Cours d’agriculture (Rozier)/PÊCHE, PÊCHER

Hôtel Serpente (Tome septièmep. 471-543).


PÊCHE, PÊCHER. Tournefort le place dans la septième section de la vingt-unième classe des arbres à fleurs en rose, dont le pistil devient un fruit à noyau, & il l’appelle persica. Von-Linné, réunit le pêcher au genre des amandiers, il le classe dans l’icosandrie monogynie, & il le caractérise amygdalus persica.[1]

CHAPITRE PREMIER. Description du genre
CHAP. II. Description des espèecs.
CHAP. III. De l’exposition que demande le pêcher, de la terre qui lui convient, & des sujets à greffer qu’il exige.
CHAP. IV. De la multiplication & du perfectionnement des espèces de pêcher par les semis, & par la greffe.
CHAP. V. De la plantation du pêcher.
CHAP. VI. De la taille du pêcher.
Sect. I. Méthode de M. de la Quininiye.
Sect. II. Méthode de Montreuil.
Sect. III. Méthode d’une société d’Amateurs.
CHAP. VII. Des opérations accessoires après & pendant la taille.
Sect. I. Des opérations semblables à celles usités en chirurgie.
Sect. II. Inventions particulières pour modérer la sève, fermer les arbres, & leur faire rapporter du fruit.
CHAP. VIII. Des opérations nécessaires après la taille.
CHAP. IX. Des maladies des pêchers.
CHAP. X. Du propriétés du pêcher.


CHAPITRE PREMIER.

Description du genre.

Le calice de la fleur est d’une seule pièce, en forme de tube, découpé en cinq parties obtuses, ouvertes, & il tombe quand le fruit est noué… ; la fleur est composée de cinq pétales oblongs, ovales, obtus, concaves, insérés au calice… ; les étamines au nombre de trente environ, en forme de fil, de moitié plus courtes que la corolle ; elles sont implantées sur le calice… ; le pistil est presque rond, velu ; son style est simple, de la longueur des étamines, & son stigmate est en forme de tête… ; à ce pistil succède un fruit obrond, velu, marqué d’un sillon longitudinal, charnu, dont la peau est presque toujours velue. Il renferme un noyau ligneux, creusé, sillonné, rustique à sa surface, & il renferme une amande à deux lobes. Le péduncule du fruit est très court & s’implante dans une cavité plus ou moins profonde suivant l’espèce.

Quoique les feuilles, d’après le système de Linné, ne soient que des caractères secondaires au genre, on peut cependant dire, en général, que celles du pêcher sont simples, entières, longues, terminées en pointe, dentées à leurs bords, en dentelures très-aiguës ; elles sont portées sur de courts pétioles, & marquées d’une forte nervure qui en est le prolongement.

Cet arbre est originaire de Perse ; & il est aujourd’hui naturalisé en France ; nous en sommes redevables aux romains. Une tradition fondée sur une confusion de mot, dit que les perses envoyèrent les pêchers en Europe, afin de se venger de ses conquérans, & qu’ils mourussent empoisonnés en mangeant de son fruit. Ce prétendu fait historique, avancé par Columelle, est réfuté par Pline. On a confondu l’arbre appelé persica, qui est une espèce de laurier, & dont la fleur sans calice n’a que neuf étamines, avec le persica ou notre pêcher.

Cet arbre s’élève peu, il se charge de beaucoup de feuilles, & chaque feuille nourrit un bouton. Livré à lui-même, il se défeuille par le bas, & il subsiste pendant peu d’années. Plus on approche des provinces méridionales du royaume, & plus ses fruits sont parfumés. Ils sont moins juteux, il est vrai, que dans les autres provinces plus tempérées ; mais si on a la facilité d’arroser les arbres une fois ou deux pendant la grande chaleur, & sur-tout au moment où le fruit se dispose à mûrir, il réunit alors au suprême degré & la qualité fondante, & la qualité aromatique. Plusieurs espèces de pêches mûrissent au midi, & très-rarement dans les provinces du nord, malgré les meilleurs abris & les soins les plus assidus. Ainsi, en supposant que les pêches sont, généralement parlant, plus fondantes dans le climat de Paris, elles sont plus aromatisées en Provence, en Languedoc, &c., & outre les espèces propres au pays, on a l’avantage d’y cultiver les espèces du nord.


CHAPITRE II.

Description des espèces.


Il seroit bien difficile de caractériser quelle espèce de pêche a été le type des espèces que l’on cultive aujourd’hui. S’il étoit permis de hasarder une conjecture, on pourroit dire que la pêche ordinaire des vignes est la première, puisqu’elle se perpétue toujours la même par le semis de son noyau. Il n’y auroit qu’un seul moyen capable de nous instruire sur ce fait ; ce seroit de faire venir de Perse les noyaux des fruits de l’arbre qui y croît spontanément, de les semer en France, & de comparer l’espèce qui en proviendroit avec celles que nous possédons. Les consuls françois ou chargés d’affaires, établis dans presque tous les pays, pourroient faire les envois, s’ils y étoient invités par le ministre chargé du département de l’agriculture. Il seroit encore intéressant de leur demander des noyaux de toutes les espèces de fruits, & désignées par leurs noms ; il est certain qu’il résulteroit de ces envois, & des semis qu’on feroit en France, plusieurs espèces nouvelles. On distingue les pêches en trois espèces jardinières : (consultez le mot Espèce) savoir en pêches dont la chair est molle, tendre, succulente, d’un goût relevé, & qui quitte le noyau… ; en pavies dont la chair est ferme, moins succulente, & qui tient au noyau. Ce sont les espèces les plus communes dans les provinces du midi, ainsi que les espèces suivantes… ; en Brugnons, dont la peau est lisse unie, luisante, & la chair plus ferme que celle des pêches, & moins ferme que celle des véritables pavies ou alberges. M. Duhamel établit une quatrième division, les pêches dont la peau est violette, lisse, & sans duvet, & dont la chair fondante quitte le noyau.

Il est très-difficile d’assigner des caractères bien distincts à ces pêches, qui sont pour la plupart des variétés d’autres variétés ; mais afin de ne pas multiplier les classes, & de ne pas donner une synonymie nouvelle qui augmenteroit la confusion, il est plus avantageux de sacrifier la petite gloriole d’auteur, & de suivre la route déjà tracée par un grand maître, par M. Duhamel, qui a publié l’ouvrage le plus complet en ce genre ; d’ailleurs il est impossible qu’au fond d’une province j’aie pu rassembler toutes les espèces dont il parle, & les décrire avec les fruits sous les yeux. Ce n’est que dans les environs de Paris que l’on peut avoir cette ressource. Toutes les fois que l’occasion s’en présentera, je rendrai hommage à la mémoire de cet estimable citoyen, & il sera le garant de ma reconnoissance & de l’affection que je lui avois vouées. Je préviens donc le public, que je vais copier mot à mot ce que cet excellent observateur a publié, sur les espèces de pêches.

I. Avant-Pêche blanche, Voyez Planche IX, persica flore magno, prœcoci fructu, albo, minori. Duh. Ce pêcher qui devient grand dans certaines terres, où il se plaît singulièrement, n’est qu’un arbre moyen dans les terrains ordinaires. Il pousse peu de bois, mais il est assez fertile en fruits.

Ses bourgeons sont menus & verts comme ses feuilles… ; ses boutons sont petite, alongés & pointus… ; ses feuilles de grandeur médiocre, sont longuettes, relevées en bosses, pliées en gouttière, recourbées en différens sens, d’un beau vert, dentelées & surdentelées finement par les bords.

Ses fleurs sont assez grandes, presque blanches, ou de couleur de rose très-pâle ; ses fruits sont petits, n’excédant pas la grosseur d’une noix ; quelques-uns sont ronds, la plupart sont alongés ; ils sont terminés par un petit mamelon pointu & quelquefois très-long ; une gouttière très-marquée s’étend sur un côté des fruits depuis la queue jusqu’au mamelon ; dans quelques-uns elle s’étend encore sur une partie de l’autre côté, & dans d’autres, sur tout l’autre côté ; mais elle est beaucoup moins profonde & à peine sensible ; sa peau est fine, velue, blanche, même du côté du soleil, où cependant on apperçoit une teinte de rouge fort légère, lorsqu’à la fin de juin, ou au commencement de juillet, il fait des jours très-chauds[2] ; sa chair est blanche, même auprès du noyau, fine, succulente. Les années sèches la rendent un peu pâteuse, alors elle n’est bonne qu’en compotes. Son eau est très-sucrée, elle a un parfum qui la rend très-agréable, on croit que c’est ce parfum qui attire les fourmis, très-friandes de ce fruit. Son noyau est petit, presque blanc, ordinairement adhérent à la chair par quelques endroits.

Cette pêche est la plus hâtive de toutes ; il est bon d’en avoir à différentes expositions, afin que celles qui mûrissent plus tard remplissent l’intervalle qu’il y auroit entre celle-ci & la suivante[3], elle mûrit quelquefois dès le commencement de juillet.

2. Avant-Pêche rouge… Avant-pêche de Troyes. Persica flore magno, fructu æstivo, rubro, minori. Duh.

Ce pêcher est rarement un grand arbre ; il donne peu de bois & beaucoup de fruits… ; ses bourgeons sont rouges & menus.

Ses feuilles sont d’un vert jaunâtre, goudronnées ou froncées auprès de la nervure du milieu, assez larges, terminées par une pointe aiguë, recourbée en dessous, & dentelées très-peu profondément. Ses fleurs sont grandes, & couleur de rose

Son fruit est plus gros que celui de l’avant-pêche blanche ; il est rond, divisé d’un côté suivant sa longueur par une gouttière très-peu profonde ; il est fort rare qu’il soit terminé par un mamelon ; aux deux côtés de l’endroit où le mamelon seroit placé, on apperçoit deux petits enfoncemens dont l’un est l’extrémité de la gouttière.

Sa peau est fine, velue, colorée d’un vermillon fort vif du côté du soleil, qui s’éclaircit en approchant de l’ombre, où la peau est d’un jaune clair. Sa chair est blanche, fine, fondante, un peu teinte de rouge sous la peau du côté du soleil ; mais sans aucuns filets rouges du côté du noyau… ; son eau est sucrée & musquée, ordinairement d’un goût moins relevé que celui de l’avant pêche blanche ; mais plus relevé sans certains terrains.

Son noyau est petit ; il quitte bien la chair pour l’ordinaire ; mais quelquefois il s’en détache si peu, qu’on prendroit cette pêche pour un petit pavie.

Les fourmis & les perce-oreilles sont très-avides de cette pêche, qui ne mûrit aux meilleures expositions, qu’à la fin de juillet ou au commencement d’août.

3. Double de troyes, Pèche de Troyes, petite Mignone. Voyez Planche IX, page 474, persica astiva, flore parvo, fructu mediocris crassitici, tracassina dicta.

Il y a beaucoup de ressemblance entre ce pêcher & le précédent ; celui-ci est un arbre plus vigoureux, également abondant en fruit, produisant plus de bois… ; ses bourgeons sont rouges du côté du soleil & verts du côté de l’ombre… ; ses feuilles lisses ou unies, quelquefois un peu foncées auprès de l’arrête, sont longues d’environ quatre pouces, plus larges près du pétiole que vers l’autre extrémité qui se termine en pointe très-aiguë ; dentelées par les bords très-finement & légèrement. Ses fleurs très-petites le distinguent bien de l’avant-pêche rouge, & son fruit est une fois plus gros, de forme peu constante, tantôt rond, tantôt un peu alongé de la tête à la queue. Il est divisé suivant sa longueur, par une gouttière peu profonde, quelquefois bordée d’une petite lèvre. Le pédoncule est placé dans une cavité profonde & assez large ; la tête est terminée par un petit mamelon ou appendice pointu… ; la peau est fine, chargée d’un duvet délié, teinte d’un beau rouge très-foncé du côté qui est frappé du soleil, & du côté de l’ombre il est d’un blanc jaunâtre, un peu tiqueté de rouge… ; la chair est ferme, fine, blanche même auprès du noyau, où l’on apperçoit rarement quelques veines rouges… ; l’eau abondante, un peu sucrée, vineuse de cette petite pêche, lui donne rang entre les bonnes pêches… ; le noyau est très-petit ; il se détache difficilement de la chair ; le fruit reste long-temps sur l’arbre ; sa maturité, qui arrive vers la fin d’août, concourt avec celle des dernières avant-pêches rouges.

On la choisit pour la mettre à l’eau-de-vie. & elle s’y amollit moins que les autres.

4. Avant-pêche jaune. Persica astiva flore parvo, fructu minori, carne flavescente. Duh.

Ce pêcher rassemble au suivant par son port, ses fleurs, ses bourgeons & par ses feuilles.

Son fruit est moins gros que la double de Troyes, & mûrit en même temps. Son diamètre est un peu moindre que là longueur ; sa queue est plantée dans une cavité profonde & fort large. Il est divisé, suivant sa longueur, par une gouttière peu profonde ; & quelquefois il y a en cet endroit une éminence en forme de côte ; un gros mamelon pointu & recourbé en forme de capuchon, se termine par la tête… ; du côté du soleil la peau est teinte d’un rouge brun foncé, & du côté de l’ombre, elle est de couleur jaune doré ; partout elle est couverte d’un duvet fauve & épais… ; la chair est d’un jaune-doré, excepté auprès du noyau & quelquefois sous la peau, où elle est teinte de rouge carmin ; elle est fine, fondante… ; l’eau en est douce & sucrée… ; le noyau est rouge, de grosseur proportionnée à celle du fruit, terminé par une pointe obtuse. Il mûrit vers la fin d’août.

5. Alberge jaune, ou Pêche jaune, & dans quelques endroits Auberge, Voyez Planche IX, page 474, persica flore parvo, fructu mediocris crassitici, carne flavescente. Duh.

Ce pêcher est médiocrement vigoureux ; il noue fort bien son fruit.

Les bourgeons sont d’un rouge foncé du côté du soleil, & tirent sur le jaune du côté opposé… ; les feuilles sont d’un vert approchant de la feuille morte, elles rougissent en automne.

Les fleurs sont petites, de couleur rouge foncé ; quelquefois on trouve ce pêcher à grandes fleurs.

Le fruit est un peu plus gros que la petite mignone ; il est quelquefois de longueur & de diamètre égaux ; le plus souvent il est alongé, aplati sur un des côtés, & sur-tout du côté de la queue, qui est implantée au fond d’une grande cavité ; une gouttière fort sensible le divise suivant la longueur, elle est bordée par deux lèvres assez saillantes… ; la peau est fine, & elle se détache avec peine du fruit, s’il n’est parfaitement mûr ; elle est d’un rouge foncé aux endroits frappés du soleil ; jaune sous les feuilles & du côté de l’espalier ; très-chargée d’un duvet fauve… la chair est de couleur jaune-vif ; de rouge très-foncé vers le noyau ; teinte d’un rouge plus clair sous la peau ; fine & très-fondante lorsque le fruit est bien mûr ; pâteuse dans les terres sèches, sur les arbres languissans & quand le fruit cueilli vert n’a mûri que dans la fruiterie… ; l’eau est sucrée & vineuse, lorsque le terrain n’est pas trop humide, & que le fruit a acquis toute là maturité sur l’arbre…, le noyau est petit, brun, ou rouge-foncé, il est terminé par une très-petite pointe.

Cette alberge mûrit vers la fin du mois d’août, âpres la double de Troyes, & l’avant-pêche jaune.

6. Rossane, ou Rosane. Persica flore parvo, fructu magno, carne flavescente. Duh.

Le pêcher de rosane est évidemment une variété de l’alberge jaune. Ses feuilles sont un peu plus larges, & souvent froncées auprès de la grande nervure… ; ses fleurs sont petites & rétrécies… ; ses fruits sont un peu plus gros, ordinairement moins arrondis, & plus hâtifs ; ils sont de même divisés par une gouttière très marquée sur un côté, & même assez sensible sur une partie de l’autre, au-delà du mamelon. À la tête on remarque un petit enfoncement ou aplatissement du milieu, d’où s’élève un mamelon dont la base a près d’une ligne de diamètre, & la hauteur autant. Il se termine en une pointe très-aiguë.

7. Pavie Alberge, Persais d’Anhoumois, & Des Provinces Méridionales. Persica fructu globoso, carne buxeá, nucleo adhærent, cortice, obscurè-rubente. Duh.

Sa chair est un peu jaune, très fondante, rouge auprès du noyau… ; sa peau est d’un rouge très-foncé du côté du soleil ; le rouge a moins d’intensité du côté de l’ombre. Ce fruit qui mûrit vers la fin de septembre est excellent dans l’Angoumois d’où je l’ai rapporté.

8. Madeleine blanche. Voyez Planche IX, page 474. Persica flore magno, fructu globoso, compresso, albis carne & cortice. Duh.

Quoique cet arbre paroisse assez vigoureux & qu’il pousse bien, cependant il est très-sensible aux gelées du printemps, qui souvent endommagent ses fleurs, & empêchent son fruit de nouer, ou le font tomber après qu’il est noué… ; ses bourgeons sont d’un vert pâle, quelquefois un peu rougeâtre du côté du soleil ; leur moelle est presque noire… ; ses feuilles sont grandes, luisantes, d’un vert pâle, dentelées profondément sur les bords, longues ordinairement d’environ six pouces.

Ses fleurs sont grandes, de couleur rouge-pâle, &t elles paroissent de bonne heure.

Son fruit est d’une belle grosseur, bien au-dessus de l’alberge jaune ; sa longueur est presqu’égale à son diamètre ; il est rond, un peu applati vers la queue, & arrondi du côté de la tête, divisé suivant sa longueur par une gouttière peu sensible sur la partie renflée ; mais assez profonde vers la queue, qui est placée au fond d’une cavité large & évasée, & qui est terminée vers la tête par un petit mamelon à peine visible… ; la peau est fine, elle quitte aisément la chair ; elle est presque par-tout d’un blanc tirant sur le jaune ; du côté du soleil, elle est fouettée d’un peu de rouge tendre & vif, & par-tout couverte d’un duvet très-fin… ; sa chair est délicate, fine, fondante, succulente, blanche, mêlée de quelques traits jaunâtres ; quelquefois auprès du noyau il y en a de couleur de rose… ; son eau est abondante, sucrée, musquée, d’un goût fin, quelquefois, très-relevé, suivant l’exposition & le terrain, qui décident beaucoup de la bonté de cette pêche délicate, & qui, lorsqu’ils ne lui conviennent pas, la rendent pâteuse… ; son noyau est petit, rond, d’un gris-clair.

Le commencement de sa maturité est vers la mi-août, avec celle des dernières alberges, & la fin avec cette des mignones & des chevreuses hâtives. Les fourmis sont très-friandes de ce fruit.

Il y a une variété de ce pêcher qui ne diffère de celle-ci que par son fruit, qui est moins gros souvent, moins musqué, mais beaucoup plus abondant. On pourroit nommer cette variété. : Petite Madeleine blanche.

9. Pavie Blanc. Pavie Madelaine. persica flore, magno, fructu albo, carno durâ, nucleo adhærente. Duh. Ce pavie a tant de ressemblance avec la madeleine blanche que je n’en doute point qu’il n’en soit une variété.

Ses bourgeons sont verdâtres, un peu rouges du côté du soleil ; leur moelle est blanche ; au lieu que celle des bourgeons de la madeleine blanche est rousse, tirant sur le noir… ; ses feuilles sont, d’un vert-pâle, dentelées profondément, presque toutes un peu froncées sur l’arrête, sans cependant être défigurées.

Ses fleurs sont grandes, de couleur de chair très-légère & presque blanche.

Son fruit est à peu près de mèche grosseur & figure que la madeleine blanche. La gouttière est peu sensible sur la partie renflée ; mais profonde vers la queue, qui est plantée dans une cavité moins ouverte que dans la madeleine blanche ; & vers la tête où il y a quelquefois un petit mamelon… ; sa peau est toute blanche, excepté du côté du soleil, où elle est marbrée de très-peu de rouge vif… ; sa chair est ferme comme celle de tous les pavies, planche, succulente, adhérente au noyau, auprès duquel elle a quelques traits rouges… ; son eau est assez abondante & très-vineuse lorsque ce fruit est bien mûr, ce qui le fait estimer de ceux qui ne haïssent pas les fruits fermes… ; son noyau est petit.

Ce pavie mûrit au commencement de septembre ; il est très-bon consistant au sucre qu’au vinaigre.

10. Madeleine Rouge. Madeleine de Courson. (Voy. Pl. X) Persica flore magno, fructu paululǘm compresso, cortice rubro, carne venis rubirs muricatâ. Duh.

La pêche que Rivière & Dumoulin appellent madeleine rouge, est très-différente de celle-ci. Il paroît pas que la Quintinye l’ait connue. Merlet la confond avec la paysanne qui est petite, souvent jumelle & peu estimable.

Ce pêcher est fort semblable à celui de la madeleine blanche… ; les bourgeons sont un peu colorés & plus vigoureux… les feuilles sont d’un vert plus foncé, dentelées plus profondément, & surdentelées.

Les fleurs sont grandes & un peu plus rouges…, le fruit est rond, souvent un peu aplati du côté de la queue, au contraire, de la madeleine blanche ; plus gros lorsque l’arbre est médiocrement chargé ; & moindre, lorsque l’arbre en porte beaucoup… ; la peau est d’un beau rouge du côté du soleil… ; la chair est blanche, excepté auprès du noyau où elle a des veines rouges… ; l’eau en est sucrée & d’un goût relevé, ce qui fait mettre cette pêche au nombre des meilleures… ; son noyau est rouge & assez petit.

Le fruit mûrit à la mi-septembre avec la grosse mignonne.

Ce pêcher donne beaucoup de bois ; ainsi il faut le charger à la taille ; il donne peu de fruit, quoiqu’il ne soit pas sujet à couler comme la madeleine blanche.

Madeleine Tardive, ou MadeLeine Rouge. Elle est tardive & à petite fleur, & parojt être une variété de la madeleine de Courson.

Ses fleurs sont petites… ; son fruit de médiocre grosseur & très-coloré. La cavité au fond de laquelle la queue s’implante, est souvent bordée de quelques plis assez sensibles. Si ce pêcher dont le fruit est de très-bon goût, & ne mûrit qu’avec les persiques, n’avoit pas les feuilles dentelées profondément, le port & la plupart des caractères de la madeleine, je serois tente de le regarder comme une pourprée tardive.

11. Pêche Malte. Persica flore magno, fructu amplo, serotino, compresso, cortice paululùm rubente, carne albâ.

Ce pêcher peut encore être regardé comme une variété de la madeleine blanche. Il est assez vigoureux & fécond. Ses bourgeons ont un peu de rouge du côté du soleil, & leur moelle est un peu brune… ; ses feuilles sont dentelées plus profondément que celles de la madeleine rouge.

Ses fleurs sont grandes, de couleur de rose-pâle.

Son fruit est assez rond, un peu aplati de la tête à la queue, quelquefois plus gros que la madeleine blanche, souvent moindre & plus court. Sa gouttière s’étend presqu’également sur les deux côtés ; elle n’est profonde qu’à la tête, où il n’y a point de mamelon. La queue est placée dans une cavité étroite… sa peau prend du rouge dit côté du soleil, & se marbre ordinairement d’un rouge plus foncé. L’autre côté demeure vert clair ; elle s’enlève facilement… ; sa chair est blanche & fine… ; son eau un peu musquée & très-agréable… ; son noyau est très-renflé du côté de la pointe… ; le temps de sa maturité est un peu après la madeleine rouge.

12. Véritable pourprée hâtive à grandes fleurs. (V. pl. X, p. 478) Persi fructu globoso, astivo, obscurè rubente ; carne aquosâ suavissimâ. Duh.

Ce pêcher est vigoureux & fertile. Ses bourgeons sont médiocrement, forts, médiocrement longs, teints de rouge du côté du soleil… ; ses feuilles sont terminées en pointe très-aiguë. La dentelure est régulière, très-fine & très-peu profonde.

Ses fleurs sont grandes, d’un rouge assez vif, elles s’ouvrent bien.

Le fruit est gros & divisé en deux hémisphères, suivant sa hauteur, par une rainure large & assez profonde, qui se termine en un enfoncement, quelquefois considérable à la tête du fruit, au milieu duquel on apperçoit à peine la place du pistil ; & à une cavité large & profonde dans laquelle s’implante la queue. Il est d’une belle forme, quelquefois le noyau s’ouvrant fait bouffer le fruit, alors son diamètre est trop grand pour sa hauteur, & par conséquent sa forme peu agréable… ; la peau est couverte d’un duvet fin & épais ; elle est d’un beau rouge foncé du côté du soleil, l’autre côté est tiqueté de très-petits points d’un rouge vif, qui font paroître la peau plus ou moins rouge, suivant qu’ils sont plus ou moins gros & serrés ; elle est fine & se détache facilement d« la chair… ; la chair est fine & très-fondante, excepté autour du noyau où elle prend un peu de rouge très-vif. Il est rare d’en appercevoir sous là peau du côté du soleil……. ; l’eau est abondante, très-fine, excellente… ; ; le noyau est rouge, rustiqué profondément, il n’est point adhérent à la chair.

Cette belle pêche qui peut être regardée comme une des meilleures, mûrit dans le commencement d’août, ordinairement avant la madeleine blanche.

13. Pourprée tardive (V. Pl. X.) Pesica flore parvo, fructu serotino globoso, obscurè-rubente suavissimo. Duh.

Ce pêcher est un arbre vigoureux. Ses bourgeons sont gros… ; les feuilles grandes, dentelées très-légèrement, froncées sur l’arête, pliées & contournées en différens sens.

Les fleurs sont très-petites.

Le fruit est rond, gros, quelquefois un peu aplati du côté de la tête ; la queue est placée dans un enfoncement assez large ; la gouttière est peu marquée ; & le mamelon est à peine sensible… ; la peau est couverte d’un duvet fin, teinte d’un rouge vif, & foncé du côté du soleil. Le côté de l’ombre est de couleur jaune paille… ; la chair est succulente, très-rouge auprès du noyau… ; l’eau est douce & d’un goût relevé… ; le noyau est petit, brun, relevé de grosses bosses, terminé par une pointe assez longue & fine.

Merlet a confondu cette espèce avec la mignonne. Les fleurs de la pourprée tardive qui sont petites, & le temps de la maturité de son fruit qui n’est qu’au commencement d’octobre, suffisent pour les distinguer.

14. Grosse mignonne. Veloutée de Merlet. V. Pl. XI, p. 479. Persica flore magno, fructu globoso, pulcherrimo, saturè-rubente. Duh.

C’est un arbre vigoureux qui donne beaucoup de fruits & pousse assez de bois… ; ses bourgeons sont menus & fort rouges du côté du soleil… ; ses feuilles sont grandes, d’un vert foncé ; dentelées très-finement & légèrement. Ses fleurs sont grandes, d’un rouge vif. Son fruit est gros, bien rond, quelquefois aplati par le bout, divisé en deux hémisphères par une gouttière profonde, peu large, serrée par le bas, ayant souvent un de ses bords plus relevé que l’autre. Dans les gros fruits elle est peu sensible à la partie la plus renflée, mais elle devient profonde en approchant de la queue, qui est si courte & si enfoncée dans une cavité assez large & profonde, que la branche fait impression sur le fruit ; elle devient aussi plus marquée vers la tête. À cette extrémité du fruit, il y a un petit enfoncement ou aplatissement au milieu duquel on apperçoit les restes du pistil qui y forment un très-petit mamelon… ; sa peau est fine, couverte d’un duvet très-delié, qui la rend comme satinée. Elle se détache facilement de la chair ; du côté qui est frappé du soleil, elle est d’un rouge brun foncé ; & du côté de l’ombre, d’un vert clair tirant sur le jaune. Avec une loupe on voit ce côté presque par-tout tiqueté de rouge. Lorsque le fruit a mûri à l’ombre, la peau est beaucoup moins rouge & tire sur le vert… ; sa chair est fine, fondante, succulente, délicate, blanche, excepté sous la peau du côté du soleil, & auprès du noyau où elle est marbrée de couleur de rose-vif. En l’examinant attentivement, on y apperçoit des points verts tirant sur le jaune. Elle s’éclaircit & devient d’un blanc plus, pur en approchant des traits rouges qui sont autour du noyau… ; son eau est sucrée, relevée, vineuse, un peu aigrelette dans les terres froides ; son noyau est d’une grosseur médiocre, peu alongé, très rouge ; ordinairement il y reste des lambeaux de chair attachés.

