avec lesquels ils marchent, & ils nagent & se remuent promptement, quoiqu’ils ne se tournent qu’avec difficulté. Ils sont armés sur le dos & sur les flancs d’écailles impénétrables, & on ne les peut percer que par les yeux & par le ventre ; ils pondent sur le sable des œufs de la grosseur de ceux des Poules-d’Inde, qu’ils laissent éclore au soleil. Ils attaquent rarement les hommes ; leur graisse est un baume souverain contre les douleurs des os & des jointures ; ils ont des testicules de musc, dont l’odeur est si forte, qu’elle les fait découvrir & fuir par les autres animaux. Tout cela ressemble si bien au Crocodile, que c’en pourroit bien être un, dont cet Auteur parle sous le nom d’Alligator.

☞ ALLINGUES. s. f. pl. Pieux que l’on enfonce dans une rivière flottable environ à une toise & demie de la berge, pour faire entrer le bois qui vient à flot, afin de le tirer plus commodément, & l’empiler sur la berge.

ALLIOTH. Terme d’Astronomie. C’est le nom d’une étoile de la queue de la grande Ourse, dont l’observation est d’un grand usage sur mer. Elle sert aussi à connoître la hauteur du pôle. Observez quand l’Allioth passe le méridien sous le pôle : prenez alors la hauteur de l’étoile polaire avec un quart de cercle, & de la hauteur trouvée, retranchez 2°. 25’, qui est la distance du pôle à l’étoile polaire, ce qui reste est la hauteur du pôle. Harr.

ALLOBROGE. s. m. Allobrox. C’est ainsi qu’on appeloit autrefois un ancien peuple de la Gaule Narbonnoise, peuple puissant, dit Polybe, Liv. XXX. Ch. 50. qui les appelle en grec, aussi-bien que Ptolémée, Ἀλλόϐριγες, Allobriges. Quelques-uns prétendent qu’Allobroges s’est dit pour Ariobriges, formé d’ἀρείος, martial, belliqueux, & brige, qui en cette langue signifioit Peuple, Nation. D’autres le dérivent d’ἄλλος Βρογλος ; & disent qu’il signifie une nation qui habite un pays coupé de montagnes & de vallées. Etienne Barlet a cru que ce nom étoit composé d’ἄλλος & de Αρέτος, & qu’ils le prirent par vanité ; pour dire, qu’ils étoient autres que des hommes mortels. Ils croyoient, ajoute-t-il, que le soleil est l’image corporelle de Dieu invisible, & ils l’adoroient par cette raison. Les Chaldéens nommoient Dieu Alla, & les Allemands Brux, ou Brox, toute médaille où est gravée une tête. D’Alla & de Brox, a été composé Allobrox. Ce sont des rêveries. Chorier a grande raison d’en juger ainsi. Un ancien Scholiaste de Juvénal dit, qu’en gaulois broga signifie champ, terre, & qu’Allobrox est composé de alius, autre, & broga, comme qui diroit un homme venu d’une autre terre, venu d’ailleurs ; mais le nom d’Allobroge étoit fait long-temps avant que la langue gauloise fût mêlée du latin : ainsi M. Bochard tire plus vraisemblablement ce nom de ברא, bro, qui en langage celtique, comme en hébreu, signifie, champ, terre. C’est ce qu’a voulu dire le Scholiaste de Juvénal, qui n’a pas su distinguer l’inflexion latine gis, gi, ga, des radicales bro. Al en cette occasion, comme en hébreu, על signifie haut ; desorte qu’Allobroge signifie celui qui habite un pays élevé, montagneux, des montagnes, un montagnard nom qui convient très-bien aux Allobroges, puisqu’ils occupoient depuis Genève jusqu’au Rhône, toute la Savoie & le Dauphiné, pays plein de hautes montagnes. Ptolomée dit que Vienne étoit la capitale des Allobroges. D’autres dérivent ce nom du grec Ἄρειος, qui signifie martial, belliqueux, de Ἄρης, Mars, & du gaulois Brig, qui signifie nation, peuple. Geofroy de Viterbe, Secrétaire des Empereurs Conrad III, Frédéric I, & Henri IV, dans l’onzième siècle, tire ce nom de celui d’une rivière nommée Labroga, sur les bords de laquelle les Allobroges, selon lui, habiterent d’abord. Borel dit qu’il vient d’al & de brava, parce que les Allobroges étoient un peuple de Gallia bracata : & ailleurs il dit qu’il vient d’al, tout, lo, hhut, & brig, ou brug, pont, ou tour, donjon, montagne, comme s’il y avoit berg. J. Picard, dans sa Celtopédie, Liv. III, pag. 136, a pensé que ce nom étoit grec, ἀπὸ των ἀλλων ϰαὶ του βρύειν, c’est-à-dire, de ἀλλος, autre & Βρύειν sourdre, être en mouvement, quod aliis, atque aliiis rebus movean tur, parce qu’ils étoient remuans, & qu’ils aimoient le changement. Il prétend que c’est à cela qu’Horace fait allusion, Epod. XVI. Novisque rebus infidelis Allobrox. Mais on peut dire contre ces étymologies, que dans les premiers temps, les lieux n’ont point donné le nom aux hommes, mais plutôt les hommes aux lieux. C’est un principe dont il ne faut guères s’écarter dans cette matière ; outre qu’il n’est pas sûr que les Allobroges aient habité d’abord les rivages de la Lobraga. Un nom grec pour les Gaulois, ou la composition d’un mot grec & d’un nom celte, ou gaulois, ne revient pas davantage, & Ἀλλοβριγες s’écrit par un iota. Il paroît que M. Bochard a été le plus heureux. César, Liv. I, Ch. 6. Ciceron, dans son Oraison pour Fonteius, Strabon, Liv. IV. Tite-Live, Liv. I. de la Décade III. Tacite, Liv. I. Hist. Ch. 66. Polybe, Liv. XXX. 50. M. Valois, Notit. Gal. sur Vienne, parlent des Allobroges. Les Anciens font mention du Sénat & du peuple des Allobroges. Aujourd’hui par Allobroges, nous n’entendons que les Savoyards ; & de là est venu que dans le style comique & familier, il est pris pour grossier, rustre, ou homme qui a le sens de travers. C’est un franc Allobroge. Traiter quelqu’un d’Allobroge. Acad. Fr. Il parle françois comme un Allobroge. Cette manière de parler n’est pas nouvelle, & nous trouvons dans Juvénal, Sat. VII, v. 214, qu’un certain Rhéteur gaulois, nommé Rufus, & qui eut de la réputation, traitoit Cicéron d’Allobroge par mépris. Voyez le II, Livre de l’Histoire de Dauphiné de Chorier.

ALLOBROGIE. s. f. Regnum, ou Ditio Allobrogum. Chorier prétend que le Royaume de Bourgogne a porté ce nom. Voici ses preuves & ses paroles. Gonrad, Abbé d’Usperg, écrivant que ceux qui étoient autrefois appelés Allobroges sont présentement nommés Bourguignons, dit que ce que nous appelons aujourd’hui Dauphiné, a été nommé autrefois Bourgogne. L’Auteur des Actes du Martyr S. Alban, publiés par Canisius, donne de même à Sigismond, fils de Gondebaud, le titre de Roi très-Chrétien des Allobroges. Guntherus, parlant à l’Empereur Frédéric I, dit aussi Allobrogum Regna, pour la Bourgogne. D’où il conclut : peut-on nier que le Dauphiné ou pays des Allobroges, n’ait été la principale province de cet État, puisqu’à cause d’elle tout le royaume de Bourgogne a été autrefois le royaume des Allobroges ?

ALLOBROGIQUE. adj. m. & f. Allobrogicus. Qui appartient, ou qui a rapport aux Allobroges. On donne le titre d’Allobrogique à Q. Fabius Maximus, pour avoir vaincu les Allobroges. Pline, Liv. VII, Ch. 50.

