Utilisateur:Gagea/OCRs/Reconnaissance région andine 1897

MUSÉE DE LA PLATA


RECONNAISSANCE DE LA RÉGION ANDINE

DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE
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I


NOTES PRÉLIMINAIRES

SUR UNE EXCURSION AUX TERRITOIRES

DU

NEUQUEN, RIO NEGRO, CHUBUT

ET

SANTA CRUZ

EFFECTUÉE PAR LES SECTIONS TOPOGRAPHIQUE ET GÉOLOGIQUE, SOUS LA DIRECTION

DE

FRANCISCO P. MORENO

DIRECTEUR DU MUSÉE


____

AVEC UNE CARTE ET 42 PLANCHES
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LA PLATA

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ATELIERS DE PUBLICATIONS DU MUSÉE
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1898

NOTES PRÉLIMINAIRES
SUR UNE EXCURSION AUX TERRITOIRES
DU
NEUQUEN, RIO NEGRO, CHUBUT
ET
SANTA CRUZ
MUSÉE DE LA PLATA

RECONNAISSANCE DE LA RÉGION ANDINE
DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE

I
NOTES PRÉLIMINAIRES
SUR UNE EXCURSION AUX TERRITOIRES
DU
NEUQUEN, RIO NEGRO, CHUBUT
ET
SANTA CRUZ
EFFECTUÉE PAR LES SECTIONS TOPOGRAPHIQUE ET GÉOLOGIQUE, SOUS LA DIRECTION
DE
FRANCISCO P. MORENO
DIRECTEUR DU MUSÉE



AVEC UNE CARTE ET 42 PLANCHES


LA PLATA

ATELIERS DE PUBLICATIONS DU MUSÉE

1897

INTRODUCTION



Chargé par le gouvernement de ma patrie de diriger la Commission technique de délimitation avec la République du Chili, afin de mettre à exécution les dispositions du Traité signé en 1881 entre les deux nations, j’ai dû suspendre pour le moment les investigations que je ne cesse de faire comme particulier, et comme Directeur du Musée de La Plata, depuis environ vingt années dans la Cordillère des Andes, dans ses régions voisines et dans les terres de Patagonie presque inconnues jusqu’à présent. Mes nouvelles fonctions me permettront sans doute d’augmenter ces recherches, en me fournissant des moyens qui n’étaient pas à ma portée, et de les compléter sur des points que je n’ai pu connaître auparavant, pour présenter un tableau général et fidèle du territoire argentin dans les zones indiquées. Mais, jusqu’à ce que vienne le moment de coordonner un matériel aussi varié que celui qui est réuni, je juge convenable, avant de me consacrer aux travaux d’expertise, de faire connaître, ne fut-ce que d’une manière succinte, une partie au moins des travaux déjà réalisés par moi ou par l’excellent personnel qui m’a accompagné dans les reconnaissances faites sur le terrain pendant tant d’années. Le progrès du pays, tous les jours plus grand, réclame ces publications qui se rapportent à des régions à peine peuplées, peu connues, et généralement dénigrées, et qui, en étant pour la première fois exploitées par l’homme, ne le sont pas par ceux qui les feront le plus produire par l’effort du travail, au profit et à l’agrandissement de la nation.

Il est nécessaire que nous, argentins, réagissions, le plus tôt possible, contre notre abandon de l’exploitation du sol de la République et des richesses naturelles qu’il renferme. Qui pense à cet abandon en est peiné ; et si de temps en temps des initiatives isolées s’efforcent de produire une réaction bienfaisante, ces efforts ne sont pas protégés par la connaissance préalable du milieu où ils s’appliquent, et alors ou ils se brisent contre des obstacles qui les annulent, ou ils donnent des résultats, sinon contraires au but qu’on se propose, du moins insuffisants pour qu’ils produisent les bienfaits qu’on en attend. Il nous manque toujours une base sûre, c’est-à-dire, la complète connaissance de la géographie, de la géologie et de la météorologie, de la faune et de la flore, et nous qui travaillons à ce que cette connaissance s’acquière au plus tôt, et qui luttons contre l’indifférence publique, et les intérêts de quelques-uns auxquels l’ignorance du plus grand nombre procure des gains faciles, fût-ce aux dépens de la collectivité nationale, nous ne devons pas nous lasser dans cette tâche, puisque nous sommes convaincus que la République Argentine n’occupera pas le rang auquel elle a droit dans le concert de nations, tant que la richesse nationale ne sera pas fondée sur des bases plus solides que les actuelles.

Il est triste de dire la vérité sur ce qui se passe dans les régions que je décrirai à grands traits en racontant la reconnaissance que j’ai faite, cet été, accompagné des topographes et géologues du Musée de La Plata. La spéculation, surtout dans les territoires du sud, donne une valeur fictive aux terres, qui a en général pour base l’audace ou l’ignorance, mais elle ne donne pas un centime de revenu au trésor national ; et cette spéculation qui ne pourra pas exister avec l’exploitation de la terre par ceux qui la labourent, est entretenue par l’ignorance de cette région de la part de ceux qui ont le pouvoir de la mettre en valeur, et de la livrer à qui la puisse exploiter, connaissant d’avance les produits qu’elle peut donner.

L’indifférence nationale, en présence de la nécessité de connaître notre sol, pourrait expliquer plus d’un phénomène qui s’oppose à ce que nous soyons déjà la grande nation que nous devrions être, si l’on considère les très favorables conditions du milieu physique que nous avons hérité d’Espagne ; et pour les observateurs qui viennent ici ou qui étudient les conditions de notre territoire, la négligence que le gouvernement et le peuple apportent dans les investigations considérées, parmi les nations civilisées, comme de primordiale importance pour établir, sur des bases solides et inébranlables, les éléments de progrès du pays, est une cause d’étonnement constant.

Quand viennent des temps difficiles, on entend parmi nous des lamentations et des récriminations ; on lance des jugements téméraires, on tâtonne dans l’obscurité, et au lieu d’avancer d’un pas ferme, en se confiant en la décision que donne la pleine connaissance de l’origine et de la cause des difficultés qui ne sont jamais insurmontables, dans les limites du pouvoir de l’homme, nous nous contentons d’attendre commodément des jours meilleurs : espérance qui n’est que de la faiblesse et de l’apathie.

Nous oublions que si c’est une question d’honneur national que de défendre l’intégrité du sol natal, ce doit en être une aussi que de donner à ce sol toute sa valeur ; avec cela on évite le cas d’avoir à défendre son intégrité. Les États-Unis, sans armée permanente, sans flotte qui mérite ce nom en face de celles d’autres nations plus petites, sont en chemin d’être la première nation du monde par la connaissance qu’ont leurs fils du sol natal, et des ressources que leur procure le travail. C’est le secret du prodigieux développement de la nation que nous prétendons imiter. L’énergie, l’activité et la force nord-américaines ont leur origine dans la communion intime de l’homme avec la terre qui n’est pas ingrate s’il l’aime et l’arrose de sa sueur. Les États-Unis recueillirent l’héritage de l’Angleterre, et l’augmentèrent, au lieu de le gaspiller ; mais nous qui prétendons puérilement être leurs égaux dans le Sud, nous n’en pouvons pas dire autant. Nous avons été négligents, pour ne pas dire prodigues, avec notre héritage. Que de fois, nous qui nous sommes préoccupés de cet abandon aux moments où se discutaient nos frontières avec les voisins, le Paraguay, le Brésil, la Bolivie ou le Chili, avons-nous entendu des paroles comme celles-ci : « Pourquoi nous efforcer de défendre des territoires si lointains, si peu connus, si stériles (sans prendre la peine de savoir s’ils le sont en réalité), quand nous avons tant de terre encore si peu exploitée ? » Ce sont de mauvaises raisons tirées principalement de la mollesse égoïste ; elles priment le droit et la justice ; on ne s’arrête pas à examiner si c’est notre devoir ou non de défendre ces terres, parce qu’elles sont à nous, et ceux qui disent de pareilles non-sens, ne s’inquiètent pas de commettre ainsi le délit de lèse-patrie.

Il faut le répéter constamment : nous n’avons jamais prétendu, nous, les argentins, étendre les limites de la République au delà de ce que nous avions quand nous nous donnâmes le titre de nation indépendante ; au contraire, nous les avons diminuées parfois pour former d’autres nations, et dans d’autres cas, par des concessions qui peut-être n’ont pas été complètement justifiées, ou par des jugements arbitraux dont les raisons ne sont sans doute pas étrangères à la négligence déjà signalée. Mais ce que nous avons, nous devons le conserver. Quand même je ne crois pas qu’à l’avenir surgissent des difficultés avec les nations dont les frontières communes avec les nôtres ne sont pas encore nettement définies, ni que de ces difficultés puissent résulter d’injustes prétentions de notre part, comme les recherches qui motivent cet écrit se rapportent aux territoires voisins, ou comprennent des limites qui ne sont pas encore définies, j’ai considéré plus que jamais opportune cette publication en ce moment, puisque par elle le peuple argentin pourra mieux se rendre compte de l’opération de la démarcation qui se pratique en ce moment.

Avec la connaissance de la géographie physique des régions andines et des voisines, se corrigeront des erreurs générales, reçues pour la plupart comme de grandes vérités dans la conception des lignes frontières, et je ne doute pas qu’en dissipant de telles erreurs, en révélant la vérité des faits, ces publications faciliteront beaucoup la tâche de ceux qui doivent tracer ces limites, controlés comme ils le seront, par tous ceux qui s’intéressent à ce que les questions pendantes avec le Chili et la Bolivie, se terminent au plus tôt, par l’application de la vérité que révèle la science, et de la justice qui émane de la vérité.

Je ne crois pas, je le répète, qu’il surgisse de nouvelles difficultés internationales pour les questions de frontières ; mais, en tout cas, les difficultés s’évitent par la connaissance plus exacte du terrain où doivent être menées ces frontières, d’accord avec les traités en vigueur. Ces questions doivent se traiter en pleine lumière, et tous, nous devons désirer que la lumière se fasse le plus possible.

Les investigations dont je désire rendre compte aujourd’hui se rapportent à l’étude préliminaire du territoire argentin, à partir du 23e degré, à la Puna de Atacama, notre limite avec la Bolivie, d’accord avec le traite de 1893, jusqu’aux environs de la ville de San Juan, comprenant la région montagneuse de cette province, celle de La Rioja, celle de Catamarca et celle de Salta, et la région andine et zones voisines des Territoires du Neuquen, Rio Negro, Chubut, et une partie de Santa Cruz.

Je commence la publication de ces investigations par ces dernières qui présentent le plus d’intérêt, maintenant que la population s’étend vers les territoires du Sud, et doit être encouragée par la publication de sa géographie et des ressources naturelles qui s’offrent à l’activité des colons. Vingt ans se sont écoulés depuis le jour où, étudiant par moi-même le terrain j’ai commencé à insister sur la grande importance de ces territoires, et sur le brillant avenir qui leur est réservé comme siège de nouvelles et riches provinces, et il m’est agréable, je l’avoue, de rappeler aujourd’hui mon insistance d’alors pour que ces terres soient étudiées et soient exploitées au plus tôt. J’ai toujours pensé que la population de la Patagonie doublera notre valeur comme nation, en l’équilibrant dans ses facteurs de progrès, et en la rendant puissante dans un prochain avenir.

Francisco P. Moreno.
Octobre 1896.



I

COUP D’ŒIL RÉTROSPECTIF


Quand, en 1873, je fis ma première excursion au Rio Negro, les frontières au sud de Buenos Aires et de Mendoza avaient pour centres principaux et extrêmes Azul, dans la province de Buenos Aires, Rio IV dans celle de Cordoba, Villa Mercedes et San Luis dans celle de ce nom, et San Rafaël dans celle de Mendoza. Bahia Blanca était un point isolé, et il y avait danger de mort de passer de là à Azul et au Tandil. Je me rappelle qu’un après-midi de mars, une heure après mon arrivée à Bahia Blanca, les indiens faisaient une invasion par le même chemin ; et les voisins, alarmés, se réunirent dans le Fort pour se préparer à la défense. Quand, en 1875, je retournai à Carmen de Patagones pour la troisième fois, le voyage d’Azul à Bahia Blanca était encore très dangereux, à tel point qu’à son retour la messagerie, qui m’avait conduit, fut attaquée par les sauvages ; son conducteur, les peones et passagers furent assassinés. Dans ce voyage, le fortin avancé de Bahia Blanca était celui de la Nouvelle Rome, et jamais ne s’effacera de ma mémoire l’impression que je reçus en passant, avec seulement deux jeunes gens, de ce fort au Rio Colorado, et en rencontrant les traces des lances du chef sanguinaire Pichun, dont les nuées de poussière indiquaient mon chemin vers le fleuve. Trois jours après, ce chef assassina sur le même chemin, à Romero Grande, huit conducteurs de bestiaux, trop confiants, avec lesquels je m’étais croisé, ce jour-là, au fleuve, et dont je rencontrai, six mois plus tard, les restes, en revenant par le même chemin.

Avec quel enthousiasme, avec quelles agréables visions de l’avenir de ces régions, ai-je marché cette année-là jusqu’au pied des Andes, en face de Valdivia, et ai-je vécu de la vie du Seigneur de la Terre dans les tolderias des caciques Shaihueque et Ñancucheo, pour arriver ensuite au lac Nahuel-Huapi, réalisant ainsi mon rêve d’enfant ! Que de doux souvenirs me laisse cette évocation ! Comme s’écoulaient les heures dans la contemplation de ces paysages vierges encore de civilisation, et que je couvrais, dans mon imagination, de troupeaux, de semailles, d’industries, et de navires sillonnant fleuves et lacs !…

Le chemin de fer n’arrivait alors qu’à Carmen de Las Flores, à 200 kilomètres de Buenos Aires, et que de magnificences naturelles étalait le territoire parcouru de cette station au grand lac ! Je ne comprenais pas qu’une nation virile, maitresse d’un des morceaux les plus beaux et les plus fertiles de la terre ne se préoccupât pas de l’étudier pour profiter de toutes ses ressources ; je cherchais la cause de cet abandon, et la trouvais dans les faciles jouissances matérielles du grand centre — Buenos Aires — où inconsciemment, nous concentrions nos aspirations, enveloppés dans le cosmopolitisme qui nous absorbait, y étalant notre vanité de maitres d’une terre généreuse, et nous contentant du souvenir des gloires passées que, dans notre paresse, nous admirions comme des efforts d’hommes différents de ceux d’aujourd’hui, sans penser un instant que tous les hommes sont égaux quand ils aiment et vénèrent de la même manière le sol où ils sont nés.

Un an plus tard, trouvant de nouvelles terres, des fleuves et des lacs navigables, des forêts immenses, dans les sources du Santa Cruz, et en traversant les terres fertiles entre ce fleuve et Punta Arenas, comme s’élargissait mon esprit devant de telles preuves de richesses ! et quel souhait ne faisais-je pas pour que l’on en tirât profit pour l’agrandissement de la République !

En 1876, je pus visiter la colonie naissante du Chubut, oasis dans le désert, isolée a l’extrême sud à la manière des établissements danois dans le glacial Groënland, tant était inconnu l’intérieur de la Patagonie. Le Port Deseado se trouvait encore dans le même état où l’avait laissé Viedma, en l’abandonnant au siècle passé, et la baie de Santa Cruz était aussi solitaire qu’au temps où l’amiral Fitz Roy répara là les avaries de la vieille « Beagle », en profitant des marées qui appellent encore si peu l’attention pour l’utilité de nos ports. Accompagné de Charles Darwin, Fitz Roy remonta le puissant fleuve jusqu’à la plaine mystérieuse, avec son beau réseau de lacs, que je visitais quarante ans plus tard, et dont les extrémités sont encore inconnues.

Ce voyage avait pour objet non seulement de reconnaître le fleuve Santa Cruz, mais aussi de vérifier la véritable situation de la Cordillère des Andes. En ce temps, chiliens et argentins nous nous disputions les terres de Magellan, situées à l’orient des Andes, et cette excursion confirma, dans mon opinion, notre droit à ces terres si fertiles.

En 1879, je visitai de nouveau la Patagonie, toujours poussé par les mêmes idées de connaître ces territoires jusque dans leurs derniers recoins, et de convaincre par des preuves irrécusables les incrédules et les indifférents, que le grand facteur de notre grandeur sera la Patagonie, appréciée à sa juste valeur. Le Rio Negro avait beaucoup progressé, pendant le temps écoulé entre mon premier voyage à ses sources et le dernier que j’entreprenais ; la ligne de frontières entre la civilisation et la barbarie avait avancé, et les campements se trouvaient déjà à Choelechoel et à Chichinal, et dans des lieux déserts que j’avais visités, s’établissaient des gens laborieux. Dans ce voyage là, j’arrivai jusqu’aux belles prairies qui sont à l’occident du Tecka, au 43e degré, tout près du point où sept ans après se fonda la colonie « 16 de Octubre ». Je visitai de nouveau le lac Nahuel-Huapi, reconnaissant sa rive sud jusqu’aux fjörds de l’occident, et j’arrivai pour la seconde fois aux tolderias, aux huttes de Shaihueque, en des conditions bien pires que quatre ans avant, et pus être témoin des derniers jours des tribus nomades et sauvages, ayant alors des jours de joie, au milieu d’autres très pénibles, en pressentant la réalisation prochaine de mes aspirations : l’exploitation par le travail de cette Suisse argentine, comme je l’avais appelée au retour de ma première visite.

Je n’ai pas l’intention d’étendre ce coup d’œil rétrospectif, et je m’arrête avec peine, car il me serait agréable de raconter des scènes pittoresques disparues déjà des lieux où elles se passèrent, aujourd’hui surtout que les années ont adouci les souvenirs, et fait oublier les amertumes ; je le ferai dans les années de repos si j’y arrive, je ferai alors le récit de mes impressions dans les régions andines, avant l’anéantissement des tribus, quand on vivait comme l’indien nomade, indépendant, seigneur et maitre des pampas et des montagnes, sans autres lois que celles que lui imposaient ses besoins limités, s’alimentant des animaux, quand ce n’était pas du vol fait « au chrétien », se vêtissant des ouvrages de leurs femmes, et guerroyant de temps en temps pour des questions de « beuverie » ou de « sorcellerie »…

Comme Directeur du Musée de La Plata, et disposant déjà d’autres moyens, j’ai continué, avec des collaborateurs plus ou moins actifs, l’étude de ces territoires là ; et les galeries et les archives de l’établissement, au développement duquel je consacre toutes mes forces, conservent les résultats de ces études.

De nouvelles explorations au fleuve Santa Cruz firent avancer nos connaissances sur la géologie, la géographie et la biologie de ces territoires, et permirent de réunir des données précieuses sur le Territoire du Chubut jusqu’au Lac Buenos Aires. C’étaient les préliminaires d’explorations plus vastes et détaillées qui devaient se faire en leur temps.

En 1893, le Gouvernement de la Nation décida de prêter son concours pour que les travaux réalisés par le Musée pour étudier le sol argentin se réalisassent avec plus de facilité, ce qui devait donner de meilleurs résultats. Cette année-là, s’ouvrit donc une ère nouvelle pour cet établissement ; les aspirations de ses collaborateurs avaient été appréciées, et ils se livrèrent, avec plus d’entrain que jamais, à l’exécution du vaste programme qui condense leurs efforts pour le progrès intellectuel et matériel de la Nation. C’est ainsi que nous avons parcouru, depuis l’année 1893 à 1895, les régions glacées de la Puna, depuis la ligne qui nous sépare de Bolivie, jusqu’au département de San Rafaël dans la province de Mendoza, étudiant la géographie, la géologie, la minéralogie, etc., sur les hautes cimes et dans les vastes plaines, et révélant pour la première fois la physionomie exacte de l’orographie andine en une si vaste extension, jusqu’alors presque totalement inconnue, regrettant que l’on n’ait pas fait plus tôt de telles études pour éviter plus d’un désordre dans le tracé des frontières internationales.

Comme je l’ai dit ailleurs, je renvoie à plus tard la publication des études faites en ces régions-là.

À la fin de 1895 je résolus de retourner au sud, et de parcourir les régions que j’avais pu visiter, et celles qu’il ne m’avait pas été possible d’atteindre en 1875 et 1880. Je considérais nécessaire, je dois dire, indispensable ce voyage là pour compléter la reconnaissance préliminaire de la région occidentale de la République, et il m’était agréable de diriger en personne les travaux qu’exécutaient mes dévoués collaborateurs, car, dans cette excursion, je me proposais d’apprécier les modifications qui, dans le cours de vingt années, s’étaient produites dans les régions du Sud. Dans ces vingt années, l’indien indompté avait disparu ; il n’y avait plus ni forts, ni fortins pour résister à ses déprédations et là où autrefois se plantait le campement (la tolderia), où j’avais souffert et rêvé pour oublier mes déboires s’élevaient des villages ; les cris des conseils de guerre s’étaient tus pour toujours, et les animaux qui paissaient dans ces prairies fertiles n’étaient pas volés, mais formaient le noyau des immenses troupeaux de l’avenir. Je désirais voir tout cela, et me rendre compte si l’effort répondait à la conquête faite sur le sauvage, et comparant avec le passé le présent, je voulais juger par moi-même si le progrès rêvé existait en réalité, ou s’il était retardé, et pour quelles causes ? Ainsi préparé et disposé, j’entrepris l’excursion que je vais raconter sans m’étendre dans des détails qui devront être consignés dans des mémoires spéciaux, dès que seront coordonnés les nombreux matériaux déjà réunis.



II

PROGRAMME — SAN RAFAEL — CHOSMALAL


Mon programme comprenait la reconnaissance géographique et géologique de la zone voisine des Andes et de la partie orientale de celles-ci entre San Rafaël (province de Mendoza), et le Lac Buenos Aires dans le Territoire de Santa Cruz, et cela dans le terme exact de cinq mois. C’était une tâche très grande, mais je croyais pouvoir la mener à bonne fin par la distribution du travail que j’avais faite entre mes collaborateurs. Voici cette division : les ingénieurs topographes Henri Wolff et Charles Zwilgmeyer et le géologue Rodolphe Hauthal, accompagnés du dessinateur paysagiste Charles Sackmann et du chasseur du Musée Matias Ferrua devaient reconnaître la région entre San Rafaël et Chosmalal, sous forme de simple itinéraire, et de ce point où ils se réuniraient à moi, ils devaient procéder suivant les instructions que je leur donnerais sur le terrain. Les ingénieurs topographes Adolphe Schiörbeck et Eimar Soot, le géologue Santiago Roth et l’adjudant Jean M. Bernichan devaient se diriger par le Rio Negro et la Limay jusqu’à Collon-Curá ; de là Soot et Roth devaient s’interner par le fleuve Caleufu, et reconnaître ses affluents, en attendant des instructions ; Schiörbeck devait se diriger à Nahuel-Huapi avec Bernichan qui resterait là chargé de la station météorologique, tandis que le premier s’internerait par le Lac Gutierrez le plus avant possible, et reconnaîtrait les montagnes voisines.

Les ingénieurs topographes Gunard Lange, Théodore Arneberg, Jean Waag, Jean Kastrupp, Émile Frey et Ludovic von Platten, l’ingénieur des mines Joanny Moreteau, et le voyageur-naturaliste Jules Koslowsky devaient reconnaître la région entre le sud du Lac Gutierrez et le Lac Buenos Aires. Frey devait de même explorer les terres de Cholila et les vallées et montagnes situées au nord et nord-est du Lac Puelo, et à l’ouest du principal affluent nord du Chubut depuis les sources du fleuve Manso, point qu’explorerait Schiörbeck.

Lange devait explorer le réseau de lacs entre ceux de Cholila et le Fta-Leufu, jusqu’où celui-ci reçoit les eaux du fleuve Corintos, dans la Vallée 16 de Octubre. Waag reconnaîtrait la région du fleuve Corcovado ou Carrenleufu le plus loin possible dans la partie explorée par Steffen et Fischer.

Kastrupp topographierait la région à l’orient du Lac Général Paz, et la vallée de Gennua, et von Platten les vallées arrosées par le fleuve de Las Vacas et le Pico, s’internant le plus possible dans la région montagneuse. Accompagné de Koslowsky, Arneberg explorerait les lacs Fontana et La Plata, puis la région comprise entre le fleuve Senguerr et le Lac Buenos Aires, jusqu’aux premiers sommets neigeux que traversent les affluents de l’Aysen dans sa descente jusqu’au Pacifique. Moreteau aurait à sa charge l’étude géologique de la Vallée 16 de Octubre et des montagnes voisines.

Tout ce personnel compétent, appartenant aux sections topographique et géologique du Musée de La Plata se mit en marche, au commencement de janvier de l’année actuelle 1896, dès ses points de départ, sans avoir pu le faire auparavant vu les difficultés qui, malheureusement, se présentent toujours parmi nous quand les éléments dont il faut disposer ne dépendent pas directement de celui qui dirige ce genre d’investigations, mais bien des lents rouages administratifs.

Mon plan était de me rencontrer sur le terrain des recherches de chacun des collaborateurs nommés, pour avoir ainsi une impression personnelle de l’ensemble des résultats et pouvoir me rendre compte ensuite des détails. Cette description contient, donc, non seulement mon impression personnelle sur le territoire parcouru en 1896, mais aussi l’extrait des observations faites par mes collaborateurs.

Plus tard, quand tous les matériaux réunis auront été dûment préparés, on publiera des mémoires spéciaux qui contiendront les observations de chacun des membres de l’expédition, car le temps manque aujourd’hui pour préparer cette publication,

À la fin de janvier, je me trouvai à San Rafaël, département de la province de Mendoza, dont j’avais fait topographier et étudier en partie, en 1894, la géologie, convaincu de son immense avenir[1]. Les instructions que je donnai pour ce travail peuvent fournir une idée du plan que suit le Musée de La Plata dans cette sorte d’investigations et de ses projets ; c’est pourquoi j’en transcris la partie la plus importante pour n’être pas hors du sujet.

Les instructions disent :

« Étude géographique et statistique de la même région (départements de San Carlos et San Rafaël), au point de vue de la population et des éléments que peuvent procurer à la richesse nationale ses chemins et les accidents du terrain dont la connaissance convient aux intérêts de la nation.

« Suivant le programme que s’est tracé le Musée, il s’agit de faire connaître tout le territoire argentin dans ses faces multiples ; d’abord au point de vue économique, et ensuite au point de vue du maintien de l’intégrité du territoire argentin dans les régions limitrophes avec d’autres nations. La partie de notre territoire dont l’étude est maintenant confiée aux expéditionnaires, est très intéressante sous ces aspects là, et si l’investigation aboutit dans la forme prescrite, le Musée aura contribué à révéler une zone négligée jusqu’à présent, et qui peut se convertir en une des plus importantes de la République.

« Il ne suffit pas de connaître l’extension et l’importance des couches carbonnifères et leur exploitation. Il faut tenir compte que la situation géographique de cette partie de la province de Mendoza, éloignée par la distance et les accidents de terrain des principaux centres industriels, diminue les chances d’une exploitation prochaine et profitable de ces couches, et l’on doit chercher comment le charbon, s’il ne peut pour le moment être transporté aux grands centres, comme combustible, y arriverait sous une autre forme, soit employé pour fondre les métaux, soit appliqué à d’autres industries dans lesquelles il entre comme facteur important, et qui peuvent se développer dans le voisinage des mines.

« En outre, il faut prendre note de tous les éléments qui puissent faciliter le plus rapide progrès de cette région si vaste et isolée, et lui procurer des ressources d’utilité immédiate afin que la population y afflue au plus tôt.

« Nous devons nous rappeler que tant qu’il ne s’établira pas un parfait équilibre entre les éléments de production et de population dans son vaste territoire, la République n’acquerra pas la force économique et politique qu’elle doit avoir dans un avenir plus ou moins éloigné. L’abandon dans lequel se trouve l’investigation de tout ce qui peut contribuer à ce que cet avenir s’approche, est de plus en plus critiqué par les penseurs d’Europe et des États-Unis, et peut avoir de grands inconvénients pour notre développement et, par conséquent, pour le rang que nous devons occuper parmi les nations. La République ne peut rester stationnaire, ni se contenter d’une réputation, plus ou moins méritée, d’être riche. Ceux qui suivent le développement des nations sud-américaines observent qu’une bonne part du progrès de l’Argentine est fictive. En elle rien ne se meut si ce n’est ce qui est voisin des ports qui peuvent être considérés comme des morceaux de l’Europe, et sauf de rares exceptions, on abandonne l’intérieur, et le pays perd de plus en plus l’équilibre comme nation à mesure qu’on prétend le rendre plus riche, et sa cohésion sociale et politique devient de plus en plus difficile.

« Il ne se forme pas de centre de consommation aux environs des centres de production ; tout tient au littoral ; et c’est ainsi que la population reste presque stationnaire là où n’arrive pas l’immigrant que n’attire pas la triste vue des régions intérieures. Le manque de moyens de transports et de communications peu coûteuses, avec les grands centres, amène de la répugnance pour le travail sans rendement rapide, et on n’exploite pas les richesses naturelles qui abondent où qu’on les cherche. Tout cela oblige à faire une étude minutieuse de la région mendocine qui va être explorée. Nous devons tâcher que cette mauvaise impression cesse au plus tôt, et il est recommandé aux expéditionnaires qu’en faisant leurs recherches, ils aient toujours présent à l’esprit ces idées qui guident le Musée en entreprenant l’étude des territoires andins. Cette étude, avec ce grand programme, sera de grand profit, et l’initiative de cet établissement sera bien jugée par tous ceux qui s’intéressent au progrès du pays. Il faudra prendre aussi la plus grande quantité possible de photographies et de croquis pour faciliter l’examen des données à rassembler et leur transformation en un livre. »

Ici s’arrêtent les instructions données.

Les résultats obtenus durant ces reconnaissances de Lange, Wolff et Hauthal confirmèrent mes espérances. Le département de San Rafaël préoccupe déjà les hommes entreprenants : bientôt il sera traversé par des chemins de fer, et formera dans peu de temps un des centres les plus actifs de production et de bien-être de l’intérieur de la République. Les quelques jours que j’y ai passés en courtes excursions, tout en préparant un voyage, me furent très agréables ; j’ai observé personnellement les sources de richesses qui s’exploitent déjà et celles qui bientôt s’exploiteront. L’énorme cours du fleuve Diamante et de l’Atuel avec ses affluents peut arroser des centaines de milles d’hectares et la composition de ces terres permet d’espérer une compensation croissante à ceux qui leur livrent énergie et confiance.

Entre la ville de San Rafaël, située sur la rive gauche du Diamante et la Cañada Colorada (latitude sud 35° 27′ 50″) se trouve la pittoresque Sierra Pintada, reste d’une des plus vielles chaînes de la République, et pour cela même plus brisée, sans grandes élévations, composée de porphyres, de grès, de schistes, de quartz, traversée par des veines de roches volcaniques, et dans lesquelles la tradition place de riches dépôts de métaux précieux ; son sol, en plus d’un point, est semé de morceaux de marbre onix, vert, rougeâtre et bleuâtre. Sans doute, dans cette chaîne aujourd’hui délaissée, se développeront des industries productives dès que les rails y arriveront. En passant cette chaîne et ses dernières collines pâtureuses, on trouve un vaste plateau ondulé : Au couchant les montagnes qui précèdent la haute Cordillère neigeuse par où descendent l’Atuel et son affluent sud-ouest ; le Salado au sud ; au loin la Sierra Loncoche et entre celle-ci et l’Atuel la Laguna Llancanelo, reste d’un ancien et vaste lac, dominée à l’orient par la haute Sierra du Nevado, en grande partie inexplorée ; parmi les montagnes que couronne le Nevado (3810 m.), de fabuleuse et problématique richesse, au nord-ouest, derrière les versants, le pic volcanique du Diamante (2300 m.). La montagne ainsi contemplée de l’est depuis l’Atuel dans le voisinage de la confluence du Salado, les chaînes Pintada et Nevado apparaissent comme des fragments d’une longue chaîne ancienne, indépendante des chaînes montagneuses de l’occident. Il ne serait pas étrange que ces chaînes appartinssent au même système que domine la ville de Mendoza.

La large vallée longitudinale, aujourd’hui couverte de cailloux roulés et de petites lagunes salées, à l’exception des voisinages des fleuves et des bas-fonds du nord, et qui se prolonge depuis le sud de la Lagune Llancanelo dans les montagnes que limitent les bras du Río Grande, dont fait partie cette vallée, a sa plus grande hauteur dans cette partie sud, et descend graduellement vers le nord, à peine interrompue par le volcan isolé du Diamante et ses laves ; elle paraît être un reste d’un grand lac intérieur bordé au levant et au couchant par les hauteurs précurseurs des Andes, et celles du système du Nevado et de la Sierra Pintada, et plus au nord par les côteaux dont les principales protubérances sont les hauteurs de Guaiqueria et Guadal. L’apparition des volcans modernes du Diamante, de Leñas Amarillas et de ceux de l’orient, comme le Cerrito situé au nord du fleuve Diamante dans le voisinage du Cuadro Nacional, et de ceux de la Sierra du Nevado, contribua peut-être à la déviation de ces eaux, facilitant l’érosion, dans les directions qu’elles prennent actuellement. Les énormes dépôts de détritus roulés indiquent une masse considérable d’eau en mouvement, et si déjà en face de Mendoza, on observe parfaitement les moraines glaciaires, la présence de cette période et son action dans l’orographie préandine se note à première vue depuis l’Atuel jusqu’au sud. La profonde crevasse, ouverte dans le porphyre, aux environs du pont de Pituil sur l’Atuel est une des curiosités de la région, et mérite d’être reproduite ici (planche I). La plus grande dépression des chaînes orientales se trouve dans ce pittoresque « cañon ».

