Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHIEN

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 533-537).
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CHIEN. s. m. Chienne. s. f. Animal domestique qui aboie, qui sert à garder la maison, & à la chasse. Canis. Il naît aveugle, & vit à-peu près douze à quinze ans. Il est ennemi des loups & des crocodiles. Le chien est le symbole de la fidélité.

Cet animal étoit consacré à Mercure, comme au plus vigilant & au plus rusé de tous les Dieux, parce que la vigilance & la sagacité sont le propre du Chien. La chair des jeunes chiens étoit réputée si pure, qu’on l’offroit aux Dieux en sacrifice, dit Pline, & qu’on servoit de la chair de chien dans les repas préparés pour les Dieux. Les chiens étoient en grand honneur dans l’Egypte. ☞ On les adoroit, dit Strabon, dans la ville de Cynopolis, c’est-à-dire, ville des chiens. Les Egyptiens gravoient des chiens à la porte de leurs temples, pour marquer la vigilance que devoient avoir les Princes dans le gouvernement. Car dans leurs hiéroglyphes le chien signifie la vigilance. Kirker. Mais la vénération des Egyptiens diminua beaucoup, lorsqu’après que Cambyse eut tué Apis, & l’eut fait jeter à la voirie, il n’y eut que le chien entre tous les animaux qui alla se repaître de son cadavre. On gardoit un chien à Rome dans le Temples d’Esculape. Les Romains en crucifoient un tous les ans, en punition de ce que les chiens ne les avoient point avertis par leur aboiement de l’arrivée des Gaulois, qui assiégeoient le Capitole.

Les chiens sont en telle abomination aux Maldives, que si un chien avoit touché quelqu’un du pays, il iroit incontinent se baigner pour se purifier. Pyrard. Au contraire chez les Gaures ils sont en si grande vénération, que les Prêtres se servent des chiens pour purifier leurs pénitens. Tavernier. Un chien fut établi pour Gouverneur de la Norvége par Osten Roi de Suède, après qu’il l’eut subjuguée ; il obligea par ignominie les rebelles à rendre hommage à son chien, qu’il appeloit Suening, comme témoigne Saxon le Grammairien.

Pline, L. XI, c. 50, observe que les chiens cagnars, pour me servir des termes de son Traducteur Du Pinet, tiennent toujours la queue entre les jambes. Canum degeneres sub alvum reflectunt (caudam).

Sur les médailles, le chien est le symbole commun de la fidélité. Il est sur la médaille d’Ulysse, parce qu’il le fit reconnoître à son retour à Itaque. On le donne à Mercure à cause de sa vigilance & de son industrie à découvrir ce qu’il quête. Diane a ses lévriers auprès d’elle. Quand il est auprès d’une coquille, & le museau barbouillé, il marque la ville de Tyr, où le chien d’Hercule ayant croqué le murex en revint le nez tout empourpré, & fit connoître cette belle couleur. P. Jobert. Favin, Hist. de Nav. L. XII, p. 734, dit que, par jugement de Louis XII, & en sa présence, un chien combattit le meurtrier de son maître, & en eut la victoire ; que l’histoire en est peinte au château de Montargis, & que les Gaulois se servoient de chiens à la guerre.

Ce mot vient du Grec κύων (kuôn), canis. Le P. Pezron prétend que κύων, canis, chien, vient du ki des Celtes, qui a la même signification ; & cela est si vrai, que le génitif κυνὸς (kunos) ne se dit que parce que les Celtes disent kun & koun, pour signifier des chiens ; et que de ki se fait κινῶ (kinô), moveo, parce que le chien va & se remue sans cesse.

Il y a plusieurs sortes de chiens différens, tant pour la taille, que pour le naturel, ou le service qu’ils rendent aux hommes.

Les premiers sont les chiens de chasse, Canes venatici, dont les plus nobles sont les chiens courans, ou allans, qui chassent par la force de l’odorat. Canis celer, cursor.