ALLOCATION. s. f. Terme de compte, qui se dit lorsqu’on approuve, & qu’on alloue un article, & qu’on le passe en compte. Computationis approbatio. Il y a la moitié des articles de ce compte qu’on dispute, dont on ne sauroit obtenir l’allocation. Ce mot vient du latin alloco.

ALLOCUTION. s. f. Harangue que les Généraux & les Empereurs Romains faisoient à leurs troupes. Allocutio. Le don de haranguer étoit d’un bien plus grand usage chez les anciens que parmi nous. Les Empereurs Romains s’en sont fait honneur sur leurs médailles. Ils donnoient le nom d’Allocution aux harangues militaires qu’ils faisoient à la tête des troupes, & la légende ordinaire des médailles frappées à ce sujet, est Allocutio. M. l’Abbé Tilladet donna en 1705 une Histoire chronologique de ces allocutions marquées sur les médailles des Empereurs Romains.

La première est de Caligula. Ce Prince y est représenté debout en habit long sur une tribune, d’où il harangue l’armée, dont on n’a représenté que quatre soldats, ayant le casque en tête & leurs boucliers en main, comme tout prêts à partir pour une expédition. Dans l’exergue on lit : Adloc. coh. c’est-à-dire, Adlocutio cohortium. La seconde est de Néron, au revers de laquelle on trouve à peu près le même type & la même légende : Adlocut. coh. La troisième est de Galba, représenté en habit de guerre avec le mot seul Adlocutio à l’exergue. La quatrième est de Nerva, représenté en habit long, sur une tribune près d’un temple. Derrière l’Empereur deux autres figures d’hommes aussi en habit long, & dans l’exergue Adlocvtio. Avg. Trajan est le cinquième, Adrien le sixième, qui nous fournit plusieurs types d’allocutions. En voici deux singulières. On voit derrière l’Empereur le Préfet du Prétoire, & dans l’exergue sur l’une : Adlocvtio coh, Prætor. & sur l’autre, coh. Prætor. sans Adlocutio. Dix autres médailles d’Adrien, le représentent haranguant en habit de guerre, & plus ordinairement même à cheval, & pour légende : Exercitvs Britannicvs, Cappadocicvs, Diacicvs, Germanicvs, Hispanicvs, Mavretanicvs, Mæsiacus, Noricvs, Rhæticus, Syriacvs. On en trouve ensuite dans M. Aurèle, dans Luce Vère, dans Commode. Mais dans celui-ci la légende est : Fides exercitvs p. m. tr. p. XI. Imp. VII. cos. V. pp. Septime Sévère, Caracalla, Géta ont le même type & de semblables légendes. Macrin, pm. tr. p. Sévère Alexandre, Adlocvtio avg. cos. pp. Gordien le pere, les deux Philippe pere & fils, que quelques-unes de leurs médailles nous représentent tous deux ensemble debout sur une tribune haranguant leurs troupes. Une médaille de moyen bronze très-rare représente Valérien & Gallien en regard : Concordia Avgvstorvm. Au revers ces deux Princes debout sur une tribune, ayant derrière eux le Préfet du Prétoire : Adlocvtio Avgvstor. Posthum. a trois types différens d’allocutions, sans le mot Adlocvtio, mais avec Exercitvs Avg. Exercitvs isc. Exercitvs vac. Tacite, Adlocvtio Avg. Probus, Adlocvtio militum. Numérien & Carin son frere, Adlocvtio Avg. Enfin le dernier dont nous ayons une allocution est Maxence. L’inscription est Adlocvtio Avg. & dans l’exergue, Rep. Voyez l’Hist. de l’Acad. des Inser. T. I. p. 240.

Allocution, se dit aussi de la médaille qui représente une allocution. Voilà une belle allocution, & bien conservée. Toutes les allocutions sont estimées. Plus les revers ont de figures, plus ils sont à estimer, particulièrement quand ils marquent quelqu’action mémorable. Par exemple, la médaille de Trajan, Regna adsignata, ou il paroît trois Rois au pied d’un théâtre, sur lequel on voit l’Empereur qui leur donne le diadème. Le Congiaire de Nerva a cinq figures : Congiar, P. R. Une allocution de Trajan, où il y a sept figures. Une d’Adrien au peuple, où il y en a huit sans légende. Une autre aux soldats, où il y en a dix. Une médaille de Faustine, Pvellæ Favstinianæ, où il y en a douze ou treize. Une Allocution de Probus qui a douze figures. Vota publica de Commode, où il y en a dix. Science des Médailles.

ALLODIAL. adj. Qui est en franc-alleu, exempt de toute charge & redevance. Immunis, Liber. En latin barbare, allodialis. Cet héritage est allodial : il ne paye point de lods & ventes, & n’est sujet à aucunes redevances. Les fonds allodiaux ne reconnoissent aucun supérieur en féodalité. Propriétaires & possesseurs d’héritages allodiaux. Allodial est opposé à féodal.

ALLODIALITÉ. s. f. Immunitas. Qualité de ce qui est allodial, franc-alleu, indépendance d’une terre, ou d’un héritage. Louis XIII, par une Déclaration du 4 Décembre 1641, ordonna que toutes personnes nobles & roturières, propriétaires & possesseurs d’héritages allodiaux, & franc-Bourgage, & franche-Bourgeois, qui n’ont justice, fussent & demeurassent confirmées, & leurs successeurs à perpétuité, à leur allodialité ; le tout en payant chacun d’eux les sommes auxquelles ils seroient modérément taxés. Tessereau.

ALLOISE. s. f. Charge, Dignité ou Juridiction d’Alloué. On trouve dans l’Histoire de Bretagne, Tom. II. p. 1085. que le Duc François donna au Duc de Rays Amiral de France, & à ses héritiers, privilége de congié & de menée à se délivrer à ses généraux plaids de Nantes, au quint jour d’iceux, sans que eux, leurs Officiers & Sujets, &c. soient tenus obéir à l’Alloise de Nantes.

☞ ALLOGNE. Voyez Alogne.

☞ ALLONGE, ALLONGEMENT, ALLONGER. Voyez Alonge, Alongement, Alonger.

ALLOUER. v. a. Approuver quelque point, ou article, passer une dépense employée dans un compte. Approbare. Cet article a été alloué après qu’on en a représenté la quittance. Pasquier dit que ce mot vient de los, ancien mot François, qui signifie louange, ou approbation. Et en effet, il vient du mot elaudare, qui signifie approuver, selon Nicod. D’autres le dérivent de allocare, disant qu’il vient de locum dare : d’autres de locare, conducere ; ce qui convient aux compagnons artisans, qu’on appelle Alloués.

Allouer, se dit quelquefois dans les conversations. Cette proposition est trop hardie, c’est un article qui ne passera pas, qui ne vous sera point alloué. Il s’en faut beaucoup qu’on ne vous alloue tout ce que vous dites. Cela est mauvais, même en conversation.

ALLOUÉ, ÉE. part. Approbatus.

Alloué. adj. pris substantivement. Se dit chez les artisans, des Compagnons qui ont fait le temps de leur apprentissage, & qui s’engagent encore pour quelque temps à servir les Maîtres. Locatus, Conductus. Les Compagnons sont ceux qui servent à la journée, & les alloués, ceux qui ont promis de servir pendant quelque temps.

Alloué. C’est aussi un garçon qui s’engage pour un temps chez un Maître, sans avoir fait d’apprentissage. Il y peut apprendre la profession ; mais cela ne lui donne pas droit de parvenir à la Maîtrise.

Autrefois alloué s’est dit du Lieutenant-Général du Sénéchal, & particulièrement en Bretagne. Judex subsidiarius. Une réformation des Ordonnances de l’Hôtel du Duc de Bretagne, faite le premier Avril 1415, porte Alloués, ou Baillifs. L’Alloué de Rennes, &c. Voyez l’Histoire de Bretagne du P. Lobineau, T. II p. 916. Alloué se dit aussi de celui qui agit au nom de quelqu’un : on l’appelle aujourd’hui Procureur ; on le trouve en ce sens dans les vieux titres, lui, ou ses alloez.

