Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CANAL

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 199-201).

☞ CANAL. s. m. C’est en général un conduit par où passe l’eau. Canalis. Les canaux d’une fontaine. Canal d’un moulin. Les canaux se font de bois, de plomb, de pierre.

Canal se dit aussi du lit d’une rivière. Alveus. Le canal de la Seine est fort large. Creuser, vider, nettoyer le canal de la rivière.

 Comme d’une course fidèle,
Les fleuves par divers canaux,
Apportent a la mer le tribut de leurs eaux, &c.

L’Abb. Tétu.

Canal se dit des conduits artificiels qu’on creuse dans les terres, soit pour faire communiquer des rivières les unes aux autres, soit pour les affoiblir quand elles sont trop grosses, soit pour recevoir les eaux superflues, ou pour dessécher des marais. Canalis. La Hollande, la Flandre, sont toutes coupées par des canaux. ☞ Il y a en France plusieurs canaux considérables pour la facilité du commerce. Le canal de Briare qui joint la Seine à la Loire par 42 écluses. Il fut commencé sous Henri IV, & achevé sous Louis XIII ; le canal d’Orléans, achevé par Philippe d’Orléans, Régent, pendant la minorité de Louis XV ; & le canal de communication des deux mers, en Languedoc.

☞ Ce canal un des plus beaux, des plus utiles & des plus magnifiques ouvrages du Royaume, qui fait l’admiration de l’Europe, a été fait & construit en 1666, par Pierre-Paul Riquet, Baron de Bonrepos, homme d’un génie aussi rare qu’étendu. Louis XIV, par son édit du mois d’Octobre 1666, & ses lettres-patentes du 7 du même mois, & duement enregistrées, créa & érigea avec ses rigoles de dérivation un fief relevant immédiatement de la couronne, avec droit de haute, moyenne basse justice dans toute son étendue, & plusieurs autres beaux droits ; & particulièrement que le propriétaire, ses héritiers, & ayans cause, en jouiroient en toute propriété incontestablement & à perpétuité. Il s’étend depuis la Garonne à Toulouse jusqu’à Agde ; à l’Etang de Thau & au port de Cette ; & de cette façon communique de l’Océan à la Méditerrance, en passant par Toulouse, Castelnaudary. Trêbes, Carcassone, Béziers, & Agde : les rigoles de dérivation de la montagne Noire & de la plaine qui conduisent les eaux dans plusieurs réservoirs & entr’autres dans le grand réservoir de S. Fériol, contenans douze cens mille toises cubes d’eau qu’il conduit à Naarouze, où est le point de partage, & ou les eaux se divisent, partie du côté de l’Océan & en partie du côté de la Méditerranée, en passant à travers la montagne du Malpas, sont le chef d’œuvre du génie & de l’art, ainsi que ses écluses & aqueducs, comme de Foncevanne, près Béziers & l’écluse ronde près Agde, les aqueducs de Répudre, de Cesse, argent double, de l’Aiguille, Orbiel & Lets. Pierre-Paul Riquet, propriétaire incommutable de ce canal l’a laissé à Jean-Mathias & Pierre-Paul ses enfans. Il appartient présentement à Victor-Maurice Riquet, Comte de Caraman, Maréchal des camps & armées du Roi, Inspecteur Général de Cavalerie & des Dragons : Marie-Jean-Louis Riquet, Brigadier des armées du Roi Mestre-de-camp, commandant le Régiment Colonel-Général des Dragons, arrières-petits fils de Paul-Pierre I du nom, & à Jean Gabriel-Alexandre-Amable Riquet, Baron de Bonrepos son petit fils.

Le canal Eugénie, ou de sainte Marie, est un canal qui joint le Rhin & la Meuse en s’éténdant depuis Rhinberg jusqu’à Venlo : cet ouvrage est digne des anciens Romains, & comparable au canal de Drusus. C’est l’Archiduchesse Isabelle qui se fit faire. On commença à y travailler l’an 1616 & l’année suivante il fut mis dans sa perfection, malgré les vains efforts du Prince d’Orange. Spinosa & le Comte de Berg qui en avoient la conduite, prirent si bien leurs mesures que de 24 redoutes qu’ils avoient placées de distance en distance pour couvrir les Travailleurs, le Prince d’Orange n’en put forcer qu’une, dont il ne tira aucun avantage. Larrey, T.IV, p. 85. Voyez le Grand-Atlas, tome des Pays-Bas, p. 183.