Cette pêche mûrit un peu plus tard que la madeleine.

15. Pourprée hâtive, vineuse. (Voy. Planche X, page 478) Persica flore magno, fructu astivo globoso, obscurè rubente suavissimo. Duh.

C’est un pêcher assez vigoureux, dont le bois est gros, qui donne beaucoup de fruit, & n’est pas délicat sur l’exposition ; son fruit n’étant jamais pâteux… ; les bourgeons, surtout ceux à fruits, sont fort longs, plians & menus ; leur écorce est rouge-foncé du côté du soleil… ; les feuilles sont d’un vert foncé, & plus grandes que celles de la grosse mignonne.

Les fleurs sont grandes & de couleur rouge-vif.

Le fruit est d’une belle grosseur, rond, un peu aplati par le bout, & divisé en deux par une gouttière profonde… ; la peau est fine & quitte facilement la chair ; elle est d’un rouge très-foncé, même aux endroits qui ne sont point frappés du soleil, & couverte d’un duvet fauve très-fin… ; la chair est fine, succulente ; blanche, excepté sous la peau, & autour du noyau où elle est rouge… ; l’eau est abondante, vineuse, quelquefois aigrelette, sur-tout dans les terrains froids… ; le noyau est fort rouge & de médiocre grosseur.

En comparant cette description avec la précédente, il est aisé d’apercevoir pourquoi cette pourprée n’est pas placée avec les pêches qui ont la même dénomination. Je ne lui ôte point un nom sous lequel elle est connue & qui exprime sa couleur ; mais je la range auprès de la grosse mignonne dont elle est une variété qui en diffère peu & qui s’en distingue facilement par la couleur de la peau & de la chair, & par le temps de sa maturité.

16. Bourdin, Bourdine, Narbonne. (Voyez Flanche XII) persica flore parvo ; fructu globoso, pulcherrimo, atro-rubentè. Duh.

Ce pêcher est grand, vigoureux ; il se met aisément à fruit ; il charge quelquefois trop ; alors son fruit n’est pas gros, si l’on n’a soin d’en retrancher une partie. Il réussit très-bien en plein vent, où il donne du fruit plus petit, mais plus précoce & meilleur qu’en espalier… ; ses feuilles sont très-grandes, unies & d’un beau vert.

Ses fleurs sont petites, de couleur de chair, bordées de carmin ; son fruit est presque rond, ayant un peu plus de diamètre que de longueur ; ordinairement un peu moins gros que la grosse mignonne ; divisé par une gouttière très-large & assez profonde, souvent bordée d’une lèvre plus relevée que celle de l’autre bord. Le côté opposé à la gouttière est aplati ou enfoncé, & la réunion de la rainure avec cet aplatissement, forme une espèce de cavité au bout du fruit. La gouttière est plus large & plus profonde que celle de la mignonne. La queue est placée dans une cavité large & profonde… ; sa peau est colorée d’un beau rouge foncé ; elle quitte aisément la chair, & elle est couverte d’un duvet très-fin… ; sa chair est fine & fondante ; blanche, excepté auprès du noyau où elle est très-rouge, & quelquefois ce rouge s’étend bien avant dans la chair… ; son eau est vineuse & d’un goût excellent, sans avoir certain retour d’aigreur qui diminue quelquefois un peu du mérite de la mignonne… ; son noyau est petit, assez rond, de couleur gris-clair. Lorsque le fruit est bien mûr, il reste de grands filamens attachés au noyau.

Cette belle pêche est en maturité vers la mi-septembre. D’un côté, tous ses traits de ressemblance avec la mignonne, & de l’autre, ses petites fleurs & son beau rouge foncé, laissent en doute si elle doit être regardée comme une pourprée hâtive ou comme une variété de la mignonne.

17. Chevreuse hâtive, (Voyez planche XIII.) Persica flore parvo ; fructu astivo, compresso, paullulùm verrucoso. Duh.

On trouve ordinairement ce pêcher dans toutes les pépinières, parce qu’il est très-vigoureux & donne beaucoup de fruit… ; les feuilles sont grandes, dentelées très-finement & très-légèrement ; elles se plient en gouttière.

Ses fleurs sont petites.

Son fruit est d’une belle grosseur, un peu alongé ; divisé suivant sa longueur, par une gouttière très-sensible, bordée de deux lèvres, dont l’une est plus relevée que l’autre ; il est souvent parsemé de petites bosses, sur-tout vers la queue, & terminé par un mamelon pointu, ordinairement assez petit… ; la peau, du côté du soleil, a un coloris rouge, vif & agréable… ; sa chair est blanche, fine, très-fondante ; rouge auprès du noyau, un peu moins délicate que celle des madeleines… ; son eau est douce, sucrée & de fort bon goût… ; son noyau est brun, un peu alongé & de médiocre grosseur.

Cette pêche mûrit entre la mi-août & le commencement de septembre. Si elle n’est pas aux meilleures expositions ou si on la laisse trop mûrir, elle est pâteuse & de mauvais goût.

Je soupçonne que la pêche que je viens de décrire n’est pas la véritable chevreuse hâtive, mais une variété que Merlet[4] & la Quintinye appellent pêche d’Italie.

La pêche qui est connue aujourd’hui sous le nom de pêche d’Italie, est aussi une variété de la chevreuse hâtive. L’arbre est très-vigoureux. Je ne connois aucun pêcher qui pousse des bourgeons aussi longs & aussi forts. Ses feuilles sont plus grandes ; ses fleurs plus petites ; son fruit plus tardif, plus gros, ovale, un peu pointu, prend moins de couleur & une couleur plus claire. Sa chair est rouge près du noyau ; elle a beaucoup d’eau.

Je crois que la véritable chevreuse hâtive est celle que je vais décrire.

18. Belle Chevreuse. Tous les caractères de l’arbre sont les mêmes que ceux de la chevreuse hâtive.

Le fruit est alongé ; la gouttière qui le divise suivant sa longueur, est très-peu sensible à la partie renflée ; mais elle l’est beaucoup vers les extrémités, sur-tout à la tête où l’on apperçoit une fente & un mamelon pointu, qui, quelquefois, est très petit. La cavité au fond de laquelle s’attache la queue, est assez étroite ou presque toujours bordée de quelques bosses ou petites éminences. Il est assez ordinaire d’en appercevoir quelques unes répandues sur le fruit.

Lorsque cette pêche est bien mûre, sa peau est jaune presque partout, excepté aux endroits exposés au soleil où elle prend un rouge clair & brillant. Elle est couverte d’un duvet assez épais, qui s’enlève aisément en l’effrayant. La peau ne se détache qu’avec peine de la chair, à moins que le fruit ne soit très-mûr… ; la chair n’est ordinairement ni très fondante ni très-délicate ; quelquefois même elle est un peu pâteuse quand le fruit est très-mûr ; elle est un peu jaunâtre, excepté du côté du soleil sous la peau où elle a une légère teinte rouge ; & auprès du noyau où elle est marbrée de couleur de rose… ; l’eau est sucrée & assez agréable… ; le noyau est gros, brun, rustiqué très-profondément, & terminé par une pointe fort aiguë.

Cette pêche mûrit avec la mignonne vers le commencement de septembre.

19. Véritable chancelière à grande fleur. Persica flore magno ; fructu minus astivo, paululùm verrucoso, dilate rubente. Duh.

Ce pêcher ressemble beaucoup à celui de chevreuse par ses bourgeons vigoureux & ses grandes feuilles… ; ses fleurs sont grandes… ; son fruit d’une belle grosseur, est un peu moins alongé que la chevreuse n.° 17. Il est divisé en deux hémisphères inégaux par une rainure qui n’a de profondeur que près de la queue qui est placée dans une cavité étroite & profonde, & à la tête où l’on voit un petit mamelon. Le côté opposé à la rainure est aplati… ; sa peau est très-fine & d’un beau rouge du côté du soleil… ; son eau est sucrée & excellente.

Elle mûrit au commencement de septembre, après la belle chevreuse. Ces deux pêchers ne se distinguent que par la fleur & le temps de la maturité du fruit. Dans plusieurs jardins on trouve pour la chancelière, une variété de la cheyreuse qui a la fleur petite & le fruit un peu plus rond & moins hâtif.

20. Chevreuse tardive,…Pourprée. (V. Pl. XIII, p. 482) Persica flore parvo ; fructu serotino, compresso, paululùm verrucoso. Duh.

L’arbre est vigoureux & chargé beaucoup ; ce qui oblige d’éclaircir le fruit afin qu’il devienne plus beau… ; ses bourgeons sont rouges du côté du soleil… ; ses feuilles grandes, dentelées très-légèrement, peu froncées auprès de l’arête.

Ses fleurs sont petites, de couleur de rouge-brun ; ses fruits sont un peu alongés, d’une bonne grosseur, divisés par une gouttière assez profonde qui est bordée par deux lèvres, dont l’une est plus élevée que l’autre ; terminés par un mamelon… ; sa peau est un peu verdâtre du côté du mur, & d’un très-beau rouge du côté du soleil, ce qui l’a fait nommer pourprée, sa chair est jaunâtre ; excepté près du noyau… ; son eau est excellente & très agréable… ; son noyau de médiocre grosseur, il y demeure beaucoup de lambeaux de chair attachés lorsqu’on ouvre le fruit. Cette pêche mûrit à la fin de septembre… Il y a des chevreuils tardives, qui méritent peu d’être cultivées, parce qu’elles mûrissent rarement.

Nota. Quoique les pêchers de chevreuse soient des arbres vigoureux, ils sont fort sensibles à la différence des terrains & des expositions, qui les fait quelquefois tellement changer, qu’à peine peut-on les reconnoître & qu’on les prend pour des variétés. On voit, chez les pépiniéristes de Vitry, de très-belles & très-grosses chevreuses, & sur-tout des tardives qui ont près de trois pouces de diamètre. Les mêmes arbres transportés dans des terrains ordinaires, donnent des fruits de bien moindre grosseur & quelquefois de forme un peu différente.

21. Pêche-cerise. (V. Pl. XIII, p. 481) Persica flore parvo ; fructu glabro, astivo, carne albâ ; cortice partïm albo, partïm dilaté-rubente. Duh.

L’arbre à le même port que le pêcher de petite mignonne, il n’est pas plus grand & fructifie assez bien… Les bourgeons sont menus & d’un beau rouge du côté du soleil… ; les feuilles sont semblables à celles de la petite mignonne, étroites, lissés, quelques-unes froncées sur la grande nervure.

Les fleurs sont petites & d’un rouge pâle.

Le fruit est petit, bien arrondi, divisé par une gouttière large & profonde qui souvent est encore sensible sur une partie du côté opposé, au-delà du mamelon, & terminé par un mamelon ordinairement assez gros, long & pointu. La queue est reçue dans une cavité large & profonde… ; la peau est lissé, fine, brillante, d’une belle couleur de cerise du côté du soleil, & blanche comme de la cire sous les feuilles. Ces couleurs, qui sont comparables à celles de la pomme d’api, rendent ce petit fruit très-agréable à la vue… ; & chair est blanche, un peu citrine même auprès du noyau, où quelquefois cependant il y a quelques traits rouges ; elle est assez fine & fondante… ; l’eau est un peu insipide ; cependant elle a assez bon goût dans les terrains secs & aux bonnes expositions… ; le noyau petit, rond, blanc ou jaune, brun-clair, ne tient point à la chair… ; cette pêche mûrit vers le commencement de septembre. Elle orne bien un dessert ; c’est son principal mérite[5].

22 ; Petite violette hâtive. Persica flore parvo ; fructu glabro violaceo, minori, vinoso. Duh.

Ce pêcher est un bel arbre, assez vigoureux, qui donne suffisamment de bois & beaucoup de fruit, même en buisson… ; ses bourgeons sont médiocrement gros, rouges du côté du soleil… ; ses feuilles sont lisses, alongées & d’un beau vert.

Ses fleurs sont très-petites, de couleur rouge-brun ; son fruit est de la grosseur de la double de Troyes, quelquefois moindre, presque rond ayant souvent plus de longueur que de diamètre, & étant un peu aplati sur les côtés. Il est divisé suivant sa longueur par une gouttière peu profonde, & ordinairement terminé par un mamelon assez petit. La cavité dans laquelle est placée la queue, est moins large & moins profonde que dans la pêche-cerise… ; sa peau est lisse & sans duvet, fine, d’un rouge-violet du côté du soleil, & d’un blanc jaunâtre sous les feuilles. Ces couleurs ne sont pas éclatantes comme celles de la pêche-cerise… ; sa chair est fine, assez fondante, d’un blanc un peu jaunâtre, de couleur de rose vif auprès du noyau… ; son eau est sucrée, vineuse & très-parfumée ; ce qui la fait mettre au nombre des meilleures pêches… ; son noyau est gris-clair relativement à la grosseur du fruit.

Cette pêche nuisit air commencement de septembre : pour la manger bonne, il faut la laisser sur l’arbre jusqu’à ce qu’elle commence à se faner auprès de la queue.

La violette d’Angervilliers, qu’on vante avec raison, est la même que celle-ci ; il y a une petite violette, qui n’en diffère que parce qu’elle est un plus hâtive.

23. Grosse violette hâtive. (V. Pl. XIII, p. 481) Persica flore parvo ; fructu glabro, violaceo, majori vinoso. Duh.

L’arbre ressemble au précédent : il est vigoureux & très-fertile ; donnant beaucoup de fruit, même en plein vent ; sa fleur est très-petite.

Son fruit ressemble pour la forme à celui de la petite violette ; mais il est au moins une fois plus gros ; quelquefois il a plus de diamètre que de longueur… ; sa peau est fine, lisse, & de même couleur que celle de la petite violette… ; sa chair est blanche, fondante, mais moins vineuse.

Ce fruit mûrit aussi au commencement de septembre, un peu après la petite violette. Ordinairement plus, il est gros, plus il a de qualité.

24, Violette tardive, ou Violette marbrée, ou Violette panachée. (Voyez planche XII, page 481) Persica flore parvo fructu glabro, rubro & violaceo yariegato, serotìm villoso. Duh.

Ce pêcher vigoureux pousse beaucoup de bois & donne beaucoup de fruit… ; les bourgeons sont d’un rouge très-foncé du côté du soleil, & verts du côté opposé… ; les feuilles sont grandes, d’un beau vert, dentelées très-finement sur les bords, froncées près de l’arête.

Les fleurs sont très-petites, de couleur rouge-pâle.

Le fruit est de moyenne grosseur, très-ressemblant à la grosse violette ; mais plus alongé, moins rond, étant souvent comme anguleux. À la tête on remarque un petit enfoncement, au milieu duquel on apperçoit ordinairement au lieu d’un mamelon un point blanc d’où sort le style desséché du pistil comme un poil assez long… ; la peau est lisse, violette, marquée de points ou de petites taches rouges du côté du soleil ; ce qui l’a fait nommer marbrée ; du côté de l’ombre elle est verdâtre… la chair est blanche, un peu tirant sur le jaune, rouge auprès du noyau… ; l’eau est très-vineuse, lorsque les automnes sont chauds & secs ; mais lorsqu’ils sont froids, cette pêche ne mûrit point ; elle se fend & n’est bonne qu’en compote ; pour en avancer la maturité, il faut placer ce pêcher à l’exposition la plus chaude, & découvrir les fruits… ; le noyau est de moyenne grosseur.

Cette pêche mûrit un peu avant la mi-octobre.

25. Violette très-tardive, ou Pêche-noix}. Perica flore parvo ; fructu glabro, serè viridi, maximè serotino. Duh.

Ce pêcher ressemble en tout au précédent. La peau du fruit n’est pas tachetée de rouge ; du côté du soleil elle est rouge comme une pomme d’api ; & du côté de l’ombre, elle est verte comme le brou d’une noix ; La chair est un peu verdâtre.

Cette pêche mûrit après la mi octobre dans l’exposition au midi, & dans les automnes chauds & secs. Souvent elle ne mûrit point ; & par conséquent l’arbre mérite peu d’être cultivés.

26. Brugnon violet musqué. (Voyez Planche XII, page 481) Persica flore magno ; fructu glabro, violaceo, vinoso, carne nucleo adhæetente. Duh.

C’est un pêcher vigoureux, qui pousse beaucoup de bois & produit du fruit abondamment… ; ses bourgeons sont gros, longs, rouges du côté du soleil… ; ses feuilles sont dentelées très-finement.

Ses fleurs sont grandes, belles, de couleur rouge-pale, quelquefois cet arbre est à petites fleurs.

Son fruit ressemble assez à la grosse violette hâtive ; il est un peu moins gros & presque rond… ; la peau est lisse, d’un blanc un peu jaunâtre du côté de l’ombre. Du côté du soleil elle est d’un fort beau rouge violet ; les bords de la couleur, en approchant du jaune, s’éclaircissent, & sont marquetés de gros points ou petites taches blanchâtres… ; sa chair n’est point sèche quoique ferme ; elle est blanche, presque jaune, excepté auprès du noyau où elle est très-rouge… ; son eau est d’un goût excellent, vineuse, musquée & sucrée… ; son noyau est de grosseur médiocre, très-rouge, très-adhérent à la chair.

Ce brugnon mûrit à la fin de septembre. Pour que sa chair soit plus délicate, il faut planter l’arbre á la meilleure exposition ; ne cueillir le fruit que lorsqu’il commence à se faner & même lui laisser faire son eau quelque temps dans la fruiterie[6].

27. Jaune lisse, ou Lissée jaune. (Voyez planche XII, page 481) Persica flore parvo ; fructu globoso, glabro, serotino buxeo colore, mali armeniaci sapore.

L’arbre est vigoureux, & ressemble au pêcher de petite violette hâtive. Ses bourgeons sont longs & jaunâtres… ; ses feuilles grandes, larges, jaunissent en automne.

Les fleurs sont de moyenne grandeur.

Le fruit est rond ; moins gros que la grosse violette ; quelquefois un peu aplati… ; la peau est jaune, lisse, & sans duvet ; un peu fouettée de rouge du côté du soleil… ; la chair est jaune & ferme… ; lorsque les automnes sont chauds, l’eau est sucrée, très-agréable, & prend un petit goût d’abricot… ; le noyau est de médiocre grosseur. La jaune lisse mûrit à la mi-octobre. On peut la conserver une quinzaine de jours dans la fruiterie où elle acquiert sa parfaite maturité ; de sorte qu’on en mange jusqu’au commencement de novembre.

28. Bellegarde, ou Galande. (Voyez planche XIV) Persica flore parvo ; fructu, magna glaboso, atrorubente ; carne firmâ, saccharatâ. Duh.

Ce pêcher est un bel arbre, surtout dans les bonnes terres…, ses bourgeons sont gros, rouges du côté du soleil ; ses feuilles sont grandes, lisses, d’un vert foncé.

Ses fleurs sont très-petites, pâles.

Son fruit est gros, rond, ressemblant beaucoup à l’admirable. La gouttière qui le divise suivant sa longueur, est très-peu marquée… ; sa peau est presque par tout teinte d’un rouge pourpre, qui tire sur le noir du côté du soleil ; elle est dure, très-adhérente à la chair, couverte d’un duvet très-fin… ; sa chair est de couleur rose près du noyau ; ferme, comme cassante, cependant fine & pleine d’eau… ; son eau est sucrée & de très-bon goût. Le noyau est de médiocre grosseur, aplati, longuet, terminé en pointe assez longue.

Cette pêche mûrit à la fin d’août, après les mignones & la madeleine rouge.

La belle garde de Merlet, est une persique très-différente de notre belle-garde.

29. L’admirable (Voyez planche XIV) Persica flore parvo, globoso, dilutè, rubente, carne firmâ, sacharatâ. Duh.

C’est un pêcher grand, fort, vigoureux, qui produit beaucoup de bois & de fruit… ; ses feuilles sont belles, grandes, longues & unies.

Ses fleurs sont petites, de couleur rouge-pâle ; son fruit est très-gros, rond, divisé d’un côté par une gouttière peu profonde, L’autre côté est fort arrondi, sans aucun enfoncement ni rainure. La tête est aussi très-arrondie, & terminée par un petit mamelon, qui souvent n’excède pas la grosseur d’une tête d’épingle. La queue est plantée dans une cavité assez profonde & peu évasée… ; sa chair est ferme, fine, fondante ; blanche, excepté auprès du noyau où elle est rouge-pâle… ; son eau est douce, sucrée, d’un goût vineux, fin, relevé & qui est excellent… ; sa peau est teinte de rouge vif du côté du soleil ; par-tout ailleurs elle est d’un jaune-clair, couleur de paille ; ce qui fait des panaches fort agréables… ; son noyau est petit.

Cette pêche mûrit à la mi-septembre. Sa beauté & ses excellentes qualités lui ont mérité son nom, & le rang avant les meilleures pêches. Elle n’est pas sujette à être pâteuse ; & quoiqu’elle soit plus parfaite aux meilleures expositions, elle réussit assez aux médiocres. Lorsque l’arbre languit, le noyau grossit, se fend quelquefois, & la pêche tombant avant sa maturité, est âcre & amère.

Cet arbre exige plus d’attention qu’un autre à la taille, parce qu’il a souvent des branches languissantes, & il en perd subitement de fort grosses, attendu qu’il est très-sujet à la cloque. (Voyez ce mot)

30. Abricotée (Voyez Planc. XV, page 487) Admirable jaune ou Grosse pêche jaune tardive. Persica flore amplo ; fructu magno, globoso, serotino, carne buxéo. Duh.

Ce pêcher ressemble à l’admirable par son port, étant un bel & grand arbre qui donne assez de fruit, même en plein vent… ; par ses bourgeons qui sont vigoureux, mais d’un vert plus jaune… ; par ses feuilles qui sont belles ; mais l’automne elles jaunissent & rougissent par la pointe ; elles sont presque toutes pliées en gouttières & recourbées en-dessus.

Sa fleur est grande & belle ; quelquefois on trouve ce pêcher à petite fleur, comme l’admirable. Son fruit est gros, rond, aplati & d’un diamètre beaucoup moindre vers la tête. Il est divisé d’un côté par une gouttière peu profonde… ; la peau est jaune & unie, couverte d’un duvet fin ; elle prend un peu de rouge du côté du soleil… ; sa chair est jaune, de couleur de l’abricot, excepté auprès du noyau & sous la peau du côté du soleil où elle est rouge ; elle est ferme, quelquefois un peu sèche & même pâteuse quand les automnes sont froids… ; son eau est agréable, ayant un peu du parfum de l’abricot dans les automnes chauds ; (excellente dans les provinces du midi) son noyau est petit, rouge, & tient un peu à la chair.

Cette pêche mûrit vers la mi-octobre. Les fruits qui restent les derniers sur l’arbre, sont les meilleurs.

L’admirable jaune s’élève bien de noyau & en plein vent, son fruit est alors beaucoup meilleur & plus coloré, mais considérablement moins gros qu’en espalier.

Il y a une autre admirable jaune, ou une variété de celle-ci qui porte de grandes fleurs & donne des fruits plus gros.

31. Pavie jaune. Pesica fructu magno, compresso ; carna durá ; nucleo adhærente, buxeâ. Duh.

Cette pêche, que j’ai rapportée de Provence, ressemble beaucoup a l’admirable jaune, mais son fruit est aplati sur les côtés comme l’abricot ; sa chair est un peu sèche, adhérente au noyau. Il mûrit en même temps que l’admirable jaune. C’est un fort bon fruit qui devient quelquefois plus gros que le pavie de Pomponne, & mûrit facilement dans le climat de Paris.

32. Téton de Vénus. (Voyez Pl. XV, p. 487) Persica flore parvo ; fructu vix globoso, dilaté-rubente, papillato ; carne gratissimâ. Duh.

Ce pêcher est très-ressemblant à l’admirable par sa vigueur ; par la force de ses bourgeons… ; par la beauté de ses feuilles, qui sont dentelées très-finement ; & dont quelques-unes se froncent près de l’arête… ; par sa fleur qui est petite, couleur de rose, bordée de carmin.

Son fruit est moins rond ; son diamètre & sa longueur sont presque égaux ; quelquefois il est plus gros que l’admirable. Un de ses côtés est divisé suivant toute sa longueur, par une gouttière peu profonde, souvent à peine sensible, terminée à la tête par un petit enfoncement ; l’autre côté est un peu aplati, & cet aplatissement se termine aussi à la tête par un petit enfoncement. Entre ces deux enfoncemens il s’élève ordinairement un mamelon si gros, que selon plusieurs cultivateurs, il caractérise ce fruit. Quelquefois, sur-tout dans les gros fruits, il n’y a ni gouttières, ni aplatissement bien sensibles sur leurs côtés, ni enfoncement, ni mamelon, à la tête ; mais vu par cette extrémité, il représente bien selon d’autres, l’objet dont il porte le nom. La queue est plantée dans une cavité profonde & assez large.

La peau est couverte d’un duvet fin ; elle ne prend pas beaucoup de couleur du côyé du soleil ; tout ce qui est à l’ombre est de couleur de paille… ; la chair est fine, fondante ; blanche, excepté auprès du noyau, où elle est couleur de rose… ; l’eau a un parfum très-agréable… ; le noyau est de médiocre grosseur, terminé en pointe ; il y reste de grands lambeaux de chair.

La fin de septembre est le temps de la maturité de ce fruit.

33. La royale. (V. Pl. XIV, p.487) Persica flore parvo ; fructu paululùm oblongo atrorubente serotino. Duh.[7] Ce pêcher paroît être une variété de l’admirable ; il lui ressemble par la vigueur & sa fertilité ;… par la force de ses bourgeons… ; par la beauté de son feuillage… ; par la fleur qui est petite, couleur de chair, bordée de carmin.. Son fruit a une partie des caractères de l’admirable, & du teton de Vénus. Il est gros, presque rond ; divisé par une gouttière peu sensible en deux hémisphères, dont un est ordinairement convexe & l’autre aplati, ce qui rend ce fruit un peu oblong : à la tête du fruit on remarque deux petits enfoncemens, aux côtés d’un mamelon assez gros, mais moindre & plus pointu que celui du teton de Vénus.

La cavité au fond de laquelle la queue est attachée, est profonde, étroite, presqu’ovale. Le fruit est souvent couvert de bosses comme des verrues.

La peau toute couverte d’un duvet blanchâtre, est plus colorée que l’admirable ; du côté du soleil, elle est lavée de rouge-clair, chargé de rouge plus foncé. Du côté de l’ombre, elle est presque verte & tire sur le jaune lorsque le fruit est bien mûr… ; la chair est fine, blanche, excepté auprès du noyau où elle est plus rouge que l’admirable. Quelquefois elle est légèrement teinte de rouge sous la peau du côte du soleil… ; l’eau est sucrée, d’un goût rélevé & agréable… ; le noyau est assez gros, rustique profondément. Il est sujet à se rompre dans le fruit qui se gâte alors par le cœur & perd toutes ses bonnes qualités.

Ce fruit mûrit à la fin de septembre.

34. Belle de Vitry. Admirable tardive. (V. Pl. XIV, pag. 487) Persica flore parvo ; fructu magno, globoso, dilutè-rubente, venis, purpureis, muricato ; carne firmâ & suavissimâ. Duh.

Plusieurs espèces de pêchers revendiquent la belle de Vitry ; les madeleines, parce que ses feuilles sont quelquefois ainsi dentelées que les leurs ; les mignonnes, parce que l’arbre a presque le port de la petite mignonne ; la nivette, parce que leurs fruits ont quelque ressemblance ; enfin, l’admirable, parce qu’elle a plusieurs de ses traits.

L’arbre est vigoureux & fertile… ; les bourgeons sont forts… ; les feuilles sont grandes, quelquefois dentelées assez profondément.

La fleur est petite, de couleur rouge-brun.

Le fruit est gros, plus rond que la nivette ; son grand diamètre est ordinairement du côté de la tête. La gouttière qui divise un côté de ce fruit, est large & peu profonde ; l’autre côté est un peu aplati. La tête est souvent terminée par un petit mamelon pointu. La queue est placée au fond d’une cavité peu évasée. De petites bosses en forme de verrues, se remarquent quelquefois sur ce fruit.