ALLOUTNEUR. Petite ville de l’île de Céilan. Allutneura. Elle est dans le royaume de Candy, sur la rivière de Mauwillagougue, que les Cartes nomment Tranquilemale, ou Vintana, entre l’embouchure de cette rivière & la ville de Candy. Au reste il est à remarquer que tous ces noms sont peu connus dans le pays.

ALLOUVI, IE. adj. Qui a une grande faim, telle que celle d’un loup, qui est difficile à rassasier. Famelicus. Les jeunes gens qui sortent d’une maladie sont allouvis ; ils veulent manger par excès. Ce mot vient de loup, de lupus. Il est bas, & ne se dit que par les nourrices de Paris. Cet enfant est tout allouvi.

ALLOUYSE. s. f. Charge, dignité d’Alloué. Judicis Subsidiarii dignitas, munus, Magistratus. Hist. de Bretagne, Tom. II. p. 1199. Institution pour M. Raoul Pastourel de l’Allouyse de Nantes. On a dit aussi Alloise.

ALLOI. Voyez Aloi.

ALLOYAGE. s. m. Voyez Aloyage,

ALLOYÉ. Voyez Aloyé.

ALLOYER. Voyez Aloyer.

ALLUCHER. v. a. Vieux mot. Allumer.

Luxure est un péché que gloutonie alluche.
Et si le fait flamber plus sec que séche buche.

ALLUCHON. s. m. Le bout d’un hérisson, qui est une espèce de dent, ou de pointe, qui entre dans les fuseaux, ou la lanterne des moulins, & autres machines qui se meuvent par roues & pignons.

ALLUCZN. s. m. Voyez Aman, montagne.

ALLUMELLE. Voyez Alumelle.

ALLUMER. v. a. Produire de la lumière en mettant le feu à quelque matière combustible, capable de donner de la clarté. Accendere. Allumer un flambeau. Allumer la lanterne. Allumer la chandelle, des bougies.

On le dit aussi du feu qu’on attise, & qu’on souffle simplement pour avoir de la chaleur. Ignem suscitare. Il est aussi réciproque. En soufflant le feu il s’allume. Le feu d’une forge s’allume davantage en y jetant quelques gouttes d’eau.

Allumer, se dit figurément en Morale des passions, & signifie, enflammer, exciter, Incendere, Inflammare. Son excuse au lieu d’adoucir son maître, a allumé sa colère. Ce n’est pas peu pour vous d’avoir allumé le cœur d’un homme aussi froid que je suis. Volt. La loi de Dieu excite, & allume en nous son amour de plus en plus. Port-R. Les efforts qu’on fait pour se délivrer de l’amour, ne servent bien souvent qu’à l’allumer, La Bruy.

Ma flamme par Hector fut jadis allumée :
Avec lui dans la tombe elle s’est renfermée. Rac.

Il y a des boutefeux qui allument des séditions, des guerres. On dit, qu’une violente passion allume les humeurs ; pour dire, qu’elle les fait fermenter, & les met dans une disposition prochaine à la fièvre. Acad. Fr. Il est aussi réciproque au figuré. Si la guerre vient à s’allumer. La bile s’allume. On dit aussi en débauche, allumer la lampe ; pour dire, verser du vin dans un verre à quelqu’un pour l’obliger à boire.

ALLUMÉ, ÉE. part.

Allumé, en termes de Blason, se dit des yeux, quand ils sont d’un autre émail que le corps de l’animal. Rubris oculis. Robert I, Duc de Bar, portoit d’azur à deux bars, ou barbeaux d’or, dentés & allumés d’argent.

Allumé, se dit aussi de la flamme d’un bûcher, d’un flambeau, & d’un bâton qui est brûlant. Saint François de Paule portoit d’or au phœnix de gueules, sur un bucher allumé de même.

☞ On le dit aussi des yeux qui sont d’un autre émail que le corps de l’animal.

ALLUMETTE. s. f. Petit fétu de bois sec, ou de roseau trempé dans du soufre, qui sert à allumer la chandelle. Sulphuratum. On dit du mauvais bois à brûler, qu’il brûle comme des allumettes.

Ces mots viennent de la préposition ad, & de lumen, lumière, qui vient de lucere, luire.

ALLUMEUR. s. m. Celui qui allume le feu, les bougies, les chandelles, &c. Ceux qui ne sortent point de dessus le théâtre, & ceux qui n’y montent jamais ; les premiers personnages, & les allumeurs de chandelles ; tout cela sera égal à la fin de la Comédie. Bussy.

ALLURE. s. f. La manière de marcher, démarche, façon d’aller. Incessus, ingressus. On connoît bien des gens à leur allure.

Allure, se dit du train, de la façon d’aller du cheval. Gradus. Ce cheval a l’allure froide ; pour dire, qu’il ne leve pas assez le genou, ni la jambe, & qu’il rase le tapis. Ce barbe a de belles allures ; pour dire, qu’il a la marche belle. Il n’y a personne qui puisse parfaitement dresser un cheval, qu’il ne sache exactement toutes les allures naturelles, & les actions des jambes. Newcast. Les allures naturelles sont le pas, ou petit trot, le trot, l’amble, le galop. Si le cheval continue à falsifier son allure, donnez-lui de l’éperon dans la volte. Id.

Allures de Cerf. Ce sont les endroits par où il passe. Cervi viæ.

Allures, se dit aussi au figuré, en parlant de la conduite, & des intrigues de quelqu’un. Agendi ratio, Consilia, Artes. J’ai bien reconnu à ses allures qu’il briguoit secrétement cet emploi. Il se prend ordinairement en mauvaise part. Un homme qui a des allures, veut dire, un homme qui voit mauvaise compagnie, ou qui a quelque mauvais commerce qu’il cherche à cacher. En ce sens il est du style familier.

Ce mot a la même étymologie que son verbe aller.

ALLUSA. Voyez Allath.

ALLUSION. s. f. Terme de Rhétorique. ☞ C’est une figure par laquelle on fait sentir le rapport que des choses ou des personnes ont entre elles. Si c’est un simple jeu de paroles, elle est toujours froide & insipide. Annominatio, Lusus in verbis. L’affectation des allusions est extrêmement vicieuse en France. Et même sans affectation, elles passent pour froides, à moins qu’elles ne soient fort heureuses. Mais on peut élégamment faire allusion à quelque apophthegme, à quelque histoire, à quelque coutume, lorsqu’on dit quelque chose qui y a du rapport, & qu’on veut faire entendre au lecteur, ou à l’auditeur, qu’on y a pensé en l’écrivant. Rei alterius ex altera notatio.

ALLUVION. s. f. Accroissement de terrain qui se fait le long des rivages de la mer, ou des grandes rivières, par les terres que les eaux y apportent, ou qu’elles laissent à découvert lorsqu’elles se retirent, & qu’elles prennent leur cours d’un autre côté. Alluvio. Le Droit Romain met l’alluvion entre les moyens légitimes d’acquérir par le droit des gens. Il définit l’alluvion, un accroissement lent & caché ; parce qu’il faut que cela arrive presqu’imperceptiblement. Car si un débordement subit de la rivière détachoit une portion considérable d’un fonds pour le joindre à un héritage voisin, en ce cas cette portion n’est point censée acquise par le droit d’alluvion, & le premier propriétaire la peut reclamer. Les alluvions ont éloigné Aigues-mortes de la mer, où il y avoit un port du temps de Saint Louis. Cette île s’est faite par alluvion ; le Seigneur voisin prétend qu’elle est à lui par droit d’alluvion. Ce mot vient du latin alluo, baigner.

ALLYRE. s. m. Illydius. Voyez Alire.

ALM.

ALMA. Rivière de la presqu’île de la petite Tartarie. Alma. Elle se nomme aussi Baciesarey, & prend ces deux noms de deux villes qu’elle arrose. Samion l’appelle aussi Krabara.

☞ ALMAÇAREN. Petite ville d’Espagne, au royaume de Murcie, sur le rivage de la mer, à six lieues de Carthagène.