Entre les chiens françois, quelques-uns sont appelés de race royale, qui courent à force les cerfs, chevreuils, loups & sangliers. Les chiens courans, s’appellent les veneurs ; & pour cela on dit qu’ils chassent de gueule. Voici comme Nicod parle de ces sortes de chiens. Les chiens courans, dit-il, sont certaine manière de chiens assez grands, ayant les narines grosses & ouvertes, la tête grosse & le front large ; les lèvres avalées & pendantes ; les yeux gros, noirs ou vermeils ; les oreilles larges, épaisses & abatues ; le museau long & gros, desquels on fait des meûtes pour le cerf & autre bête rousse & fauve.

Il y en a d’autres de race commune, qui chassent seulement le chevreuil, le loup & le sanglier ; d’autres de race mêlée ou petite race, qui chassent les lièvres, tant dans les vois que dans la plaine.

Il y a aussi des chiens Anglois de trois sortes. Ceux de la race royale servent à chasser les cerfs, daims & chevreuils. Les chiens baubis sont pour les lièvres, renards & sangliers. On leur coupe presque à tous la queue. Ils sont plus bas de terre, & plus longs que les autres, de gorge effroyable, qui heurlent sur la voie, & qui ont le nez dur, & sont barbets à demi-poil. Les bigles sont pour les lièvres & lapins. Il y en a de grands & de petits, & ils sont excellens pour courrir le lièvre dans les plaines.

Les lévriers sont chiens à hautes jambes qui chassent de vîtesse. Vertagi. Voyez lévrier.

Les limiers, sont des chiens muets qui servent à quêter & à détourner le cerf, chien quêtant & requérant. Canis vestigator, indagator.

Chiens bauds, qu’on surnomme greffiers, sont des chiens blancs dont la race vient de Barbarie. Canes albi, vestigatores & indagatores. Ils sont beaux chasseurs, requérans & forcenans. Ils chassent de haut nez, gardent bien le change. Ils sont de bonne créance, & tiennent mieux dans les chaleurs. Ce sont les meilleurs pour courre le cerf.

Les chiens gris savent faire tous métiers, & courent toutes sortes de bêtes. Les chiens noirs qu’on appelle de Saint Hubert, sont bons pour les bêtes puantes. On en conserve la race en mémoire de ce Saint dans l’Abbaye qui porte son nom dans les Ardennes. Nicod dit qu’ils sont puissans de cerfage, qu’ils ont les jambes basses & courtes, qu’ils sont de haut nez, chassant de forlonge, & ne craignant eaux de froidure. Les chiens fauves ou rouges sont chiens de grand cœur, fort hardis, & chiens d’entreprise. On appelle chiens de toute pièce, ceux qui sont d’une couleur, tout blancs, ou tout noires. &c. Unius ejusdemque coloris canes, unicolor canis.

Les chiens couchans, sont chiens de l’arquebuse, qui chassent de haut nez & arrêtent tout. Auceps canis, canis cubitor. Les meilleurs viennent d’Espagne. Ils servent à faire lever les perdrix & les cailles, & ces chiens sont au poil & à la plume. On dit que des chiens piquent la sonnette ; pour dire, qu’ils courent trop vigoureusement après l’oiseau.

Braques, sont des chiens de même allure, aussi-bien que les turquets & métis.

Epagneuls ou Espagnols, sont des chiens qui chassent de gueule, & forcent les lapins dans les broussailles. Canis benè auritus & cirratus. Ils rident ou suivent la piste de la bête sans crier. Ils sont bons aussi pour les oiseaux, & chassent le nez bas.

Griffons se dit aussi d’une espèce de chiens qui chassent le nez haut, & qui arrêtent tout. Canis sagax. Ils viennent d’Italie & de Piémont.

Bassets, qu’on appelle autrement chiens de terre, sont des chiens qui entrent dans les tanières des renards & taissons. Canis brevioribus tibiis animalium subterraneorim indagator, investigator. Ils viennent de Flandre & d’Artois. Ils attaquent tout ce qui se terre, comme bléreaux, renards, chats, harêts, fouïnes, putois. Ils quêtent bien, & servent aussi à l’arquebuse. Ils sont noirs à demi-poil, avec la queue en trompe. Il y en a qui ont double rang de dents comme les loups, & qui sont sujets à mordre, qui ont les pattes de devant tordues. On parle aux bassets en leur criant, Coule, coule bassets.