La peau est assez ferme & adhérente à la chair, comme celle de la nivette ; mais elle est d’une couleur un peu plus verdâtre. Le côté exposé au soleil est lavé d’un rouge-clair, chargé ou marbré, d’un rouge plus fonce, & toute la peau est couverte d’un duvet blanc, plus long que celui de la nivette, & qui se détache aisément lorsqu’on le frotte avec la main.

La chair est ferme, succulente, fine, blanche, tirant un peu sur le vert ; elle jaunit en mûrissant. Auprès du noyau il y a des veines ou traits fort rouges… ; l’eau est d’un goût relevé & très-agréable… ; le noyau est long, large, plat, terminé en pointe, rustiqué grossièrement. Il y a beaucoup de vide entre lui & la chair.

Cette pêche mûrit vers la fin de septembre. Pour être bonne, il faut qu’elle soit bien mûre & qu’elle ait passé quelques jours dans la fruiterie.

35. Pavie rouge de pomponne, ou Pavie monstrueux, ou Pavie camu. (Voyez Planche XVI) Persica flore magno ; fructu maximo, pulcherrimo ; carne durâ, nucleo adhærente. Duh.

Cet arbre est très-vigoureux… ; ses bourgeons sont forts & longs… ; sa feuille est grande, dentelée très-finement & légèrement.

Ses fleurs sont grandes, elles ne s’ouvrent pas bien ; leurs pétales étant très-creuses en cuillerons.

Son fruit est rond, d’une grosseur extraordinaire, ayant souvent quatorze pouces de circonférence, il est divisé par une gouttière peu profonde.

Sa peau est mince, unie, couverte d’un duvet très-fin ; du côté du soleil, elle prend une très-belle couleur rouge ; de l’autre côté, elle est d’un blanc tirant sur le vert.

Sa chair est adhérente au noyau, blanche, excepté auprès du noyau & sous la peau du côté du soleil, où elle est rouge ; dure, & cependant succulente. Lorsque l’automne est chaud & sec, son eau est vineuse, musquée, sucrée, très-agréable ; quand l’automne est froid & pluvieux, elle est insipide… ; son noyau est petit & rouge.

Nous avons un pavie rouge, qui diffère si peu du précédent, qu’à peine peut il être regardé comme une variété. Cependant il mûrit un peu plutôt, & n’est pas si gros. Il est aplati vers la tête, ou l’extrémité de la gouttière forme un enfoncement. On n’y apperçoit point de mamelon. Il est bien arrondi du côté de la queue qui est placée dans un enfoncement ovale, peu évasé, très-profond. La peau est fine, d’un rouge très-foncé du côté du soleil ; d’un rouge plus clair du côté de l’ombre, où il n’y a qu’un petit espace qui soit d’un jaune-clair ; la chair est blanche du côté de l’ombre ; d’un rouge très-foncé auprès du noyau ; du côté du soleil, elle est aussi rouge sous la peau, & ce rouge s’étend intérieurement & marbre la chair de ce côté.

36. Teindou ou tein-doux. (Voyez Planche XVII) Persica flore medio fructu magno, globoso, suave-rubente ; sapore gratissimo. Duh.

L’arbre est vigoureux… ; les bourgeons gros & presque verts… ; les feuilles grandes, lisses, d’un vert foncé, point ou peu dentelées. Les fleurs de moyenne grandeur. Les fruits sont gros, assez ronds, ayant plus de diamètre que de longueur ; ils sont partagés en deux hémisphères un peu inégaux par une gouttière qui s’étend presque également sur les deux côtés : à peine est elle sensible sur la partie renflée ; mais elle est assez profonde vers la queue, qui est si courte que la branche fait impression sur le fruit ; & vers la tête où elle se termine par deux petits enfoncemens entre lesquels il y a ordinairement, au lieu d’un mamelon, une élévation large d’environ une ligne, qui communique & s’étend aux deux hémisphères.

La peau est fine, couverte d’un duvet très-léger & fin ; du côté du soleil, elle prend un rouge tendre… ; la chair est sine & blanche ; il y a quelques traits de rouge auprès du noyau ; l’eau est sucrée & d’un goût très-délicat… ; le noyau est assez gros, rustiqué grossièrement, termine par une pointe aiguë. Souvent il se fend & fait bouffer le fruit, comme parlent les jardiniers ; c’est-à-dire, enfler son diamètre, qui devient considérablement plus grand que la longueur. Alors cette pêche perd beaucoup de sa bonté… ; elle mûrit vers la fin de septembre.

37. Nivette ou Veloutée. (Voyez Planche XVII) Persica flore parvo fructu magno, globoso, dilayè-rubente, serotino. {Duh.

Cet arbre est vigoureux, donne beaucoup de fruit… ; ses bourgeons sont gros, peu rouges, même du côté du soleil… ; ses feuilles sont grandes, unies ou lisses.

Ses fleurs sont petites, de couleur rouge-foncé.

Son fruit est gros, arrondi, un peu longuet ; la gouttière qui divise le fruit suivant sa longueur, est large & peu profonde ; la tête est quelquefois terminée par un petit mamelon pointu, placé au milieu d’une cavité peu profonde ; la queue est plantée au fond d’une cavité peu large, mais profonde.

Sa peau est ferme, adhérente à la chair, à moins que le fruit ne soit très-mûr ; elle a une teinte verdâtre, mais la parfaite maturité la jaunit, excepté du côté de l’ombre, où il reste une teinte de vert. Le côté du soleil est comme lavé d’un rouge vif & foible, chargé de taches d’un rouge peu foncé. Elle est entièrement couverte d’un duvet fin & blanc qui la fait paroître satinée. Ce duvet s’emporte facilement en frottant le fruit avec la paume de la main. La peau est si adhérente à la queue, que souvent, en cueillant le fruit, il reste un peu de la peau attachée à la queue.

Sa chair est ferme, cependant succulente, de couleur blanche tirant sur le vert, excepté auprès du noyau où elle a des veines d’un rouge très-vif… ; son eau est sucrée & d’un goût relevé ; quelquefois un peu âcre… ; son noyau très-brun, est rustique profondément.

Cette pêche mûrit à la fin de septembre. Pour être bonne, il faut qu’elle soit très-mûre, & qu’elle ait passé quelques jours dans la fruiterie.

38. Persique. (Voy. PLanche XVII, page 491). Persica flore parvo ; fructu oblongo, colorato, verrucoso, serotino ; carne firma, vinosâ, Duh.

L’arbre est beau, vigoureux, donne beaucoup de fruit, même en plein vent… ; les bourgeons sont forts, rouges du côté du soleil… ; les feuilles sont larges, très-longues, un peu froncées sur l’arète, rélevées de bosses.

Les fleurs sont petites, d’un rouge pâle.

Le fruit est alongé, assez ressemblant à la chevreuse, mais plus gros ; peu arrondi sur son diamètre, étant comme anguleux ou garni de côtes, parsemé de petites bosses à la queue ; il y en a une plus remarquable qui ressemble à une excroissance.

La peau est d’un beau rouge du côté du soleil… ; la chair est ferme & néanmoins succulente, blanche ; elle est rouge-clair auprès du noyau… ; l’eau est d’un goût relevé, fin, très-agréable ; quelquefois tant soit peu aigrelette… ; le noyau est assez gros, long, aplati sur les côyés, terminé par une longue pointe ; souvent il se rompt dans le fruit : on assure qu’il mutiplie son espèce sans dégénérer.

Cette pêche mûrit en octobre & en novembre ; quoique la plus tardive des bonnes pêches, elle est excellente. La plupart des jardiniers la confondent avec la nivette.

39. Pêche de pau. Persica palensis. Duh.

Cet arbre est beau ; ses bourgeons sont vigoureux & verts… ; les feuilles grandes & d’un vert foncé… ; les fleurs petites.

Son fruit est gros, bien arrondi, & terminé par un gros mamelon fort saillant & courbé en capuchon… ; la chair est d’un blanc tirant un peu sur le vert ; fondante lorsque le fruit peut mûrir parfaitement… ; l’eau est d’un goût relevé & assez agréable : souvent le noyau se fend dans le fruit.

Merlet & quelques jardiniers, distinguent deux pêches de Pau. L’une ronde que je viens de décrire ; l’autre longue, dont le dedans est très-sujet à se pourrir & qui est encore moins estimable que la ronde.

J’ai parlé de la pêche de Pau, moins pour en conseiller la culture que pour en conserver le nom & l’idée. Elle est si tardive qu’elle ne peut réussir que dans les automnes secs & chauds, & elle exige les meilleures expositions qu’il vaut mieux réserver pour un grand nombre d’excellentes espèces de pêches.

40.
Pêcher à fleur semi-double
. Persica flora semi-pleno. Duh.

Ce pêcher est un assez bel arbre, mais il fructifie peu… ; ses bourgeons sont d’une force médiocre… ; ses feuilles sont belles, d’un vert-foncé, terminées régulièrement en pointe très aiguë. Leur dentelure est fine & à peine sensible.

Ses fleurs sont grandes, composées de quinze à trente pétales de couleur de rose-vif, qui paroît un peu lorsque la fleur commence à le passer ; d’un, deux, trois & quatre pistils, & d’un nombre d’étamines plus ou moins grands, selon qu’il s’en est plus ou moins développé en pétales. Cet arbre est admirable lorsqu’il est en pleine fleur.

Il noue des fruits simples, jumeaux, triples & quadruples. Les triples & les quadruples tombent bientôt ; Quelques jumeaux & un grand nombre de simples parviennent à maturité. Ces derniers sont de moyenne grosseur, alongés, ayant un peu plus de hauteur. Leur forme est rarement régulière & agréable. Presque tous sont plus renflés du côté de la tête que du côté de la queue qui s’implante ans une cavité étroite, mais profonde. Les uns ont un petit mamelon, d’autres n’en ont point du tout. Là gouttière de quelques-uns, pénètre jusqu’au noyau ; celle de la plupart est très-peu marquée ; excepté à la tête près de la queue.

La peau est velue, d’un vert jaunâtre ; quelquefois un peu fauve du côté du soleil… ; la chair est blanche, & l’eau d’un goût assez agréable… ; le noyau est plat d’un côté, très-convexe de l’autre, terminé par une pointe aiguë, rustique grossièrement & peu profondément. Ce fruit mûrit à la fin de septembre,

41. : Sanguinole. Betterave. Druselle. Persica flore magno ; cortice & carne rubris, quasi sanguineis. Duh.

L’arbre n’est pas grand, mais il produit assez de fruit… ; les bourgeons sont menus & d’un rouge foncé du côté du soleil… ; les feuilles sont médiocrement grandes, dentelées sur leurs bords ; elles rougissent en automne.

Les fleurs sont grandes, de couleur de rose.

Le fruit est assez rond & petit… ; la peau est par-tout teinte d’un rouge obscur, & très-chargée d’un duvet roux… ; toute la chair est rouge comme une betterave, & très-sèche… L’eau est âcre &c amère, à moins que la fin de septembre & le commencement d’octobre ne soient chauds… ; le noyau est petit & d’une couleur rouge foncé.

Cette pêche Curieuse est aussi bonne en compote, qu’elle est peu agréable crue ; elle mûrit après la mi-octobre.

42. La Cardinale. (V. Pl. XVII, page 491) C’est à peu près la même espèce de pêche, mais beaucoup pluá grosse, meilleure, moins chargée dé duvet que la précédente.

43. Pêcher nain. (V. Pl. XVI, page 490). Persica nana, frugifera, flore magno simplici. Duh.

Ce pêcher ne-devient pas plus grand qu’un pommier greffé sur paradis ; de sorte qu’on l’élève quelquefois dans un pot, pour le servir avec son fruit sur la table,

Les bourgeons sont gros & très-courts ; si chargés de boutons, qu’ils sont presque les uns sur les autres, comme les écailles des poissons.

Les fleurs sont aussi grandes que celles de la madeleine blanche, de couleur de rose très-pâle, presque de couleur de chair ; le fond de la fleur est un peu plus chargé de rouge. Les étamines sont blanches, & leurs sommets bruns ; le stigmate du pistil est jaune. Ces fleurs ne s’ouvrent pas bien, quoique les pétales soient très-peu creusés en cuilleron. Les fleurs sont rangées autour de la branche, & tellement serrées qu’elles n’en laissent rien appercevoir. Une branche longue de trois pouces, porte jusqu’à quarante ou quarante-cinq fleurs, Ce qui fait un très-joli bouquet.

Les feuilles sont belles & très-longues, d’un vert foncé, pendantes ; la plupart pliées en gouttière & courbées en arc du côté de l’arète. La dentelure est grande, fort profonde & aiguë ; la surdentelure est fine & très aiguë. La grosse arête est blanche & très-saillante. La couleur, la longueur, le nombre & la disposition de ces feuilles, donne à cet arbrisseau un coup d’œil différent de celui des autres pêchers ; elles sont longues, attachées autour de la branche par des queues courtes & grosses, à deux ou trois lignes de distance l’une de l’autre.

Le fruit est rond, assez abondant, & gros relativement à la taille de l’arbre. Un de ces petits pêchers dont la tête n’a que neuf à dix pouces d’étendue, porte quelquefois beaucoup de fruit… ; une rainure profonde le divise suivant sa hauteur, & se termine du côté de la queue, à une cavité serrée & peu profonde ; & du côté de la tête, à un enfoncement assez considérable, dont le milieu, où l’on n’aperçoit point de mamelon, se teint ordinairement de rouge vif ; la chair se teint de la même couleur autour du noyau à cette extrémité du fruit… ; la peau prend rarement un peu de couleur… ; la chair est succulente, mais l’eau est ordinairement sure & amère… ; le noyau est petit & blanc.

Ce fruit très-médiocre, qu’on ne cultive que par curiosité, mûrit vers la mi-octobre.

Ayant d’abord tiré ces petits arbres d’Orléans, je les ai multipliés en semant les noyaux. Les arbres qui en sont venus, ont donné des pêches encore plus mauvaises que celles des arbres d’Orléans. Ce joli arbrisseau décore très-joliment de grandes plate bandes, au premier printemps par la masse de ses fleurs, & pendant le reste de la saison, par celle de ses feuilles.

43. Pêcher nain à fleur double. Persica africana, nana, flore incarnato, phno, sterili. Duh.

Cet arbrisseau ne donnant point de fruit, on ne sait si on doit le ranger parmi les pêchers ou les amandiers, ou s’il ne doit pas être regardé comme un prunier… ; il demeure très-nain, produit beaucoup de fleurs très-doubles, de couleur de rose, & d’une forme très-approchante de celles du pêcher…  ; ses bourgeons sont menus & rouges du côté du soleil, comme ceux de la plupart des pêchers… ; ses feuilles, en sortant du bouton, sont roulées les unes sur les autres, comme celles du prunier ; vues par dessus, on y observe des sillons enfoncés sur les nervures, comme aux feuilles du premier, & par dessous les nervures paroissent plus saillantes qu’au pêcher ; mais elles sont alongées comme celles du pêcher, & cependant un peu plus larges relativement à leur longueur. Leur vert est encore, semblable à celui des feuilles de pêcher.

Au reste, cet arbrisseau ne doit être cultivé que dans les jardins d’ornement.

M. Duhamel, ainsi que les autres écrivains des environs de la Capitale, restreint beaucoup le nombre des pavies, qui, à l’exception d’un très-petit nombre, mûrissent fort mal dans nos provinces du nord. On en compte plus de vingt bonnes variétés dans celles du midi, dont la plupart sont cultivées simplement dans les vignes, & sont caractérisées par des noms qui varient de village à village ; de manière qu’il est impossible d’établir une nomenclature précise, jusqu’à ce que l’on soit parvenu à faire une collection de ces arbres. Les planter dans le même lieu, en comparer à l’exemple de M. Duhamel, les fleurs, les fruits, les noyaux, les feuilles, le port de l’arbre ; enfin établir une synonymie raisonnée, c’est un travail tout neuf à faire, & digne de l’attention, des soins & de la vigilance du cultivateur. Je l’avois commencé ; mais forcé d’abandonner le pays que j’avois choisi pour ma retraite, je ne puis le continuer. J’invite les amateurs à prendre ce travail en considération, & je leur cède la gloire & la satisfaction de répandre de la clarté sur un sujet si agréable, & duquel dépend la richesse des fruitiers des provinces du midi.

Ce que je dis des pavies, s’applique également aux brugnons M. Duhamel n’en compte qu’une seule espèce. La Provence, le Languedoc, l’Italie &c. en connoissent beaucoup d’espèces. Ce qui caractérise les brugnons, est leur chair qui est ferme & dure ; leur peau lisse, unie, sans duvet ; enfin, leurs noyaux qui sont presqu’unis. Les Italiens ont appelé avec raison nectarines ces espèces de pêches, parce que leur suc doux & parfumé, fait naître l’idée du Nectar. Les brugnons sont également partagés en brugnons à petits & à gros fruits, en hâtifs & tardifs.

Le brugnon noix, est ainsi nommé parce que son fruit n’excède pas la grosseur d’une noix ; la couleur de sa peau est fort rouge ; sa saveur très-rélevée, Il est mûr en juillet ;

Le brugnon violet à chair jaune est très-gros ; son eau très-relevée ; il mûrit en juillet & août.

De ces trois espèces, en y comprenant le brugnon musqué ou brugnon violet, sont provenues un grand nombre de variétés.

Quelques espèces, ainsi qu’on a pu le remarquer, se régénèrent de leurs noyaux, & elles sont par conséquent des espèces jardinières du premier ordre. (Consultez ce mot) La multiplication des autres tient à la greffe, & elles sont des espèces jardinières du second ordre. L’amateur qui désire se procurer des espèces nouvelles, peut mettre en usage le procédé indiqué au mot abricotier, tome premier, page 195 ; & cette manière d’opérer l’hybridité dont il est question, est peut-être le seul moyen dont la nature se soit servie dans la multiplication de ces espèces… ; les semis de noyaux fournissent chaque année des espèces nouvelles ; c’est par eux qu’on a obtenu la bourdine, la madeleine de Courson, la chancelière, la belle de Vitry, la pavie de Pomponne, & un très-grand nombre d’autres pêches qui ne sont pas connues, parce qu’elles ne sont pas venue entre les mains des connoisseurs.


Ordre de la maturité des pêches dans le climat de Paris.

On doit bien sentir que cet ordre varie suivant que les lieux sont plus ou moins élevés, suivant les abris, le rapprochement du midi, la nature du sol, &c. ; mais on peut dire, en général, que les époques de maturité seront, dans ces différens cas, plus ou moins avancées, ou retardées, mais que l’ordre sera peu interverti.

Juillet.

Avant pêche blanche… ; avant pêche rouge… ; avant pêche jaune.

Aout.

Madeleine blanche… ; grosse mignonne… ; pourprée hâtive… ; chevreuse hative… ; belle garde… ; alberge jaune.

Septembre.

Pavie blanc, ou pavie madeleine… ; chevreuse hâtive… ; belle chevreuse., ; Chancelière… ; pêche cerise… ; petite violette hâtive… ; grosse violette hâtive… ; madeleine de courson… ; pêche-malte… ; bourdine… ; admirable… ; persais d’Angoumois… ; brugnon musque… ; teton de Venus… ; royale… ; belle de vitry… ; tein doux… ; nivette… ; pêcher à fleur semi-double.

Octobre.

Pourprée tardive… ; chevreuse tardive… ; pavie jaune… ; pavie de Pomponne… ; violette tardive… ; jaune lisse… ; abricotée ou admirable jaune… ; violette tardive… ; betterave ou sanguinole… ; persique & pêche de Pau. Fin d’octobre & commencement de novembre.

Toutes les espèces de pêches ne sont pas également en bonnes ; plusieurs se plaisent plus dans un canton que dans une autre, & le grain de terre opère souvent de grands changemens sur la saveur de la chair & de l’eau du fruit. Ce sont autant d’objets que chaque Particulier doit étudier, & qu’il est impossible de déterminer d’une manière précise. La perfection tient à la localité. Cependant on peut fixer son choix sur les espèces suivantes, comme reconnues généralement les meilleures, & qui le succèdent les unes aux autres.

L’avant-pêche blanche, seulement à cause de sa primeur… ; l’avant-pêche rouge… ; la petite mignonne ou double de Troyes… ; la pourprée hâtive… ; la grosse mignonne… ; la madeleine rouge tardive… ; la pêche malte… ; la belle garde ou galande… ; l’admirable ou belle de Vitry… ; la bourdine… ; la royale… ; le teton de Vénus… ; la nivette… ; la persique… ; la pavie rouge de Pomponne… ; & toutes les bonnes espèces de brugnons & de pavies dans les provinces méridionales.


CHAPITRE III.

De l’exposition que demande le pêcher, de la terre qui lui convient, & des sujets à greffer qu’il exige.


Le pays natal du pêcher indique qu’il exige un certain degré de chaleur ; si plusieurs de ses espèces sont aujourd’hui parfaitement naturalisées dans le climat de Paris ou dans d’autres pays analogues par la température, ne peut-on pas dire que cette indigénéité leur a été donnée par la succession des semis ? Il est bien difficile de se persuader qu’un pêcher qui se trouveroit, tout-à-coup, transporté de Perse à Paris, pût résister à ses pluies habituelles & aux rigueurs de ses hivers. C’est par le semis, que le pêcher & le mûrier ont cheminé d’espace en espace, & qu’ils se sont peu à peu acclimaté sans des contrées si opposées & si éloignées de leur pays natal. On pourroit, ce me semble, au moins à beaucoup d’égards, diviser le globe en quatre parties ; la glaciale, la tempérée, la chaude & la très-chaude ou torride… Les arbres des deux extrêmes, ne peuvent vivre ailleurs que chez eux ; & ceux du centre, qu’en se rapprochant des unes ou des autres parties. Quoiqu’il en soit, la bonté de la pêche & sa maturité, exigent, dans toute la France, une bonne exposition ; tout au plus dans quelques provinces méridionales, l’exposition du nord suffit-elle à certaines espèces. Le levant, le midi & le couchant sont les seules expositions qui leur conviennent en général ; excepté celle du midi, les deux autres ne conviennent qu’aux espèces hâtives dont on veut prolonger la durée des fruits ; & encore cela tient-il au climat.

Les sols très-tenaces, tels que sont les terrains argileux & trop crayeux, ne conviennent point aux pêchers ; les racines ne peuvent s’étendre ; l’humidité qu’ils retiennent quand ils en sont une fois pénétrés, fait jaunir les feuilles, & l’arbre se charge de gomme. La même chose arrive dans les terres naturellement humides, goutteuses ; les fruits y sont pâteux & insipides, & il y mûrissent plus tard que si l’arbre avoit été planté dans un autre sol.

Lorsque le fonds de terre est doux, substantiel, & qu’il a une certaine profondeur, l’arbre devient beau & les fruits délicieux. Ces fruits sont plus parfumés dans les terrains sabloneux & légers ; mais ils y sont moins succulens.

Les terrains appellés froids, soit à cause de leur humidité naturelle qui tient à leur position, soit à cause de la même humidité qu’ils retiennent, à cause de la ténacité de leurs parties, demandent des pêchers greffés sur pruniers ; les autres sols, au contraire, exigent des pêchers greffés sur amandiers, ou sur abricotiers, ou sur franc. Les arbres sont plantés en espaliers (consultez ce mot) ou à piein-vent. Dans les provinces du nord, très-peu d’espèces réussissent à plein vent, parce que les fruits n’éprouvent pas la chaleur nécessaire à leur maturité. On est donc forcé de recourir à l’art, c’est-à-dire à l’espalier. Dans les provinces du midi, l’espalier est inutile, & les fruits que l’on cueille sur les arbres ainsi disposés, n’y sont jamais aussi savoureux, ni aussi parfumés que ceux des arbres à plein vent. L’espalier a été imaginé pour l’agrément & par le besoin. Un mur nu est très désagréable à voir ; tapissé par une belle verdure enrichie de fruits agréablement & diversement colorés, il récrée la vue & ne l’éblouit pas comme un mur tout blanc. Le besoin de se procurer beaucoup plus de chaleur, a fait imaginer les abris, & les murailles en forment d’excellens, puisque la chaleur tient à la réfraction des rayons du soleil. Plus le mur est blanc & moins la chaleur se concentre, les rayons du soleil sont trop réfléchis ; les murs en briques, au contraire, sont bien mieux pénétrés par la chaleur, lorsqu’ils ne sont pas recouverts d’un enduit de plâtre ou de mortier.

L’arbre à plein vent, naturellement plus élevé que celui en espalier, & environné par un courant d’air continuel, reçoit moins de chaleur ; mais comme il végète sans contrainte & d’après la loi qui lui a été assignée par la nature, ses fruits sont plus tardifs, mais ils sont bien plus délicieux. Dans les provinces vraiment méridionales, ou dans tels autres cantons où la chaleur devient à peu près la même pour les arbres au moyen des abris, les espaliers de pêchers sont plus nuisibles qu’avantageux, à moins qu’on n’ait la facilité d’en arroser la terre. Sans cette précaution, ou si des pluies favorables (cas très-rare en ces pays) ne viennent au secours du fruit, il se desséchera sur l’arbre, ou bien la pêche, si fondante ailleurs, sera ici sèche, coriace & sans suc. Dans ce cas, les pavies, les persais, les brugnons doivent seuls couvrir les mûrs ; & par la raison contraire, ces espèces de pêches sont presqu’interdites aux provinces du nord.

Dans les provinces du centre & du midi du royaume, il vaut beaucoup mieux planter en plein vent qu’en espalier, quoique l’arbre du premier vive beaucoup moins que celui du second. Ceci demande une explication. Le pêcher d’espalier, mal conduit, ne dure pas plus que le pêcher livré à lui-même ; il en est tout autrement lorsqu’une main sage se charge de sa direction.

Pourquoi le pêcher à plein vent vit-il moins que le pêcher en espalier bien conduit ? c’est un beau problème à résoudre & dont personne n’a donné la solution. Il est digne d’être proposé par une académie pour sujet de prix. Quoique je ne prétende pas à l’honneur de la solution, je vais hasarder quelques idées, & les présenter comme de simples apperçus, ou si l’on veut, comme des idées hasardées.

Le dépérissement du pêcher à plein vent, tient à l’oblitération de ses canaux séveux, & au prompt changement de son aubier (consultez ce mot) en bois ligneux. De la naît la difficulté qu’il a de percer des bourgeons sur le vieux bois : cependant ce n’est que par les bourgeons que l’arbre perpétue sa vigueur. Sa décadence & sa décrépitude assez prochaine, tiennent donc à sa constitution ; & j’ajoute à quelques circonstances accessoires qui seront détaillées.

Suivons les progressions de cet arbre. Lorsqu’il est nouvellement planté, & pendant quelques années consécutives, il se hâte de pousser des bourgeons longs & vigoureux, qui ensuite, à la seconde ou à la troisième année, sont changés en bois parfait, presque sans aubier & à écorce dure. À mesure qu’ils acquièrent de l’âge, les bourgeons secondaires de ces bourgeons premiers qui ont formé les branches principales, se dessèchent, périssent, & ainsi successivement en remontant vers le sommet de l’arbre. Là, les bourgeons sont courts & chargés de feuilles ; ils se raccourcissent de plus en plus à mesure que l’arbre vieillit ; enfin, une mère-branche meurt, puis une seconde, & l’arbre périt. À mesure que les bourgeons deviennent plus courts, les feuilles changent de couleur ; elles n’ont plus le vernis luisant dont sont parées celles des jeunes arbres ; leur verdure pâle & blanchâtre, annonce la caducité & la mort prochaine de l’arbre.

Il est donc visible que la trop prompte métamorphose en véritable bois de tout l’aubier qui constitue le bourgeon, est la première cause de son peu de durée, de l’endurcissement de l’écorce, & de la difficulté de laisser percer des bourgeons sur le bois de la seconde année, & de l’impossibilité qu’il y a à ce que ces mêmes bourgeons percent sur le bois plus vieux. Que l’on me permette une comparaison afin d’expliquer l’oblitération des canaux séveux. À mesure que l’homme vieillit, les apophyses ou attaches, des muscles &. des tendons, de molles qu’elles étoient dans la jeunesse, s’allongent, se durcissent, & s’ossifient en raison de leur prolongation & de leur endurcissement ; le jeu des muscles & des tendons est diminué au point que le vieillard semble marcher par ressort. Ce que cet endurcissement produit sur les muscles de l’homme, celui de l’aubier le produit à peu près de la même manière sur les canaux séveux. Leur diamètre est plus resserré, il monte peu de sève, très-fine & très-épurée a la vérité, & c’est pourquoi les fruits d’un arbre d’un certain âge, de la vigne &c., sont toujours beaucoup plus sucrés & meilleurs que ceux de l’arbre encore jeune : on doit encore ajouter qu’ils mûrissent plutôt.

