Cours d’agriculture (Rozier)/POMMIER

Hôtel Serpente (Tome huitièmep. 215-255).


POMMIER. Tournefort & von-Linné le placent dans la même classe que le poirier. (Consultez ce mot.) Le premier le nomme Malus, & le second Pyrus malus, parce qu’il réunit dans le même genre le pommier & le poirier. (Consultez ce qui a été dit sur cette réunion à l’article déjà cité.)

Je regarde le pommier comme un arbre indigène aux provinces septentrionales de la France, & plus particulièrement encore à nos montagnes de la seconde classe. Il ne réussit jamais mieux que sur les lieux un peu élevés, & il semble fixé par la nature, comme l’arbre intermédiaire entre les pays de vignobles & ceux où l’intensité de la chaleur n’est pas assez forte pour faire mûrir le raisin. Cette remarque devient frappante lorsque l’on considère les différens abris. (Consultez le chapitre III de la troisième Partie du mot Agriculture.) Quelques auteurs avancent que le pommier fut transporté de la Médie à Rome ; cela peut être, mais cette assertion ne détruit pas la mienne ; elle prouve seulement que l’on a transporté de bonnes espèces de pommes à Rome ; & c’est ainsi que Lucullus enrichit sa patrie des cerisiers à bon fruit.


CHAPITRE PREMIER.

Caractère du genre.

Si, à la manière des botanistes, on considère les parties de la fructification de cet arbre, on trouvera peu de différence avec celle du poirier ; cependant les fleurs & les fruits du pommier ont un caractère particulier, facies propria, qui les fait distinguer de tous les autres, quoiqu’ils aient plusieurs points d’approximation. Les poires sortent le long du pédicule commun ; les pommes, au contraire, & les fleurs tiennent à l’extrémité de ce pédicule, ce qui les rassemble en bouquets. Le calice de la fleur est cotonneux ; la fleur est en général plus grande que celle des poiriers, presque toujours plus ou moins colorée & souvent vivement colorée, ce qui rend cet arbre si agréable lorsqu’il est en pleine fleur ;… des feuilles naissantes & d’un vert tendre, luisant, accompagnent les bouquets de fleurs ;… l’embryon, placé au bas du pistil, se change en un fruit dont la forme varie suivant les variétés ou les espèces jardinières ; (consultez ce mot) ses deux extrémités sont ordinairement aplaties ; celle où l’œil est placé, & qu’on nomme ombilic, est bordée par les échancrures desséchées du calice, qui y subsiste jusqu’à la maturité du fruit. L’autre côté présente également une cavité au milieu de laquelle s’implante la queue ou pédoncule ;… le centre du fruit est occupé par cinq loges, joliment prononcées en étoile dans plusieurs variétés. Une membrane mince & transparente, & d’une consistance solide, forme ces loges ; les feuilles sont alternativement placées sur les branches ; la forme elliptique varie peu. Leur partie inférieure est couverte d’un duvet, & elle est relevée d’arêtes saillantes ; la supérieure est un peu rude au toucher, & leurs bords sont dentelés. L’arbre est de moyenne hauteur ; livré à lui-même, il étend beaucoup ses branches, & petit à petit, par leur propre poids & par celui du fruit, elles s’inclinent contre terre.


CHAPITRE II.

Caractère des espèces.

On ne doit jamais perdre de vue que le mot espèce ne peut pas être pris à la rigueur & dans l’acception que lui assignent les botanistes. Il s’agit ici, comme pour tous les arbres fruitiers, des espèces jardinières (consultez ce mot) qui ne se reproduisent pas par les semis, mais se conservent & se perpétuent par la greffe. On divise les pommes & arbres, en pommiers à fruits à couteau, & en pommiers à fruits à cidre. On entend par fruits à couteaux ceux que l’on sert sur nos tables, & la liqueur des autres donne la boisson appelée cidre.


Section Première.

Des pommiers à fruits à couteau[1].

I. Calville D’été. Malus fructu parvo, sub-conico, costato, pulchrè rubro, precoci. (Planche XX. pag. 217.)

Ce pommier est d’une taille médiocre, très-vigoureux & fertile.

Ses bourgeons sont menus, comme farineux, tiquetés de quelques petits points à peine sensibles ; le côté du soleil est rouge-brun foncé, tirant sur le violet obscur, ou brun-minime ; le côté de l’ombre est plus clair.

Ses boutons sont gros, peu pointus, moins aplatis que la plûpart des pommiers ; les supports sont petits.

Ses feuilles sont d’une forme ovale alongée, un peu moins aiguës vers la queue que vers l’autre extrémité, dentelées régulièrement, assez finement & peu profondément ; les feuilles des bourgeons sont plus larges & dentelées profondément.

La fleur est composée de pétales un tiers plus longs que larges, très-creusés en cuilleron, panachés de rouge-cerise foncé en dehors, très-légèrement teints de rouge en dedans.

Son fruit est petit, presqu’aussi large que haut, & souvent la hauteur & le diamètre sont presqu’égaux ;… la queue ou péduncule est assez grosse, plantée dans une cavité évasée, unie & profonde ; le diamètre du fruit est beaucoup plus grand vers cette extrémité que vers la tête, où il diminue considérablement, de sorte que sa forme est un peu conique ; l’œil étroit & fermé, est placé à fleur du fruit, entre une dizaine de bosses ou éminences, dont cinq plus saillantes que les autres s’étendent sur le fruit suivant sa hauteur, & y forment des côtes sensibles jusqu’au bord de la cavité où la queue est plantée.

La peau est dure, d’un beau rouge foncé du côté du soleil, plus clair du côté de l’ombre ; les endroits couverts par des feuilles sont d’un blanc de cire ;… la chair est blanche, quelquefois elle a une légère teinte de rouge du côté où le fruit a été frappé du soleil ; elle devient bientôt cotonneuse ;… l’eau est peu abondante & peu relevée lorsque le fruit a acquis sa parfaite maturité ;… les pépins sont assez nourris & d’un brun très-foncé.

Cette pomme mûrit à la fin de juillet ; dans plusieurs endroits des provinces méridionales de France, on l’appelle pomme madelaine, parce qu’elle y mûrit à peu près vers cette époque.

Le fruit qu’on vient de décrire paroît n’être qu’une passe-pomme, & mérite peu le nom de calville, dont il n’a presqu’aucune qualité. La véritable pomme calville d’été assez connue en Normandie, est plus grosse, presque cylindrique, très-rouge en dehors & en dedans ; son eau est abondante & relevée d’un aigrelet assez vif ; elle mûrit dans le même temps que la précédente, & peut même, dans une saison plus avancée, passer pour une bonne pomme.

2. Passe-pomme rouge. Malus fructu parvo, globoso-compresso, pulchrè rubro, æstivo.

Les bourgeons de ce pommier sont menus, d’un rouge-brun assez clair, peu tiquetés, couverts d’un épiderme gris de perle, & d’un duvet très-fin.

Les boutons sont petits & courts, & les supports bien saillans & un peu cannelés.

Les feuilles sont très-grandes, d’un quart plus longues que larges, & leur plus grande largeur est vers la queue ; la dentelure en est fine, peu aiguë & peu profonde.

Les pétales de la fleur sont longs, étroits à leur extrémité, panachés en dehors, quelques-uns entièrement teints de rouge vif ; en dedans, ils ont une teinte de rouge assez forte.

Le fruit est petit, d’une forme régulière, un peu aplati par les extrémités ; l’œil est petit, placé dans une cavité unie, profonde d’une ligne & demie ;… la queue est menue, plantée au sommet d’une cavité unie, profonde & évasée ;… la peau est d’un très-beau rouge vif du côté du soleil, d’un rouge plus clair du côté de l’ombre ; les seuls endroits couverts par les branches ou par les feuilles ne deviennent pas rouges ;… la chair est blanche, teinte de rouge, très-léger sous la peau du côté qui a été frappé du soleil ; elle cotonne aisément ;… l’eau est agréable, peu relevée lorsque le fruit est très-mûr ;… les pépins sont petits & bruns ;… sa maturité est dans le mois d’août. Dans les provinces méridionales de France, elle mûrit à la madeleine, d’où elle tire son nom.

Il y a plusieurs variétés de passe-pomme ; 1°. la passe-pomme d’automne, pomme d’outre-passe ou générale, qui est de grosseur moyenne, fort ressemblante à la calville d’été ; sa peau est d’un beau rouge, & sa chair est presque toute teinte de rouge clair & vif ; 2°. la passe-pomme blanche, ainsi nommée parce qu’elle prend moins de rouge que les autres ; sa forme approche beaucoup de celle de la calville d’été. Elle est pareillement relevée de côtes, elle est un peu plus grosse, d’une eau plus abondante & plus relevée ; & elle passe moins vite ; 3° la cousinette ou cousinotte qui est rayée de rouge de même forme & grosseur que la calville d’été, & mûrissant long-temps après en hiver. Il est une variété de celle-ci dont les raies sont d’un rouge très-vif, & la maturité a lieu au mois d’août.

La culture de ces passe-pommes est moins utile que propre à répandre de la confusion, ou tout au moins une variété superflue dans les jardins.

3. Calville blanche d’hiver. Malus fructu maximo, glabro, promenentiùs costato, luteo, carne granosâ, brumali. (Planche XXI, page 218.) L’arbre est beau, vigoureux & fertile.

Les bourgeons sont gros, longs ; droits, couverts d’un duvet fin, tiquetés de très-petits points ; d’un brun-violet ou minime du côté du soleil, plus clair du côté de l’ombre ;… les boutons sont très-courts, quelques-uns à peine apparens ; leurs supports sont peu élevés.

Les feuilles sont deux tiers plus longues que larges, & diminuent beaucoup de largeur vers la pointe ; les bords sont garnis de grandes dentelures profondes & arrondies. Le pétiole est très-long relativement à celui des autres pommes.

La fleur a ses pétales de la forme d’une truelle, panachés de rouge vif en dehors, & assez teints de rouge en dedans.

Le fruit est très-gros, quoique son diamètre excède sa hauteur, il paroît cependant très-peu aplati ; sa plus grande largeur est du côté de la queue qui est menue & assez longue, plantée au sommet d’une cavité dont les bords sont irréguliers, & de profondeur ordinairement égale à la longueur de la queue ;… l’œil est petit, placé dans une cavité très-irrégulière, bordé de bosses très-saillantes, qui s’étendent sur le fruit & y forment des côtes très-relevées qui s’abaissent à mesure qu’elles approchent du plus grand renflement du fruit, où elles disparaissent presqu’entièrement ;… la peau est unie, d’un jaune pâle ; quelquefois les endroits qui ont été exposés au soleil prennent un beau rouge vif ;… la chair estbilanche, grenue, tendre, légère & fine ;… l’eau est relevée sans acidité ;… l’axe du fruit est creux, entouré de cinq grandes loges séminales ; lorsqu’on le coupe transversalement, elles présentent la forme d’une étoile.

Cette pomme commence à mûrir en décembre & se garde quelquefois jusqu’en mars. Lorsqu’on agite la pomme à son point de maturité, on entend le bruit que font les pépins desséchés dans les loges qui les renferment.

4. Calville Rouge. Malus fructu maximo, costato-glabro, saturatiùs rubro, carne granosâ & roseâ, brumali, (Planche XX, page 117.)

Ce pommier est assez grand & vigoureux ; ses branches affectent la direction horizontale.

Ses bourgeons sont de moyenne grosseur, longs, tiquetés de petits points, couverts d’un duvet fin, un peu coudés à chaque nœud, d’un brun-violet plus foncé que ceux du précédent ;… ses boutons sont moins courts que ceux du pommier de calville blanche ; les supports sont assez gros & un peu cannelés.

Ses feuilles sont un tiers plus longues que larges, terminées en pointe. La plus grande largeur est vers le milieu de la feuille ; les bords sont dentelés & surdentelés ; la dentelure est grande, aiguë & peu profonde ; le pétiole d’un pouce environ de longueur,

La fleur a ses pétales un tiers plus longs que larges, figurés en truelle, en dessous panachés d’un rouge-cerise clair, & en dedans un peu teints de rouge.

Son fruit est très-gros, presqu’aussi large que haut, alongé, presqu’aussi gros vers la tête que vers la queue, relevé de côtes beaucoup moins saillantes que celles de la calville blanche ;… son œil est grand, placé dans un enfoncement peu creusé ;… la queue est plantée au sommet d’une cavité peu profonde, très étroite & ordinairement unie par les bords.

La peau est très-unie ; dans les fruits des arbres vieux, elle est d’un rouge foncé du côté du soleil & d’un rouge plus clair du côté de l’ombre ; dans ceux des jeunes arbres elle est moins foncée du côté du soleil, & quelquefois l’autre côté n’est point ou très-peu teint de rouge ;… la chair est fine, légère, grenue, rouge sous la peau assez avant dans le fruit des vieux arbres ; blanche tirant un peu sur le vert, lorsque les arbres sont jeunes & vigoureux ;… l’eau est d’un goût vineux, relevé, agréable ;… les pépins sont gros, renfermés dans de grandes loges.

Cette pomme mûrit en novembre & en décembre ; lorsqu’elle est venue sur un jeune arbre planté dans une terre forte, elle se garde plus longtemps, mais elle est moins bonne. Quelquefois sa forme est si alongée & diminue tellement de grosseur ordinairement vers la tête, qu’elle est presque conique ; on croit y sentir une petite odeur de violette.

La calville rouge normande de Merlet, préférable à la précédente, en diffère principalement par la couleur de la peau qui est plus foncée & pénètre la chair presque jusqu’aux loges séminales ; & par le temps de sa maturité, se conservant jusqu’à la fin de mars. Lorsque l’on secoue cette pomme au temps de sa maturité, les pépins font le même bruit que ceux de la précédente ; ce caractère appartient à toutes les calvilles.

Il y a une pomme appelée Cœur de bœuf, qui est plus grosse & d’une couleur plus foncée que la calville rouge, du reste elle lui ressemble beaucoup extérieurement ; mais elle en est très-différente par la qualité, étant à peine bonne à cuire.

5. Phostophe d’été. Fructu medio rubro, quadriloculan, carne granosâ, œstivo.

Les bourgeons de ce pommiers ont menus, longuets, les uns verts, les autres d’un brun clair, couverts d’un épiderme gris de perle luisant, très finement tiquetés ;… les boutons sont très-courts, ayant à peine une demi-ligne de longueur ; les supports ont peu de saillie.

Les feuilles un tiers plus longues que larges, dentelées & sur dentelées ; la dentelure est grande, peu profonde, & assez obtuse ; la plus grande largeur de la feuille est vers la pointe, elle diminue beaucoup vers la queue, qui n’a qu’un tiers de pouce environ de longueur.

La fleur s’ouvre peu ; la longueur de ses pétales est presque du double de leur largeur ; ils sont très-creusés en cuilleron, & très-légèrement panachés de couleur de rose.

Le fruit est de moyenne grosseur, tant soit peu plus large que haut, & quelquefois de forme cylindrique ; le plus souvent un peu plus menu du côté de l’œil que du côté de la queue ; l’œil est placé au fond d’une assez grande cavité, bordé de quelques bosses peu saillantes ;… la queue est longue, grosse à son extrémité, plantée dans une cavité profonde.

La peau est d’un rouge plus clair que celui de la calville ; du côté de l’ombre, quelques endroits ne sont point du tout teints de rouge ;… la chair est grenue & souvent un peu teinte de rouge sous la peau ;… l’eau ressemble beaucoup à celle de la calville ;… on ne trouve ordinairement dans cette pomme que quatre loges séminales, qui sont grandes & renferment de gros pépins.

Sa maturité est vers la fin d’août.

6. Postophe d’hiver. Malus fructu magno, compresso, glabro, proeminenter costato, hinc saturé, indè dilute purpureo, serotino.