Chiens de vautrait. Voyez Vautrait.

Barbets sont chiens frisés qui chassent le nez bas quand le gibier fuit, & le nez haut quand il demeure. Ils l’arrêtent sur terre & dans l’eau. Longioris atque crispi villi canis, canis cirratus. Leur principale qualité est de rapporter, & ce sont les plus fidèles chiens du monde, qui ne veulent connoître qu’un maître, & ne le perdent jamais de vue. On les appelle aussi chiens à gros poil.

Dogues, sont chiens de combat qui servent à assaillir les grosses bêtes, comme des taureaux, des lions, &c. Molossus Britannicus. Les Espagnols doivent une partie des conquêtes de l’Amérique à des dogues d’Angleterre, comme on voit dans Herréra. Le mot de dogue est anglis, & signifie chien.

Mâtins, sont chiens de garde, qu’on laisse dans les basse-cours pour aboyer. Canis villaticus. Il y a aussi des mâtins dans le vautrait pour chasser au sanglier.

Chiens allans ou gentils, sont de gros chiens qui en allant détournent le gibier. On le dit aussi des chiens de Bouchers qui servent à conduire leurs troupeaux. Lanionus canis.

On appelle chiens trouveurs, des chiens qui vont requérir un renard, quand il y auroit vingt-quatre heures qu’il seroit passé.

Chien barreur, est le meilleur chien pour le chevreuil.

On appelle un chien secret, un limier qui pousse la voie sans appeler. Vestigator canis tacitus. On l’appelle aussi muet, & on dit qu’il ride.

Un chien babillard ou qui caquette, clamosus, est celui qui crie hors la voie, & le plus souvent d’ardeur, ou qui crie des matinées entières. On l’appelle en latin argutarius, dont il est parlé dans la Loi Salique.

Un chien menteur, est un chien qui cele la voie pour gagner le devant. Canis mendax.

Un chien vicieux, celui qui chasse tout ce qu’il rencontre, & qui s’écarte toujours de la meute. Canis vitiosus. Un chien de bonne créance, de bonne affaire, quand il est docile & obéissant, docilis, obsequens. Un chien qui chasse de forlonge, qui sent de loin le gibier, sagax ; un chien qui ne se rompt point au bruit. Canis usque prædam insequens.

Un chien sage, qui chasse bien, qui tourne juste. Venandi peritus. Un chien de tête, & un chien d’entreprise, qui est hardi & vigoureux, Strenuus, animosus.

On dit qu’un chien a le nez dur, lorsqu’il rentre malaisément dans la voie, & qu’il reprend lentement, obtusæ naris ; qu’il est de haut nez, lorsqu’il va requérir sur le haut du jour ; & qu’il a le nez fin, lorsqu’il chasse bien dans les chaleurs & dans la poussière, canis doctus, ou ductor, ou canis judex.

On appelle chien d’aiguail, celui qui chasse bien le matin, lorsque la rosée est sur la terre, & qui ne vaut rien au haut du jour, canis matutinus ; & au contraire un chien de haut jour, qui ne vaut rien dans l’aiguail. Canis serotinus.

On appelle chien estraffé, celui qui a une cuisse qui ne prend plus de nourriture, & qui est boiteux ; canis pede mutilus aloquo ; chien butté, celui à qui la jointure des jambes de devant grossit, canis instatas ossium commissuras habens ; chien épointé, celui qui a des os des cuisses rompus ; aliqua corporis parte fractus ; chien alongé, celui qui a les doigts du pied étendus par quelque blessure qui a touché les nerfs ; chiens courtauts, cauda mutilus, decurtatus.

On dit qu’un chien a belle gorge, lorsqu’il crie bien, & qu’il a la voix grosse & forte ; qu’un chien aboie, quand il sent le gibier ou quelque chose d’étrange ; qu’un chien jappe, lorsqu’il crie sans sujet, ou au moindre bruit de nuit ou de jour ; & qu’il hurle, lorsqu’il sent des loups, ou une chienne chaude qu’il ne peut joindre. On dit que le chien sonne ; pour dire, qu’il appelle au bon chemin, ayant trouvé la trace.