De la petite quantité de sève qui monte à cause de l’oblitération, résulte le moindre prolongement des bourgeons, & il va toujours en diminuant ; enfin, l’aubier de ces mêmes bourgeons est presque totalement changé en bois parfait avant la fin de l’année.

L’expérience a démontré que les bourgeons, ceux même des espaliers, ne perçoient que très-difficilement sur le vieux bois ; il est donc clair que les boutons ou les yeux, une fois épuisés, il ne peut en naître d’autres que sur le bois nouveau ; dès-lors, arrive la suppression des rameaux inférieurs. D’ailleurs, le pêcher ne se feuille qu’à l’extérieur ; les feuilles forment une espèce de voûte & privent des bienfaits de l’air, les rameaux, les bourgeons & les boutons inférieurs. La séve de cet arbre a une tendance singulière à s’élever, & elle se porte avec impétuosité vers le sommet ; les rameaux inférieurs en dérobent quelque peu, mais successivement le supérieur affame l’inférieur, & celui-ci périt. Toutes ces causes séparées ou réunies, concourent à la prompte destruction de l’arbre. Si actuellement on ajoute les causes étrangères, on sera surpris que l’arbre subsiste encore si lon-temps.

Il existe en France très-peu de petits cantons, assez privilégiés pour n’être jamais exposés aux gelées tardives, ou du moins aux gelées blanches, un peu fortes, ainsi, ces exceptions ne détruisent point la loi générale que je vais établir. Toutes les fois que le pêcher est en fleur, s’il survient une gelée, non-seulement les fleurs périssent, mais la transpiration de l’arbre est interceptée, les bourgeons sont attaqués, & de toute nécessité ces boureons & l’arbre se couvrent de gomme. (Consultez ce mot & vous verrez combien la gomme est nuisible aux arbres.) Or, si les bourgeons de l’arbre à plein vent sont affectés par le froid, s’ils meurent tous, ou en partie, l’arbre est donc privé en proportion du mal, de la facilité de regarnir son sommet, puisque le vieux bois ne sauroit lui donner dans la suite de nouveaux bourgeons. Le terme de la végétation de cette branche est arrivé. La partie restante de ce bourgeon, chargée de gomme, souffrira, languira & périra insensiblement ; & si elle ne périt pas, elle poussera l’année d’après, des bourgeons si courts, que l’on n’y verra plus qu’un toupillon de feuilles pâles & ternes.

La cloque (consultez ce mot) est une des causes extérieures les plus communes de la mort des pêchers à plein vent. Chaque feuille est, en général, destinée par la nature à être la nourrice d’un bouton, ou à feuilles, ou à fruit ou à bois. Quelle doit être la vigueur de ce bouton, si sa mère nourricière est languissante, malade & sans force ! ajoutez encore l’état de l’arbre, & vous trouverez une cause infaillible d’une prochaine destruction.

Si l’on fait actuellement la comparaison de la végétation de l’arbre à plein vent, avec celle de l’arbre en espalier bien conduit, on verra que ce dernier est sans cesse tenu sur bois nouveau, & qu’au lieu de vieillir, l’art vient à bout de le rajeunir. Il n’en est pas ainsi de l’espalier mal conduit, où les branches sont perpendiculaires, où les gourmands fourmillent, où les bourgeons ne naissent plus qu’aux extrémités des branches, &c. ; cet arbre suit, à peu de choses près, la loi de l’arbre à plein vent, & de plus, il est chaque année couvert de plaies mal soignées que la serpette meurtrière du jardinier a produites. Si les détails dans lesquels, je viens d’entrer, ne sont pas une démonstration rigoureuse du peu de durée du pêcher à plein vent, leur résultat est au moins probable ; d’ailleurs, je les donne pour ce qu’ils sont, & si l’on veut avoir la complaisance de m’en communiquer de meilleurs, je les recevrai avec reconnoissance.


CHAPITRE IV.

De la multiplication & du perfectionnement des espèces de pêches, par les semis & par la greffe.


Plusieurs pavies & quelques pêches se reproduisent d’elles-mêmes par le noyau, & elles n’ont pas besoin de greffe ; il n’en est pas ainsi d’une très-grande quantité d’autres espèces, si l’art ne venoit à leur secours, les arbres donneroient de très mauvais fruits.

Dans la majeure partie de nos provinces, un cultivateur est bien embarrassé lorsqu’il veut se procurer de bons fruits. Il a à redouter l’infidélité du pépiniériste, sur la qualité qu’il demande, les sujets défectueux qu’on, lui envoie, la reprise plus qu’incertaine des arbres dont les racines sont écourtées, meurtries & abymée suivant la détestable, mais expéditive méthode d’enlever les arbres de terre ; l’éloignement des lieux, le temps que les arbres restent en chemin, pendant lequel ils souffrent ; enfin, une dépense souvent très-forte & quelquefois au-dessus de ses facultés. Il est donc plus prudent pour lui, plus économique, & en tout sens plus avantageux d’établir, dans son jardin, une pépinière proportionnée à l’étendue de ses besoins. Dès-lors, la multiplication des sujets par les semis, est ce qui lui convient. (Consultez à ce sujet le mot Pépinière)

Je ne fais trop pourquoi les pepiniéristes ne sont pas d’amples semis de noyaux de pêche, afin de les greffer dans la suite. De tels arbres sont, disent-ils, plus sujets a la gomme que les autres ; cela peut être dans certains cantons ; mais cette assertion qui a passé pour une maxime fondamentale est-t-elle bien fondée ? Si on considère les pêchers, les pavies, les persais venus naturellement de noyaux dans les vignes, on ne les voit pas plus chargés de gomme que les autres, à moins que des causes extérieures ne concourent à sa production. Un pareil pêcher s’est trouvé chargé de gomme, il en a eu l’année d’après, ce qui est dans l’ordre & une suite très-ordinaire de son état de souffrance pendant l’année précédente ; il n’en a pas fallu davantage pour que cette prétendue observation & le propos auquel elle a donné lieu, aient volé de bouche en bouche & se soient accrédités. Seroit-ce la greffe qui occasionneroit la gomme en mettant franc sur franc ? Je ne vois aucune raison probable qui autorise cette hypothèse. Je dirois même que j’ai la preuve du contraire, mais comme je n’exige pas d’être cru sur parole, je prie les amateurs de répéter cette expérience, & de bien examiner si les circonstances extérieures influent plus sur un franc sur franc que sur un pêcher greffé sur un amandier, un prunier ou un abricotier ; enfin, si les circonstances locales ne concourent pas encore avec les extérieures.

Je ne regarde point comme indifférent le choix des noyaux ; celui cueilli sur un arbre sain & vigoureux & d’une espèce déjà bonne & excellente par elle-même, doit nécessairement produire un sujet déjà perfectionné ; il ne donnera pas, il est vrai, livré à lui-même (quelques espèces exceptées) des fruits aussi beaux que ceux fournis par la greffe ; mais ils vaudront beaucoup mieux que si on avoit mis en terre le fruit d’un sauvageon. (Consultez le mot Espèce) Ce seroit même un travail très-intéressant à faire que de semer des noyaux de chaque espèce dans un même terrain, & de statuer ensuite quelle espèce donneroit l’arbre le plus sain, le plus vigoureux, le moins sujet à la gomme, à la cloque, &c & la meilleure espèce de fruit. Un pareil travail seroit bien précieux pour les cultivateurs : à coup sûr on obtiendroit de ces semis des espèces nouvelles, & l’on sait que le pêcher greffé sur le pêcher venu de noyau, donne un arbre fort & vigoureux.

Les amandes, les noyaux d’abricots & de prunes, sont les seuls employés pour les semis destinés à la greffe du pêcher. On choisit, de préférence sur les espèces de prune, les noyaux du damas noir, de la cerisette & du saint-julien. On sème ces noyaux après les avoir maintenus frais dans le sable depuis la maturité du fruit jusqu’au moment de les mettre en terre. Quelques personnes les font germer comme les amandes, (consultez ce mot) avant de les mettre en terre, & d’autres les plantent à demeure à la fin de l’automne ou de l’hiver. La méthode de la germination est plus sûre, quoique plus compliquée, & il ne se trouve jamais de places vides dans la pépinière. Les marchands d’arbres tiennent leurs sujets trop serrés dans les pépinières, soit afin de ménager le terrain, soit afin que les tiges s’élancent plus droites & plus promptement ; mais lorsqu’il faut tirer l’arbre de terre, on est ou dans le cas de gâter les pieds voisins, ou d’écourter les racines de celui que l’on arrache. On s’imagine bien que le pépiniériste prend ce dernier parti. Celui qui travaille pour lui, laisse trois pieds de distance d’un arbre à un autre, ou pour le moins deux pieds.

Plusieurs auteurs ont dit que le pêcher greffé sur l’amandier réussissoit mieux dans les terrains légers ; sur prunier dans les terrains forts, & que telle ou telle pêche ne réussissoit que sur tel prunier, &c. ils ont eu raison dans un sens, mais cela dépendoit de quelques circonstances purement locales ; car le fait a été démenti par des expériences faites sur le même sujet & sur le même sol. Dans d’autres endroits on a la fureur de généraliser, d’établir des préceptes ; le plus petit essai détruit une assertion générale. M. Duhamel se plaint, avec raison, qu’on greffe trop peu sur l’abricotier venu de noyau ; j’en ai vu très-bien réussir dans des terrains où le prunier & l’amandier étoient mal venus, & le très-judicieux continuateur des ouvrages de feu M. l’abbé Roger de Schabol, M. de la Ville-Hervé dit : « je m’embarrasse fort peu de la distinction des terres fortes ou légères, de celles qui ont du fond ou de celles qui n’en ont pas, j’ai toujours préféré de planter sur amandier dans quelque terrain que ce soit. »

La végétation de l’abricotier, & sur-tout de l’amandier, a beaucoup plus d’analogie avec celle du pêcher qu’avec celle du prunier ; les trois premiers sont en fleurs, à peu de chose près, à la même époque, tandis que la sève est à peine en mouvement dans le prunier : c’est que l’abricotier, le pêcher & l’amandier, fleurissent dès que la chaleur de l’atmosphère est au degré qui leur convient, & que le prunier exige un degré plus fort. Si le pêcher greffé sur prunier fleurit en même temps que ceux qu’on a greffés sur amandier ou sur abricotier, ce n’est pas à raison du pied & des racines, mais c’est à raison de la chaleur ambiante qui agit sur le tronc, sur les branches, &c. Je ne veux pas dire pour cela que la chaleur imprimée à la terre n’y contribue en rien ; mais jusqu’à ce moment, c’est pour peu & très-peu. Consultez l’article Amandier, & lisez ce qu’on y dit des belles expériences de M. Duhamel. La végétation du prunier n’ayant pas lieu dans le même temps que celle du pêcher, la partie de ce dernier en végétation ne subsiste donc que des sucs séveux qui se trouvent répandus dans les branches & dans son tronc, & il se passe plusieurs jours avant que ces sucs soient renouvelés par ceux qui montent des racines. Cette intermittence de séve ne paroît-elle pas être la cause de plusieurs maladies plus particulières aux pêchers greffés sur pruniers, que sur les autres greffés sur franc ou sur amandier & abricotier ? Cet apperçu demanderoit à être suivi de près par un amateur éclairé.

La greffe (consultez ce mot) perpétue les espèces ; elle les perfectionne : mais elle n’en crée pas de nouvelles.

On greffe en écusson, & à œil dormant, depuis le milieu de juillet jusqu’au milieu d’août, suivant le climat ; mais on doit observer que le pied qui reçoit la greffe soit fort, sain, vigoureux, & sur-tout que sa grosseur soit d’un pouce de diamètre : autrement la greffe formera bourrelet, (voyez ce mot) & cet arbre ne prospérera jamais bien ; c’est un arbre de rebut. Le bourrelet se forme bien plus aisément, toutes circonstances égales, sur le prunier qui sert de sujet, que sur les amandiers, pêchers & abricotiers, parce que la végétation est inégale ainsi que son activité.

À la fin de l’hiver, on examine si l’œil dormant est en bon état, alors on supprime, un peu au dessus de l’œil, l’excédent de la tige ; l’œil pousse ensuite, & prend se place. Je n’entre pas dans de plus grands détails ; ils sont consignés au mot greffe.


CHAPITRE V.

De la plantation du pécher.


Si on n’étoit pas si pressé de jouir, je dirois à l’amateur : faites défoncer votre terrain à la profondeur de quatre pieds ; s’il est pauvre & maigre, enrichissez-le par des gazonnées de prairies, par des fumiers bien consommés, par des terres bien substantielles & qui aient du corps ; si ce terrain est trop compacte, ameublissez-le avec du sable, des plâtras, des balles de blé, d’orge, d’avoine, &c. ; enfin semez un noyau à la place que doit occuper l’arbre, & dans la fosse que vous lui destinez, & vous aurez un sujet que vous grefferez lorsqu’il en sera temps. Je réponds qu’à moins qu’il n’arrive quelques accidens, cet arbre sera très-beau. On aura perdu trois ou quatre ans à la vérité, mais combien n’en sera-t-on pas récompensé dans la suite ?

On ne fait jamais les fosses ni assez vastes, ni assez profondes, & la plupart des cultivateurs plantent leurs arbres sur l’espèce de plate-forme qui se trouve dans le fond ; il semble qu’ils craignent que les racines ne s’étendent trop profondément, & qu’ils croyent qu’elles n’ont pas besoin d’une terre bonifiée ou par le mélange d’autre terre ou par les débris des animaux & des végétaux. Plus le sol est mauvais ou compacte, & plus l’on doit approfondir, élargir les fossés &c. les ouvrir plusieurs mois d’avance, afin que leur fond, leur circonférence & la terre qu’on en a retirée., soient enrichis par l’effet des météores. (Consultez le mot Amendement) Si on a des engrais végétaux ou animaux, c’est le cas de les mélanger avec la terre à l’instant que l’on ouvre les fosses. Si on veut donner toute l’attention que la bonne culture du pêcher demande, on tournera & retournera plusieurs fois cette terre, afin qu’un plus grand nombre de ses parties soit exposé à l’action de la lumière & à l’air ; d’ailleurs les engrais se trouveront mieux combinés avec elle. On objectera que je multiplie la dépense : cela est vrai. Bien travailler, ne rien épargner, voilà la devise du bon cultivateur. Il sème pour mieux recueillir : il a grand soin de mettre de côté la terre de la superficie de la fosse, & de la placer ensuite dans le fond, parce que celle qui auparavant occupoit sa partie inférieure, deviendra, après la plantation, la couche supérieure, & sera ensuite assez bonifiée par la culture.

Sur une plantation de cent pieds de pêcher, & telle qu’on la pratique ordinairement, on compte, dans la première ou dans la seconde année, une perte au moins de dix sujets. Le nouvel achat qu’il faudra faire, l’ouverture de la fosse, la plantation d’un autre pied, ne coûteront-ils pas plus, n’occasionneront-ils pas une dépense plus forte que celle qu’on sacrifieroit au creusement des fosses larges & profondes, &c ? Donnez donc, s’il le faut, une profondeur de quatre à cinq pieds sur six à sept de largeur.

Si on a eu la précaution d’établir une pépinière chez foi, on est le maître d’avoir des arbres bien garnis de racines & de chevelus. En fouillant la terre, en la cernant tout autour, en suivant chaque mère-racine, on ménage ses chevelus, & on parvient jusqu’au pivot que l’on conserve avec le même soin que les racines ; enfin, c’est l’arbre tout entier qui sort de terre & qui sera replanté avec le même soin : mais si on fait venir les arbres du dehors, il faut prévenir d’avance le pépiniériste, & en même temps qu’on lui fait la demande, lui dire qu’on ne lui payera pas les arbres dont la greffe fera bourrelet, ni ceux dont les chevelus seront meurtris, les racines écourtées, & qui n’auront pas dix-huit pouces de longueur à partir du tronc. Il vaut mieux payer plus cher & être servi de la manière qu’on l’exige.

M. de la Ville-Hervé, & la pratique constante des cultivateurs de Montreuil, confirment ce que j’ai avancé sur la conservation des racines. « Il y a, dit-il, une préparation essentielle omise par les plus habiles jardiniers, pour habiller le pêcher & le mettre en état d’être placé en terre : elle consiste 1°. à sonder toutes les racines, & à examiner s’il n’y en a point de mortes, de brisées, d’éclatées, de rongées par les vers, ou attaquées de chancres. Dans tous ces cas, il faut supprimer celles qui sont défectueuses, raccourcir celles qui sont cassées ou fendues. À l’égard des racines endommagées par les plaies ou par des contusions, & dont le retranchement feroit tort à l’arbre, on les guérira par l’onguent de saint-Fiacre, (consultez ce mot) précaution tellement essentielle, qu’un pêcher à l’égard duquel on l’aura employée viendra plus vite en trois ans qu’un autre en six. »

» 2°. À ménager soigneusement les pivots, au lieu de les supprimer en dessous près du tronc, suivant la pratique ordinaire des jardiniers. Il est impossible qu’une plante pivotante à qui l’on a supprimé son pivot, croisse & se fortifie, à moins que la perte n’en soit réparée par un nouveau. Ceux qui ont étudié la nature, ont vu qu’elle reproduit un pivot & souvent plusieurs, à nombre de plantes qui en ont été privées. Dans les amandiers par exemple, vous trouverez des racines plongeantes & pivotantes, & non latérales. Comme elles sont perpendiculaires au tronc, elles prennent des sucs plus abondans que celles qui sont placées horizontalement, j’ai remarqué que les arbres fruitiers qui pivotent, ont toujours rapporté les fruits les mieux nourris & les plus succulent, & que les plus vigoureux que l’on lève dans les pépinières, sont ceux qui ont des pivots : ainsi supprimer aux arbres le pivot, c’est détruire leur mécanisme & leur organisation. »

» J’ajoute que si on fouille, au bout de trois semaines, à l’endroit de ces plaies considérables faites au tronc, on trouvera la terre entièrement trempée de l’écoulement de la sève. On verra le chanci prendre à ces plaies, & des insectes picotter leurs lèvres dont ils empêchent la réunion ; par elles de gros vers entrent quelquefois dans le tronc de l’arbre, & en montant toujours vers sa tige, ils la carient au point qu’il meurt. Ces observations ne s’accordent guère avec le sentiment d’un naturaliste moderne qui recommande dans ses écrits de retrancher le pivot des arbres & de mutiler ses racines. Suivant lui, on ne risque rien en coupant, lors du labour, des racines des blés, de la vigne, des arbres ; on leur rend même un grand service, parce que pour quelques suçoirs qu’on leur ôte, il s’en forme une foule d’autres[8]. »

» 3°. À planter les arbres avec toutes leurs bonnes racines, quand elles auroient une aune de long, c’est le moyen de leur faire pousser des jets vigoureux dès la première année, & de les voir tous formés à la seconde. La règle générale est de ne rafraîchir le bout des racines que de l’épaisseur d’une ligne, en proportionnant la grandeur du fossé à leur longueur ; coupées dans l’endroit où elles sont le plus menues, elles s’allongent en croissant par la suite, dans leur grosseur naturelle. Le contraire arrive quand on les raccourcit dans leur fort : il se fait alors autour de la coupe un petit bourrelet environné de filets, qui deviennent racines moyennes, mais jamais aussi grosses qu’elles auroient dû l’être. Il m’est arrivé de faire lever des arbres, soit pour en remplacer de défectueux, soit à cause de leur proximité. Ces arbres, que, dans le temps, j’avois plantés avec toutes leurs racines, par voie de perpendicularité, & sans supprimer le pivot, les avoient alongées jusqu’à cinq pieds de profondeur, & six à sept dans le pourtour. J’en ai vu un grand nombre qui, en quatre ou cinq ans, avoient des racines de treize pieds de longueur. »

» 4°. À ne toucher en aucune façon au chevelu. Il y a entre toutes les racines un rapport général, semblable à celui qui, dans le corps humain, se trouve entre les vaisseaux qui contiennent le sang & les liqueurs nécessaires à la nutrition & à l’accroissement. Les petites racines portent aux moyennes & aux grosses les sucs de la terre les plus fins & les plus déliés, l’ordre est donc totalement dérangé par la suppression de ces filets. »

» 5°. À faire sa coupe par dessous, nette & en bec de flûte. Cette maxime est fondée sur ce que l’ouverture de la plaie, faite à l’extrémité de la racine, se referme plus aisément quand elle répond directement à la terre sur laquelle elle pose, que si elle se trouvoit supérieurement ou sur le côté, comme la coupe ordinaire des branches. »

» 6°. À observer la position des racines & une juste proportion entre elles. Tous les arbres ont plus ou moins de grosses racines autour du tronc & entremêlées de moyennes. Quelquefois elles se trouvent toutes du même côté. On plante un pêcher suivant son sens, & on a plutôt égard à la tête & à l’emplacement de la greffe, qu’à la position des racines. Qu’arrive-t-il de là ? Lorsque l’arbre pousse, il produit, du côté où l’on a laissé plus de racines vigoureuses, des jets trois fois plus forts que de l’autre. On ne voit dans tous les jardins que des pêchers dont un côte a des membres vigoureux ; tandis que l’autre ne profite point, dépérit au contraire, & meurt insensiblement. Telle est une des causes de la courte durée de cet arbre parmi nous. »

» Pour éviter cet inconvénient, j’observe, en taillant mes racines, de distribuer les fortes & les foibles dans une sorte d’égalité. Si mon arbre ne me le permet pas, & que les racines soient d’un côté, je le plante de façon qu’elles se trouvent en devant, mettant le long du mur la partie où il y en a le moins. La pousse alors se fait pardevant, & tirant mes branches de chaque côté sans les mutiler ni les écourter, je les distribue de manière que l’arbre est également garni. Si c’est un arbre nain ou en plein vent, je place au midi le côté où il y a moins de racines pour le faire profiter davantage, Il est certain que de la proportion distributionnelle des racines, dépend celle des branches. La raison pour laquelle la séve se porte avec plus d’abondance du tronc dans le côté de l’arbre qui a le plus de racines ou de plus grosses, est que les orifices des passages de la séve sont plus nombreux & plus dilatés de ce côté-là, & qu’étant violemment poussée par tant d’endroits à la fois, & faisant sans cesse irruption, elle ouvre de plus en plus ces passages. »

Il est on ne peut plus indifférent que l’arbre soit planté & orienté ainsi qu’il l’étoit dans la pépinière ; mais il est de la dernière importance que la greffe ne soit jamais enterrée. Les terres légères se dessèchent plus promptement que les terres fortes. L’arbre doit donc être planté plus profondément dans les premières que dans les secondes, & la profondeur doit encore être proportionnée à la nature du sujet sur lequel la greffe a été appliquée. Le prunier trace & l’amandier pivote : ainsi celui-ci veut être plus chargé de terre que le premier.

Si on considère un espalier d’arbres fruitiers greffés sur prunier, on voit, dans une infinité d’endroits des rejets s’élancer de ses racines horizontales ; leur prompt accroissement absorbe en pure perte une nourriture dont l’arbre auroit profité. Que fait le jardinier dans ces circonstances ? Il saisit ces rejetons quand ils sont un peu forts, & les réunissant de toutes ses forces dans ses deux mains, il les arrache avec violence ; mais s’il prend la peine de considérer le résultat de son opération, il verra que la partie inférieure du rejet arraché, forme un coude, parce que ce rejet dépend d’une bifurcation de la racine dont une partie continue à tracer, tandis que l’autre gagne l’extérieur où elle se charge de feuilles. Il ne peut séparer l’une de ces deux parties, sans faire une plaie considérable à l’autre ; & qui sait jusqu’où s’étendra la déchirure ou la tortion de celle qui reste en terre ? Ces rejets pullulent à l’infini, lorsque la couche inférieure du sol est trop dure, lorsque l’arbre a été planté trop peu profondément, enfin, lorsque la terre du voisinage est plus travaillée, plus fumée & plus arrosée que celle qui environne le pied de l’arbre.

La tendance naturelle du prunier à fourmiller de racines traçantes, devroit engager les pépiniéristes à ne greffer les arbres à noyaux que sur eux-mêmes, ou sur amandier, ou sur abricotier : cependant si l’arbre doit être planté dans une terre dont la couche inférieure soit habituellement trop humide, c’est le cas, & je crois le seul, où il convienne de planter le pêcher greffé sur prunier.

Écoutons encore ce que dit M. de la Ville-Hervé sur la plantation du pêcher. « On doit laisser toujours un pied de distance entre le mur & l’arbre. L’usage de planter le pêcher perpendiculairement à la muraille, a été reconnu nuisible, & on commence à se réformer à cet égard, en l’avançant de quelques pouces ; mais ce n’est point assez, à moins que la muraille ayant peu de fondemens, les racines ne trouvent au-dessous suffisamment de terre pour s’étendre. Voici mes raisons sur cette façon de planter à un pied du mur ; 1°. le soleil qui darde à plomb sur la souche & sur les racines du pêcher, les empêche de ressentir les faveurs des influences du ciel, des pluies & des rosées. Qu’après de fortes pluies on fouille au pied de ces arbres, on trouvera que la terre n’est point du tout humectée : quand même elle pourroit l’être, le moindre rayon du soleil l’auroit bientôt desséchée. »

» 2°. Tout le monde sait que lorsqu’un arbre est planté, la première action qui se passe dans son intérieur est de former & de darder de toutes parts, à travers les pores de la terre, de petits filets blancs au bout & autour de ces racines que l’on nomme chevelu. Ces filets sont extrêmement tendres & cassans. Lors donc qu’ils rencontrent les pierres du mur & ses fondemens, il faut nécessairement qu’ils rebroussent chemin comme ceux des plantes renfermées dans des pots ou dans des caisses : à leur défaut, les racines du devant & des côtés sont obligées d’y suppléer ; mais elles ne sont guères plus à leur aise, comme on va le voir. »

» 3°. Le sentier qui règne d’un bout à l’autre de l’espalier, afin de travailler aux arbres, est perpétuellement foulé aux pieds : il se durcit & devient impénétrable aux pluies & à l’humidité, du moins en été. Dans cette saison, ce sentier est fendu de tous côtés, sur-tout dans les terres fortes ; & au moyen des gerçures les racines sont pour ainsi dire à jour, & le peu d’humidité est desséchée par les vents, le hâle & les rayons du soleil. »

» 4°. Les mulots & les souris des champs établissent leur demeure dans le pied des murs à travers les racines de ces arbres ; leur accroissement & leur santé ne reçoivent pas peu de dommage des différens passages que ces animaux y pratiquent. »

» 5°. La tige de l’arbre ainsi appliquée au mur, doit être brûlée dans les chaleurs immodérées qui interceptent la circulation de la sève, & en dissipent une grande partie. La sève ne pouvant plus trouver passage par le devant qui est desséché, monte & descend par le derrière de l’arbre du côté où il est appliqué au mur. Le mécanisme de la végétation devient imparfait dès que les parties qui doivent y concourir n’agissent plus de concert ; enfin, celle qui fait seule les fonctions des autres doit aussi à la fin s’épuiser elle-même. »

» 6°. Quand on est obligé de réparer les murs, il est presqu’imposiible que les arbres plantés presque perpendiculairement, ne souffrent beaucoup de dommage tant de la part des ouvriers, que du plâtre & du mortier dont on se sert, & qui est funeste à ces arbres, au lieu qu’étant éloignés d’un pied, on les dépalisse, on les tire sur le devant, on les attache à un pieu avec une corde, & les ouvriers travaillent avec une entière liberté. Quand on plante un arbre au pied d’un mur, il a environ un pouce ; mais quand il est parvenu à en avoir cinq ou six, que veut-on qu’il devienne ? J’en ai vu dont l’écorce étoit tellement aplatie du côté de la muraille, que la saillie des pierres y étoit imprimée. Outre inconvénient d’une telle contrainte, il faut de nécessité les abattre quand il est question de rebâtir le mur.