Le bourgeon de ce pommier est de grosseur & de longueur médiocres, d’un rouge brun foncé, tirant sur le violet obscur, couvert d’un duvet épais ; le bouton très large, court, obtus.

La feuille plate, ovale, terminée par une petite pointe ; la dentelure est grande, profonde, aiguë ; la couleur est d’un vert foncé en dedans, vert blanchâtre en dehors.

La fleur est grande, belle, bien ouverte ; son péduncule est menu & court, planté dans une cavité unie, profonde, peu évasée ;… l’œil est petit, placé dans un enfoncement assez creusé, bordé de cinq ou six bosses peu élevées, qui se prolongent sur le fruit, y forment des côtes presqu’aussi saillantes que celles de la calville blanche, & rendent le fruit anguleux.

La peau est d’un rouge foncé cerise du côté du soleil, plus claire du côté de l’ombre ; les parties qui n’ont jamais été frappées du soleil sont jaunes ; elle est très-lisse & luisante ;… la chair, d’une consistance assez ferme, tire un peu sur le jaune ;… l’eau est moins relevée que celle des reinettes ; elle a cependant un aigrelet fin, suffisant pour la rendre agréable ;… les loges séminales sont étroites, & le plus souvent les pépins sont avortés.

Cette pomme est très-bonne, & se conserve jusqu’en mai, & quelquefois au-delà ; elle mérite d’être plus commune.

7. Violette. Malus fructu medio, longiori, sapore viola, serotino.

L’arbre est vigoureux, & il a beaucoup de ressemblance avec le pommier calville d’été.

Ses bourgeons sont assez gros, un peu coudés à chaque nœud, tiquetés de petits points blancs, verts du côté de l’ombre, rougeâtres du côté du soleil, & à la pointe couverts d’un duvet très-épais ;… ses boutons sont larges & plats, & les supports sont gros.

Les feuilles grandes, elliptiques, un tiers plus longues que larges, dentelées peu profondément & surdentelées ; la dentelure est peu aiguë ; elles sont portées par de grosses queues longues d’un pouce.

La flair a les pétales presqu’aussi larges que longs, très-creuses en cuilleron, froncés par les bords, panachés d’un rouge léger, peu teints en dedans, fort sensibles aux vents froids.

Son fruit est un tiers plus haut que large, & l’endroit le plus renflé est vers la queue ;… l’œil est assez large, placé au fond d’une cavité bordée de plis ;… le pédoncule est assez long, menu, assez enfoncé dans le fruit.

Sa peau est unie, brillais, d’un rouge foncé du côté du soleil, d’un jaune fouetté de rouge du côté opposé ;… sa chair est sine, délicate, de la même consistance que celle de la calville ; elle est sucrée, douce, un peu parfumée de violette ;… les loges des pépins sont fort longues, & les pépins sont communément avortés. Cette pomme est une des meilleures ; on en conserve jusqu’en mai.

8. Gros faros. Malus fructu magno, compresso, glabro, saturé rubro, brumali. (Voy. Planche XXI), p. 221.)

Ce pommier est très-vigoureux ; ses bourgeons sont longs, forts, d’un rouge brun peu foncé, tiquetés de quelques petits points à peine apparens ;… ses boutons sont grands & larges ; ses supports peu saillans.

Ses feuilles sont grandes, presqu’elliptiques ; les bords sont garnis de grandes dentelures aiguës & profondes, dont la plupart sont doublement surdentelées.

La fleur est très-grande, s’ouvre peu ; les pétales sont légèrement panachés en dehors, de couleur de cerise pâle, & peu teints en dedans ; ils se froncent beaucoup près de l’onglet, & sont traversés d’un pli profond suivant leur longueur.

Son fruit est gros, aplati par les extrémités, un peu plus renflé vers la queue que vers la tête, bien arrondi sur son diamètre, quoiqu’un peu relevé de côtes qui sont à peine sensibles ;… l’œil est très-large, bien ouvert, placé dans un enfoncement dont les bords sont unis ;… la queue est courte & plantée dans une cavité profonde.

Sa peau est très-unie, teinte presque par-tout de rouge très-foncé, & chargée de petites raies ou taches longues d’un rouge très-obscur ; le côté de l’ombre est ordinairement d’un rouge moins foncé, & les petites raies sont d’un rouge vif ; souvent quelques portions de ce côté ne sont point du tout teintes de rouge ; & la cavité où la queue s’implante est bordée de taches brunes ;… sa chair est ferme, fine, blanche, un peu teinte de rouge sous la peau ; son eau est fort bonne, abondante, & d’un goût relevé ;… ses pépins sont gros, placés-dans de grandes loges entre lesquelles l’axe du fruit est creux.

Cette pomme peut se conserver jusque vers la fin de février ; c’est un très-bon fruit.

9. Petit Faros. Malus fructu medio, oblongo, glabro, purpureo, brumali.

L’arbre est moins fort que le précédent ; ses feuilles sont beaucoup plus petites ; ses bourgeons sont jaunâtres & très-couverts de duvet,

Son fruit très-différent du gros faros pour la forme, & de moyenne grosseur, alongé, plus renflé vers la queue que vers la tête ;… l’œil est assez enfoncé, beaucoup moins ouvert que celui du gros faros ; dans le fond de la cavité où il est placé, on apperçoit plusieurs petites bosses & plis qui font paroître la peau comme froncée autour de l’œil, & les échancrures du calice comme chiffonnées ;… le pédoncule est court, gros, vert, assez enfoncé dans le fruit,

La peau est très-unie & brillante ; du côté du soleil, elle est d’un rouge fort vif, chargée de taches d’un rouge plus foncé ; du côté de l’ombre le rouge est plus lavé, semé de taches longuettes d’un rouge allez vif ; quelques endroits de ce même côté n’ont point du tout de rouge ;… la chair est blanche, un peu grenue, comme celle de la calville ;… l’eau est agréable, sans âcreté, ni goût de sauvageon ; les pépins sont bien nourris.

Cette pomme est bonne ; elle se conserve aussi long-temps que la précédente.

1°. Fenouillet gris ou Anis. Malus fructu parvo, sylvestri, inodoro, brumali. (Voyez Planche XX, page 217.)

Ce pommier est délicat & de médiocre grandeur.

Ses bourgeons sont menus, très-longs, droits, couverts d’un duvet fin, quelquefois d’un gris clair, le plus souvent d’un rouge brun-clair, tirant un peu sur le violet ;… ses boutons sont alongés, peu pointus ; les supports sont très-peu saillans.

Ses feuilles sont petites, longuettes, étroites, terminées en pointe aiguë, d’un vert blanchâtre, dentelées finement & peu profondément, pliées en gouttière, & l’arête formant un arc en dehors.

La fleur petite a ses pétales froncés & comme chiffonnés près de l’onglet, panachés de couleur de cerise, & teints de rouge bien marqué en dedans.

Le fruit est petit, assez arrondi, un peu plus renflé vers la queue que vers l’œil, qui est un peu enfoncé le péduncule très-court, implanté dans une cavité en entonnoir, plus large que celle de l’œil & un peu plus profonde.

La peau est rude au toucher, d’un gris tirant sur la couleur de ventre de biche, très-légérement colorée du côté du soleil ;… la chair est tendre, fine, sans odeur, très-bonne lorsqu’elle n’est pas trop fanée ; car alors elle devient cotonneuse ;… l’eau est sucrée & parfumée d’anis ou de fenouil lorsque le fruit a acquis le point de maturité où il commence à se faner ;… les pepins sont courts, bien nourris, très-pointus.

Cette pomme commence à mûrir en décembre & se garde jusqu’en février ;… elle est espèce ou variété du gros fenouillet gris, qui n’en diffère que par la grosseur, par le péduncule qui est menu, assez long & par le goût qui est moins relevé.

On trouve en Normandie, sous le nom de gros & de petit Réiel, deux pommes fort ressemblantes au gros & au petit fenouillet pour la grosseur & la couleur ; elles sont de même sans odeur ; elles se chargent ordinairement de verrues ; leur chair est ferme & ne se cotonne point ou trés-rarement ; elles se conservent plus long-temps ; ce sont sans doute deux variétés de fenouillet, si elles ne sont pas le fenouillet même, sur lequel le terrain produit ces différences.

11. Fenouillet rouge, ou Bardin, ou Courpendue de la Quintinye. Malus fructu medio, concreo, maculis rubrosuseis, ad solem distincto, brumali (Planche XXII, page 221.)

Ce pommier est vigoureux, son bourgeon est gros, court, droit, brun-rougeâtre foncé, tiqueté de très-petits points, il a peu de duvet, & ce duvet est très-fin ;… le bouton est large, plat ; le support est saillant, lrge, peu cannelé.

Ses feuilles sont un tietss plus longues que larges, dentelées & surdentelées ; les nervures sont très-saillantes ; leur pétiole est gros & long.

La fleur est belle & s’ouvre bien ; les pétales sont étroits à leur extrémité, froncés prés de l’onglet, panachés d’un beau rouge vif, & allez teints en dedans.

Le fruit est de moyenne grosseur ; il est un peu moindre que le fenouillet gris, & en diffère peu pour la forme ;… l’œil est allez ordinairement plus enfoncé ;… le péduncule est gros, fort & court, ce qui a fait nommer cette pomme Courpendue ;… la peau est d’un gris plus foncé, fouettée d’un rouge brun du côté du soleil ;… la chair est plus ferme, d’un goût plus sucré & plus relevé ; dans les terrains chauds & légers, elle est un peu musquée ; elle se conserve plus long-temps, &: même dans quelques années jusqu’à la fin de février.

12. Fenouillet jaune, ou drap d’or Malus fructu medio, aureo, inodoro, autumnali.

Cette pomme ressemble aux autres fenouillets ; elle est un peu moins grosse que le fenouillet gris ;… l’œil, comme celui de la pomme d’anis, est placé dans une cavité peu profonde à presqu’unie par les bords ;… le péduncule, comme celui de la pomme de burdin, planté dans une cavité assez profonde, unie & très-évasée.

Lorsque le fruit approche de sa maturité, la peau devient d’un beau jaune, se teint de rouge en quelques endroits, & étant par-tout recouverte d’un gris fauve très-léger qui laisse appercevoir les autres couleurs ; il résulte une couleur qu’on croit avoir quelque ressemblance avec celle d’un drap d’or.

La chair est blanche, ferme, sans marc, & presque sans odeur, plus délicate que celle du fenouillet gris ;… l’eau est douce, relevée, & fort agréable ;… les pépins sont larges, courts, pointus, bien nourris, d’un brun tirant sur le violet.

Cette pomme, qu’on regarde avec raison comme une des meilleures, se conserve rarement au-delà du mois de novembre ; aussitôt que le point de sa maturité est passé, elle devient cotonneuse.

13. Vrai drap d’or. Malus fructu magno, glabro, formâ eximiâ, rutiluto, autumnali. (Planche XXIII, figure 4. page 224).

Ce pommier est vigoureux & fructifie bien.

Ses bourgeons sont de grosseur & de longueur médiocres, droits, d’un rouge brun peu foncé du côté du soleil, verdâtres du côté de l’ombre, tiquetés ;… ses boutons sont larges & courts ; les supports ont peu de saillie.

Ses feuilles sont grandes, presque du double plus longues que larges, dentelées profondément & surdentelées ; la dentelure est grande & arrondie ; l’arête se plie un peu en arc en dessous.

La fleur a ses pétales, terminés en pointe, panachés en dehors d’un beau rouge, & lavés d’une forte teinte de même couleur.

Le fruit est gros, d’une forme très-régulière, bien arrondi sur son diamètre ; (quelquefois on y apperçoit à peine quelques côtes) il diminue un peu de grosseur vers l’œil, qui est placé dans une cavité profonde, médiocrement évasées & bordée de bosses très-peu saillantes ;… le pédoncule est très-court, planté au sommet d’une cavité unie & moins creusée que celle de l’œil.

La peau est très-lisse, d’un beau jaune, imitant l’or mat, semée de très-petits points bruns, de quelques petites taches rondes d’environ une ligne d’étendue  ;…la chair est légère, un peu grenue, sujette à devenir cotonneuse ;… l’eau est d’un goût agréable, moins relevé que celui des reinettes ;… les pépins sont d’un brun clair, de forme presqu’ovale, arrondis sur leur diamètre lorsqu’ils sont uniques dans une loge, peu aplatis lors même qu’ils sont doubles.

Cette belle pomme se conserve rarement jusqu’en janvier ; elle peut se faire regretter lorsqu’elle disparoît. On trouve en Normandie une pomme qui lui ressemble beaucoup, elle a un peu d’aigrelet & se conserve plus long-temps. Le terrain seul pourroit faire ces différences. On la nomme pomme de Julien ou de Saint-Julien.

14. Pomme D’or, Reinette d’Angleterre. Malus fructu medio, aureo, acidè-dulci, brumali. (Pl, XXII, page 221.).

L’arbre est fertile, d’une grandeur médiocre.

Ses bourgeons sont gros & longs, d’un brun rougeâtre peu foncé, couverts d’un duvet épais, très-tiquetés de gros points… Ses boutons sont très-courts, & leurs supports sont larges & peu saillans.

Ses feuilles sont d’un vert-foncé, aiguës par leurs deux extrémités, leur dentelure est régulière, fine, aoguë, peu profonde.

La fleur s’ouvre mal ; ses pétales sont un tiers plus longs que larges, très-concaves, froncés l’extrémité, panachés en dehors d’un rouge très-foncé, lavés en dedans d’une forte teinte de rouge… La longueur du pistil est presque du double de celle des étamines.

Les fruits sont de moyenne grosseur ; la forme des uns paroît alongée, celle des autres aplatie ;… l’œil peu ouvert, est placé dans un aplatissement ou enfoncement évasé, très-peu creusé & uni ;… le pédoncule est planté au sommet d’une cavité unie, peu large & peu profonde.

Si peau est lisse ; le côté du soleil d’un jaune vif lavé de rouge-clair, tiqueté de points & de petites taches d’un rouge de sang ; le côté de l’ombre est jaune mêlé de vert. La plupart de ces fruits étant entièrement recouverts d’un cris très-léger & transparent, il résulte de ce mélange une couleur qui, à l’aide de l’imagination, ressemble à celle de l’or terne du côté de l’ombre ; elle est vive & brillante du côté du soleil où le rouge donne du feu au jaune ;… sa chair est d’un blanc un peu jaune, de la même consistance que celle de la reinette franche ;… son eau est assez abondante, d’un goût sucré & très-relevé ;… ses pépins sont assez gros, de couleur de jnaure-doré. On croit appercevoir sur leurs faces de très-petits points dorés.

Cette pomme est excellente, & mérite autant qu’aucune autre, de devenir commune ; & même davantage» si elle étoit un peu plus grosse, & si elle ne passoit pas beaucoup plutôt que la reinette franche,

15. Reinette Dorée ou Reinette jaune tardive. Malus fructu medio, compresso, slavo, acidè-dulci, brumali.

Cette pomme est de moyenne grosseur, de forme assez irrégulière, un peu inégale sur son diamètre qui souvent est plus grand sur un sens que sur l’autre, aplatie par ses extrémités ;… l’œil est très-enfoncé dans une cavité large, creusée & unie ;… le pédoncule est planté dans une cavité large & profonde.

Sa peau est unie, tiquetée de points d’un gris clair, d’une belle couleur jaune-foncé, imitant la couleur de l’or mat. Le côté du soleil est légèrement fouetté de rouge peu apparent qui anime la couleur jaune ; de sorte qu’elle mérite mieux qu’aucune autre pomme le nom de Dorée.

Sa chair est blanche, ferme, fine, un peu moins odorante que celle de la reinette franche… Son eau est abondante, très-sucrée, relevée, à peine un peu acide… Ses pépins sont petits, bien nourris, très-pointus, d’un brun rougeâtre.