ALMACHARANA, ou ALMACHARAMA. Ville de l’Arabie-Heureuse. Almacharana, Almacharama. Elle est dans la principauté de Moca, entre les villes d’Aden & de Saada. On juge que c’est l’ancienne Saphar.

ALMADE. Ville de l’Estramadure Portugaise. Almada. Elle est à l’embouchure du Tage, vis-à-vis de Lisbonne.

ALMADIE. s. f. Terme de Marine. Ce sont de petites barques de quatre brasses de long, faites souvent d’écorce de bois, dont usent les sauvages de la côte d’Afrique. Cymbulæ. C’est aussi un vaisseau des Indes, long de 80 pieds, & large de six ou sept, qui ressemble à une navette, à la réserve de son derrière, qui est carré. Voyez Almodia.

ALMAGESTE. s. m. Terme qui se dit d’un livre fameux composé par Ptolémée, où il a recueilli un grand nombre de problèmes des Anciens, servant à la Géométrie & à l’Astronomie. Almageste Ptolemæi. Il est intitulé en grec, σύνταξις μέγιστη ? Ce dernier mot joint avec l’article arabe al, lui a fait donner le nom d’Almageste par les Arabes, quand il fut traduit par l’ordre de Maimon, Calife de Babylone, vers l’an 800. Almagesthi est le nom arabe ; & nous en avons fait Almageste. Le Pere Jean-Baptiste Riccioli a fait aussi une Astronomie réformée, qu’il appelle Almageste nouveau, où il a compilé toutes les observations des Astronomes anciens & modernes, & en a conféré les hypothèses.

ALMAGRO. Ville de la Manche, contrée de la Castille nouvelle, en Espagne. Almagrum. Elle est au levant de Ciudad-Réal.

ALMAGUER & ALMAGRO. Ville du royaume de Popayo, dans l’Amérique méridionale. Almagrum, Almagra. Elle est sur une montagne, d’où sort la rivière de Cauca.

☞ ALMALIG. Ville d’Asie, dans le Turquestan. Les Géographes Arabes lui donnent 102 d. 30 m. de long. & 44 d. de lat. sept.

ALMANACH. s. m. Calendrier ou table où sont écrits les jours, & les fêtes de l’année, le cours de la lune, les éclipses, les signes du zodiaque dans lesquels le soleil entre, & des pronostics sur la diverse disposition de l’air. Ephemeris, Lunarium motuum Ephemeris, Calendarium. Cardan a fait un Traité de supplemento Almanach.

Ce mot est arabe, compose de l’article al & de mana, qui signifie compter. Nicod. C’est aussi l’opinion de Saumaise dans ses prolégomènes sur Solin. Covarruvias dit, que selon quelques-uns, ce mot vient de manach, qui signifie, selon eux, Calendrier. Il ajoute que Diégo Durréa assure que la terminaison arabe de ce mot est manaquebu, du verbe necaba, qui signifie, prédire l’avenir. Cependant il soutient que ces deux sentimens ne reviennent qu’à une même chose. Car l’hébreu manach signifie nombrer, supputer. Or tout le monde sait que les Almanachs ne consistent qu’en supputations Astronomiques. Scaliger dit qu’il a été fait de l’article al, & de Μὴν, mot grec, qui signifie mois. Scaliger, sur le Culex de Virgile, prétend que les Arabes l’ont pris du grec μονακὸς, qui signifie cours des mois, en préposant leur article al, comme alambic, almageste, alchimie. D’autres croient que ce mot vient des Egyptiens, long-temps avant les Arabes. Du Cange. Ménage dit que les Arabes l’ont fait du Persan salmaha, qui signifie, la période de la lune. M. Chastelain, dans ses Notes sur le Martyrologe, au I. Janvier, dit qu’il vient du mot hébraïque manha, (il falloit dire minhha) avec l’article al des Arabes. Manha, ajoute-t-il, signifie, présent, ou don. Et le savant Golius, en ses Notes sur les Elémens Astronomiques d’Alfragan, dit, que presque dans tout l’Orient, les sujets font des présens aux Rois au commencement de l’année, & entre autres les Astrologues, qui leur donnent les éphémérides de l’année qui commence ; d’où, dit-il, ces éphémérides ont été nommées Almanha, c’est-à-dire, Etrennes. Cornélius Kiliam croit que le mot Almanach est un mot Allemand, & que Almanach est comme si l’on disoit almaen acht, Omnium lunarum totius anni consideratio, Considération de toutes les lunes de l’année.

L’Almanach du Palais est celui où sont marqués les jours où le Parlement ne s’assemble pas. Fori ephemeris, Calendarium. Almanach historial, est un journal où on marque quelques histoires mémorables au jour où elles sont autrefois arrivées. Fasti. On appelle ordinairement Almanach de l’Observatoire, le petit livre intitulé, Connoissance des temps, qui paroît tous les ans, & qui contient plusieurs supputations Astronomiques : on l’attribuoit à Messieurs de l’Observatoire, ou de l’Académie des Sciences, quoique M. le Févre ou M. Lieutaud, ou quelque autre particulier en fût seul l’Auteur, & que les autres n’y eussent d’autre part que d’y avoir fourni quelques mémoires, sans garantir tout le reste. En 1703, on a donné une nouvelle forme à cet ouvrage ; Messieurs de l’Académie des Sciences y ont eu plus de part qu’auparavant ; c’est par leur ordre & sous leur direction, que M. Lieutaud a fait les calculs Astronomiques, & y a ajouté plusieurs mémoires & remarques très-curieuses, que l’Académie lui a fournis. Par une Ordonnance de Charles IX, aux États d’Orléans en 1560, art. 26, il est défendu à tous Imprimeurs & Libraires, d’imprimer, ou exposer en vente aucuns Almanachs & pronostications, qu’auparavant ils n’aient été visités par l’Archevêque ou Evêque, ou ceux qu’il commettra ; & il est ordonné qu’il soit procédé par les Juges extraordinairement, & par punition corporelle, contre celui qui aura fait & exposé lesdits Almanachs. Henri III confirma cette Ordonnance aux États de Blois en 1579, art. 36. Il veut qu’ils soient approuvés par des certificats signés de la main des Archevêques ou Evêques, & qu’il y ait aussi permission du Roi ou des Juges ordinaires. Louis XIII confirma ces ordonnances le 20 Janvier 1628, & fait défenses à toutes personnes de faire ni composer aucuns Almanachs & prédictions hors les termes de l’Astrologie licite ; même d’y comprendre les prédictions concernant les états & personnes, les affaires publiques & particulières, soit en termes exprès, ou couverts & généraux ; ni autres quelconques, & d’y employer & mettre autre chose que les lunaisons, éclipses & diverses dispositions & tempéramens de l’air, & dérèglemens d’icelui. De la Marre.

On dit proverbialement, je ne prendrai pas de vos Almanachs ; pour dire, je ne prendrai pas votre conseil sur l’avenir ; vos prédictions ne sont pas sûres. J’ai beau dire la vérité, on ne prend plus de mes Almanachs. Ablanc. On appelle un faiseur d’Almanachs, celui qui s’amuse à faire des prédictions en l’air ; qui se mele de prédire des choses qui peuvent n’arriver jamais. Faire des Almanachs, c’est faire de pareils pronostics. On dit aussi d’une personne qui se ressent de quelque infirmité à tous les changemens de temps, que son corps est un Almanach.

ALMANDINE, ou ALABANDINE. s. f. Pierre précieuse. Alabandica gemma. C’est une espèce de rubis beaucoup plus tendre, & plus léger que le rubis oriental, & qui tire plus sur la couleur du grenat, que sur celle du vrai rubis. Elle est pourtant au nombre des pierres les plus estimées, quoiqu’elle cede au vrai rubis. Ce mot vient d’Alabanda, ville de Carie, d’où Pline dit qu’on l’apporte.

☞ ALMANSA. Petite ville de la nouvelle Castille, sur les frontières du royaume de Valence, remarquable par la bataille qui s’y donna entre l’armée du Roi d’Espagne, commandée par le Duc de Barwik, & celle des Alliés, commandée par le Lord Gallowai & le Marquis de las Minas.