» Après que les trous destinés à recevoir ces arbres sont remplis à dix-huit pouces près, je laisse un pied franc depuis le mur jusqu’à l’ouverture du trou, & je cambre mon arbre de façon que sa tête touche au mur, tandis que sa tige en est à un pied de distance ; s’il a un courbe, je mets le côté creux en devant & le fort du côté du mur. À l’égard des arbres nains, j’abats leur tête, je la tiens plus longue, suivant la hauteur de la greffe, pour qu’elle approche du mur, en supprimant les yeux du bas & réservant ceux d’en haut qui, sans être forcés, doivent joindre le mur. Je conviens que suivant ma méthode les racines du côté du mur seront fort enfoncées dans la terre, tandis que du côté du sentier, elles seront près de la superficie, mais il n’en résultera ni inconvéniens ni dommage pour les arbres. Les racines ne se porteront que foiblement du côté de la muraille, tandis que, s’étendant en superficie vers le sentier, elles plongeront en terre. Le jardinier, en labourant, ne fera simplement que planer au pied. Pour éviter qu’on offense les souches de ces jeunes arbres, j’y mets un petit piquet de chaque côté. »

» La raison qu’on m’alléguera, prise du mauvais effet que produiront des arbres espacés d’un pied du mur avec d’autres déjà plantés perpendiculairement, n’est pas capable d’arrêter, à moins qu’on ne préfère, un peu de régularité à la possession d’arbres sains, abondans en fruits & de longue durée. Cette raison de difformité s’évanouit en ne plantant que des nains le long des murs, d’une hauteur médiocre, & en les plaçant à la distance convenable. »

Je ne parlerai pas de la distance que l’on doit laisser d’un arbre à l’autre. Cet objet a été traité à l’article espalier, tom 4, page 234.

L’amandier & le pêcher sont, dit-on, les plus fous de tous les arbres, parce qu’ils se hâtent, & souvent très-mal à propos, de fleurir & qu’ils sont surpris par les gelées. Cette propension si décidée à une prompte végétation, indique l’époque à laquelle ces arbres doivent être plantés. (Consultez l’article Amandier) Cependant, comme il n’est pas fréquent de voir cette végétation précipitée, & comme les arbres nouvellement plantés poussent beaucoup plus tard que les autres, on attendra la fin de l’hiver, pour couper la tige à la hauteur que l’on désire, & suivant la force de l’arbre. La plaie sera aussitôt recouverte avec l’onguent de saint-Fiacre, afin qu’elle ne souffre ni du hâle, ni du froid, ni de l’action du soleil.

Peu de personnes observent un certain ordre dans la plantation des espèces de pêchers. On voit un fruit hâtif à côté d’un tardif, un pavie près d’une pêche fondante. Ne vaudroit-il pas mieux placer ensemble chaque pied d’une même espèce, & commencer la plantation par les espèces précoces, & ainsi de suite jusqu’aux plus tardives pour lesquelles on conserveroit les expositions les plus chaudes. On auroit, par ce moyen, un espalier qui ne se dégarniroit pas de fruit de place en place, & il ne faudroit pas courir souvent aux deux extrémités, pour cueillir des fruits mûrs à la même époque.

On n’observe point encore que le pêcher ne prospère pas lorsqu’il est appuyé contre les murs de terrasse ou de moutonnement de terre. Ils conservent toujours une certaine humidité qui empêche l’aoûtement des fruits. De pareils arbres ont toujours leurs feuilles de couleur pâle qui annonce leur état de langueur.


CHAPITRE VI.

De la taille & de la conduite du pêcher.


Pour bien connoître cet objet, pour en saisir exactement toute l’étendue, enfin pour se rendre compte des causes qui font qu’un pêcher dure plus long-temps & porte plus de fruit en suivant une méthode, plutôt qu’une autre, il faut comparer ces méthodes entre elles ; elles se réduisent à deux principales, à celle de M. de la Quintynie, plus ou moins modifiée par ses sectateurs, & à celle de M. l’abbé de Schabol, ou de Montreuil, également modifiée dans un ouvrage intitulé : Essai sur la taille des arbres fruitiers, publié par une société d’amateurs. Ce rapprochement des diverses méthodes instruira mieux que les digressions qu’on pourroit faire, & en jetant un simple coup-d’œil sur la gravure, on distinguera sans peine leur mérite ou leur défaut.


Section Première.

Méthode de M. de la Quintinye.

Cet auteur ne paroît mettre aucune différence entre la taille du pêcher & celle des autres arbres soumis à l’espalier ; les loix qu’il établit sont générales pour tous.

Le bon sens dicte que le premier soin est de se procurer deux bons bourgeons qui deviendront, par la suite, les mères-branches ; il en sera de même dans le cas où l’on en réserve quatre ou six, suivant les différentes méthodes, pourvu qu’elles soient fortes &c proportionnées entre elles. La distinction des méthodes porte & sur la quantité des premières branches à laisser, & sur leur direction.

La direction consiste ou dans la ligne perpendiculaire ou presque perpendiculaire ; ou dans la ligne oblique, ou enfin dans l’horizontale.

Les figures 1, 2, 3 de la Planche XVIII donnent la filiation des branches d’après la méthode de M. de la Quintinye. La fig. I représente l’arbre planté l’année d’auparavant, qui a poussé deux bons bourgeons, d’où sortiront, l’année d’après, quatre bourgeons qui deviendront, à leur tour, des branches-mères. À cet effet, en ne laissant que deux bons yeux sur les bourgeons A B, & retranchant leur partie supérieure en C C, oh parviendra au but qu’on se propose. Voilà la taille de la première année.

À la seconde, les quatre membres A B C D, Fig. 2, sont formés, & suivant leur force, on taille ou en E ou en F. Mais si sur chaque membre on veut avoir seulement deux nouvelles branches, pour former la totalité de huit, on ravale jusqu’en G, afin de ne laisser sur chacune que deux bourgeons de l’année. Si on est pressé de garnir un mur, la taille F convient ; mais si l’on veut que les membres & le tronc se fortifient, le ravalement en G est nécessaire, & celui en E tient le milieu.

Ces quatres mères-branches A B C D, Fig. 3, produiront, pendant la troisième année, des bourgeons plus ou moins vigoureux, plus ou moins forts, suivant la longueur qu’on aura laissée aux mères-branches. Si sur chacune on n’a conservé que deux bourgeons ravalés à deux yeux, il est clair que les huit bourgeons qu’ils donneront prendront le double de hauteur & de grosseur que ceux sur lesquels on aura laissé six ou huit yeux, &c ainsi de suite. L’arbre est donc formé avec huit forts bourgeons, & capables d’en produire de plus vigoureux par la suite, & ces huit portent sur les quatre premiers membres.

À la fin de cette troisième année, & à la taille pour la quatrième, le bon ordre exige de ravaler jusqu’aux deux derniers yeux des huit branches, afin que par la bifurcation générale la totalité des fortes pousses soit au nombre de seize, & ainsi d’année en année, toujours par bifurcation ; Cette manière de conduire l’arbre est fort jolie & fort simple sur le papier ; mais l’est-elle autant dans la pratique ? Seize produisent trente deux, trente-deux produisent soixante-quatre, &c. &c ; alors c’est une forêt, une confusion de branches incroyable (consultez Figure 4) à laquelle il faut ajouter tous les bourgeons secondaires & à fruits. On est, malgré soi, forcé d’abattre les branches trop serrées, afin de laisser un espace convenable aux petites branches à fruit. La Fig. 4, lettre E représente les branches qui doivent être abattues.

On doit bien concevoir que ces figures sont de simples apperçus, & qu’il n’est guères possible de rendre aux yeux toutes les modifications de l’arrangement naturel des branches, ou bien il faudroit autant multiplier les gravures qu’il y a de variétés.

J’ai vu plusieurs personnes qui, après avoir obtenu les huit premières branches, se contentoient de les arrêter simplement par la pointe, & leur laissoient ensuite faire des branches latérales sur lesquelles ils tailloient.

Qu’arrivoit-il de cette méthode ? c’est que la sève qui se porte toujours avec impétuosité, vers le haut, ne nourrissoit que médiocrement les rameaux inférieurs, & peu à peu leur substance étoit dévorée ; enfin on ne voyoit plus sur les pêchers qu’un amas de branches défeuillées depuis le bas, & simplement chargées de bourgeons au sommet. Cette taille absurde en elle-même, peut cependant, à la dernière rigueur, être suivie pour les fruits à pépins, lorsque le jardinier n’en sait pas davantage : alors chaque branche devenue mère, est taillée comme formant un arbre séparé ; elle donne beaucoup de fruits pendant un temps ; mais elle est sans cesse dévorée par les gourmands du sommet, & elle périt bientôt.

Le défaut essentiel de la méthode de M. de la Quintinye, est de conserver la perpendicularité aux branches des arbres en espalier, par conséquent d’attirer tous les efforts de la sève vers le haut, & de ruiner le bas, sur-tout pour le pêcher où il ne reste plus que du bois sans verdure. M. de Schabol, ou son excellent continuateur, vont détailler la méthode de Montreuil.


Section II.

De la méthode de Montreuil.

» Elle se réduit, c’est l’auteur qui parle, à trois points principaux ; 1°. À couper aux pêchers & aux autres arbres le canal direct de la sève par lequel elle se porte perpendiculairement vers le haut, pour les obliger, par cette suppression, à ne pousser les branches que sur le côté ; on doit cependant lui laisser des branches directes montant verticalement, afin de garnir le milieu, & qu’elles ne soient pas perpendiculaires en partant de la tige & du tronc, mais perpendiculaires sur obliques. 2°. À ne jamais arrêter par le bout, ne jamais pincer, rogner, casser par le milieu, aucune branche, sur-tout du pêcher, mais à les laisser pousser dans toute leur longueur & à les palisser. 3°. À fonder sur les gourmands toute l’économie & la disposition du pêcher, à les palisser avec tous leurs bourgeons, pourvu qu’ils puissent trouver place sans confusion, sans quoi il faudroit les supprimer : il faut asseoir sur ces gourmands la taille actuelle, autant que l’arbre peut l’exiger ; leur donner une charge proportionnée à leur vigueur, en les alongeant le plus qu’il est possible. On verra les raisons de ces pratiques fondées sur l’usage & le succès de Montreuil.

J’établis présentement trois classes de branches. (Consultez ce mot) 1°. Des branches-mires. Il doit n’y en avoir que deux dans chaque pêcher, l’une à droite, l’autre à gauche, (voyez Fig. I, Pl. XVI, page 460, Tom. II,) en sorte qu’il représente un V un peu plus déversé que de coutume. 1°. Des membres ou branches montantes (Figure 2 de la même Planche) & descendantes Figure 3, qui croissent sur les deux branches mères, communément à un pied de distance las unes des autres. Les branches montantes garnissent le dedans & les descendantes, le dehors. 3°. Des branches appelées crochets, qui sont à bois & à fruits pour l’année, & qui en fournissent d’autres pour les années suivantes. L’habileté du jardinier consiste à les ménager tellement, que l’arbre en soit toujours pourvu.

Pour avoir une idée de cette méthode, il suffit de comparer un pêcher conduit suivant la routine ordinaire, avec un autre traité de la façon qui va être expliquée. Le premier forme un éventail tel qu’il est représenté Fig. 5. Pl. XVIII. A, est la souche d’un pied de diamètre ; B, est une excoriation occasionnée par un flux de gomme ; C, branche verticale & perpendiculaire ; D, cicatrice d’une branche viciée qu’on a été obligé de couper ; E, branche qui croise en dessous de la grosse, pour remplir le vide. Cet arbre, comme on le voit, est dégarni depuis le bas jusqu’en haut, à la lettre C, pour avoir toujours été tiré de long par la voie de la perpendicularité.

Le pêcher, au contraire, que je donne pour modèle, forme, tant au moyen des maîtresses branches que des branches-mères, autant d’éventails particuliers. On remarque sur celui de la Figure 6 bourrelet A, simple & non gonflé, de la greffe, d’un pêcher sur amandier ; les branches latérales B, & ce qu’on nomme sorties ; C, les branches crochets ou lambourdes, qui ont pris naissance sur les deux branches-mères D & sur les six membres E. Ces sortes de branches sont le fruit de l’industrie du jardinier qui a su les ménager à propos. La lettre F désigne les clous & : les loquis (consultez ce mot) qui servent à palisser les branches sur les murs enduits de plâtre.

Le pêcher de la Planche XVI, Fig. 4, Tom. II, est tout taillé & palissé à la loque ; le vide qui s’y trouve se remplit comme on le voit dans la Fig. 5 de la même planche. Si une des mères-branches est plus forte que les autres, on parvient, peu à peu, à lui donner une égalité proportionnelle par le moyen de l’ébourgeonnement. Les tailles y sont différentes sur les différentes branches ; les unes sont taillées fort long pour donner du fruit la même année, & les autres taillées court, sont les branches de réserve pour tailler dessus l’année suivante.

La différence des deux arbres mis en comparaison, est telle, pour la pousse, qu’un pêcher de Montreuil, à l’âge de cinq ou six ans, est plus formé, qu’il occupe plus de terrain, que sa tige & ses branches sont plus grosses, & qu’il donne plus de fruit que l’autre arbre de dix à douze ans. De plus, à mesure que les branches qui poussent perpendiculairement à la tige ou au tronc, grossissent dans les arbres ordinaires, celles des côtés meurent successivement après avoir, langui, & il n’y a plus que le milieu & le haut qui profitent. Ces grosses branches perpendiculaires croissent aussi aux dépens de la tige, & la surpassent en grosseur. Au contraire le pêcher étant dressé en forme de V, il se fait une distribution proportionnelle de la séve, qui, des deux mères-branches, passe obliquement, & par conséquent avec moins d’impétuosité, dans toutes les autres. Cette manière de former les arbres en espalier est conforme à l’usage pratiqué envers les arbres de tige & de buisson auxquels on coupe la tête, pour forcer la séve à se partager horizontalement dans les branches latérales autour du tronc & de la tige.

Outre les trois classes de branches que j’ai distinguées, il y en a un autre ordre ; 1°. des gourmandes qui naissent communément de l’écorce, des yeux des boutons, du tronc ou de la tige, souvent même des racines dont elles sont des rejetons ; 2°. des demi-gourmands qui viennent également par-tout ; 3°. des lambourdes ou brindilles que l’on ne connoît pas & que l’on çonfond souvent ; 4°. des branches folles ou chiffonnes, que l’on appelle aussi faux bourgeons, ou branches de faux bois. Sur cette diversité consultez le mot Branche.

Telles sont ordinairement toutes les branches dont le pêcher & les autres arbres sont composés.

Pour former les branches-mères qui forment le premier ordre, je commence à dresser mon arbre sur deux branches, que je taille à quatre, cinq ou six yeux, & dans le cas où il a poussé une branche plus forte d’un côté que de l’autre, je taille fort long la plus forte, & je tiens très court la plus foible qui tarde peu à ratrapper la première qui a été beaucoup chargée & réduite. À mesure que ces branches s’allongent, je leur donne plus ou moins de charge, afin de leur faire occuper une plus grande étendue sur la muraille ; elles me produisent une infinité de gourmands qui poussent à leur extrémité ; je les taille fort long, à un, deux ou trois pieds, suivant la vigueur de l’arbre, & je rabats le bout de la branche-mère sur le gourmand qui a poussé le plus près de son extrémité ; je détache ensuite du mur les branches mères, pour abaisser chaque côté davantage, afin de l’évaser & de l’étendre.

Le milieu de l’arbre, loin d’être vide, se trouve aussi garni que les côtés, au moyen des branches montantes & des descendantes qui sont aussi, pour la plupart, des gourmands alongés, & au moyen des branches crochets placées de distance en distance, pour en garnir les intervalles. Ces branches-mères & ces membres font éclore des branches à crochets qu’on laisse pousser de toute leur longueur, & qu’on taille au printemps à bois & à fruit, suivant l’âge & la force de l’arbre.

Parmi les branches-crochets qui poussent à côté de chaque œil des gourmands conservés, je supprime au palissage & à l’ébourgeonnement toutes celles de devant & de derrière, pour palisser celles des côtés ; & à la taille suivante, j’en abats une entre deux, je taille les autres à un ou deux yeux sur les fleurs qui se rencontrent. Ces branches-crochets me donnent dans l’année du fruit, & du bois pour la suivante.

Qu’on ne me dise point que je me contredis, & que je laisse sur les branches-mères des branches tirantes qui poussent perpendiculairement. Ces dernières, quoique perpendiculaires, sont originaires de branches obliques, & par conséquent elles ne peuvent attirer à elles seules toute la nourriture, ni assumer les autres, comme si elles étoient d’aplomb à la tige ou au tronc. Il arrive néanmoins quelquefois qu’elles prennent trop de nourriture ; on les réduit alors soit en les supprimant, soit en les ravalant sur une branche basse, soit enfin en les courbant forcément pour arrêter la sève, comme il sera dit en parlant de la courbure des branches.

Par rapport aux branches-crochets qui donnent bois & fruit, les fortes dont les yeux sont doubles, avec un bouton à bois au milieu, reçoivent un peu plus de charge que les autres. Les demi-fortes dont la grosseur est moindre, sont moins chargées. Quant aux foibles qui n’ont qu’œil à fruit & à bois, on les tient court ; mais à force de tailler successivement sur les unes & sur les autres, les branches sur lesquelles on a taillé précédemment, se trouvent trop haut montées, on les rabat d’année en année, & on profite de celles qui percent aux environs, & des gourmands pour rapprocher la taille.

Les gourmands poussent plus promptement, plus vivement, & plus abondamment que les autres branches. Ils ne viennent sur les arbres que lorsqu’on les taille trop court, qu’on les décharge trop, ou qu’ils sont extrêmement vigoureux. On distingue trois sortes de gourmands ; les naturels qui naissent immédiatement de la greffe & des branches ; les sauvageons qui poussent au-dessous de la greffe & du tronc même, & les demi-gourmands également produits de ces parties de l’arbre.

Je pourrois ajouter à ceux-ci une quatrième sorte de gourmands que j’appelle artificiels, & qu’un jardinier industrieux fait pousser à tout arbre pour le renouveler, lorsqu’il commence à s’user, & pour le remplir quand il est dégarni en quelque endroit.

Voici les principaux indices pour connoître les gourmands ; 1°. leur position ; la plupart poussent de l’écorce & non d’un œil ; 2°. leur empâtement : soit qu’ils partent de la peau ou de l’œil, leur base est épatée. Il sont gros du bas, fournis, nourris même en naissant, & ils occupent toujours par leur base presque toute la capacité de la branche de laquelle ils sortent ; 3°. la précipitation avec laquelle ils s’efforcent de pousser ; ils naissent, croissent, grossissent & s’allongent tout-à-coup. Il en est qui, dans un été, poussent jusqu’à six ou sept pieds de haut, & qui parviennent à la grosseur du doigt ; 4°. le tissu du bois d’un gourmand & son écorce, sont des marques certaines par lesquelles il se fait connoître. Ces sortes de branches commencent de fort bonne heure à avoir par le bas cette couleur brune de la peau, qui n’existe sur les bourgeons que quand ils sont convertis en bois dur. Leurs feuilles sont aussi plus longues, plus larges, plus épaisses, & d’un vert plus foncé. Ces caractères distinctifs sont une suite de l’activité immodérée de la séve. Leurs boutons tous différens de ceux des autres branches, sont petits, noirâtres, & sont distant les uns des autres ; 6°. leur figure les décèle. Ils ne sont point exactement ronds, comme les branches venues dans l’ordre naturel, mais aplatis plus ou moins d’un côté que d’un autre, jusqu’à ce qu’ils grandissent ; 7°. leur écorce, au lieu d’être lisse & luisante, est ordinairement graveleuse & raboteuse.

La nature, en leur prodiguant tant de séve & tant d’embonpoint, a des desseins dans lesquels nous devons entrer pour les faire tourner à l’avantage de l’arbre. Rien de plus commun que de voir une branche ordinaire devenir gourmande au bout d’un ou deux ans. Vous l’aurez taillée à quatre ou cinq yeux pour en faire un des membres de votre arbre ; mais parce qu’elle est perpendiculaire sur oblique, elle prend tellement de nourriture, qu’elle surpasse en grosseur la mère branche & ses voisines. Si on ne peut la retrancher sans dégarnir l’arbre, il faut chasser dans le mur un fort clou qu’on garnit de linge, & puis forcer presque jusqu’à casser cette branche rétive, l’y attacher & l’arrêter de même par le haut. Tel est le secret de faire d’une branche directe & seconde, une branche oblique & mère. Une économie judicieuse supprimera ensuite toutes celles qui s’entrelacent, & fera choix de celles qui sont propres à former l’arbre.

À l’égard des gourmands sauvageons, je les laisse quand ils sont nécessaires pour renouveler l’arbre, soit dans sa vieillesse, soit dans ses épuisemens causés par la mauvaise manière dont ils ont été gouvernés. Je les greffe alors, sinon je les coupe fort près afin que la plaie se recouvre. Quant aux demi-gourmands j’en fais le même usage, à peu de chose près, que des gourmands décidés. Je mets de ce nombre des branches d’un volume au-dessous de celui des gourmands & au-dessus de celui des branches ordinaires, & qui ont d’ailleurs les mêmes caractères. Quant aux artificiels, j’emploie, pour les faire naître, le ravalement & le rapprochement. On est maître, jusqu’à un certain point, de ne pas avoir de gourmands ou d’en avoir peu ; en les supprimant, l’arbre chargé d’une sève surabondante, en produit toujours de nouveaux, jusqu’à ce qu’enfin il soit épuisé. Pour les diminuer ou s’en préserver, il suffit de profiter de ceux que la nature nous présente, de tirer dessus, de les alonger, & de les charger amplement.

Un arbre est épuisé ; je suppose qu’il est bon, & que ses branches ne sont pas totalement desséchées. On lui a ôté tous ses gourmands qui faisoient sa richesse, sa force, sa santé & sa fécondité ; il n’a poussé que de faux bourgeons ; on a rogné, pincé, par ses extrémités, le peu de bonnes branches ou de bourgeons qu’il a fait éclore, & auxquelles ont succédé des branches chiffonnes. De plus il est dégarni en quelques endroits. La gomme qui le ronge a carié ses branches remplies de chancres. Cet arbre, quoique jeune, va être la proie du feu. Pour peu que j’aperçoive en fouillant ses racines, quelles sont saines, je le renouvelle par le ravalement & le rapprochement, après quoi je panse les plaies que j’ai été obligé de lui faire.

Je coupe au printemps toutes les branches de vieux bois sur celles qui sont les plus voisines que je taille à un ou deux yeux. Je le rapproche en supprimant une partie de ses anciennes pousses, & en observant de le mettre sur les branches du bas & du milieu qui annoncent plus de vigueur ; je suis sûr alors d’avoir des gourmands, ou même d’autres branches, qui percent de la peau au-dessous de mes coupes. Il est inutile d’ajouter que pour faciliter la végétation, on doit avoir recours à de bons engrais, & que pour le recouvrement des plaies, les coupes doivent être nettes & sans chicot.

On a remarqué qu’en supprimant les gourmands, la tige cesse de profiter, &c reste à peu près dans le même état qu’en pinçant ou arrêtant quelques branches au pêcher ; la nature, qui juge cette extrémité essentielle à l’arbre, en reproduit sur le champ une autre ; de plus, au lieu d’un petit rameau que vous ôtez, il en croît d’innombrables qui subissent le même traitement, & qui forment à chaque bout rogné autant de têtes de saule, d’où il arrive que tous les bas de ces branches rognées, qui, dans le pêcher, vous auroient donné du fruit l’année suivante, s’ouvrent dès l’année même en pure perte. De là votre arbre s’emporte, vous n’avez plus que des branches par en haut, tout le bas périt infailliblement.

Les lambourdes & brindilles, (consultez ces mots) existent dans tous les arbres fruitiers, tant à noyau qu’à pepin, avec cette différence que dans ceux-là elles donnent leur fruit la même année qu’elles ont été produites, au lieu que dans ceux-ci les lambourdes sont trois ans à se former en brindilles pour donner leur fruit.

Nulle raison ne peut autoriser à abattre ces deux sortes de branches, soit à la taille, soit à l’ébourgeonnement, & au palissage, (consultez ces mots) quand même elles se trouveroient sur le devant. Heureuse difformité qui naît de l’abondance ! Je préfère des arbres bien fournis de fruits & un peu irréguliers, à ceux qui traités selon les règles en auroient moins. On retrousse néanmoins ces branches quand le bouton à bois est grandi, & on les attache en leur faisant faire peu à peu l’anse du panier. Il n’y a qu’une exception à cette règle, c’est quand l’œil à bois a gelé ou manqué ; le fruit du pêcher ne murit point qu’il n’ait à côté ou au dessus une branche pour lui servir de mère-nourrice, qu’on a fait sagement de couper à trois ou quatre yeux, lorsque le fruit peut être sevré, & qu’il a acquis les deux tiers de grosseur, afin que la circulation de la sève ne soit pas interrompue, & que les feuilles lacées à chaque œil servent la défendre des rayons du soleil. Il profite alors de la sève qui auroit monté dans toute la branche.

On distingue dans le pêcher trois sortes de branches à fruit : les grosses, les médiocres & les petites. Les fortes sont de la grosseur d’une plume à écrire ; elles ont des yeux triples à chaque nœud, savoir, deux yeux à fleur avec un œil à bois au milieu ; ces branches, loin de s’aoûter comme les gourmands, sont d’un vert un peu foncé ; avec des marques noirâtres, & un peu graveleuses. Leurs yeux voisins les uns des autres, sont bien nourris, & produisent des feuilles longues & larges, d’un vert qui annonce leur santé. À ces sortes de branches on donne sept à huit onces de taille, selon la vigueur de l’arbre ; mais à l’ébourgeonnement on en supprime une partie pour peu que les autres s’allongent, sans les éclater ni les pincer avec le pouce. Les branches médiocres à fruit tiennent le milieu entre celles-ci & les petites ; elles ont aussi des yeux triples comme les grosses ; leur couleur est la même, & leur grosseur est à peu près égale à celle d’un cure-dent, on les taille à quatre, cinq, ou six yeux. Les petites branches sont de deux sortes ; les unes fructueuses, & qui ont à chaque nœud un seul œil à fruit avec un œil à bois, sont particulièrement celles que les gens de Montreuil nomment branches-crochets, dont ils se servent pour amuser la sève, & sur lesquelles ils tirent à fruit au défaut de branches fortes & de demi-fortes. On les taille à un, deux ou trois yeux ; le fruit y noue également, & y mûrit parfaitement. Taillées à un œil, elles donnent pour l’année suivante de très-bonnes branches médiocres fructueuses. Beaucoup de jardiniers tirent trop à fruit sur elles, sauf, disent-ils, à les rabattre si le fruit ne noue point ; mais dénuées de sève pour nourrir tant de fleurs & de bourgeons, elles ne produisent que des feuilles. La seconde espèce est celle des branches folles ou chiffonnes, dont la stérilité est le partage ; elles ne sont pas plus grosses que des brins de balai, & n’ont que de très-petits yeux à côté de chaque feuille, & fort éloignés les uns des autres. Il faut leur associer certaines branches dénuées d’yeux à bois, mais qui ont un bouquet de 20 à 30 fleurs qu’on doit supprimer.

Un pêcher d’un an doit avoir poussé quatre, cinq, ou six belles branches qu’on aura palissées de toute leur longueur, à moins que l’arbre occupé à sonder le terrain, n’agisse sourdement par ses racines dans sein de la terre. La conduite tenue à l’égard de cet arbre, pendant la première année, sert également de règle pour la seconde ; au lieu de ravaler comme font les jardiniers, sur la branche d’en-bas, en taillant à deux ou trois yeux, on laisse une ou deux branches, qu’on taille en branches-crochets à trois ou quatre yeux, puis on en ôte une après qu’on coupe tout près de l’écorce, & on alonge celle des extrémités : s’il s’y rencontre des gourmands, on les rabat dessus. Cette pratique conserve à la séve ses agens & ses réservoirs, sans épuiser dans son jeune âge un arbre qui fait tous les ans à pure perte la pousse de quatre ou cinq branches. À la seconde année il a trois ou quatre pieds d’étendue, & sa tige, une grosseur considérable ; s’il ne poussoit pas aussi vigoureusement, on le tiendroit plus court, relativement à sa force & à ses besoins.