Cette pomme beaucoup trop rare, est comparable en bonté à la reinette franche :… elle commence à mûrir en décembre & elle est presqu’entièrement passée lorsque celle-ci commence à paroître.

16. Reinette jaune hâtive, Malus fructu medio, çompresso, luteo, acidè-dulci, autumnali.

Ce pommier est de médiocre grandeur, assez fertile ; ses bourgeons sont menus, d’un brun clair, tiquetés, un peu coudés à chaque nœud ;… ses boutons sont courts & leurs supports larges & peu saillans.

Les feuilles sont très-grandes, elliptiques, un tiers plus longues que larges, plus étroites vers la queue qu’à l’autre extrémité, dentelées profondément & surdentelées.

Le fruit est de moyenne grosseur, aplati par ses extrémités, cylindrique suivant sa hauteur ;… l’œil est grand & placé dans une cavité unie, allez profonde, très-évasée ;… le pédoncule est menu & planté dans une cavité étroite & profonde. Souvent on trouve sur ce fruit plusieurs verrues très-ailantes & de couleur brune.

Sa peau est d’un jaune clair, tiquetée de gros points bruns ;… sa chair est tendre, sujette à devenir cotonneuse ;… son eau est abondante, beaucoup moins relevée que celle des autres reinettes… Ses pépins sont larges & plats.

Sa maturité est en septembre ou au commencement d’octobre ; c’est une des meilleures pommes de cette saison quoique bien inférieure aux bonnes reinettes.

17. Reinette blanche. Malus fructu vix medio, albido, acidè-dulci, brumali.

La taille de ce pommier égale à peine celle du précédent. Ses feuilles sont médiocrement grandes & d’un vert pâle.

Ses fruits ne sont que de moyenne grosseur ; la forme des uns est aplatie, celle des autres paroît alongce, la hauteur & le diamètre étant presqu’égaux, & le côté de la tête étant moins renflé que celui de la queue ;… l’œil est placé dans une cavité évasée & peu creusée, bordée dans la plupart des fruits, de bosses peu saillantes qui s’étendent quelquefois sur une grande partie du fruit, & y forment des côtes peu marquées ; dans quelques fruits cette cavité est unie par les bords, & leur diamètre est bien arrondi, sans côtes ni faillies ;… le pédoncule est court, planté dans une cavité unie, étroite & peu profonde.

La peau est très-lisse, d’un vert clair ou blanchâtre qui tire sur le jaune très-clair au temps de la maturité du fruit ; fort tiquetée de très-petits points bruns bordés de blanc ; quelquefois le côté exposé au soleil se lave légèrement de rouge parsemé de gros points d’un brun pâle, bordé de rouge vif ;… la chair est blanche, tendre, très-odorante ; elle se cotonne plutôt qu’elle ne se fane, comme celle de la reinette dorée & de la reinette franche ;… l’eau est abondante, d’un goût agréable, mais moins relevé que les bennes reinettes ;… ses pépins sont grands, plats, d’un brun clair, logés à l’étroit.

Cette pomme très-commune, parce que l’arbre charge bien, commence à mûrir en décembre & se conserve rarement jusqu’en mars.

18. Pommier nain de Reinette. Malus pumila, fructu medio, albido, acidè-dulci, brumali. (Planche XXI, page 218.)

Ce pommier, lors même qu’il est greffé sur sauvageon ou sur doucin, demeure plus nain que les autres pommiers greffés sur paradis, & lorsqu’il est greffé sur ce dernier, il égale à peine un pied de giroflée.

Les premières feuilles qui accompagnent ses boutons à fruit, sont de médiocre grandeur, elliptiques comme celles de la plupart des autres pommiers ; les autres sont étroites, très-alongées ; les bords sont dentelés finement, régulièrement & peu profondément.

Ses fruits sont de moyenne grosseur, de même forme, couleur, consistance & goût, que la reinette blanche, dont vraisemblablement il est une variété. Cependant ils sont rarement tiquetés de points & lavés de rouge du côté du soleil. Lorsque cet arbuste est greffé sur paradis, ses fruits sont gros ; ils sont relevés de côtes assez sensibles, beaucoup plus renflés vers la queue que vers la tête.

Cette pomme se, conserve presqu’aussi long-temps que la reinette-blanche. Souvent elle n’a que quatre loges qui contiennent des pépins bruns & pointus, plats & peu nourris.

19. Reinette Rouge. Malus fructu magno, hinc rubro, indè albido, acidè-dulci, brumali.

Ce pommier est grand & fertile ;… le bourgeon est gros, long, tiqueté vers le bas, légèrement teint de rougeâtre vers la pointe ;… le bouton est très-court & très-plat & comme évasé ; les supports sont larges & cannelés.

La feuille est grande, presque d’un tiers plus longue que large, presqu’ovale, dentelée & surdentelée. La dentelure est grande, profonde, aiguë.

La fleur a ses pétales de forme ovale ; froncés & comme chiffonnés par les bords, panachés de couleur de cerise légère, peu teints en dedans.

Le fruit est gros, (sur ses vieux arbres & sur paradis ; il n’est que de grosseur moyenne sur les jeunes arbres) ; il est plus renflé vers la queue que par la tête ;… son pédoncule est long, planté dans une cavité large & profonde ;… l’œil est petit, placé dans un enfoncement peu creusé, souvent bordé de quelques bosses peu saillantes qui se prolongent sur cette extrémité du fruit, & la rendent anguleuse.

La peau est très-lisse & un peu luisante. Le côté du soleil est fortement lavé d’un assez beau rouge, semé de petits points d’un gris-clair ; le côté de l’ombre est blanc ou d’un jaune très-clair, tiqueté de très-petits points bruns. Elle se ride beaucoup, moins cependant que la reinette franche ;… la chair est ferme & d’un blanc un peu jaunâtre ;… l’eau est abondante, & d’un aigrelet plus relevé que celle de la reinette franche ; les pépins sont petits, bien nourris, peu alongés & peu pointus.

Cette pomme, que plusieurs confondent avec la reinette-franche, & qui paroît en être une variété, lui est peu inférieure ; mais elle ne se conserve pas aussi long-temps.

20. Reinette de Bretagne. Malus fructu medio, saturè rubro, punctis flavis distincto, acidè-dulci, autumnali.

Cette pomme est de grosseur moyenne ;… l’œil est placé dans un enfoncement étroit, peu creusé, uni par les bords ; le pédoncule est menu, planté dans une cavité plus étroite que celle de l’œil, unie, assez profonde. Le diamètre étant arrondi sans bosses ni côtes ; les extrémités étant un peu aplaties, & le côté de la queue étant plus renflé que celui de la tête ; ce fruit paroît alongé. Il s’en trouve cependant qui sont fort aplaties.

La peau est rude au toucher ; les endroits frappés des rayons directs du soleil, sont d’un rouge foncé, rayés d’un rouge plus fonce presque brun. Les endroits frappés obliquement, sont d’un beau rouge, rayés d’un rouge-foncé. Les endroits qui ont toujours été exposés à l’ombre sont, partie d’un rouge-clair, partie d’un beau jaune doré. Tous les endroits teints de rouge sont tiquetés de fort gros points jaunes, & les endroits jaunes sont tiquetés de points gris ;… toute la cavité où le pédoncule s’implante, est couverte d’une tache grise dont les bords sont comme découpés en rayons aigus.

La chair est fine, assez ferme & comme cassante, d’un blanc qui tire un peu sur le jaune, fort odorante ;… l’eau est abondante, sucrée, relevée, moins aiguisée d’aigrelet que les bonnes reinettes ;… les pépins sont d’un brun-clair, larges, plats, terminés par une pointe aiguë.

Cette pomme est fort bonne ; mais elle se conserve rarement jusqu’à la fin de décembre.

21. Grosse Reinette d’Angleterre. Malus fructu maximo, costato, è viridi-luteo, acidè-dulci, brumali. (Planche XXIII, figure 5, page 224.)

L’arbre est grand, beau, assez fertile ;… le bourgeon est gros, long & fort, rouge-brun, tiqueté, couvert d’un duvet épais ;… le bouton est court & très-large ;… les supports sont larges & plats.

Les feuilles sont grandes, presque d’un tiers plus longues que larges, dentelées profondément & surdentelées ; les feuilles moyennes sont très-alongées.

Les pétales sont elliptiques par l’extrémité, peu teints de rouge en dedans, panachés d’un beau rouge pourpre en dehors, froncés près de l’onglet.

Le fruit est très-gros, aplati par les extrémités. Souvent il a près de quatre pouces de diamètre sur trois pouces de hauteur. Sa forme approche beaucoup de celle de la calville-blanche ;… son pédoncule est court, gros par l’extrémité, planté au fond d’une cavité large & unie ;… l’œil est placé dans un enfoncement très-creusé, bordé d’élévations assez saillantes à cette extrémité, qui, se prolongeant sur la plus grande partie du fruit, y forment des côtes sensibles, mais beaucoup moins marquées que celles de la calville blanche.

La peau d’abord verdâtre, devient au temps de la maturité du fruit, d’un jaune clair, tiqueté de très-petits points bruns placés au milieu d’une petite tache ronde & blanche ; quelquefois elle est tiquetée de gros points roussâtres, de diverses formes, comme la reinette franche ;… La chair est semblable à celle des autres reinettes, moins ferme que celle de la reinette franche & un peu sujette à se cotonner ;… l’eau est un peu moins relevée que celle des bonnes reinettes ;… les pépins sont petits à proportion du fruit, pointus, logés au large…

Cette belle pomme mûrit en décembre, janvier & février, avec la calville-blanche qu’elle surpasse ordinairement en grosseur.

22. Reinette franche. Malus fructu magna, acidè-dulci, serotino. (Planche XXIV, page 228.)

L’arbre est grand, de bon rapport ;… les bourgeons sont longs, forts, verts du côté de l’ombre, rougeâtres du côté du soleil, couverts de duvet, tiquetés de petits points ;… les boutons sont très-courts & les supports plats.

Les feuilles sont de moyenne grandeur, deux tiers & au-delà plus longues que larges, dentelées profondément & surdentelées ; leur forme est alongée, aiguë par ses deux extrémités ;… le pétiole est long environ d’un pouce.

Les pétales sont étroits en raison de leur longueur, panachés en dehors d’un rouge vif, fortement teints en dedans, peu concaves, beaucoup plus larges vers l’onglet qu’à l’autre extrémité.

Le fruit est gros, aplati par les extrémités, anguleux ou relevé de quelques côtes assez marquées ;… l’œil est petit, placé dans un enfoncement évasé, peu creusé, bordé d’élévations qui sont les extrémités des côtes… Le pédoncule est gros & court, planté dans une cavité très large & très-profonde, unie par les bords, teinte de vert ou de gris.

La peau est unie, d’un vert très clair, (lorsque le fruit est mûr elle se ride & devient d’un jaune pâle) tiquetée de points bruns de diverses formes, ronds, triangulaires, &c. ; quelquefois une partie du côté qui a été exposé au soleil, se lave légèrement de rouge tiqueté de points d’un rouge vif ;… la chair est ferme, blanche, jaunit un peu dans l’extrême maturité ;… l’eau est sucrée, relevée, & d’un goût très-agréable, qui fait regarder cette pomme comme la meilleure de toutes ;… les pépins sont plats, larges, d’un brun clair.

Elle commence à mûrir en février, & on en conserve jusqu’aux nouvelles pommes. Lorsqu’elle a passé son point de maturité, elle devient un peu sèche, perd beaucoup de son goût, & acquiert une odeur désagréable. Cependant on la souffre volontiers, même avec ces défauts, dans l’arrière-saison, dont elle est la principale & presque l’unique ressource.

On distingue plusieurs variétés de reinette franche. L’une ne diffère de celle qui vient d’être décrite, que par la forme qui est alongée, & le diamètre plus arrondi, n’étant relevé d’aucune côte, ou ne l’étant que de côtes très-peu saillantes. Une autre est aussi de forme alongée, & sa peau est marquée d’un grand nombre de taches rousses, la plupart de figure alongée ; de sorte que, quand elle est mûre, elle paroît variée de jaune & de roux, ce qui la fait communément nommer Reinette rousse. C’est une excellente pomme d’un goût très-fin & très-relevé… Une autre est aplatie, & son diamètre anguleux, sans qu’on y distingue des côtes bien marquées ; la cavité de son œil & celle de sa queue sont très-larges, très-profondes & unies par les bords ; sa peau est d’un jaune tirant sur le gris, tiquetée de très-petits points bruns, & souvent marquée de taches d’un brun foncé. Elle se ride & se fane plus que les autres.

23. Reinette grise. Malus fructu magno, compresso, cinereo, acidè-dulci, brumali. (Planche XXI, page 218.)

L’arbre est vigoureux, mais il soutient mal ses branches ;… ses bourgeons sont longs, droits, médiocrement gros, verts du côté de l’ombre, d’un rouge brun, peu foncé du côté du soleil, tiquetés, couverts d’un duvet fin ;… les boutons sont courts & ses supports plats.

Ses feuilles sont d’un vert foncé, alongées, terminées en pointe, dentelées profondément & surdentelées.

La fleur a ses pétales froncés par les bords, panachés de rouge clair en dehors, peu teints en dedans.

Le fruit est gros, aplati par les extrémités ; souvent il n’est que de moyenne grosseur. Il est plus renflé vers la queue que vers l’œil qui est petit, placé dans une cavité médiocrement creusée, unie par les bords, & quoique, ce fruit ne soit point relevé de côtes, cependant son diamètre est rarement arrondi. Le pédoncule est planté au sommet d’un enfoncement uni, large & profond ; quelquefois cette pomme est à peu près égale par les deux extrémités, & alors sa forme est presque cylindrique ;… la peau est épaisse, rude au toucher, couverte d’un épidémie gris, qui laisse entrevoir une couleur jaune ou verte du côté de l’ombre, & un jaune rougeâtre du côté du soleil. On trouve sur quelques fruits des endroits brillans, d’un jaune doré, relevé détaches d’un rouge vif… La chair est ferme, fine, d’un blanc jaune, devient cotonneuse dans l’extrême maturité :… l’eau est abondante, sucrée, relevée d’un acide très-fin & très-agréable, de sorte que plusieurs regardent cette pomme comme la plus excellente de toutes. Ceux qui aiment un aigrelet plus vif, lui préfèrent la reinette franche, quoiqu’elle ait beaucoup plus d’odeur ;… les loges sont étroites & renferment des pépins pointus, alongés, de moyenne grosseur ;… cette pomme se conserve presqu’aussi long-temps que les reinettes franches.

24. Reinette grise de Champagne. Malus fructu medio, è cïnereo fulvastro, inodoro, brumali,

Cette pomme est de moyenne grosseur, très-aplatie par les extrémités ;… son pédoncule très-court, planté au sommet d’une, cavité profonde & fort évasée ;… son œil est peu enfoncé.

La peau est grise tirant sur le ventre de biche ; le côté du soleil est un peu fouetté de rouge par de petites raies courtes & étroites. En un mot ; la couleur est presque la même que celle du fenouillet gris ;… la chair est cassante, & n’a guere plus d’odeur que celle du fenouilîet ;… l’eau est sucrée & fort agréable ;… les pépins sont larges, plats, d’un brun clair.

C’est une très-bonne pomme qui se garde lopg-temps, & qui est préférée aux autres reinettes par ceux qui n’aiment pas leur odeur & leur acidité.

La forme & la couleur de la Pomme-poire ont assez de ressemblance avec celles de quelques reinettes grises pour qu’on y soit trompé. Cependant je ne crois pas qu’elle puisse en être regardée comme une variété, ou ce seroit une variété bien dégénérée. Sa peau est d’un vert foncé, recouverte d’un épidémie gris ;… sa chair est dure, sèche, & d’un goût peu relevé, & son seul mérite consiste en ce qu’elle se conserve longtemps.