L’« Examen topographique et géologique », déjà cité, me permet de passer, sans plus m’arrêter, sur ces plaines qui n’attendent que l’irrigation pour se convertir en estancias productives. J’arrive à la Cañada Colorada, belle propriété, base d’une colonie importante quand son propriétaire se convaincra qu’il y a plus de profit dans l’exploitation du sol en fractions d’extension modérée que dans le système primitif actuellement implanté. L’« Alamito », aux environs de la Cañada Colorada, autrefois poste avancé des frontières, est abandonné, et ses beaux champs de luzerne se perdent sans être exploités par son propriétaire, le Trésor national.

Sans doute, il ne se passera pas longtemps avant qu’un chemin de fer traverse les Andes, suivant le défilé par où court le fleuve Salado, et ces terres acquerront alors une haute valeur. Le chemin de fer Tinguiririca-San Rafaël ne peut tarder à se construire, et sa prolongation jusqu’à Buenos Aires et Bahia Blanca, par des embranchements avec les chemins de fer qui avancent déjà dans cette direction, sera, à n’en pas douter, le chemin interocéanique de plus grand trafic par le bon marché de ses transports.

À Cañada Colorada je rencontrai l’ingénieur Wolff qui m’attendait, tandis que Hauthal et Zwilgmeyer s’étaient déjà avancé dans la direction de San Rafaël. Je fis quelques petites excursions pour examiner les couches fossilifères de la formation crétacée qui, avec la jurassique, s’étend vers l’ouest, couverte en partie par des roches volcaniques, mais je ne pus pas visiter le Cerro de l’Alquitran qui alimente avec d’autres une petite industrie susceptible d’une forte impulsion une fois étudiée la région où se rencontrent les matériaux pétrolifères. Hauthal avait fait une belle collection de fossiles au cours de quelques excursions dans cette direction, et avait atteint par l’orient la Lagune Llancanelo et les versants du Nevado, chaîne formée de couches rhétiennes ou plus anciennes et couronnée de roches néovolcaniques, surtout andésitiques, tandis qu’aux bords de la lagune alors desséchée, entourée de vastes scories, on observe le basalte olivinique. L’eau de cette lagune qui diminue chaque année est très salée sur les rives, mais à un mètre de profondeur, elle devient beaucoup meilleure et peut être bue par les animaux.

Le 5 février, nous partîmes de Cañada Colorada et nous passâmes par l’antique localité de Malargué entourée de côteaux, et dont les murs et les portes conservent les traces des attaques des indigènes. On conserve vivant le souvenir de douze femmes brulées dans une pièce par les sauvages. La formation crétacée continue avec ses couches fossilifères, et se prolonge au sud plus loin que le Río Grande. Je dois à M. Hauthal l’intéressante observation suivante : Ces couches jurassico-crétacées qui, dans une partie de la Cordillère située dans les provinces de La Rioja et Catamarca, se rencontrent au couchant des chaînes centrales des Andes, passent peu à peu, dans le sud, vers le côté oriental ; dans la région de l’Aconcagua, elles se trouvent dans les cordons eux-mêmes, mais à quelques deux cents kilomètres plus au sud, on les observe déjà à l’orient de ces cordons, et dans les chaînes de Catalin, dans le Territoire du Neuquen, elles se présentent à cent kilomètres à l’est de la Cordillère des Andes.

Le chemin depuis Malargué continue au sud, près des rives du pittoresque Arroyo de Loncoche dont les versants pâtureux, arrondis, recouverts d’une grande quantité de blocs erratiques volcaniques déchiquetés à peine roulés, et qui parfois atteignent deux mètres cubes, sont des preuves évidentes que là aussi s’est étendue l’action glaciaire.

Dans les environs de Butamallin, nous établîmes ce soir-là notre campement. Cet endroit est dominé d’un côté par un pittoresque roc volcanique, enclos (corral) naturel vers lequel les indigènes et plus tard les gauchos chassaient les guanacos, aujourd’hui encore très abondants, afin qu’ils se précipitassent de la hauteur à pic, et leur fournissent une chasse facile et productive. Les hauteurs à forme dentelée et à teinte vive et le beau paysage font contraste avec les tristes terres jaunâtres du bas que nous venions de quitter, encore enveloppées dans la brume de la lagune, et les trompeuses silhouettes du mirage sur les vastes champs de sel. Le jour suivant, nous traversons le Portezuelo (col) de Loncoche, de 2030 mètres de haut, qui sépare les eaux qui coulent au nord et au sud, dominé par les hauteurs de Butamallin et Tronquimalal (2310 m.). Ce cordon apparent de chaînes qui se détachent de l’occident s’étend à l’orient en collines et côteaux qui, à mesure qu’ils se rapprochent de la plaine orientale, diminuent de hauteur, établissant la séparation de la dépression au nord du Malargué, et s’unissent, par des scories et de petits volcans, aux montagnes longitudinales du Nevado.

Entre le campement et le Portezuelo, on observe de caractéristiques moraines glaciaires, et au-dessous la roche néovolcanique qui recouvre les couches sédimentaires crétacées, lesquelles présentent de petites bandes noires avec des fragments de charbon. La campagne s’améliore à mesure qu’on avance au sud, malgré la hauteur, et la couche d’humus, que nous voyons pour la première fois, atteint en quelques points jusqu’à trois mètres, couronnée par de gaillardes cortaderas (gynerium) qui ont probablement produit ce fertile district. À l’ouest, les promontoires à pic du Cerro Butamallin sont traversés par des coulées de roches volcaniques, et une de celles-ci traverse verticalement les roches sédimentaires voisines du chemin. Comme l’Arroyo Loncoche court directement au nord, une fois passé le Portezuelo, nous rencontrons la rivière de l’Agua Votada qui se dirige directement au sud ; les couches crétacées sont inclinées vers l’ouest, et les terres sablonneuses rougeâtres présentent des caractères métamorphiques, probablement à cause du voisinage des grandes masses volcaniques.

La rivière de l’Agua Votada, en arrivant à Butalo, tourne à l’est par des terrains sablonneux, presque sans pâturage ; nous la traversons pour escalader les pentes brisées et nues qui laissent voir leur constitution géologique crétacée et les roches néovolcaniques noires jusqu’à atteindre le défilé dans la chaîne qui vient du nord-ouest. De ce point nous avons au nord le mont Loncoche, près du défilé de ce nom, et le mont Lavatre au nord-est. On descend au sud par une gorge entre de hautes collines qui paraissent être les contreforts de la chaîne latérale de Calqueque à l’ouest, ayant à l’orient le mont Butalo.

La Vega de Comalleu forme une belle tache au milieu de ce triste paysage dans lequel les couches crétacées sont recouvertes par des roches basaltiques noirâtres, et celles-ci à leur tour par des détritus glaciaires qui forment des moraines très caractéristiques en arrivant à la vallée du Rio Grande. La vue de ce fleuve, où descend le chemin, est belle. Le fleuve divisé en divers bras présente un large lit, et les vertes prairies s’étendent jusqu’aux flancs des montagnes ; on voit d’ici que le Rio Grande a coupé la chaine latérale de Calqueque dont la formation sédimentaire s’observe dans les blocs roulés fossilifères que l’on remarque dans les moraines.

Le fleuve roulait trop d’eau, et comme en ce moment il n’était pas guéable, nous dûmes le côtoyer dans son cours général, campant sur ses rives où nous fûmes victimes des moustiques des jejenes et des taons qui donnent à cette région une renommée méritée. À l’occident, nous avions un chaînon assez élevé qui précède les véritables Andes et d’où descendent quelques ruisseaux ; à l’est les côteaux sont bas, couverts de cailloux roulés, et généralement constitués par des roches néovolcaniques qui reposent sur des sables et des conglomérats en position horizontale, couches beaucoup plus modernes que celles qui forment le cordon cité. Mais à l’est s’élèvent des monts isolés, volcaniques, assez élevés.

La vallée est large pendant quelques vingt-cinq kilomètres jusqu’au sud-sud-est qui est sa direction générale ; à cette hauteur elle se resserre à cause des masses de scories noires qui descendent des cratères que l’on voit en ligne longitudinale à l’orient, et que domine, un peu plus à l’est, le colossal volcan moderne, le Payen, de réputation légendaire pour ses richesses minérales, mais que personne n’a vues en ces dernières années.

Paysage horriblement triste. Les laves noires, se détachant dans leurs contorsions comme une gigantesque débâcle de glaçons noirs sur les sables blancs et brillants des dunes, sables qui résultent de la décomposition des tufs de ces mêmes volcans, s’étendent en pente douce depuis les cratères noirâtres, rougeâtres qui ouvrirent leurs flancs pour laisser couler ces torrents incandescents. Je n’ai pas vu dans toute la République un paysage d’un caractère plus accentué de volcanisme moderne que celui-là. Les noires laves d’Antofagasta de la Sierra, sur la haute Puna d’Atacama, avec ses cônes noircis, striés de rouge et de jaune n’impressionnent pas autant ; et le Payen, bien qu’il n’atteigne pas une élévation semblable à celles des géants de la Puna, impose davantage par l’aspect terrible de désolation de ce paysage, impression qui va en augmentant quand on passe des champs ensemencés de la large vallée aux sables et aux laves abruptes, en apparence de fraîche date. Je désirais beaucoup m’arrêter, pénétrer dans ces labyrinthes de scories couvertes d’écume noire, et arriver jusqu’aux cratères qui nous attiraient par leurs mystérieux ravinements noirs et rougeâtres jusqu’à se perdre dans la brume azurée, mais le temps nous manquait, et nous passâmes tout le jour à escalader ces scories jusqu’à rencontrer le fameux pont du fleuve, unique passage pour le moment.

Le fleuve qui, parfois, a plus de cent mètres de large, s’encaisse soudain dans une profonde crevasse de la lave jusqu’à n’avoir en quelques endroits que six mètres, et là on a jeté un pont étroit et sans balustrade, qui, bien qu’il n’offre pas de danger pour ceux qui n’ont pas le vertige, n’est pas agréable à passer quand on voit, à dix mètres sous ses pieds, le roulement écumeux des eaux sur les rochers obscurs et les cavités des côtés à pic (planche II).

Le campement fut établi, cette nuit-là, au pied d’un cratère noir et rouge, beau et triste (1170 m.), situé au pied du chaînon sédimentaire longitudinal. Il est digne de noter que ces volcans modernes, quand ils se présentent près des cordons, surgissent à leur pied comme s’ils eussent profité des points faibles des plissures que formèrent les chaînons.

Depuis le campement, nous vîmes la ligne des volcans modernes de l’orient, parallèle aux cordons montagneux de l’occident, et se détachant au nord une grande colline d’un sommet plus large que le Payen, qui paraît appartenir à un type différent de celui-ci, et faire partie d’une chaîne qui se prolonge au nord. Outre l’énorme Payen, on voit plus près une autre colline plus petite, qui est sans doute celle qui a déversé les laves qui formèrent la grande scorie voisine. La coupure dans la lave est pareille à celle de l’Atuel à Pituil, à travers les montagnes du Nevado et de la Pintada ; mais celle-là s’est faite en des roches de porphyre, tandis que celle-ci traverse des scories modernes.

Depuis le pont, le chemin escalade un versant escarpé de roches sédimentaires qui appartiennent, ce me semble, à la formation crétacée. Depuis cette hauteur (1970 m.), on domine l’orient et le nord, et l’on aperçoit un long bas-fond au nord du Payen, entre celui-ci et l’extrémité d’une chaîne longitudinale plus orientale. Mais on observe que les montagnes que nous traversâmes, deux jours auparavant, appartiennent à l’alignement du mont Butalo qui se prolonge par celui de Huircan dont nous côtoyons les flancs. Les scories arrivent jusqu’au pied des montagnes qui, sur ce point, sont formées d’une roche d’aspect porphyrique qui rappelle le Cerro Pan dans la Cordillère de Copiapo. Nous traversons deux ruisseaux, affluents du Rio Grande, séparés par de hauts côteaux et campons sur les bords de la rivière Calfuco ou Covunco (1600 m.), vallée étroite mais avec une belle végétation. Le jour suivant, 9 février, nous nous dirigeons vers le fleuve Barrancas ; au commencement le chemin passe par des terrains volcaniques, et ensuite par des formations sédimentaires avec inclusions volcaniques. À mi-chemin, s’élève un beau volcan qui a recouvert de scories le bas, qui fut, paraît-il, une ancienne lagune, et à l’est-nord-est et à l’est du Rio Grande se détache un autre beau volcan moderne, dont la base de roches stratifiées rappelle, en son ensemble, le Volcan Azufre de Copiapo, bien que ses proportions soient moindres.

Le fleuve Barrancas, c’est-à-dire, sa vallée abritée, est cultivée ; le blé et la vigne y viennent bien, ainsi que d’autres fruits. Pour arriver à ce fleuve, il faut traverser divers défilés dont la hauteur varie de 1500 à 1600 mètres, et le passage du fleuve se fait à 970 mètres. Les bas-fonds, entre les défilés, sont traversés par des ruisseaux qui se dirigent tous de l’ouest où l’est, vers le Rio Grande. Après avoir passé le fleuve Barrancas qui forme, avec le Rio Grande, le Rio Colorado, on remonte de nouveau sur de hauts côteaux avec des prés naturels, comme Ranquilco (1170 m.), et l’on arrive à l’établissement de don Benjamin Cuello (1390 m.) où nous campons cette nuit-là.

Les champs s’améliorent notablement, et l’on peut dire qu’ici commence la belle terre du Neuquen, si riche en promesses. À travers des campagnes ondulées, pâtureuses, nous continuons vers le sud le jour suivant, en traversant Butaco, crevasse au milieu de roches néovolcaniques (1890 m.), par où coule une grande rivière, et nous commençons la descente vers le majestueux Tromen, le volcan éteint le plus beau et le plus imposant de la région. Le terrain devient meilleur ici ; les champs que nous traversons sont les plus fertiles que nous ayons vus dans ce voyage. La lagune située au pied occidental du Tromen, à laquelle on arrive après avoir traversé une vaste étendue de scories, est extrêmement pittoresque, et ce jour-là les eaux vertes aux reflets dorés et aux ombres violacées comme la poitrine d’un ramier, dans le fond où s’élève le géant gris-noir, présentaient une teinte que je n’ai vue dans aucun de mes voyages. Les cygnes blancs et les flamands roses qui abondaient dans ces eaux immobiles, aux rives noires comme de l’encre de Chine, rehaussaient la singulière beauté tranquille et suave de ce paysage. Cependant, les paysans rentraient en ce moment leurs troupeaux ; le Tromen avait mugi peu de temps auparavant, et plusieurs d’entre eux craignaient qu’il ne rentrât en activité. Tout le trajet, jusqu’au bourg de Chosmalal, où nous arrivons l’après-midi, est beau et fertile. Les champs ostentent des blés et des légumes dont la croissance prouve la bonté de la terre et du climat. Il est bien dommage que la forme imprudente d’après laquelle on a distribué la terre publique n’oblige pas à la colonisation immédiate. Les concessions de grandes étendues seront toujours un discrédit pour le gouvernement argentin et un retard pour le progrès du pays. Si la distribution de la terre publique eût été faite au sud avec la connaissance préalable de ces terrains, sa population actuelle serait cinquante fois plus forte, et ce territoire une riche province argentine. Mais avec des estancies de trente-deux lieues qui ne demandent qu’un homme par lieue pour le soin des animaux, je crains bien que cette admirable région ne prospère pas rapidement.

Nous arrivons le 9, dans l’après-midi à Chosmalal (790 m.), l’ancien fort Cuarta Division, et aujourd’hui capitale du Territoire du Neuquen (planche III, fig. 1), situé au confluent du fleuve de ce nom avec le Curileo, et nous y rencontrâmes Hauthal et Zwilgmeyer. Chosmalal progresse, mais lentement. La distance et le manque de chemins ne sont pas les principaux obstacles, ce sont ceux que produit l’absence d’une bonne législation des terres qui permette au colon de travailler son bien dès le premier moment qu’il l’occupe ; c’est contre cet obstacle que l’on se heurte dans toutes nos localités naissantes du sud. Ou bien le sol appartient à un particulier favorisé qui ne le possède pas toujours en vertu de bons titres, quand il n’a pas été enlevé au fisc par surprise, ou grâce à l’indifférence de ceux qui ont le devoir de veiller à l’exécution des lois qui régissent son aliénation, ou bien il appartient au fisc, et celui-ci ne se préoccupe pas, comme il le devrait, d’enraciner le colon en lui donnant ou en lui vendant le morceau qu’il puisse cultiver. Cependant, Chosmalal a un grand avenir. Sa situation le permet, puisque là bifurquent des chemins de toutes les directions ; et les richesses minérales, abondant dans les montagnes voisines, contribueront, quand viendra le jour où nous les exploiterons, à faire progresser les colonies agricoles et pastorales qui peuvent prospérer dans les vallées fertiles. Mais aujourd’hui, bien rare est le colon qui se risque à peupler loin du centre urbain ; sa vie est en danger à cause des bandits qui passent du Chili, poursuivis par la justice de ce pays. Cela attriste de voir abandonnées de telles prairies, et de penser qu’au temps où l’indien sauvage occupait ces terres-là, la vie du blanc n’avait pas plus de vicissitudes qu’aujourd’hui.

Je visitai aux environs de Chosmalal quelques établissements où d’anciens colons chiliens cultivent la terre depuis quarante ans. L’indien les laissa travailler en paix, et le blanc, quand il expulsa l’indien, ne les dérangea pas. De longues histoires peuvent être racontées par ces hommes qui ont formé là des familles nombreuses, témoins qu’ils ont été du pouvoir des caciques, de leurs razzias et de leurs orgies, de leur décadence et de leur disparition, non pas devant la civilisation, puisqu’ils l’avaient déjà dans les mêmes conditions que l’actuel habitant de ces campagnes, mais devant le remington. Le vieux fortin qui se conserve en partie sur un rocher dominant les deux fleuves cache je ne sais combien de tragédies dans ses fossés ! Pendant les trois jours que je demeurai à Chosmalal, je fis diverses petites excursions qui me permirent de connaître ses vallées voisines, si riches en fossiles crétacés et jurassiques, et ses fameuses mines de sel qui approvisionnèrent les indigènes et approvisionneront leurs successeurs. Ce sel est très pur, cristalisé comme celui qu’on appelle sel de pierre, et il se trouve parmi des marnes crétacées mêlé à du gypse en lentilles plus ou moins grandes, en forme pareille à celle des dépôts de sel de Wielizca.

La gorge de Chacay Melehué que malheureusement je ne pus pas visiter, mais qu’examina Hauthal, est la plus peuplée et la plus fertile de la région. Par elle on arrive à travers des luzernes et des blés à la Cordillère del Viento, chaîne parallèle aux Andes. Cette montagne pittoresque est composée de grès et contient des minerais d’argent dont on a reconnu trois veines de bon titre. Dans le voisinage, il y a des couches de charbon du type Rafaelita, mais au point où on l’a rencontré, son exploitation serait difficile et coûteuse vu les altérations des couches où se trouve ce précieux combustible.

III

DE CHOSMALAL À JUNIN DE LOS ANDES


Le 15 février, ayant réussi à faire passer les bagages par les moyens primitifs dont nous disposions, nous abandonnons de bon matin Chosmalal pour pouvoir atteindre, dans l’après-midi, Ñorquin. Le trajet est beau, et se fait par une route carrossable parfaitement tracé et qui fait honneur au lieutenant-colonel Franklyn Rawson, gouverneur du Territoire, à l’activité et à la constance duquel on le doit, de même que celui de Chosmalal à Pichachen, actuellement en construction. Si nous employions en routes rien que le prix du plus petit des cuirassés de l’escadre argentine, quel profit n’en résulterait-il pas pour des régions si riches et si négligées ! Comme je l’ai dit, le trajet de ce jour-là fut beau ; les champs s’améliorent ; les laves et les scories ont totalement disparu ; les prairies et les flancs sont pâtureux, et Taquimalal produit une bonne impression avec les blés dorés, se détachant sur la verdure des versants qui commencent à être couverts d’arbres dans leur partie inférieure. Du haut de la côte du Durazno, élevé de 1870 mètres, qui sépare les versants du Neuquen supérieur de ceux du Rio Agrio, on domine un immense paysage : toute la vieille vallée prolongée de l’Agrio, depuis les montagnes qui l’entourent au nord appuyées aux contreforts des Andes jusqu’aux lointaines montagnes au sud. Dans le bas, au loin, des points noirâtres disséminés sur la vaste plaine indiquent l’ancien campement militaire de Ñorquin qui a passé aux mains de particuliers.

Le chemin serpente parmi des pâurages épais, et passe à côté d’une exploitation très gaie où nous voyons des plantes grimpantes couvrant les parois et les bords du toit des pittoresques ranchos ; des fleurs rouges de mauves animent le paysage, et un ruisseau dont la source jaillit parmi des roseaux et des cressons serpente au milieu de chétifs enclos de vaches, de chèvres et de porcs. Des femmes actives lavent du linge en chantant, et des hommes dorment sur le sol ; elles plantèrent sans doute les fleurs et les plantes grimpantes ; et eux héritèrent le rancho et les enclos de quelque vieux chef qui réunit là les animaux qui lui échurent à la répartition de la razzia (malon). Si l’indien a peu changé avec la destruction de l’aduar (campement), ses femmes par contre ont progressé ; il semble qu’aujourd’hui elles sont plus femmes ; elles rient déjà. Nous galopons depuis cet établissement jusqu’à Ñorquin où nous arrivons vers le soir, sur un sol excellent ; il y a des pâturages qui rappellent la Pampa près de Tandil, dans la province de Buenos Aires, et tous les côteaux voisins verdissent.

Le spectacle de Ñorquin fait faire de tristes réflexions ; des rues d’édifices en ruines, de belles casernes sans portes, des vestiges d’un puissant campement qui n’aurait pas dû cesser d’exister, mais toujours et partout le même défaut national : la négligence et l’ignorance de la valeur de la terre aux dépens du trésor commun.

Des centaines de mille piastres ont dû coûter ces constructions qui ne sont que des ruines, quand elles auraient pu être la base d’opérations d’un grand centre de production, étant données les conditions du sol, la bonté des terrains voisins et la proximité du Chili où conduisent de faciles chemins.

Une pareille situation aux États-Unis aurait été exploitée aussi tôt qu’elle aurait été découverte ; on aurait déjà fondé des villes ; la vallée serait traversée par des chemins de fer, et les sources thermales voisines de Copahué auraient une renommée universelle. Là se serait groupé tout le raffinement de la civilisation moderne, tel est le pittoresque et grandiose site où jaillissent les eaux miraculeuses dont la réputation attire déjà chiliens et argentins ; mais les thermes sont déjà une propriété particulière en vertu d’une concession nationale.

J’apprends à Ñorquin que le général Godoy doit arriver à Codihué ces jours-ci, qu’il cherche un endroit convenable pour établir le quartier général de la division du Neuquen, d’accord avec le plan de distribution des forces militaires de la Nation, et il se trouve que celle-ci ne possède déjà plus une lieue de terre dans ces parages. Le soldat qui donna son sang pour délivrer du sauvage cette belle région doit payer une location pour le lieu où il dresse sa tente !

Plus loin, nous rencontrons l’endroit destiné à la colonie agricole et pastorale « Sargento Gabral » qui est destinée à récompenser le soldat qui voudrait se faire cultivateur ou berger, quand les années l’obligeront à quitter le service de la patrie. Là il n’y a pas un mètre carré profitable, pas même pour les chèvres ; en revanche, tout ce qu’il y a de bon autour de la Colonie a des maîtres.

À Ñorquin, il y a une extension de plus de trois lieues qui peut être arrosée, et il faut espérer qu’il ne s’écoulera pas beaucoup de temps avant qu’on colonise ce beau terrain dont l’irrigation est facile. Les forêts voisines fourniront en abondance d’excellents bois.

En passant le Rio Agrio, on pénètre dans une étendue de scories, de collines et de plateaux coupés par de profonds ravins par où courent, au milieu des arbres, de petits ruisseaux, affluents de l’Agrio, et dans le fond, on aperçoit les sommets neigeux des Andes par le Cajon de Trolope. Nous arrivons à l’Estancia « La Argentina », de création récente, qu’exploite déjà avec de gros bénéfices le propriétaire favorisé. L’Agrio, à cette hauteur, a perdu, grâce à ses affluents, l’amertume qui lui donna son nom, et qui est dûe à l’alun des volcans andins d’où il sort. Ayant besoin, pour mon projet, de me faire une idée des montagnes de l’ouest, je décidai que Wolff et Hauthal, depuis « La Argentina », suivraient cette direction et prendraient le chemin du fleuve Bio-Bio pour me rejoindre à Arco.

L’Agrio côtoie à l’orient une montagne qui se prolonge au nord par le Durazno, et dont font partie les chaînes de la Campana — Campana Mahuida — dont les richesses minérales sont inépuisables, au dire des habitants. Il ne m’est pas possible d’accepter ou de rejeter ces dires, mais je puis affirmer que dans cette chaîne intéressante on a découvert des minerais de plomb et d’argent et des couches de charbon. Les formations crétacées et jurassiques se présentent en épaisses couches fossilifères, tandis qu’à l’ouest ont disparu, paraît-il, les roches sédimentaires. La Cordillère des Andes, avec ses chaînes latérales, à l’occident de l’ancienne vallée longitudinale, sur le côté oriental de laquelle coule le Rio Agrio, est déjà formée de roches ignées plus ou moins modernes, et le gneiss se présente un peu plus au sud.

Ayant passé la nuit dans « La Argentina », nous arrivâmes le jour suivant, vers les midi au fleuve Codihué où, dans l’estancia de don Dalmiro Alsina, je rencontrai le général Godoy qui attendait le premier corps de la division militaire qui devait arriver ces jours-là. L’armée nationale a toujours été le point d’appui de notre prospérité. Ses services aux frontières ne comptent pas en général parmi ses plus beaux titres de gloire, mais ils mériteraient de l’être. Que d’abnégation ! que de sacrifices obscurs !

Ceux qui ne se sont jamais éloignés des grands centres, ceux qui n’ont pas connu le soldat au poste de frontière ne peuvent comprendre le respect que nous avons pour lui, nous qui l’avons vu dans ces effrayantes solitudes, toujours exposé à la mort, après le martyre, et toujours prêt à l’affronter sans la consolation de laisser le souvenir de son sacrifice. Que de réminiscences m’apporta ce groupe de vétérans bronzés ! Quand nos écrivains militaires raconteront-ils au peuple l’histoire du vieux fortin, le plus humble, qui parle plus haut du devoir accompli que beaucoup de batailles dont nous nous enorgueillissons ? Les vétérans des frontières sont pour moi les véritables descendants des vétérans de l’indépendance.

À Codihué, j’envoyai la troupe dans la direction du fleuve Caléufu, point que j’avais fixé pour que me rejoignissent Roth et Soot, et le 18, accompagné de Zwilgmeyer, je me dirigeai à l’ouest pour visiter les belles régions qu’arrosent le fleuve Aluminé et ses affluents. Le chemin gravit le plateau central, et de là, on a une vue étendue qui permet de distinguer clairement les cordons montagneux ; celui que côtoie l’Agrio s’incline vers le sud-est, présentant une profonde dépression par où court ce fleuve dans son rapide détour à l’est. Du nord-ouest on voit un haut chaînon qui s’abaisse à mesure qu’on s’approche au sud jusqu’à disparaître en pentes douces, et qui est remplacé par les chaînes de Gatalin qui se dirigent aussi au sud-est. Nous traversons un petit ruisseau, puis les gorges de l’Aichol, affluent du fleuve Agrio ; cet encaissement est planté de blé. Le plateau, formé de roches sédimentaires plissées, est couvert de laves néovolcaniques et s’ondule à mesure qu’il avance à l’ouest en belles collines, au-dessus desquelles apparaissent les premiers Pehuenes ou Araucaria imbricata que nous ayons vus dans le voyage. Nous nous internâmes dans les montagnes, et dans le ravin de Pino Hachado où l’on a établi une scierie qui fournit des planches aux estancias voisines, et transforme les arbres en poteaux pour la ligne télégraphique que l’on construisait de Général Roca à Chosmalal. Le Commissariat de Pino Hachado est situé dans le premier défilé du ravin dans un parage pittoresque et abrité (1340 m.).

Le jour suivant, nous vîmes de beaux paysages ; la forêt est très belle, la flore riche et utile ; les fraisiers commencent, et les pehuenes atteignent jusqu’à deux mètres de diamètre ; les chênes australs y dominent. Les montagnes coupées à pic montrent de gigantesques et merveilleux éventails en forme de feuilles de palmiers, formés par les laves quand elles se refroidirent en colonnes.

Même quand la roche des montagnes est volcanique moderne, nous rencontrons des blocs détachés de granit, vestiges de l’époque glaciaire. Nous suivons les gorges du rio Aichol jusqu’à la cime du chaînon qui sépare les eaux orientales de celles qui descendent au sud et au sud-ouest pour alimenter l’Aluminé. Dans cette chaîne nous n’avons aperçu ni arbres, ni arbustes, mais bien de beaux pâturages. Sa hauteur est relativement considérable (1670 m.). La gorge que nous descendîmes sert de lit à l’Arroyo Litran ; elle est plus large, aussi belle et fertile que l’antérieure, et débouche dans la vallée longitudinale ouverte, appelée du rio Arco, premier affluent nord de l’Aluminé. Près de ses sources, au pied du Mont Batea, est situé le Commissariat de l’Arco, parage que j’avais indiqué à Wolff et Hauthal pour nous y rejoindre. N’y rencontrant pas mes compagnons, je résolus de les y attendre et de profiter du retard pour parcourir les environs.

À un kilomètre au nord de ce point je trouvai dans un magnifique parc naturel, dont les massifs sont formés par des groupes d’araucarias et de chênes, et qui est limité à l’est par un pittoresque ravin boisé et tapissé de fougères, les sources les plus australes et orientales du Bio-Bio, ainsi que les plus boréales de l’Aluminé ; les gouttes que distille la roche parmi les racines des fougères glissent sur le pré doré et descendent, les unes à l’Océan Pacifique et les autres à l’Océan Atlantique (planche IV et V). Celui qui est accoutumé à considérer comme une barrière abrupte et colossale la ligne de partage des eaux continentales, et verrait ce tableau, éprouverait une profonde déception. S’il escaladait quelques mètres, jusqu’à dominer l’horizon au-dessus des cimes des pins qui ombragent ces sources, il apercevrait au loin, à l’occident, les sommets neigeux andins qui s’étendent depuis l’Isthme de Panama jusqu’au sud, et que les géographes de pacotille signalent en même temps comme étant la ligne de distribution des eaux du continent.