Bien des gens tirent à fruit sur les arbres de cet âge. Je pense, au contraire, qu’il est impossible qu’un jeune arbre donne à la fois & du bois & du fruit ; Or, quel est le but auquel on doit tendre alors ? c’est de former son arbre, & ce n’est que par les branches à bois qu’on peut y parvenir. Quant à l’ébourgeonnement durant ces deux premières années, je laisse fort peu de bois, choisissant toujours le plus fort & le mieux placé, conformément à mon systême de V déversé. Si je vois que le jeune arbre produit beaucoup de gourmands, je lui laisse plus de bois qu’il ne lui en faut, afin d’amuser la séve, sauf à le supprimer à la taille, & j’alonge les deux branches mères ; c’est le seul moyen d’avoir des arbres qui s’étendent, croissent, & grossissent, & de faire profiter la tête & la tige en même temps.

Si ces moyens ne réunissoient pas il faudroit recourir à ceux indiqués au mot Taille, tels que l’incision, la saignée, &c., & ce seroit un mauvais signe. Voici donc un avis que je donne à tous les jardiniers ; c’est en même temps qu’ils jettent les yeux sur la pousse des jeunes arbres, d’avoir toujours attention à leur tige. Elle est la base & le principe de la végétation. Il est impossible qu’un arbre réussisse quand la grosseur de sa tige n’est pas en proportion avec ses branches.

Mon arbre à la troisième année doit commencer, non-seulement à occuper une vaste circonférence, mais encore à donner suffisamment de fruit ; voici mon procédé à son égard dans le temps de la taille : : quand il est dépalissé, j’abaisse de côté & d’autre les deux mères branches, & je les étends à chaque extrémité, en consultant toujours la vigueur de mon arbre ; j’alonge à proportion les membres, & je leur donne en hauteur l’étendue qu’ils peuvent supporter. Quant aux branches-crochets, je les tiens toujours un peu de court, afin d’avoir du fruit en même temps que des branches fructueuses pour la taille subséquente. En les tirant, elles pourroient me donner plus de fruit ; mais elles n’auroient que des branches étiolées pour l’année suivante. Le principe est qu’il faut avoir du bois avant le fruit.

Si cependant l’événement ne répondoit pas à mon attente, je déchargerais amplement mon arbre en l’ébourgeonnant. Le peu de bois que je lui laisserois, ayant toute la sève à lui seul, profiteroit nécessairement. Dans ces commencemens, il pousse toujours une infinité de gourmands. Au moyen de la charge & de l’allongeaient dont je viens de parler, il en a beaucoup moins que suivant la méthode ordinaire. Les jardiniers ont coutume d’alonger le même bois ; il arrive de là qu’il noue fort peu de fruits parce que ces branches foibles & fluettes n’ont pas de récipiens assez vastes pour contenir la sève nécessaire pour le nourrir. Alors, ou les fleurs avortent, ou les fruits noués tombent ; de plus, en taillant court les gros bois, ils poussent avec véhémence ; c’est un fait incontestable. Les ouvriers peu intelligens, arrêtent par les bouts ces branches fortes, & raccourcissent sans cesse les branches folles qu’elles ont poussé de tous les yeux du bas qui se sont ouverts contre l’ordre de la végétation. Cette opération meurtrière, répétée tous les ans, prive le maître du fruit, & bientôt de ses arbres.

Malgré l’essor que je donne au pêcher, il ne laisse pas de produire des gourmands de toutes parts. Je les palisse, & je n’ôte que ceux qui s’entre-nuisent, ou qui sont placés devant, derrière, aux extrémités, & tout au haut de l’arbre. Pour ne point l’épuiser à force de porter des gourmands en pure perte, on taille vers le mois de juin & au commencement de juillet, ceux qui se trouvent nécessaires dans les places où ils sont nés, & on les ravale sur deux ou trois yeux les plus bas, & quelquefois sur un seul. Alors on voit éclore de ces yeux des branches-crochets, qui seront formées encore assez à temps pour donner du fruit l’année suivante.

Quand on appréhende que ces gourmands, ainsi traités, ne prennent trop de force dans le bas, & ne deviennent des branches dominantes, on commence dès la fin de mai à les couper à moitié tout près d’un œil ; à la mi-juin, on les coupe encore plus bas, & au commencement de juillet, on les met à un seul œil. Au moyen de toutes ces plaies sur lesquelles l’air agit, la sève s’évapore, son action se ralentit, & le gourmand est dompté.

Les autres soins qu’il faut prendre de ces jeunes arbres, se réduisent à les fumer quand la terre est maigre, ou qu’ils ont souffert de l’intempérie de la saison, ou des fléaux de l’air, & à leur donner de fréquens labours. Ils sont faciles, & produisent de grands effets aux arbres plantés, comme je l’ai dit, à un pied de distance du mur. On les arrosera durant les sécheresses, & on les buttera afin de les empêcher de jaunir pendant les humidités continues, en battant un peu la terre par-dessus en forme de talus, ou en plaçant une douve à leur pied pour en éloigner les eaux.


Section III.

De la taille du pêcher, d’après le systême d’une société d’amateurs.

Pour donner à un arbre en espalier, (c’est l’écrivain de la société qui parle) une forme agréable, il faut le tailler de façon que les branches que l’on fera naître dans toute sa capacité, forment une surface qui couvre le mur dans un ordre symétrique, & pour cet effet, elle doit être carrée & sans épaisseur ; on y parviendra si, à chaque taille on a soin de régler sur l’échelle de proportion, Fig. 7, Planche XVIII, page 509,) les distances respectives a des branches, relativement à leur force & à leur position. Les lignes ponctuées qui forment différens carrés, longs, indiquent la progression dans l’accroissement de l’arbre ; exemple : par la première taille que l’on fera au point A, Fig. 8, en suprimant la partie A T, on obtiendra les branches A 2, A 3, Fig. 10 ; dans la seconde taille, en supprimant ces deux dernières aux endroits XY, Fig. 11, on fera naître deux nouveaux membres horizontaux, 5, 10, Fig. 12, & deux autres branches qui reprendront la direction de la mère-branche depuis les points X Y, jusqu’aux points 6 & 9 ; de manière que ces deux mères-branches, ainsi que les deux membres horizontaux, n’excéderont pas le carré 5, 6, 9, 10 de la Figure 7 ; il en est de même de toutes les tailles qui n’ont pour objet que de faire pousser des branches dans des places convenables à la progression symétrique de l’arbre.

Ces premières opérations étant la base de celles qui vont suivre, il est à propos de les reprendre pour en expliquer tous les détails, donner les raisons de chaque taille en particulier, & indiquer les moyens d’établir la plus grande égalité entre toutes les branches d’un arbre en espalier, soit par rapport à leur nombre, soit par rapport à leur force & à leur grandeur.

Tout va par ordre dans la nature. Le tronc d’un arbre porte, par la progression naturelle, une seule mère branche qui s’élève verticalement depuis le point B jusqu’au point T, Fig. 13 ; cette mère-branche perte des membres distingués également dans toute son étendue ; ceux-ci portent, à leur tour, des branches crochets, bouquets & lambourdes ; ces dernières portent des feuilles & des fruits, de manière que chaque partie a sa destination, sans que l’une puisse nuire à l’autre ; à moins d’un dérangement dans l’organisation générale. Voilà l’arbre de la nature, rapprochons-en, autant qu’il est possible, l’arbre conduit & : formé par l’art ; mais toujours sans nous écarter de l’ordre de la végétation.

Première taille. Cette opération se fait au printemps, ou lors de la plantation, & mieux encore lorsque l’arbre ayant été greffé sur place, aura acquis la hauteur marquée par les points B T, Fig. 14, représentant le jet de l’écusson. On supprimera alors les parties A T, de manière que le point A, Fig. 15, soit élevé d’un pied & demi, au-dessus de terre, ou environ ; ce jet a dû être conservé seul ; car toute autre production auroit nui à son accroissement.

L’objet qu’on le propose dans cette première opération, est de détourner la sève de sa direction verticale naturelle, pour la faire couler avec égalité à droite & à gauche, & par cette diversion former les deux tranches A 2, A 3, Fig. 10, qui doivent être les mères de toutes les autres. L’égalité dans le développeront de ces deux premiers bourgeons, réglera l’ébourgeonnement & le palissage s’ils poussent également, on supprimera aussitôt tous les autres bourgeons qui pourroient dévorer la subsistance destinée à ces deux premiers ; on les palissera ensuite dans l’ordre de leur développement, c’est-à-dire, de manière qu’ils décrivent chacun un angle de 45 degrés avec la ligne ponctuée A T, du jet de l’écusson supprimé. Fig. 10. Ces deux bourgeons formeront conséquemment entre eux un angle droit, que pour l’intelligence du jardiner on pourroit nommer équerre. Il est constant que cette inclinaison dictée par la nature, est la seule qui doive être adoptée pour que la séve puisse agir sans contrainte ; alors, modérée dans son cours, elle tiendra un juste milieu, & se distribuera également des deux côtés ; au lieu qu’une trop forte ou trop foible inclinaison, causeroit de l’inégalité dans sa circulation, d’où il résulteroit infailliblement l’altération de quelques parties.

On agira bien différemment si ces deux premiers bourgeons poussent avec proportion & irrégularité. L’équilibre étant le principe qui maintient chaque être dans l’ordre & la vigueur qui lui sont propres, il faudra dans ces premières pousses, l’établir avec d’autant plus d’attention que c’est de là que dépendent la beauté, la force & la fécondité de l’arbre en espalier. Nous allons détailler les moyens de parvenir à l’établissement de cet équilibre.

Lorsqu’un des bougeons aura acquis plus de grosseur & d’étendue que l’autre, on laissera une partie de ceux qui croissent au-dessous du côté trop vigoureux. Ces pousses serviront à consommer une partie de la substance qui, si on les supprimoit, se porteroit au seul bourgeon utile ; (voyez Fig. 13) le bourgeon A 3, a pris beaucoup plus d’accroissement en longueur & grosseur que le bourgeon A 2 ; on a donc laissé les productions M, N, lesquelles consommant une partie de la séve, qui se seroit portée au bourgeon A 3, en ralentiront l’accroissement. On les supprimera aussitôt que le bourgeon A 2 aura acquis la même force que le bourgeon A 3 ; s’il falloit au contraire donner plus de vigueur au çôté trop foible, on ôteroit tous les bourgeons qui, si on les y laissoit, pourroient nuire à son accroissement. Lorsque par ces moyens l’équilibre sera rétabli, on ne conservera que les deux seuls bourgeons utiles & qu’on destine à la construction fondamentale de l’arbre.

L’art du palissage contribue aussi à l’établissement de l’équilibre, en ce qu’il sert à rebâtir ou à accélérer suivant le besoin, l’action de la séve ; nous allons le démontrer.

Par l’effet de la division obtenue de cette première taille, la séve forcée de se porter à droite & à gauche, coulera dans les deux bourgeons avec une abondance & une activité égales. Si les conduits par lesquels elle cherche à s’élever, sont dans la même inclinaison, comme elle s’élance avec force des racines pour se porter aux extrémités des branches, la direction verticale étant celle qui est la plus favorable à son action, elle sera ralentie dans son cours & coulera avec moins d’abondance en proportion de la résistance que lui opposeront les différens degrés d’un angle d’inclinaison ; de manière qu’une branche perdra une grande partie de sa force, si on incline sa direction verticale naturelle, du côté de l’horizontale ; à moins qu’elle ne croisse, dans son principe, d’un œil qui tende naturellement à prendre cette direction ainsi qu’on en pourra juger par le développement de la Figure 14 ; on y verra que la ligne A D, présente la direction naturelle de la branche après la taille qui a été faite au point A ; abandonnée à elle-même, cette branche auroit cherché, pour s’élever davantage, à se rapprocher de la ligne verticale A T, & auroit parcouru la ligne A H G, parce que la séve n’auroit trouvé qu’un léger obstacle dans la courbe H ; parcourant ensuite la ligne verticale H G, elle auroit pu s’élever à son gré, si l’on n’avoit employé l’art du palissage pour la maintenir dans la direction primitive de son développement, qui étoit presque horizontale ; & elle seroit retournée vers la position verticale H G, qui lui est la plus naturelle. Mais comme dans ce cas elle a pris trop de supériorité sur la branche A 2, correspondante, pour modérer son ardeur & diminuer sa force, on a été obligé d’opposer un obstacle au fluide destiné à son accroissement, par l’inclinaison A 3, un peu plus rapprochée de la ligne horizontale ; la séve alors ralentie dans son cours, par l’opposition que lui présente un angle qui se rapproche davantage de l’angle droit, s’est conséquemment portée en moindre quantité dans cette branche ainsi inclinée, ce qui a occasionné une diminution sensible dans son accroissement. On pourroit encore ralentir davantage l’activité de ce fluide, eh ramenant la branche au point F, on parviendroit même à l’altérer très-sensiblement, en la forçant de s’incliner jusqu’au point E ; parçe qu’alors l’angle devenant droit, opposeroit au cours de la séve une résistance si forte qu’elle ne pourroit qu’avec beaucoup de difficulté parvenir l’extrémité du bourgeon. Il est donc évident que l’on peut augmenter ou diminuer à son gré la vigueur d’une branche. Dans l’exemple présent, Fig. 14, l’équilibre une fois rétabli dans les deux bourgeons A 2, A 3, Fig. 10, on les remettra par un second palissage dans la direction naturelle AC, AD, Fig. 14, afin que la séve reprenne l’égalité de son cours.

Nous ne saurions trop insister sur la nécessité d’obtenir l’égalité dans les premières pousses ; elles doivent être les mères de toutes les autres, & former, chacune de leur côté, un arbre parfait, par la juste disposition & le balancement des membres & des branches crochets qui viendront successivement & avec ordre, comme on peut le voir Fig. 22, car en faisant distraction d’un côté quelconque du tronc AB, & se figurant la prolongation de la mère-branche AM, par le point A jusqu’au point &, (ce qui supposeroit la tige) on reconnoîtra aisément dans le carré A O M F la figure d’un arbre venu naturellement ; à la réserve cependant que toutes les branches fructueuses que le palissage a rapprochées de la tige, auroient été portées aux extrémités, si, à chaque pousse, on n’eût employé la taille pour les rabattre & garnir l’intérieur de l’arbre.

Une attention importante que l’on doit avoir, c’est que toutes les tailles soient faites avec propreté, un peu en talus, sans être trop alongées, de peur d’altérer l’œil sur lequel on coupe, laissant même un demi-pouce au-dessus, (sauf à s’en rapprocher par la suite) lorsque la taille le sera dans un temps où l’on ne pourroit espérer un prompt recouvrement comme dans l’automne & l’hiver, temps auquel la sève n’est occupée qu’à la formation des racines.

Il vaudroit beaucoup mieux, sans doute, pour éviter la multiplicité des plaies, à cause du retard qu’elles occasionnent par les recouvremens qui consomment une grande partie de la séve, avoir recours au pincement (cons. ce mot) ce moyen paroît propre à remplir cet objet. Il s’agiroit donc de pincer à propos, & dans les temps convenables, l’extrémité des bourgeons naissans à peu près aux endroits où l’on voudroit former des divisions. Par exemple, dans la Figure 8, pour avoir par la coupe faite en A, la division A 2, A 3, Figure 10, on n’auroit pas attendu que le jet provenu de l’écusson se fut porté jusqu’au point T ; mais on en auroit pincé l’extrémité lorsqu’il auroit excédé le point A de deux ou trois pouces ; & quelque temps après, lorsque la division auroit été formée, pour obtenir les secondes divisions A 7, A 6, A 9, A 10, Figure 12, on auroit pincé également les deux bourgeons venus de la première opération ; & ainsi par le moyen d’un pincement raisonné, les pousses ne se feroient pas en pure perte comme à la partie A T, Figure 8, & en outre les bourgeons n’ayant encore acquis presqu’aucune consistance, le développement des yeux se feroit avec d’autant plus de facilité que les couches ligneuses n’en auroient pas encore rétréci l’orifice, sur-tout dans ceux qui, placés à la naissance des branches, sont toujours sujets à s’aveugler ; la séve enfin n’étant plus employée qu’à des objets avantageux, on parviendroit beaucoup plutôt à porter l’arbre à son dernier degré de perfection.

Seconde taille. La saison propre à faire cette taille, & toutes celles qui suivront, sera toujours favorable lorsque l’on pourra espérer un renouvellement dans la séve ; c’est-à-dire, aux mois de février, mars, mai, juin & juillet. Il seroit trop tard d’attendre que la pousse d’août fût commencée, parce que les nouveaux bourgeons n’auroient pas encore eu le temps d’acquérir la consistance nécessaire pour pouvoir se défendre des gelées. Les temps aussi où la séve est trop abondante, ne sauroient convenir, attendu que la coupe en occasionneroit une trop grande déperdition.

Dans le sujet traité, Figure 10, lorsque les deux bourgeons A 2, A 3, amenés par l’art à l’égalité parfaite, auront acquis dix-huit à vingt-quatre pouces de longueur, on les taillera au point X Y, figure 11 ; cette opération donnera deux produits.

Le premier sera la continuation de ces deux mères-branches, depuis les points de section XY, Figure 12, jusqu’aux points 6 & 9, par le moyen d’un œil laissé à l’extrémité de la branche taillée, à l’effet de mieux marquer la coupe, & d’éviter les désordres des courbes qui résulteroient de la taille faite sur un œil supérieur ou inférieur de la branche dont la production nouvelle ne pourroit être amenée, par le palissage, à la direction que doit prendre la mère-branche, sans une difformité trop apparente au coup d’œil. Cette difformité ne seroit pas le seul inconvénient. Par un plus grand encore, il se développeroit par la suite quantité de branches gourmandes, que l’on seroit obligé de supprimer, toujours au préjudice de l’arbre, sans pouvoir espérer de faire circuler également la séve dans la partie supérieure & inférieure de la branche ; au lieu qu’en formant la courbe sur le devant, on auroit bien plus de facilité à la ramener, dès qu’elle commenceroit pousser, à la direction de la mère-branche ; & que les branches gourmandes qui naîtroient sur le devant & au dos de la branche arquée étant supprimées, la sève qui étoit employée à leur nourriture, se porteroit également sur les deux côtés de cette dernière, & n’y seroit naître que des branches uniformes & égales, seules propres à garnir avec symétrie l’intérieur & l’extérieur de l’arbre.

Le deuxième produit sera les deux membres A 5, A 10, Figure 12. Ils doivent partir des sous-yeux extérieurs des deux mères-branches taillées, & non des yeux qui peuvent se trouver sur la tige AB, parce que provenant des branches A 2, A 3, Figure 10, ils le porteront naturellement au peint 5, 10, Figure 12, & formeront avec les mères-branches A 6, A 9, le même angle de quarante-cinq degrés que chacune d’elles formoit avec la partie AT, du jet de l’écusson supprimé ; au lieu que pour obtenir cette deuxième division, si l’on se servoit de deux yeux latéraux pris sur la partie du tronc AB, on ne pourroit conduire horizontalement les bourgeons provenus de cette taille, sans les contraindre avec violence, puisque la direction naturelle seroit de suivre parallèlement & verticalement les mères-branches A 6, A 9.

Cette division est le seul objet que l’on se proposera de remplir dans cette deuxième taille. Son produit sera borné aux deux mères-branches X 6, Y 9 & aux deux membres inférieurs A 5, A 10 ; toute autre production qui surviendroit sera supprimée comme nuisible, à moins qu’il n’y en eût quelqu’une de nécessaire pour obtenir l’équilibre ci-devant prescrit, on en useroit dans ce cas comme il a été dit dans l’article de la première taille ; tout enfin doit tendre à renfermer le produit de cette seconde taille dans le quarré 5, 6, 9, 10 de la Figure 7. Le palissage de ces quatre branches doit être fait avec exactitude, principalement celui des deux mères-branches X 6, Y 9, Figure 12 qui servent à la formation totale & parfaite de l’arbre ; parce que si pour les assujettir au treillage, on attendoit le temps où elles auroient acquis une consistance ligneuse, on ne pourroit faire disparoûre la difformité d’une courbe désagréable, que ces deux mères-branches décriront nécessairement en prenant naissance sur le devant.

Troisième taille. Elle se fera sur les deux membres horizontaux 5, 10, Figure 12, & sur les deux branches X 6, Y 9, servant à la continuation des deux mères-branches. Avant d’entrer dans de plus grands détails, il est nécessaire de régler les distances qu’il convient de garder entre les branches.

La longueur dans la pousse des branches fructueuses, doit régler l’intervalle des membres, afin que chacune puisse se réunir par son extrémité, & former un tapis agréable ; il faut observer que chaque espèce d’arbre à sa règle particulière. Le pêcher que nous traitons ici, & les arbres de la même nature, qui portent leurs fruits sur bois nouveaux, auront leurs membres éloignés de deux pieds, afin que dans l’intervalle on puisse placer dessus & dessous les branches-crochets alternatives. Celles-ci doivent avoir dix-sept à vingt pouces de longueur & une distance entre elles de quatre à six pouces. Dans les arbres, au contraire, qui portent leurs fruits sur des lambourdes & bouquets, tels que les pommiers, poiriers, cerisiers &c., la moitié de cet intervalle, entre les membres, est suffisante.

Les membres du pêcher dont nous venons de fixer la distance à deux pieds, seront alternatifs de l’intérieur à l’extérieur de l’arbre. Par la première taille nous avons eu les membres extérieurs 5, 10, Figure 12 i il faut donc que l’intérieur nous donne les membres d 14, D 15, Figure 16 distans aussi entr’eux de deux pieds, & prenant naissance sur la mère-branche ; tandis que les membres extérieurs 5, 10, Fig. 12, donneront trois ou quatre branches-crochets désignées dans la figure 16 pars les numéros 41, 41, 43. Pour obtenir ces différens produits, on taillera les mères-branches A 9, A 5, de manière que les yeux intérieurs d, D, Fig. 15, soient éloignés du point A, centre de l’arbre, de dix-sept pouces ; parce qu’alors les deux membres d 14, D 15, Figure 16, seront éloignés à peu de chose près de deux pieds, si les deux mères-branches sont exactement à angle droit. Au point 2, 3, Fig. 15, on laissera un œil placé sur le devant & à l’extrémité de la coupe, comme il a été dit à la taille précédente. Ces yeux développeront des bourgeons qui serviront à remplacer la partie supprimée des mères-branches, & à les conduire par progression aux points 13, 16, Fig 16 Ces yeux, développeront des bourgeons qui serviront à remplacer la partie supprimée des mères branches, & à les conduire par progression aux points. 13, 16, Figure 16. À l’endroit XY., Figure 15, aux sous-yeux des mères-branches taillées, on profitera de la pousse des deux bourgeons foibles 44, 45, Figure 16", pour garnir un vide inévitable. On les maintiendra toujours dans la longueur & la force des branches fructueuses : trop d’accroissement dérangeroit l’ordre symétrique, & c’est par exception à la règle qu’on les a placés sur les mères-branches, par la raison que le vide qui eût résulté de leur suppression, lors de l’ébourgeonnement, auroit été un défaut beaucoup plus apparent & que l’on n’auroit pu masquer qu’en ramenant avec contrainte les bourgeons supérieurs, ce qui auroit totalement changé la direction naturelle.

À l’égard des nombres extérieurs 5, 10, Figure 12, leur taille sera bornée au quarré de la figure septième, exprimé par les nombres 1, 2, 3, 4, ainsi, la section se fera au point 1, 4, Fig. 15, à douze pouces du point A, si toutefois la force & la longueur de la branche permettent de lui faire supporter cette taille ; ces membres ainsi taillés, donneront, par l’œil laissé a leur extrémité sur le devant, deux nouvelles branches qui s’étendront des points 1, 4, Figure 16, jusqu’aux points 11, 18.


Cette taille donnera donc deux produits. Le premier sera les branches à bois qui doivent toutes être renfermées dans le quarré 11, 13, 14, 15, 16, 18, de la Figure 7 ; & le second, les branches fructueuses 41, 42, 43, Figure 16 moindres en force à mesure qu’elles s’éloigneront davantage de l’extrémité de la branche taillée : elles seront traitées chacune à la taille prochaine, convenablement à leurs forces respectives.

Quatrième taille. La saison, l’étendue des bourgeons détermineront les opérations de cette quatrième taille. Si avant la séve du mois d’août, les jets des mères-branches & des membres, avoient acquis le double de la longueur qu’ils doivent avoir pour supporter cette taille, c’est-à-dire, trente-quatre pouces pour les mères-branches & vingt-quatre pour les membres ; alors il faudroit rabattre les jets des premières à dix-sept pouces & ceux des dernières à douze ; si au contraire ils n’avoient pas encore acquis assez de force, on attendroit au printemps suivant, & on tailleroit dans ce même temps les branches fructueuses, Figure 17 ; opération qui ne doit pas avoir lieu sur ces dernières, s’il y a eu possibilité de diviser les autres dans le courant de l’été. Il faut observer aussi que dans le cas où la taille se feroit pendant l’été, on ne l’étendroit que sur les membres ; car dans cette saison, il ne faut chercher qu’à se procurer des crochets, qui étant taillés au printemps prochain, soient en état de donner du fruit.

Reprenons les Figures 16, 17 18, afin de développer la taille présente dans tout son jour. Par la première opération, les mères-branches 13, 16, Figure 16, seront coupées aux points 6, 9, Figure 17, à une ligne seulement au-dessus de l’œil de devant, & à dix-sept pouces de la dernière section 2, 3, qui doit toujours être égale de taille en taille, afin que les membres qui viendront garnir alternativement l’intérieur & l’extérieur de l’arbre, soient toujours également distans entr’eux. Ainsi, par la taille faite aux points 6, 9, on a dessein de faire développer les yeux e, E, qui, par l’inclinaison des mères-branches & par leur position sur le côté de celles-ci, ont une direction naturelle à se porter sur les côtés extérieurs de l’arbre. Ces côtés se trouveront à la distance convenable de vingt-quatre pouces du premier membre inférieur A, 28, Figure 18, si de la première section X Y, aux points 2, 3, il y a dix-sept pouces, & que de ces deux derniers points à 6, 9, il y en ait autant. La direction de ces cieux membres e 10, E 27, est aussi naturelle que celle des membres inférieurs A 19, A 28, qui prennent naissance sur les mères-branches A 26, A 21, & doivent décrire avec elles, le même angle de quarante-cinq degrés que forment les deux premiers membres A 19, A 28 ; ils sont conséquemment parallèles entre eux, ainsi que toutes les branches qui viendront dans cette direction.

Il est de la dernière importance de choisir, pour la formation des membres inférieurs, un œil toujours disposé à s’élancer intérieurement ; & pour celle des membres extérieurs un œil qui s’élance extérieurement. Dans l’exemple présent, tout autre œil placé ailleurs, qu’aux points, e E, Figure 17, sur le côté, n’auroit pu convenir, parce qu’on n’auroit pu le ramener à la position nécessaire, sans lui faire souffrir une contrainte, qui ralentissant & diminuant trop son accroissement, dérangeroit l’ordre symétrique, détruiroit l’ensemble qui tend à la perfection de tout le corps, & occasionneroit inévitablement des pousses gourmandes sur les courbes, inconvénient que nous avons déjà démontré à l’article de la seconde taille.

Par la deuxième opération, on se procurera d’abord la continuation des mères-branches 6, 9, Figure 17, jusqu’aux points 21, 26, Figure 18 ; viendront ensuite les membres inférieurs 5, 10, jusqu’aux points 19, 28 ; & enfin les membres inférieurs 7 & 8, jusqu’aux points 23 & 24. Cette prolongation doit toujours se faire, autant qu’il est possible, par des bourgeons provenus d’un œil de devant, pour les raisons qui ont déjà été déduites dans la taille précédente.