15. Doux. Doux à trochet. Malus fructu mtdio (vel parvo) subconico, viridi, lineis evanidè rubris, virgato, brumali.

L’arbre pousse avec vigueur, & rapporte abondamment… Ses bourgeons sont verts & garnis de boutons placés fort près les uns des autres.

Ses feuilles sont, de médiocre grandeur, ovales, terminées en pointes, finement dentelées par les bords, assez unies, portées par de longs pétilles ; les nervures sont peu relevées, & les sillons correspondants peu creusés.

On distingue le Gros & le Petit Doux qui n’ont presque d’autre différence que la grosseur. Le gros doux a son plus grand renflement vers le péduncule ; l’un & l’autre diminuent beaucoup de grosseur par la tête, ce qui leur donne une forme un peu conique ;… l’œil peu ouvert est placé dans un enfoncement peu creusé. On remarque cinq petites tumeurs ou bosses placées immédiatement contre les cinq échancrures qui bordent l’œil ;… le pédoncule est gros, court, vert, planté au sommet d’une cavité profonde & peu évasée ;… les boutons étant peu distans les uns des autres, & les fleurs coulant rarement, les fruits très-abondans sont comme rassemblés par masses ou par trochets ;… la peau est unie, de couleur verte, qui jaunit très-rarement au temps de la maturité. Le côté du soleil est rayé de rouge-brun très-foible, & en examinant l’autre côté avec attention, on y apperçoit quelques raies d’un rouge à peine sensible ;… la chair est ferme & sans marc, d’un blanc qui tire un peu sur le vert, & presque sans odeur ;… l’eau est très douce, agréable & peu relevée ;… les pépins sont larges, courts, bien nourris.

Cette pomme, commune en Normandie, est trop rare ailleurs ; elle commence à mûrir en décembre & se garde long-temps.

26. Pigeonet. Malus fructu medio, oblongo, rubello, tæniolis intensè rubris, virgato, autumnali.

Le bourgeon de ce pommier est gros, un peu coudé à chaque nœud, rouge-brun, couvert d’un duvet très-fin, peu tiqueté & de très-petits points ;… le bouton est long, plat, pointu ; les supports sont assez saillans,

Les feuilles sont petites, longuettes, pliées en dedans en gouttière, quelquefois même un peu roulées, dentelées & surdentelées.

La fleur s’ouvre peu ; les pétales sont beaucoup plus longs que larges, très-creusés en cuilleron, presqu’entièrement blancs, ou fort légèrement panachés de rouge ;… les échancrures du calice sont très-longues & étroites.

Le fruit est de moyenne grosseur ; ordinairement il est un peu aplati sur son diamètre, beaucoup plus renflé vers la queue qu’à l’autre extrémité, ce qui lui donne une forme alongée ;… l’œil est petit & peu enfoncé ;… le pédoncule court, gros, planté dans une cavité peu profonde ;… la peau est rouge, fouettée de petites raies d’un rouge plus foncé du côté du soleil ; le côté de l’ombre est très-légèrement lavé de rouge, vert clair en quelques endroits, partout marqué de petites raies d’un rouge clair ;… la chair est blanche, fine, d’un goût fort agréable.

Cette pomme est estimée, & mériteroit d’être plus commune, si elle ne disparoissoit ordinairement dès la fin d’octobre.

27. PigeonCœur de PigeonJérusalem. Malus fructu medio, conico, glabro, roseo, quadriloculari, brumali. (Planche XXIII, pag. 224.)

Cette pomme est de moyenne grosseur, de forme plus conique que la précédente, diminuant davantage de grosseur sur l’œil ;… l’œil est placé à fleur entre quelques petites bosses très-peu saillantes, & bordé des échancrures du calice qui sont très longues & étroites ;… le pédoncule s’implante dans une cavité profonde & peu évasée.

Sa peau est unie, fine, luisante, dure, de couleur un peu changeante, lavée d’une couleur de rôle légère, tiquetée de quelques points jaunes, En la regardant d’un certain sens, on apperçoit un petit nuage bleuâtre quu, joint au changement de sa couleur, a pu lui faire donner le nom de Pigeon… Sa chair est fine, délicate, grenue, légère, ferme, très-blanche, quelquefois légèrement teinte de rouge sous la peau ;… son eau a une acidité agréable qu’elle perd pnesqu’entièremeht lorsque le fruit est très-mûr… Elle n’a pour l’ordinaire que quatre loges familiales qui forment une croix à quatre branches égales, d’où elle a vraisemblablement reçu le nom de Jérusalem. Quelquefois elle n’a que trois loges, & très-rarement cinq ;… ses pépins sont petits, bien nourris, très-pointus.

Sa maturité est en décembre, janvier & février. C’est une très-jolie pomme à la vue & au goût… Elle a une variété qui est d’un blanc de cire du côté de l’ombre.

28. Rambour Franc. Malus fructu maximo, compresso, albido, tœniolis rubris, yirgato, autumnali. (Planche XXIV, pag. 228.)

Ce pommier est un bel arbre, vigoureux & fertile… Les bourgeons sont gros, longs, forts, d’un rouge brun-violet, couverts d’un duvet épais, tiquetés de petits points ;… les boutons sont gros & courts ;… les supports sont larges & un peu cannelés.

Les feuilles sont grandes, finement & profondément dentelées & surdentelées, très-velues par dehors, soutenues par de longs pétioles.

Les pétales sont beaucoup plus étroits à l’extrémité que près de l’onglet où ils se froncent, panachés de couleur de cerise-clair.

Le fruit est très-gros, aplati par les extrémités ; souvent il a plus de trois pouces & demi de diamètre sur trois pouces de hauteur. Il est relevé de bosses ou côtes qui rendent souvent sa forme irrégulière… L’œil est assez gros, placé au fond d’une cavité de médiocre grandeur, bordée de bosses très-saillantes ;… le pédoncule est court, reçu dans une cavité étroite & profonde. Cette extrémité du fruit est beaucoup plus aplatie que l’autre.

La peau du côté du soleil est blanchâtre, rayée de rouge, d’un jaune très-clair du côté de l’ombre ; lavée de gris dans la cavité où s’implante le pédoncule ;… la chair est un peu grossière ; mais étant cuite, elle est légère & fort bonne ;… l’eau est d’un aigrelet que le feu émousse & rend agréable ;… les pépins sont de grosseur proportionnée au fruit.

Cette pomme mûrit au commencement de septembre, & dure jusqu’à la fin d’octobre. Dans sa primeur elle est fort estimée pour les compotes ; mais dans sa parfaite maturité, elle perd beaucoup de son mérite en perdant trop de son acidité.

29. {{sc[Rambour d’hiver}}. Malus fructu maximo, compresso, hinc albido, indè flavo, punctis & tœniolis sanguineis distincto, brumali.

L’arbre ressemble au précédent… Son fruit est très-gros, très-aplati ;… l’œil est placé dans une cavité médiocrement large & profonde, bordée de côtes peu élevées, qui rendent cependant peu anguleuse cette extrémité du fruit, & se sont quelquefois sentir jusqu’à l’autre extrémité ;… le péduncule est gros, court, planté au sommet d’une cavité profonde & très-évasée par les bords, ordinairement teinte de gris ou de vert.

La peau est unie, jaune du côté du soleil, & d’un vert blanchâtre du côté de l’ombre, par-tout tiquetée & rayée d’un beau rouge de sang, beaucoup plus clair du côté de l’ombre que du côté du soleil ;… la chair est assez tendre, blanche, tirant sur le vert ;… l’eau est relevée, mais elle a un petit retour d’âcreté ;… les pépins sont ordinairement petits & mal formés.

Cette pomme peut se conserver jusque vers la fin de mars. On la mange plutôt cuite & en compote, que crue.

30. Api. Malus fructu parvo, glabro, hinc subflavescent, indè splendidè purpureo, inodoro, brumali. (Planche XX, pag. 217.)

Ce pommier ne devient pas un grand arbre, il pousse beaucoup de bois droit & long ; ce qui le fait nommer en quelques provinces, pommier de long bois. Il produit beaucoup de fruit disposé sur les branches par bouquets ;… le bourgeon est menu, long, tiqueté de gros points bruns-violets ;… le bouton est assez gros, & moins aplati que celui de la plupart des pommiers ; les supports sont saillans.

Les feuilles sont petites, moitié plus longues que larges, dentelées profondément & sur dentelées ; leur plus grande largeur est vers la pointe ; les nervures sont peu saillantes, & souvent teintes de couleur de rose.

La fleur a ses pétales concaves, panachés en dehors de couleur de « cerise pâle, assez teints de rouge en dedans, deux tiers plus long que larges & terminés en pointe près de l’onglet.

Le fruit est petit, de forme aplatie ;… l’œil petit, placé dans un grand enfoncement bordé de bosses, qui quelquefois ne s’étendent pas au-delà de la tête du fruit, souvent se prolongent beaucoup plus loin & forment des côtes ;… le pédoncule est long & planté au sommet d’une cavité large & profonde.

La peau est fine, lisse, luisante, d’un rouge brun sur un fond vert avant la maturité du fruit, d’un beau rouge vif & éclatant du côté du soleil au temps de sa maturité, & blanche ou jaune très-clair du côté opposé ;… la chair est très-fine, blanche, croquante, sans marc, sans odeur, point sujette à se faner ;… l’eau est douce, fraîche & agréable ;… ses pépins sont petits, courts & larges.

Cette jolie pomme commence à mûrir en décembre & se conserve quelquefois jusqu’en mai ; sur des arbres de plein vent & dans un terrain un peu sec, elle est moins grosse, mais plus rouge, plus croquante, d’un goût plus agréable que sur des arbres en buisson & dans une terre grasse & humide : comme elle supporte mieux qu’aucune autre les premiers froids, on la laisse ordinairement jusqu’en novembre, à moins qu’il ne survienne des gelées capables de l’endommager.

Le principal mérite de ce joli & très-bon fruit tient à sa peau ; car si on l’enlève, comme sur les autres pommes, avant de la manger, elle perd tout son parfum.

31. Api. Malus fructu parvo, compresso, nigricante, inodoro, brumali.

L’arbre devient un peu plus grand que le précédent ; ses fleurs, ses feuilles, &c. sont les mêmes ou très-peu différentes ;… la fruit se distingue de l’api commun par sa couleur d’un brun foncé tirant sur le noir ; il est plus gros, ses qualités & le temps de sa maturité sont à peu près les mêmes… On cultive peu cet arbre, sans doute parce que son fruit n’offre pas à la vue des couleurs vives & agréables comme l’api ordinaire ; qu’il se conserve moins long-temps &. qu’il est un peu sujet à cotonner.

31. Pomme noire. Malus fructu minimo, globoso, glabro, nigricante, inodoro, brumali.

Cette pomme est fort petite, très-ronde sur son diamètre, aplatie par ses deux extrémités ;… son pédoncule est menu, planté dans une cavité unie, évasée, très-peu profonde.

L’ombilic est placé au milieu d’un aplatissement plutôt que d’un enfoncement.

La peau est lisse, luisante, d’un violet brun presque noir du côté du soleil ; le côté de l’ombre est plus clair & tiqueté de très-petits points jaunes ;… la chair est blanche, un peu teinte de rouge léger sous la peau, d’une consistance moins ferme que celle de l’api. Elle n’a presque point d’odeur, même dans l’excessive maturité ;… l’eau est fraîche, douce, mais presqu’insipide ;… les loges séminales contiennent des pépins d’un violet brun moins foncé que la peau du fruit :… ce petit fruit se garde long-temps. Il paroît être une variété de l’api noir, plus arrondie, plus petite & de qualité inférieure.

33. Pomme étoilée ou Pomme d’Étoile. Malus fructu parvo, pentagono, partim luteo, partim flavescente serotino,

La pomme étoilée est petite, très, aplatie par les extrémités, divisée sensiblement en cinq côtes, ce qui la fait nommer pomme étoilée ; l’œil est presqu’à fleur du fruit, & derrière les cinq échancrures qui le bordent il s’élève cinq petites bosses ou tumeurs ;… le pétiole est fort long, planté dans une cavité très-évasée & très-profonde.

Sa peau est unie comme celle de l’api, plus jaune du côté de l’ombre, d’un rouge moins vif & plus orangé du côté du soleil ;… sa chair est assez ferme, un peu grossière, elle tire sur le jaune & rougit légèrement sous la peau ;… son eau a un petit goût de sauvageon ;… ses pépins sont gros & noirs ;… son principal mérite est de se conserver jusqu’en juin.

34. Gros api ou Pomme de rose. Malus fructu medio, compresso, saturè purpureo, inodoro, brumali.

L’arbre & toutes ses parties ressemblent exactement au pommier n°. 30 ;… son fruit est de moyenne grosseur, très-aplati par les deux extrémités ;… l’œil est petit, placé dans un enfoncement uni, peu large & peu creusé ;… le pédoncule est court, menu, planté dans une cavité étroite & médiocrement profonde ; cette cavité est souvent couverte d’une tache fauve frangée, ou bordée de rayons inégaux.

La peau est dure, d’un rouge plus foncé que le petit api, ou de couleur de cerise foncé du côté du soleil, qui se lave & s’éclaircit en approchant de l’ombre ; ce côté est tantôt d’un vert tirant sur le jaune fouetté de rouge clair, tantôt entièrement lavé de rouge, quelquefois toute la peau est comme marbrée de rouge & de jaune doré ;… la chair est très-blanche, sans marc, moins ferme, moins fine que celle du petit api ;… l’eau est assez abondante, assez agréable. Quelques-uns croient y trouver un petit parfum de rose, d’autres une odeur de rose ;… les pépins sont larges & d’un brun foncé… Cette pomme se conserve long-temps ; elle est estimable, mais bien inférieure au petit api.

35. Non-pareille. Malus fructu magno, compresso, è viridi flavescente, acidulo, brumali, (Planche XXIII, figure 2, pag. 224.)

Les bourgeons de ce pommier sont longs & de grosseur médiocre, d’un brun clair tirant un peu sur le violet, peu tiquetés, couverts d’un épidémie gris clair ;… les boutons sont grands, comme fendus ou déchirés par l’extrémité ; les supports sont larges & cannelés.

Les feuilles sont étroites aux deux extrémités, d’un vert foncé ; la dentelure est peu aiguë, assez grande & profonde.

La fleur a ses pétales un tiers plus longs que larges, panachés en dedans de rouge vif, & lavés de rouge en dehors.

Le fruit est gros, aplati ; sa circonférence est ordinairement bien arrondie, quelquefois presque triangulaire du côté du pédoncule ;… l’œil est assez grand, placé dans un enfoncement uni, étroit, médiocrement creusé ;… le pédoncule planté dans une cavité évasée & profonde. Cette extrémité est très-aplatie, beaucoup plus large que le côté de l’œil qui diminue de grosseur en s’arrondissant régulièrement.

La peau est lisse, d’un vert un peu jaune, tiquetée de très-petits points bruns, souvent marquée de grandes taches grises ; rarement elle prend une très-légère impression de rouge du côté du soleil. Dans l’extrême maturité elle devient d’un jaune clair & se ride comme la reinette franche ;… la chair est d’un blanc un peu jaune, tendre ou moins ferme, ou moins offrante que la reinette, elle se pique & se cotonne lorsqu’elle passe de maturité ;… l’eau est agréable, relevée d’un peu d’acide, d’un goût fort approchant de celui de la reinette.