On appelle un chien armé, armatus, quand il est couvert pour attaquer un sanglier.

C’est une bonne qualité de chien, d’avoir le jarret droit & bien herpé.

A la chasse on dit, parler aux chiens ; pour dire, les réjouir, comme on fait à la chasse du cerf, canibus blandiri, canes voce mulcere, ou les exciter, ou menacer comme on fait à celle du sanglier avec des cris rudes & furieux, & avec la trompe. Increpare, minitari. On appelle titre de chiens, le lieu où l’on pose les chiens, afin que quand la bête passera, ils la courent bien à-propos. Opportunus locus. Ces chiens sont mis en un bon titre ; pour dire, sont postés en un bon relais.

Trait de chien se dit des longes de crin & des colliers qui servent à coupler les chiens. Lorum. Ainsi on dit, qu’un cerf ou une autre bête a senti le vent du trait ; pour dire, des chiens.

Rompre les chiens, se dit de la faute d’un Picqueur & chasseur, lorsqu’ils passent à travers des chiens pendant qu’ils courent, & ainsi rompent leur course. C’est aussi les rappeller pour les empêcher de continuer la chasse. Cursum canum avertere. Il faut quelquefois rompre les chiens, les menacer, les recoupler & sapper à route, afin de suivre & relancer le cerf, qui leur a donner le change, & les a fait tomber en défaut.

On dit figurément en ce sens, rompre les chiens, quand on interrompt quelqu’un dans son discours, pour empêcher qu’il ne dise quelque chose de désavantageux, ou qu’il n’entreprenne quelque affaire. Interpellare.

Le droit des chiens est ce qu’on leur donne à la curée, comme la langue, le muffle, les oreilles d’un cerf. Pars prædæ canibus debita.

Il y a enfin des chiens de chambre pour le divertissement des Dames, qu’on nourrit pour leur petitesse, leur beauté, & qu’on appelle chiens de manchons, comme les chiens de Boulogne, d’Artois, épagneuls, bichons, barbets, levrons, chiens eas ou des Barbarie, &c. Catellus. Chien de Boulogne. C’est un petit Chien de manchon. Canis Boloniensis. Ils sont ainsi appelés, parce qu’ils viennent de Boulogne, où, pour les empêcher de croître, on les frotte pendant plusieurs jours en toutes les jointures du corps, avec de bon esprit de vin, immédiatement après qu’ils sont nés.

Doguin, est un petit dogue ; il y a quelque temps qu’on en voyoit par tout, aujourd’hui la mode en est passée.

Les Seigneurs levoient autrefois un droit qu’ils appeloient la nourriture des chiens, & en latin dans les Actes. Cibus canum. Voyez Lobineau, Hist. de Bret. T. II, p. 293. ☞ Le past de chiens étoit une charge que les Seigneurs imposoient à leurs ténanciers de nourrir leurs chiens de chasse.

Chien se dit figurément des choses & des personnes par mépris & par injure. Les Turcs nous appellent chiens, nous traitent comme des chiens. On dit un chien de valet, un chien de Procureur, un chien de fripon. Il leur faut des vases d’or pour mettre leur chien de museau. Mademoiselle l’Heritier.

Qui tantôt est venu me parler
D’un chien de mariage à me faire sifler ? R.

Voilà de beaux chiens de vers ! Voilà un beau logement de chien, un beau présent de chien ! Tout cela est du style familier. Cette injure s’exprime en latin par des adjectifs propres de la personne ou de la chose à laquelle on attribue ce mot de chien. Le Maire, dans son Histoire d’Orléans, rapporte après Mathieu Paris, en la vie d’Henri III Roi d’Angleterre, que l’on appelle populairement & proverbialement les Orléannois, chiens d’Orléans, pour dire, des chiens qui n’aboient point, ou des gens muets, qui ne s’opposent point au mal ; parce que les Pastoureaux, brigands qui s’élevèrent en France durant la captivité de S. Louis, & pillèrent plusieurs villes sous prétexte d’aller délivrer le Roi ; les Pastoureaux, dis-je, étant venus à Orléans, & les Ecoliers & le Clergé les ayant insultés & voulu les chasser, & ces brigands ayant dans cette émeute tué & jeté dans la Loire beaucoup d’Ecoliers & d’Ecclésiastiques, l’Evêque d’Orléans mit la ville en interdit, parce que les habitans avoient dissimulé ou même consenti à ces violences des Pastoureaux, ce qui leur fit donner ce nom de chiens d’Orléans. Mais le Maire conjecture que c’est plutôt à cause de leur fidélité pour nos Rois, parce que le chien est le symbole de la fidélité.