ALMANZA. La Sierra d’Almanza. Voyez Singe. La montagne des Singes.

ALMAQUE. s. m. & nom d’homme. Almachius. Saint Almaque, appelé Télémaque par Théodoret, fut massacré par les gladiateurs, ou par le peuple, lorsque ce Saint tâchoit de le retirer des spectacles des jeux séculaires qu’Honorius avoit permis aux Gentils de Rome. Honorius, touché de la généreuse résolution de ce Saint, supprima entièrement ces spectacles, & fit mettre Almaque au nombre des martyrs. C’est peut-être dans la vue de cet heureux succès, & de cette victoire de l’Eglise sur le Paganisme, que Théodoret a donné à ce saint Martyr le nom de Télémaque, qui veut dire fin du combat. Il se peut faire aussi que par une altération de nom, qui n’est pas sans exemple, celui que les Grecs appeloient Télémaque, ait été nommé depuis Almaque par les Latins. Baill. Le P. Ruinart croit aussi, après Baronius & Bollandus, que Almaque est le même que le Télémaque de Théodoret, Hist. Eccl. Liv. V. ch. 6. Chastelain est d’un sentiment contraire. Il veut, avec Galésinius, qu’il ait souffert sous Dioclétien. Voyez ses Notes sur le Martyrologe au premier jour de Janvier. Wake, Protestant Anglois, dans un Livre écrit contre la vie de S. Ignace par le P. Bouhours, & intitulé, De l’Enthousiasme, a donné dans des imaginations qui font voir le peu de connoissance qu’il a des anciens manuscrits. Il prétend que quelque Moine ignorant du 7 ou 8e siècle, voyant au haut du calendrier, S. Almanachum écrit par abréviation, selon la coutume de ce temps-là, S. Almanachum, prit ce mot peu usité alors, pour le nom de quelque Saint, lui donna une terminaison en us, & le plaça après la fête de la Circoncision. Mais cette fausse conjecture n’est pas difficile à réfuter. 1.o Il ne sauroit faire voir un seul manuscrit, quelque ancien qu’il puisse être, soit de calendrier, soit de martyrologe, qui ait pour titre le mot d’Almanachum. 2.o On ne trouve pas que ce mot ait jamais été en usage dans la langue latine. 3.o Quand ce mot auroit été en usage, ce n’eût pas été au titre du premier Janvier qu’on l’auroit mis, mais au titre du 25 Décembre, qui est le jour où commencent les plus anciens Martyrologes. Chastel. Voyez encore M. de Tillemont, Hist. des Emp. T. V. p. 805, 806.

ALMARAZ. Ville de l’Estramadure, en Espagne. Almarasium. Elle est sur le Tage, entre Placentio & Truxillo.

ALMATH, ou ALMON. Ville de la Terre-Sainte. Almath, Almon. Le premier nom se trouve au premier Paral. VI. 60. & le second dans Josué, XXI. 8. Adrichomius en fait deux villes ; mais en comparant ces deux endroits de l’Ecriture, on voit que ce n’en est qu’une. Elle étoit dans la tribu de Benjamin, & fut donnée aux Lévites.

ALMAZ. Ville de la basse Hongrie. Alisca, Almaza. Elle est sur le Danube, vis-à vis de Colocz. Quelques Géographes la prennent pour l’ancienne Amatia, Anamatïa, Anamascia, que d’autres placent à Mahacz, & d’autres à Cinq-Eglises.

ALMAZAN. Ville de la vieille Castille, en Espagne. Almazanum. Elle est sur le Douro, entre Soria & Siguença.

ALME. Petite rivière d’Allemagne. Alma, Alizo. Elle a sa source dans le Duché de Westphalie, entre dans l’Evêché de Paderborn, & se joint à la Lippe, près de Paderborn.

ALMÉDINA. Voyez Elmédine.

ALMÉLOO. Bourg considérable de l’Owerissel, l’une des Provinces-Unies. Il est dans la contrée de Twente. Almeloa.

ALMENDRALÉJO. Bourg de l’Estramadure d’Espagne, au midi de Mérida. Almendralegium.

ALMÉNE. s. f. Poids de deux livres, dont on se sert pour peser le safran dans plusieurs endroits du continent des Indes Orientales.

ALMÉRIE. Nom de lieu. Almeria. Il y a Almérie, en Espagne, sur la côte du royaume de Grenade, à six lieues du cap de Gate. Almérie, dans l’Amérique septentrionale, est une ville de l’Audience du Mexique, dans la province de Tlascala, sur le golfe du Mexique où elle a un bon port. Les Américains l’appellent Naothlan ; c’est le nom de la rivière voisine.

ALMERIN. Bourg de l’Estramadure de Portugal. Almerinum. Il est sur le Tage, vis-à-vis de la ville de Santarcin.

☞ ALMEYDA. Ville de Portugal, dans la province de Tra-los-montes, à deux lieues de la frontière de Castille, à six de Ciudad Rodrigo.

ALMICANTARATS. s. m. pl. Voyez Almucantara.

ALMISSA. Petite ville de Dalmatie. Alminium, Peguntium. Elle est sur la Cettina, vis-à-vis de l’île de Brassa.

ALMISTA. Montagne qui fait un cap de l’île de Chio. Arvisius mons. Voyez Marvoisie. C’est la même chose.

ALMODAVAR DEL CAMPO. Ville de la nouvelle Castille, en Espagne. Almodavaria campestris. Elle est à quelques lieues au midi de Ciudad-Réal.

ALMODIA. s. f. Cymba. Espèce de barque, ou chaloupe, dont les Nègres, sujets & esclaves des Portugais, se servent dans les Indes Orientales. Les Almodias sont fort larges par en haut & très-étroites de quille, laquelle est si grande en quelques-unes, que quoiqu’elles ne soient faites que d’une seule pièce, elles ne laissent pas d’être aussi longues que les bords même, comme celles de Goa. Celles qui sont les plus étroites de bord, sont faites de plusieurs ais cousus avec du cuir, & gaudronnés, dont l’on appelle les plus grandes, Coches ; & elles dansent si fort sur l’eau, qu’il semble qu’elles doivent renverser à tous momens ; mais les Nègres s’y tiennent fort assurés, quelque chargées qu’elles soient, & quelque tempête qu’il fasse. Wicquefort. Amb. de Figuer. Le plus grand nombre des Auteurs disent Almadie. Voyez ce mot.

ALMOHADE. s. m. C’est le nom de la quatrième race des Rois de Maroc & de Fez. Le premier des Almohades fut un Maître d’école nommé Abdalla, qui trouva le moyen de monter sur le trône vers le milieu du XIIe siècle : ce fut au commencement du XIIIe siècle pendant les dissensions des dix Almohades, fils de Mohammed-Euazir, que les Gouverneurs des provinces se révolterent & formerent les royaumes de Grenade, de Trémuen, de Tunis, de Tripoli, &c. D’Herbel.

ALMON. Voyez Almath.

ALMON. s. m. Petite rivière qui coule dans la vallée appelée Egérie, près du Cirque de Caracalla, hors la porte Capene de Rome, & qui va se perdre dans le Tibre. Almo. Sa source étoit en grande vénération, parce que ses eaux étant minérales, guérissoient la gale des animaux. Les Prêtres de Cybèle tous les ans au sixième jour avant les kalendes d’Avril, avoient coutume de laver dans cette rivière la statue de la Déesse, son charriot, les lions qui y étoient attelés, & les sacrés couteaux de Phrygie, qui servoient aux sacrifices dans l’endroit où cette rivière baigne la voie Appia. Ovid. Fast. 4. 337. On la nomme aujourd’hui Acqua d’Accia. Pitiscus, Lex.

ALMONACID. Bourg de la nouvelle Castille, en Espagne. Almonacida, Recipolis nova. Il n’est qu’à quelques lieues de Tolède. Almonacid a été bâti des ruines de l’ancienne Récipolis, qui n’en étoit pas éloignée.