Les loges séminales sont grandes, garnies de pépins de médiocre grosseur, bien nourris, très-pointus, d’un brun clair :… cette pomme est très-bonne ; elle mûrit en janvier, février & mars. ;

36. Haute-bonté. Malus fructus magno, compresso, costato, latè viridi, brumali. (Planche XXIII, figure 1, pag. 124.)

La pomme de haute-bonté est grosse, aplatie par les extrémités ; le côté du pédoncule est un peu plus renflé que l’autre extrémité ;… l’œil est placé dans une cavité de largeur & profondeur médiocres, bordé de bosses dont les unes ne s’étendent pas au-delà de la tête du fruit, les autres se prolongent sur toute sa hauteur & y forment des côtes qui rendent sa circonférence anguleuse ;… le pédoncule est gros, implanté au sommet d’une cavité assez profonde, resserrée par l’extrémité des côtes qui y viennent aboutir.

Sa peau est fine, lisse, d’un vert gai qui tire un peu sur le jaune dans la parfaite maturité du fruit. Quelques endroits du côté du soleil prennent une légère impression de rouge, à peine sensible ;… sa chair est tendre, délicate, d’un blanc un peu vert, trop odorante ;… son eau est abondante, relevée d’un aigrelet fin, moins vif & moins agréable que celui des reinettes ;… les pépins sont petits, longuets, très-pointus :… sa maturité a lieu en janvier & février ; il s’en conserve jusqu’en avril.

37. Capendu. Malus fructu parvo, hinc atro-rubente, indè purpurascente, brumali. (Planche XXII, pag. 221.)

Les bourgeons de ce pommier sont de moyenne grosseur, longuets, d’un brun rougeâtre, tiquetés de petits points, & coudés aux nœuds ;… les boutons sont larges & courts ; les supports un peu cannelés ont peu de saillie.

Les feuilles deux tiers plus longues que larges, plus larges vers la pointe que vers le pétiole, dentelées finement & régulièrement, surdentelées.

Les pétales sont presqu’ovales, creusés en cuilleron, légèrement panachés couleur de rose, peu teints en dedans.

Le fruit est petit, aussi haut que large, plus renflé du côté de sa base que du côté de la tête ;… le pédoncule assez long, très-enfoncé dans le fruit qui est aplati par cette extrémité ;… l’œil est large, placé dans une cavité fort évasée & profonde.

La peau est d’un rouge obscur, presque noir du côté du soleil, d’un rouge pourpre, plus clair du côté de l’ombre, dont souvent quelques endroits ne sont point teints de rouge ; elle est toute tiquetée de points fauves qui sont pour la plupart un peu enfoncés dans la peau ;… la chair est assez fine, approchant de celle de la reinette, un peu jaunâtre excepté sous la peau où elle est teinte de rouge très-clair ;… l’eau est un peu aigrelette & assez agréable… Cette pomme peut se conserver jusqu’à la fin de mars.

38.Pomme de glace ou transparente. Malus fructu magno, acido, glaciato.

La pomme de glace est grosse, très-renflée vers le pédoncule, diminuant beaucoup de grosseur vers l’œil où elle se termine presqu’en pointe obtuse. Sur des arbres vieux, ou greffés sur paradis, le fruit est plus gros que sur les autres ;… le pédoncule est gros & court, planté dans une cavité profonde, unie, médiocrement évasée ;… l’œil est très-petit, enfoncé dans une cavité étroite & peu creusée & ordinairement bordée de quelques bosses.

La peau est fine, unie, luisante ; d’un vert clair qui devient blanchâtre au temps de la maturité du fruit.

Quelquefois le côté du soleil devient jaune, semé de quelques petites taches d’un rouge vif, par-tout elle est fort tiquetée de très-petits points blancs. Alors sa chair est tendre, très-blanche, & son eau abondante est relevée d’acidité qui rend cette pomme très-bonne étant cuite ou séchée au four. Mais aussitôt que le point de sa maturité est passe, sa chair devient ferme, un peu transparente, de couleur verdâtre, comme si elle avoit été frappée & pénétrée de gelée, ou comme du melon d’eau nouvellement mis au sucre ; dans cet état elle se conserve long-temps sans se pourrir, mais l’eau est presqu’insipide, ou d’un goût désagréable, de sorte que c’est un fruit que la curiosité, plutôt que son utilité, fait multiplier. Merlet dit qu’il y a une variété d’un rouge brun-violet, je ne la connois pas ; si elle est perdue, elle mérite peu de regrets.

39. Pomme-figue. Malus fructi, fera, fructu fugaci.

Ce pommier, ainsi que le précédent, intéresse plus la curiosité que l’économie ;… le bourgeon est gros, court, vert, très-garni d’yeux, un peu coudé à chaque nœud, couvert d’un duvet épais, tiqueté de très-petits points ;… le bouton est grand, alongé ;… le port est gros, relevé d’une arête très-saillante, qui est sensible jusqu’au-delà du bouton alterne.

La feuille est étroite & longuette, terminée presque régulièrement en pointe, dentelée finement & très-peu profondément.

Les fleurs sont rassemblées en bouquets de quatre à six ;… leur calice est charnu, divisé par les bords en cinq échancrures longues, étroites, terminées en pointe très-aiguë, rouges en dedans, sur-tout à la pointe qui est teinte de cette couleur en dehors & en dedans ;… les pétales au nombre de cinq de grandeur inégale, de même forme & consistance que les échancrures, mais beaucoup plus petits, un peu teinte de rouge à l’extrémité, attachés sur les bords intérieurs du calice aux angles des échancrures ;… les étamines cachent tellement le pistil qu’on l’aperçoit avec peine ;… toutes les parties de la fleur, les pétales même, sont couvertes d’un duvet en dehors & en dedans.

Le fruit est petit, de forme irrégulière, souvent aplati sur son diamètre, ou relevé de côtes, plus gros vers la queue que vers l’autre extrémité ; communément plus renflé par les bouts, recouvert à sa naissance par une ou deux bosses très-saillantes ; son œil est petit & placé presqu’à fleur.

La peau est d’un vert jaunâtre, légèrement lavée de rouge du côte du soleil ;… l’ombilic recouvert par les échancrures desséchées du calice, est creux jusqu’au quart de la longueur du fruit ; dans le fond on retrouve les pétales desséchés & les styles du pistil ;… six petites loges triangulaires sont disposées autour du tube ou canal ombilical, & contiennent les étamines desséchées avec leur sommet… Vers la moitié de sa longueur du fruit il y a cinq petites loges sans pépins.


Section II.

Du Pommier sauvage & des Pommiers à cidre.

J’aurois peut-être dû commencer ce Chapitre par la description de ceux-ci, puisque le premier est le type de tous les autres ; & les pommiers à cidre sont plus près de la nature que ceux qui donnent des fruits à couteaux. En effet, nos pommiers à cidre, originaires de la Biscaye, n’ont pas besoin d’y être greffés, ils se régénèrent de pépins, tandis que ceux cultivés en Normandie, Picardie, &c. donneroient sans la greffe, des fruits très peu propres à fournir du bon cidre. (Consultez ce mot si vous voulez savoir pourquoi & comment ces arbres ont été naturalisés en Normandie.)

1. Du pommier sauvage. Il croît naturellement sur les bords de nos forêts, dans les lieux incultes, dans les haies. La beauté de l’arbre & de toutes ses parties dépend du sol dans lequel il végète ; & on est tout étonné de voir, dans quelques-unes de nos haies, des pommiers dont la fleur est aussi grande, aussi coloriée par les mains de la nature, que celle des pommiers cultivés avec le plus de soin. Cependant, on est bien surpris que ces jolis groupes de fleurs ne retiennent après eux que des fruits très-médiocres en grosseur, d’un goût âpre & acerbe, & qui peut, tout au plus, servir à la nourriture des pourceaux. En général, le pommier sauvage a ses feuilles, ses fleurs, plus petites, plus étroites, ses rameaux plus courts que ceux de l’arbre cultivé ; livré à lui-même, il se hâte d’incliner ses branches, de se charger de mousse, & l’on peut dire, par comparaison, qu’il croît très-lentement, & par conséquent que son bois est plus serré, plus compact & plus dur que celui des pommiers de nos jardins. En général, ses feuilles s’éloignent peu de la forme ovale.

2. Des pommiers à cidre. Je ne puis les décrire exacternent ; 1°. parce que leurs espèces & leurs dénominations varient d’un lieu à un autre ; 2°. parce que je n’ai jamais été dans le cas de pouvoir en faire une étude suivie.

M. le marquis de Chambray, ce citoyen si respectable & si zélé, les divise en trois classes. La première renferme des fruits précoces ; ils sont d’une grande utilité, & procurent des cidres à ceux dont la récolte précédente a manqué ; souvent on les attend avec impatience ; le cidre en est léger & agréable ; on en boit ordinairement vers le commencement d’août ; ces pommes sont l’ambrette, la renouvellet, la belle-fille, le jaunet, le blanc ; il est convenable de greffer ces pommiers dans un même canton, pour avoir plus de facilité à les cueillir, sans être obligé de parcourir tous les plants.

Les pommes de la deuxième classe que l’on cueille à la fin de septembre & au commencement d’octobre, sont le fresguin, la girouette, la haute-brançhe, le long-bois, l’avoine, le gros adam blanc, le doux évêque, le rouget, l’écarlate, le blanc-mollet, le bedan, le petit-manoir, le saint-georges, le gros amer doux, le petit amer doux, & marie la douce.

Les fruits de la troisième classe sont mûrs à la fin d’octobre ; les meilleurs sont la peau de vache, l’alouette rousse, l’alouette blanche, la coste, le blagny, le blanc duré, l’adam, le doux rité, le matois, la pépie, le doux vert, la closente, la rousse, la reinette douce, marie honfroy, le rambouillet, le pied de cheval, le gros coq, l’équielé, l’épicé, l’ante au gros, le bon valet, le saint-bazile, le muscadet, l’amer mousse, le petit moulin à vent, la petite chappe, le rebois, le grout, la germaine, la sauge, & une infinité d’autres.

Il s’en forme tous les jours des espèces nouvelles qui viennent dans les pépinières, & qui sont d’une excellente qualité ; elles multiplieroient bien plus si on laissoit rapporter tous les jeunes arbres avant de leur couper la tête. On fait souvent de grandes injustices dans cette exécution, continue M. de Chambray, il en est des pommes comme des fleurs que l’on sème ; la graine produit beaucoup de simples & peu de doubles ; les pommes simples sont petites, aigres, ont peu de suc ; la chair est verte ; les doubles sont grosses, blanches ou colorées, ont la chair jaune ou blanche, sont douces ou amer-douces, & certainement les espèces nouvelles en valent bien d’autres. Il est vrai que l’on prétend que les pommiers qui n’ont pas été greffés, rapportent plus rarement que les autres ; mais j’ai l’expérience du contraire ; il y a même de ces arbres qui produisent plus souvent & plus abondamment que les autres, comme aussi il peut s’en trouver qui ne soient pas chanceux, alors on les grefferoit sur les branches ; mais lorsqu’un arbre non greffé produit de beau & de bon fruit, & en produit souvent, il faut le conserver puisqu’il est plus vigoureux qu’un autre, dure plus long-temps, & n’est pas si sujet à être cassé par les vents.


CHAPITRE II.

De la culture des Pommiers à cidre

Des semis & plantation. Le seul moyen de se procurer une certaine quantité de ces arbres, est le semis, & cette quantité doit être considérable dans les provinces où le cidre est la boisson générale. L’expérience a démontré que les meilleurs sujets étoient ceux provenus de semis des pépins, non des pommes à couteaux, mais des pommes à cidre. Pour le procurer le nombre de pépins nécessaires, il convient de ramasser les pommes que la pourriture fait tomber de l’arbre, sur-tout quand cette pourriture ne commence à se manifester que lorsque le fruit approche de sa complète maturité ; dans ce cas, le parenchyme du fruit se décompose, & le pépin n’est pas altéré. Le second moyen consiste à choisir dans les tourteaux du marc, après le pressurage du fruit, les pépins qui n’ont pas été écrasés par la meule, & on les sépare du marc par des lavages réitérés. L’expédient le plus avantageux à mon avis, est, nu temps de la récolte, de séparer un certain nombre de pommes, proportionné au semis que l’on le propose de faire, de choisir les plus belle & celles dont la qualité est reconnue pour donner le meilleur cidre ; de les conserver avec autant de soin dans le fruitier, que les pommes à couteau ; enfin, lorsque le moment des semis arrivera, de séparer alors les pépins de la chair saine ou pourrie du fruit, de laver ces pépins, de les confier aussitôt à la terre. Je n’ai cessé de dire & de prouver, dans cet ouvrage, que le grand travail de la nature n’avoit d’autre bot que la régénération des êtres ; que la chair du fruit est la matrice dans laquelle l’embryon ou pépin est renfermé ; enfin, que par cette chair, le pépin reçoit la nourriture la plus parfaite, & que les sucs nutritifs sont le précieux rendu & la dernière analyse de la sève entière de l’arbre & de toutes ses parties. Revenons aux procédés. Ce qu’on va lire m’a été fourni par M. d’Ambournay, aussi bon cultivateur que savant distingué.

» Il faut prendre du marc de pommes & de poires, au sortir du pressoir, l’éparpiller dans un envier rempli d’eau, & l’y agiter & brasser avec des fourches. On enlève ensuite le plus de la pulpe qu’il est possible ; on décante l’eau & on la renouvelle ; de sorte qu’il ne reste à peu près au fond du envier que les pépins ; il faut les sécher à l’ombre, & vers la fin de février on les sème un peu clair, sur un carreau de potager, ou autre terre riche & profondément labourée à la bêche & bien amendée.[2] On dentelle & ratifse exactement avec le râteau à dents de fer. Si la terre est sujette à se croûter ou hâler, il faut la couvrir de terreau de l’épaisseur d’un doigt ; l’on prend ensuite les soins nécessaires pour en écarter les oiseaux & les souris.

» Le jeune plant lève bientôt, & si l’on a eu soin de l’arroser dans les sécheresses, de le sarcler exactement & de le serfouir à la fourchette, il acquiert dans sa première année, 12 à 15 pouces de hauteur ; sinon on le laisse deux ans dans le semis.

» Dès que les feuilles sont tombées, c’est-à-dire au mois de novembre de la première année, on peut avec de longues fourches, soulever ce plant & l’enlever de terre, sans tirer dessus. On trouve chaque brin muni d’une racine presque unique & pivotante, qu’il faut couper avec la serpette, à deux pouces au plus du collet.[3]

» On aura préparé pendant l’été dans un lieu abrité du nord, en terre riche, nette & bien amendée, un quarré ou rectangle, profondément labouré à la bêche. Lorsqu’on est prêt à planter, il faut le diviser exactement & régulièrement par des rigoles ou petits fossés d’un pied de largeur & de profondeur, distans l’un de l’autre de deux pieds & demi ; st la terre est légère & sablonneuse, c’est dans ces petits fossés ; si elle est forte & conservant l’eau, c’est sur leur crête qu’il faut aligner les petits plants, à 18 pouces de distance sur le rang. Il faut les sarcler exactement, les serfouir avec la fourchette, & même les arroser en cas d’une longue sécheresse. Vers, la fin de novembre, on remplace les sujets morts ou par trop languissans ; ainsi se passe la première année de leur établissement.

» La seconde année, on observe les progrès de ces jeunes arbres. Si quelques-uns poussent vigoureusement, il ne faut que prévenir les bifurcations qui pourroient se former à leur sommet. On supprime alors celle des deux branches qui est la moins forte, à moins que sa direction n’obligeât de la conserver. Un binage à la fourche au printemps, un en automne, & des sarclages au besoin, sont toutes les cultures nécessaires. Dans les pays chauds, il est besoin de couvrir le sol de la pépinière avec de vieilles pailles, de la fougère ou de la mousse, pour garantir les racines de l’impression du soleil, & leur conserver l’humidité propre à leur accroissement.