On appelle Cerbere, le chien à trois têtes, que les Poëtes ont feint être commis à la garde des Enfers. Cerberus, triceps canis.

☞ En Astronomie on donne le nom de grand & de petit chien à deux constellations.

☞ Le grand chien, placé sous les piés d’Orion, un peu vers l’Occident, est composé de dix-huit étoiles, suivant Ptolomée, & de trente-deux, suivant Flamsteed. C’est dans cette constellation qu’on voit cette étoile remarquable, qui est la plus belle de toutes, qu’on appelle Sirius. On désigne la constellation par le même nom.

☞ Le petit chien, placé entre l’Hydre et Orion, est une constellation composée de deux étoiles, dont l’une est de la première grandeur : c’est ce qu’on appelle Canicule.

Mais aujourd’hui dans nos plaines
Le Chien brûlant de Procris
De Flore aux douces haleines
Dessèche les dons chéris. R.

Vossius de Idol. Lib. I, cap. 30, croit que le Bacchus de la fable est Moïse ; que le chien de Bacchus, qui fut mis au nombre des Astres, & qui étoit son fidèle compagnon, est le Caleb de l’Ecriture, כלב ; Caleb en hébreu signifie chien. Il ajoute que chien est aussi appelé μαίρα (maira) dans Hesychius, que c’est du nom de Marie sœur de Moïse, comme l’a pensé l’Anglois Sanford, que cet Astre passoit pour faire mûrir le raisin, à cause du raisin que Caleb apporta à Moïse après avoir reconnu & visité la terre de Chanaan.

Le signe du chien fut honoré par les Egyptiens, sous les noms d’Isis et de Sothis, comme Vossius le montre. De Idol. L. II., c. 36, p. 251.

Chien, (porte du) ou porte Caniculaire, porte à Rome, selon festus, où l’on immoloit des chiens de poil roux à l'étoile Caniculaire, pour faire mûrir les Bleds.

Chien de mer ou marin, ou chien de la mer méditerrannée. Espèce de Squalus. C’est un poisson long, à museau pointu, qui a des dents, & dont la peau est très-rude. Hist. de l’Acad. des Sc. 1742, p. 31. Canis marinus, canicula marina. Le grand chien de mer a quatre ou cinq rangs de dents à chaque mâchoire, dont quelques-unes ont un pouce de long, & sont extrêmement rudes, tranchantes & pointues, qui ne leur servent pourtant point à manger leur proie, parce qu’on a trouvé des hommes tout entiers dans leur ventre.

Chien maron. s. m. Animal des Indes, qui tient presque également du chien, du loup & du renard. Il est de grandeur médiocre, d’un poil gris & roux. Il a les oreilles courtes & pointues, le museau affilé, les jambes hautes, la queue longue, le corps grêle & déchargé. Il n’aboie point comme le chien, mais il crie à la manière des enfans ; au reste, il est très-vorace de son naturel, & quand la faim le presse, il entre la nuit dans les maisons, & se jette souvent sur les personnes. P. Le Comte.

Chien. Terme d’Arquebusier. C’est une pièce de fer mobile, appliquée sur la platine d’un pistolet, d’un fusil, d’une arquebuse. Rostrum, rostellum. Elle tient la pierre, & fait le feu quand elle est lâchée. Il courut le pistolet bandé, la carabine à la main, avec le chien abattu, &c.

Chien, est encore un terme d’Artisan, & c’est une barre de fer carrée, qui a un crochet en bas, & un autre qui monte & descend le long de la barre. Uncum retinaculum. C’est ce que les Menuisiers & quelques autres ouvriers appellent sergent. Les Tonneliers, qui se servent beaucoup de cet outil, lui donnent le nom de chien, parce qu’il serre & mord fortement le bois. Ils appellent chienne, une autre sorte de crochet qu’ils ont, qui tire & qui pousse en même temps.