La troisième opération s’étendra sur les branches fructueuses 41, 42, 4 3, 44, 4 5, Fig. 17, son objet est de leur faire porter quelques fruits, ainsi qu’à leurs branches correspondantes ; & de plus, d’obtenir leur remplacement. Il faudra agir proportionnellement à la force de chaque branche. Les susdites 42, 43, 44, 45, seront en conséquence taillées à fruit, plus ou moins longues, tandis que la branche 41, n’aura aucune charge à cause de son extrême foiblesse. Pour procéder ici à la taille de chaque branche suivant sa force, il faut savoir que si les branches venues sur la partie supérieure du membre inférieur A 28, Figure 18, sont palissées dans l’ordre de leur développement, & décrivent chacune un angle de quarante-cinq degrés avec le membre d’où elles partent, elles doivent avoir environ dix-sept pouces de longueur pour qu’elles puissent se réunir avec celles qui croissent sur la partie inférieure du membre supérieur E 27. Toutes les opérations à faire à leur égard, consistent seulement à les rendre égales entre elles. Ce n’est que par la charge des plus fortes & le soulagement des plus foibles, qu’on parviendra à avoir leurs remplacemens égaux par les branches les plus rapprochées de leur naissance ; observant de ne jamais s’éloigner des branches fondamentales de l’arbre. On peut donner pour règle générale, que toute branche fructueuse qui n’a que six à douze pouces de longueur, doit être taillée avec très-peu ou même point de prétention à fruit ; depuis 15 à 20 pouces on laissera un ou deux fruits ; depuis 15 à 24, deux ou trois fruits. Si on en laissoit davantage, on risqueroit souvent d’être privé de la branche propre à remplacer celle qui, épuisée par une trop forte charge, n’auroit pu fournir à l’accroissement de la branche destinée au remplacement ; car toute autre branche de pêcher qui a porté du fruit, doit être supprimée & remplacée par celle qui pousse le plus près de sa naissance, comme on peut le voir dans les Figures 17 & 18 : cette règle ne regarde que les arbres qui portent leurs fruits sur les bois nouveaux.

Pour avoir une branche propre à servir au remplacement, & à donner du fruit à la taille suivante, il faudra supprimer lors de l’ébourgeonnement, toutes les branches qui pourroient nuire à l’accroissement de celle-ci. Par exemple, une pousse qui aura été jugée d’une force convenable à porter une ou deux pêches ou autres fruits, ne doit avoir, dans toute son étendue, que les deux pêches qu’elle porte, accompagnées des bourgeons qui les nourrissent, lesquels on aura soin de pincer lorsqu’ils auront quatre ou cinq pouces de longueur, afin que la sève arrêtée par cette opération, reflue sur la branche à fruit & la nourrisse plus abondamment. En second lieu, cette pousse doit être accompagnée de la branche qui vient à l’extrémité de la taille, que l’on pincera aussi ; & enfin de la branche venant de l’œil le plus bas, qui servira au remplacement. Cette dernière est celle sur laquelle on veillera avec le plus d’attention ; il faudroit même sacrifier le fruit en rabattant sur la première & la supprimant totalement jusqu’à la nouvelle qu’on veut conserver. Tous les bourgeons qui naissent dans l’étendue de la branche taillée, seront supprimés, si celle-ci est conservée. On réservera cependant ceux qui sont faits pour nourrir les fruits & conduire la branche, comme il a été dit plus haut. Cet exemple suffit pour toutes les branches de cette espèce. Quant à celles dont l’extrême foiblesse ne leur permettra pas de porter du fruit, elles seront taillées à un œil ou deux pour laisser seulement la branche qui paroîtra par la suite propre à acquérir la longueur prescrite.

La quatrième & dernière opération, donnera d’abord les branches fructueuses 46, 47, 48, 49, Fig. 18, & leurs correspondantes sur les membres inférieurs A 19, A 28 ; ensuite le bourgeon 50, & son correspondant, quoique prenant naissance sur les mêmes branches, sont jugés nécessaires pour occuper & couvrir une place que les branches-crochets du membre supérieur E 17, & de l’inférieur A 28, ne pourroient remplir, sans être ramenées avec contrainte, ou, sans être trop alongées. Elle procurera enfin les bourgeons 51, 51, 53 & leurs correspondans. Tous ces nouveaux bourgeons ne poussent pas également. Dans le principe, ceux qui sont placés à l’extrémité de la taille, sont toujours plus étendus, les plus foibles en sont les plus éloignés ; mais traités dans la suite comme on l’a expliqué à la troisième opération pour les bourgeons 41, 41, 43, ils acquièrent l’égalité. Toutes ces branches seront palissées dans l’ordre où elles poussent, sans se croiser & ayant entre elles une distance de quatre ou cinq pouces tant au-dessus qu’au-dessous des membres horizontaux, & sur les côtés des membres verticaux. Elles ont toutes assez de place pour être fixées sans gêne au treillage : on doit seulement être attentif qu’aucune de ces branches ne prenne trop d’accroissement ; elle nuiroit alors à celle de l’extrémité qui sert à la continuation du membre. Ainsi, lorsque l’on en verra pousser une avec trop de vigueur, il faudra la rabattre à deux ou trois yeux dans le courant de l’été, pourvu que ce soit avant la sève du mois d’août, afin qu’elle puisse se reproduire par une nouvelle branche qui sera alors moins forte à raison du peu de tems qu’elle aura eu à pousser.

Ce sont là tous les effets de cette quatrième opération ; elle peut avoir lieu dans des sujets bien constitués, même dès la deuxième année après la plantation ; & il est facile en économisant avec prudence toutes les pousses utiles, & supprimant, lors de l’ébourgeonnement, celles qui seroient nuisibles, d’avoir au palissage du mois d’août de la seconde année, un arbre tel qu’il est représenté dans la figure 18 ; à la réserve seulement des fruits, auxquels on ne peut encore trop s’attacher. Jusque-là, il ne faut songer qu’à former un arbre bien constitué & ne pas en espérer des productions fructueuses.

Cette quatrième taille nous procurera donc, premièrement, la formation de deux membres nouveaux propres à garnir les côtés extérieurs de l’arbre. Deuxièmement, la continuation des mères-branches 6, 9, Figure 17, & leur prolongation jusqu’aux points 11, 16, figure 18, ainsi que celle des deux membres inférieurs 5, 10, Figure 16, jusqu’aux points 19 28, figure 18 ; & enfin, la continuation des deux membres intérieurs 7, 8, Figure 17, jusqu’aux points 23, 24, figure 18. Troisièmement, la production de quelques fruits sur les branches 41, 42, 43, 44, 45, & leurs correspondans de l’autre côté de l’arbre, & en outre le remplacement de ces mêmes branches. La naissance des nouveaux bourgeons fructueux 46, 47, 48, 49, 50. 51, 52, 53, & de leurs correspondans.

Cinquième & sixième tailles. Les tailles suivantes dont l’objet est toujours de porter l’arbre à son degré de perfection, tant pour futilité que pour l’agrément, ne sont qu’une succession d’opérations toujours les mêmes ; elles consistent à faire naître premièrement de nouveaux membres, par la taille des mères-branches lorsqu’elles sont parvenues aux points où elles doivent être divisées. Deuxièmement, de nouvelles branches fructueuses par la taille des membres. Troisièmement, du fruit par la taille de celles-ci lorsqu’elles auront acquis une égalité parfaite. La Figure 19 donne l’idée de la cinquième, & la Figure 20, le produit de cette taille. Il en est de même de la sixième, représentée dans la Figure 21, dont on voit aussi le produit dans la Figure 22.

On reproche à cette méthode, de conserver quatre mères-branches perpendiculaires, quoique sur base oblique, désignées par les lettres n o, ON, Figure 22, qui doivent affamer les mères-branches M, K, H, F, de la même Figure, ainsi que leur correspondante.

M. de la Quintinye donne un grand nombre de gravures, qui représentent des arbres à la seconde & à la troisième années de leurs pousses, & chargés de branches mal placées, ou inutiles. Je n’ai pas jugé nécessaire de les faire graver, puisque l’on voit par ce qui vient d’être dit dans les détails des deux dernières méthodes, que si des branches & des bourgeons sont toujours mal placés, c’est la faute du jardinier qui n’a pas su leur faire prendre la direction qu’elles devoient avoir.


CHAPITRE VII.

Des travaux accessoires pendant & après la taille.


Ce chapitre est entièrement neuf & aucun auteur, avant M. Roger de Schabol, n’avoit parlé d’une manière générale des objets qu’il renferme. On peut regarder ce qu’il dit comme le complément & le raffinement de la science de taille.

À la troisième & à la quatrième année, (c’est l’auteur qui parle) il faut user envers les arbres de divers moyens pour lei diriger. Ces moyens sont de deux sortes : les uns appartiennent à la médecine & à la chirurgie, tels que la diète & la saignée ; les autres sont des inventions particulières, telles que la courbure des branches & le cassement.

Ils ont pour but de régler la pousse des membres afin d’opérer une distribution proportionnelle de la séve dans toutes leurs parties, de faire en sorte que désormais ils ne s’emportent plus, soit du haut en se dénuant du bas, soit d’un seul côté tandis que l’autre seroit foible & languissant. Il est question de renouveler des arbres malades & de conserver ceux que les jardiniers condamnent à être remplacés par d’autres ; de faire porter du fruit aux arbres de quatre à cinq ans, en plus grande quantité qu’on n’en a obtenu jusqu’ici à dix ou douze, de leur donner une dimension immense par rapport aux bornes étroites dans lesquelles on a coutume de les retenir, de les faire grossir de la tige à proportion ; enfin, de leur procurer durant un siècle, une parfaite santé, tandis que l’expérience journalière nous apprend qu’à peine tous les arbres, & sur-tout les pêchers, ont fait paroître une brillante verdure pendant leurs années de vigueur, qu’ils sont assaillis à la fois par tous les maux d’une vieillesse prématurée. Si je parviens à remplir ces différens objets par ma méthode & par les moyens que j’indique, les gens sensés pourront-ils les désapprouver & refuser de s’en servir.


Section Première.

Des opérations semblables à celles usitées en chirurgie.

Je commence par celles qui sont tirés de la chirurgie & de la médecine. 1°. La diette & l’abstinence 2°. l’incision & la saignée ; 3°. le cautère à la tige, aux branches & aux racines ; 4°. la scarification ; 5°. les cataplasmes & les topiques ; 6°. les éclisses, les bandages & les ligatures.

Toutes ces nouvelles opérations sont établies sur des expériences, & ont pour fondement les principes de la physique des végétaux ; ce que j’ai à dire sur cette importante matière, a pour base les trois principes suivans. 1°. Fixer le pêcher dans ses différentes positions sans le violenter. 2°. Faire avantageusement usage de l’abondance & de l’impétuosité de la séve. 3°. Partager toutes les branches, de manière qu’elles ne puissent se détruire, comme cela n’arrive que trop souvent par l’entremise des gourmands qu’on lui laisse pousser de tous les côtés. Avant d’entrer à cet égard dans aucun détail, j’établis ici quelques propositions qui sont autant de corollaires de ce qui a déjà été dit.

1.° Après l’ordre de la préparation des racines, la distribution proportionnelle des branches dépend absolument de la suppression totale des perpendiculaires au tronc & à la tige ; & il ne doit y avoir dans tout arbre, qu’on veut rendre régulier en même temps que fructueux, que des branches obliques & latérales d’où procèdent toutes les autres. C’est ce que l’on a vu dans la seconde méthode du chapitre précédent.

2°. Le moyen le plus analogue à la façon de pousser du pêcher, & le plus efficace pour l’égale distribution des branches dans tout arbre, c’est de faire, des gourmands, le fondement de sa taille & de l’harmonie des branches entr’elles.

3°. Pour avoir un arbre garni de toutes parts, il faut, en même-temps qu’on le charge d’un grand nombre de branches, lui faire prendre l’essor en l’élongeant beaucoup, proportionnellement à sa vigueur.

4°. Tailler long les branches à bois & les gourmands, & sobrement les branches à fruit.

5°. Rapprocher toujours & renouveler les branches du pêcher, le concentrer, pour ainsi dire, en tirant sur les branches du bas préférablement à celles du haut.

6°. Quand un arbre a, durant ses premières années, jeté son feu, & qu’il pousse plus sagement, le tenir un peu plus court & ne lui pas donner tant d’essor.

7*. Recourir alors aux engrais, aux changemens de terre, sur-tout pour le pêcher.

8°. Lors de l’ébourgeonnement & du palissage éclaircir, élaguer, tirant toujours du plein au vide, du plus fourni à ce qui l’est moins.

9°. Le pêcher étant sujet à la mortalité de ses branches, veiller à ce qu’il y en ait de réserve auxquelles on puisse recourir pour remplacer celles qui sont mortes, & qu’on puisse attirer sans rien dégarnir.

10°. Dans le cas de remplacement des branches mortes, si dans le voisinage il n’y a que des branches à fruit, faire d’une branche à fruit une branche à bois.

Il est question de remplir un vide & je n’ai que des branches fructueuses. Si je les taille à la longueur ordinaire, c’est-à-dire à fruit, elles me donneront bien moins de bois. En les taillant à un ou deux yeux seulement, je suis assuré d’avoir de non bois pour garnir, parce que l’année suivante j’alonge les branches venues des yeux de celle que je taille ainsi court, & je les mets à bois & à fruit tout ensemble. Les jardiniers, au contraire, alongent ces mêmes branches pour garnir ; & au lieu d’avoir de bons bois, il n’ont que des pousses chétives qui meurent ou qui ne garnissent point. Venons à notre sujet.

1°. La diette & l’abstinence. Je remarquai un jour dans la cour d’un vigneron, un mûrier qui d’un côté, faisoit briller une riante verdure, ses feuilles étoient plus grandes qu’à l’ordinaire, & ses fruits abondans contrastoient avec ceux de l’autre côté qui étoit étique & n’avoit que des feuilles chétives & des fruits aussi rares que mesquins. En fouillant une première racine depuis le pied de l’arbre, je rencontrai une fosse à fumier qui étoit comblée & couverte de gazon qui avoit crû par dessus. À travers les terres de cette fosse j’aperçus une multitude innombrable de petites racines & de chevelus qui pompoient la terre où les parties spiritueuses du fumier, avoient pénétré. De l’autre côté, ce n’étoit que gravois, que cailloutage, ronces, épines sur lasuperficie de la terre, & tuf dans le fond. De là je tirai beaucoup de conséquences utiles dans la pratique, telles que celles de faire jeûner les arbres en pareil cas, & de bien nourrir le côté maigre.

Je suppose un arbre plein d’un côté & dégarni de l’autre : je commence par charger amplement le premier ; & afin que le second puisse fournir au peu que je lui laisse, je le décharge & le tiens fort court. Il s’agit ensuite de couper les vivres au côté plein, pour qu’il ne fasse que s’entretenir dans son embonpoint, & de la faire porter la séve vers le côté maigre. Je ne parle ici que de ces arbres vigoureux qui portent toute leur sève d’un côté, & dont les branches chargées d’embonpoint ont affamé l’autre, La diette & l’abstinence que je fais observer à ce côté trop nourri, consistent dans la soustraction de la bonne terre pour en substituer une inférieure en bonté. J’y joins quelquefois le raccourcissement de quelques racines dans leur fort.

Au printemps, ou à la chute des feuilles, j’enlève au côté parasite toute la bonne terre à trois ou quatre pieds environ du tronc. Je laisse au pied de l’arbre de ce même côté, une motte de terre d’un pied, à laquelle je ne touche point, de peur d’ébranler ou d’entamer les premières racines qui partent du tronc. Du reste, je les découvre tout-à-fait, comme pour déplanter l’arbre avec les précautions requises pour leur conservation. Un grand nombre de racines confuses & entrelacées s’offrent à mes yeux, j’en enlève quelques-unes & je les espace. Je les coupe jusqu’à la motte en y appliquant l’onguent de Saint-Fiacre, à raison de leur force. Cette seule opération de mettre ces racines au jour, a souvent occasionné un ralentissement de séve.

Quant aux racines découvertes, je les raccourcis, en les coupant dans leur fort, elles ne s’allongent plus dès-lors, & ne poussent que des racines moyennes ou un plus grand nombre de petites. Je ne touche point au chevelu, ni à celles qui piquent au fond. Mon opération faite, je les recouvre avec moitié sable & moitié terre, la plus aride & la plus mauvaise que je puisse trouver. Il faut, en remplissant, passer la main dans tous les vides qui se trouvent autour des racines, pour y couler de la miette & n’y point laisser de jour. L’effet de cette opération se conçoit aisément.

Ce seroit peu faire si je ne portois pas en même-temps du secours à l’autre côté qui ne profite point. Je lui ôte également toute sa terre jusqu’aux premières racines seulement, & j’en substitue de la neuve dont je les couvre à la hauteur de six pouces ; je mets par dessus pareille épaisseur de gazons renversés, que je comble de fumier gras bien consommé. Je laisse au pourtour un bassin ou je fais jeter à l’instant quelques seaux d’eau, pour faire approcher toutes ces terres des racines & en hâter la combinaison.

Ce premier moyen de faire jeûner les arbres, est excellent pour dompter des poiriers & des pommiers qui ne donnent que du bois & point de fruits, avec cette différence qu’au lieu qu’on ne fait jeûner ici qu’une partie de l’arbre, dans ceux là l’abstinence est pour la totalité.

À la taille suivante, ce côté de l’arbre condamné à la diette, a besoin d’être ménagé. Il faut être très-réservé sur la quantité de bois qu’on lui laisse ainsi que sur la longueur. Quant à l’autre, je lui donne une taille plus forte & qu’il est en état de soutenir au moyen de ce qu’il a toutes ses racines dans lesquelles passera désormais l’abondance de la séve, par les engrais qu’on lui prodigue. On ne tarde point à s’apercevoir de l’effet de ces opérations. Le côté foible fleurit plutôt, verdit de meilleure heure, est en tout plus hâtif, ses bourgeons sont plus vigoureux : dès l’année même, il croît prodigieusement, tendis que l’autre côté s’entretient dans son embonpoint, sans faire aucunes pousses vigoureuses. À mesure néanmoins que s’opère le recouvrement des plaies faites aux racines, ses bourgeons vont toujours en augmentant, la partie foible pourroit même à son tour l’emporter sur l’autre ; mais on y remédie aisément par les engrais administrés au côté à qui l’on a fait faire diette.

2°. L’incision & la saignée. Mon ministère est rempli par rapport au côté de l’arbre qui a trop d’embonpoint, mais il ne l’est pas à l’égard de l’autre. Le changement de bonne terre en mauvaise, la soustraction des racines & leur raccourcissement ne peuvent manquer d’occasionner une diversion de sève qui, au moyen des engrais abondans que j’ai donnés aux côtés foibles, va s’y porter avec la même abondance qu’elle se portoit vers le côté vigoureux. Il faut donc le disposer à recevoir cette affluence de séve, que l’étroite capacité de ses canaux ne peut contenir. J’appelle l’art à mon secours pour les étendre & les dilater, j y parviens au moyen l’incision que je distingue de la saignée.

Au printemps, avec la pointe de la serpette, je fais du côté maigre de mon arbre, depuis le tronc jusqu’aux premières branches, une incision, en fendant l’écorce jusqu’au bois. Je la fais latéralement & je la continue sur cette partie maigre, toujours sur le côté jusqu’à la mère-branche & aux grosses branches, & j’enduis toutes ces incisions de bouse de vache, sans l’envelopper, dans l’intention de prévenir le flux de gomme.

Si cette plaie faite par incision, au lieu de se fermer venoit à se sécher, ce seroit un mauvais signe poux l’arbre, & il n’y auroit plus d’espérance de le rétablir. Si la branche maigre : ne grossissoit pas, il faudroit recommencer l’incision l’année suivante, non dans la même place, mais soit par derrière, soit par devant, avec la précaution d’y appliquer une douve pour que le soleil ni la pluie ne frappent point la plaie.

La nature m’a fait naître l’idée de ces incisions. Je voyois des arbres vigoureux se fendre d’eux mêmes, tant à la tige, aux branches, qu’au tronc & souvent de haut en bas comme si on les eût incisés exprès. J’ai reconnu, en les mesurant, que depuis le mois de mai jusqu’à l’automne, ils avoient grossi d’un pouce. La suture de ces incisions se fait ordinairement dans l’année ; & aux endroits qui les ont souffertes, la peau est plus claire & moins épaisse que l’ancienne.

Les noyers, les pommiers, les pêchers même, & les arbres féconds en séve sont sujets à se fendre ainsi. Il se fait aux branches fortes de ces derniers, vers leur empâtement, des gerçures de couleur jaunâtre, par lesquelles la nature, en indiquant les besoins, m’a appris à recourir à l’incision pour gonfler les récipiens de la séve du côté maigre de l’arbre.,

La saignée n’est à proprement parler, qu’une incision de deux ou trois pouces de long. Elle a également lieu pour les racines comme pour le tronc, la tige & les branches à bois seulement. Voici quelques circonstances où elle est non-seulement utile, mais nécessaire. Un arbre pousse avec véhémence dans sa jeunesse, & sa tige ne grossit point à proportion de ses branches. Un calus commence à se former à l’endroit de la greffe, & l’on a lieu de craindre qu’il ne grossisse au point de faire un mauvais effet & de s’approprier une partie de la séve. Pour opérer alors une diversion il ne faut pas se contenter de saigner l’arbre à la tige seulement, mais aux grosses racines. On découvre celles qui sont le plus près de la superficie de la terre & avec la pointe de la serpette, on ouvre leur peau de deux ou trois pouces de long, & on l’enveloppe ensuite avec l’onguent de Saint-Fiacre.

Rien de plus, efficace que cette saignée pour détourner la gomme. Elle est encore d’un grand secours pour empêcher que les arbres ne se jettent trop en gourmands, en produisant un écoulement de la sève qui se porteroit vers le haut. De plus, la plaie de cette saignée l’attire à elle pour sa guérison, & forme une obstruction dans le canal de la séve, dont elle modère l’impétuosité.

La saignée se fait ordinairement entre l’espace vide d’un œil à l’autre de chaque branche, toujours en ligne droite & non transversalement. L’opération deviendroit alors différente ; son effet seroit d’interrompre le cours de la fève dans une partie de l’arbre, ce que j’appelle scarification dont je parlerai dans la suite, au lieu que mon but, en employant la saignée, est d’attirer la séve & non de l’arrêter.

On reconnoît l’utilité de la saignée dans les pêchers de cinq à six ans, ou plus vieux, qui poussent plus d’un côté que d’un autre ; pour empêcher la partie forte d’emporter la foible, on saigne celle-ci & on donne l’essor à l’autre. 1°. Afin d’attirer la séve du côté où se fait la saignée. 2°. Afin qu’en y arrivant elle trouve des canaux assez amples pour la contenir, Il est démontré que dès qu’une plaie est ouverte sur un arbre, la séve s’y porte de même que le sang, à une ouverture pratiquée dans la peau humaine, il ne l’est pas moins que lorsqu’il y a une incision dans la peau de l’arbre, il se fait, ainsi que dans notre chair, un gonflement dans les parties séparées, de manière que les deux lèvres de la plaie se retirant, opèrent entr’elles un espace vide, & qu’enfin la nature venant au secours de la partie affligée, les esprits se portent de ce côté-là avec abondance.

Si au contraire je saignois le côté vigoureux, loin de remédier au mal, je ne ferois que l’augmenter en dilatant des vaisseaux qui ne le sont déjà que trop. Cependant je taille fort long le côté vigoureux, je lui laisse quantité de branches & j’alonge les gourmands pour amuser la séve. L’arbre est ainsi subjugué à force de fournir à tout le bois épargné, tant à la taillé qu’à l’ébourgeonnement : quand il est devenu plus modéré, je change de conduite à son égard, & je le ménage davantage.

Une gelée aura brûlé nombre de branches, ou un vice intérieur les aura fait périr ; je mets la saignée en usage du côté dégarni, & j’emploie même le cautère en cas de besoin. Elle n’est pas non plus à négliger dans certaines maladies du pêcher telles que la cloque. (Voyez ce mot) Il peut arriver que l’enduit appliqué à la saignée venant à tomber, la gomme s’y mette ; on la nettoye alors & on l’essuie avant que de l’enduire, & la gomme ne peut jamais fluer.

La saignée des racines est la même que celle des branches pour la grandeur de l’incision & l’ouverture de la peau, elle a lieu sur les plus grosses & sur les plus voisines de la superficie de la terre.

Les circonstances où il faut l’employer, sont 1°. pour arrêter la production ou les progrès des gourmands. 2.° Pour opérer la distribution proportionnelle des branches dans les arbres extrêmement fougueux. 3°. Contre la gomme qui flue sur certains arbres vigoureux, parce qu’elle est trop abondante. 4°. Pour faire fructifier les arbres & pour empêcher les fruits de tomber.

3°. Le cautère à la tige, aux branches & aux racines. Le cautère des arbres est la saignée & l’incision différemment modifiées.

Lorsqu’au printemps jusqu’au commencement de juin, on fait une incision de deux à trois pouces & en droite ligne à l’écorce d’une branche vive, ou d’une tige qu’on veut garnir d’un côté, ou enfin aux racines ; peu importe dans quel endroit elle se fasse, pourvu qu’on en détourne les rayons du soleil. Cette incision se fait avec la pointe de la serpette ou du greffoir, ou avec un couteau bien aiguisé, de même que si on vouloit greffer à œil dormant. On a ensuite un petit coin de bois, de la longueur de l’ouverture, bien affilé & assez coupant pour entrer jusqu’au fond de l’incision & sans que le tranchant puisse rester dans la plaie. On l’enfonce un peu à force, en frappant légèrement dessus avec le manche de la serpette pour le faire tenir plus ferme. Il faut l’y laisser deux ou trois jours afin de donner le tems à la séve d’arriver à cet endroit, on visite ensuite la plaie & on ôte le coin. L’écorce paroît alors retirée un peu des deux côtés, & flétrie.

Il arrive à cette partie de l’arbre incisée, la même chose qu’à la chair humaine. Si la plaie a flué, elle aura transpiré au dehors & dans les côtés de sas lèvres : aux arbres de fruits à pépins elle aura suinté ; dans l’un & dans l’autre cas, on nettoye la plaie avec une spatule de bois amincie, on l’essuye avec un linge & on remet le coin. Ce pansement, qui se fait tous les trois jours, cave toujours un peu la plaie, l’excorie de nouveau, ouvre les passages de la séve qui ne manqueroient pas de se fermer. Le cautère se fait aux branches & à la tige, afin d’attirer la séve dans les endroits où elle n’iroit pas suivant son cours ordinaire ; aux racines, pour servir d’égoût aux humeurs de l’arbre, purger la masse de la séve & la renouveler : cet écoulement dure quinze jours ou trois semaines tout au plus. Lorsque l’on voit que l’écoulement n’est plus si abondant, on retire le coin tout-à-fait. Ensuite, quand la plaie a été bien nettoyée & bien essuyée, on la remplit d’onguent de Saint-Fiacre, qu’on recouvre d’un petit emplâtre enveloppé d’un linge. Trois mois sont plus que suffisans pour que la plaie soit entièrement fermée, La plaie, quoique bouchée, détermine en cet endroit une tumeur & un gonflement, au moyen desquels est entretenue vers cette partie une nouvelle effusion de séve qui ne pouvant plus s’extravaser, fait ce que les médecins appellent éruption à travers la peau.

Des branches percent de toutes parts de la peau d’un arbre ainsi cautérisé ; il éprouve le même sort que celui qui a été ravalé ou recépé. Le cautère sert encore à purifier la séve, à augmenter son action, à faciliter sa circulation en l’arrêtant un peu ; il renouvelle l’arbre dont il rend la peau lisse & unie ; ses bourgeons sont plus nourris, ils croisent plus promptement & font briller une éclatante verdure. Par son moyen on a du fruit en abondance pendant plusieurs années.

Le cautère s’applique sur les racines de la même manière que sur les branches ; & l’opération se fait en mars ou en avril. L’écoulement doit durer au moins quinze jours, & quand la séve n’est plus épaisse, on ferme la plaie de la même manière qu’aux branches. Ces cautères aux racines sont très-utiles pour remettre un pêcher cloqué.

4°. De la scarification. Scarifier un arbre, c’est lui ouvrir là peau en divers endroits par des incisions, afin d’attirer la séve par ces différentes plaies, & de l’empêcher de s’emporter en pure perte partout où elle est lancée trop impétueusement. La scarification est merveilleuse pour arrêter le flux désordonné de la séve, dans les arbres de pur ornement qui s’emportent, soit d’un côté, soit du haut, sur une seule branche. À l’égard des arbres à fruit à pépin, elle est d’une grande ressource pour les faire fructifier ; mais quant à ceux à noyau, il faut beaucoup de prudence pour la mettre en usage. Je l’ai souvent employée sur des gourmands d’abricotiers & de pruniers, & elle a parfaitement réussi. Il est vrai que tous les jours j’essuyois la gomme sans lui donner le temps de s’épaissir.