La rivière de l’Arco, vers ses sources, a une altitude de 1200 mètres au-dessus du niveau de la mer, et glisse doucement vers le sud dans la vallée formée par les cendres volcaniques. Le ruisseau affluent du Bio-Bio est plus rapide, bondit sur les roches de l’ancienne moraine frontale du grand glacier disparu, et se jette dans le beau fleuve qui a son cours principal à l’occident. Attirés par le beau paysage nous descendîmes la vallée voisine au grand galop, tant était douce la pente, et traversant le fleuve, nous nous dirigeâmes, sur des moraines et de superbes prairies jusqu’aux rives du Lac Guayetué. Ce lac étale ses eaux tranquilles à une grande distance, mais le soleil couchant ne nous permit pas de voir, ni de calculer son extrémité occidentale. Je pus cependant compter, depuis l’embouchure du fleuve, cinq ondulations ou cordons apparents, et le Volcan Llaimas qui les domine à l’ouest-sud-ouest. Peu après être sorti du lac, avant de tourner au nord, le Bio-Bio reçoit l’arroyo Rucunuco qui lui apporte le tribut des eaux du lac Ycalma, situé entre le lac Guayetué et le lac Aluminé ; le monticule de la Batea se détache isolé à l’orient de la rivière. Ainsi donc les eaux du Bio-Bio naissent à l’orient de ces chaînons andins, et les traversent ensuite pour se jeter dans le Pacifique. Cette dépression semble être le reste d’un grand bassin lacustre antérieur dont les derniers vestiges seraient les trois lacs cités : Aluminé, Ycalma et Guayetué. Les éruptions modernes ont formé de leurs laves le Cerro de la Batea, et ont comblé le lac primitif de leurs tufs, lesquels furent à leur tour détruits en partie par l’érosion de l’époque glaciaire dont on retrouve les traces dans les moraines du haut plateau. Ce plateau constitue le vestige le plus considérable de l’ancien lit du grand lac dans la seconde époque du développement des glaciers qui formèrent des moraines et dont les restes existent encore dans les cordons montagneux voisins. La basse vallée actuelle mesure plus de vingt kilomètres de l’est à l’ouest, et la population commence à y affluer, formée d’émigrants chiliens, qui s’éloignent de leur territoire, alarmés par les bruits de guerre, que répandent d’autres de leurs compatriotes afin d’acquérir ainsi, à vil prix, les champs ensemencés qu’abandonnent ceux qui croient en cette guerre aussi impossible que prophétisée sur tous les tons. Cet après-midi arrivèrent au Commissariat Wolff et Hauthal. Ils avaient fait un intéressant voyage et me fournirent les données générales dont j’avais besoin. Depuis l’estancia « La Argentina », ils avaient pénétré par la gorge de l’arroyo Pailahué, et sur le plateau et ses scories, s’étaient dirigés à l’ouest, traversant l’arroyo Manzano, et longeant les coteaux voisins de l’arroyo Butahuao, ils avaient atteint le sommet de la chaîne par la très belle et très fertile gorge de Yumu-Yumu. Cette zone montagneuse exige une étude détaillée de son orographie et de sa géologie, que je me promets de faire plus tard. Il y a là un plus grand développement des Andes dans le sens transversal, un groupement de massifs volcaniques, comme on le voit sur d’autres points de la Cordillère. Les roches indiquent un changement dans la formation géologique générale des chaînes plus au nord ; le gneiss, le granit, le porphyre apparaissent sous les roches néovolcaniques, et on n’y remarque pas de couches sédimentaires. En outre, ces chaînes qui s’abaissent vers le sud, dévient au sud-est, et je puis le dire déjà, ne correspondent pas, dans leur prolongation apparente, à la Cordillère des Andes ; mais quant à savoir si les montagnes qu’ont traversées mes compagnons doivent être considérées comme partie intégrante des Andes ou non, c’est là un problème qui ne pourra être résolu qu’après une étude détaillée de la région. Depuis la croupe du cordon indiqué qui sert de ligne de partage des eaux entre le Rio Agrio et le Rio Bio-Bio, on aperçoit à l’ouest une série de montagnes qui se dirigent au sud, puis au sud-sud-ouest avec une altitude plus grande que les chaînons de Yumu-Yumu, et tels que ceux-ci se présentent depuis la gorge (cajon) de los Burros, où coule la rivière du même nom, affluent du Rio Butahuao. Les eaux qui descendent à l’ouest alimentent la rivière Rahué qui est considérée comme un fleuve dès qu’elle reçoit les eaux de la rivière Putul, laquelle nait au pied des glaciers de la pittoresque dépression du nord, parmi les montagnes qui paraissent former là un grand nœud orographique. Le Rio Rahué se jette dans le Bio-Bio à la naissance, au nord de la belle vallée de Lonquimai, le joyau des vallées andines, au fond de laquelle serpente le Bio-Bio, parfois tranquille, et d’autres fois formant de brillantes écailles sur les pierres roulées et polies, quand son niveau diminue. Je le vis ainsi du haut du chemin de l’Arco : serpent colossal se tordant avec ses anneaux luisants dans les prés où les troupeaux de l’exode chilienne restauraient leurs forces épuisées dans la fuite rapide devant le spectre de la rapine argentine. Dans cette vallée se trouvent les ruines des fortins chiliens Lonquimai et Liucura, et les habitants racontent, avec plus ou moins d’exactitude, les chocs sanglants qui se produisirent, durant notre campagne contre les indigènes, entre les soldats argentins et chiliens qui considéraient chaque poste avancé sur le terrain d’opérations, comme appartenant — à l’Argentine, selon les uns, tandis que pour les autres il était placé sous la juridiction chilienne. Cette incertitude n’a pas encore disparu, et ne disparaîtra pas, tant que les travaux de la délimitation des frontières n’atteindront pas jusque-là. Il ne nous suffit pas, aux uns et aux autres, de dire : Ceci est à nous pour que ce le soit ; ce ne sont pas des raisons, car elles ne sont pas fondées.

Le temps pressait, et nous nous dirigeâmes au sud, en nous partageant la tâche ; Hauthal avec Wolff suivraient la basse vallée de l’Aluminé jusqu’à celle de Chimehuin, tandis qu’avec Zwilgmeyer j’examinerais la zone ondulée qui précède la ligne de montagnes à l’ouest. La vallée ouverte formée par les tufs qui comblèrent l’ancienne vallée profonde et longitudinale s’incline doucement depuis l’Arco jusqu’à ce que des collines granitiques, au milieu desquelles la rivière a creusé un profond ravin, viennent la fermer. Le paysage est vraiment beau. Les araucarias se présentent d’abord en bosquets entourés de prairies ; puis la région devient abrupte, avec des éclaircies dans les larges cimes arrondies par les anciens glaciers, et le sentier décrit des lacets au milieu des troncs-colonnes des pins parmi lesquels se mêlent déjà de nombreux cyprès. Sur ce sentier, nous rencontrons, à chaque moment, des familles chiliennes qui émigrent, formant de singuliers groupes avec leurs troupeaux qui marchent lentement : vaches, chèvres, brebis conduits par un énorme bœuf qui mugit et proteste de ce voyage ridicule quand il traverse les zones sablonneuses et ne se tait que quand il rougit son mufle dans les fraisiers. Nous arrivons ainsi au sud du défilé, au vaste bassin du lac disparu, ancienne baie de la grande dépression lacustre dont j’ai parlé antérieurement, et dans laquelle brille comme de l’acier poli le Lac Aluminé. Nous escaladons la haute moraine qui le domine au nord-ouest à son débouché pour avoir une impression du paysage, et afin de pouvoir faire plus tard l’étude de ce bassin (planche VI).

Le lac parait se diviser en grandes baies et s’étend depuis l’ouest où je crois distinguer des étrécissures au pied des montagnes neigeuses du fond ; de petites îles boisées accidentent sa surface faiblement ridée par la brise. Parmi les blocs erratiques de la moraine prédominent le granit blanc, le rose, et les diorites, mais je n’observe ni andésites ni aucune autre roche volcanique. Cette moraine se trouve sur le plateau général, fond de l’ancienne cavité qui repose sur le granit que l’on aperçoit dans l’étrécissure observée un peu plus au sud du débouché du lac. Le fleuve a déjà reçu les eaux de l’arroyo Litran, et court rapide, volumineux, déviant son cours vers le sud-est. Nous continuons au sud, traversant des collines granitiques recouvertes par des roches volcaniques de superficie horizontale. En atteignant ces collines, nous apercevons à l’ouest des montagnes boisées, derrière celles-ci, de belles cimes neigeuses. À l’orient, sur le plateau s’élèvent les montagnes qui forment la chaîne de Catalin, rocailleuses, pelées, et au nord de celles-ci le haut plateau qui la sépare des montagnes du nord de Pino Hachado. C’est sur ce versant abrupt de la rive gauche de l’Aluminé que se trouve située la future colonie « Sargento Cabral », emplacement qui est une sanglante ironie à la bonne foi de la Nation ! Belle récompense pour le soldat fidèle dans l’accomplissement de ses devoirs ! De tels faits inspirent le plus profond dégoût. Pourquoi ceux qui choisirent cette zone pour la colonisation, n’ont-ils pas arrêté plutôt leurs regards sur les belles prairies et collines voisines de Pulmari, de Quillen, etc. ?

Dans l’après-midi du 22, nous nous arrêtâmes à la Vega (prairie) de Pulmari, véritable terre promise, et le lendemain, accompagnés de Mr. Keen, administrateur de l’estancia en voie de formation dans ce parage, nous nous dirigeâmes à l’ouest pour visiter les vegas de Ñorquinco, renommées pour leur beauté, dans le voisinage desquelles on a commencé la démarcation de la frontière avec le Chili. Cette région de Pulmari et de ses environs est une des plus belles que j’aie vues jusqu’à ce jour, et judicieusement exploitée par la nation, elle deviendrait assurément, en peu de temps, un centre d’activité si la colonisation s’effectuait avec des éléments qui répondissent aux conditions du sol. Mais pour cela il est indispensable de réformer nos lois de colonisation qui eurent leur raison d’être tant que l’on croyait à l’uniformité du territoire argentin fiscal, assimilé alors au type général de la pampa — la plaine ; mais aujourd’hui que l’on sait que nous avons des territoires si variés dans leur constitution physique, base de futures industries variées qui constitueront notre principale richesse nationale, il est nécessaire de stimuler l’exploitation rationnelle de la terre et de ses ressources naturelles.

Les paysages qui se succèdent sur notre chemin sont aussi variés que beaux. Les petits lacs azurés, profonds, semblables à des lentilles irrégulières, festonnés par des araucarias et des cyprès, et les blanches rives de quartz décomposé forment, vus d’en haut, un ensemble paisible empreint d’une douce majesté, sans tons violents, au milieu d’une nature silencieuse.

Nous nous trouvons brusquement plongés dans le passé, en face de l’inanité des choses humaines, en rencontrant les crânes blanchis et les os dispersés d’un cimetière indigène tout bouleversé par les chercheurs d’ornements d’argent. Après avoir laissé derrière nous ce lugubre spectacle nous pénétrons dans une plaine magnifique où nous aurions voulu trouver la laiterie qui complèterait ce tableau enchanteur. Les petits lacs de Nompehuen et de Ñorquinco (planche VII, fig. 1 et 2) occupent le centre, et les ruines du fortin avancé évoquent les mauvais moments passés. Ici flotta la bannière aimée, lors des pénibles marches aux postes avancés de nos soldats, accomplissant le devoir sacré de défendre la patrie, sans préoccupation étrangère à ce noble idéal. Ici sont les tombes de ceux qui furent transpercés par les lances des sauvages, dans leurs luttes de cent contre un. Pauvre soldat ! ton sacrifice anonyme n’a pas encore donné de résultat, et son souvenir en est déjà perdu…

Nous campons au même endroit où la sous-commission argentine de démarcation s’est établie l’année dernière, et le lendemain j’atteignis la Vallée de Reigolil où se trouve l’établissement indigène de Curanemo (planche VII, fig. 3) ; je visitai la borne (1060 m.) placée à la source des rivières qui forment le divortium aquarum continental, auquel on arrive insensiblement car la pente n’est pas de cinq pour mille depuis l’Aluminé.

La gorge est ininterrompue entre la plaine occidentale et l’Aluminé ; et difficilement on peut considérer ce parage comme le dos d’âne andin, sans recourir à d’autres investigations. Ce chemin de Reigolil se fait au grand galop sous des galeries de roseaux et d’arbres fruitiers, et il est un des rares qui puissent être fréquentés, pendant l’hiver, jusqu’aux localités de la vallée centrale du Chili. Le puissant massif de Zolipulli, qui se prolonge au nord-ouest, coupé par les eaux qui proviennent de la dépression où l’on a érigé la borne-frontière, paraît être la continuation des montagnes neigeuses que j’avais aperçues depuis la moraine du lac Aluminé et depuis le lac Guayetué. L’impression que je reçus de cette excursion est qu’il est nécessaire de procéder à une étude très détaillée de la contrée afin de pouvoir tracer avec sécurité, et d’accord avec la lettre et l’esprit des traités, la ligne de frontières internationales qui doit passer en cette région ou zones voisines : c’est un nouvel et important argument de plus qui vient renforcer ma conviction antérieure sur l’absolue nécessité qu’il y a à effectuer une étude générale en règle de la Cordillère des Andes, avant de procéder à la démarcation en détail de la frontière commune. Le lecteur ne s’étonnera pas de ce que souvent je revienne à la question pendante de nos limites avec le Chili, s’il se rappelle qu’elle a été ma constante préoccupation depuis vingt-cinq ans, et qu’une des causes de mon voyage est d’augmenter mes connaissances générales sur les Andes. La lagune Pilhué, située non loin de la borne, est d’une beauté tranquille indescriptible, dominée par les versants des collines couverts de bois touffus jusqu’aux sommets. À l’extrémité orientale se dresse une gerbe de remarquables colonnes andésitiques caractéristiques, qui augmente l’intérêt de ce paysage, aujourd’hui solitaire, mais qui sera un des grands attraits de la région quand le chemin de fer, actuellement en construction jusqu’à la jonction des rios Limay et Neuquen, arrivera à Temuco par la vallée transversale de Reigolil. Les gens fatigués de la vie kaléidoscopique de Buenos Aires chercheront dans ces paysages merveilleux d’infaillibles calmants si notre gouvernement se préoccupe de conserver ces « réserves » pour les convertir en « sanatorium » naturels, disposant la colonisation de ces terres fiscales de manière à préserver ces belles forêts de la destruction. Le Cerro Uriburu, manteau de lave noire tacheté de jaune, rouge et lie de vin, sur les bords du vieux cratère obstrué de scories, domine tout l’ensemble. Au nord se développent les belles gorges de Nompehuen et de Rumeco où mène le sentier qui conduit au volcan Llaimas.

Nous abandonnons cette vallée, et cheminant à travers le bois d’araucarias (planche VII, fig. 4) par des versants transversaux escarpés, recouverts de blocs erratiques, nous laissons à l’ouest la gorge de Coloco, au milieu de laquelle on a érigé une seconde borne-frontière, sur le col qui sépare les eaux du Pulmari de celles qui vont alimenter un des nombreux tributaires du Reigolil, et nous descendons la vallée du Rucachoroy, moins pittoresque, mais aussi fertile et exploitable que celle du Pulmari. Le temps nous manque de plus en plus, mais à mesure que nous avançons et que nous reconnaissons la région, elle éveille de plus en plus notre intérêt et augmente notre désir de la connaître en détail ; mais il nous est impossible de nous arrêter, car le programme est vaste, et je dois le remplir. Avant d’arriver au lac Rucachoroy, nous escaladons de nouveau le haut plateau granitique, aussi recouvert de roches volcaniques, et nous atteignons, à la nuit tombante, la belle vallée de Quillen, aux environs du lac de ce nom. J’espérais rencontrer sur ses rives le campement de la 4me sous-commission argentine, et j’y réussis le jour suivant. Il était établi à l’entrée du bois, encadré dans un paysage idyllique. Ce coin de lac, encore enveloppé d’une faible brume matinale, me rappela quelques fusains d’Allongé : les joncs paraissaient surgir du vide, si profond était le calme des eaux, qui reflétaient le ciel ; plus loin, la haute futaie teignait en vert sombre les eaux couleur de plomb, et ce n’est qu’au milieu du lac que celles-ci prenaient une teinte bleu-ardoisé. Le Cerro Ponom étalait la curieuse décomposition de ses laves qui lui valurent sa dénomination obscène et au fond du tableau, le soleil levant illuminait le magnifique volcan Lanin, aux formes symétriques, qui ressemblait à ce moment à un fantastique cristal de rythrosoufre, plaque d’argent. Le Lanin est la montagne la plus caractéristique et dominante du Territoire du Neuquen, et c’était pour moi une vieille connaissance que j’avais sous les yeux depuis plusieurs jours déjà, car sa cime altière commence à se révéler au voyageur depuis la chaîne d’Aichol.

Dans le courant de l’après-midi, je quittai le campement de la sous-commission, et traversant la vallée, nous nous établîmes à la nuit dans un lieu abrité du plateau, près des sources du Picheleufu (1200 m.).

Le jour suivant, nous continuons par monts et par vaux, traversant des gorges pittoresques et des coteaux fertiles et boisés, et après avoir traversé le col granitique élevé de Huahuan (1500 m.), je me retrouvais encore une fois dans le bois d’araucarias qui recouvre le dépôt glaciaire herbeux du sommet du vieux plateau granitique. Ce plateau qui, comme un énorme coin, sépare les montagnes d’origine plus récente dont les chaînons parallèles sont si rapprochés les uns des autres, plus au nord du Bio-Bio, et qui ont produit cette apparente solution de continuité de la ligne des volcans de l’occident qui ont donné son haut relief à la Cordillère, est un fait orographique qui obligera les personnes chargées de délimiter la frontière à procéder avec la plus grande précaution pour reconnaître la véritable ligne de division internationale.

J’ai dit que je me retrouvais, parce que c’est jusqu’ici que je suis arrivé, en janvier 1876, lors de ma première excursion dans la région andine patagonique. Du groupe d’araucarias qui couronne la hauteur, j’emportai deux pignes comme souvenir, cette année-là, regrettant ne pouvoir prendre encore une jeune plante qui se dressait alors au pied de ces géants-là. Le bourgeon rugueux de cette plante s’était déjà épanoui en une large touffe rayonnée vert-émeraude étincelante sous la rosée matinale, et c’était le même paysage agreste dont je conservais le souvenir : le cône blanchâtre du Lanin au milieu des éclaircies du feuillage obscur des vieux de la forêt, et la même humble source où je me reposai avec mon bon compagnon, le chef Nahuelpan[2] pour déjeûner avec des pignons et des fraises (planche VIII). Lors de cette visite, les indigènes me dirent que le sommet neigeux s’appelait Pillan ou Quetrupillan, et je le décrivis ainsi ; mais plus tard j’ai reconnu mon erreur. Le Quetrupillan, « montagne tronquée », se trouve un peu plus à l’ouest et n’est pas visible d’ici.

La rivière encaissée Pichi-Nahuelhuapi qui déverse ses eaux dans l’Aluminé n’a pas droit à ce nom, quand même il lui est donné dans quelques cartes géographiques. Il n’appartient qu’à la lagune où il prend sa source ; la rivière est anonyme, mais le passage scabreux et caché (750 m.) est dénommé par les indiens Huahum.

Nous campâmes, cet après-midi, dans la petite vallée de Huahum (900 m.) que les indigènes appellent aussi Pilolil à cause de quelques roches à cavités profondes situées sur la rive gauche de l’Aluminé, où la rivière débouche de la vallée. Je découvris sur ce point des terrains sédimentaires, mais il ne me fut pas possible d’en déterminer l’âge, car le temps me fit défaut pour rechercher des fossiles.

Le 27, de bonne heure, je m’engageais dans le pittoresque chemin indigène que j’avais parcouru si souvent auparavant, et en peu d’heures, j’atteignis la pampa du Malleco ou Rio Malleu, où, à l’abri du promontoire andésitique de Pungechaf, campait en 1876 la tribu de Ñancucheo.

C’est dans ce passage même que j’eus, cette année-là, connaissance de la grande invasion dans la province de Buenos Aires, qu’avaient projetée les indiens soulevés par Namuncura et Catriel, et c’est de là que je résolus mon retour immédiat pour Buenos Aires, afin d’avertir de ces préparatifs ; un rude galop de Caleufu jusqu’à Carmen de las Flores me permit de jeter le cri d’alarme, trois jours avant que ne s’effectuât la terrible invasion qui désola le sud de la province. De tout ce campement il ne reste que des ossements carbonisés et les pierres calcinés des foyers, mais j’aurai toujours présent à la mémoire les pittoresques groupes de tentes et les fêtes de la nubilité auxquelles j’assistai alors, et à l’évocation de tels souvenirs, je me vois me retournant et me roulant sur les coussins du grand toldo de Ñancucheo, le brave cacique de valeur proverbiale, quand il reçut la visite du marchand d’eau-de-vie, l’araucan rusé qui évoqua, en un discours de trois jours, toute l’histoire de sa race, pour finir par recommander la liqueur dégoûtante qu’il vendait et qui l’a anéantie[3].

Je crois que toutes ces terres appartiennent encore heureusement à l’État, qui doit les faire étudier par des hommes consciencieux, et les coloniser ensuite avec la certitude d’un succès rapide et d’un bon revenu pour le trésor.

La large vallée du Malleco (730 m.) forme de vastes pâturages vers l’occident où la rivière de ce nom recueille les eaux de la lagune du Tromen (950 m.) située immédiatement au nord du Lanin qui donne aussi naissance à des tributaires du Malleco, et les sépare de ceux du lac Huechu-Lafquen (830 m.), situé sur son versant sud. Les collines voisines transversales qui séparent la vallée du Malleco dans son cours supérieur, et celle de Chimehuin, sont recouvertes d’herbes et de bois, mais les pehuenes diminuent et disparaissent en arrivant au Chimehuin supérieur. L’ancien chemin indigène entre les campements de Caleufu (cacique Shaihueque), Collon-Cura (cacique Molfinqueupu) et Pungechaf ou Malleco (cacique Ñancucheo) suit les eaux de la rivière Palihué par la pampa de ce nom, et bientôt pénètre dans les gorges qui communiquent avec la profonde vallée du Collon-Cura, traversant ainsi les chaînes volcaniques à l’est du Chimehuin, dont les sommets les plus visibles sont celui de Tantan et celui de Los Perros ; mais j’ai pris plus à l’occident, entre le Tantan et le Cerro Trinque (1080 m.) jusqu’à tomber dans la belle vallée du Chimehuin. À une époque antérieure, toute la région a été recouverte par les glaciers, à en juger par les détritus qui jonchent le sol. À midi, nous fîmes notre entrée à Junin de los Andes (750 m.), situé à l’angle formé par le rio, modifiant la direction qu’il suivait depuis son point de départ au débouché du lac Huechu-Lafquen, pour contourner la basse chaîne orientale, et dévier au pied du Cerro del Perro vers le rio Collon-Cura. Il y a plusieurs années que j’ai fait la connaissance de cette belle plaine, pendant des chasses aux autruches avec Ñancucheo et son hôte le cacique Quinchauala, et par conséquent je n’ignorais point quel beau centre d’activité elle pourrait devenir un jour, une fois le nomade soumis ou délogé ; je ne fus donc pas trop surpris de me trouver au milieu d’un noyau de population de véritable importance. La localité compte 500 habitants, et ses rues édifiées entourent le fortin déjà en ruines (planche III, fig. 2) ; mais comme toujours, ces hardis colonisateurs dignes d’être aidés par la nation étaient tous des intrus. Je calculai, dans l’après-midi, que le capital visible des maisons de commerce dépassait 200 000 piastres ; il y a des édifices qui coûtèrent 15 000 piastres ; et tout cela dépend de la bonne ou mauvaise volonté du propriétaire privilégié qui fixa à cet endroit une concession de trente-deux lieues, en vertu d’une de ces incroyables résolutions de nos hommes d’état, qui sont le résultat de l’indifférence générale. Pourquoi n’avoir pas imité dans nos reconnaissances le long de la frontière, les soldats de la conquête qui fondèrent des localités là où ils établirent leurs campements ? Des lots de terrain que les propriétaires de Junin ont acquis à moins d’une piastre l’hectare, se sont déjà vendus à plus de quatre cents piastres, d’après des renseignements qui m’ont été communiqués après ma visite.



IV

DE JUNIN DE LOS ANDES À NAHUEL-HUAPI


À Junin de los Andes, je rencontrai Wolff et Hauthal. Le premier avait commencé à déterminer la position astronomique de la place publique, travail indispensable pour les investigations que j’avais ordonnées, et qui devaient s’étendre principalement au sud du 40° de latitude. Ces observations et les suivantes, effectuées par Wolff et Zwilgmeyer, donnèrent comme longitude pour Junin : 71° 7′ ouest de Greenwich, et 39° 57′ 2″ de latitude sud.

Le 28, nous nous dirigeâmes tous vers le lac Lacar. Nous côtoyons le Chimehin, et suivons la large vallée au milieu de laquelle la rivière décrit son cours sinueux et se ramifie en canaux dont les mailles serrées forment des îles pittoresques. Les collines sont formées de grès et de conglomérats recouverts de tufs, sur lesquels s’étend, en certains endroits, une couche d’humus considérable. Les pommiers chargés de fruits encore verts, mais déjà mangeables, nous procurèrent un repos agréable, au milieu d’une journée de forte chaleur et avec un ciel sans nuages. Nous traversons la rivière Carhué qui sort d’un petit lac situé à l’ouest, parmi les premières chaînes peu accentuées, puis longeant la base de l’ancienne rive escarpée de la rivière nous rencontrons peu de temps après son pittoresque affluent, le Rio Quilquihué. Le jour clair et l’atmosphère transparente me permirent de distinguer, depuis la hauteur, à l’ombre des pommiers, le détail des bois, des canaux naturels et des plantations dorées des rives du Chimehuin, joyau ignoré de la région andine. Le grand plateau qui s’étend au sud, à l’ouest et au nord-ouest a une physionomie glaciaire des plus accentuées, et me rappelle avec ses moraines la plaine que j’ai aperçue en 1880 à l’ouest de Quelajaguetre, sur l’affluent nord principal du Chubut, ici représente par le Rio Chimehuin. La dépression de l’arrière plan, que nous avions à l’ouest, et où nous devions rencontrer dans le courant de l’après-midi la vallée de Maipu et, à son extrémité, le lac Lacar, correspond à la vallée d’Epuyen du Sud.

Le Quilquihué coule sur le plateau dans l’ondulation formée par le large cours d’eau qui a précédé la rivière actuelle, et qui est limitée au nord par des coteaux morainiques plus ou moins élevés et étendus, recouverts de pâturages, et, dans ses dépressions, de bosquets qui accentuent davantage le caractère glaciaire. À l’horizon, un peu à l’ouest, nous apercevions la dépression occupée par le lac Lolog, à l’extrémité duquel débouche la rivière qui ne reçoit du nord aucun affluent d’importance, dépression allongée formée à l’est par des coteaux, puis par des montagnes peu élevées d’abord, mais dont l’altitude va en augmentant vers l’ouest jusqu’aux contreforts de l’axe longitudinal andin érodé.

Nous traversons le Quilquihué en un point où il descend de l’ouest-nord-ouest, et peu de temps après, nous commençons à nous rendre compte que la plaine glaciaire, à peine élevée de quelques dix mètres au-dessus du rio, dans sa partie la plus accentuée, forme un intéressant exemple du fameux divortium aquarum continental.

Ce point est digne d’attention, et je m’y arrête quelques heures. La plaine est, comme je l’ai dit, d’origine glaciaire, et je la considère comme exclusivement formée par une moraine secondaire dans une des extensions des glaciers qui occupèrent l’emplacement du lac Lolog et de la vallée de Maipu. Les empiètements et les retraites successifs des glaciers, et leur développement plus ou moins important, par suite de causes locales, ont modifié plusieurs fois les dépôts qu’ils laissèrent dans leurs mouvements, et les derniers de ceux-ci ont produit le phénomène cité. Si du chemin que nous prenons, nous faisions un petit détour de 300 mètres vers l’orient nous trouverions une petite dépression transversale, à peine sensible à l’ouest, mais limitée à l’est par des coteaux qui forment une moraine secondaire frontale. Au milieu de cette dépression horizontale occupée par un vert mallin ou sources, il y a quelques petits monticules ou dunes qui occupent à peine vingt mètres carrés, et dont la plus grande élévation n’atteint pas un mètre. Nous choisîmes, avec Hauthal, ce parage (800 m.) pour notre objet qui était de déterminer le point où s’opère la division des eaux, et nous vîmes qu’elles se confondent au-dessous de ce monticule. De là nous nous dirigeâmes au Quilquihué, suivant d’abord les eaux souterraines qui se révélaient, à mesure que nous avancions, par l’humidité progressive du sol, jusqu’à ce qu’elles jaillissent et aillent se jeter au fleuve, et effectuant ensuite la même observation avec les parages humides opposés. Il aurait fallu disposer de niveaux de précision pour reconnaître la différence exacte de niveau entre le Rio Quilquihué et les eaux qui descendent au Pacifique ; mais dès maintenant, je crois pouvoir affirmer qu’une vingtaine d’ouvriers pourraient, en vingt-quatre heures, détourner le cours du Quilquihué, et déverser toutes ses eaux dans la plaine de Maipu. Il suffit de remuer un peu de boue et de sable, et rien de plus (planche IX, fig. 1).

M. le Dr. Oscar de Fischer, qui a passé par ici en 1894, dit qu’il est complètement inexact que le Paso de Chapelco, nom qu’il donne à ce point, et qui appartient à toute la zone de plus de dix kilomètres que la plaine glaciaire présente en largeur, soit situé à l’orient des Andes, car il prétend que les élévations qui se trouvent à l’orient, comme le Cerro del Perro, etc., doivent être considérées comme des contreforts de la Cordillère des Andes. Les observations qu’a pu faire M. Fischer, dans la petite zone qu’il a visitée, ne lui permettent pas de soutenir une pareille thèse, et quand ses connaissances se compléteront sur ce point, il se convaincra qu’il a soutenu une erreur. Il n’est pas davantage admissible que cette « loma » (colline), comme il appelle cette plaine, — laquelle, si elle paraît une colline vue de Maipu, ne l’est pas depuis le Quilquihué — relie les extrémités de deux chaînons : celui de Chapelco au sud du lac Lacar et celui de Huahum au nord de ce réceptacle. Le prétendu chaînon de Chapelco forme un massif séparé des chaînons de l’occident qui se voient au sud-ouest et à l’ouest du lac, et il est situé à l’est et au sud-ouest de celui-ci ; il en est de même des collines et montagnes qui séparent la vallée de Maipu et le lac Lacar du lac Lolog. Le lac Lolog se trouve à 890 mètres au-dessus de la mer, c’est-à-dire qu’il est plus élevé que la plaine ou « loma » dont la hauteur dans sa dépression centrale est de 800 mètres. La carte qui accompagne ces Notes peut donner une idée claire des conditions orographiques de cette zone si intéressante. Mon opinion est que les lacs Huechu-Lafquen, Lolog et Lacar sont des bras d’un grand lac qui occupait tout ce qui, aujourd’hui, s’appelle Vallée de Chimehuin.

Après avoir traversé ce plateau, on descend à l’ouest dans la plaine de Chapalco ou Maipu ; la rivière Chapelco descend de l’orient parmi les moraines et a ses sources un peu plus au nord-est du point culminant de ce massif volcanique (2180 m.). La vallée qu’a laissé le grand lac qui remplissait autrefois cette dépression aujourd’hui transformée en un si beau verger, et qui se dessécha quand les eaux s’ouvrirent un passage à l’occident à travers les roches de l’enchaînement andin principal, est étendue et utile à l’agriculture sur toute sa surface. J’ignore si les domaines des concessionnaires de Junin de los Andes s’étendent jusque là, et si les colonisateurs actuels possèdent des titres de propriété ; mais s’ils n’en ont pas et que cette terre appartienne encore à l’État, celui-ci doit profiter, le plus tôt possible, de ce délicieux morceau de terre, en le colonisant. La situation abritée permet une culture facile ; et les terres voisines peuvent être exploitées pour l’élevage des bestiaux, de manière que tout favoriserait le développement d’une colonie agricole pastorale près de Junin de los Andes et de Valdivia.

Les rochers des montagnes du sud sont surtout formés de gneiss et de granit, couronnés par des roches néoplutoniques, et elles offrent des paysages variés par suite de la décomposition du granit. Des ruisseaux descendent des hauteurs, formant de jolies cascades au milieu des cyprès élancés, et le bois devient plus touffu sur les versants. Nous dépassons le vieux fortin Maipu, aujourd’hui inutile, situé sur les bords de la rivière Loncohuchum, Calbuco ou Huechehuehum, autant de noms que porte la gaie rivière ; nous descendons à la seconde dépression, et au milieu des bois et de la flore la plus variée, nous atteignons les rancherias (cabanes) du cacique Curuhuinca.

Je n’avais pas connu Curuhuinca pendant mes visites de 1876 et de 1886. Lors de la première, il se trouvait sur le territoire chilien ; et à la seconde, ami des chrétiens comme il l’était, il n’avait pas voulu assister au parlement de Quemquemtreu où on me jugea comme ennemi des Mapuches. La rancheria était en apparence déserte, mais dans les huttes et sous la ramée du chef il y avait grand mouvement. Les vieilles femmes chantaient en ronde, et quelques jeunes gens groupés à l’entrée se montraient inquiets de la caravane qui approchait. La cause de cette agitation était le grave état de Curuhuinca, si grave qu’on me dit que je ne pourrais pas le voir. Cependant je pénétrai dans son rancho-toldo (cabane-tente). L’énorme cacique était couché sur le sol, entouré de sa famille et gémissait continuellement ; mais peu de paroles suffirent à le réanimer. Les vieux se demandaient : Qui est cet homme qui pénètre ainsi dans la maison et parle de cette manière au chef bien-aimé, le consolant dans la pénible crise qu’ils croyaient mortelle ? L’air pleureur, gémissant de cette masse, avec des modulations d’enfant, était affligeant. Avant de lui dire qui j’étais, je m’informai de sa maladie. Il s’agissait simplement d’une terrible indigestion de vesces qui durait déjà depuis trois jours, et jeunes et vieux, femmes de tout âge, s’insinuant entre les objets de toute nature : peaux, toiles et paniers suspendus au plafond, qui obscurcissaient cet antre peu agréable à l’odorat, écoutaient avec attention le médecin inattendu ; leur surprise augmenta quand ils surent que cet étranger n’était rien moins que l’homme que fit prisonnier Shaihueque, et qui s’échappa sans qu’on n’ait jamais su comment. Le nom de Moreno était accompagné des ah ! des jeunes et des vieux, et Curuhuinca, au milieu de vomissements et de contorsions, trouva les forces pour me dire qu’il s’était opposé à ce que la terrible sentence du cacique Chacayal s’accomplit.

Shaihueque et Ñancucheo m’avaient dit plus d’une fois qu’au pied de la Cordillère, au passage du Chili, il y avait des caciques qui cultivaient la terre et que l’un d’eux était Curuhuinca. Les familles indigènes groupées autour de lui cultivent la terre : les blés enclos que nous apercevions témoignent de leur activité ; en outre, les femmes tissent, et avec toutes les ressources de cette humble ruche, ils commercent avec Junin de los Andes et Valdivia. J’appris que tous les légumes qui se consommaient à Junin provenaient des cultures des habitants de Curuhuinca, des champs de Trompul et de Pucara, près du lac Lacar, situé à quelques deux cents mètres des ranchos, et sur la rive duquel nous établissons un campement sous un bois de pommiers centenaires, après avoir administré au maître de céans une bonne dose de sel Epsom. J’avais accompli ce jour-là un des objets de mon voyage.

Je ne pus jouir que quelques heures du tranquille paysage du Lacar (680 m., planche IX, fig. 2). Je dus employer tout le bel après-midi à préparer les instructions relatives aux opérations que devaient effectuer Wolff, Zwilgmeyer et Hauthal au sud, et à recevoir la visite des indiens, dont la conversation roula principalement sur les mouvements — pour eux surnaturels — d’un vieux tronc de cyprès, à moitié flottant depuis un temps immémorial près du rivage du lac, lequel devait, d’après les naïfs indigènes, incarner quelque esprit malin qui « fait palpiter violemment le cœur », et dont il fut peu aisé de leur faire comprendre les mouvements giratoires mystérieux.