Hérodote, Strabon, Pline & Diodore de Sicile, parlent d’un ancien canal qui faisoit en Egypte la communication des deux mers, c’est-à-dire de la mer Rouge & de la Méditerranée ; ce canal commencé & interrompu diverses fois, fut fini par les Ptolomées. Il commençoit assez près du Delta vers la ville de Bubaste : il avoit 25 toises de largeur, en sorte que deux bâtimens pouvoient y passer à l’aise, & environ 50 lieues de longueur Aujourd’hui ce canal est presqu’entièrement comblé. L’ancien canal de Babylone étoit aussi fort célèbre. Dict. de Peint. & d’Arch.

Canal, se dit aussi des pièces d’eau qu’on fait pour l’embellissement des jardins, qui sont le plus souvent revêtues de pierre. Canalis. Le canal de Versailles, de Fontainebleau. Ce Seigneur a bien du poisson dans les canaux de son jardin.

Canal se dit aussi de quelques bras de mer ; ou des eaux qu’elle pousse dans les terres, ou d’un espace de mer resserré entre deux côtés de terre ferme, ou entre une Île & la terre ferme. Le canal de Constantinople commence aux Dardanelles. Le grand canal de Venise. Le canal de la mer Noire. L’espace de mer qui est entre la France & l’Angleterre depuis le Pas de Calais à l’Orient jusqu’aux caps de S. Mahé en France, & de Cornouaille en Angleterre, à l’occident, s’appelle simplement & absolument le Canal ou la Manche.

Canal, en parlant de l’antiquité, se dit quelquefois pour grand chemin. M. Fleury fait passer ainsi Gaudence, Evêque de Naïsse en Mœsie. Il faut que chacun de nous, qui sommes sur le canal, quand il verra passer un Evêque s’enquierre où il va, & des causes de son voyage : & il ajoute sur le mot canal ; ainsi on nommoit les grands chemins.

On dit, en termes de Marine, que les galères font canal, lorsqu’elles s’éloignent de la terre, qu’elles côtoient ordinairement, pour aller en pleine mer, comme de Marseille droit à Malte.

Ces galères, après avoir fait canal a force de rames au golfe de Londrin, se retirèrent sous la forteresse de la Vallonne. Duloir, p. 199.

On le dit aussi de tous les bâtimens de bas-bord, quand ils passent quelques nuits au large en mer sans approcher de la terre.

Canal, se dit aussi d’un aqueduc de pierre ou de brique pour conduire des eaux, & les tenir dans une pente suffisante pour les faire couler. Aquæductus. Le canal d’Arcueil amène les eaux de Rongis à Paris. Les Romains faisoient venir des fontaines de 40 lieues par de semblables canaux.

On fait aussi des canaux de plomb. Tubus, fistula plumbea ; de poterie, Lateritia ; de bois d’aune, Lignea ; de fer fondu, ærea, pour conduire les eaux par dessous la terre.

Canal, en termes d’Horloger. On appelle de ce nom tout ce qui est creusé pour y loger quelque chose.

Canal, dans la Chirurgie, signifie une longue caisse de bois dans laquelle on enferme la jambe ou la cuisse luxée ou fracturée. Ce canal doit être garni d’étoupes : il y a un trou vers l’extrémité pour placer le talon, & tout au bout un morceau de bois droit & immobile pour appuyer la plante du pied.

Canal, se dit quelquefois pour canule. L’Auteur de la version en françois de l’Arcenal de Chirurgie prend le mot de canal pour celui de canule, quoiqu’il se serve aussi souvent du mot de canule.

Canal, se dit aussi des petits conduits qui se font naturellement dans la terre, par où coulent les eaux qui font les sources ; par ou s’élèvent les vapeurs qui forment les minéraux & les métaux.

Canal, se dit aussi du creux que l’on fait dans les terres labourées, pour en faire écouler les eaux. Aquarius sulcus, elices. Pomey.

On appelle aussi canaux, en anatomie, les conduits qui sont dans le corps des animaux par où le gang circule, ou par où passent les autres humeurs, comme les veines, les artères. Canaliculi. On dit particulièrement, le canal de la verge pour dire le conduit de l’urine.

☞ On dit canaux déferens, deux conduits membraneux destinés à porter la liqueur séminale des testicules aux vésicules. Chaque testicule à son canal déférent.