Le but de cette opération est de rendre féconds des arbres qui ne rapportent point, tels que des poiriers & des pruniers sur franc, dont toute la pousse est en bois ; de faire nouer les fleurs de ceux qui tous les ans fleurissent sons se nouer ; de mettre à fruit les boutons de quantité, d’arbres, qui s’allongent & ne s’ouvrent ni ne fleurissent ; de dompter en un mot le trop grand épanchement de la séve.

On la fait avec la serpette dans la peau de l’arbre jusqu’au bois, un peu transversalement du bas en haut, de la longueur de deux à trois pouces, & à la distance de cinq à six, toujours à l’opposite d’une incision à l’autre. Le temps le plus propre pour les arbres à fruits à pépin, est la chute des feuilles jusqu’au printemps, avant que la séve soit tout-à-fait en mouvement. Quant à ceux à noyaux, le printemps est la seule saison convenable : on observera d’essuyer la gomme qui ne manquera pas de fluer. L’onguent de Saint-Fiacre, bouchant ces plaies, empêchera les insectes d’y chercher une retraite.

5°. Les cataplasmes. Trois sortes de topiques sont connus des jardiniers. Les topiques simples & les naturels, tels que les terres grasses détrempées & usitées pour les greffes en fente, auxquelles on joint de la mousse ou du foin, & les diverses cires ; ensuite les topiques onctueux & graisseux : enfin, les topiques composés où il entre quantité d’ingrédiens. Ceux de la troisième & de la seconde classe, sont absolument à rejeter, ainsi que les terres grasses simples ; il faut avoir recours à l’onguent de Saint-Fiacre, (voyez ce mot) ou à de bonne terre détrempée dans de l’eau de fumier, ou au limon des mares, des égoûts.

Mes essences, mes élixirs, mes fomentations, mes lessives, sont les eaux de fumier, tirées des basses cours ; ou les eaux simples dans lesquelles je fais tremper du crottin d’animaux, qu’on remue plusieurs fois pendant quinze jours.

6°, Enfin les éclisses, les bandages, & les ligatures sont employés pour les arbres dans les cas de dislocation des branches, fractures & autres dérangemens forcés. Personne n’ignore comment on peut & comment on doit faire un pareil pansement.


Section II.

Inventions particulières pour modérer la séve, former les arbres, & leur faire rapporter du fruit.

Voici plusieurs moyens très-utiles qui conduisent à cette fin.

1°. La courbure des branches. Je voulois (c’est M. Schabol qui parle) conserver vers la mi-juillet un gourmand pour en faire l’année suivante la base d’un des côtés d’un arbre, je m’avisai de le courber & de le coucher presque le long de la muraille, qu’il surpassoit de beaucoup. Pour lui faire place, je dépalissai entièrement la branche sur laquelle il avoit poussé, & que je me proposois de supprimer à la taille suivante, afin de la remettre sur ce gourmand ; je vis les yeux à bois de ce dernier, se convertir en boutons à fruit dans tous les bourgeons de la branche mère ; ainsi forcée & en moins de trois semaines, le changement se fit. Au gourmand courbé & surbaissé, il se forma autant de lambourdes qu’il y avoit d’yeux dans le bas, & ces lambourdes taillées l’année suivante, donnèrent beaucoup de fruits ; c’est de là que m’est venue l’idée de la courbure des branches. Ce n’est autre chose que l’action de courber à propos & forcément une ou plusieurs branches, à dessein d’arrêter la séve pour la faire refluer dans d’autres. Un pêcher, par exemple, ne pousse que d’un côté, il s’emporte du haut ; le reste laisse voir la muraille toute dégarnie ; je courbe alors les rameaux trop vigoureux, & je laisse les autres s’étendre en liberté ; bientôt le fort est subjugué & le foible ne tarde point à l’égaler. Toutes sortes d’arbres & de branches qui ont de la séve, sont susceptibles de la courbure. Les saisons du printemps & de l’été, sont les plus propres à cette opération, qui a lieu principalement à l’égard des branches-mères & des gourmands.

Cette méthode de courber ainsi les branches, est utile 1°. quand après avoir taillé long plusieurs gourmands des années précédentes, ils continuent de prendre toute la séve ; 2°. à l’égard des pêchers plantés trop près les uns des autres : je force alors les bourgeons en contre-bas à commencer depuis la première branche, & toujours en remontant ; 3°. pour les arbres qui ont atteint le haut du mur & s’emportent au-dessus du chaperon : bien loin de couper leurs branches par les bouts, je les courbe toutes & je les arrange près l’une de l’autre sous le larmier, en forme de cordon ; & vers la fin d’août, si leur confusion est trop grande, je les arrête par les extrémités sans aucun risque. Ces arbres pousseront par la suite plus modérément & n’auront point été épuisés.

2.° Navrer les branches. En terme de jardinier, de vigneron, de treillageurs, &c. c’est donner un coup de serpe à un bois qui n’est point droit, & y faire une entaille en biais pour peser dessus, afin que sa partie la plus longue monte sur la plus petite. C’est d’après cette opération que j’ai essayé de dompter des arbres trop vigoureux en leur faisant, de propos délibéré, plusieurs entailles semblables. J’avertis d’abord, qu’utiles aux arbres à pépins, elles ont rarement lieu pour les arbres gommeux. Cependant, en observant d’essuyer tous les jours la gomme à mesure qu’elle flue, on peut les employer pour le pêcher. Je veux affamer une grosse branche qui prend trop de {nourriture, je lui donne avec une serpe bien tranchante, un coup à cinq ou six pouces au-dessus de l’endroit de sa naissance, & je lui fais une entaille à mi-bois en-dessous ou sous le côté en biaisant. J’y applique ensuite l’onguent de Saint-Fiacre ; cette opération tient un peu de la scarification, mais les suites en sont toutes différentes. Le printemps est l’unique saison où il soit permis d’y recourir, afin que la séve soit retardée dans son cours. On peut faire plusieurs de ces entailles aux branches qui ne poussent que du bois, ainsi qu’à celles qui s’emportent trop. Ce sont des moyens violens qui ne doivent être employés qu’aux dernières extrémités.

3°. Éclater. Dans le printemps, lorsqu’une branche gourmande prend toute la nourriture, on l’éclate pour les mêmes raisons, à l’endroit fourchu d’où elle part ; on y met ensuite de l’onguent de Saint-Fiacre & des éclisses. Jusqu’à ce que la suture soit faite, la maîtresse branche & les deux que l’on a éclatées, se modèrent ; la réunion s’en fait avant l’année suivante.

4°. Tordre les arbres est une autre façon d’éclater, qui contribue beaucoup à leur fécondité. Ce moyen m’a tellement réussi, que j’ai été forcé de le discontinuer ; les arbres ne poussoient presque plus de bois & ne donnoient que des brindilles & des lambourdes. La façon de tordre est simple, & elle a lieu depuis mai jusqu’en septembre. Vous prenez une branche jeune, ou un bourgeon formé, & le serrant bien fort, vous tournez d’une main en dedans & de l’autre en dehors, comme pour défiler un cordage, jusqu’à ce que vous entendiez un craquement. Vous êtes sûr que la branche torse ne prendra de nourriture que pour sa subsistance, & qu’elle ne mourra point ; mais l’année suivante, si l’arbre est de fruit à noyau, cette branche donnera abondamment ; & s’il est à pépin, elle produira beaucoup dé boutons à fruits.

5°. Casser les branches à la taille & les bourgeons lors de la pousse. Cette opération n’a qu’un rapport éloigné avec celle que la Quintinye a qualifiée de pincement, & qu’il prescrit à l’égard des bourgeons qu’il pinçoit à cinq, six ou sept yeux en juin & juillet ; au lieu que je les casse près des sous-yeux, & que j’étends cette opération jusqu’aux branches. Je préviens d’abord que le cassement ne convient qu’aux arbres de fruit à pépin & point du tout à ceux à noyaux, si ce n’est à l’égard des gourmands surnuméraires dont on veut faire des branches fructueuses, & que l’on casse à moitié dès les premiers jours de juillet.

Deux fortes branches se présentent lors de la taille, envers lesquelles le cassement a lieu : les branches naturelles, produites par les yeux de l’année précédente, & celles des faux-bois. Nos jardiniers ravalent tous les ans sur la plus basse des branches qui ont poussé des yeux laissés à la taille précédente, en sorte que s’ils ont taillé, par supposition, à cinq yeux, chaque branche qui en aura pousse autant, ils jettent à bas les quatre premières pour tailler la plus basse à cinq yeux. Les années suivantes, pareille pousse, pareil ravalement ; de sorte que la pousse des quatre branches supérieures est toujours inutile pour l’arbre qui profite peu & ne rapporte continuellement que des feuilles.

Le cassement, au contraire, en procurant aux arbres, soit en buisson, soit en éventail, une étendue immense, est la source d’une grande abondance de fruits. Les jardiniers ne l’employent que pour les lambourdes, & moi je les prescris pour toutes sortes de branches. Lors de la taille, je coupe près de l’écorce deux des cinq branches qui ont poussé précédemment, & j’en laisse trois ; une entre les deux supprimées, une autre dans le bas, & celle qui est placée tout au bout, que je taille à un pied, & même à dix-huit pouces si elle est très-vigoureuse. Je casse, en appuyant sur ma serpette, les deux branches que j’ai laissées, & je les fais éclater à l’endroit des sous-yeux à un quart de pouce de leur empâtement. Quant aux arbres en espalier, je coupe aussi les branches de devant & de derrière, si on ne les a point ébourgeonnées, & je taille en forme de crochet deux de ces branches, en en supprimant une entre deux & j’alonge celle d’en haut à deux, & à trois pieds, proportionnellement à la vigueur de l’arbre.

On me demandera pourquoi je casse au lieu de couper ; c’est que si je coupe, la plaie se recouvrira, & aux yeux qui sont au-dessous il repoussera de nouveaux bourgeons qui communément deviennent branches à bois. En cassant, au contraire, je fais une plaie inégale & pleine d’esquilles : alors le recouvrement ne pouvant se faire que difficilement ou même point du tout, la séve reste dans la branche, & s’y perfectionne. C’est la longueur de son séjour qui forme le fruit, & non pas son passage rapide à travers les fibres longitudinales des branches.

Le cassement se pratique pareillement sur les arbres en espalier. Ces branches-crochets sur lesquelles je taille, produisent des branches ; ne pouvant les placer toutes, & étant fort éloignées de l’abatis, je prends le parti de casser. Cette opération se fait en deux saisons, vers la mi-juin & jusques à la mi-juillet pour les bourgeons qui ont poussé de l’année ; & lors de la taille de l’hiver, tant pour les branches à bois que pour celles de faux-bois. Par son moyen, les arbres sur franc qui dans les mains des jardiniers ne peuvent porter du fruit, quoiqu’ils les tourmentent toujours à leur détriment, deviennent souvent d’une année à l’autre les plus féconds de tout le jardin. Il faut cependant en user avec sobriété.

Un jardinier indiscret, qui s’aviseroit chaque année de casser toutes les branches secondaires de ses arbres & celles de faux-bois, les mettroit tellement à fruit, qu’elles ne pousseroient que des brindilles & point de branches à bois. Ces arbres cesseroient de plus de grossir & de s’alonger, & donneroient une telle quantité de fruits, qu’enfin ils périroient épuisés.

Quant au nombre des branches naturelles, des faux-bois, & des bourgeons qu’il faut casser, il n’y a d’autre règle à suivre que la force des arbres & la quantité de leurs pousses. J’estime qu’on peut casser le quart des branches sur les arbres les plus vigoureux. S’ils se portent à fruit d’eux-mêmes, ou si l’on a alongé & laissé des branches-crochets, le cassement ne doit point avoir lieu. S’ils sont foibles & s’ils n’ont que des pousses médiocres, il faut bien se garder de le mettre en usage à leur égard.

6°. Déplanter pour replanter en la même place. Ce moyen que j’ai employé rarement, m’a toujours réussi. J’avois été obligé de déplacer quelques arbres de mon jardin, & je m’aperçus qu’ils me donnoient beaucoup plus de fruit qu’auparavant. Je pris de là occasion de lever plusieurs arbres infertiles, & de les replanter au même endroit. L’événement répondit à mon attente, & ils n’ont cessé depuis de me donner des fruits abondamment.

Je ne propose au reste ce moyen que comme un exemple, sans absolument le conseiller, quoiqu’il n’y ait aucun risque à courir en prenant les mêmes précautions que moi. Je l’ai essayé plusieurs fois sur le pêcher, qui ne s’accommode nullement du traitement des autres arbres ; aussi, n’a-t-il réussi que sur des sujets de trois ou quatre ans.

Ne tailler que pendant la sève. Quelques arbres rebelles & fougueux ne se mettent point à fruit : on peut essayer d’abord de les débarrasser seulement des bois confus, & d’attendre, vers la mi-avril quand la séve aura été absorbée dans les nouvelles pousses, à les ravaler sur quelques-unes des inférieures. Cette pratique, que j’ai vu réussir, est fondée dans la nature, en ce que la séve est retardée par l’épanchement qui s’en fait à tant de branches & de boutons auxquels elle a été distribuée, & que les plaies des coupes occasionnent une grande extravasions de séve que l’on peut voir sortir entre l’écorce & le bois.

Les remèdes que l’on vient d’indiquer, s’appliqueront avec succès à certains pruniers qui ne poussent que des gourmands, sans brindilles ni menus bois, & à quantité de pêchers qui n’ayant que des gourmands ou des branches chiffonnes, sont plusieurs années sans rapporter. À ceux-ci, je ne laisse ni brindilles ni lambourdes qui ne soient taillées à un seul œil, & je supprime les trois quarts de ces branches folles qui pullulent de toutes parts. Quantité de poiriers & de pommiers sur franc, poussent des forêts de bourgeons & ne se mettent à fruit que fort tard. Des poiriers boutonnent tous les ans & sans rien donner ; leurs boutons, au lieu de se former & de fleurir, s’allongent sans jamais grossir & avortent enfin.


CHAPITRE VIII.

Des opérations nécessaires après la taille.

1°. Des labours. Après que la taille générale est finie, on donne un fort labour au pied de tous les arbres ; si on a fumé, on enterre l’engrais. La bêche (voyez ce mot) ne doit pas être employée à ce travail, quoiqu’aucun instrument ne remue & ne retourne mieux la terre ; mais il est dangereux de s’en servir trop près de l’arbre, dans la crainte de couper ses racines. Alors le trident est à préférer. (Voyez figure 6 de la Planche V du tome second) Si le climat est habituellement pluvieux, la terre formera un talus dont la partie élevée sera contre le mur, sans toutefois couvrir la greffe. Si au contraire le climat est sec, la terre sera plus abaissée contre le mur que sur le devant, afin, dans ces deux cas, ou d’éloigner, ou de rapprocher du pied de l’arbre, les eaux pluviales.

Plusieurs auteurs pensent, au contraire, qu’on ne doit travailler les plates bandes des arbres qu’afin de détruire les mauvaises herbes ; qu’il est avantageux, pour les pêchers sur-tout, qu’une couche de sable recouvre toute la plate bande jusqu’au pied du mur. C’est sans doute pour empêcher l’évaporation des principes contenus dans la terre. En effet, jamais les arbres ne prospèrent mieux que dans une cour pavée. Actuellement la question est de savoir si la vigueur de leur végétation tient au pavé ou plutôt à l’air ambiant qui, dans cette cour, est chargé de toutes les émanations des corps qui y pourrissent & de la transpiration des hommes. (Cons. l’expérience citée au mot Amendement, Tom. I, pag. 481) Les partisans du simple ratissage objecteront qu’en suivant cette méthode, ils ont eu de superbes pêchers ; mais il falloit, avant de conclure, juger par comparaison, & prouver que plusieurs arbres (toutes circonstances égales) qui n’avoient pas été travaillés au pied, avoient mieux réussi que les voisins qui l’avoient été. Je ne concevrai jamais cette assertion. J’admets que le labour permet la sortie de l’air fixe de la terre, (consultez ce mot) & que cet air entraîne quelques-uns de ses autres principes quoiqu’ils ne soient pas volatils, l’eau exceptée ; mais cet air & ces principes ne sont pas perdus, puisqu’ils sont absorbés par les feuilles. (Consultez ce mot, & vous jugerez de leur travail & de leurs fonctions) Si on cite l’exemple de la neige, qui retient & se combine avec cet air fixe, &c. il est facile de voir qu’elle le rend à la terre, lorsqu’elle cesse d’être neige. (Consultez le mot Amendement) Ainsi il n’y a aucune comparaison à faire d’un arbre planté dans une cour pavée avec celui planté en espalier dans un jardin. Travaillez donc aux pieds tous vos arbres, c’est le plus sur, & travaillez-les souvent dans les pays où les pluies sont fréquentes. Dans les provinces du midi, au contraire, où elles sont excessivement rares, après avoir travaillé la terre, couvrez la plate bande avec de la paille, sur-tout s’il survient, par hasard, une pluie salutaire : ce lit de paille conservera l’humidité. Si on est dans le cas d’arroser par irrigation, (consultez ce mot) la précaution devient moins utile ; mais le lendemain de l’irrigation, il faut travailler la terre de nouveau, la recouvrir avec de la terre sèche, afin de s’opposer, si la terre est forte, aux gerçures & aux crevasses sans nombre qui ne tarderoient pas à s’y former & qui donneroient lieu à l’évaporation de l’humidité.

2°. De l’ébourgeonnement & du palissage. Il est inutile de revenir sur ces articles. (Consultez ces deux mots)

3°. De la suppression des fruits. Après le palissage on supprime les fruits en nombre proportionné à la vigueur de l’arbre, & sur-tout ceux qui sont venus par paquets ; enfin on observe qu’ils soient distribués également sur toute l’étendue de l’arbre, soit pour augmenter la beauté du coup-d’œil, soit pour maintenir l’équilibre de la séve dans toutes les parties de l’arbre. La multiplicité des fruits nuit à leur grosseur, & épuise la mère qui les nourrit. Cependant il seroit absurde, pour avoir quelques pêches plus belles, d’en supprimer un trop grand nombre.

4o. Découvrir les fruits. Tant qu’ils sont trop nouveaux, les feuilles les garantissent des fâcheuses impressions de l’atmosphère & de la trop grande activité du soleil ; les feuilles les couvent, pour ainsi dire ; mais le moment est venu où ils doivent prendre une forte croissance & acquérir les belles couleurs dont la lumière seule du soleil est capable de les embellir ; la peau qui les couvre, trop tendre & trop délicate, ne passeroit pas impunément de l’ombre au grand éclats la chaleur & la lumière la racorniroient : c’est donc peu à peu que les feuilles doivent être enlevées, & leur soustraction commencera quelques jours avant que le fruit se dispose à changer de couleur : cependant les pêches tardives exigent d’être effeuillées de meilleure heure, sur-tout dans les pays trop tempérés ou froids, lorsque l’on craint qu’elles mûrissent trop tard ou point du tout.

On n’a sans doute pas oublié que chaque feuille est garnie à sa base d’un bouton, qu’elle l’enveloppe presqu’en entier dans sa naissance, & qu’elle le nourrit jusqu’au moment où il n’aura plus besoin de son secours. Or, si on supprime la feuille entière, on donne la mort au bouton, l’on détruit, dans un seul instant, l’opération de la nature, & l’on se prive de la douce espérance de voir le bourgeon nouveau ou le fruit que devoit donner cet œil. Le jardinier intelligent se contente de couper la feuille par le milieu de sa longueur ou de sa largeur, soit avec la serpette, soit avec des ciseaux. Il reste à cette feuille assez de ressources pour la nourriture du bouton.

Si l’on veut faire une expérience amusante, on n’a qu’à découper sur du papier mince la figure que l’on désire, & qui en forme le vide ou le plein, on applique & on enveloppe le fruit avec ce papier découpé ; alors la partie qui correspond au vide, se colore très bien, & l’autre se conserve uniforme. On n’attend pas la complette maturité du fruit pour enlever le papier, parce que la partie du fruit non colorée resteroit trop blafarde. Quelques feuilles de persil, collées avec de la gomme arabique, produiroient le même effet, & si l’on ne découvroit pas la supercherie, la chose paroîtroit singulière. Tout ceci n’est qu’une affare de pure curiosité, & rien de plus.

Si en effeuillant, on découvre quelques fruits superbes, pour la grosseur & la beauté de leur forme, & si l’on craint que leur pesanteur, que des coups de vent où quelques accidens ne les fassent tomber, on peut les soutenir avec une lisière, mais il ne faut point leur faire perdre leur direction, ni les serrer, ni les comprimer, &c.


CHAPITRE IX.

Des maladies du pécher.


Elles se réduisent à la cloque des feuilles, à la gomme, à la brûlure à la jaunisse & à la lèpre ou meunier, ou blanc. Afin d’éviter les répétitions, consultez les mots Blanc, Cloque, Gomme & Jaunisse. M. de Meuve, seigneur de Chamboix en Normandie, m’a communiqué la note suivante.

J’ai essayé de guérir les pêchers de la maladie de la punaise & du noir, qui en est une suite. Je trouvai violent le conseil donné par M. l’abbé Roger, de les arracher, parce que c’est une maladie épidémique qui se communique à tout un espalier. J’essayai donc si je ne trouverois pas quel qu’enduit qui pût détruire cet insecte malfaisant. J’en lavai un avec de l’eau de savon, un second avec une décoction de cire, un troisième avec du vinaigre, un quatrième avec de l’huile de rabette que je crois être de l’huile de navette appelée ainsi en Normandie ; j’en enduisis un cinquième de bouse de vache. De ces cinq essais le vinaigre & l’huile ont réussi le mieux ; mais dans le courant de l’été, les punaises se remirent sur celui qui avoit été lavé avec du vinaigre. Je ne parle point des autres moyens qui ne produisirent aucun effet sensible : il reste à parler de l’arbre qui fut enduit d’huile ; il n’y a plus reparu de punaises ; &, contre toute mon espérance, cet arbre que je croyois devoir périr par l’effet de l’huile qui a dû en boucher les pores & empêcher la transpiration qui se fait par les petits canaux, suivant le système de quelques naturalistes ; cet arbre, dis-je, enduit d’huile, a été depuis très-frais pendant tout l’été de 1778, & l’est encore cette année-ci. Voyant que ce moyen m’avoit bien réussi, après avoir fait tailler mes pêchers, j’en ai enduit d’huile dans le mois de décembre 1778, environ une douzaine, qui étoient très maltraités par les punaises. Ces insectes n’ont pas reparu, mais il est arrivé à ces arbres ce qui n’étoit point arrivé au pêcher que j’avois enduit en 1777, ils ont perdu beaucoup de branches pendant l’été suivant ; mais elles ont été remplacées par le nouveau bois qui a repoussé en abondance. En supposant que la perte de ces branches soit due à l’huile, ce moyen est toujours plus avantageux que d’arracher les pêchers.


CHAPITRE X.

Des propriétés du pêcher.


La saveur de la pêche est acidule, vineuse, sucrée & agréable ; ce fruit nourrit peu. Plusieurs personnes se plaignent de coliques, & sont tourmentées par les vents après en avoir mangé. Ces effets tiennent beaucoup à la disposition de l’estomac dans lequel il se fait un trop prompt dégagement de l’air contenu dans le fruit : on croit y remédier en saupoudrant la pêche avec du sucre rapé. Cette ressource satisfait plus le goût qu’elle ne prévient le mal. Il vaut mieux cueillir un ou deux jours d’avance la pêche, la conserver dans la fruiterie, & la servir ensuite : pendant ce laps de temps, elle laisse échapper une grande quantité d’air, & elle ne cause plus de vents. On peut les manger simplement cuites à l’eau ou en compote.

Les fleurs sont peu odorantes, & leur saveur légèrement amère, ainsi que celle des feuilles qui sont inodores. L’amande a une saveur plus ou moins amère suivant les espèces de pêches.

Les feuilles sont regardées comme antiseptiques, fébrifuges & purgatives ; les fleurs sont purgatives & vermifuges lorsqu’elles sont récentes ; le sirop fait avec les fleurs est purgatif comme elles. L’huile extraite des amandes ne diffère pas de l’huile d’olive.


  1. Je donnerai beaucoup d’étendue à la conduite de cet arbre, parce que tous les renvois nécessaires à la taille des espaliers, se trouveront réunis dans cet article, & qu’il s’appliquent presque a tous les arbres fruitiers, disposés de la même manière.
  2. Note de l’Éditeur. Il faut observer que M. Duhamel écrit dans le climat de Paris. Cette note a lieu pour tout ce qui suit.
  3. On trouve cette pêche agréable parce qu’elle est précoce. Si elle mûrissoit dans la saison des bonnes pêches, on n’en feroit aucun cas.
  4. M. Merlet est Auteur d’un ouvrage intitulé ; L’Abrégé des bons fruits, vol. petit In-12, Paris, Saugrain, 1740.
  5. M. l’abbé Nolin, dans l’ouvrage intitulé : Nouveau Laquintynie, regarde cette pêche comme une variété de la petite mignonne.
  6. Ces observations sont nécessaires pour le climat de Paris, inutiles dans les provinces du midi. On lit dans le Journal de France un fait bien singulier.

    « M. Boudrot, ancien chirurgien des armées, domicilié à Ray-sur-Saône, en Franche-Comté, possède un brugnonier. Cet arbre est venu de noyau, & n’a point été greffé ; circonstance que je vous prie de remarquer. Il étoit placé dans le jardin où il produisoit le genre de fruit que naturellement on devoit en attendre. Des circonstances ont obligé de le transplanter au milieu d’une vigne. Là, il a donné encore pendant deux ans de simples brugnons ; cette année-ci, il s’est trouvé chargé tout à la fois de brugnons bien formés, de pêches bien caractérisées, & de fruits métis qui tenoient par moitié de la pêche & du brugnon. Cette altération s’étendoit jusqu’au noyau qui, d’un côté, ressembloit à celui du brugnon, & de l’autre à celui de la pêche, & souvent la même branche ou brandille offroit des fruits de ces trois espèces. La bizarrerie dans le métis étoit également sensible à l’œil & au goût.

    » Je n’ai pas été témoin du fait ; mais je ne saurois en douter ; il m’a été certifié par le propriétaire dont la véracité égale les talent ; il m’a été confirmé par plusieurs personnes respectables de Ray même, »

  7. M. de la Bretonnerie, dans son ouvrage intitulé : École du Jardin fruitier, dit : « La bourdine, (voyez n°. 16) ou la royale, c’est la même quoiqu’en disent les pépiniéristes & tous les catalogues. Cette pêche n’étoit pas connue quand le nommé Bourdin, habitant de Montreuil, la présenta à Louis XIV. Transporté dans ses jardin, ce prince en fit tant de cas, qu’on la nomma la royale. Ce fait, que je tiens de bonne part, a été apparemment ignoré de ceux qui en font deux espèces. La Bourdine est grosse, ronde, d’un beau rouge ; son eau est vineuse ; c’est une excellente pêche de la mi-septembre, qui charge beaucoup, même en plein vent, sur-tout quand elle est abritée par quelques bâtimens ; l’arbre fleurit à petite fleurs ; c’est la meilleure des pêches tardives ; elle passe pour venir de son noyau en plein-vent. » On peut comparer les deux descriptions ainsi que celle de la royale. Cette différence d’opinions prouve combien il est difficile, même aux maîtres de l’art, d’assigner des caractères constans & distinctifs dans les espèces jardinières qui son encore des variétés secondaires.
  8. J’ignore de quel naturaliste M. de la Ville-Hervé veut parler ; mais je suis entièrement du sentiment de ce dernier. Dans une olivette labourée par la simple araire, décrite par Virgile, (consultez le mot Charrue) les racines des arbres, & même grosses comme le bras, s’étoient emparées de la superficie du sol, & par conséquent les récoltes en grains étoient au-dessous du médiocre. J’y fis passer la grosse charrue à roues, attelée de trois paires de bœufs, qui enleva une quantité très-considérable de ces racines. Les oliviers souffrirent pendant deux ans de cette soustraction ; mais à la troisième ils reprirent une vigueur toute nouvelle, & la récolte en grain fut très-belle. Si l’on veut appliquer cet exemple à toute espèce d’arbres fruitiers que l’on plante, on doit observer que l’olivier avoit, outre ces racines superficielles, un grand nombre d’autres racines pivotantes, & malgré cela l’arbre a souffert ; que sera-ce donc pour un jeune arbre qui a besoin de reprendre, de végéter, &c. ? cet exemple preuve encore qu’on ne coupe & qu’on ne retranche jamais impunément des racines.