ALMONDAURY. Village du Comté d’Yorck, en Angleterre. Almondaurium. Il est à trois lieues au midi du bourg d’Halifax. On voit près d’Almondaury les ruines de l’ancienne ville Cambodunum, Campodunum, Camulodunum.

ALMONDE. s. f. Mesure de Portugal, qui sert à mesurer les huiles. Chaque almonde est composée de douze canadors, & le canador est semblable à la mingle ou bouteille d’Amsterdam. On dit aussi, Almude.

ALMORAVIDE. s. m. Nom de peuple. Les Almoravides habitent dans l’Afrique vers le mont Atlas. Les Almoravides s’emparerent du royaume de Fez, après avoir chassé les Zénétes, l’an de Jésus-Christ 1052, & y régnerent cent ans ou environ, jusqu’aux Almohades.

ALMOUCHIQUOIS, OISE. s. m. & f. Almuchiquius, a. C’est une nation de la Nouvelle France, dans l’Amérique septentrionale, au midi de Québeck.

ALMOUMÉNIN. s. m. Terme Arabe, qui signifie Prince ou Commandant des Croyans. Almumeninus, Pistarchus. Les successeurs de Mahomet prirent le titre de Califes, c’est-à-dire, Vicaires du Prophète ou d’Almouménins, Princes ou Commandans des Croyans. De Vertot, Hist. de Malte, L. I. p. 11.

☞ ALMOUT, ou ALAMOUT. Ville de la Province de Ghilan, en Asie, avec un Château. Elle a été la principale retraite des Bathéniens.

ALMOXARISFASGO. s. m. On nomme ainsi dans quelques ports de l’Amérique Espagnole, particulièrement à Buénos-Ayres, un droit de deux & demi pour cent de la véritable valeur des peaux de taureaux, qui se payent au Roi d’Espagne, pour la sortie des cuirs qui s’embarquent sur les vaisseaux d’Europe.

ALMSTAD. Ville de Suède. Almstadium. Elle est dans la province de Smalande, aux confins de celle de Bleking, entre Herlunda & Elleholm.

ALMUCANTARAT, ou ALMICANTARAT. s. m. Terme d’Astronomie. Ce sont des cercles parallèles à l’horizon, qu’on s’imagine passer par tous les degrés du méridien. Les méridiens passent par tous les degrés de l’équateur, & les Almucantarats passent par tous les degrés du méridien de chaque lieu. Tous les Almucantarats sont parallèles à l’horizon, & ont les même pôles, savoir le Zénith & le Nadir. Les Almucantarats sont à l’égard des Azimuths & de l’horizon, ce que les cercles qu’on appelle simplement parallèles, sont à l’égard des méridiens & de l’équateur. Messieurs Furetière & Corneille écrivent Almucantara, & le dernier avertit qu’il n’y a que quelques-uns qui disent au pluriel Almucantarats. Ce sont ceux qui savent l’Arabe, & qui expriment la manière dont ce mot est écrit en cette langue. M. d’Herbelot, qui écrit le mot Arabe Almocantharat, comme il faut l’écrire, dit cependant Almucantarats au pluriel, quand il explique en François, ce que c’est. Ils servent à montrer la hauteur du soleil & des astres, & sont décrits en plusieurs quadrans & sur l’Astrolabe. Ce mot est tiré de l’Arabe Almocantharat.

ALMUDAVAR. Village du royaume d’Arragon, en Espagne. Almudavaria. Il est au nord-ouest d’Huesca. C’est l’ancienne Burtina, ou Bortina des Ilergètes.

ALMUDE. s. m. Mesure portugaise des choses liquides. Almudes, is. Car il n’y a point de mesure Romaine qui réponde à celui-ci ; ainsi il faut latiniser son nom, dit le P. Bulteau dans son Dictionnaire portugais. Almude est un mot composé de l’article des Arabes al, & du mot latin Modius ; comme si l’almude étoit le modius vini des Romains, qui, selon Bude, étoit un grand vase de vin. L’almude portugaise contient douze canadas ou quarante-huit quartilhos, octo & quadraginta quadrantes.

ALMUGÉE. Terme d’Astrologie. Deux planètes sont dans leur almugée, lorsqu’elles se regardent du même aspect que leurs domiciles. Jupiter & le Soleil sont dans leur almugée, lorsqu’ils se regardent de trine, parce que le lion & le sagittaire, qui sont leurs maisons, se regardent aussi de trine.

ALMUNÉCAR. Ville d’Espagne. Almunecara. Elle est dans le royaume de Grenade, au midi de la ville de Grenade, sur la côte, où elle a un port & une citadelle. Quelques-uns la prennent pour l’ancienne Ménoba, mais sans preuves suffisantes.

ALMUNHA. Village d’Arragon, au royaume d’Espagne. Almunia. Il est entre Sarragosse & Calatayud, sur la rivière du Xalo. Quelques Géographes prennent Almunha pour l’ancienne Nertobriga, ville des Celtibériens, que d’autres mettent à Ricla, & d’autres à Rota, village voisin de Ricla.

ALN.

ALNE. s. f. Rivière d’Angleterre. Alaunus, Halænus. Elle est dans le comté de Northumberland, passe à Alnewick, & se jette dans la mer d’Allemagne.

ALNEWICK, ou ALENWICK. Petite ville d’Angleterre. Alnævium. Elle est sur la rivière d’Alne, dans le comté de Northumberland. Guillaume le lion, Roi d’Ecosse, fut battu & fait prisonnier à la journée d’Alenwick, en 1173.

☞ ALNEY. Île d’Angleterre, dans le comté de Glocoster, formé par les branches de la Saverne, près de Glocester, dans l’état près de la grande Bretagne. On le nomme aussi The elght. Ce fut là qu’après plusieurs batailles très-sanglantes, le Roi Edmon, surnommé Côte de fer, se battit en duel avec Canut, Roi de Danemark, pour la Couronne d’Angleterre, en présence des deux armées. Edmond ayant eu l’avantage, embrassa généreusement Canut, & consentit de partager le Royaume avec lui. La partie méridionale échut à Edmond, & la septentrionale à Canut. Après la mort d’Edmond, Canut s’empara de tout le royaume, & fut le premier des trois Rois Danois, qui ont regné en Angleterre. Ce duel royal se fit l’an 1016.

ALNIL, ou ANNIL. Voyez Indigo.

ALO.

ALOA. s. pl. Fêtes que célébroient les laboureurs d’Athènes, en l’honneur de Cerès & de Bacchus, après la récolte des fruits. Ce mot est grec, ἄλοα, d’ἄλως, qui signifie l’Aire d’une grange.

ALOE. s. f. Vieux mot qui signifie allouette. On disoit aussi autrefois, Allouë, pour signifier la même chose.

Plutost passans que le vol d’une alouë.

Ce mot se trouve dans Villon.

ALOÉ. Vieux mot, qui veut dire, loué, laudatus.

Et des loent les aloez. R. de la Rose.