» Au mois de février de la troisième année, il faut recéper à un pouce au-dessus de terre, tous les sujets dont la végétation n’est point remarquable ; mais pour faire cette opération sans ébranler les racines, il faut appuyer le pied chaussé d’un sabot contre le jeune arbre. Alors, avec une serpette bien tranchante, on fait en talus une coupe bien franche, orientée au nord. Quelques-uns de ces sujets ne poussent qu’une tige ; qui devient très-vigoureuse, & qu’il faut aider en supprimant les bourgeons qui partiroient ensuite du pied. D’autres en produisent à la fois plusieurs, qu’il faut laisser, jusqu’à ce qu’une d’elles s’annonce comme préférée par la nature. On la débarrasse des autres, non pas toutes à la fois, mais successivement de 8 en 8 jours, pour ne pas brusquer la direction de la sève, de sorte qu’en automne tous les jets conservés se trouvent de trois à quatre pieds de hauteur.

» En février de la quatrième année, il faut toujours en appuyant le sabot, couper bien de biais tous les talons des sujets recépés, afin que l’écorce puisse les recouvrir. Vers le mois de juillet, il faut arrêter à six ou sept pieds de haut, tous les sujets qui y seront parvenus, afin qu’ils commencent à former leur tête. Il ne faut absolument point les élaguer ; mais s’il naît le long de la tige quelque branche gourmande, on la tord à la main pour en empêcher l’accroissement, en évitant soigneusement d’employer le fer, sauf pour retrancher les bifurcations, du sommet.

» On donne en novembre une fouiture à la fourche, qui enterre les pailles ou la fougère qui couvroient le sol, & dorénavant il ne faut plus que ratisser les herbes qui pourroient croître dans la pépinière.

» Au printemps de la cinquième année, il est important d’observer les jeunes arbres, & de marquer d’un fil de laine blanche, tous ceux dont les bourgeons se développent les premiers ; d’une laine bleue, ceux où la sève se portera en second lieu ; d’une laine rouge, les plus tardifs. On tient note sur un registre de l’indication de ces couleurs, ou de telles autres qu’on adoptera ; on verra ci-après de quelle conséquence est cette attention. Si on a quelques sujets rachitiques & dont on ne puisse point espérer de tige droite, il faut les greffer à un pouce ou deux de terre, en y appliquant une greffe d’espèce bien poussante, & choisie sur un arbre qui ne soit point chargé de bourgeons à fruit. Elle donnera bientôt une tige qui atteindra les autres. L’on peut vers le mois de juin retrancher à la serpette, & de très près, la moitié du nombre des brindilles qui sont le long de la tige, & notamment toutes les branches bistournées de l’année précédente. Il faut de même décharger la tête de l’excès de ses poussures, & n’y laisser que trois branches, qu’il est bon d’arrêter, si l’on voit qu’elles s’emportent.

» Plusieurs des sujets seront au printemps de la sixième année, assez gros pour être greffés à cinq pieds & demi ou six pieds de hauteur. On observe alors de quelle laine ils sont marqués, & on leur adapte des greffes de tempérament analogue ; c’est-à-dire, des hâtives au sujets hâtifs, des sages aux sages, des tardives aux tardifs. Il résulte de cette précaution, que la sève trouvant dans le sujet & dans la greffe, la même disposition d’organes & de vaisseaux, y circule librement, & y occasionne un développement égal. Si au contraire on donne une greffe tardive à un sujet hâtif, la sève qui monte, ne trouvant point les vaisseaux de la greffe encore ouverts, redescend vers les racines ; sa surabondance fait pousser des rejetons ou des branches le long de la tige, de sorte qu’elle est épuisée lorsque la chaleur a mis la greffe en état de l’admettre. Si une greffe hâtive est adaptée à un sujet tardif, elle se dessèche avant que la sève vienne à son secours, & les arbres qui ne meurent pas d’abord, languissent sans prendre d’accroissement. Il est sans doute utile de dire qu’à quelqu’âge que soient les sujets d’une pépinière, il faut avoir grand soin d’en retirer les chenilles & autres insectes qui en dévoreroient les feuilles.

» Quoiqu’on habite un pays où en général les printemps sont dangereux pour les fleurs des pommiers, il est bon qu’un verger contienne des arbres des trois tempéramens ci-dessus indiqués. On profite des hasards en y plantant un quart de hâtifs, un quart de sages, & moitié de tardifs.

» Si l’on a eu soin de greffer en pied tous les sujets rachitiques, presque tous ceux qui composent la pépinière seront bons à greffer au septième printemps.

» Lorsque la greffe a recouvert par son écorce la coupe du sujet, c’est-à-dire, après qu’elle a poussé deux feuilles, l’arbre est propre à être mis en place. Il faut donc, vers le 15 de novembre, les lever avec une grande attention en déchaussant les racines & ne les arrachant jamais de force. On tâche de laisser à ces racines au moins un pied & demi de longueur. On les taille à la serpette, on retranche le chevelu, & l’on plante dans un trou de 6 à 8 pieds de diamètre, profond de 18 pouces, & garni de bonne terre, Dans les terrains légers on plante l’arbre sur le sol même, sans le creuser ; on fait de même dans ceux dont un lit inférieur de glaise empêche que l’eau ne s’écoule, en rapportant assez de terre pour couvrir les racines & former une butte de huit pouces de haut. On aligne les arbres soit en avenues, en massifs ou en quinconces. Si on a l’exemple qu’ils viennent gros dans le pays, on leur donne 40 pieds de distance, & pendant 20 années on peut y semer dessous toutes sortes de grains. Il est bon de retrancher tous les ans les branches mortes ou chiffonnes, & les plus basses, à mesure qu’elles peuvent nuire au passage des animaux de labour. Plus un arbre est net, plus il donne de plaisir & de profit.

» Dans les terres fortes & saines, les pommiers viennent très-gros, & produisent du cidre gras, épais & de garde, mais lourd & indigeste. Dans les sables, la tête de ces arbres n’acquiert pas plus de 12 pieds de diamètre ; le cidre est léger, délicat & vineux ; mais il ne se garde au plus qu’une année ; dans les terres glaiseuses les arbres deviennent mousseux, chanceux ; le cidre est froid, aqueux & mal sain. Le seul remède à ces inconvéniens est de fouir & de déchausser au mois d’octobre le pied de l’arbre, & d’y rapporter une ou deux brouettées de marne. Les gelées de l’hiver la divisent, & au printemps suivant, on la mêle avec de la terre qu’on avoit retirée. Au défaut de marne, on employé une demi brouettée de chaux vive, qu’on y laisse fraiser & qu’on renfouit de même. Dès le premier été, la mousse, les vieilles écorces, tombent, l’arbre pousse vigoureusement & le fruit est meilleur. C’est une opération qu’il convient de renouveler de 6 en 6 années. En général la terre douce, franche, même un peu crayonneuse, est la plus convenable. Le marc de pressoir bien refroidi & consommé, est encore un bon engrais au pied des pommiers, qu’il faut déchausser tous les trois ans, & fouir chaque année avec une fourche. Ces arbres souffrent beaucoup, si le champ sur lequel ils sont plantés, est semé de luzerne, qui dure 8 à 10 ans sans culture, & dont les longues racines absorbent les sucs aux dépens de celles du pommier.

» Si l’on achette des sujets propres à planter en place, il faut bien connoître la probité de celui qui les vend, ou refuser ceux qui sont greffés. Il est des gens qui pour en imposer par la belle apparence, les greffent de poussures du pied, ou d’autres sauvageons. Il en résulte des arbres énormes, mais qui ne rapportent jamais, ou tout au plus de mauvais fruits.

» On prend donc de beaux sujets vierges, qu’on plante avec soin & qu’on ne greffe qu’au troisième printemps, après qu’ils ont été mis en place. Mais on court les risques de perdre ces greffes, par le poids des gros oiseaux qui, se perchant dessus, les cassent, ou par les vents qui les décolent, & c’est du temps & souvent des sujets perdus. On prévient autant qu’il est possible ces accidens, en armant les greffes avec des branches ou des épines, attachées par un ou plusieurs osiers au haut de la tige.

» Il faut dans les pays chauds défendre, contre l’ardeur du soleil, les jeunes sujets mis en place ; à cet effet on enveloppe leur tige avec de la paille longue, liée de plusieurs osiers,[4] ensuite on les arme d’épines pour empêcher les bestiaux de s’y frotter.

» On doit observer dans les terres légères, de ne greffer que des pommes dont le suc est le plus gras & le plus visqueux, & au contraire, des plus douces & de suc fluide, dans les terres fortes. »

II. Observations sur la fructification des pommiers à cidre. Il est bon de discuter ici une question fort importante pour les pays à cidre. Est-il bien vrai que les pommiers à cidre ne donnent une bonne récolte de fruit que tous les deux ans ? Si le fait est tel, n’est-il pas possible d’y remédier ?

J’ai déja prévenu que je n’avois jamais été dans le cas de suivre la culture & la conduite des pommiers à cidre. D’après cet aveu, mes lecteurs sont priés de considérer ce que je vais dire, non comme des préceptes, mais comme de simples apperçus & même comme des doutes qui demandent à être pris en considération & examinés de près par des observateurs & cultivateurs intelligens, afin de communiquer au public le résultat de leurs recherches sur un objet aussi important. Ce que j’ai à dire s’applique également aux poiriers dont le fruit fournit la boisson appellée poiré.

Lorsqu’un poirier ou pommier est parvenu à un certain âge, on le voit chargé & surchargé de bourses, (consultez ce mot) &, comme l’observe très-bien M. l’abbé Roger de Schabol, elles sont des sources de fécondité inépuisables, des amas d’une sève bien élaborée, tel que le lait contenu dans les mamelles pour la nourriture de l’enfant. L’expérience prouve qu’on ne voit jamais, ou du moins très-rarement, deux fortes récoltes consécutives de fruits sur les mêmes arbres dont il est question : cette alternative de récolte, toutes circonstances égales, ne tiendroit-elle pas à cet amas prodigieux de bourses qui se sont formées presque toutes en même-temps ? Sur de tels arbres on voit peu de boutons à fruit sinon sur les bourgeons d’une ou de deux années précédentes ; mais ces arbres produisent très-peu de bourgeons, parce que l’amas de bourses attire à lui presque toute la sève. Un seul coup d’œil sur ces arbres prouve ce que j’avance. On doit distinguer le bouton à fruit de la bourse ; ce sont deux parties séparées. (Consultez ce mot.) Le bouton à fruit commence à produire, & la bourse, au contraire, produit depuis plusieurs années & produira encore pendant plusieurs autres années. En effet on les voit se rider en anneaux, ou quand elles sont plus nouvelles, former au bout des branches à fruit une espèce de loupe charnue, dans laquelle on ne distingue aucune fibre sensible, & que l’on peut couper avec la serpette avec autant de facilité que la chair d’une pomme. De ces bourses sortent de nouvelles espèces d’yeux à fruit, & par la suite de nouveaux yeux encore. Enfin les bourses inférieures, anciennes, laissant aux nouvelles qu’elles ont produites, l’avantage de donner du fruit. On doit observer que le bouton ou œil qui a porté le fruit dans le cours de cette année, devient ensuite nul, mais que le nouvel œil sorti de cette même bourse ne fructifiera qu’à la seconde année. Or, comme l’arbre ne pousse point, ou presque point de nouveaux bois, & comme il est chargé de bourses qui suivent toutes la même marche, il est probable que c’est à cette cause qu’on doit attribuer les récoltes alternatives de deux années l’une.

Je prie de ne pas perdre de vue que j’avance cette proposition comme une conjecture ; mais à l’article poirier, j’ai dit que j’avois des poiriers greffés sur coignassier, tellement chargés de bourses, qu’ils ne portoient plus ni boutons à bois ni boutons à fruit ; l’expérience me prouve aujourd’hui que par la suppression totale que je fis l’année dernière d’une grande partie de ces bourses, j’eus une récolte abondante, parce que chaque fleur que je laissai retint son fruit. La saison a pu y contribuer, cependant cette même saison s’opposa à la fructification chez mes voisins. Voilà un commencement de preuve, & en voici une plus forte. Ma récolte de cette année est bonne, dois-je encore l’attribuer à la saison qui a également multiplié les fruits chez mes voisins, ou à mon travail de l’année dernière, sur un très-grand nombre de bourses auxquelles je supprimai l’œil qui devoit fleurir & ne laissai que le petit œil destiné à fleurir dans cette année ? jusqu’à présent la présomption est en faveur de mon travail, & prouve qu’il n’avoit pas contrarié la nature. Pour que ce genre de preuves devienne un précepte, il faut une suite d’expériences pour l’établir, mais au moins il met sur la voie.

Je dis actuellement qu’il est possible, & plus que probable, que cette expérience répétée en grand sur les pommiers & sur les poiriers destinés à fournir une boisson, supprimera les récoltes alternes & les rendra annuelles. On objectera que c’est demander un grand travail, & que suivre & tailler ainsi des arbres à plein vent occasionneroit une forte dépense, Je conviens de tout cela ; mais je demande à mon tour le produit d’une récolte de plus, ou du moins d’une plus forte récolte, ne dédommagerai-il pas amplement des avances ? d’ailleurs on doit considérer que dans les pays à cidre & à poiré, les travaux d’hiver ne sont pas urgens comme dans les pays à vignes ; que de telles provinces sont naturellement plus froides, plus pluvieuses, que tous les semis des grains hivernaux sont faits, enfin, que depuis le commencement de décembre jusqu’à l’époque à laquelle on commence à labourer pour les grains marsais, il ne reste aux habitans de la campagne d’autre occupation que celle de couper des bois, réparer les instrumens d’agriculture ; &c. par conséquent ils ont beaucoup de temps à eux, & ont tout le loisir de tailler leurs arbres.

Ne seroit-il pas encore possible d’adapter aux pommiers & aux poiriers une partie de la méthode de culture des oliviers qui, dit-on, sont également alternes dans leur fructification. Cet article mérite d’être relu & d’en faire ici l’application : J’y renvoie afin d’éviter les répétitions des principes. La soustraction annuelle d’un certain nombre de branches, dans le besoin, du premier ordre, ordinairement du second ou du troisième ordre, & annuellement pour ces dernières, forceroit l’arbre à produire sans cesse du nouveau bois & par conséquent à renouveler ses boutons à fruits & ses bourses ; dès lors cette soustraction empêcheroit les récoltes biennes.

Je fais qu’on a conseillé de greffer les arbres & de prendre la greffe sur l’arbre qui devoit porter, par exemple cette année, enfin de greffer un pareil nombre d’arbres dont la bonne, récolte étoit l’année suivante, espérant par ce moyen avoir annuellement une moitié franche des arbres en pleine récolte & également l’année d’après. Un particulier très-intelligent m’a dit avoir fait cette expérience, s’en être bien trouvé pendant les six ou huit premières années, mais dès que le nombre des bourses s’étoit multiplié, ses arbres avoient subi le même sort des autres. Les récoltes obtenues par ce particulier, il les doit à la seule poussée successive des nouvelles branches, & des boutons à fruit ; la multiplicité des bourses y a mis enfin obstacle.

Je sais encore que, par fois, on fait un peu émonder les arbres ; c’est après un très-long espace de temps, lorsque les lichens, les mousses s’emparent des branches, enfin lorsque l’arbre annonce qu’il souffre & qu’il tend à sa destruction. Le remède est apporté trop tard.

On détruit une partie du mal, mais on ne remédie pas essentiellement à la cause. J’ose présumer qu’une taille annuelle & bien entendue vaudroit beaucoup mieux.