Le canal artérieux, est un trou qui est dans le fœtus à l’embouchure de la veine cave, dans le ventricule droit du cœur, au-dessus de l’oreille droite. C’est par son moyen que cette veine s’entr’ouvre, & s’abouche avec la veine des poumons, du côté de laquelle il y a une valvule, qui permet l’écoulement d’une bonne partie du sang de la veine cave dans celle des poumons, & qui empêche qu’il ne retourne de la veine des poumons dans la cave. C’est par le moyen de ce canal artérieux & du trou botal que se fait la circulation du sang dans les fœtus. Après la naissance l’un & l’autre se dessèchent, & se bouchent de sorte qu’on n’en voit plus aucun vestige dans les adultes.

Le canal commun de la bile. Il est formé par la jonction du cholidoque, & du pore biliaire ; il va se terminer obliquement à la fin du duodenum, ou quelquefois au commencement du jejunum, & rarement au ventricule. Il se coule entre les deux tuniques de l’intestin, & en perce l’extérieur deux travers de doigt plus haut que l’intérieur. Cette manière d’entrer dans l’intestin, fait qu’il n’a pas besoin de valvule, qui permette l’entrée de la bile & qui empêche son retour, étant impossible par cette disposition que la bile & même le chile puissent monter par ce conduit. Idem.

Le canal pancréatique fut découvert l’année 1621 par Virsungus, célèbre Anatomiste de Padoue. Ce canal est membraneux. Il a une cavité qui donne entrée dans le duodénum, assez proche de l’ouverture du conduit de la bile, qui est quelquefois la même pour ces deux canaux. Son véritable chemin est d’aller à l’intestin, où il porte une liqueur jaune, autant qu’on le peut remarquer par la couleur de la sonde, quand on l’en retire. Ce canal ne vient pas de la ratte, à laquelle il ne touche point mais des rameaux des petites glandes qui composent le pancréas, de manière qu’il grossit à mesure que ces rameaux s’unifient. Ce canal a son entrée dans le duodénum, a une valvule qui permet la sortie de la liqueur qu’il contient, & empêche que le chile, & les autres matières, ne passent des intestins dans la petite ouverture. Il est unique & rarement double ; sa grosseur est comme celle d’une petite plume, quand il est dans son état naturel ; il grossit quelquefois par excès. Idem.

Le canal thorachique a été découvert de nos jours. On l’appelle thorachique, parce qu’il monte tout le long du thorax. Il est aussi nommé, canal de Pecquet, ou canal Pecquet, du nom du Médecin qui l’a découvert le premier. C’est un petit conduit qui commence aux réservoirs du chile, qui sont entre les deux racines du diaphragme. Il monte le long des vertèbres du dos, entre les côtes & la plèvre, & étant parvenu à la septième ou huitième vertèbre, il s’incline vers le côté gauche de la poitrine, & va aboutir par deux ou trois rameaux à la veine souclavière gauche. Ce canal n’est composé que d’une membrane assez mince, qui est fortifiée par la plèvre, qui le couvre pendant tout le chemin qu’il fait par la poitrine ; il n’est pas plus gros qu’une petite plume d’oie ; il a des valvules d’espace en en espace ; ils servent d’échelons au chile pour monter, & ils empêchent qu’il ne puisse retourner sur ses pas. Il reçoit de toutes parts des vaisseaux lymphatiques, qui lui apportent sans cesse la lymphe, qu’il dégorge avec le chile dans la souclavière. Au côte gauche de l’ouverture que le canal thorachique fait dans la veine souclavière pour y entrer, il y a une valvule qui empêche que le chile ne soit porté vers le bras, & qui le détermine à prendre le chemin de la veine cave ; peut-être aussi qu’elle empêche que le sang passant dans la souclavière ne tombe dans ce canal. L’usage du canal thorachique est de servir de conduit au chile & à la lymphe, & de les porter dans les réservoirs de la veine souclavière, pour détremper le sang, le rendre plus liquide, & réparer ce qu’il a laissé dans toutes les parties du corps pour leur nourriture. Voyez Dionis, VIe Demonstr.

Les canaux excrétoires du nez sont des canaux qui versent dans les narines une liqueur blanche & glaireuse, qu’on nomme la morve. Il y en a cinq. Le canal nazal, qui est fait par la réunion des deux points lacrymaux qui passent par le trou de l’os unguis. Le second sont les deux trous des sinus frontaux ; le troisième les deux sinus du sphénoïde ; le quatrième sont les deux ouvertures des sinus maxillaires ; le cinquième est l’aqueduc qui est en partie revêtu de la membrane glanduleuse des narines.