ALOÈS. s. m. Aloè. Nom d’un genre de plante dont les fleurs sont des tuyaux découpés profondément en six parties, & dont les fruits naissent ou du pistil, ou de la partie postérieure de la fleur, & sont longs, comme cylindriques, divisés en trois loges remplies de semences aplaties & presque demi-circulaires, posées les unes sur les autres. Tournefort. Dioscoride, Pline, & tous les anciens Naturalistes, n’avoient la connoissance que d’un Aloès, que nous nommons Aloès commun, Aloë vulgaris ; plante commune en Sicile, & qu’on cultive dans plusieurs jardins. Sa racine est un pivot oblique, garni par intervalles de quelques fibres chevelues, plein de suc, blanchâtre en dehors, & d’un goût un peu amer. Elle donne à son collet plusieurs feuilles disposées en rond, & dont les plus longues ont environ un pied & demi. Elles s’embrassent par leur base, & sont charnues, d’un vert gai qui pâlit par la suite, remplies d’un suc glaireux & tant soit peu amer, terminées en pointe, & garnies sur leurs bords de petits piquans courbes, dont les pointes regardent le haut des feuilles. D’entre ces feuilles s’élève une tige branchue, haute de deux à trois pieds, & garnie de plusieurs fleurs jaunes, ramassées en épi. Le pistil de ces fleurs devient un fruit oblong, divisé en trois loges, qui contiennent des semences aplaties & brunes. Le suc qui coule des racines de cette plante & de ses feuilles coupées, étant desséché au soleil, se réduit en une substance résineuse semblable à l’Aloès succotrin. F. Columna l’a éprouvé à Naples. Les voyages fréquens qu’on a faits depuis quelques années, en Asie, en Afrique & en Amérique, ont donné lieu à la découverte de plus de quarante espèces d’Aloès inconnues à l’antiquité. Il est vrai que dans ce nombre il n’y en a peut-être pas douze dont on puisse tirer un suc amer & purgatif, & que les autres espèces ont des usages tout différens ; les unes fournissant une liqueur vineuse par le moyen de la fermentation, d’autres contenant dans la substance charnue de leurs feuilles, des filamens blancs & fermes, dont on fait dans les Indes plusieurs ouvrages. Il est faux que l’Aloès ne fleurit que tous les cent ans, & il n’est pas vrai qu’il fasse du bruit lorsqu’il fleurit. Ce conte a été fait à plaisir à l’occasion des Aloès d’Amérique. Aloë Americana, ou Aloë folio in oblongum aculeum abeunte. C. B. Pin. Celui qu’on cultive en Catalogne, sert pour border des haies ; c’est à cause de la filasse qu’on tire de ses feuilles, & dont les Catalanes font des guippures, à l’exemple des Indiens, qui en font des cordages, des toiles & des hamacs. Cette plante a sa racine vivace, longue, noueuse comme celle du roseau. De ces nœuds partent de petits rejetons qui servent à multiplier l’espèce. Le collet de ces racines est formé par plusieurs feuilles, fort épaisses & comme triangulaires à leur base, charnues, d’une couleur cendrée, ou de vert-de-mer, d’un goût d’herbe, longues à proportion de leur âge, les plus longues ayant environ cinq pieds, terminées par un aiguillon dur & noir, & garnies sur leurs bords d’épines crochues, noirâtres, dont la pointe regarde le bas des feuilles. Lorsque cette plante est parvenue à une grosseur suffisante, elle pousse d’entre ses feuilles une tige verdâtre, fort haute, branchue, & garnie de quelques petites feuilles : chaque branche est terminée d’un bouquet de fleurs jaunes à étamines & à sommets, de même couleur : la partie postérieure de ces fleurs est un embryon de fruit oblong, verdâtre, triangulaire, cannelé, & divisé en trois loges, qui renferment des semences aplaties. On voit rarement fleurir l’Aloès d’Amérique dans les pays froids : on a eu cependant cette satisfaction au Jardin Royal en 1663 & 1664, & on ne s’apperçut pas d’aucun bruit. Quelques voyageurs rapportent que ses fleurs contiennent une liqueur mielleuse très-agréable. On peut joindre à ces deux espèces que nous venons de décrire, une troisième qui commence à devenir commune dans les jardins, & qu’on appelle Aloès perroquet, à cause que ses feuilles sont d’un beau vert panaché de blancs ; c’est l’Aloë Africana, humilis, foliis ex albo & viridi variegatis. Commel. Cette plante est basse, vivace, & pousse au collet de ses racines quelques feuilles longues de huit pouces au plus, fort épaisses, charnues, triangulaires, terminées en pointe, rudes sur leurs bords, appliquées les unes sur les autres & panachées d’un vert de perroquet, & d’un blanc qui jaunit un peu en se passant. D’entre ses feuilles s’élève une tige ronde, tachée, longue d’un pied & demi au plus, & garnie à son extrémité de quelques fleurs couleur de ponceau, longues d’un pouce, & découpées profondément en six parties. Toutes ces trois espèces craignent le froid.

Aloès, vient du mot grec ἅλς, qui signifie sel & la mer, apparemment à cause qu’on trouve l’Aloès sur les côtes maritimes : par la même raison on le nomme Joubarbe de mer, semper vivum marinum, c’est-à dire, plante grasse du bord de la mer. On l’appelle aussi Perroquet, à cause de la couleur des ses feuilles, qu’on compare à celle des ailes du perroquet.

ALOË, ou ALOÈS. s. f. Aloë. Suc épaissi d’une plante grasse qu’on nomme Aloès, & non pas de l’arbre qui donne le bois d’Aloès. On distingue ordinairement trois sortes d’extrait d’Aloë ; l’un qu’on nomme succotrin, parce qu’on nous l’apporte de Succotra, est le plus pur, le plus transparent, & d’un beau jaune, lorsqu’il est écrasé. L’autre s’appelle hépatique, à cause de sa couleur de foie ; il est résineux, d’une odeur qui tient de la myrrhe ; & sa couleur est jaune lorsqu’il est mis en poudre : il nous vient de la Chine. Pour le troisième, comme il est le plus impur, le plus noir, & qu’il ne s’emploie presque que pour les chevaux, il a gardé le nom de caballin, & on s’en servoit autrefois dans les Indes Orientales pour goudronner les vaisseaux au lieu de poix. L’Aloë qu’on nomme lucide, Aloë lucida, paroît ne différer du succotrin & de l’hépatique, que parce qu’il se rompt en morceaux transparens comme les résines bien pûres & bien desséchées.

Nous avons encore un Aloë qui est d’une odeur très-vineuse, qui est renfermée dans de grosses callebasses, & qui se prépare dans l’île Barbade. On a cru mal-à-propos que ces différences ne dépendoient que du plus ou du moins de purification ; car on ne voit pas que par des dissolutions réitérées l’hépatique devienne succotrin, ou que le caballin se change en hépatique. D’ailleurs on remarque que parmi les espèces de plantes d’Aloès, qui ont un suc amer, il y en a dont le suc approche par son odeur de l’Aloë soccotrin, d’autres du caballin. La manière de faire l’extrait d’Aloès est aisée, puisqu’il n’y a qu’à faire dessécher le suc qui coule de ses feuilles coupées. L’Aloë est très-amer, purgatif, bon pour tuer les vers ; extérieurement appliqué en substance, ou en teinture, il résiste à la pourriture, à la gangrène & à la carie.

Messieurs de l’Académie des Sciences, comme on le verra ci-après, appellent Aloès le suc, aussi-bien que la plante d’où on le tire. L’Aloès est un suc concret tiré d’une plante de même nom : on ne sait pas bien certainement, ni de quelles parties de la plante, ni de quelle manière il est tiré. Il faut qu’il soit pur, transparent, amer, d’une odeur forte. Acad. des Sc. 1708, p. 54. Hist. L’Aloès est rangé parmi les purgatifs moyens. Par les analyses d’extraction que M. Boulduc a employées, il paroît que l’Aloès succotrin contient près de la moitié moins de résine ou de matière sulfureuse, & environ un tiers plus de matière saline, que l’hépatique. Pour le caballin, il est si impur, & a tant de terre, par rapport à la petite quantité de ses soufres & de ses sels, qu’il ne mérite pas qu’on en tienne compte. La différente proportion des principes de l’Aloès succotrin & de l’hépatique, pourroit bien être la cause de leurs différentes propriétés. Comme la partie résineuse de l’Aloès, à la différence des autres purgatifs, n’est qu’un peu ou point purgative, le succotrin, qui a moins de cette résine, a toujours été préféré à l’hépatique pour l’usage intérieur ; & au contraire l’hépatique qui en a davantage, l’emporte sur le succotrin pour l’usage extérieur, pour nettoyer des plaies, refermer des coupures récentes, &c. Les sels de l’Aloès sont très-actifs : ils corrodent les extrémités des veines où les fibres sont plus délicates ; & de-là viennent les flux-de-sang & les hémorragies. Il est donc important que la partie saline de ce remède, qui a besoin d’être réprimée par la résineuse, n’en soit point séparée. Acad. des Sc. au même endroit. L’élixir de propriété, les grains de vie & les pillules gourmandes sont des préparations d’Aloès. L’Aloès hépatique s’appelle ainsi, parce qu’on a cru qu’il convenoit particulièrement au foie, en latin Hepar. Acad. des Sc. Il nous vient de l’île Bourbon un extrait de suc d’Aloès, que Flacour a connu, qui est très-bon, & auquel il ne manque qu’un peu plus de propreté dans la manière de le tirer ; & quand les habitans de la Colonie en seront instruits, il ne cédera en rien aux meilleurs extraits de cette plante, qui nous viennent d’Afrique. La consommation de cette drogue est grande dans la Pharmacie, & pour les remèdes des chevaux, & pour la préparation des cuirs dorés. Et bien loin de dépérir lorsqu’elle est surannée, elle acquiert une bonté qui se connoît par son odeur puante, par sa transparence & par sa couleur dorée. De Jussieu, Mém. manuscrit.