Dans la matinée du 29, je retournai en arrière pour atteindre le Rio Collon-Gura. Curuhuinca était déjà complètement rétabli de sa maladie, et sa bonne volonté nous était acquise pour que mes compagnons obtinssent facilement des guides (vaqueanos) et des aides. Bien que les indiens pénètrent peu dans les forêts, je ne pouvais compter sur d’autres éléments, et d’un autre côté, je savais, par les récits des vieillards qu’il a existé autrefois un sentier qui conduisait du lac Lacar au Nahuel-Huapi, traversant l’ouest du massif isolé de Chapelco et des volcans qui bordent de tufs le Limay de ce côté ; les aides de Curuhuinca pourraient chercher ce sentier qui faciliterait singulièrement les travaux que je préparais.

Depuis le campement du Manzanal, il n’est pas possible de se faire une idée exacte du lac Lacar, mais, toutes proportions gardées, l’aspect général offre une certaine ressemblance avec celui du lac des Quatre-Cantons (planche X).

Entre la surface morainique de la plaine au nord du Chapelco et les eaux du Lacar, on observe trois échelons bien marqués qui indiquent le changement de niveau du lac à une hauteur de 140 mètres. Je grimpai de nouveau sur cette moraine, et longeant la rive droite du fleuve Quilquihué qui reçoit un tributaire provenant de la montagne de Chapelco, je traversai la plaine pierreuse qui s’étend toujours à l’extrémité des ondulations glaciaires.

Depuis la confluence du Quilquihué et du Chimehuin (690 métres), le chemin continue à l’orient par la vallée moderne, et après avoir dépassé la montagne volcanique du Perro qui surplombe à l’angle nord-est ce point de jonction, on pénètre complètement dans la région caractéristique des plateaux patagoniques formés par des grès et des détritus volcaniques en couches horizontales de coloration agréable à la vue, qui égaient le paysage monotone.

M. Fischer dit que « la vallée du Chimehuin est limitée à l’orient par un chaînon de hauteur considérable couronné par la coupole caractéristique du Cerro del Perro », et ajoute que « ce chaînon qui se détache de la Cordillère au nord du Huechu-Lafquen, doit, selon son opinion, être encore considéré comme un contrefort de la Cordillère des Andes ». Rien de plus erroné que cette affirmation. Il n’y a pas de chaînon qui se détache ainsi de la Cordillère, je puis l’affirmer, puisque j’ai traversé la région située au nord du Chimehuin, et je n’ai rien trouvé qui ressemblât à un chaînon. Les collines qui limitent à l’orient la large vallée du Chimehuin, qui n’est pas non plus « encaissée » entre des montagnes, comme le dit plus loin M. Fischer, sont parallèles aux Andes ; et le cerro volcanique du Perro, qui n’atteint pas une hauteur si considérable, est une montagne tout à fait indépendante de la Cordillère (planche XI). Des erreurs et des confusions, comme celles que l’on rencontre trop fréquemment dans la relation de M. Fischer, dont le texte n’est pas toujours d’accord avec la carte qui l’accompagne, égarent le jugement de ceux qui s’occupent de l’orographie andine et engendrent des doutes préjudiciables. Soutenir que Junin de los Andes est situé à l’intérieur de la Cordillère équivaut à affirmer que Osorno est au cœur des Andes. L’énorme amplitude latérale à l’orient qu’attribue à cette cordillère, dans sa relation et sur sa carte, le savant explorateur danois au service du Chili, ne correspond nullement à la vérité orographique, comme il me sera facile de le démontrer avec plus de développement dans une autre occasion.

Toute la région que j’ai traversée, ce jour-ci, n’offre aucune difficulté à la construction d’un chemin de fer, et ce que j’ai vu et observé depuis le Malleu jusqu’au Collon-Cura, où nous arrivons vers le soir, confirme de plus en plus ma croyance que la ligne ferrée la plus utile et la plus facile à établir entre l’Atlantique et le Pacifique, dans la région du Sud, sera celle du port San Antonio à Junin de los Andes et Valdivia. Je reviendrai sur ce point plus loin.

L’estancia Ahlenfeld (560 m.) est située prés du Rio Collon-Cura sur l’ancien chemin indigène, et j’y passai la nuit, parfaitement accueilli par son propriétaire.

Schiörbeck, Soot et Roth s’étaient déjà dirigés à Caleufu pour m’y attendre, et le jour suivant j’allai les y rejoindre.

La large vallée du Collon-Cura est aujourd’hui moins peuplée qu’il y a vingt ans, quand les tribus indiennes de Molfinqueupu y avaient établi leurs tolderias, mais il faut espérer que ses propriétaires actuels ne laisseront pas dans un tel abandon un si beau morceau de terrain. Le fortin Sharples est en ruines, abandonné, ayant terminé sa mission. Un souvenir à mon pauvre cousin Anselme Sharples, soldat par vocation, mort en remplissant son devoir, et nous continuons notre route. La formation caractéristique de cette région se révélait dans les couches mises à nu des versants érodés des ravins : les laves basaltiques alternent avec les tufs qui recèlent une faune perdue des plus intéressantes, dont M. Roth a réuni plus tard un bon nombre de représentants ; le tout recouvert de débris glaciaires. Les laves proviennent des volcans du nord-est entre le Limay et le Collon-Cura, à l’ouest du massif granitique que borde le Limay dans cette direction. Dans le voisinage se trouve la pierre qui a donné le nom au parage et ce dernier au Rio Collon-Cura, « masque de pierre », environnée, lors de ma retraite de 1876, par les tolderias des frères Praillan et Llofquen. C’est sur ce point que je dus terminer ce voyage-là, arrêté par la tribu ivre et hostile.

Je ne voulus pas manquer de visiter le siège des conseils de guerre ou Aucantrahum, terminés pour toujours. J’y avais assisté deux fois, et la dernière dans de très mauvaises circonstances. Le grand cercle, débarrassé d’arbustes, tracé par les mille évolutions de la tactique indigène durant au moins un siècle dans ce lieu traditionnel, commençait à s’effacer, mais mes impressions étaient encore fraîches, et il me fut facile de remonter seize années en arrière. Mais les incertitudes ont passé, et mes prophéties, qui me servirent de cuirasse en ces moments pénibles où le plus prudent était de paraître brave et de faire bonne mine à mauvais jeu, se sont accomplies. Presque tous les vieux caciques qui m’entourèrent dans ce conseil ont disparu ; je crois qu’il ne survit que Shaihueque que j’espère rencontrer bientôt, loin de « ses champs », et « fixé » sur les lots que j’ai obtenus pour lui et ses tribus, près de Tecka, le « champ » du bon cacique Inacayal déjà décédé. Quemquemtreu, ainsi s’appelle l’endroit et la rivière voisine du plateau des « Conseils » sera, sans aucun doute, un centre de population une fois qu’on colonisera la vallée du Collon-Cura, et une station du chemin de fer qui doit passer par ici au Chili.

Tantôt côtoyant le fleuve, tantôt traversant les plateaux et les cañadones (vallées encaissées), sur les versants desquels on voit des blocs erratiques de grande dimension et d’épaisses couches de cailloux roulés, comme si ces fragments eussent été transportés par des glaces flottantes quand le plateau était un grand lac, nous arrivons à Caleufu.

Le Collon-Cura a rongé les masses de gneiss-granit qui paraissent former là la base des plateaux recouverts ensuite par des tufs et des roches néovolcaniques. La chaîne de l’orient, Moncol-Mahuido, paraît être aussi volcanique, et le Collon-Cura, dans cette région, coule à ses pieds. Je traversai le Caleufu près de sa confluence avec le Collon-Cura, et peu après, je campai dans le même site où j’avais dressé ma tente en 1876 et en 1880 (planche XII). Les tolderias de Shaihueque n’avaient laissé que des cendres d’os et les cercles de pierre et de terre brûlée des foyers (540 m.). Par contre, en ce moment, passait un grand troupeau de bestiaux qui, du Nahuel-Huapi, se dirigeait à Victoria (Chili). Là où autrefois s’élevaient les toldos, on a installé deux bergeries et une pulperia (un débit).

La vallée de Caleufu sera un centre important d’élevage et d’agriculture, car ces terres peuvent s’arroser facilement, et la vallée est assez large pour être exploitée avec profit. Ses collines voisines sont couvertes de pâturages.

Le 2 et le 3 mars, j’organisai les expéditions de Wolff, Soot, Hauthal et Roth qui devaient opérer entre Junin de los Andes et Nahuel-Huapi, et comme une compensation des mauvais moments passés, je refis, pendant le jour, le chemin que j’avais parcouru, dans la nuit du 11 février 1880, quand, avec mes fidèles serviteurs le soldat José Melgarejo et l’indien Gavino, nous nous enfuîmes du campement indien, et je pus apercevoir à la lumière du jour le premier rapide latéral où nous essuyâmes notre premier échec avec notre radeau primitif.

Ces souvenirs sont agréables quand la comparaison du passé avec le présent est à l’avantage de ce dernier. Cependant, je dois l’avouer, j’espérais trouver plus de progrès en ces parages ; mais comment l’obtenir, quand la terre, entre Junin de los Andes et Caleufu, n’a que deux propriétaires et que la population n’atteint pas à un homme pour cent kilomètres ?

Le 4, nous passons par Yalaleicura, tout près de la pierre mystérieuse que vénéraient tant les indigènes, simple conglomérat détaché du versant du plateau et qui domine la profonde vallée de la rivière de ce nom. Nous rencontrons quelques petites chaumières abandonnées et brûlées par leurs constructeurs, les émigrants chiliens. Nous marchons d’abord par les gorges, laissant à gauche le chemin qui va jusqu’à la confluence du Collon-Cura et du Limay, qui sera celui du chemin de fer. Les plateaux appartiennent au type général, recouverts de débris de l’épaisse couche de conglomérats qui couvre les grès et les vieux tufs ; mais en face de Yalaleicura se présente une muraille pittoresque de basalte formant une croupe peu accentuée, et paraît correspondre à une expansion locale de lave sous-lacustre. Les champs deviennent plus mauvais ; ils sont trop pierreux et exposés aux vents, mais les versants des collines, dans les environs des gorges et des vallées, sont riches en herbages et en sources. On aperçoit dans les dépressions des roches polies, comme si elles l’eussent été par les glaces pendant la seconde période glaciaire, mais je n’ai pas observé de stries : peut-être ont-elles été effacées par les eaux qui formèrent le torrent postérieur, déjà presque tari.

La végétation antérieure a dû être puissante, exubérante, car on aperçoit des couches d’humus de cinq mètres d’épaisseur. Le conglomérat est composé principalement de granit, de trachite et d’andésite. Le vieux cratère qui produisit les laves sous-lacustres, est bas, dénudé et ses laves offrent une pente douce ; depuis son sommet on jouit d’une vue étendue du grand plateau général. Au nord, il commence à la base extrême des chaînes de Catalin ; à l’ouest, il est limité d’abord par le massif de Chapelco, puis par le versant oriental d’un chaînon apparent, volcanique, à en juger par la couleur et son type orographique ; à l’orient par les chaînes de Moncol, puis par les roches néovolcaniques qui dominent le cours du Limay sur sa rive droite.

Le 5, à midi, nous descendons vers la vallée du Rio Limay, large de trois kilomètres en ce lieu, déjà occupée par des enclos de bestiaux. Le grand fleuve coule au milieu de vertes prairies qui se resserrent, à mesure que nous nous dirigeons au sud, jusqu’à former les défilés qu’offrent les premiers rapides. Là, la chaîne apparemment volcanique, que nous avions à l’ouest, traverse le fleuve et recouvre de ses laves et tufs le plateau dès que l’on a dépassé Chacabuco Viejo, nom du fortin qui s’élevait à l’endroit nommé auparavant Tran Mazanageyu (630 m.). Après avoir dépassé le premier défilé, j’observe de nouveau du granit recouvert d’une roche néovolcanique rose-clair, et à l’orient, de l’autre côté du fleuve, je crois remarquer que la roche, qui est d’aspect volcanique probablement porphyrique et de tufs porphyriques, est recouverte par des grès et des tufs, et ceux-ci, à leur tour, par du basalte plus moderne. L’absence de grands blocs erratiques me fait supposer que le Limay a formé là son lit à une époque postérieure aux glaciers des vallées.

Dans le second défilé, après avoir dépassé le Pichi-Limay, je trouve des pierres polies et des concavités circulaires dans les roches, formées par des eaux qui passèrent au-dessus, ce qui confirme ma croyance du caractère moderne de la fissure par où court actuellement le Limay. De là on domine les rapides où fit naufrage le hardi explorateur chilien Guillaume Cox. Il me semble que ces rapides sont formés de rocs détachés, peut-être de blocs erratiques transportés par les glaçons dans le lac de la seconde période des glaciers, avant que les eaux ne se soient métamorphosées en un fleuve.

Le paysage du Limay, à cette hauteur, est très beau et attrayant malgré les tonalités obscures des roches volcaniques : le vert profond des cyprès, les eaux azurées, les crêtes blanchâtres des avalanches liquides sur les rapides, et les petites cascades qui tombent sur des rideaux de mousses et de fougères rendent agréable la marche vers le Traful, principal affluent du Limay au sud du Collon-Cura (660 m.). Ce fleuve, qui coule sur un lit de galets, forme, avec sa vallée encaissée, un coude pittoresque. Son passage a la renommée d’être dangereux ; j’ai eu la bonne fortune de le trouver clément les trois fois que je l’ai traversé à de grands intervalles (planche XIII). Les curieuses formes que prennent les tufs par la décomposition et l’érosion varient à l’infini. Quelle profusion de tourelles, d’aiguilles gothiques, de pyramides égyptiennes, de coupoles romaines au-dessus et au pied de ces énormes murailles à pic !

Après avoir traversé un défilé si étroit qu’avec une claie d’un mètre on peut fermer le passage des troupeaux de dizaines de lieues, nous établissons notre campement dans un bas-fond abrité au pied de vieux cyprès et dominé par ces tours et ces pyramides. Rien de plus hardi qu’un énorme monolithe, gigantesque obélisque de quatre mètres de base sur cinquante de haut (planche XIV). Les roches stratifiées, sur lesquelles reposent les laves et les tufs, sont horizontales, et sans aucun doute les mouvements séismiques ne sont guère violent dans cette région quand les tufs se permettent de telles hardiesses. Ces derniers ne sont pas toujours de grain fin et souvent on observe de véritables conglomérats volcaniques. Le jour suivant, nous continuons à suivre la rive gauche du Limay, et, à midi, nous sortons des défilés pour pénétrer dans une région où la vallée, qui s’élargit toujours dominée par le vieux tuf porphyrique, présente de faibles ondulations ; nous apercevons quelques établissements sur la rive opposée ; nous dépassons une belle moraine frontale qui ferma autrefois la vallée et dans les dépressions de laquelle le fleuve a tracé son cours tortueux et nous gagnâmes la large et grande vallée, reste du lac Nahuel-Huapi qui se retire. Cette vallée où, tout près du lac, est situé le fortin Chacabuco (770 m.) ou plutôt ses ruines, au pied de montagnes volcaniques abruptes, devrait être déjà toute peuplée. Cependant, nous n’y voyons que quelques juments sauvages, des enclos et des maisons qui furent abandonnées quand se retirèrent les forces nationales. Je crois que ces terres sont encore fiscales, fort heureusement, et le gouvernement qui faciliterait sa colonisation immédiate ferait une œuvre patriotique.

À la nuit, nous arrivons à l’estancia de M. Jean Jones (820 m.), située dans la vieille vallée morainique du lac, protégée par les bois et entourée de très belles prairies. Les animaux de race font plaisir à voir (planche XV, fig. 1).



V

NAHUEL-HUAPI


Les énergiques habitants de cette localité industrieuse nous firent bon accueil, et, avec leur consentement, je résolus d’y établir un campement de réserve pour les sections du Musée qui travaillent dans cette zone. C’est sur ce point qu’en 1876 le cacique Inacayal avait ses tolderias ; mais quand je visitai le lac, cette année-là, Shaihueque ne me permit pas de m’approcher de la tolderia de Tequel-Malal, comme s’appelait alors ce parage.

Le jour suivant, je me dirigeai vers la péninsule de l’ouest à la recherche d’une proéminence d’où j’eusse pu dominer le grand lac et ses bras andins que je n’avais pas vus auparavant. Ce plateau est un paysage glaciaire typique extrêmement fertile ; les grands blocs de granit se dressent dans les ondulations des moraines au-dessus des splendides fraisiers qui procurent à notre palais d’agréables moments. Les moraines ont une élévation de cent mètres au-dessus du lac, et paraissent se prolonger en lignes parallèles de l’ouest-nord-ouest à l’est-sud-est magnétique ; les plus élevées sont les plus rapprochées du lac.

Le granit prédomine ; on remarque des blocs de cent quatre vingts mètres cubes, une roche porphyrique et des trachytes verdâtres et rouge-sombre. Le rocher élevé, sur lequel je grimpai pour dominer le lac, est de porphyre ou plutôt d’un granit porphyrique, le granit moderne de Stelzner. Sur ce rocher, on observe clairement le lit du glacier qui couvrit le lac : de profondes crevasses latérales arrondies lui donnent l’aspect caractéristique de dos de baleine ; les stries et les rainures polies se conservent bien. Ce promontoire est situé à trois cents mètres au-dessus du lac, et de là on domine le paysage morainique de la vallée orientale et une vaste étendue du lac avec ses quatre îles et les pittoresques bras occidentaux ; sur toute la rive, aussi loin qu’atteint la vue, une ceinture d’arbres, où dominent les cyprès, sépare du lac la moraine ondulée.

La Cordillère neigeuse, énorme, dentelée et arrondie, d’après la constitution rocheuse de ses sommets, forme comme un rideau sur la face ouest et sud-ouest ; au nord, les bois cachent les roches abruptes néovolcaniques. On voit que les blocs de granit proviennent des chaînes de l’ouest et du sud-ouest, et pour arriver jusqu’au point où je les observe, ils ont dû passer sur la partie du grand lac recouverte par le glacier aujourd’hui disparu. Dans cette région, le glacier le plus rapproché est celui du Tronador, aux sources du Rio Frio ; mais on n’aperçoit pas le géant neigeux dont la présence est révélé, malgré la distance considérable, par des coups de tonnerre rauques et profonds produits par la chute de la glace.

Je ne puis entrer maintenant dans une description de cette partie du lac ; elle se fera en son temps, renvoyant aux photographies qui accompagnent ces Notes. Je retourne à l’estancia de Jones. Il paraît que, si elle produit du blé, la terre a bien vite besoin d’engrais ; mais les pommes de terre, les pois, les fèves, les oignons donnent d’abondantes récoltes.

Les colons du lieu sont alarmés : une bande de maraudeurs chiliens est en train de commettre des brigandages ; deux jours avant notre arrivée, ils ont assassiné un habitant, et plus tard un de ceux de la même bande pour lui voler les bottes qu’il avait prises à sa victime. Cette partie de notre territoire est complètement abandonnée. Il est impossible qu’avec le personnel restreint dont il dispose, le gouverneur du Neuquen puisse surveiller tout le territoire, et il serait à souhaiter que le Ministre de la Guerre résolût d’envoyer à Nahuel-Huapi un corps de ligne qui pourrait être le noyau d’une colonie militaire très utile. Transportez là la colonie « Sargento Cabral » située dans les « mauvaises terres » de Catalin.

Le 8, de bonne heure, nous traversons le Limay dans le canot de Mr. Jones, en face de l’estancia de Gabriel Zavaleta.

Le fleuve coule au milieu de la moraine très abrupte et le parage serait excellent pour y construire un pont. À midi, j’arrivais au campement Schiörbeck dirigé par M. Bernichan et situé au pied du ravin où, en 1880, j’établis mon campement dans la hutte abandonnée de l’indien valdivien Guaito. Les poules caquetaient et l’on entendait le beuglement des vaches ; cette hutte avait été remplacée par de commodes maisons en bois, habitation du colon don José Tauscheck (planche XV, fig. 2), dont les cultures et les produits de l’élevage jouissent déjà d’une légitime renommée parmi les colons allemands de Llanquihué. Mais Tauscheck, de même que les autres hommes industrieux qui ont colonisé les rives du Nahuel-Huapi, n’est pas propriétaire du terrain qu’il a fait valoir par ses efforts : il fait partie d’une de ces incroyables concessions de trente-deux lieues et notre colon est exposé à être délogé sans avoir droit à aucune indemnisation de la part du propriétaire de la concession. Heureusement que tous les rivages du Nahuel-Huapi n’ont pas été dilapidés de cette façon, et qu’il est encore possible d’y établir la colonie que j’entrevois et dans laquelle le colon acquerra par le travail de ses mains la propriété de son lot.

D’après mes instructions, Schiörbeck opérait déjà sur le lac Gutierrez, et je m’en allai à sa recherche. Je revis ainsi le vénérable du lac, le cyprès centenaire que j’avais remarqué en 1880, près de la rivière Niereco sur le versant de la moraine, dominant la localité de San Carlos récemment fondée par les frères Wiederholtz, de Puerto Montt, fils d’allemands et membres de cette race énergique et laborieuse en formation au sud du Chili et que nous devrions tâcher de former en Patagonie.

La maison de commerce de MM. Wiederholtz pourvoit déjà aux besoins d’une vaste zone et exporte ses produits à Puerto Montt, disposant d’embarcations pour ce trafic. J’en vis là une de douze tonneaux que construisaient des charpentiers originaires de Chiloé ; ce sera la première embarcation de quelque importance qui sillonne les lacs patagoniques. Le commerce de laines, peaux, crins, pommes de terre, fromage, beurre et autres produits moins importants, permet d’expédier une embarcation tous les quinze jours à Puerto Blest, à l’extrémité occidentale du lac, d’où ces produits sont transportés en trois jours à Puerto Montt, tandis que pour les mener à Viedma, il faudrait plus d’un mois. Tant que l’on n’aura pas construit un chemin de fer entre le port San Antonio et Junin de los Andes avec un embranchement jusqu’au grand lac, c’est vers le Pacifique par Puerto Montt, via Nahuel-Huapi, que s’écouleront tous les produits depuis Caleufu jusqu’à la vallée 16 de Octubre au sud ; par contre, le jour où ce chemin de fer existera et se prolongera de Junin de los Andes à Villarica, le courant commercial changera. Le miel et la cire de Llanquihué ainsi que les passagers pour l’Europe du Chili austral, à partir de Concepcion, s’embarqueront au port de San Antonio. Tout en pensant à cet avenir de progrès déjà en voie de réalisation, je traversai les beaux parcs naturels qui entourent le lac au sud et dont la partie supérieure a été dévorée par un vorace incendie qui a détruit pour des milliers de piastres de bois de construction ; bientôt j’atteignis la rivière par laquelle le lac Gutierrez apporte le tribut de ses eaux au Nahuel-Huapi. C’est là que me rencontrèrent et s’emparèrent de ma personne les indiens envoyés par Shaihueque, en janvier 1880, au moment de la découverte du beau lac auquel j’imposai le nom du maître et ami vénéré, l’inoubliable Juan Maria Gutierrez. Cette tribu indienne avec son chef Chuaiman a totalement disparu, et en ce lieu agreste s’élève l’habitation du colon allemand Christian Bach (planche XV). Sa femme me dit que son mari est avec Schiörbeck, qu’ils se sont avancés vers l’ouest et ont laissé un aide pour leur transmettre mes instructions définitives ; je les leur envoie sur-le-champ. Je distribue aussi quelques jouets aux enfants, en souvenir des miens, et ne voulant pas perdre un moment, je retourne, satisfait, au campement Bernichan pour aller plus au sud.

Comme le paysage général ne s’est pas modifié depuis 1880, et que je n’ai pas le temps de faire une nouvelle description, je ne crois pas hors de place les réminiscences de mon voyage antérieur que je prends dans mon ouvrage inédit où il est décrit :

« Je passai la nuit du 17 au 18 janvier 1880 dans la gorge en face du Cerro Tupuan ; au matin je traversai la dernière ramification supérieure du Chubut, arrivant peu après au Rio Pia ou de la Hechicera. Je croyais trouver là Guilto, indien de Valdivia, interprète et secrétaire oral de Foyel ; mais son pauvre rancho ne renfermait plus d’autres êtres qu’un chien et l’unique chat apprivoisé que j’aie vu chez les indiens. Je fis l’ascension d’une plaine élevée, dominée par les plateaux et les montagnes, et de cette éminence, nous aperçûmes au loin, au milieu des brumes grisâtres et rosacées qui cachaient une partie des montagnes, les eaux bleues du lac désiré.

Dès les premiers temps de la conquête, les régions du sud attirèrent l’attention des espagnols. Mille rumeurs de promesses séduisantes plaçaient là les fameux Césars, création dorée de l’ambition de nos ancêtres, et dont, pour moi, la base doit être recherchée dans les rapports qui, des deux côtés de la Cordillère, avaient été faits par les indigènes au sujet de centres européens qui se formaient au Chili et dans le Tucuman, centres qui se transformaient en villes presque orientales dans l’esprit perspicace de l’indien auquel n’échappaient sans doute pas les rêves de richesses des envahisseurs blancs.

Les jésuites ne voulurent pas rester en arrière des soldats, et, en 1643, ils tâchèrent de pénétrer le mystère et de porter à cette cité mystique, qui avait oublié la loi de Dieu, la lumière de l’Évangile, parcourant plusieurs fois la côte occidentale de la Patagonie, mais sans trouver autre chose que des tribus barbares.

En 1665, le Père Mascardi fut le premier qui pénétra à l’est des Andes, et comme le vaillant prêtre ne trouva pas traces des villes des Césars qu’il cherchait avec ardeur, il fit un second voyage, guidé cette fois par quelques indiens de l’orient andin, prisonniers au Chili, pour lesquels Mascardi avait obtenu la liberté et qui, par reconnaissance, se montrèrent disposés à écouter la Parole chrétienne et à le mettre en relation avec les habitants de la ville enchantée. Il traversa la Cordillère, et, en 1670, il découvrit le Nahuel-Huapi sur la rive nord duquel il fonda la mission jésuite de ce nom, en quoi il fut aidé par les indigènes ; cette fondation ne satisfit pas entièrement son ambition de trouver les Césars, à la recherche desquels il fit des voyages répétés : dans l’un d’eux, il arriva par le sud-sud-ouest au Pacifique, et mourut assassiné par les sauvages, en 1673.

Le Père José de Zuñiga voulut continuer l’œuvre évangélique de Mascardi, en fondant à l’occident de la Cordillère, près du lac Ranco, une seconde mission qu’il abandonna en 1686, et se rendit a Chiloé par le chemin de Nahuel-Huapi. Le Père Rifler et le Père José Guillermos continuèrent leurs travaux parmi les Pehuenches ; ce dernier réussit à aller de Chiloé jusqu’au Nahuel-Huapi à la mission que le Père Laguna devait restaurer. L’itinéraire que, d’après Cox, suivit Laguna passe au nord du lac, ainsi que celui du Père Guillermos.

Le Père Laguna retourna à Chiloé, en traversant le lac en radeau, et franchissant les Andes au pied du Tronador, probablement par le Passage de Perez Rosales, il descendit par le Rio Puella, traversa en radeau le lac Todos los Santos, et poursuivant son voyage au milieu de terrains marécageux, il arriva au golfe de Reloncavi, où il s’embarqua pour Castro.

Il revint peu de temps après, par le même chemin, accompagné par les indiens, avec les outils nécessaires à la construction de l’église, outils qu’ils chargèrent sur leurs épaules.

La mission de Nahuel-Huapi prospéra pendant sept années ; les indiens, alors très nombreux, accueillirent bien les missionnaires, et ce fut à la fin de cette période que le Père Guillermos eut connaissance de l’existence du vieux chemin de Bariloche, déjà effacé et qui était peut-être celui qu’avait suivi le Père Mascardi dans une de ses excursions ; il tâcha de le rétablir et y réussit, frayant avec la hache et le machete (long et large coutelas) un sentier à travers le bois, vers l’ouest, tandis que le Père Gaspard López entreprenait de l’autre côté la même tâche, et avec un succèsc tel qu’en arrivant au sommet, il rencontra les marques que Guillermos avait gravées sur le tronc des arbres dans sa marche en avant. Ce travail, qui devait donner d’immenses résultats, et qui, non interrompu, aurait été la porte d’entrée de la civilisation en Patagonie, fut mal vu des indiens ; ces derniers, redoutant des agressions espagnoles, incendièrent la mission ; mais le Père Guillermos ne se découragea pas, et acheva son œuvre après trois mois de travail : les mules passaient en trois jours de Ralun a Nahuel-Huapi. La mort fut toute la récompense que reçut le missionnaire ; appelé par le cacique Manquehuanay pour confesser un malade, il mourut empoisonné par un verre de chicha (1716) qui contenait, peut-être, le même poison que, cent soixante-quatre ans plus tard et non loin de la, nous primes, mon interprète l’indien Hernández et moi, offert avec des fraises, et auquel je n’échappai qu’à grand peine, tandis que mon compagnon en succomba.

Le Père Elguea fut assassiné dans ce parage l’année suivante et son corps brûlé en même temps que l’église qu’avaient élevée ces hommes infatigables ; il paraît que dès lors Nahuel-Huapi ne fut plus habité par des blancs ; l’indien fut le seul habitant de ces terres aussi majestueuses que sauvages. Ce n’est qu’en 1792 que le Père Melendez partit à la recherche des restes de la mission ; il prit le chemin du nord, par les lacs Calbutué et Todos los Santos, longea les versants du Tronador, passa la Cordillère et, continuant au nord, arriva à un petit lac que, dans la suite, Cox appela Lago de los Cauquenes, situé au pied d’une montagne élevée nommée depuis Cerro de la Esperanza, par Vicente Gómez ; ce dernier put, en 1855, apercevoir depuis son sommet, la grande surface azurée du Nahuel-Huapi. Sur ses bords, Melendez construisit une pirogue (dont les restes furent trouvés plus tard par Cox), et y navigua, mais sans trouver les vestiges de la mission que lui indiquèrent quelques indiens comme étant situés à environ cinq cents mètres de l’embouchure du Limav.

Cox dit que quelques indiens conservaient la tradition de chrétiens qui avaient vécu prés du lac, et pendant mon premier voyage, je tâchai de vérifier si parmi les indigènes il y avait quelque chose de plus qu’un souvenir de la mission. J’avais entendu dire qu’Inacayal gardait la cloche, mais cet indien ne sut rien me dire là dessus. Au commencement, ils niaient que les blancs eussent traversé la Cordillère, mais peu à peu ils avouèrent l’existence de la mission et l’assassinat des missionnaires ; ils me parlèrent de la tradition d’une image vêtue comme une dame, et rattachaient ces souvenirs à celui des expéditions à la recherche des Césars que, croyaient-ils, je cherchais également.

Le Père Falkner, qui n’a pas pénétré en Patagonie, parle d’une pierre qui ressemblait à une femme, et qui se trouvait prés de Tequel-Malal, et il donne ce nom à un des grands coudes que fait le Rio Negro avant de déboucher dans l’Atlantique. Je crois que Falkner prit ce renseignement des missionnaires de Nahuel-Huapi, car la figure de pierre existe réellement, mais sur la rive du Collon-Cura.

Je suis arrivé à cinquante mètres de cette pierre ; elle était entourée par les toldos ; je pus l’examiner, mais je dus aux bons jarrets de mon cheval d’échapper aux assassins, le 4 février 1876. Le Gollon-Cura est situé à mille kilomètres du point indiqué par Falkner et c’est le plus grand des affluents du Limay. Tequel-Malal n’est pas à l’encoignure signalée par le jésuite irlandais, mais bien dans la région nord du Nahuel-Huapi, auquel les indiens donnent aussi ce nom ; il est à cent cinquante kilomètres de la pierre.

Avec la ruine de la mission cessèrent les voyages des jésuites ; le champ fut occupé par les explorateurs qui sont les missionnaires de l’époque moderne. Cette ère fut ouverte par le pilote Villarino en 1782, et si ceux qui l’ont suivi sont allés plus loin, aucun ne l’a dépassé en persévérance. Il faut avoir parcouru le Rio Negro et le Limay pour admirer, comme il le mérite, ce grand voyage depuis l’Atlantique jusqu’au Collon-Cura ; depuis les tristes falaises de l’Océan jusqu’aux imposants paysages que dominent les cônes volcaniques du Quetropillan et du Villarica, le tout effectué au moyen d’embarcations pesantes, souvent remorquées à travers des difficultés de tout genre ; c’est ce qui fait que le voyage de Villarino sera toujours cité avec honneur dans la géographie argentine.

C’est au pilote espagnol qu’on doit le premier croquis du Rio Negro et du Limay, et si, dans sa navigation, il choisit le bras du Chimehuin ou Collon-Cura, abandonnant le grand fleuve, cela ne diminue en rien l’importance de cette reconnaissance, puisque, comme je l’ai dit au retour de mon premier voyage, le Limay cesse là d’être navigable. Villarino n’a pas atteint le Nahuel-Huapi. Beaucoup d’années s’écoulèrent avant que de nouveaux explorateurs de l’un et de l’autre côté des Andes s’aventurassent dans ces parages. Au Chili, pourtant, quelques voyageurs ajoutèrent de nouvelles notions à la géographie de la province de Valdivia, en étudiant le lac de ce nom et celui de Todos los Santos ; ce n’est qu’en 1849 que le gouvernement chilien envoya l’officier de marine Muñoz Garvero explorer la Cordillère, et chercher le lac Nahuel-Huapi, mais il ne put y réussir malgré tous ses efforts.