Chien se dit proverbialement en ces phrases. On dit de deux amis qui ne vont point l’un sans l’autre, que c’est S. Roch & son chien. Qui aime Bertrand, aime son chien ; pour dire, qu’il faut prendre les passions, les intérêts & les sentimens de son ami. On dit d’un traître, d’un hypocrite, d’un flateur, qu’il fait bien le chien couchant ; de deux ennemis, que leurs chiens ne chassent pas ensemble ; d’un homme odieux qui entre en quelque lieu, qu’il y est bien venu comme un chien dans un jeu de quilles ; des gens qui se haïssent, qu’ils s’accordent comme chiens & chats ; de celui dont on souhaite la mort, & qui échappe de quelque péril, qu’il mourroit plutôt un bon chien de Berger. On dit qu’il vaut autant être mordu d’un chien que d’une chienne ; pour dire, que de quelque côté que vienne le mal, il est également sensible ; qu’il ne se faut pas mocquer des chiens qu’on ne soit hors du village ; pour dire, qu’il ne faut pas choquer un homme tant qu’on est dans un lieu où il est le plus fort, où il nous peut nuire ; qu’il faut flatter les chiens jusqu’à ce qu’on soit aux pierres, pour dire qu’il faut faire bonne mine à de certaines gens tant qu’ils sont en place, ou qu’on n’est pas en état de leur résister. On dit à un glorieux qui se fâche qu’on le regarde trop fixement, un chien regarde bien un Evêque. Il ne faut pas tant de chiens après un os ; pour dire, qu’il est fâcheux de partager un profit avec beaucoup de personnes, ou d’être à plusieurs à avoir les mêmes prétentions. Jamais à un bon chien, il ne vient un bon os ; pour dire, que ceux qui ont bonne envie de travailler, n’en trouvent pas les occasions. Jeter un os à la gueule d’un chien pour le faire taire ; ce qui a lieu au figuré, pour dire, faire un présent à quelqu’un, pour l’empêcher de crier & de venir troubler quelque affaire importante. On dit qu’il n’est telle chasse que de vieux chiens, & qu’un bon chien chasse de race ; pour dire, que la naissance & l’expérience donnent de grands avantages sur les autres ; qu’il n’est chien que de vieille meûte, pour dire, que les vieux routiers sont plus habiles que les autres. On dit d’un homme peu considéré, qu’il a crédit comme un chien à la boucherie ; d’un vaurien, qu’il ne vaut pas les quatre fers d’un chien. Cela n’est pas tant chien, pour dire, cela n’est pas mauvais. On dit qu’un homme n’est pas bon à jeter aux chiens, quand il fait quelque lâcheté, quelque indignité. On dit de celui qui a des prétentions à quelque chose, quoique fort éloignées, qu’il n’en jette pas sa part aux chiens. On dit aussi, petit chien, belle queue. On dit à ceux qui ont une méchante cause, si vous n’avez pas d’autre sifflet, votre chien est perdu. On dit d’un homme peu complaisant, qui ne fait rien de ce qu’on désire, que c’est un chien de Jean de Nivelle, qui s’enfuit quand on l’appelle. Voyez l’origine de ce proverbe au mot Jean. On dit d’un envieux, qu’il est comme le chien du Jardinier, il ne mange point de choux, & ne veut pas que les autres en mangent ; de ceux qui entreprennent quelque chose au-delà de leurs forces, qu’ils sont comme les grands chiens, qu’ils veulent pisser contre les murailles ; des pécheurs, qu’ils font comme les chiens, qu’ils retournent à leur vomissement ; de ceux qui font quantité de cris & d’imprécations inutiles, que ce sont des chiens qui aboient à la lune ; de ceux qui font des menaces vaines, chien qui aboie ne mord pas. On dit aux gens querelleux, que les chiens hargneux ont toujours les oreilles déchirées. Au chien qui mord il faut jeter des pierres, pour dire, qu’il ne faut rien pardonner aux médisans & malfaisans. Il ne faut pas tuer son chien pour une mauvaise année ; pour dire, qu’il ne faut pas se désespérer pour quelque petite disgrace. On dit d’un homme qui détruit quelque chose de conséquence pour s’en servir à un ouvrage de peu d’importance; que c’est écorcher son chien pour en avoir la peau ; de deux personnes qui se sont unies pour quelque affaire, mais qui sont d’une humeur différente, ou qui ont des vües & des intérêts divers, leurs chiens ne chasseront pas long temps ensemble ; pour dire, qu’ils se brouilleront, qu’ils se diviseront bientôt.