On donne encore le nom d’Aloès à un bois pesant, fort résineux, dont les morceaux sont remplis de veines noires & toutes résineuses, de différentes grosseurs & figures, bruns & tirant sur le noir, d’un goût amer & d’une odeur douce & très-agréable, sur-tout lorsqu’on les met au feu, où ils fondent comme de la poix. Les Portugais nous l’apportoient de Calecut, de Sumatra & de Malaca ; mais il est devenu très-rare depuis que les Japonois apporterent en France une grosse quantité de deux sortes de bois résineux odoriférans, qu’on vend aujourd’hui chez nos droguistes pour vrais bois d’Aloès : Xilo Aloës, Lignum Aloës. L’un de ces deux bois, appelé plus ordinairement bois d’Aloès, approche assez de l’ancien ; mais il est en de plus petits morceaux, semblables à des bois pourris & vermoulus, d’une couleur tannée, moins résineux & d’une odeur plus douce, plus fade & d’un goût moins amer. L’autre est nommée Calambou, peut-être par corruption, au lieu de Calambac, nom synonyme du bois d’Aloès. Celui-ci est en grosse bûche, pesante, brune, paroissant fort résineux, fort compacte & sans vermoulure, d’une odeur plus forte & d’un goût plus amer que le précédent. On fait avec ce dernier des meubles précieux.

Il y a encore d’autres bois de différentes couleurs, auxquels on donne le nom de bois d’Aloès, à cause qu’ils sont résineux, & qu’ils exhalent une odeur douce étant brûlés. Mais l’Agallochum est-il différent du lignum Aloès ? Faut-il beaucoup compter sur les descriptions de l’arbre du Xilo Aloès rapportées par les Auteurs ? Ne sont-elles point fondées sur des oüi-dire ? & connoissons-nous bien les différences de bois d’Aloès qu’ils ont établies ? Si on en croit Rumphius, Hollandois établi à Amboine, c’est un arbre dont le suc laiteux fait perdre la vûe, si par malheur il vient à toucher les yeux. Ephem. d’Allem. ann. 3 dec 11, p. 79. Voyez sur l’Aloès Louis Barthema, dans son Itinéraire, chap. 20. Hernandez, Muntingius, Commelin, & Daléchamp, Tom. II, Liv. XVI, ch. 28.

ALOÉTIQUES. s. & adj. m. pl. Aloedaria. Médecines composées & cathartiques, ainsi appelées de l’aloès qui en est l’ingrédient principal.

ALOGE. s. m. Nom de Secte. Théodore de Bysance, corroyeur de son métier, ayant apostasié pendant la persécution de l’Empereur Sévère, dit, pour se défendre des reproches qu’on lui faisoit : ce n’est point Dieu que j’ai renié, mais un homme ; parce que Jésus-Christ n’étoit qu’un pur homme. Ceux qui le suivirent furent nommés en grec ἁλωγοι, Aloges, comme rejetant le Verbe. Ce mot est composé de l’α privatif, & de λόγος, verbe.

ALOGIEN, ENNE. s. m. & f. Nom d’Hérétiques, qui vient de l’α privatif & de λόγος, le Verbe, & signifie sans Verbe, parce qu’ils nioient que Jesus-Christ fût le Verbe éternel.

ALOGNE. s. m. Terme de marine. Cordage qui sert aux pontons. Un alogne a trente cinq toises de long, vingt-deux fils par cordon, un pouce de diamètre, & pese cent livres.

ALOI. s. m. Certain degré de bonté, lequel résulte du mélange de plusieurs métaux qui ont quelque conformité entr’eux ; ou Titre légitime des monnoies, & des ouvrages d’or & d’argent suivant les édits du Prince. Légitima materiæ numerariæ conflatura. L’or doit être travaillé à un certain carat pour être de bon aloi. Le titre de l’argent doit être de tant de deniers de fin, autrement il est de mauvais aloi. Ce mot est composé de loi, qu’on dit aussi en même sens, qui est fait selon l’Edit & la Loi.

Aloi, se dit figurément de la valeur & bonté de toute autre chose. Cette drogue n’est pas de bon aloi, elle est falsifiée, elle n’a pas la qualité requise. Adulterinum pharmacum. Cette raison est de mauvais aloi, elle ne passera jamais. Adulterina, non proba ratio.

Pour moi je n’envierois que quelque solitude,
Qui me fît fabriquer des vers de bon aloi,
Et chanter dignement les vertus de mon Roi.

Sanlec.

On dit aussi, qu’un homme est de bas aloi ; pour dire, qu’il est de basse naissance, d’une profession vile, ou qu’il est méprisable par lui-même.

ALOÏDE. s. m. Terme de Mythologie. Fils d’Alœus. Aloides. On donna ce nom à Othus & Ephialte, qui passoient pour fils du géant Alœus, & d’Iphimédie sa femme, quoiqu’ils fussent fils de Neptune & d’Iphimédie. Alœus les éleva comme ses enfans ; ils croissoient de neuf pouces tous les mois. Alœus, que son grand âge empêcha d’aller à la guerre des géans, les y envoya. Ils y périrent, car Apollon & Diane les percerent à coups de flèches.

ALOIÈRE. s. f. Alloverium, Marsupium. Vieux mot, qui signifie une Gibecière.

Riche ceinture, & aloière,
Que chacun appelle gibecière, Rom. Dudit.

ALOIGNE. s. m. Terme de Marine. Voyez Bouée. Autrefois ce mot se disoit pour délai, retardement. Mora.

Dont le dirai-je sans aloigne.

ALOIGNER. Ce verbe autrefois se disoit pour alonger. Borel.

Ce fut el mois de May que le temps s’aloigna. R.

de Guyot de Nanteuil.

ALOÏSE, ou ALUÏSE. s. m. Nom d’homme. Aloïsius. Aloïse-Thomas-Raymond de Harrach, Chevalier de la Toison d’or, Conseiller d’Etat, Grand-Ecuyer héréditaire de la haute & basse Autriche, & Maréchal Provincial. Gaz. 1721. p. 331. Le 23 Août 1722, M. Aloïse-Sébastien Mocénigo fut élu Doge de Venise. Journal de Verdun. Ce mot est italien : en François, c’est Louis ; témoin Aloïsius Gonzaga, le B. Louis de Gonzague. Puisque nous avons un mot François, pourquoi ne s’en pas servir, & ne pas dire Louis-Sébastien-Mocénigo.

☞ ALOMANCIE. s. f. du grec ἄλς, sel, & μαντεία, divination. Espèce de divination qui se faisoit par le moyen du sel. Oublier de mettre du sel sur la table, ou renverser une salière, &c. étoit le présage d’un grand malheur.

ALOMATON. Forteresse de la Turquie en Europe. Sophœnium, Michælium. Elle est en Thrace, aujourd’hui Romanie, sur le détroit de Constantinople, à l’entrée de la mer Noire. On l’appelle aussi Castel nuovo d’Europa, Châteauneuf d’Europe, & il est vis-à-vis d’un