Ce fut V. Perez Rosales, intendant de Llanquihué, qui découvrit en 1855 le passage cherché, envoyant une expédition dirigée par Vicente Gomez, lequel réussit à distinguer les eaux lacustres argentines où seulement l’année suivante parvinrent les voyageurs Fonk et Hess. Ceux-ci partirent avec treize compagnons de Puerto Montt, remontèrent le Rio Peulla, traversèrent la Cordillère, et atteignirent le lac sur les rives duquel ils construisirent un canot, au moyen duquel ils naviguèrent — d’après eux — soixante-quinze kilomètres (ce qui me parait exagéré), jusqu’à la Punta de San Pedro.

Guillaume Cox est le premier explorateur heureux du Nahuel-Huapi ; désireux d’ouvrir un chemin interocéanique commode, en profitant des voies fluviales et lacustres situées entre les 40° et 42° il se lança en personne à la recherche des preuves dont il avait besoin pour réaliser sa grande entreprise. Il partit de Llanquihué en 1862, traversa le boquete (col, passage étroit) de Perez Rosales, et après un pénible voyage, il arriva, le 28 décembre, à la rive du lac. Son journal de voyage, malheureusement rare à Buenos Aires, contient de très belles pages descriptives sur ces régions. Sur l’emplacement de son premier campement, il trouva les restes des canots du Père Melendez et du docteur Fonk.

Après avoir parcouru une partie du Rio Frio qui nait sur les versants du Tronador, le 4 janvier ils lancèrent le canot qu’ils avaient construit, et Cox s’y embarqua avec trois compagnons, tandis que les autres retournèrent à Puerto Montt. La « Aventura » eut à lutter contre les vagues et les rochers du lac, et plus d’une fois elle fut sur le point de sombrer ce jour-là et le suivant et perdit des provisions. Ils visitèrent le promontoire de San Pedro et aperçurent sept îles dans la grande baie du nord ; ils pénétrèrent dans la grande baie, et dans la description du voyage de cette journée je trouve indiquée la grande ouverture du Paso de Bariloche, aussi soupçonné par Cox, mais sans avoir pu l’explorer, et le 7 janvier, après avoir traversé le lac dans toute sa largueur, ils pénétrèrent dans le Limay.

L’enthousiasme des explorateurs ne pouvait être plus grand, mais les difficultés étaient insurmontables, et le vaillant Cox eut le malheur de perdre son canot dans les rapides du fleuve à quelques lieues de sa source, et se sauva à la nage avec ses compagnons. Trouvé par les indiens et plus ou moins bien traité, souffrant souvent de cruelles fatigues et exposé à de grands dangers, il obtint qu’on lui permit d’aller au Chili, et de retourner aux toldos, comptant sur la promesse que lui avait faite Inacayal de le conduire jusqu’à Patagones. Cette promesse ne fut jamais tenue à cause de la défiance de Shaihueque.

Grâce à son exploration du lac et à ses deux excursions depuis Ranco à Caleufu, Cox fit connaître d’une manière assez détaillée ces régions, si l’on tient compte du peu de ressources dont il disposait. Si son plan échoua, ce ne fut pas faute d’efforts et moi qui ai eu le privilège de visiter ces mêmes parages, je paie ici avec plaisir un tribut de respect à mon collègue chilien.

Lors même que le capitaine de la marine chilienne Vidal Gamaz n’a pas atteint le Nahuel-Huapi, son expédition mérite d’être citée pour le grand nombre de données qu’elle fournit sur la région voisine à l’occident des Andes. Dans le but d’étudier, en 1871, le golfe de Reloncavi et ses environs, les fleuves et passages andins, ce marin distingué visita la région comprise entre ce golfe et le lac Todos los Santos, en faisant un examen détaillé du petit lac Cayutué, situé en face de la grande ouverture au sud du Tronador qui renferme l’ancien chemin de Bariloche. C’est aussi mon opinion, et cette ouverture ou gorge doit correspondre à celle du lac Gutiérrez que j’ai étudié dans mon dernier voyage.

C’est à cinquante kilomètres de Nahuel-Huapi qu’a passé le capitaine Musters, le voyageur moderne qui a séjourné le plus de temps parmi les indigènes patagons, et nous a laissé un livre excellent sur les us et coutumes et la vie intime de l’indien, mais qui, malheureusement, ne voyageait pas dans des conditions qui lui permissent d’effectuer des observations géographiques sur les lacs andins.

Tous les voyageurs cités sont parvenus au lac par le versant chilien.

Du 20 au 22 janvier 1876, je pus jouir de la magnificence du Nahuel-Huapi ; mon assistant et moi nous sommes les premiers blancs qui, de l’Atlantique, soient arrivés à boire ses eaux limpides ; mais alors je n’avais atteint que sa rive nord. Je m’étais donc promis de visiter ses rives compliquées du sud et de l’ouest. Le rideau de brumes, qui couvrait pendant la nuit du 18 janvier 1880 la grande scène de cette nature puissante, au lieu de se lever d’une manière uniforme devant nos yeux qui ne voulaient pas perdre le moindre détail de la décoration, se déchira en tourbillons de tulles acérés et roses.

Nous donnâmes un peu de repos aux chevaux et dès que fut passée la première impression d’admiration, nous tâchâmes de voir le fond de la vallée qui s’étendait à nos pieds, à travers l’édredon de nuages froids et blanchâtres que les premiers feux du soleil levant ne doraient pas encore. Tout dormait ; seules les eaux lointaines au fond des grandes baies se berçaient mollement ; de ténus fils d’or brillant ourlaient de zigzags fantastiques les crêtes neigeuses andines qui se détachaient sur l’azur discret, tandis que la base était enveloppée par de grands strates de nuages plombés plus ou moins épais et au milieu desquels nous distinguions les cimes des cyprès. Quelques moments après, de légers flocons de brume commençaient à s’élever et à se dissiper en atteignant la zone où nous étions, et où soufflait déjà le vent de la pampa provoqué par l’aurore, et l’apparition, sur la ligne sombre des plateaux volcaniques, du soleil dans toute sa magnificence, éclaira cet ensemble grandiose, et détacha, au milieu des jeux de lumières et d’ombres, les reliefs du terrain, des eaux et des forêts avec la netteté particulière à un beau jour austral.

Ce n’est qu’alors que nous pûmes nous orienter sur le versant escarpé, et, en arrivant au pied, nous nous trouvâmes à l’improviste au milieu d’un petit campement indien, occupé par quelques araucans et valdiviens. Ils étaient justement livrés à une de ces bacchanales si communes sur les versants des Andes, quand au printemps la fonte des neiges permet le passage des aucaches, commergants de l’horrible eau-de-vie de Tolten. Deux de ceux-ci étaient arrivés cette nuit-là avec quatre barriques, destinées à l’achat de chevaux dans les tolderias de Inacayal, et qui avaient été confisquées par un lieutenant de Shaihueque.

Nous restâmes à peine quelques minutes dans les toldos et nous nous dirigeâmes au nord-ouest, par une plaine très riche en herbages et en fraises, arrosée par plusieurs rivières ombragées par de grands arbres. Après avoir traversé un rio torrentueux qui se verse dans le lac, nous passons par une prairie boisée, ondulée, formée par des moraines glaciaires anciennes, et un peu plus tard, nous nous trouvons au bord du lac en face de l’endroit où j’avais campé, en 1876, sur la rive opposée.

La Patagonie est la digne rivale de la Suisse pour la magnificence de sa nature.

J’ai visité la Suisse et ses grands lacs après avoir parcouru la Patagonie, et j’estime que la Suisse est une réduction habitée de la Patagonie andine ; aucun de ses lacs ne peut rivaliser avec la majesté imposante, immense du lac Viedma ; aucun de ses glaciers, avec la mer de glace semblable à un morceau de côte groënlandaise, que domine le volcan Fitz Roy. Le lac Argentin est plus sauvage, plus altier que celui des Quatre-Cantons ; tout ce qu’à celui-ci, il le possède, sauf la main de l’homme, mais sur une plus grande échelle, proportionnée à ses dimensions. Les montagnes sont plus élevées et plus pittoresques : ses forêts sont vierges, tandis qu’en Suisse on voit le passage de la hache et de la scie ; ses glaciers remplacent, par une escadre de glaçons gigantesques, magiques, qui défilent devant les forêts en fleur, les blanches embarcations ou les vapeurs qui conduisent en Suisse le touriste. Le lac San Martin, séparé des canaux andins par les monts Lavalle, n’a pas d’égal parmi ceux de dimensions plus modestes que j’ai vus, comme celui de Brienz ; les pics neigeux des environs sont aussi imposants que la Jungfrau. Le Nahuel-Huapi aurait de la ressemblance avec le lac Léman, si à ce dernier on ajoutait celui des Quatre-Cantons. Le Mont-Blanc a un frère dans le Tronador, géant géologique toujours en colère et toujours rugissant.

Au point que j’ai signalé, je trouvai des huttes et y campai. Inacayal, propriétaire, selon lui, des régions du lac, avait accordé à quelques indiens valdiviens, cultivateurs, la permission de s’établir sur son territoire ; c’étaient les premiers pas dans la voie du progrès, si peu connue à l’indien. Les nouveaux habitants avaient ébauché le modeste tracé d’une ville argentine future, où je trouvai des plantations de maïs, de l’orge déjà épié, et divers légumes qui composèrent notre menu dont le plat de résistance était la viande de cheval.

De ce point-là, défendu en partie par le bois et le torrent enchanteur, je dominais tout le lac, et sur une belle esplanade, j’ai déployé le drapeau argentin qui, pour la deuxième fois, reflétait ses couleurs dans les eaux et dans les glaciers andins.

Aussitôt après avoir installé le camp et avoir monté le théodolite, je reçus quelques indiens qui venaient voir le chrétien. Pour le moment, il n’y avait pas grand danger ; l’instrument leur inspirait du respect, car ils le considéraient comme une arme puissante, et, en outre, mon armée de cinq hommes montait tour à tour la garde sur la hauteur, le remington à l’épaule, car nous nous trouvions à une journée et demie des tolderias de Shaihueque. Je suis resté là jusqu’au 22 janvier, ayant effectué, le 20, une reconnaissance à la source du Limay que je connaissais depuis son embouchure dans l’Atlantique. Ce grand fleuve du sud nait à 728 mètres[4] au-dessus du niveau de la mer, et se lance avec une grande rapidité dans un canal de cent mètres de large.

Au pied de l’esplanade, où abondent les fraises, entourée de bois élevés et de la végétation qui s’étend jusqu’au lac, la rive est couverte de grands blocs erratiques mollement caressés par les eaux paisibles, mais contre lesquels se brisent avec fracas les vagues les jours d’ouragan.

Les eaux du lac sont d’un bleu obscur au centre, comme celles du lac de Genève, azurées, d’un blanc opaque, puis couleur d’argent liquide prés de la plage où miroitent les paillettes de mica et le quartz blanc cristallin.

Les petits torrents qui naissent sous bois, parmi les racines des vieux troncs et qui descendent en pente raide, servent, avec les arbres qui les ombragent, de petits enclos de propriétés où les valdiviens avaient construit leurs chaumières à l’abri des élégants maitenes.

Vers le nord-est, en suivant les rives lacustres, l’ancienne moraine s’infléchit à l’est, en laissant un marécage traversé par des rangées d’arbres. C’est une plaine sablonneuse, de formation récente, recouverte de blocs erratiques et qui s’est formée des détritus que la rivière Ñirehuau, qui la traversé, a entrainés des montagnes voisines. Cette rivière, de cinquante mètres de large, et très bien ombragée, descend d’une gorge obscure dominée par de grands rochers à pic, de deux cents mètres de hauteur, et couronnés par des cyprès pointus obscurs qui font contraste avec le jaune des versants. Je gravis, un jour, ces rochers, et découvris quelques cavernes qui ont servi d’habitations humaines. Dans l’une d’elle, formée par deux pièces complétement obscures, j’ai creusé au hasard, et ai extrait un crâne huma¡n ; sur les murs des autres, il y avait des peintures et j’y découvris les mêmes objets de pierre et de bois que dans les cavernes du centre du territoire. L’aspérité du terrain démontre que les habitants des grottes avaient cherché là un refuge et peut-être était-ce le dernier domicile d’une tribu persécutée dans ces luttes pseudo-religieuses qu’engendre dans ces contrées l’exploitation des devins. Le promontoire est dominé par une montagne sur les flancs de laquelle on voit diverses couches de phonolithes, et à ses pieds se déroulent les trois baies qui précédent la sortie du Limay. C’est probablement la que la général Villegas fit déployer le drapeau national deux ans plus tard. Les eaux du lac forment, en sortant, des ondes violentes, et sur les bords il y a des pierres erratiques qui donnent naissance à de petits rapides, mais au centre il n’y a pas d’obstacle ; par là passa le canot de Cox.

Les eaux sont bleues, mais deviennent bleu-verdâtre à un coude brusque où elles se précipitent avec grand bruit ; elles se dirigent d’abord au sud-sud-est, puis au nord-nord-ouest ; sur ce dernier point, le Limay a soixante-quinze mètres de large et est bordé de collines glaciaires. Du fleuve, au nord, une série de collines plus ou moins élevées avec des pâturages et des massifs de bois limite le lac, et, à leur pied, on aperçoit une bande étroite de végétation touffue.

La rangée d’arbres de couleur vert-plomb s’étend le long des jolies baies, au milieu d’un paysage semblable à celui du lac de Genève du côté de la Savoie, jusqu’à un promontoire qui resserre le grand bassin. Vers l’ouest se détache de la rive une petite île boisée. Les collines sont dominées au nord par d’autres dont l’élévation augmente par des gradins recouverts, en partie, de bois et couronnés de laves anciennes qui paraissent des forteresses détruites. Les monts dévient vers l’ouest avec de nombreuses gorges, et à travers leurs ouvertures profondes, on en distingue d’autres plus élevés, jaunâtres, neigeux qui sont séparés des premiers par un bras du lac. Du campement, on parvient à voir des ondulations jaunâtres, vert-pâle et grises, qui s’élèvent comme de grands mamelons depuis le promontoire couvert de bois. L’ensemble offre un coup d’œil pittoresque, surtout vers le soir quand les ombres du jour, qui avancent, graduent les tons chauds et vifs du milieu de la journée, et, bien qu’effaçant les détails, détachent en demi-teintes, insensiblement graduées, les silhouettes des grandes masses (planche XVII).

Le panorama est sauvage, solitaire, et le silence de la nature augmente encore la solennité de ce lieu.

Au fond du grand bassin, quelquefois orageux, sombre, prison de vagues à crêtes écumeuses, et parfois limpide comme un miroir, on voit des îles presque circulaires et d’autres longues comme d’énormes baleines.

Derrière ces îles, au loin, s’élève la sévère et grandiose Cordillère avec ses pics hardis et ses massifs boisés et neigeux, de teintes verdâtre, rougeâtre, noirâtre, bleue et blanche vers les cimes, toute fracturée par de profondes gorges, véritables fjörds norvégiens dont le principal, très étendu, est limité par une montagne toute blanche, mystérieuse et pleine d’attraits pour le voyageur.

Des deux côtés du grand fjörds, s’élèvent des montagnes à pic ; mais celles du côté nord sont moins accidentées. Au premier plan, au fond sud-ouest, les belles montagnes à cime aiguë apparaissent comme un immense coutelas, couvertes de neiges éternelles, et auxquelles j’ai donné le nom de Vicente López, l’immortel auteur de l’hymne national argentin. Le versant opposé au nord est rougeâtre et boisé ; celui de l’est — qui est celui que j’ai signalé — peu incliné, concave, recouvert de neige fraichement tombée sur l’azur des glaces perpétuelles, est une merveilleuse représentation naturelle du pavillon argentin.

Un peu plus loin s’avance un autre massif boisé qui cache de hautes montagnes couronnées de neiges éternelles. Le Tronador n’était pas très visible depuis le campement, mais bien depuis l’embouchure du Limay, avec son sommet presque toujours enveloppé de nuages.

Une grande colline ou montagne peu élevée avec un versant très abrupt recouvert de forêts, dont la base baigne dans le lac, masque une vallée qui s’étend entre elle et les montagnes antérieures, et au-devant de cette vallée vers l’est-sud-est s’élève un autre massif de sommets plus arrondis qui cache le Tronador.

Un pic dont le versant abrupt opposé au sud-est est couvert de neige et de forêts domine une gorge profonde qui va à l’ouest-sud-ouest et est fermée au nord-ouest par d’autres montagnes. Après cette grande gorge, il y a quelques montagnes plus basses qui vont de l’est à l’ouest, limitant de ce côté le grand lac et son ancienne vallée glaciaire, traversant parallèlement aux Andes par des moraines formées de blocs anguleux de grande dimension et presque recouvertes de la nouvelle terre qui se forme par la décomposition des roches et la végétation qui les recouvre.

Près de la rive sud du lac, depuis la pointe située en face de la petite île du nord, il y a trois îles dont l’orientale est la plus petite. Ce côté du lac est plus élevé et plus pittoresque que l’autre ; les gorges, les forêts, les anciennes moraines avec leurs prairies naturelles et leurs bosquets, forment un tableau sans rival.

Nous sommes restés jusqu’au 22, ai-je dit, dans le campement ; j’aurais désiré y séjourner davantage pour exécuter — appuyé sur une triangulation détaillée — un levé plus complet du lac, mais les indigènes prenaient une attitude chaque jour plus menaçante.

L’estafette envoyée par le cacique Inacayal à Shaihueque n’avait pas voulu aller jusqu’aux tolderias de celui-ci, craignant d’être porteur « de mauvaises paroles » qui auraient pu lui faire passer un mauvais quart d’heure.

On me prévint qu’aux environs s’était établi un groupe important de guerriers qui m’épiaient, et comme, ce jour-là, j’avais risqué être cerné avant d’arriver à l’extrémité ouest du lac où je désirais aller, je levai le camp à midi, en emportant toutes les collections, et me dirigeai dans cette direction-là.

Je voulais suivre toute la rive sud du lac et tâcher d’arriver à Tecka, par la Cordillère, dépistant ainsi les Mapuches. Le chemin, que j’ai parcouru ce jour-là, est le plus beau dont je conserve le souvenir dans ma vie de voyageur. Les Fitz-roya patagonica et les Libocedris chilensis, les deux beaux et utiles conifères antarctiques, croissent en profusion et promettent grande fortune aux scieries de l’avenir. J’ai mesuré, ce jour-la, un des premiers : son tronc, à la hauteur d’un homme à cheval, avait plus de huit mètres de circonférence[5], et ces arbres, dans quelques parages, sont si nombreux qu’il est impossible de passer à travers. Les coihués de trente-cinq mètres de haut, ombragent le bord des rivières et forment parfois des ponts naturels. Les maitenes constituent d’épais bosquets.

Dans les pittoresques prairies, tapissées de gazon et de fraisiers, alternent le chêne, le cannellier, le laurier et le pommier.

Nous passons la nuit sous un grand cyprès, au bord d’un torrent, dans une plaine entourée de bois, à quelques centaines de mètres au-dessus du lac. Dans le torrent, j’ai trouvé des roches carbonifères avec des restes fossiles de végétaux.

Le lendemain, nous trouvons un sentier indien entre la forêt et les montagnes ; les arbres sont si épais que le cheval ne peut passer, et d’autres fois nous marchons sous d’obscures galeries végétales.

Nous arrivons ainsi à une rivière qui descend du sud-sud-ouest, et près d’un champ de blé, propriété de l’araucan chilien Colomilla, limité par des terres couvertes de tourbe qui, étant inondées ainsi qu’une partie de la forêt, nous empêchent de marcher à l’ouest.

Nous campons aux bords de la rivière, sous un coihué touffu entouré de bambous dont les indiens font des lances. En face, nous avons la presqu’île San Pedro que Cox prit pour une île, où le père Melendez, je crois, arriva au siècle passé, et devant elle, au nord, trois îles. La presqu’île va de l’ouest-sud-ouest à l’est-nord-est avec des indentations capricieuses entourant une grande baie qui en temps d’étiage se transforme, me parait-il, en lagune. Sa pointe orientale avance couverte de bois, formant de profondes indentations qui lui donnent l’aspect d’une gigantesque étoile de mer vert-obscure. À l’arrière-plan s’allonge le fjörd profond par où descendit, du col Perez Rosales, l’explorateur Cox, et le beau Mont Lopez dominant le tout de ses neiges blanches et de ses vertes forêts, à moitié détruites à leur base par un incendie récent.

Je laissai mes gens dans le campement et j’avançai avec un homme au sud-ouest à la recherche d’un passage. Le sol était très boisé et extrêmement friable, et les arbustes épineux très touffus, ce qui nous obligeait à entrer dans le torrent et à avancer ainsi péniblement, parfois presque à la nage. Heureusement, un peu plus loin, je découvris de petits prés situés au fond d’une vallée cachée derrière la montagne boisée et peu élevée qui limite de ce côté le lac, et qui précède un nouveau lac dont j’ignorais l’existence ; ce nouveau bassin lacustre présente une surface tranquille, encadrée par une nature des plus pittoresques, et s’interne vers le sud-ouest entre des hauteurs peu accentuées.

Vers l’est, je voyais une grande gorge par où l’on distinguait, au loin, le grand promontoire des cavernes situées prés du Limay. Les arbres arrivaient jusqu’à l’eau, et il nous fut impossible de marcher, un seul moment, sur le rivage. Au point où les eaux de ce lac s’écoulent par le torrent, je trouvai quantité de grandes pierres disposées par des hommes, dans l’intention d’empêcher la sortie rapide de l’eau, et profitant des petits canaux ainsi artificiellement créés pour la pêche ; et sur les rives, de grands pieux travaillés, avec des marques de hache et de foret très anciennes. Ces pieux et d’autres que j’observai durant l’excursion de ce jour-l), formèrent, peut-être, il y a des années, les radeaux des missionnaires jésuites qui maintenaient par là des Communications avec le Chili.

Je n’ai pas le moindre doute d’avoir trouvé, ce jour-là, le fameux « Paso de Bariloche » ; toutes les notices anciennes que j’ai examinées concordent parfaitement avec mes observations. Le chemin des jésuites côtoyait ce lac (que ne mentionnent pas, il est vrai, les anciennes chroniques qui ne contiennent que des détails insignifiants sur le paysage) ; il gravissait une basse montagne et descendait au couchant des Andes probablement au lac Calbutué, étudié par le capitaine Vidal Gormaz qui mentionne, à l’orient du dit lac, une grande gorge par où passe le chemin en question. C’est ainsi qu’un chilien et un argentin ont signalé les deux sections extrêmes de l’ancien chemin qui, une fois rétabli, mettra en communication les deux pays, et établira de très importantes relations commerciales. Une des plus grandes compensations de ma vie de voyageur a été cette découverte, en songeant aux avantages énormes qu’elle pourra rapporter quand la civilisation explorera en détail ces régions.

Je marchai dans l’eau cristalline en suivant le bord du précipice inondé, l’unique chemin qu’il fallait suivre presque à la nage, obstrué qu’il était par de grands troncs submergés et des blocs erratiques. Quand il fut impossible d’avancer à cheval, je laissai ma monture dans une clairière, et pénétrai, avec l’assistant, pendant trois heures, dans cette forêt splendide que masquaient les roches du versant. Les arbres les plus élevés étaient brûlés, et d’après les indigènes que je consultais plus tard, l’incendie provenait du Chili, puisque eux-mêmes n’avaient jamais pénétré jusque là. À cinq heures de l’après-midi, il était déjà impossible d’avancer à travers les arbres, les bambous et les troncs corpulents pourris de l’intérieur, d’où jaillissaient des sources. Nous n’avions pas de hache pour nous ouvrir le passage, et plusieurs fois nous dûmes nous frayer un passage au-dessus des tiges entrelacées des bambous.

De ce point-là, à deux cent cinquante mètres au-dessus du petit lac, nous n’apercevons plus de montagnes à l’ouest ; le lac s’étendait dans cette direction sans que nous pussions voir son extrémité, et ses rives continuaient d’être bordées par des collines élevées qui précédaient de grandes montagnes neigeuses.

Ce ne sont donc pas les rochers ni les neiges qui empêchent le passage au territoire chilien, mais les forêts que la hache peut abattre.

Je reculai avec regret, me promettant de revenir le lendemain avec tous mes gens pour passer par là au golfe de Reloncavi, et être les premiers à ouvrir la communication internationale désirée.

Ma mauvaise prose ne donnera qu’une faible idée de ce paysage que m’a rappelé plus tard, toutes proportions gardées, le fond du lac des Quatre-Cantons là où est située la chapelle de Guillaume Tell, quoique je trouve le lac patagonique plus pittoresque et plus gai. Quel spectacle enchanteur que celui de ces arbres gigantesques où dominent les cyprès et les coihués, sous les branches desquels croissent les fougères presque arborescentes, les aljabas couvertes de grappes de fleurs rouges, et les plantes grimpantes qui emprisonnent dans les mailles de leur réseau toute la flore arborescente australe, les eaux du lac colorées par le reflet de la forêt, les roches rugueuses, détachées en promontoires blancs, gris, noirs, sanguins et verdâtres, à cause des fougères parasites, les mousses et les roseaux que plie le vent andin ! le tout sous un ciel sans nuages qui faisait ressortir davantage la blancheur de la glace éternelle.

Ces eaux n’avaient pas encore de nom : dans le catalogue des dénominations que la science a le droit de choisir pour indiquer ses conquêtes en des régions vierges, il me vint à la mémoire un nom vénéré, celui de D. Juan Maria Gutierrez. Quand j’étais enfant, le vieillard de ce nom m’enchantait par ses magistrales descriptions de la nature américaine qu’il comprenait si bien, et dont il était une des plus belles et des plus fécondes émanations ; plus tard, son amitié me fut précieuse, et ses paroles d’encouragement ne me manquèrent jamais ; comme tribut d’admiration et de gratitude, je donnai son nom à ce lac paisible et beau comme son esprit ; le lac Gutierrez, ainsi nommé en mémoire du vénérable et inoubliable recteur de l’Université de Buenos Aires, philosophe, littérateur, poète, savant, figure dès ce jour sur la carte du monde.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

De retour au campement, je le trouvai occupé par soixante-cinq guerriers araucans, commandés par Chuaiman, fils ainé du cacique Molfinqueupu, « silex sanglant », mon ami autrefois, et mon ennemi à cette époque. Ce fut un terrible moment que celui où j’entrevis la possibilité de l’anéantissement, par cette poignée de sauvages, de l’œuvre des efforts péniblement poursuivis en vue du rétablissement de la communication transandine par Bariloche, dont les résultats pouvaient être si féconds pour l’avenir.

Mes pauvres compagnons m’attendaient convaincus de la situation critique, quoique prêts à l’affronter. Les indiens étaient armés de lances, de bolas, de frondes et de quelques armes à feu. Nous célébrâmes un « parlement », et les indiens me dirent qu’ils venaient me chercher pour m’emmener aux tolderias de Shaihueque, afin que de là j’intercédasse auprès du gouvernement national en faveur de soixante-huit indiens assassins que le colonel Villegas avait fait prisonniers. À la manière dont ils exprimaient leur désir qui était un ordre, et d’après les avis que j’avais reçus, je compris qu’ils nous tendaient un piège à moi et à toute la caravane, et que je n’en sortirais que par beaucoup de prudence. Je n’étais pas en état de résister par la force ; je savais que si je me sauvais une fois, je ne tarderais pas à être repris, car les araucans avaient déjà occupé tous les chemins, et je résolus d’employer la ruse, feignant ne pas deviner le sort qui m’attendait, et j’acceptai de marcher à la tolderia. »



VI

DE NAHUEL-HUAPI À LA VALLÉE 16 DE OCTUBRE


Mardi 10 avril, nous avançons plus au sud. Le lac à l’orient est entouré de moraines dominées par le noir promontoire volcanique de Tequel-Malal, dans les cavernes duquel j’ai découvert, dans mon voyage antérieur, comme je l’ai dit plus haut, un curieux cimetière indigène ; après avoir passé ces moraines et le large lit pierreux de l’arroyo torrentueux Ñirehuau qui se jette dans le lac, nous pénétrons dans la belle plaine verte qui s’étend au sud-est jusqu’aux hautes collines morainiques de la première extension glaciaire. Il est évident que dans la Cordillère des Andes, il s’agit de deux périodes glaciaires, et rien ne le prouve mieux que les dépressions occupées aujourd’hui par les lacs. Ceux-ci sont entourés de moraines relativement basses ; ils sont suivis d’une vaste plaine, comme si ce fussent les moraines frontales et latérales du glacier, plaine qui part du lac aujourd’hui desséché. Puis une autre rangée de hautes collines, qui sont les moraines plus importantes de la première époque, dénote une plus grande durée du glacier. Cet intervalle plat, entre les deux lignes de moraines, est généralement cultivable dans tous les bas-fonds lacustres que j’ai vus jusqu’ici, et il y court souvent de grosses rivières qui ne débouchent pas toujours dans les lacs actuels.

La partie sud-est de la vallée du lac Nahuel-Huapi (820 m.) a de riches prairies et des ruisseaux bordés de bosquets qui fournissent un abri aux bestiaux, durant l’hiver, et de l’ombre dans les jours de chaleur comme celui-ci. Les transitions de température dans les zones voisines des montagnes, dont le régime météorologique varie considérablement suivant leur orientation et leur altitude, en raison de leur proximité de la zone humide de l’ouest, sont très violentes dans les plaines ouvertes, mais les vallées abritées entre les versants du haut plateau ondulé doivent jouir d’un climat tempéré durant toute l’année. On gagne le sud par des versants escarpés recouverts de blocs erratiques et de gravier glaciaire, fournissant d’excellents pâturages. Au nord, la vallée est dominée par des pics volcaniques, et on distingue un chaînon qui va du nord au sud-est, coupé par la haute vallée antérieure à l’actuelle. Le haut plateau ondulé, que limite au sud et au sud-est la vallée basse, est formé par le plus élevé des quatre degrés qui sont probablement des vestiges des lignes de niveau successivement abandonnées par l’ancien lac, dans son mouvement de retrait. Ces coteaux (1170 m.) sont de roches sédimentaires, composées de grès gris et jaunâtres, d’argiles plombées et de conglomérats, le tout recouvert par le détritus glaciaire qui ressemble en partie à la terre de la pampa, mais avec de petites couches de cailloux roulés.

Peu après, nous traversons Pichileufu ou Curruleufu ou Pia ou Rio de los Hechiceros (1080 m.), autant de noms qu’a l’affluent le plus austral du Rio Limay, dans lequel il se jette presqu’en face de Collon-Cura.

Les couches sédimentaires sont horizontales, et, au sud du fleuve, elles commencent à être recouvertes de laves noirâtres et qui proviennent des volcans de l’orient qui constituent le chainon cité. Après avoir traversé l’Arroyo de las Bayas, affluent du Curruleufu (1120 m.), laissant au couchant le sommet de ce nom (1400 m.), formé par une expansion volcanique, nous descendons par une gorge herbeuse et nous campons à la nuit, à Chenqueg-gueyu, au pied du ravin sédimentaire tertiaire (1150 m.). J’incline à croire que là existait autrefois un lac tertiaire ; les cailloux roulés de son conglomérat sont petits comme des noix. Les moraines recouvrent les flancs, et, parmi les détritus noirâtres de la belle végétation passée, apparaissent des blocs blanchâtres de granit erratique.

Les collines que nous traversons entre Las Bayas et Chenqueg-geyu forment la ligne de division entre les eaux qui alimentent le Rio Negro et celles qui se dirigent au Rio Chubut, se dirigeant de là les unes au nord, les autres au sud au pied du chainon volcanique qui, depuis le Limay, se détache au sud-sud-est.

À l’est, on voit un volcan éteint et derrière celui-ci, au sud-est, se trouvent les salines de Calgadept et ses sources thermales que j’ai visitées en décembre 1879. Les plateaux sont caractéristiques comme dans les environs du fleuve Santa Cruz ; les supérieurs forment le fond de l’ancienne mer intérieure qui s’étendit entre le chaînon granitique des Andes et celui du centre de la Patagonie, avant que les forces néovolcaniques et les glaciers eussent produit le paysage géologique actuel. Les gigantesques glaciers de la première extension couvrirent toute cette région intermédiaire et y semèrent les dépouilles des hautes cimes andines : granits, porphyres et roches volcaniques plus modernes. À l’occident du chemin, les terrasses sont légèrement inclinées et, bien que les roches qui entrent dans leur formation aient également leur plan de déclivité dans la même direction, l’inclinaison principale de la surface est dûe à l’épaisseur considérable des dépôts glaciaires de l’ouest ; dans la zone orientale, la couche de galets et de sables n’a pas plus de trois mètres d’épaisseur.

Après Chenqueg-gueyu, le plateau s’élève de nouveau (1430 mètres), coupé par des cañadones qui se dirigent à l’orient, domines par la hauteur voisine du Cerro Quemado au pied duquel on descend, par des gorges abritées et fertiles, dans la vallée de l’Arroyo Chacayhué-ruca (1200 m.) qui coule à l’est pour s’unir au Chenqueg-gueyu et plus bas au Ftatemen. Après avoir dépassé cette fertile vallée, on gravit de nouveau le plateau dont l’élévation commence à diminuer (1390 m.) et on arrive à la longue cluse ou combe de Ftatemen (1060 m.), dépression longitudinale pittoresque située entre les plateaux de l’orient et le massif volcanique d’Apichig qui la domine à l’occident, et dont les ravins, en partie dénudés, promettent aux paléontologues un vaste champ d’exploration.