On dit à des gens timides, entrez, il n’y a point de danger, nos chiens sont liés. On dit aussi, pour reprocher ou plaindre la misère de quelqu’un, On l’abandonne comme un pauvre chien. Il mène une vie de chien. Il n’a ni foi ni loi, il vit comme un chien. Il est comme un chien à l’attache. Il est las comme un pauvre chien. On l’a battu, on l’a étrillé comme un chien courtaut. Les coups de bâton sont pour les chiens. On dit d’un misérable qu’on abandonne, qu’on ne lui demande pas, es-tu chien, es-tu loup ? On dit aussi, quand on veut noyer son chien, on l’accuse de la rage ; pour dire, que quand on veut rompre avec quelqu’un, on lui impute quelque crime ou quelque faute. On dit d’un jeune étourdi, qu’il est fou comme un jeune chien, qu’il court comme un chien fou ; d’une chose tortue, d’une jambe mal faite, qu’elle est droite comme la jambe d’un chien. On appelle figurément un chien au grand collier, celui qui mène les autres, qui est le principal dans une maison, dans une assemblée. On dit d’un homme accoutumé à la fatigue, qu’il y est accoutumé comme un chien à aller nue tête, à aller à pié. On dit encore tandis que le chien pisse, le loup s’enfuit ; pour dire, que tous les momens sont précieux en certaines occasions. Un bon chien n’aboie point à faux : ce qui se dit au figuré d’un habile homme, qui sait toujours bien réussir ses entreprises, par ce qu’il sait bien prendre son temps, & ménager les occasions. Battre le chien devant le lion ; pour dire, châtier un petit devant un plus puissant qui a commis la même faute. Entre chien & loup ; pour signifier le crépuscule, ou le tems sombre qui est entre le jour & la nuit, & où on ne peut discerner un chien d’avec un loup. Crepusculo, luce dubia. On dit aussi d’un homme d’un bel extérieur, & qui paroit brave, mais qui ne l’est pas, c’est un beau chien, s’il vouloit mordre.

Chien. (Ordre du) Les Chevaliers du chien. Ordre de Chevalier, institué, dit-on, par Bouchart IV de Montmorency, qui, après avoir été vaincu en 1104 selon Du-Tillet, par Louis, fils de Philippe I, qui fut depuis Louis le Gros, vint à Paris suivi d’un grand nombre de Chevaliers portans tous un collier fait en façon de tête de cerf, avec une médaille où se voyoit gravé un chien, apparemment pour symbole de la fidélité qu’ils vouloient garder au Roi dans la suite. C’est-là ce qu’on appela les chevaliers du chien, qui ne se perpétuèrent point, & ne firent point proprement un Ordre. On croit encore que c’est de-là que Montmorency porte un chien pour cimier de ses armes.

L’Abbé Justiniani a parlé de cet Ordre dans son I. Tom. c. VIII, p. 9 ; mais il attribue l’institution de cet Ordre au chef de la maison de Montmorency, qui se convertit immédiatement après Clovis. Il dit encore que dans la suite, mais on ne sait pas quand, un Pierre de Montmorency institua l’Ordre du coq, & l’unit à celui du chien. La devise étoit un coq, avec ce mot latin Vigiles. Il cite Beloy dans ses Menenius Delius, Origines des Ordres de Chevalerie ; le Feron, Armes des Connetables de France ; Papyre Maison dans ses Annales, dei Michieli Jos. Tesoro milit, le P. André Meedo, Traité des Ordres Milit. Caramuel Theolog. Regul.