Un auteur, d’ailleurs très-estimable & très-zélé pour le bien public, a avancé dans ses écrits, que les lichens & les mousses étoient avantageux aux arbres, en ce qu’ils les garantissoient du froid, & entretenoient une humidité sur leur tronc. J’ai déja démontré, en plusieurs endroits de ce Cours d’Agriculture, que ces corps parasites s’opposoient à la libre transpiration du tronc & des branches ; que la transpiration arrêtée dans l’arbre & dans les plantes opéroit les mêmes ravages que dans l’homme, enfin que ces corps étrangers rendoient les effets du froid plus funestes. Pour mieux juger du petit par le grand, il suffit de considérer les arbres dont les branches sont chargées de la plante parasite nommée guy ; (consultez ce mot) on les voit chaque année dépérir, & être plus attaqués par le froid que les arbres voisins & de même espèce qui en sont dépourvus. Il faut aimer les paradoxes pour oser sérieusement avancer une telle assertion. La négligence habituelle du commun des cultivateurs n’a pas besoin de prétexte ; il en trouve mille pour autoriser son insouciance. Quant à moi, je ne cesserai de dire, & de répéter, nettoyez vos arbres de tous les corps parasites, parce qu’ils vivent à leurs dépens ; ces corps étrangers rendent les places qu’ils occupent sur l’arbre plus exposées à la rigueur des saisons, & souvent y causent des chancres.

III. Culture, Elle n’a rien de particulier. On destine le pommier ou à être planté sur la lisière des chemins ou des champs, ou bien on sacrifie des champs entiers à leur plantation.

Les arbres de lisière ou de ceinture ont un grand avantage sur les autres, parce qu’ils sont environnés d’un grand courant d’air, & reçoivent la lumière du soleil de tous les côtés ; enfin ils profitent de l’avantage produit par les labours donnés aux champs : voilà leur beau côté.

Si lorsqu’on a levé le semis, pour en transporter les plants dans la pépinière, on avoit conservé leur pivot ; si en plantant les arbres à demeure on ne l’avoit pas coupé ; enfin, si la fosse avoit été creusée assez profondément pour le recevoir dans son entier, cet arbre ne pousseroit pas des racines horizontales & presqu’à fleur de terre, qui sont mâchées & mutilées par la charrue. Il se forme, il est vrai, un bourrelet tout autour de la blessure ; mais de ce même bourrelet il en sort une infinité de racines capillaires qui dévorent les moissons, jusqu’à ce qu’elles soient emportées par de nouveaux coups de charme. Il est démontré que la greffe diminue la longévité & la force de l’arbre ; mais l’une & l’autre sont bien plus diminuées lorsqu’on coupe le pivot.

En outre, comme la loi prescrit de ne planter qu’à une certaine distance du champ de son voisin ou du chemin riverain, toute la partie du champ qui avoisine l’arbre est mal labourée, la charrue tourne difficilement pour commencer un nouveau sillon, & j’ai presque toujours vu ces malheureux arbres criblés de blessures entre deux terres, faites par le soc de la charrue, & souvent l’écorce du collet des racines presqu’entièrement détachée du tronc. Ne vaudroit-il pas beaucoup mieux laisser un certain espace de terrain tout autour de l’arbre sans le labourer, mais le travailler ensuite avec la bêche, (consultez ce mot) ou avec la pioche. Ce genre de labour vaudroit en lui-même beaucoup mieux, & les racines ne seroient pas endommagées. Qu’on ne se plaigne donc pas de la caducité précoce des pommiers & des poiriers. On ne leur laisse pas le temps de réparer le mal qu’on leur fait chaque année en labourant.

Afin de faciliter la cueillette du fruit, afin de le moins exposer à l’impétuosité des vents, on coupe la tête de l’arbre à la hauteur de 6 à 7 pieds ; mais comme le pommier a une tendance à incliner ses branches vers la terre, il suit delà que la récolte en grains est toujours médiocre sous l’arbre. L’avoine est parmi les graminées la plante qui y réussit le moins mal ; mais pour cela elle doit avoir été semée avant l’hiver, parce qu’à l’époque de la fleuraison & de la feuillaison du pommier, elle a acquis beaucoup de force, & l’arbre n’est parfaitement feuillé que vers le moment où l’on met la faucille dans l’avoine.

Le second genre de plantation consiste à disposer les arbres en quinconce sur un champ entier. Avant de s’y déterminer, on doit observer que les pommiers à cidre ne prospèrent pas dans un fond argileux. Ce fond retient trop l’humidité, qui, réunie à celle qui est ordinaire dans l’atmosphère du pays, entretient & accélère prodigieusement la végétation des mousses & autres plantes parasites. Cet arbre réussit très-bien dans les terres fortes, mais perméables aux racines ; cependant il vaut beaucoup mieux conserver ces terrains pour le grain qui y réussit à merveille. Les terres de médiocre qualité sont celles qu’il convient de destiner aux plantations.

Ces arbres demandent à être espacés de 36 à 40 & 45 pieds, si on veut se procurer deux récoltes, celle de pommes & celle de grains. Toute plantation plus rapprochée nuit à l’une & à l’autre ; il est aisé d’en sentir les raisons. D’ailleurs, cette distance facilite le labourage, & on travaille ensuite les arbres aux pieds, comme il a été dit à l’article olivier. Si on fume tous les deux ou trois ans le pied des arbres, une plus abondante récolte dédommagera de cette avance. L’ouverture des fosses & la plantation des arbres sont les mêmes que pour l’abricotier, (consultez ce mot) ou pour tous les arbres fruitiers. Les gazonnées jetées au fond des fosses, sur-tout dans les terrains maigres sont très-avantageuses. Plus le terrain est maigre, plus la fosse exige de largeur & de profondeur, afin de faciliter une forte végétation pendant les premières années, dont l’arbre profitera tant qu’il subsistera. Comme les racines sont toujours en raison des branches, plus ces dernières acquerront de force, & plus les autres profiteront. Les arbres & toutes les plantes en général se nourrissent autant par leurs feuilles que par leurs racines ; (Consultez le mot Amendement) l’équilibre s’établit entre les branches & les feuilles, & de cet équilibre résulte une forte végétation : enfin lorsque les racines parviennent à la terre maigre qui environnoit la fosse, elles ont plus de force pour s’étendre, pour y pénétrer & aller chercher les sucs qui leur sont propres, que si la fosse eût été moins profonde & moins large, suivant la coutume ordinaire. Columelle disoit, avec raison, aux Romains : n’épargnez rien pour la plantation d’un arbre, souvenez-vous qu’il doit vous survivre, & que si vous êtes avare à son égard, il le sera au vôtre & vous coûtera le double s’il faut que vous le replantiez. Si on ajoute à cette dépense la non-valeur du sol pendant plusieurs années, & le manque de récolte, on se convaincra que l’on a perdu dix fois le prix des bonifications qu’on auroit dû lui donner en ouvrant la fosse & en le plantant. Pères de famille, c’est pour vous & pour vos enfans que vous plantez, plantez moins si vos facultés sont bornées, mais plantez mieux lorsque vous serez dans le cas. Dans les provinces à pommiers, le gazon n’y est pas rare, parce que l’atmosphère y est humide & naturellement peu chaude ; ainsi aux momens de loisir faites en transporter quelques tombereaux ; en pourrissant il forme de la terre végétale ou humus, que vous serez bien aises de trouver sur les lieux, le jour destiné à la plantation. Il suffit d’avoir un peu d’ordre dans ses travaux pour prévoir même long-temps à l’avance, la quantité de gazon dont on aura besoin par la suite. Le travail se trouvera fait sans qu’on s’en soit aperçu, & on aura employé des instans qui auroient été perdus. Le grand art de l’agriculteur est de bien employer ses momens. Que de journées, de demi-journées, & de quart de journées perdus, pour ne pas avoir su en profiter ! Après cela, on se plaint que le temps manque ! y ne manque jamais quand tout est fait à propos.

C’est la plus mauvaise des méthodes de planter les pommiers à cidre dans les prairies, & de les convertir en verger, même en travaillant chaque année la circonférence du tronc à six pieds de distance. Si la terre a beaucoup de fond, si ce fond est aisément perméable aux racines ; enfin, si l’arbre a son pivot, le mal sera moins grand à la vérité, mais il existera toujours. Si au contraire la terre est maigre par elle-même, si elle a peu de fond, si enfin on a retranché le pivot, on conçoit bien que les racines seront horizontales & à fleur de terre ; dès-lors quelle nourriture tireront-elles d’un sol couvert d’herbe, qui s’approprie les bons effets des météores, & dont les racines absorbent tous les sucs de la couche superficielle de la terre ? C’est un cas très-rare de voir un pareil verger prospérer.

Il vaut beaucoup mieux renoncer à l’herbe, au fourrage, & travailler à se procurer quelques récoltes en grains ; d’ailleurs, tout fourrage venu à l’ombre & sous les arbres, est d’une qualité très-inférieure, appelée aigre par les gens de la campagne. En général, dans aucun cas, on ne peut espérer une bonne récolte en dessus & en dessous ; l’une nuit essentiellement à l’autre.


CHAPITRE III.

De la culture & conduite des pommiers à fruits à couteaux.

I. Des différents sujets de pommiers. On multiplie les pommiers, ou par semences, qui donnent le véritable franc, ou par sauvageons, qui sont de jeunes plants levés dans les bois, & produits par les semences des fruits sauvages. Les premiers sont en tous points préférables aux derniers, dont le fruit conserve toujours un peu de sa première rudesse. Si on prend la peine de relire l’article espèce, on verra qu’on perfectionne les fruits par les semis ; mais la graine doit être choisie parmi les espèces reconnues les meilleures ; cependant, on ne parviendra jamais au point de perfectionnement, à moins qu’un heureux hasard ne produise d’un seul jet une bonne qualité de poire, de pomme, &c. ; c’est à la greffe à la perpétuer & à lui donner successivement son dernier degré de perfection.

Le doucin, variété du pommier franc, s’élève moins haut que le premier ; il est plus foible & dure moins. Il est consacré aux arbres en espalier & à mi-vent ; il se multiplie par les boutures & par les drageons.

Le paradis, beaucoup plus foible que le second, dont il est une variété, forme l’arbre vraiment nain ; & le paradis appelé de Hollande, est le plus petit de tous les arbres à fruits après le pêcher nain ; on le multiplie également par marcottes, drageons & boutures.

Le franc & le sauvageon ont été jusqu’à ce jour destinés à former les pommiers à plein vent.

Le doucin sert également pour le plein vent, mais il est moins beau, moins fort que le premier ; son emploi le plus fréquent est pour les mi-vents, l’espalier & le buisson ou gobelet. (Consultez ces mots)

Le paradis fournit les arbres d’espalier très-bas, & les petits nains, dont on forme des massifs, des quinconces, des bordures ; enfin, que l’on cultive dans des pots. On ne greffe, communément sur les paradis, que les calvilles blanches & rouges, les reinettes, l’api, le rambour, &c. ; les fruits qui en résultent sont beaucoup plus gros que ceux qui ont été greffés sur doucin & sur franc ; ces petits arbres se mettent promptement à fruit, & vivent beaucoup moins long-temps que les premiers. On peut, en général, fixer leur durée à dix ans, après quoi il faut les renouveler.

Ces trois différentes espèces de pommiers sont susceptibles de recevoir toutes les greffés connues, sur-tout les deux premières ; celle en écusson est généralement la plus employée.

La manière & le temps de greffer sont communs à tous les arbres fruitiers ; ainsi consultez le mot Greffe.

Dans les environs de Paris, on a la coutume de greffer sur franc les arbres destinés au plein vent, ainsi que sur doucin, après que le tronc a pris une consistance convenable ; alors on abat sa tête à la hauteur de six pieds, & on greffe ensuite sur ses nouvelles poulies. Cette méthode est peu connue dans la majeure partie de nos provinces, & on a tort de ne pas l’admettre ; par ce moyen on ne craint plus l’ignorance ou le préjugé des planteurs d’arbres, qui croient bien faire en enterrant la greffe lors de la plantation de l’arbre. Le seul accident à redouter pour ces greffes faites en tête, sont les coups de vents, qui, parfois, en abattent quelques-unes ; mais comme on place plusieurs greffes sur un même pied, si l’une périt, l’autre la supplée.

Le second avantage de ce placement de greffe est de forcer le tronc à grossir, après qu’on lui a coupé la tête, & pendant la première année qu’il pousse de nouveaux bourgeons, & pendant la seconde qu’on lui applique la greffe ; ce tronc grossit beaucoup, & ne s’élance pas. Enfin, le troisième avantage est de se fournir d’un grand nombre de racines, dont quelques-unes sont assez fortes pour dédommager un peu de la perte du pivot, (consultez ce mot) que les pépiniéristes ont grand soin d’abattre, & même qui deviendroit inutile par la manière désastreuse, dont ils, je ne dis pas, enlèvent les arbres de terre, mais les arrachent avec violence & les détruisent.

On lit dans le Journal économique du mois de juillet 1756, un fait dont je ne garantis nullement la vérité, & je prie les amateurs d’en répéter l’expérience. « Je ne sais si l’on peut imaginer quelque chose de plus curieux que de voir servir sur une table une poire, par exemple, moitié bon-chrétien d’été & moitié beurré. On se procure facilement ce plaisir en observant de mettre ensemble des fruits de la saison. Cette première précaution prise, On aura deux écussons de différentes poires ou de pommes dont les yeux sont bien bons. On fendra la peau du sauvageon sur lequel on se sera proposé de les enter, toutefois sans l’ouvrir, & l’on coupera la peau de chaque écusson tout près de l’œil, alors on les insinuera le plus promptement possible dans la fente que l’on aura faite au sauvageon, en sorte que les deux yeux se touchent, & qu’en s’unissant ils ne fassent plus qu’un seul jet ; ce que j’avance ici est commun à Rome.»

II. Culture. La plantation de cet arbre est la même que celle de l’abricotier, du cerisier, de l’amandier. (Consultez ces mots) Il se plaît dans les vallons, sur les hauteurs des pays tempérés & froids jusqu’à un certain point. Il réussit très-mal dans les expositions chaudes & dans nos provinces méridionales. Il aime les terres douces, légères, qui ont du fond, & sur-tout le pommier paradis qui languit & végète foiblement dans les terres fortes & argileuses. Le doucin ne s’y plaît pas beaucoup ; le franc y réussit un peu mieux, mais en total cette espèce de terre convient peu à ces pommiers ; ils s’y chargent de mousse, de lichens, de plantes parasites qui annoncent leur état de souffrance, & qui en profitent.

La meilleure manière de préparer les semis est de laisser pourrir les pommes & d’en séparer les pépins, parce que, je ne cesserai de le répéter, la chair du fruit est la nourriture de la semence. (Consultez le mot Poirier & ce qui a déja été dit à l’article des autres arbres fruitiers.) Quant au doucin & au paradis, la meilleure manière de les multiplier, c’est par les drageons qu’ils poussent du collet des racines & au dessous de la greffe, & qui nuisent beaucoup à l’arbre si on ne les en sépare pas.

Tous les semis exigent une terre douce, substancielle, ayant au moins un pied franc de profondeur & rigoureusement sarclés de mauvaises herbes. L’opération sera facile, si le pépin a été semé par raies & non à la volée comme on le pratique ordinairement. En suivant cette méthode, & en espaçant les sillons de six pouces on serfouit sans peine la terre deux ou trois fois dans la saison, sans mire aux racines, & ces petits labours favorisent singulièrement la végétation.. Au mois de novembre suivant, on ouvre une tranchée de dix-huit pouces de profondeur à l’un des bouts du sol consacré au semis, & chaque brin est détaché sans peine, sans meurtrissure, dans tout son entier. Les pépiniéristes n’ont rien de plus pressé que d’écourter les racines, de retrancher le pivot. Mon cher lecteur, je vous conjure avec la dernière instance de ne pas imiter cet exemple désastreux.