Tout le terrain entre Nahuel-Huapi et Ftatemen est abondant en pâturages et pourra servir à l’élevage des troupeaux appartenant aux espèces bovines et ovines qui, en hiver, trouveront un abri dans les forêts de la vallée ; le blé et d’autres plantes se développent bien dans quelques endroits abrités. À Ftatemen, nous trouvons du poisson et du gibier en abondance : des truites et des canards ; mais nous n’avions pas le temps de nous reposer, et à peine fit-il jour que nous montâmes de nouveau sur le plateau, laissant à l’est la vallée du rio pour redescendre à l’ouest, à la gorge d’Apichig (ou Ap’gtr), par laquelle, aux temps glaciaires, fit irruption un des bras du glacier colossal qui a modelé toutes ces vallées préandines. Les moraines situées à diverses hauteurs indiquent les alternatives d’envahissements, de retraits et l’épaisseur du glacier, et sur le gradin supérieur du massif volcanique qui précède la brèche d’Apichig (960 m.), à cinq cents mètres au-dessus de la plaine, on observe, parmi de plus petits, un beau bloc erratique de granit qui mesure neuf mètres de long, six de large et cinq de haut. De là, on a une fort belle vue : des plateaux au paysage banal que l’on achève de gravir, on passe, sans transition, au revers de ce parage monotone ; les prés reverdissent jusqu’aux flancs des montagnes boisées, et la gorge basse de l’ouest, qui correspond à la cluse transversale d’Apichig, laisse voir au couchant une ligne de montagnes couronnées de fils neigeux, aux versants couverts de forêts dans lesquelles le jaune a été remplacé par le vert dans toutes ses tonalités.

Là se ferme à peu prés complétement la grande vallée longitudinale du sud, qui s’étend depuis les moraines de Sunicaparia, en face du Tecka, jusqu’aux ruisseaux dont les mille lacets au milieu des arbres et des herbages laissent apercevoir, de place en place, leur eau limpide qui miroite au soleil comme des paillettes d’argent sur un velours végétal verdâtre et forment les sources du principal affluent nord du Rio Chubut, qui pourrait s’appeler Rio Maiten, nom de la ferme établie sur la rive.

C’est dans cette gorge que j’ai campé en janvier 1880, et là tomba malade mon bon guide, le pauvre indien Hernandez qui mourut dans les toldos voisins, victime de sa confiance en la guérisseuse de la tribu. Beau sujet, pour un Jacques, le troupeau de moutons pampas que je vis à cette époque-là prés des toldos, se détachant en blanc avec leurs longues toisons tachetées d’or par les rayons du soleil qui étincelaient sur les neiges fraîchement tombées sur la crête altière lointaine, tandis que sur nous il pleuvait nuit et jour, grâce à un violent orage de l’ouest, qui, en se précipitant par la gorge andine du Puelo, nous arrivait du Pacifique.

Le bosquet de ce triste campement avait été brûlé, et les tolderias disparu avec leurs habitants, dispersés aux quatre vents. Pauvres indiens qui n’ont jamais fait de mal à personne et qui n’ont commis d’autre crime que celui de naitre indiens !

Dans la terrible guerre faite aux indigènes, on n’a pas commis peu d’injustices et avec la connaissance que j’ai de ce qui s’est passé alors, je déclare qu’il n’y eut aucune raison d’anéantir les indiens qui habitaient au sud du lac Nahuel-Huapi ; je puis dire que si l’on eut procédé avec clémence, ces indiens auraient été nos grands auxiliaires pour la colonisation de la Patagonie, comme le sont aujourd’hui les restes errants de ces tribus, journellement délogés par les placeurs de « certificats » avec lesquels on récompensa leur destruction. Il y avait plus d’habitants dans les tolderias indigènes soumises aux caciques Inacayal et Foyel qu’aujourd’hui dans la région andine du Chubut, malgré les vastes zones sollicitées et concédées à la colonisation.

Le Rio Maiten naît à vingt-cinq kilomètres au nord de Apichig, prés du point où prennent leurs sources le Curruleufu, affluent du Limay, et le Manso, affluent du Puelo ; il reçoit dans ce parcours les eaux d’un chaînon montagneux qui, à l’orient, limite la belle vallée longitudinale, vallée intermédiaire entre la zone montagneuse des Andes proprement dites et ce chainon dont la plus grande altitude est de 1910 mètres, et qui s’interrompt à l’ouest d’Apichig, pour donner issue aux eaux du Rio Maiten, lesquelles descendent des coteaux larges et peu élevés (800 m.) qui séparent les eaux de la vallée du Puelo et celles du Maiten. Ces coteaux sont de 160 mètres moins hauts que le col d’Apichig.

Nous déjeûnons au pied de la haute muraille volcanique, en face des cavernes où, suivant les vieux indigènes, hurle continuellement un chien qu’ils n’ont jamais vu, et où, par suite de leur décomposition, les roches affectent des formes capricieuses ; la plus remarquable est un bloc qui ressemble au buste de Louis XIV, incrusté dans une niche de roche rougeâtre. Quand vint la nuit, nous campâmes prés du lieu où mon bon compagnon Utrac établit sa tolderia, et où Hernandez et moi fûmes empoisonnés par une de ses femmes[6]. Il va sans dire qu’il n’existe plus un seul toldo ; une pauvre hutte (rancho) abrite quelques indiens qui soignent les bestiaux de la Compagnie anglaise des terres du Sud.

Dans ce parage, près de Caquel-Huincul, ainsi appelé en raison d’une élévation d’origine volcanique recouverte par des détritus glaciaires que croise la vallée longitudinale, le fleuve Maiten a trente mètres de large dans son bras principal, avec une profondeur de deux mètres en mars ; il coule au pied de la muraille volcanique orientale, tandis que la vallée s^étend à l’ouest (700 m.). La colline noirâtre, jaunâtre, se détachant sur la plaine verdoyante (820 m.), mesure plus de cinq kilomètres du nord au sud, et forme un excellent belvédère (820 m.) qui permet d’embrasser un paysage étendu jusqu’aux gorges de l’occident, et tandis que la caravane chemine lentement vers le sud, je la gravis pour rafraîchir mes souvenirs.

Dans des publications antérieures, depuis 1880, j’ai mentionné les intéressants traits orographiques qui s’observent de là. Comme je l’ai déjà dit plus haut, le fleuve est dominé à l’est par le massif volcanique du sud d’Apichig, limité au sud par une large ouverture qui conduit à la belle vallée de Quelujaquetre, à la confluence de l’Arroyo Lelej et du Rio Maiten (Chubut), et près de la station (paradero) de Cushamen où passa la nuit le capitaine Musters dans son mémorable voyage de Punta Arenas à Carmen de Patagones. Au nord, on voit descendre le Maiten, depuis le chaînon longitudinal d’une certaine élévation situé au nord ouest. Plus près, on observe la gorge située en face d’Apichig, où sort d’une moraine frontale secondaire la rivière qui donne le nom au fleuve ; puis vient un pittoresque massif aux deux tiers boisé et dont le sommet le plus élevé (1990 m.) se trouve en face de Caquel-Huincul ; au pied de ce massif, se trouve la grande plaine glaciaire qui remplace le glacier disparu avec les débris andins que celui-ci laissa. La colline de Caquel-Huincul est semée de blocs erratiques qui mesurent jusqu’à cinquante mètres cubes. À l’ouest de la plaine morainique, qui commence au pied de la colline, les eaux descendent à l’occident, et la dépression que j’aperçus, en 1880, à travers le défilé correspond, non pas au lac Puelo, comme je le supposai alors, mais au lac Epuyen qui débouche dans celui-là.

Plus au sud, derrière la haute moraine appelée Cabeza de Epuyen, s’élèvent les cimes neigeuses de Tres Picos (2500 m.) qui précédent la haute chaîne neigeuse correspondant probablement à l’enchainement central des Andes, à en juger par les publications des explorateurs chiliens. Au sud-sud-ouest, on aperçoit la longue dépression de la région de Cholila ou Cholula, la terre des Chululakenes de la tradition ; là commence la série des lacs qu’alimentent le Fta-Leufu, et que doit reconnaître M. Lange.

Au sud on aperçoit la continuation de la vallée longitudinale et la dépression de Lelej. MM. Fischer et Stange, qui traversèrent au sud par Cushaman qui est le chemin ordinaire entre le Rio Tecka, 16 de Octubre et Nahuel-Huapi, décrivent ce parage de la manière suivante : Le premier (d’aprés l’expression du docteur Steffen) dit que « la vallée de Lee-Lee (Lelej) coupe un chaînon peu élevé dans la direction du nord-est pour se réunir bientôt à la vallée du Rio Chubut qui descend au loin du nord-ouest, encaissé entre des sommets dénudés de couleur plombée. La vue était interceptée dans cette même direction par l’imposante cordillère neigeuse dans laquelle M. Fischer crut distinguer les cimes caractéristiques du Centinela et de l’Observador, situées immédiatement au sud de l’embouchure et de la vallée du Rio Bodudahué ». Parlant de la même région, le second s’exprime en ces termes : « D’ici, un embranchement du chemin conduit à l’estancia Fofo-Cawello, sur la rive gauche du rio Chubut ; l’autre traverse des chaînes parmi lesquelles on distingue une colline plane, très étendue et stérile faute d’eau… De ce point se présente à l’ouest la Cordillère des Andes avec des crêtes très bizarres, et vers l’est les monts de Fofo-Cawello. Dans la cordillère, nous distinguons une grande ouverture par où doit se trouver un chemin aux canaux de Chiloé »[7].

J’ai fait ces citations pour signaler les différences qu’il y a entre les observations des deux explorateurs. Je ne m’explique pas comment M. Fischer a pu voir le rio Chubut descendre encaissé entre des sommets dénudés de couleur plombée là où M. Stange distingue une colline plane et plus étendue, depuis celle que présente à l’ouest la Cordillère des Andes. Comme il a traversé la région entre Lelej et Cushamen, il a dû voir, si d’épais brouillards ne lui ont pas masqué le paysage de l’ouest, une plaine morainique s’étendant des sommets d’Epuyen vers Fofo-Cahuallo, et formant toute la plaine nord-est de Lelej et celle de Cushamen et Quelujaguetre ; et forcément il n’a pu apercevoir le rio Chubut encaissé entre des montagnes, puisqu’il n’y a là pas d’autres élévations que la moraine basse à travers laquelle le fleuve s’est frayé un cours. Ces imperfections ou erreurs dans les observations de M. Fischer se répètent dans sa carte de la région où l’on a dessiné un haut chaînon, qui n’existe pas, au lieu de la plaine qui mesure des dizaines de kilomètres du nord au sud et de l’est à l’ouest. La grande gorge qu’a vue M. Stange correspond aux gorges d’Epuyen et du Puelo.

C’est à cette plaine glaciaire que je me référais en faisant la description de la plaine de même origine, située entre le rio Quilquihué et la rivière Chapelco ; ce phénomène se répète fréquemment vers le sud, comme je l’indiquerai plus loin.

Ici, à Caquel-Huincul et à Cholila, existait autrefois un immense bassin lacustre antérieur à la grande extension des glaciers, et dont les vestiges actuels sont les chapelets de lacs appartenant au système du rio Puelo et du rio Fta-Leufu, bassin commun qui s’est séparé à mesure que l’érosion, le climat et peut-être les phénomènes volcaniques ont produit les écoulements de l’ouest à travers la Cordillère. Dans la première période glaciaire, une couche de glace recouvrait toute la région andine de l’orient et les cours d’eau auxquels elle donnait naissance se dirigeaient vers l’Atlantique. Ainsi s’expliquent les larges vallées avec les couches de cailloux roulés andins qui les recouvrent, vallées par lesquelles courent aujourd’hui les affluents du Chubut. La plaine est formée des restes d’une des vieilles moraines frontales de ce grand lac disparu.

Plus loin je m’occuperai de nouveau du paysage embrassé du coteau d’où je descends en toute hâte, menacé par l’incendie des champs, provoqué par les bouviers afin qu’il reverdissent. Avant de me voir enveloppé dans la fumée, mon attention avait été sollicitée par la beauté du paysage et le coloris spécial du rio, de la plaine et de la montagne. Les sommets rapprochés à l’orient avec leurs roches volcaniques verdâtres, rougeâtres, violettes et lie de vin, comme de gigantesques caillots de sang, blessures produites par l’irrésistible force d’impulsion du glacier qui pulvérisa et désagrégea ces laves ; puis, à leur pied, le fleuve serpentant, noir dans l’ombre, argenté par la lumière du ciel limpide à l’orient, bordé d’arbres obscurs, de hautes herbes et de chilcales vert-clair, qui contrastaient avec le jaune et le gris des moraines arides. À l’arrière-plan, surgissant au-dessus des dépressions mystérieuses avec de la fumée d’encens, les hauts sommets colorés de lie de vin et de noir avec des reliefs de nacre produits par la neige sur ces cimes aux tons d’acier, au milieu des nuées menaçantes de l’orage prochain sur le glacier caché, très loin vers le couchant… Mais le temps pressait, et je désirais arriver à Lepa pour la nuit.

La plaine glaciaire s’élève à peine à dix mètres au-dessus du Maiten ; elle est coupée par des lits de rivières, secs en été, mais qui, au printemps, apportent au Maiten les eaux de l’hiver, tout près des ruisseaux tributaires d’Epuyen. En côtoyant ses bords, nous nous rapprochons de la troupe en marche, arrivée déjà au pied des sommets qui, à l’ouest, limitent la vallée de Lelej. Musters n’a pas de paroles assez élogieuses pour décrire la beauté de cette vallée qu’il appelle un paradis, et qui mérite bien cette qualification du voyageur anglais[8]. Cette vallée est, sans doute, avec les réserves de Lepa, la région la mieux appropriée à un grand établissement d’élevage. Nous la trouvons peuplée de bestiaux ; et après nous être fourni de viande dans les maisons de l’estancia (610 m.), nous traversons les coteaux d’origine volcanique qui séparent la vallée de Lelej de la vallée de Lepa où l’énorme quantité de détritus glaciaires indique que les roches de ceux de l’occident consistent surtout en granits, porphyres et andésites ; on ne voit pas de morceaux schisteux.

La vallée de Lepa est aussi belle que celle de Lelej ; nous y passâmes la nuit (740 m.) ; la rivière sort d’une gorge pittoresque, profonde entaille dans la roche gris-claire, d’aspect granitique à distance ; et elle reçoit les eaux de l’Arileufu, cours d’eau moins important qui descend du sud-ouest (760 m.).

Tout le terrain est ondulé par les glaces ; les hauteurs de l’est sont recouvertes de roches volcaniques, mais les dépressions et les plateaux qui se prolongent au sud entre les chaînes de l’ouest, et les hauts coteaux de l’orient, traversées par les mêmes rivières transversales que nous franchissons, sont formées de roches sedimentaires, probablement de miocène, à en juger par quelques mollusques lacustres que j’ai trouvés à Pichileufu (790 m.). Le Mayuleufu, auquel s’unit le Pichileufu, a un lit profond et court au sud, à travers une vallée étroite et pierreuse jusqu’au point où il reçoit le tribut des eaux du premier ; il était à sec à l’époque de notre passage. Dans les dépressions recouvertes de forêts, on trouve des blocs erratiques de deux cents mètres cubes dont la roche est un conglomérat volcanique. Après avoir dépassé le vallon encaissé du Temenhuao ou Tameñao, comme on l’appelle généralement, nous entrons dans ce que l’on peut considérer comme les pampas d’Esguel, proprement dites, succession de petits plateaux (780 m.), coteaux et marécages, entièrement habillés de vert, dont l’altitude varié de 700 à 800 mètres au-dessus de la mer, et qui s’étendent entre les versants des montagnes au couchant, et le haut plateau (970 m.) couronné de laves au levant. Au pied de ce plateau, au fond de la plus grande dépression, se trouvent trois lagunes sans issue où viennent se perdre des ruisseaux qui sourdent de la montagne opposée. Il s’agit, sans doute, du lit d’un ancien lac disparu dont il ne reste que les lagunes (740 m.). Il n’y a pas un mètre de terre stérile ; l’herbage recouvre tout ; et sur les petites éminences formées par l’agglomération des détritus glaciaires, on aperçoit des groupes d’arbustes qui fourniront aux futurs colons d’abondant combustible. Nous rencontrons quelques milliers de têtes de bétail appartenant à la Compagnie anglaise citée, qui descendaient des plaines de l’ouest et cherchaient un abri dans les prairies voisines de la lagune, mais nous n’avons pas vu un seul homme. L’exploitation de pareils terrains n’est pas chère dans ces conditions-là, mais elle ne favorise guère l’industrie humaine.

Dans ces pampas d’Esguel, nous retrouvons de nouveau le divortium aquarum interocéanique, toujours produit par la cause déjà citée : l’action glaciaire. Ici aussi, les eaux qui descendaient de la Cordillère vers l’Atlantique se sont vues obligées à chercher une issue par le Pacifique, à la suite de l’obstruction de leurs canaux naturels par les immenses moraines qui couvrent aujourd’hui la contrée. Le grand glacier de l’ouest, se frayant un passage entre les gorges des montagnes qui précédent le premier plissement longitudinal parallèle au chaînon central andin, a recouvert de ses moraines toute la vallée entre le nord d’Apichig et le Mont Thomas, comblant cette dépression avec d’autres branches du glacier disparu du Tecka. Dans la relation de mon voyage de 1880, j’ai mentionné cet énorme dépôt glaciaire et l’intéressante moraine frontale du Tecka, au point de convergence des deux cluses : celle d’Esguel et celle de Tecka. Les monticules glaciaires augmentent en altitude vers le sud, en face de la gorge de l’ouest.

Après avoir cheminé plus de vingt kilomètres à travers une plaine à peine ondulée où, sans instruments de précision, il n’est pas possible de déterminer où commencent les cours d’eau qui se rendent au Pacifique et ceux qui sont tributaires de l’Atlantique, plaine où l’on chercherait en vain ce qui pourrait être considéré comme une « croupe andine diviseur des eaux », on descend la grande moraine frontale par la gorge ou l’ouverture (abra) d’Esguel (col — boquete — d’après la carte de M. Fischer) et on arrive à une autre terrasse de l’ancien lac disparu dont le lit est occupé à l’ouest et au sud-ouest par la Colonie 16 de Octubre.

Dans son journal de la « Expedición exploradora del Río Palena », M. Stange dit (pag. 157) : que les montagnes situées à l’ouest et au sud de la plaine d’Esguel forment « la ligne de division entre les eaux chiliennes et les argentines, c’est-à-dire, entre celles qui vont au Pacifique et celles qui se versent dans l’Atlanlique ». Ce n’est pas le moment de discuter si ces eaux sont chiliennes ou argentines, parce qu’elles coulent dans telle ou telle direction, mais je puis affirmer que M. Stange commet une erreur dans ce paragraphe, résultat sans doute des observations trop hâtives auxquelles il fut contraint par son voyage précipité. Les eaux qui descendent à l’est et à l’ouest ont leurs sources à l’est et au nord de ces montagnes dans la plaine ; il n’y a pas là non plus de chaîne qui aille de l’ouest au sud-est, comme le dit le même voyageur. Puisque cette erreur se répète sur la carte dessinée par M. Fischer, sur laquelle sont consignés les résultats de l’exploration, et qui est absolument défectueuse, je ne dois pas aller plus loin sans signaler ce fait à l’attention, car de telles erreurs contribuent à fausser le jugement de ceux qui se préoccupent de l’orographie de la région australe de ce continent.

Si une crue anormale, qui peut se produire un hiver quelconque, augmentait le volume des eaux de la plaine d’Esguel, le divortium aquarum interocéanique s’éloignerait à l’orient du point où il s’opère maintenant et ne serait plus formé par les monts d’Esguel ni par la plaine. Dans ce cas, le plateau oriental deviendrait, suivant les théories de MM. Steffen, Fischer et Stange, « l’enchaînement de la Cordillère qui divise les eaux », pendant une saison de l’année, tandis que le reste du temps cet « enchaînement » se trouverait dans la plaine.

Par ici passe le chemin carrossable qui met la capitale du Territoire du Chubut en communication avec la Vallée 16 de Octubre dont nous nous rapprochons. Les blocs erratiques sont de grandes dimensions, et un grand nombre, formés principalement par du granit blanchâtre, ont un volume de cent mètres cubes. La roche des sommets au sud-ouest est porphyrique, pareille à celle que j’ai observée sur le Limay.

Après avoir dépassé la gorge, et poursuivant notre marche au sud, nous dressons nos tentes près des ranchos du chef indigène Nahuelpan, dans un très beau pré, parage que j’avais déjà parcouru en 1880. La moraine qui limite la vallée d’Esguel au sud à 770 mètres au-dessus de la mer ; et à l’endroit où nous la traversons naît l’affluent nord du fleuve Corintos. Le jour suivant, nous passons par la superbe gorge peuplée par les colons de la vallée 16 de Octubre, d’une fertilité exubérante. Le massif de l’ouest, appelé Cerro Plomo ou Nahuelpan, d’origine volcanique et le Cerro Thomas (1650 m.), de même constitution géologique, forment un digne portique à la grande vallée que le gouverneur Fontana a baptisé de la date de la loi qui créa les territoires nationaux. Cette terre est assurément une merveille de fertilité, et le choix qu’on fit de ce point pour y établir une colonie n’eut pas pu être meilleur. Quand, en 1880, je revins de ces régions, et décrivis sa fertilité, personne ne crut à mes affirmations : la routine voulait que Patagonie fût synonyme de stérilité, et comment voulez-vous que l’on se fie aux enthousiasmes des voyageurs qui disent le contraire ? Mais les établissements des colons constituent la meilleure preuve de la qualité du sol et de son rendement, si on le cultive avec persévérance. Il y a de l’aisance dans ces humbles cabanes, et si les colons qui s’y établirent, des 1888, eussent reçu en propriété le lot qui leur fut promis et qui ne leur a pas encore été accordé, la Colonie 16 de Octubre serait aujourd’hui la plus importante de la Patagonie ; malheureusement les obstacles qu’ils rencontrent à leurs efforts et à leurs désirs sont nombreux, car les terres qui entourent la vallée ont déjà été « placées » depuis Buenos Aires, et les plaintes que j’entends contre les envahissements des nouveaux propriétaires m’affligent. Comment développerons-nous le peuplement de la Patagonie, si, après de louables initiatives, on dicte des mesures qui les annulent ?

J’ai reçu plus d’une demande de ces pauvres colons pour qu’on ne réduise pas le périmètre de la colonie, mais que faire ? quand on n’écoute pas de si loin les réclamations et qu’on procède d’une manière si contraire aux intérêts du pays ! Une résolution générale du Gouvernement de la Nation, ordonnant la suspension de toute adjudication de terrains en Patagonie, jusqu’à ce qu’on en connaisse l’exacte valeur et la meilleure manière d’en tirer parti, ne manquerait pas d’avoir les meilleurs résultats.

À midi, nous entrons dans la chacra (propriété) de M. Martin Underwood (260 m.), commissaire de la Colonie 16 de Octubre, et un des hommes les plus entreprenants de la contrée. Là je me rencontrai avec don Juan Murray Thomas, le plus actif des fondateurs de la colonie du Chubut, et le plus enthousiaste partisan de la colonisation de la région andine, enthousiasme qu’il communiqua au commandant Fontana, et dont surgit la fondation de la colonie, à la suite de la mémorable expédition où il servit de guide intrépide.

La vallée 16 de Octubre occupe la dépression produite par l’érosion, dans la vieille vallée intermédiaire placée entre les hauteurs de l’est et la chaine à laquelle, en 1870, je donnais le nom de notre illustre Rivadavia[9]. Cette vallée intermédiaire se prolonge au nord, avec ses ondulations glaciaires, jusqu’à Cholila, s’abaissant graduellement du nord (1880 m.) jusqu’aux vastes plaines à l’orient du lac General Paz ou Corcovado, source principale du Carrenleufu, appelé improprement par les colons Rio Corcovado, nom qui appartient au fleuve qui coule au pied du Cerro Corcovado, situé prés de la côte de l’Océan Pacifique, à l’ouest de la vallée 16 de Octubre.

Je séjournai dans la vallée du 15 au 18 au matin pour chercher un guide en vue de mon excursion au lac Buenos Aires, ainsi que pour compléter les instructions des topographes qui déjà opéraient dans leurs sections respectives, après avoir tous exécuté fidèlement mes ordres. Je parcourus ces jours-là la vallée et pus me rendre compte exactement de sa grande importance comme base de la colonisation de nos terres andines. Si ces colons, sans secours officiel d’aucun genre, avec la perpétuelle incertitude de savoir s’ils travaillent la terre pour leurs enfants ou pour quelques potentats de Buenos Aires, arrêtés fréquemment dans leurs travaux par les rumeurs qui leur parviennent de temps en temps sur une spoliation possible, sur des changements de lot, sur l’absence de tout droit à les occuper, puisqu’il n’existe pas de loi nationale qui prévoie ces initiatives audacieuses ; si ces hommes laborieux ont pu se débrouiller avec plus ou moins d’habileté, et même, dans certains cas, réaliser leurs désirs en défrichant et cultivant de belles chacras dont les produits sont les preuves irréfutables de l’excellence de la terre et du climat, que ne pourrait-on obtenir avec des mesures de prévision qui assurassent l’avenir du travailleur, et avec des moyens de communication qui peuvent se créer facilement ? En char, on met un mois environ entre la vallée et la capitale du Chubut, et, malgré cela, le colon trouve une compensation à un si long voyage, tel est le rendement du sol. Mais je n’ai pas l’intention de m’étendre maintenant sur ce sujet intéressant que je dois laisser pour une autre occasion.



VII

DE LA VALLÉE 16 DE OCTUBRE AU LAC FONTANA


Le 18, de bonne heure, je laissai le campement central établi près du Commissariat et je me dirigeai à Tecka, accompagné du colon nord-américain Nixon, type du pioneer, qui connaissait le territoire jusqu’aux environs de l’Aysen. La charrière monte des coteaux glaciaires très herbeux qui dominent le cours encaissé du rio Corintos, puis elle tourne un peu vers Sunicaparia, marécage fertile au bord duquel s’opère, encore une fois, la division des eaux continentales dans la moraine latérale du bras transversal de l’ancien glacier d’Esguel. Là, un simple monticule de pierres entrainées, de moins de quatre mètres de haut, sépare dans la plaine les eaux qui vont au Tecka de celles qui s’écoulent dans le Corintos.

Après avoir dépassé les hautes collines, on descend dans la vallée de ce fleuve, et, par des coteaux volcaniques et glaciaires, on arrive aux gradins ou terre-pleins du cours supérieur du rio Corintos qui descend du sud entre d’énormes dépôts glaciaires très caractéristiques. Le paysage qu’on a devant soi est essentiellement glaciaire, et les huit plateaux échelonnés indiquent autant de niveaux de l’ancien et immense lac. La grande quantité de cailloux roulés provient indubitablement des chaînons andins de l’ouest. À l’est, la vallée est dominée par des monts composés de schistes et de grès métamorphiques.

Dans une inflexion des monts se trouve la lagune Cronometro, sans débouché lors de mon passage, mais qui, autrefois, se déversait dans le Tecka, puis dans le rio Corintos, dans lequel elle finira par se vider tout-à-fait des qu’une crue violente ou l’érosion aura détruit la mince paroi qui aujourd’hui retient les eaux. On traverse ensuite un défilé de 1120 mètres de hauteur pour descendre à la vallée de Tecka si renommée parmi les indiens et les blancs.

Dans les diverses vallées que nous avons traversées, depuis le Commissariat, j’ai observé les mêmes dépôts sédimentaires de Pichileufu qui, à mon avis, sont miocènes. Les coteaux herbeux et abrités, où abondent les guanacos et où les pumas causent de grands dégâts dans les troupeaux des nouveaux habitants qui commencent à arriver, sont en pentes douces.

Nous passâmes la nuit au bord de la rivière Caskell ou Caquel — selon la prononciation. On voit apparaitre de nouveau les blocs de granit qui ne se trouvent pas sur les cimes du petit chaînon, et qui me paraissent provenir du mont granitique Caquel, aujourd’hui peu élevé, mais qui a été détruit par les glaces. Nous rencontrons des ravins de roches sédimentaires, probablement tertiaires, dans lesquelles quelques colons ont recueilli des restes fossiles de mammifères que, malheureusement, je n’ai pas pu voir. Tout le territoire que nous traversons jusqu’à la vallée du fleuve est fertile.

Dans la maison de commerce de la vallée m’attendait le cacique Sharmata et peu après arriva le vieux cacique Foyel, mon hôte du Musée pendant plusieurs années, qui a préféré retourner a la chasse (à las boleadas) des guanacos et des autruches. Musters nous raconte l’habileté de Foyel à la chasse, et plus d’une fois, ce septuagénaire m’a procuré avec ses sûres boleadoras (boules) des autruches et des guanacos. Foyel m’attend pour m’accompagner ; Sharmata ou Sacamata, chef actuel de la tribu, regrette de ne pouvoir aussi se joindre à nous ; son père, mon vieil ami Pichicaia, doit venir à ma rencontre dans les environs de Gennua. Je suis heureux de revoir ces indigènes après tant d’années, et de constater leur adaptation, bien lente, il est vrai, à la civilisation. S’il était possible de défendre la vente de l’eau-de-vie à ces pauvres indiens, les estancieros auraient des serviteurs de premier ordre dans les descendants des tribus qui furent maîtresses de ces terres et qui aujourd’hui errent sans patrie. Musters en a rencontré quelques uns à Tecka, en 1871, j’y ai vécu en 1880 avec Inncayal et Foyel, et ce dernier y a encore ses tentes ; mais on l’a déjà averti qu’il devra déloger de la vallée, parce qu’elle est acquise par un « monsieur » de Buenos Aires.

À midi, je campe à quelques mètres des toldos, au même point où je m’étais arrêté dans mon voyage précédent. Le cacique Shaihueque n’est pas encore arrivé avec sa tribu, mais il a prévenu qu’il approche. J’ai choisi les lots que le gouvernement de la Nation lui destinait provisoirement, jusqu’à ce que le Congrès lui donne des terres comme à Namuncura et à d’autres caciques qui y avaient moins de titres, parmi les lots libres voisins de la vallée du Tecka ; mais il résulte, d’après les rapports que je reçois, que les lots choisis dans le plan qui s’appelle « officiel » ne correspondent d’aucune manière au terrain choisi ; au lieu d’être prés du rio Tecka et de comprendre une partie de la vallée, ils sont situés sur les montagnes à l’ouest de celle-ci. Il semble incroyable que la division (la ubicación) de la terre fiscale soit faite d’après des documents aussi incomplets, et dans lesquels l’orographie et l’hydrographie sont si éloignées de la vérité. Je connais beaucoup de déceptions parmi ceux qui ont acquis des terres, en se fiant au dessin de ce plan.

Notre système de division et de distribution de la terre publique dans les territoires nationaux n’est pas basé sur un plan exact et détaillé qui contienne les données nécessaires pour assigner au terrain sa véritable valeur ; il ne peut être plus préjudiciable, et arrêtera assurément le progrès de ces territoires. La négligence actuelle du personnel des bureaux chargés de l’administration des terres publiques est impardonnable. Les travaux d’arpentage exécutés d’après leurs ordres ne contiennent pas les éléments nécessaires pour apprécier la topographie des terrains, ou les plans qui consignent les résultats sont mal dessinés. La responsabilité de ces erreurs retombe sur ceux qui livrent à la publicité de semblables données en leur imposant un caractère officiel ; ce sont les seuls renseignements sur lesquels puissent se baser les calculs de la plus grande partie de ceux qui désirent acquérir des terres nationales. Il circule dans la République une volumineuse publication officielle, avec un titre polychrome, intitulée : Atlas des colonies officielles de la République Argentine, et dans laquelle figure, comme première carte, celle de la République, déterminant l’emplacement des colonies nationales, en tenant compte des fleuves, chemins de fer et points principaux, dressée par le Département de Terres, Colonies et Agriculture (1895) ; échelle 1 : 3 000 000 ! Cette carte discrédite le bureau qui l’a publiée, et elle est le comble de l’inexactitude en matière de géographie officielle. Ceux qui l’ont construite ont oublié qu’en Patagonie il y a deux grands fleuves qui s’appellent rio Santa Cruz et rio Gallegos ; que le Département de Terres, etc., a approuvé les mesures du terrain où doit se fonder la colonie San Martin, qui figure sur le plan au milieu d’un grand espace laissé en blanc ; qu’il s’y trouve un lac que s’appelle Nahuel-Huapi, et que dans ce lac naît le fleuve Limay, etc., etc. Par contre, on a représenté la colonie 16 de Octubre arrosée par le rio Chubut, au pied d’une haute montagne qui la limite au sud, tandis que la pampa la limite au nord, et le rio Aluminé se déversant directement dans le Limay, baignant dans son cours une montagne prodigieusement élevée qui occupe tout le territoire compris entre ce fleuve, les Andes, le rio Neuquen et le Limay.

La plupart des acheteurs de terres dans les territoires du sud jouent à la loterie, en choisissant les numéros de leurs lots sur les plans officiels ; de là le bas prix relatif qu’atteignent les ventes ; de là aussi les facilités pour quelques uns d’obtenir de grandes étendues de terre dont la nation ignore la valeur, tout en consacrant des sommes considérables à ces mesures de terrains, qui donnent des résultats si visiblement incomplets.