Canal de communication. Canalis communicans. C’est un canal qui se remarque dans le fœtus, & que l’artère pulmonaire, peu après qu’elle est sortie du cœur, jette dans l’aorte descendante. Quand le fœtus est né, le canal de communication se desséche, & devient un simple ligament. Tandis que le fœtus est enfermé dans le sein de sa mère, il ne reçoit que le peu d’air qu’elle lui fournit par la veine ombilicale. Ses poumons ne peuvent s’enfler & se désenfler, comme ils feroient après sa naissance, & après l’entrée libre de l’air. Ils demeurent presque affaissés & sans mouvement. Leurs vaisseaux sont comme repliés en eux-mêmes & ne permettent pas que leur sang y circule, ni en abondance, ni avec facilité. La nature a donc dû épargner aux poumons le passage de la plus grande partie de la masse du sang. Pour cela elle a percé le trou ovale, afin que du sang de la veine cave reçu dans l’oreillette droite, une partie s’écoulât par ce trou dans l’oreillette gauche à l’embouchure des veines du poumon, & par-là se trouvât, pour ainsi dire, aussi avancée que si elle avoit traversé le poumon. Ce n’est pas tout : le sang de la veine cave qui de l’oreillette droite tombe dans le ventricule droit, étant encore en trop grande quantité pour aller dans le poumon, où il est poussé par l’artère pulmonaire, le canal de communication, en intercepte une partie en chemin, & le verse immédiatement dans l’aorte descendante, où il se trouve encore comme s’il avoit traversé le poumon. Acad. des Sc. 1699, p. 26, hist. C’est-là le sentiment de Harvée & de Lawes, que M. Taury & M. Duverney ont aussi défendu contre M. Méry.

En termes de Marine, canal de l’étrave est le bout creusé ou cannelé de l’étrave, sur quoi repose le beaupré quand on n’y met point de coussin.

Canal, en termes de Manège, se dit de la concavité qui est au milieu de la mâchoire inférieure de la bouche du cheval, qui est destiné à placer la langue, & qui se termine aux dents mâchelières. C’est dans ce canal que croissent les barbillons.

Canal, en termes d’Architecture, se dit d’une partie du chapiteau Ionique, qui est un petit creux en forme de canal, qui regne au-dessous du tailloir tout le long des circonvolutions de la volute, renfermées par un listel. Canaliculus. Canal de larmier, c’est le plafond d’une corniche, qui fait la mouchette pendante. Canal de volute, c’est dans la volute Ionique la face des circonvolutions renfermées par un listel.

Canaux, sont aussi des cannelures sur une face, ou sous un larmier, qu’on nomme aussi portiques, & qui sont quelquefois remplies de roseaux, ou de fleurons. Striatura. On appelle aussi canaux, les cavités droites, ou torses, dont on orne les tigettes des caulicoles d’un chapiteau.

Canal, Terme de Méchanique, ou creux autour d’une poulie. C’est la cannelure qui règne auront du rouet d’une poulie.

Canaux de l’youli, à Amsterdam, sont des canaux fort profonds, qui ont été faits proche des quais. C’est là que sont les gros vaisseaux marchands : ils y sont à couvert des voleurs, des orages, des glaces.

Les Maçons appellent aussi canal, le tuyau de plomb qui sert à conduire les eaux pluviales depuis le toit jusqu’en bas. Aquæ pluviæ emissarium, vomitorium. Ils appellent canal de cheminée, le tuyau par où sort la fumée. Tubus camini. Pomey.

Canal, est aussi, en termes d’Arquebusier, le creux qui est sous le fût d’un fusil, d’un pistolet, &c. où se met la baguette. Tubus catapultœ.

Canaux, en termes de Conchyliologie, ce sont des espaces étroits & longs, que l’on voit sur les coquilles.

Canal de l’ensuple. C’est dans les Manufactures de soie, une cannelure où se place la verge attachée à la queue de la chaine.

☞ C’est aussi un morceau de bois, en forme de tuile creuse, qui s’applique sur l’ensuple même, pour garantir l’ouvrier des points d’aiguille qui arrêtent l’étoffe dans le velours ciselé.