Après avoir défoncé à la profondeur de trois pieds le sol qui doit recevoir la porrette, on la replante en alignement & en quinconce à trois pieds de distance en tout sens ; les labours & les sarclages sont nécessaires pendant le reste de l’année comme pour les autres fruitiers. On peut greffer en écusson après la première année de plantation ; il est plus prudent d’attendre à la seconde, parce que le sujet a pris du corps & parce qu’il est mieux proportionné & plus en état de recevoir la greffe. Quant aux pommiers destines au plein vent, & qu’on veut greffer en tête, ainsi qu’il a été dit plus haut, il vaut beaucoup mieux attendre la troisième, & si le besoin l’exige, la quatrième. Ce cas est fort rare si le sol est bon & si l’arbre a été conduit comme il l’exige.

Rien de plus particulier pour la transplantation de cet arbre que pour celle des autres arbres fruitiers ; mais, je le répète, il ne faut jamais retrancher le pivot.

III. De la taille. Ce que j’ai dit plus haut en parlant des pommiers à cidre, s’applique à ceux-ci qui sont en plein vent ; quant à ceux en buisson, en espalier contre des murs & en espalier ou éventail, il leur faut la même conduite que pour le poirier. La seule différence consiste à réserver les côtés les moins bien exposés au soleil pour les pommiers en buisson & en espalier, à moins que l’on n’habite un pays naturellement froid. Si le terrain favorise la végétation du pommier, s’il lui convient, les arbres destinés à former l’espalier ou l’éventail doivent être espacés de 25 à 30 pieds ; quelques pieds de moins pour ceux qui donnent peu de bois. Je parle ici du pommier greffé sur franc & même en général sur doucin ; quant à ceux sur paradis, l’espace doit être proportionné à leur foiblesse. Un amateur n’établira jamais un bel espalier avec du paradis. Ce dernier mérite d’être relégué dans quelques coins ou dans de petites portions de terrain où un pommier sur franc & même sur doucin ne trouveroit pas à s’étendre. La majeure partie des espèces de pommiers pousse avec une vigueur étonnante, & leurs bourgeons demandent à être étendus sur toute leur longueur. On doit tout au plus arrêter seulement leur pointe, & disposer toutes leurs pousses sur l’angle de 45 degrés. En suivant cette méthode, en ne conservant que quatre mères branches, disposées sur cet angle, on parviendra, en peu d’années, à avoir des espaliers de la plus grande beauté. Si au contraire, & suivant la pratique journalière, on laisse des branches perpendiculaires, les gourmands domineront (consultez ce mot), épuiseront inutilement la sève, & les branches latérales prendront peu d’étendue. Si on fixe les jeunes branches sur des lignes horizontales, il faudra beaucoup plus de mères branches, & l’arbre sera non-seulement trop chargé de gros bois, mais encore ces branches horizontales ne pousseront jamais des bourgeons en dessous, & sembleront former autant d’échelons souvent maigres, fluets, & dont la longueur ne se trouvera pas en proportion avec leur peu de grosseur. Mères branches ou membres, bourgeons nouveaux, nouvelles branches, tout demande l’angle de 45 degrés, & cet angle bien observé sur toutes les parties de l’arbre force celui qui le taille à ne laisser que le bois qui lui convient. On peut alors dire avec raison qu’il règne un bel ensemble & un équilibre parfait entre les parties du tout.

Le pommier demande à être palissé plusieurs fois dans l’année ; & chaque fois que l’on palisse, ce doit être sur l’angle de 45 degrés. On doit supprimer tous les bourgeons qui poussent sur le devant, & qui ne peuvent être dûment palissés sans faire un coude à leur base, ce qui est toujours défectueux à l’œil. De pareils bourgeons ainsi contournés se mettent plutôt à fruit qu’à bois. Les bourgeons qui poussent entre le mur & la branche, méritent le même sort que ceux du devant, à moins qu’on n’ait quelques places vides à regarnir, alors on les ménage avec soin.

Le paradis ne peut, à cause de sa foiblesse, être soumis aux mêmes loix de taille que le doucin. Il faut casser souvent les bourgeons, afin de le forcer à se mettre à fruit, sur-tout si on le cultive dans des vases, pots ou caisses. Mais quand une fois il est à fruit, on lui laisse pousser ses bourgeons en liberté, & on ne les arrête qu’à la taille suivante. La cassure est une arme bien dangereuse dans les mains d’un ignorant. Si elle n’est pas employée à propos, il en résulte des toupillons, des brindilles, & ensuite, une si grande quantité de boutons à fruit, que les boutons à bois deviennent très-rare. La terre de ces petits arbres cultivés dans des pots demande à être changée au moins tous les deux ans & renouvelée par une terre très-substancielle. On fera très-bien de tenir la superficie du vase recouverte à un ou deux pouces d’épaisseur, par du fumier, du tan, &c., afin d’empêcher la trop grande évaporation & prévenir les crevasses.


CHAPITRE IV.

Des Ennemis des Pommiers.

Je ne parlerai pas ici du hanneton en état d’insecte parfait, ni de sa larve nommée turc, ver-blanc (consultez le mot Hanneton), ni du taupe-grillon, connu en quelques endroits par les dénominations de courterose, courtilière (voyez le mot Taupe-grillon.) Il s’agira simplement ici de deux chenilles plus particulières aux poiriers, à l’aubepin & aux pommiers, qu’aux autres arbres fruitiers, sur lesquels elles ne se jettent que lorsqu’elles ne trouvent plus de quoi manger.

La première est appelée la livrée, par Geoffroi, & désignée sous la dénomination de Phalœna neustria par Linné. Elle vit en société, elle est poliphage, & fait un ravage affreux surtout sur les poiriers & sur les pommiers où elle ne laisse exactement que les branches ; & lorsque la nourriture lui manque, elle se jette sur l’arbre le plus voisin dont elle détruit la verdure, & ainsi de suite pour les outres. Ces chenilles furent si abondantes en 1786, qu’elles ravagèrent presque tous les arbres fruitiers & la majeure partie des haies d’épine blanche ou aubepin. L’insecte parfait ou le papillon dépose ses œufs autour d’une branche d’arbre & encore plus souvent sur les bourgeons, tout a l’entour & par anneaux que les cultivateurs nomment bague (consultez ce mot), & en si grande quantité ; que quelquefois cette bague a un pouce de largeur. Lorsque les feuilles sont tombées, c’est l’époque à laquelle on doit visiter ses arbres, & les en détacher avec un instrument tranchant. Si on jette sur terre les débris, on court grand risque d’avoir travaillé en vain. On doit donc les rassembler soigneusement dans un panier, & ensuite les jeter au feu.

II. La chrysorrhoée est une phalène bombix ; sa larve est aussi redoutable que celle de l’espèce ci-dessus.

Les chenilles de cette espèce vivent en société, & dès le commencement du printemps elles dévastent tous les arbres. Elles sortent de ces coques blanches que l’on voit pendant l’hiver attachées en si grande quantité aux branches des arbres. Les premiers jours du vent du midi tant soit peu chauds suffisent pour les engager à sortir de leur coque ; mais elles y rentrent bien vite s’il survient du froid ou de la pluie. Enfin elles n’abandonnent entièrement leur première demeure que lorsque la belle saison est arrivée ; alors elles restent, pendant le jour comme pendant la nuit, dispersées sur les feuilles des arbres. Lorsqu’elles ont suffisamment pris de nourriture, elles se métamorphosent en papillons, qui déposent leurs œufs vers le milieu de l’été, & qui peu de temps éclosent & recommencent leurs ravages ; d’où il résulte que cette espèce fait mal deux fois l’année… On est tout étonné, après avoir rigoureusement fait écheniller ses arbres pendant l’hiver, de les voir de nouveau chargés de cet insecte ; on ne manque pas de dire alors, & c’est une opinion fort répandue, que ces insectes sont portés par les vents. Si on a détruit toutes les coques, on n’aura pas à coup sur la chenille chrysorrhoée ; mais l’échenillage des coques ne détruit pas les bagues d’où sort le neustria ou livrée ; voilà d’où provient le mal, & auquel on ne fait nulle attention : c’est plutôt fait d’imputer la transmigration de l’insecte a la force du vent.

III. Il est encore une larve plus dangereuse, sur-tout aux pommiers, c’est celle que von-Linné désigne ainsi, Phalœna œsculi, elinguis lœvis nivea, antennis thorace brevioribus, alis punctis numerosis cœruleo nigris, thorace senis. Cet insecte est d’autant plus nuisible, que l’insecte parfait dépose ses œufs entre l’écorce & le bois, & lorsqu’ils sont éclos, ils pénètrent dans l’intérieur de l’arbre, se nourrissent de la partie la plus tendre, vont jusqu’au cœur, & font presque toujours périr l’arbre, une seule larve suffit pour détruire un jeune pommier. On reconnoit l’ouverture qu’a fait la larve, & par où elle commence sa galerie souterraine, par les excrémens ou sciures de bois, qui sont au pied de l’arbre. On introduit dans cette galerie un fil de fer ou de laiton, rendu souple par le feu, & on l’enfonce jusqu’à ce que l’on soit parvenu à percer le ver, ce que l’on reconnoit à l’humeur visqueuse de l’insecte, qui s’attache à l’extrémité du fil de fer.

Il n’est pas étonnant que sur des arbres en plein vent, le cultivateur ne puisse pas détruire les chenilles, sur-tout la livrée, parce que les bagues qu’elles forment échappent à l’œil ; cependant la chose seroit aisée s’il le vouloit fortement. Les jeunes chenilles, après être sorties des œufs qui formoient la bague, se rassemblent en société, & forment une espèce de coque ou réseau, dans lequel elles se renferment pendant les pluies, pendant les vents froids, & sur-tout pendant les nuits fraîches. C’est à ces époques qu’il faut faire écheniller rigoureusement, recueillir les coques dans des paniers & les brûler ensuite. Quant aux coques de la chrysorrhoée, elles subsistent pendant tout l’hiver & pendant les gelées, temps auquel on est peu occupé dans les jardins & dans la campagne ; il convient de suivre chaque arbre & de repasser plusieurs fois auprès, afin de s’assurer qu’on n’a oublié aucune coque, pliant aux espaliers, aux arbres en éventail, en gobelet, aux mi-vents, aux nains, c’est toujours la faute du jardinier si on y trouve les deux espèces de chenilles. Il aura beau dire que le vent les apporte, n’en croyez rien. Si, comme il le devoit, il avoit en taillant suivi toutes les branches, les bourgeons, les brindilles, &c. il auroit a coup sûr trouvé les bagues qui fournissent la chenille la plus commune dans les jardins fruitiers. Quant à l’autre espèce, si elle y existe, elle est due à l’indolence ou à la négligence la plus condamnable, puisque les coques parlent aux yeux pendant tout l’hiver. (Consultez ce qui a été dit, au mot Chenille)


CHAPITRE V.

Des propriétés du pommier.

1°. Propriétés économiques. Le bois du pommier sauvage est fort recherché par les menuisiers & par les tourneurs ; celui du pommier greffé est moins dur, mais également utile. On commence aujourd’hui à en faire une certaine consommation pour graver des planches qui servent à l’indiennerie… C’est avec le fruit du pommier que l’on prépare le cidre. (Consultez ce mot…) Les bonnes espèces de pommes se conservent très-long-temps, mais la présence des fruits rouges leur est défavorable ; on préfère alors ces derniers… La longue conservation des pommes tient à deux choses, à la qualité du fruitier & à la manière de récolter le fruit. Je ne répéterai pas ici ce qui a déja été dit sur le fruitier ; j’insisterai seulement à conseiller de laisser le fruit sur l’arbre, autant que le canton le permettra, jusqu’au moment que l’on craint la gelée ;… de le cueillir par un temps sec & beau, &, s’il se peut, de ne commencer la cueillette que vers le midi, afin que le soleil ait eu le temps de dissiper toute espèce d’humidité… La coutume, trop générale, d’amonceler le fruit après qu’il a été cueilli est ridicule ; il faut le faire suer, vous dit-on, mais il s’échauffe, il fermente, & par là ses principes constituans sont altérés. Consultez ce qui a été dit au mot Chataignier) Il vaut beaucoup mieux le ranger avec précaution dans des paniers à mesure qu’on le récolte ; éviter tout froissement, toute meurtrissure, & le transporter au fruitier où chaque pomme est rangée sur des claies, sur des tablettes, &c. sans toucher la pomme sa voisine, afin que le courant d’air entraîne toute l’humidité. C’est en plaçant ainsi les fruits, qu’on sépare tous ceux qui sont meurtris & attaqués par les vers, & on les transporte dans un autre endroit parce qu’ils ne tarderoient pas à pourrir. On ne doit point fermer les portes ni les fenêtres du fruitier pendant les premiers jours, à moins qu’on ne craigne les gelées ou un temps trop humide. Une semaine après, le tout doit rester exactement clos, au moins le vitrage. C’est le cas dans les premiers temps de visiter souvent son fruitier afin de séparer tout fruit qui annonce quelque altération. Peu à peu il ne reste plus que les pommes saines qui se conserveront très-long-temps. Les fruits gâtés servent à la nourriture de la volaille, des cochons, &c.

1°. Propriétés médicinales. La pomme de reinette est en général la seule employée en médecine, & M. Vitet, dans son excellente Pharmacopée de Lyon, dit qu’elle nourrit légèrement, tempère la soif, développe beaucoup d’air dans les premières voies, & maintient le ventre libre ; cuite sans eau, elle se digère plus promptement & elle fournit moins d’air. Ainsi préparée & macérée dans une grande quantité d’eau, elle forme une boisson avantageuse ; 1°. dans les maladies inflammatoires de la tête & de l’abdomen, lorsqu’il n’existe ni météorisme, ni humeur acide, dans les premières voies, ni dispositions vers ces deux états ; 2°. dans les maladies fébriles sans météorisme, avec chaleur âcre des tégumens, soit sécheresse de la bouche ardeurs d’urine. Elle tient le ventre libre & le cours des urines facile ; elle diminue l’expectoration & porte sensiblement préjudice dans les maladies inflammatoires de la poitrine ;… extérieurement cuite sans eau, & mise par forme de cataplasme, elle favorise la résolution de l’ophtalmie érésipélateuse & de l’inflammation des paupières. La pomme de reinette pourrie a produit quelquefois les mêmes effets… Le sirop de pommes de reinette ne diffère point de l’eau où l’on fait macérer des pommes de reinette cuites à la braise & qu’on édulcore avec du sucre.

J’ai vu dans les pays où les pommes sont très-abondantes, que l’on donnoit à pleine auge, aux bœufs & aux vaches, celles qui tomboient de l’arbre. Cette nourriture les rafraîchit, il est vrai, mais attendu la grande quantité d’air qu’elle contient, il arrive souvent que ces animaux sont attaqués de violentes coliques venteuses. On doit donc être plus circonspect, & ne leur en donner qu’un peu chaque jour.


  1. Le Traité des arbres fruitiers de M. Duhamel, fournit cette section toute entière.
  2. Dans quelques Paroisses du Roumois & du Lieuvain, dont le sol est favorable, les habitans sèment & traitent les pépins à la charrue & à la herse comme le blé ou le lin ; ils le vendent par bottes en Automne & à très-bon marché.
  3. Note de l’Éditeur. Ce précepte ne s’accorde pas avec ce que je n’ai cessé de répéter sur l’inutilité & l’abus de couper le pivot. Je prie l’Auteur, & tous ceux qui forment des pépinières, de comparer les arbres élevés suivant les deux méthodes.
  4. Dans plusieurs cantons, & notamment pour les plantations en terces labourables a la charrue, on fait avec de la paille longue, mouillée, des cordons gros comme le bras dont on entoure exactement la tige des pommiers ; cela les défend contre le soleil & même contre les atteintes de la charrue ; mais ces espèces de jarretières gênent l’accroissement de la tige en grosseur, & donnent asile aux insectes qui la rongent en été & en hiver.