Rappelons la colonie Sargento Cabral et la colonie indigène San Martin dont la terre est exploitable pour une bonne partie, mais qui a été désignée sans aucune étude préalable, puisque son périmètre ne contient pas un seul arbre qui puisse être utilisé pour des constructions, ni davantage de bois en quantité nécessaire à une colonie étendue, quand à peu de distance se trouvent des terrains convenables, qui ont été laissés de côté, et qui, malheureusement, se trouvent déjà dans les mains de particuliers.

La vallée du Tecka et les vallons plus ou moins étendus des plateaux qui l’entourent pourront, dans la suite, servir de pâturages à des troupeaux de moutons qui se compteront par centaines de mille, et réunissent de meilleures conditions pour y établir de grandes colonies que d’autres terrains de l’intérieur de la République ayant déjà été colonisés. S’il est certain que la région comprise entre la colonie-capitale du Chubut et les monts Gualjaina et Quichaura à l’orient du Tecka est très pauvre en pâturages étendus, en revanche, on peut dire que la zone qui s’étend de ces chaînes, dans la direction de l’ouest, est continuellement fertile.

Le 20, ayant obtenu les peones indigènes dont j’avais besoin, et accompagné de Foyel, je continuai l’ascension de la vallée du Tecka, de plus en plus fertile. Une ceinture verte indique sur le flanc du plateau la ligne qui sépare les roches sédimentaires tertiaires des dépôts glaciaires, formant une série de sources pittoresques.

Nous vîmes les chaînes de Gualjaina ou Tecka oriental se prolonger au nord, depuis la gorge transversale que croise le chemin de Chubut à la vallée 16 de Octubre, et au sud de la chaîne de Quichaura dont l’arroyo principal, qui court du sud au nord, n’arrive pas à se déverser dans le rio Chubut. Ces deux chaînes correspondent à celles de l’orient de Chenqueggeyu, et, à mon avis, sont la continuation orographique des chaînes de Moncol, situées à l’angle du Collon-Curà et du Limay. De notre point d’observation, vers le sud, je remarque que les chaînons se séparent, s’éloignant de plus en plus à l’orient. La reconnaissance de cette partie du territoire ne rentre pas dans mon programme actuel, et je renvoie à plus tard la publication des données que possède le Musée sur cette région.

Une protubérance volcanique dont les laves couvrent les grès et les conglomérats du Tecka supérieur, étrécit la vallée sur un parcours de quelques centaines de mètres, en forme de pittoresque « cañon » ; c’est jusqu’ici que je suis arrivé en 1880, lors de ma visite au cacique Pichicaia. Après ce défilé, la vallée s’élargit doucement sur ses côtés par de vastes moraines que domine le Mont Edwin. C’est la zone si vantée des laveries d’or. Cette vallée a quelques dizaines de mètres du sud au nord. Le fleuve descend de l’ouest entre des pentes douces ; au nord se trouve le Mont Edwin (2000 m.), et le Mont des Mines (1790 m.).

Au milieu de ce paysage glaciaire, le Tecka et quelques ruisseaux affluents du Carrenleufu prennent naissance dans les ondulations morainiques où l’on remarque souvent de petites lagunes. Nous montons vers le sud-sud-ouest par les coteaux couverts de laves et cachés sous les dépôts glaciaires, puis nous descendons à l’origine des cañadones (vallées étroites) qui amènent des eaux au rio Gennua, et là nous trouvons une lagune qui fournit d’excellent sel aux indigènes. Ces lagunes sont au nombre de quatre, mais une seule est salée, elle a environ deux kilomètres dans son plus grand diamètre. Les eaux coulent au Tecka du pied ouest de la colline à travers des gorges ouvertes dans la lave. Au sud de la Saline, une colline granitique sépare les eaux qui descendent au Gennua, de celles qui vont au Carrenleufu. Les collines sont peu élevées, avec de légères ondulations couvertes de dépôts glaciaires. Pour recueillir des exemplaires pétrographiques, nous campons dans un pittoresque bosquet parmi des rocs capricieux de granit décomposé.

Le 21, de bonne heure, nous continuons la marche dans la même direction sud-sud-ouest, par des coteaux en pentes douces et des lagunes du paysage glaciaire. La roche qui constitue les cimes de ces collines est volcanique, et j’observe qu’elle a été striée en partie par le glacier disparu. Le reste du terrain est totalement recouvert par des sables et du gravier glaciaire, avec une grande quantité de roches erratiques. Il ne m’a pas été possible de me rendre un compte exact de la manière dont s’opère la division des eaux des affluents du Tecka, du Gennua et du Carrenleufu. Il n’y a pas là de croupe orographique bien définie ; les dépôts glaciaires et ceux de l’érosion postérieure ont obstrué les anciens canaux qui mettaient en communication les nombreux lacs de la région, et cela me fait l’impression d’un ancien fond de lac desséché avec des restes d’ilots.

Brusquement, nous trouvons à l’ouest la grande vallée du Carrenleufu, qui traverse la plaine en immenses zigzags, bordant parfois le versant morainique de l’est et du nord, et d’autres fois la base des plateaux qui précédent les montagnes de l’ouest. Il est facile d’observer deux lignes de niveau de l’ancien grand lac sur les deux plateaux qui dominent le beau fleuve. Je m’établis sur ses bords, car je désirais parler à M. Kastrupp, qui devait se trouver dans les environs, après avoir traversé depuis la colonie 16 de Octubre la moraine qui sépare les deux vallées.

La vallée du Carrenleufu est aussi belle et aussi fertile que celle du 16 de Octubre ; et sa richesse en alluvions aurifères est connue. Il ne faut que de l’énergie, de la prudence et de la constance pour la mettre en valeur et transformer cette région en un centre industrieux de premier ordre. Nous trouvons les bornes des diverses propriétés minières, mais le prospector n’est pas constant ; s’il n’obtient pas un résultat de loterie, il abandonne la tâche, et comme il paraît que les alluvions des environs du Carrenleufu ne peuvent donner un gros bénéfice que s’ils sont lavés sur une grande échelle, les mineurs les ont abandonnés aussitôt après les avoir découverts.

En passant et repassant quelquefois à la nage la rivière tortueuse et volumineuse, j’arrivai à surplomber, dans sa plus grande largeur, la vallée dans laquelle le fleuve descend de l’ouest, depuis la dépression où brillent les eaux du lac General Paz, pittoresque encoignure, siège assuré d’une ville future. Par la descendent de l’est deux rivières du haut plateau, et au sud on remarque le même plateau qui se détache des versants des chaînons dont les cimes sont recouvertes de larges taches de neige. Je remarquai des deux côtés du lac, le surplombant, les versants et les sommets des montagnes, taillées comme les croupes d’énormes pachydermes, et base du glacier disparu. Par ces croupes on peut accéder aux éclaircies de la forêt et mon intention était que Kastrupp en fit l’ascension afin de pouvoir explorer la région montagneuse de l’ouest encore inconnue. En réponse au signal convenu entre les explorateurs, nous aperçûmes peu après des fumées, et bientôt arriva un envoyé de Kastrupp, dont le campement était établi prés du lac, où je le trouvai le lendemain matin. Comme je l’ai dit, il avait exploré la région qui s’étend au sud de 16 de Octubre et relevé le cours du Carrenleufu jusqu’au lac General Paz que nous visitons l’instant d’après (900 m.) ; par suite du manque d’embarcation, il ne m’a pas été possible d’étudier sa limite occidentale. Au nord se trouvent trois autres petits lacs. Les eaux du lac General Paz pénètrent dans des baies profondes, et il est possible que les rivières qui l’alimentent aient leurs sources plus près du chaînon central auquel paraît appartenir la haute montagne neigeuse connue sous le nom de Monte Serrano. Les données de Kastrupp confirment mon impression ; dans cette région, il n’y a rien qui puisse être considéré comme un chaînon à l’est du fleuve, et ce que MM. Serrano et Steffen ont pris pour tel, du point extrême de leurs explorations, n’est que le versant du haut plateau patagonique. Cette erreur, qui en a entraîné une autre, consistant dans l’affirmation que le fleuve Carrenleufu ou Palena a toutes ses sources dans la Cordillère, s’explique par la distance.

À midi, je levai le campement et me dirigeai au sud-est par les cañadones et les moraines pour traverser le haut plateau qui sépare le bassin du Carrenleufu de celui du fleuve de Las Vacas. De beaux champs précèdent la forêt qui couvre le plateau, et celle-ci, que nous traversons avec quelque difficulté à cause de la quantité d’arbres morts tombés entre les blocs erratiques, est également très belle. Les huemules (Cervus Chilensis) qui abondent ne fuyaient pas devant nous, et l’un d’eux nous fournit de la viande fraiche. C’était un plaisir de les voir s’arrêter devant la mule, bondir, nous regarder et brouter de nouveau l’herbe rase, tranquilles, ignorant le danger si proche. Si le huemul est tranquille tant qu’il ignore le péril, rien n’égale sa rapidité à fuir dès qu’il en a conscience ; il semble à première vue impossible qu’un animal aussi lourd puisse faire preuve d’une telle agilité, et vaincre si facilement les obstacles de la forêt australe.

Nous errons égarés pendant quelques heures au milieu des arbres et des buissons de ñires, et nous nous estimons heureux de les trouver aussi épais, car plus d’une fois ils nous soutiennent au-dessus des précipices qui se cachent sur le versant. Une fois sur le versant sud, nous avons devant nous le vaste panorama de la plaine glaciaire que j’étais désireux de connaître depuis tant d’années, mais la nuit avance, et nous devons camper, sans atteindre notre troupe, mouillés jusqu’aux os. Nous trouvons une compensation à ces désagréments dans le savoureux filet de huemul, et dans l’agréable perspective du lendemain, car elle devait, une fois de plus, confirmer mon opinion relativement à l’existence de grandes dépressions continentales transversales, antérieures à la période glaciaire, qui mettaient en communication l’Atlantique avec le Pacifique, et dans lesquelles s’est formé le curieux divortium aquarum.

Notre troupe avait pris depuis le Carrenleufu un autre chemin, et ce n’est que le lendemain à midi que nous la rejoignîmes à l’origine d’un des ruisseaux qui forment plus à l’ouest la rivière Pico (840 m.).

M. Serrano Montaner dit dans son opuscule intitulé : Límites con la República Argentina, publié en 1895 : « Il n’existe pas un seul fleuve tributaire du Pacifique qui ait son origine à l’est des Andes, il n’y a pas davantage un seul tributaire de l’Atlantique dont les sources se trouvent à l’ouest de cette Cordillère. Il peut arriver, et il arrive effectivement, qu’il y ait des fleuves du Pacifique dont les sources se trouvent dans les chaînons orientaux des Andes, mais toujours dans ces mêmes Cordillères ; de même il existe des fleuves argentins, tributaires de l’Atlantique, qui naissent à une portée de canon des côtes du Pacifique, mais sans sortir non plus des limites de ces montagnes. Nous pourrions signaler une à une les sources de tous les cours d’eau argentins ou chiliens, et nous n’en trouverions pas un seul qui fasse exception aux règles que nous avons établies. »

Ce sont, sans doute, des informations erronées qui ont été données au distingué marin chilien, dont les explorations, d’après ce que je crois, ne se référent qu’aux environs des canaux voisins du 52° de latitude, et à la reconnaissance de la moitié inférieure du cours du rio Palena, et de quelques parties des rios Corcovado et Reñihué ; il n’a donc pas atteint personnellement les sources d’aucun de ces fleuves. Je ne doute pas que s’il eut examiné les points que j’ai visités au cours de mon voyage, il n’aurait pas fait cette affirmation qui a si fortement contribué à aigrir les controverses dans l’ardente discussion publique suscitée au sujet de la démarcation des limites entre la République Argentine et le Chili. Je ne sais à quelle source il a pris le renseignement suivant : « Le Palena a son origine dans une vallée de la Cordillère limitée à l’orient par un chaînon qui ne manque pas de sommets neigeux, et qui se trouve uni au reste de la Cordillère par divers chaînons transversaux. » Comment prouve-t-il que le cas du Palena et du Corcovado (nom qu’il donne par erreur au Fta-Leufú, et non au fleuve Corcovado qui débouche dans le Pacifique, au nord du Palena) « est exactement le même que celui de Los Patos ou de San Juan, aux environs de l’Aconcagua ». Les faits, tels qu’ils se presentent dans la nature, sont absolument contraires à la manière dont nous les dépeint M. Serrano Montaner.

La reproduction photographique (planche XVIII) du paysage voisin de mon campement, à l’ouest des sources du Pico, affluent sud du Palena, dont le bassin hydrographique comprend une bonne zone des plaines patagoniques situées à l’est du chaînon central des Andes (considéré tel par M. Steffen), et des chaînons latéraux, en dit plus contre l’affirmation de M. Serrano que les descriptions que je puis faire à la légère ; en outre, la carte qui accompagne ces notes, préliminaire d’une autre plus détaillée qui paraîtra plus tard, présente les faits exacts.

Sur le chemin que je parcours, il n’y a rien qu’on puisse prendre pour un chaiînon, bien qu’on prétende élargir latéralement la Cordillère des Andes. Une vaste dépression transversale s’étend entre les roches éruptives à l’ouest du Tecka, et le large massif qui le sépare du bassin du Senguerr supérieur, resserrée à l’est par les collines qui précédent les monts du rio Gennua, et couverte des moraines étendues entre lesquelles l’érosion a formé de profonds cañadones et des vallées herbeuses, arrosées par une infinité de ruisseaux qui alimentent les sources des rios Pico et Frias, affluents du rio Claro (et, par conséquent, du Palena), et le Cherque, l’Omckel et l’Appeleg, affluents du Gennua et du Senguerr qui forme le bras sud du rio Chubut ; cette dépression est située à l’orient de la Cordillère des Andes, cela est hors de doute, et c’est ce que tout géographe, qui visitera ces parages, ne pourra que reconnaître. La Cordillère, précédée par des montagnes boisées, se voit à l’horizon avec de vagues contours qui ne sont définis que sur les hautes crêtes neigeuses. La colline des Baguales (1334 m.), située au centre de la dépression à l’ouest de mon chemin, domine les sources des rivières citées et est un reste de l’ancien plateau détruit presque entièrement par l’érosion. Dans les falaises des rivières, on note la présence de sables et d’argiles lacustres, probablement miocènes.

On observe des stries glaciaires sur le basalte, et j’ai compté dix échelonnements ou terre-pleins, indices correspondants de niveaux du lac aujourd’hui disparu. J’ai cherché en vain le lac Henno signalé sur la carte d’Ezcurra ; les topographes du Musée ne l’ont pas rencontré non plus.

J’établis le campement du 23 dans un bosquet de la moraine voisine, près d’une source qui fournit de l’eau aux deux océans et où les moustiques firent passer de mauvais moments à gens et bêtes.

La pluie de la nuit augmenta les difficultés de la marche le jour suivant, inondant les tucu-tucales où, à chaque instant, s’enfonçaient les mules. Un dépôt glaciaire avec de grands blocs erratiques divise les eaux du Cherque de celles qui descendent au rio Frias, dominé par la roche néovolcanique qui couvre les cimes du plateau oriental (1176 m.).

Le 24, nous campons aux bords de la rivière Omckel, dans la station indigène de Shaama (distincte de celle de Shamen), dans une belle vallée transversale dont les moraines latérales renferment une grande quantité de blocs erratiques d’andésite qui proviennent incontestablement des montagnes du sud-ouest ; la vallée se prolonge plus de vingt kilomètres à l’orient, toujours herbeuse, bien arrosée et abondante en bois. Après avoir dépassé le plateau dénudé du sud, le jour suivant nous traversons une autre vallée herbeuse et exploitable malgré l’ouverture transversale qui reçoit les vents froids de la Cordillère par la gorge rectiligne du rio Frias. Dans la gorge qui descend du sud du massif cité, et qui distribue des eaux à l’Appeleg, on pourrait établir une colonie abritée qui exploiterait les vallées pittoresques et fertiles du massif dont la limite orientale est le Mont Payahuehuen.

Nous passons la nuit du 25 dans la montagne, au pied du col qui sépare les eaux du nord et du sud, de 1700 mètres d’altitude, formé par les schistes et les quartzites, parage extrêmement pittoresque où abondent les huemules.

Dans cette gorge, les couches de grès ont une allure presque horizontale, un peu relevées au sud, couvertes de laves qui ont métamorphisé les couches voisines. Nous disputons, cet aprés-midi, un beau huemul, le plus grand du voyage, à un puma et aux condors hardis qui, par douzaines, attaquèrent l’animal blessé, quelques moments avant que nous ne nous en emparions sur la moraine inégale et accidentée.

Aux environs, j’observai beaucoup de galets porphyriques. Les grès et les quartzites ne sont pas plissés ; ils se présentent en couches horizontales à peine soulevées vers l’est. Les quartzites et les schistes sont au-dessous des grès à gros grain, et le tout est croisé par des filons de porphyres argileux qui vont de l’est à l’ouest. Les bois fossiles qui y abondent proviennent des grès. Vers le sommet du col prend sa source une rivière pittoresque qui court au sud, et qui traverse des roches volcaniques et sablonneuses, plissées, presque verticales, recouvertes de laves et de collines ondulées où pullulent les autruches. C’est une des régions favorites des indigènes pour leurs chasses à cause de la résistance du sol. La vallée de l’arroyo del Gato, qui reçoit les eaux du centre du massif, sera assurément un jour le siège d’une colonie prospère si le Gouvernement de la Nation prend des mesures dans ce but. Il y a là de grandes zones de pâturages, de nombreuses vallées abritées, et au Musée nous possédons des exemplaires de minerais de plomb, d’argent et de fer, ainsi que des alluvions aurifères, échantillons des richesses qu’elles renferment. L’arroyo del Gato nait à l’ouest-nord-ouest d’un petit lac situé à l’intérieur des montagnes, au milieu de grès traversés par des andésites. Les galets de granit sont rares. Au lieu de suivre la rivière jusqu’au Senguerr, nous gravissons la montagne par une gorge herbeuse où l’humus se change en tourbe élastique. Tout au sommet, parmi les grès horizontaux, nous trouvons une lagune pittoresque au milieu des moraines d’un glacier disparu, près du point qui domine la vallée du Senguerr, et d’où nous distinguons le lac Fontana, et les cimes neigeuses qui limitent à l’ouest la dépression dont il occupe une des extrémités.

La moraine latérale de la vallée du Senguerr, où nous descendons, a environ cent cinquante mètres au-dessus du fleuve, et les blocs granitiques témoignent de la roche prédominante de la Cordillère neigeuse. Les pâturages sont excellents pour l’élevage. Nous traversons facilement le Senguerr dont le petit volume me surprend ; j’en conclus au peu d’importance des cours d’eau tributaires du lac — ou plutôt des lacs, car les employés du Musée Steinfeld et Botello, qui parvinrent jusqu’à ses rives en 1888, découvrirent à l’ouest un autre lac en apparence plus étendu, s’unissant au lac Fontana par un large canal et auquel fut donné le nom de Lac La Plata. Le fleuve mesure à peine trente mètres de large à cet endroit, et ce jour-là sa profondeur ne dépassait pas soixante-dix centimètres. Nous campons au milieu des collines glaciaires, à quelques kilomètres au sud de la vallée, dans un beau cañadon, au bord d’un torrent bruyant qui descend du plateau du sud. La pampa du Senguerr commence à quelques quinze kilomètres à l’est.

Le 27, de bon matin, je me dirige vers le lac. Toute la vallée du Senguerr et ses coteaux voisins sont recouverts par les débris glaciaires et ces derniers par une herbe exubérante. L’aspect du lac, en cette belle matinée, est enchanteur : les capricieuses indentations de la côte, la presqu’île étroite qui se projette, avec ses promontoires tapissés de vert-foncé, sur les eaux azurées, laissent une impression durable. Ce spectacle m’a rappelé des reproductions coloriées des lacs alpins italiens (planche VII, fig. 2).

Sur la rive, je trouvais le char des expéditionnaires et un bateau détruit, ce qui m’indiqua qu’ils avaient pénétré à l’ouest. Après avoir exécuté le signal convenu, nous aperçûmes bientôt les fumées qui nous répondaient sur la côte lointaine, et peu après se présenta un des hommes laissés là par Arneberg pour m’attendre. Quinze jours s’étaient écoulés depuis qu’Arneberg et Koslowsky s’étaient engagés à l’intérieur, sur un bateau abandonné par les mineurs, et il était probable qu’ils avaient atteint l’extrémité du lac La Plata, suivant les instructions que je leur avais données. Ces lacs occupent une profonde fissure transversale de la Cordillère, et leurs rives occidentales doivent être très rapprochées de l’Océan Pacifique.

Satisfait de ce que j’avais vu et entendu, et après avoir amplifié mes instructions, je revins, sans perdre de temps, à mon campement pour continuer la marche. Les grès prédominent dans les plateaux, et s’étendent, paraît-il, jusqu’à l’ouest, au pied des monts neigeux. Une protubérance porphyrique perfore les grès sans altérer leur position, et il est probable que ce n’est que l’érosion qui a donné le relief ondulé actuel à ces roches.



VIII

DU LAC FONTANA AU LAC BUENOS AIRES


Je ne devais pas me reposer un instant, car je voulais atteindre le lac Buenos Aires, et revenir au Senguerr à temps pour me rencontrer avec les expéditionnaires du lac. Dans l’après-midi, nous gravîmes la hauteur qui sépare le Senguerr de l’Arroyo Verde et nous passâmes la nuit sur ses rives, débusquant un couple de pumas qui y avaient établi leur repaire et leur garde-manger.

L’Arroyo Verde naît au pied sud-est du pittoresque Mont Katterfeld (1800 m.) et descend du sud-ouest par une gorge étroite qui serpente sur un cône de déjections qui a rempli de ses débris la grande vallée si fertile.

Tous ces terrains sont aurifères, et il se trouve de l’or, m’a-t-on dit, sur la montagne elle-même dans les alluvions glaciaires qui la recouvrent. Si la chose est exacte, on doit retrouver les veines aurifères dans la grande Cordillère, dans les montagnes inconnues qui limitent la dépression du lac La Plata et dont les énormes glaciers, qui se voient dans le lointain depuis le Cerro Katterfeld, formèrent, à l’époque de leur plus grande extension, les sédiments aurifères.

Le lendemain, nous retournons aux plaines ondulées de la Patagonie ; de ces petites élévations, on distingue une fissure longitudinale à l’ouest, et nous trouvons une autre dépression peu accentuée comme celle de l’Arroyo Pico, mais encore plus ouverte à l’est et à l’ouest, dépression qui forme une vallée large, verdoyante, où paissent les troupeaux et dont nous ne pouvons distinguer l’extrémité occidentale, qui s’interne évidemment au milieu des montagnes plus au moins élevées qui précèdent les Andes de plus en plus neigeuses. C’est la vallée du Goichel, rivière considérable qui descend du Cerro Katterfeld, d’abord au sud-sud-est pour tourner ensuite brusquement à l’ouest-nord-ouest jusqu’aux montagnes.

Du promontoire volcanique qui, au nord, domine la vallée dans laquelle j’ai découvert un ancien cimetière indigène formé par une réunion de monticules de pierre, et dont je n’ai pu extraire qu’un crâne bien conservé et quelques pointes de flèches de pierre, on embrasse entièrement la région. Je recommande ce belvédère à ceux qui croient que l’Aysen a ses sources à l’intérieur de la Cordillère des Andes (planche XIX).

Ce n’est que la vaste plaine qu’on a devant soi, à peine limitée à l’est par de petites protubérances glaciaires, et dans laquelle on aperçoit encore le lit desséché du fleuve qui, à une époque relativement récente, recevait les eaux des lagunes de Coyet, encore existantes aujourd’hui, mais fort réduites, dans les plaines de l’est.

Les personnes qui connaissent la région comprise entre le Rio Colorado et le Rio Negro, dans la province de Buenos Aires, pourront se représenter la vallée de Coyet qui rappelle la partie située entre le Colorado et les Primeros Pozos, avec cette différence que la vallée patagonique est beaucoup plus herbeuse. Au sud de cette vallée, établissant la division des eaux interocéaniques, s’élève le plateau classique qui, avec une déclivité générale graduelle, s’étend d’un extrême à l’autre de la Patagonie, plateau toujours coupé par les dépressions transversales, dépressions qu’on pourrait appeler continentales, car elles paraissent traverser le continent.

Dans la vallée de Goichel, à peine séparée par quelques mètres de hauteur de la moitié orientale du Coyet, s’est établi un hardi colon de Chubut, Mr. Richards, dont les troupeaux prospèrent admirablement.

Le capitaine Simpson, commandant de la corvette chilienne « Chacabuco », pendant sa mémorable exploration de l’Aysen en 1870, laissa derrière lui la Cordillère des Andes, comme il le décrit en ces termes :

« 19 décembre (1871). — Temps pluvieux. — À trois milles de notre campement, nous arrivons à un point plus escarpé que les antérieurs, où nous montons à grand peine, nous accrochant aux racines pour ne pas glisser. Sur ce point, le plus élevé de la montagne, je fis monter quelques individus, lesquels bientôt m’avertirent, par de grands gestes, que nous étions déjà à la sortie de la Cordillère, et qu’à l’est seulement on voyait deux monts isolés, tout le reste de la région étant constitué principalement par des terrains ondulés. Encouragé, je montai jusqu’au point où ils se trouvaient, et reconnus qu’en effet, nous étions au pied du versant oriental de la Cordillère.

« Au devant de nous, on apercevait seulement à peu de distance deux sommets isolés, dont le plus rapproché, élevé de quatre cents mètres, se trouvait à environ trois milles et avait sa partie supérieure dénudée et striée horizontalement ; le second était plus éloigné et moins élevé. Les autres terrains consistaient en coteaux ondules, couverts de bois épais, mais l’atmosphère très dense limitait notre vue à moins de dix milles. À nos pieds, le fleuve encaissé entre des bords escarpés de cinquante mètres de hauteur, se dirigeait à angle droit vers le sud jusqu’à une pointe de la Cordillère située à environ deux milles, puis, rectifiant son cours à l’est, se perdait dans cette direction, paraissant passer au pied du mont strié… »

« 20 décembre. — Pluies. — Quelques uns des nôtres s’occupèrent à construire un radeau pour traverser le fleuve et éviter au retour les derniers accores, car nous avions remarqué que sur la rive opposée les terrains étaient plats sur une distance considérable. Le reste du personnel s’occupait à raccommoder ses vêtements. Nos figures étaient déjà si lamentables qu’on nous eut pris pour des mendiants et, d’après l’armement, pour des bandits en déroute ; nous nous trouvions, en outre, tout défigurés et pleins de contusions ; et pourtant l’allégresse se peignait sur tous les visages. Nous avions atteint le but de tant de privations et de travaux, car nous avions traversé la grande chaîne des Andes, par le 45° de latitude sud, prouesse que jusqu’à présent personne n’avait exécutée, et d’autant plus remarquable que chaque pas avait été une découverte, sans aucun renseignement antérieur qui pût nous guider, car où il n’y a pas d’habitants, il n’y a pas non plus de vestiges ni de traditions. En entreprenant l’expédition nous savions seulement que la Cordillère des Andes avait des limites, et nous y étions arrivés.

« J’estime, en conséquence, qu’ayant traversé plus de cent milles de Cordillère avec les seules ressources d’un navire et sans bêtes de somme, sans aucun secours, et en transportant, à dos d’homme, à grande distance, nos vivres et nos effets, nous avons réalisé une entreprise peu commune, résultat de trois années de tentatives, qui ont prouvé jusqu’au dernier moment notre résolution et notre constance. Que l’expérience faite ne se perde donc pas, et que notre gouvernement profite bientôt des grands avantages que lui procure cette nouvelle voie en plaçant une immense contrée sous l’empire effectif des lois de notre République. »

Dans une autre partie de son travail, à propos du rio Aysen, il dit :

« Les eaux des autres rivières que nous avons parcourues sont noires, couleur résultant de la fonte des neiges à travers les terres végétales des versants des montagnes ; et les lacs, auxquels elles servent de débouchés et qui constituent probablement la division des eaux, ne pouvaient pas être bien loin, tandis que celles de l’Aysen sont vert-laiteuses, ce qui prouve leur origine distincte et la nature argileuse des terrains qu’elles traversent au-delà des montagnes. »

Parlant de la géologie des mêmes parages et de l’archipel voisin, il ajoute : « Mon idée est que la limite de l’ancien continent sud-américain, c’est-à-dire la Cordillère des Andes, quand les pampas étaient encore submergées, était l’Aysen ou ses environs, raison pour laquelle n’offre rien d’extraordinaire l’opinion à peu près confirmée qu’il existe des rivières qui traversent la Cordillère depuis l’est… »

« Dans l’après-midi, arrivèrent les explorateurs (ceux de l’Aysen), maigres et exténués mais contents, car ils avaient avancé l’espace de quatre à cinq lieues à l’intérieur d’un pays fertile et boisé, recouvert d’une épaisse couche d’humus, sur les rives du fleuve. Leur itinéraire s’était effectué, tantôt en suivant les hauteurs dominant le fleuve dont le cours s’inclinait un peu au sud, tantôt en longeant ses plages auxquelles nous pouvions accéder de temps en temps.

« Du point extrême où ils étaient arrivés, ils avaient vu derrière eux la Cordillère bien dégagée, ce qui prouvait que nous l’avions entièrement traversée… En amont, le fleuve présentait des rapides et des récifs avec un lit très encaissé, en sorte qu’il n’est pas navigable, pas même à partir de l’endroit où nous nous trouvions ; il serait plus facile d’établir le chemin à l’est en suivant la limite supérieure des talus. »

Le point où parvint le marin distingué ne correspond d’aucune manière aux régions que j’ai traversées, car s’il les eut atteintes, il aurait dit qu’il était arrivé aux plaines du Goichel et j’incline à croire qu’il n’a pas avancé dans d’aussi fortes proportions qu’il le calcule, induit probablement en erreur par les rudes fatigues de l’exploration pénible qu’il effectua.

Il ne me fut pas possible, en raison du peu de temps disponible, de visiter les bâtiments de l’estancia, placée en dehors de mon itinéraire. Nous allons plus au sud, et après avoir dépassé la colline dans une dépression du plateau sédimentaire, recouvert de sable et de gravier glaciaire où l’on remarque d’énormes blocs de granit et de plus petits de gneiss, nous trouvons la profonde brèche caractéristique et ancien lit d’un immense glacier par où court le rio Mayo, affluent du Senguerr, et d’où nait aussi, séparé par de simples moraines, le rio Coihaike, affluent de l’Aysen. Dans ses moraines, se reproduit un nouveau cas de divortium aquarum interocéanique à l’orient de la Cordillère des Andes. La photographie, que je donne de ce parage si intéressant, ne laisse aucun doute sur l’exactitude de mon opinion publiée il y a quelque temps, que quelques-uns de ces cours d’eau opposés surgissent dans de grandes failles profondes, dominées par les plateaux faiblement inclines de l’ouest à l’est (planche XX, fig. 1).

Si ces intéressants phénomènes eussent été examines par MM. Montaner, San Roman, Fischer, Stange, et autres qui ont soutenu que « divortia aquarum continental » est synonyme de « divortia aquarum de la Cordillère des Andes », il ne se serait assurément pas produit les mésintelligences que déplorent ceux qui connaissent de visu les régions australes, et la discussion de la ligne de frontières ne nous aurait pas amenés, argentins et chiliens, jusqu’à nous exposer à oublier que nous sommes frères. En réduisant à ses justes proportions la question si débattue des limites, je crois que nous l’eussions résolue déjà d’une manière satisfaisante pour les deux nations.

Je possédais déjà des données exactes sur cette dépression du rio Mayo, que m’avaient communiquées MM. Steinfeld et Botello, quand, en 1888, je leur confiai la mission d’explorer la région comprise entre le lac Buenos Aires et le lac Fontana, et je suis heureux de reconnaitre ici l’exactitude de ces observations. Ces deux fleuves ont leur origine dans la dépression transversale du Coihaike et du Mayo, autour d’une insignifiante élévation volcanique qui occupe le centre d’une source dans le cañadon commun.

Nous établissons le campement dans la pittoresque dépression, après une descente rendue difficile par l’escarpement des pentes des versants boisés et pierreux, et, le 29, suivant le lit du Mayo, je pus examiner la Casa de Piedra, caverne formée dans la lave noire et rougeâtre. Les versants dénudés laissent apercevoir les grès et les argiles tertiaires recouverts par une couche glaciaire de trente mètres d’épaisseur et celle ci par le humus. Gravissant à nouveau ces versants, nous retrouvons le plateau toujours plus ondulé par l’érosion postérieure au dépôt glaciaire qui le recouvre. La marche à travers la forêt et les marécages fut pénible, mais bien compensée par le spectacle d’une si belle région. Le temps était menaçant ; il grêlait, et nous nous décidâmes à dresser nos tentes de bonne heure aux bords de la rivière Chalia pour donner un temps de repos aux vaillantes mules.

Le lendemain, peu après avoir avancé au sud-ouest, nous nous trouvons sur le plateau en face d’une nouvelle dépression transversale, beaucoup plus large que celle du rio Mayo, extrêmement pittoresque, par laquelle la vue pénétrait à l’occident à une grande distance dans la gorge, et de laquelle s’échappait dans cette direction, en traçant mille sinuosités, un fil d’argent, rivière paisible probablement. Le lieu où s’effectua notre descente coïncidait avec un autre cas de la division des eaux continentales : deux ruisseaux naissent des sources du versant nord du plateau dans une verte prairie inclinée au milieu de graviers glaciaires, se dirigeant l’un à l’orient, l’autre à l’occident (planche XXI, fig. 1). À peu de distance à l’est, se trouve la Laguna Blanca (640 m.), ainsi nommée par Steinfeld, à cause de la couleur de ses eaux, produite par son peu de profondeur et son lit de boue glaciaire. La lagune a son écoulement oriental déjà obstrué comme le lac de Coyet, mais, au printemps, à l’époque de la fonte des neiges, l’ancien lit, aujourd’hui à sec, donne généralement passage aux eaux jusqu’à une courte distance de la rivière Chalia. La rivière qui descend du versant du plateau à l’ouest (620 m.), ainsi qu’une autre qui prend sa source sur le versant opposé du plateau sud, tout prés d’une troisième qui se jette aussi dans la Laguna Blanca, forment les affluents les plus orientaux du bras sud du Rio Aysen.

Dans la plaine glaciaire, entre ces rivières, Nixon tua, dans une jonceraie, le puma de plus belle taille que j’aie vu en Patagonie, vieux carnassier qui venait de chasser un guanaco encore agonisant. Dans ce parage, la plaine est parsemée de centaines de blocs erratiques énormes (planche XXII). Les fragments que l’on voit disséminés aux alentours sont si volumineux que je ne puis affirmer si celui que je reproduis est le plus considérable. La partie de cette roche qui effleure de terre a six cents mètres cubes (planche XXIII).

Le docteur Florentin Ameghino a nié, plusieurs fois, dans ses publications, la présence de phénomènes glaciaires dans les plaines et sur les plateaux patagoniques, mais il suffit de donner la représentation de ce bloc erratique et celle des autres paysages glaciaires pour démontrer l’inconsistance de ses affirmations qui n’ont d’autre base que sa manie de dire noir quand les autres disent blanc.

Il ne me fut pas possible d’atteindre aujourd’hui le lac Buenos Aires, point extrême de mon voyage, et nous passâmes la nuit auprès d’un affluent du Guenguel. Le plateau au sud présente une grande protubérance formée par un amoncellement de cailloux roulés, qui mesure, en certains endroits, une quarantaine de mètres d’épaisseur, et tous, jusqu’aux plus grands, ont leurs angles arrondis, se distinguant en cela des blocs erratiques des fractures transversales.

Du haut du plateau, nous apercevons brusquement la grande dépression lacustre, peut-être la plus grande de Patagonie, après celle du lac Viedma. Le plateau s’abaisse presque perpendiculairement, et nous avons peine à trouver la descente. Le versant dénudé permet de reconnaître sa constitution géologique, composée d’abord d’une couche de cailloux roulés de cinquante mètres d’épaisseur, puis de strates horizontaux, de grès, d’argile et de conglomérats. Le talus a environ 400 mètres de hauteur et domine un paysage glaciaire, le plus grandiose que j’aie observé en Patagonie et qui occupe plus de la moitié de la largeur de la dépression. Ces amoncellements de pierres de toute dimension sans orientation apparente vus d’en-bas, mais qui, observés de la hauteur, se divisent en deux séries, dénotent l’activité prolongée du grand glacier, retiré aujourd’hui à l’extrémité occidentale de la dépression du lac, et qui se distingue dans la brume dans le lointain, au pied d’une chaîne orientée du nord au sud.

Le lac Buenos Aires n’a pas la magie du lac Nahuel-Huapi, ni celle du lac Fontana, mais il est plus imposant (planche XX, fig. 2). La grande anse orientale n’a pas de forêts et dans les moraines croissent tout au plus quelques petits buissons ; ce n’est que près d’un lac accessoire, belle darse de cette mer douce, qu’on distingue des silhouettes d’arbres. Ce bassin est dominé par les montagnes élevées d’un massif aux neiges éternelles, des glaciers duquel nait le rio Fénix qui descend juste au pied du plateau dans la dépression comprise entre les deux lignes principales de moraines, ligues semblables à celles que j’ai observées au Nahuel-Huapi, au lac General Paz, et dans les autres dépressions lacustres. Ce fleuve décrit mille sinuosités vers le sud-est, selon les caprices des monticules morainiques, pour retourner brusquement à l’ouest se jeter dans le lac, après un cours de plus de cinquante kilomètres au milieu des moraines (planche XXI, fig. 2). Il se présente ainsi un autre cas, et le plus intéressant, de la division des eaux. Le rio Fénix qui coulait avant constamment vers l’Atlanlique, a été interrompu dans son cours par un de ces phénomènes communs aux fleuves qui traversent des terrains meubles, principalement glaciaires. Un simple éboulement de pierres détachées a dévié une grande partie de son cours, et l’a amené au lac dont j’ignore encore le débouché, tandis qu’à l’orient l’eau ne reparaît que pendant les grandes crûes où il déborde ; il s’établit alors un petit courant dans l’ancien lit, aujourd’hui presque comblé ; cependant, il suffirait là d’un travail de quelques heures pour que ces eaux reprissent leur direction primitive et coulassent toutes au rio Deseado. Les cartes géographiques anciennes indiquent le rio Deseado comme très volumineux et il est probable qu’il l’était au temps où il fut exploré par les premiers voyageurs dont les observations méritent, en général, plus de crédit qu’on ne leur en accorde. En 1876, j’ai visité ce fleuve, ou plutôt son ancien lit à l’embouchure dans le port du même nom ; et n’y ai trouvé que de petites sources, phénomène dont l’explication réside dans les faits que nous avons signalés au sujet du rio Fénix et d’autres cas analogues. Si j’avais disposé de plus de temps, j’aurais ramené à son lit primitif l’ancien courant, car, chaque jour, les capteurs (tomeros) exécutent des travaux plus considérables sur les rios de San Juan, Mendoza, etc., pour l’irrigation des terres.

Si la Nation décidait la création d’une colonie dans ce parage, j’ai la conviction qu’il ne lui coûterait pas un centime de ramener les eaux du rio Fénix et celles du rio Deseado supérieur jusqu’à l’Atlantique et les résultats pratiques de cette entreprise seraient considérables ; en profitant de ce beau port, on établirait une communication facile avec la région andine si fertile et l’on convertirait cette baie, aujourd’hui solitaire, en station de premier ordre pour l’escadre nationale.

Dans la dépression, au nord du lac, on distingue cinq lignes de moraines latérales, et les blocs erratiques prédominants sont composés de granits, de diorites et de porphyres, roches néovolcaniques et calcaires noirs.

J’avais rempli mon programme qui était de connaitre personnellement d’une manière générale la zone andine pour l’étudier ensuite en détail, car il me serait plus facile ainsi de donner des instructions précises à mon personnel et me rendre compte de l’importance de ses travaux. Je résolus de retourner au nord, le 1er avril, remettant à une autre occasion l’examen de la région comprise entre le lac Buenos Aires et le lac San Martin, pour lequel il m’eut fallu disposer de temps et de santé, ce qui n’était malheureusement pas le cas, car je recommençais à souffrir d’une ancienne indisposition.



IX

RETOUR À LA VALLÉE 16 DE OCTUBRE


Je me proposais d’étudier, au retour, comment se présentent les plateaux dans leur déclivité graduelle vers l’Atlantique, formant les gradins gigantesques qui précédent la Cordillère des Andes, et qui provoquèrent à un si haut point l’admiration de Darwin et dont l’origine est encore un problème. Depuis le 48° de latitude sud jusqu’aux chaînes qui limitent au sud la grande île de la Terre de Feu, ces plateaux arrivent jusqu’à la mer, traversés seulement par les dépressions transversales qui, en Patagonie, renferment les lits des grandes fleuves, et plus au sud le détroit de Magellan, ayant formé en outre le détroit, aujourd’hui obstrué, qui a existéentre Bahia Inútil et Bahia San Sebastian, dans la Terre de Feu ; mais au nord du 48°, les gradins ne sont pas si continus. Nous avons une formation générale sédimentaire semblable au sud du Rio Colorado, jusqu’à l’ancienne dépression longitudinale parallèle au Rio Negro qui débouche dans le golfe San Antonio ; mais, déjà à Balcheta, apparaissent les roches éruptives et vers l’ouest-sud-ouest s’élève, au centre du territoire, un massif montagneux assez considérable, composé de roches éruptives anciennes et modernes, avec une élévation maxima d’environ 1700 mètres qui précède la chaîne qui va de Collon-Cura vers le sud-sud-est, et se perd dans les environs des lacs Coluhuapi et Musters. Comme je ne connais pas ces montagnes au sud du 43° 30′, je ne puis dire si les plateaux s’échelonnent aussi depuis là jusqu’au couchant, en formant une dépression longitudinale entre les plateaux de l’ouest et de l’est, ou si la pente est générale depuis le voisinage de la Cordillère jusqu’à l’Atlantique, mais ce que je puis affirmer, c’est que les terrassements ne sont pas uniformes : j’incline à croire qu’il ne s’agit pas de lignes de soulèvement, et que vraisemblablement l’action glaciaire, qui jadis recouvrit d’une immense calotte de glace toute la Patagonie, comme aujourd’hui les terres polaires, est celle qui a intervenu dans la formation du relief actuel, de même que l’érosion prolongée et active de l’époque postérieure. Il serait difficile d’expliquer autrement que par l’intervention glaciaire directe la présence de roches patagoniques dans les formations côtières de la province de Buenos Aires, depuis l’embouchure du Rio Salado au sud.

Les manifestations colossales de l’érosion en Patagonie doivent être étudiées avec soin pour que l’on puisse distinguer les chaines véritables, tectoniques, des montagnes modelées par l’action des eaux ; mais les phénomènes qui ont produit la curieuse division des eaux à l’ouest et à l’est, et qui actuellement se reproduisent avec fréquence pour des causes identiques ou analogues, n’ont qu’une insignifiante valeur orographique, lors même que les géographes chiliens aient voulu lui assigner une haute signification politique. La protubérance formée dans la plaine située entre Chapelco et Quilquihué, celle de la Laguna Blanca ainsi que celle du rio Fénix peuvent disparaître par un travail de quelques heures et ces accidents orographiques ne peuvent assurément être considérés comme des traits géographiques permanents et encore moins constituer un « axe andin ».

Le soir, nous établissons notre campement sur les bords de l’arroyo Guenguel, à un coude qu’il décrit à sa sortie dans la grande plaine orientale où il se réunit au rio Mayo, et sur laquelle s’élèvent de petits restes de bas plateaux. Près du campement, apparaissent de nouveau les laves basaltiques et l’on aperçoit au nord de la vallée deux lignes de plateaux, tandis qu’il n’y en a qu’une au sud, dans lesquels les grès gris et bleuâtres avec conglomérats, qui entrent dans leur composition, se présentent en couches horizontales. La surface descend en pente douce de l’est à l’ouest, et il ne serait pas étonnant que la ligne de talus de chaque plateau fût formée par la dénudation de couches moins consistantes, travaillées par l’érosion durant la période de l’extension du glacier continental.

Les indiens du cacique Kankel, frère d’un des guides, chassaient dans le voisinage ; et le lendemain, de bonne heure, nous passions en face de la tolderia établie dans la pittoresque vallée du Chalia, à peu de distance de la Laguna Blanca, excellente région pour une colonie d’élevage où pourraient s’établir d’une manière permanente les indigènes qui l’occupent depuis un temps immémorial, sans craindre d’être délogés par les acheteurs de « Certificats de la Compagnie du Rio Negro ». La Nation a le devoir de donner en propriété des terres aux indigènes.

Les plateaux continuent à descendre graduellement vers l’orient, toujours herbeux, et recouverts de cailloux roulés et l’on n’y remarque pas de grands blocs erratiques. Nous suivons le bord du plateau de l’ouest, sur la plaine qui correspond à l’ancienne vallée du lac Buenos Aires, et sur laquelle se dressent isolés, des fragments du plateau plus élevé. À une distance d’environ soixante-dix kilomètres, on distingue à l’orient une chaine apparente composée de montagnes peu élevées, qui doit être celle située à l’est du rio Senguerr, dans sa déviation au sud.

Nous campons près de la rivière Chalia par une pluie torrentielle qui nous incommoda tout le jour suivant, en rendant infranchissables les tucu-tucales. Nous marchons au nord premièrement par la vallée du Chalia où il y a de petites moraines, jusqu’à sa confluence avec le rio Mayo, à l’endroit dénommé Yolk, où se trouve une gorge herbeuse qui nous conduisit sur le plateau précédant celui que nous avons traversé en allant au lac Buenos Aires. Ce plateau est horizontal comme les pampas, et sa végétation a perdu le caractère andin, à tel point que, le soir, le bois vint à nous faire défaut quand nous établîmes notre campement dans le site connu sous le nom de A’Ash, au bord d’une lagune qui me rappela celles de l’est de la province de Buenos Aires avec ses totorales et son manque de bords définis. Une élévation d’une vingtaine de mètres, choisie par les anciens indigènes pour cimetière et formée des restes d’une moraine, vestige des premières extensions des glaciers, domine une plaine plus basse, celle des lagunes de Coyet, qui se perd à l’orient, plaine limitée au nord par une petite colline, versant du plateau général. Des fumées qui s’élevaient de ce versant appelèrent notre attention, et vers le milieu du jour suivant nous arrivâmes aux trois toldos du chef gennaken Maniquiquen, établis vers les sources qui jaillissent à cet endroit. Le cours d’eau qui passait ici à une époque antérieure, avant de dévier vers le Pacifique, et qui creusa cette vallée, fut aussi important que celui qui forma la vallée du Rio Negro.

Dans les environs de ce point appelé Capperr, se trouvait la fameuse pierre dont parle Musters, que je soupçonnais, d’après d’autres descriptions, être un météorite, et avais l’intention d’emporter pour les collections du Musée. Nous la trouvons à quelques vingt kilomètres de la tolderia, sur le plateau, au pied d’un buisson de Berberis, précisément le plus grand des environs. Peut-être les indiens ont-ils toujours respecté ce buisson dans les incendies qu’ils provoquaient si fréquemment, afin qu’il leur servit de point de repère pour retrouver la pierre mystérieuse. C’était, en effet, un beau météorite, du poids de cent quatorze kilogrammes. Comme il n’était pas possible de le charger sur une mule, je dus le laisser momentanément, envoyant plus tard à sa recherche un des charriots d’Arneberg. Ce météorite, qui présente à l’extérieur avec une netteté admirable les figures de Widenmanstätten sera l’objet d’une étude spéciale par une personne compétente (planche XXIV).

Musters dit dans son intéressant ouvrage : « … Dans le parage que les indiens appellent « Amakaken » se trouve un grand bloc sphéroidal de marbre que les indiens ont l’habitude de soulever pour éprouver leurs forces. Casimir me dit que cette pierre est là depuis bien des années, et que cette coutume est fort ancienne. Elle était si volumineuse et si pesante que je pus à peine la prendre dans les bras, et la soulever jusqu’à la hauteur des genoux ; mais quelques indiens pouvaient la soulever à la hauteur des épaules… » Il est singulier que le distingué explorateur ait pris ce météorite si caractéristique pour un morceau de marbre ; il est évident qu’il a fait cette confusion, car les indigènes ne mentionnent aucune autre pierre semblable.

Le lendemain, nous traversons ce plateau et arrivons à Barrancas Blancas, dans la vallée du rio Senguerr. Le plateau est plus élevé au sud qu’au nord, ou plutôt, dans cette direction, il n’existe pas de plateau bien défini ; on monte insensiblement à la pampa, depuis la vallée proprement dite. Quelques heures après, je rejoignis Arneberg et Koslowsky dans l’établissement de M. Antoine Steinfeld, ex-employé du Musée de La Plata, et actuellement éleveur du Senguerr.

L’exploration qu’ils avaient réalisée avait été profitable.

Le 26 février, ils arrivèrent au lac Fontana. Le jour suivant, ils essayèrent d’y naviguer dans l’embarcation amenée de Chubut, mais elle était trop petite pour résister sur des eaux aussi agitées ; heureusement, ils en trouvèrent une autre construite là même par les chercheurs d’or, et qu’ils se réservèrent d’employer, s’il n’était pas possible de pénétrer par terre jusqu’au fond du lac. Ils reconnurent l’embouchure du Senguerr qui a, en cet endroit, environ vingt-cinq mètres de large ; il coule entre des rives de dix mètres de hauteur et son courant est très rapide. Après avoir terminé les observations astronomiques et trigonométriques, ils entreprirent la marche vers l’ouest par le côté sud. Ils trouvèrent des travaux de mines, surtout dans une gorge qui descend au sud ouest du Mont Katterfeld. Il y a là de l’or, de l’argent et du fer. Koslowsky put recueillir des échantillons de charbon, d’intéressantes plantes fossiles et des ammonites. Ces fossiles sont bien conservés et appartiennent probablement à la formation jurassique inférieure ou au lias. Cette formation a déjà été observée dans les régions du Carrenleufu, dans les montagnes de l’ouest de la vallée, et on la rencontre également à l’ouest du Lac Argentino. Les roches observées sont des quartzites, des grès, des grauwakes, des porphyres et des andésites, mais il doit s’y trouver aussi du granit, puisque j’en ai trouvé à l’état fragmentaire dans les moraines à l’orient du lac. De là, à l’ouest, leur marche fut rendue pénible par les rives pierreuses ou dans le bois incommode dont les arbres atteignaient jusqu’à quinze mètres de hauteur (planche XXV) ; de sorte qu’après deux jours ils se virent obligés de laisser leur pesant bagage pour pouvoir aller plus loin. Au sud du lac, se présentent de petites collines couvertes de bois touffus et séparées par des marais et des rivières qui descendent de montagnes assez élevées déjà couvertes de neige. Ils continuèrent ainsi deux autres jours pendant lesquels le temps pluvieux rendit la marche plus pénible jusqu’à ce qu’ils arrivèrent à un point impossible à dépasser avec des charges.

Ayant fait l’ascension d’une des hauteurs voisines, Arneberg vit que le lac qu’il avait à ses pieds n’était pas le lac Fontana, mais celui de La Plata (ce qui confirmait la découverte de Steinfeld et Botello), et que ce bassin lacustre s’internait profondément à l’ouest. À quelque dix kilomètres de distance, une montagne neigeuse, dont les versants descendaient à pic, rendait impossible la marche sur la rive, ce qui les obligea à revenir au campement général pour continuer l’exploration par eau dans le bateau des mineurs. Le 10, ils atteignirent la hutte abandonnée par ceux-ci et réparèrent le bateau assez endommagé. Occupés à faire le relevé du lac Fontana, ce n’est que le 16 qu’ils purent de nouveau avancer à l’intérieur. Dans le canot s’embarquèrent Arneberg, Koslowsky et deux aides et à grand peine ils arrivèrent, le 21, jusqu’à l’embouchure du fleuve qui unit les deux lacs.

Il fut très difficile de remonter le fleuve à cause du courant et à peine furent-ils arrivés au lac La Plata, que les vagues rejetèrent le bateau contre les rochers, et ils durent faire de grands efforts pour le sauver.

Le 23, ils parcoururent un court trajet le long de la côte sud, mais le temps était mauvais : il pleuvait, neigeait et faisait des ouragans, en sorte qu’ils laissèrent le bateau, et continuèrent à pied sur la côte nord qui leur parut d’un accès plus aisé. Ils commencèrent leur itinéraire terrestre le 26, traversant un torrent sur les rives duquel ils trouvèrent des filons de minerai de fer. Le 27, le chemin devint plus mauvais : ils passèrent une autre rivière sur un tronc, et, le 28, en découvrirent une troisième qui en cette saison avancée n’avait que cinq mètres de large ; son courant est très rapide et au printemps elle doit charrier un volume d’eau considérable ; elle descend du nord-nord-ouest en formant de petites cascades, par une gorge très étroite, mais au loin on aperçoit un grand évidement au nord. Le 29, à la nuit, ils atteignirent l’extrémité du lac dans son angle nord-ouest. En ce point ils découvrirent une rivière de dix mètres de large dont la profondeur atteignait à un mètre et animé d’un fort courant. Elle provient du nord et descend par une vallée étroite entre des sommets neigeux relativement bas.

Il ne leur fut pas possible d’avancer plus loin par suite du manque de vivres et du mauvais temps, et ils durent rétrocéder. Le lac La Plata a une cinquantaine de kilomètres de long de l’ouest à l’est, et il est entouré à l’ouest, au nord et au sud par des montagnes élevées aux sommets neigeux. Les plus élevés de ceux-ci se trouvent en face l’un de l’autre, à peu prés au milieu du lac, où son axe s’incline au nord-ouest, de sorte que la ligne des hauts sommets, qui parait suivre une direction méridienne, est interrompue par ce lac si allongé. Les explorateurs supposent que l’extrémité du lac doit être très rapprochée de la côte du Pacifique vers le canal de Cay.

Le 2 avril, ils arrivèrent au campement général, et, le 3, à l’établissement de Steinfeld où, suivant mes instructions, ils devaient m’attendre jusqu’au 5.

Je décidai qu’Arneberg reconnaîtrait la région au sud ; il devait aller le plus loin possible par la vallée du Goichel, vers le bras transversal nord de l’Aysen ; il exécuterait un levé rapide des sources de ce fleuve, du Coihaike, du Mayo, du bras sud de l’Aysen qui pourrait bien être le Rio Huemules dont le cours supérieur était inconnu ; il s’avancerait le plus possible à l’ouest du lac Buenos Aires, étudiant au retour le coude du fleuve Fénix à Parihaike : vaste programme qu’il réalisa heureusement.

Ses observations coïncident avec les miennes et les complètent. Il examina l’Aysen jusqu’au point où il pénètre dans de profondes gorges où commencent les chaînes dont les sommets les plus élevés se trouvent plus à l’ouest ; il paraît que la vallée supérieure est froide en hiver et que la neige arrive à demi-mètre, mais les troupeaux trouvent de la nourriture et un abri dans les bois.

Arneberg reconnut ensuite le fleuve Coihaike à ses sources dans la moraine que j’ai déjà mentionnée. Il faut observer que presque toutes les sources des fleuves patagoniques, qui se déversent dans le Pacifique, se dirigent d’abord à l’est pour tourner brusquement à l’ouest, comme le Coihaike. L’explorateur descendit ce fleuve pendant deux jours, et, du haut d’une montagne, il put voir qu’il recevait du sud un autre cours d’eau, et qu’il tournait brusquement au nord. Il aperçut, à l’ouest de ce coude, le chaînon neigeux le plus élevé. Il atteignit, le 19 avril, le bras austral de l’Aysen, après avoir examiné les sources du rio Mayo dans les mêmes parages ondulés qui donnent naissance aux rios Goichel et Coihaike ; ces ondulations, constituées par des moraines, forment un réseau serré de sources entre ces deux derniers cours d’eau. Il étudia les origines de ce bras austral situé, comme il a été dit, près des sources qui alimentent la Laguna Blanca, et s’y arrêta quelques jours pour topographier cette région si intéressante. — Singulière séparation de systèmes hydrographiques opposés, me dit Arneberg, dans son rapport, que celle où l’on passe d’un bassin à l’autre sans apercevoir aucun changement de niveau, et cela dans la plaine, à une grande distance, à l’orient des Andes.

La vallée transversale pénètre jusqu’aux monts neigeux de l’ouest qui séparent le bassin de l’Aysen de celui du lac Buenos Aires, et sur tout le parcours l’explorateur remarqua d’excellents pâturages pour les troupeaux, et des endroits abrités aptes pour la culture. Il pénétra environ quarante kilomètras à l’ouest, en passant par des marais et des moraines, et en laissant au sud et au sud-ouest les sommets neigeux qui se rapprochent du fleuve jusqu’à ne former qu’une étroite gorge par laquelle celui-ci s’échappe avec rapidité.

Il est très probable que le rio Huemules, exploré par les marins chiliens, n’a pas ses sources à l’orient des hauts chaînons des Andes, et que celles-ci sont formées principalement par le grand glacier qui a été vu de loin ; et il ne serait pas impossible non plus que l’Aysen reçoive un tribut du même glacier.

Le 24, il traversa le plateau qui sépare la large et profonde vallée du lac Buenos Aires, plus à l’ouest que je ne l’avais fait ; il reconnut la baie fermée ou darse naturelle dont l’entrée est très étroite, mais il ne put aller plus loin, car sa marche fut arrêtée par le rio Ibañez, nom d’un mineur du Chubut qui avait été là l’année antérieure. Ce fleuve est très volumineux, et est alimenté par les glaciers voisins du nord ; sa largeur, à son embouchure dans le lac, est d’environ cent mètres. Le lac Buenos Aires avance à l’ouest-sud-ouest à une grande distance, mais il ne réussit pas non plus à apercevoir son extrémité, son débouché, par conséquent. Ayant rétrocédé, Arneberg parcourut le cours du Fénix jusqu’à son embouchure dans le lac, et après un rapide nivellement, il put se convaincre qu’en effet le fleuve a toujours coulé, dans les temps modernes, à l’orient.

Je donnai également mes instructions pour que Koslowsky étudiât les monts situés au nord du Senguerr, après avoir recueilli le précieux aérolithe, et pour qu’il examinât, aussitôt après le retour d’Arneberg, et en compagnie de ce dernier, le cours de ce fleuve jusqu’aux lacs Colhué et Musters. De là Arneberg devait se diriger vers l’Atlantique à la recherche d’un chemin par lequel on put établir une communication rapide et peu coûteuse entre Tilly Road, dans le golfe de San Jorge, et les fertiles régions andines ; cela fait, ils devaient s’embarquer à Chubut pour Buenos Aires. Ces instructions furent accomplies d’une manière satisfaisante. Les résultats m’autorisent à conseiller la création, dans la vaste vallée qui s’étend au sud de ces lacs, de colonies par lesquelles on commencerait la fondation méthodique et sûre des colonies des vallées transversales voisines des Andes.

Si l’on procédait avec prudence à cette colonisation, je ne doute pas qu’elle deviendrait un fait accompli à bref délai, et qu’en peu d’années, la Nation compterait une nouvelle et riche province de plus, surtout quand un chemin de fer mettrait en communication les fertiles régions andines avec l’Atlantique par Tilly Road ou un autre point du golfe San Jorge.

Le 6 avril, je continuai ma marche au nord, m’établissant dans l’après-midi sur la rive de l’arroyo Appeleg ; le trajet se fit par la plaine qui fut sans aucun doute occupée autrefois par un lac. Les chaînes du massif du Gato s’élèvent graduellement vers l’ouest, et se terminent au nord de l’Apeleg par de petites protubérances volcaniques. Au nord-est, on voit des fragments de plateaux formés par des roches sédimentaires et recouverts de laves. Le lendemain, nous poursuivons notre chemin dans la même direction nord par la pampa. Nous traversons, à midi, l’arroyo Omckel, près de la seconde station indigène de Shama, dans le voisinage de laquelle se termine la pampa, limitée par de petites protubérances volcaniques recouvertes de gravier glaciaire ; avant le coucher du soleil, nous campons pour recevoir quelques indiens qui vinrent me saluer sur les bords de la Saline de Tegg ou Tequerr. Télacha et Tupuslush, purs gennakenes, ne voulaient pas se réunir aux autres indigènes, parce qu’ils se disaient descendre de grandes familles, et ils me demandèrent de leur obtenir des lots dans la nouvelle colonie San Martin qui s’établira dans le Gennua.

Le paysage est tout à fait différent de ceux du sud et de l’ouest. La formation géologique a changé ; on voit des grès et des conglomérats de petits cailloux roulés très compacts qui ont la même apparence que ceux du Limay, aux environs de Picun-leufu.

Le pâturage est excellent et la chasse abondante. Nous établissons notre campement dans une vallée abritée, et, le jour suivant, de bonne heure, nous passons la crête du chaînon de collines (cerrillada) composé de granit, où s’inclinent les grès ; la roche néovolcanique apparaît en promontoires isolés. Dans la vaste et fertile vallée de Cherque, je rencontrai Kastrupp qui s’occupait de topographier la région. Au nord, la vallée est limitée par la base du plateau où coule l’affluent nord du Gennua, dans la vallée de Putrachoique. Les détritus glaciaires couvrent les bas-fonds et les collines, et le lœss noir apparaît sur de vastes extensions. Les blocs erratiques ne dépassent guère deux mètres cubes ; mais vers le nord-ouest leur dimension augmente et atteint jusqu’à cinq mètres ; les roches qui prédominent dans ces blocs sont de granit, de quartzite, de grès, de basalte et de porphyre. Cette région, de même que celle qui s’étend sur le Senguerr et le Tecka, est très mal représentée sur les cartes officielles ; le cours et la direction de plusieurs des rivières qui y figurent sont fort différents dans la réalité, et la représentation de l’orographie est absolument défectueuse.

Le terrain entre Putrachoique et le Tecka n’est pas uniforme ; de belles vallées bien arrosées alternent avec des plaines rocailleuses où l’herbe est rare. Nous continuons notre marche à l’orient de la vallée du Tecka pour avoir une impression complète de la région. Les dépôts glaciaires recouvrent tout, jusqu’aux versants des montagnes de Gualjaina. Après avoir dépassé la station indigène de Teppel, nous descendons à la gorge abritée et fertile de Aueyen pour arriver à la belle vallée de Tecku à laquelle un petit promontoire volcanique, qui s’élève ou centre, donne son nom.

Nous prenons congé du bon Foyel en face de ses toldos, et, à la tombée de la nuit, nous atteignons la gorge abritée de Caquel, afin de pouvoir arriver le jour suivant au Commissariat de 16 de Octubre ; j’y parvins malgré le mauvais état de nos montures.

Le 11, je pris les dispositions nécessaires pour qu’à leur retour Lange et Waag se dirigeassent au Rio Negro, le premier par Mackinchau et Balcheta et le second par le sud de la plaine de Yannago jusqu’aux chaînes de San Antonio, en examinant la baie du même nom. Von Platten et Kastrupp avaient ordre de retourner à Chubut ; le premier par Cherque dans la montagne, et le second par Gennua. Moréteau devait conduire les véhicules à Chubut et étudier ainsi, en disposant de plus de temps, le chemin jusqu’à l’Atlantique. Ce jour-là, je fis une excursion jusqu’au rio Fta-Leufu pour reconnaître toute la vallée 16 de Octubre. Le fleuve sort, en décrivant un coude brusque, de la dépression située à l’occident de la chaine du cerro Situacion, pour pénétrer dans la vallée orientale, et son cours se détourne ensuite au couchant pour traverser les montagnes boisées qui forment un chaînon entre ce fleuve et le Palena ou Carrenleufu, à l’occident des grands sommets neigeux dont on aperçoit les crêtes depuis la vallée.

Au point où nous examinons le Fta-Leufu, il reçoit le tribut des eaux du rio Corintos. Il a, en cet endroit, cent vingt mètres de largeur sur huit de profondeur maximum ; le courant était d’un mètre par seconde.

Dans cette petite excursion, depuis la hauteur des collines du sud, j’ai pu me rendre compte de la facilité que présenterait l’ouverture d’une charrière à travers la forêt jusqu’à la vallée Carrenleufu ; ainsi se facilitera son exploitation. Les colons de 16 de Octubre méritent bien toute la protection que peut leur assurer la Nation. Je ne crois pas que le gouvernement ait destiné même la somme la plus infime à la formation de cette colonie, car jusqu’aux frais de l’expédition Fontana ont été couverts par les colons, selon ce qui m’a été rapporté. Je crois qu’il suffirait d’une somme de cinq mille piastres pour faciliter extrêmement les communications dans cette vaste vallée longitudinale, et unir ses fractions aujourd’hui séparées par l’érosion des moraines et par la forêt.

Quand je revins le soir à mon campement, j’eus le plaisir d’y retrouver Lange qui venait de rentrer avec des observations intéressantes obtenues au prix de dures fatigues. Je reçus aussi des nouvelles de Waag qui est déjà en chemin de retour.

Lange, qui avait dirigé la section de Chubut, après avoir envoyé les autres explorateurs à leurs zones d’opérations respectives pour procéder d’accord avec les instructions que j’avais données à La Plata, entreprit ses intéressants et difficiles travaux, le 29 février. Il emmenait trois hommes avec lui, et, comme éléments de transport, cinq chevaux et neuf mules, plus quatre charges avec les instruments, les vivres et le matériel de campement. Il se dirigea vers le nord, en traversant la belle vallée abritée par des bois situés sur les bords de l’arroyo suivi par les explorateurs, et par des buissons dont étaient couverts les versants des moraines. La région connue des colons ne s’étend pas au delà de dix kilomètres du Commissariat. Il passa la nuit à cette limite voisine de quelques petites lagunes dont les eaux paraissent s’écouler vers le Fta-Leufu.

Le jour suivant, il descendit au rio Perzey qui sort en cet endroit d’une gorge étroite à bords perpendiculaires, et prend sa source dans une moraine ancienne que les colons gallois ont appelé, à cause de sa cime horizontale : « Terre-plein de chemin de fer ». Ce fut un jour de malheur ; les charges se mouillèrent, et la plus grande partie des plaques photographiques furent perdues.

Le 2, Lange fit une reconnaissance sur la moraine, vers l’ouest, et put jouir de la vue des lacs dans une plaine ouverte, marécageuse, limitée au nord et à l’est par des montagnes élevées. Le Terre-plein y forme une division des eaux très curieuse. Des versants est et nord de la Sierra Situacion descendent des rivières volumineuses qui tournent à l’ouest, et se réunissent au cours d’eau qui sort de la plaine marécageuse où se trouvent les lagunes. Les deux jours suivants se passèrent en reconnaissances vers l’ouest, rendues extrêmement pénibles par l’abondance des roseaux sauvages, le marécage et le passage de grosses rivières dans lesquelles les animaux risquèrent de se noyer. Ces fatigues furent compensées par la vue d’un beau et vaste lac, entouré de collines basses à l’est et au nord, et plus élevées à l’ouest et au sud. De l’angle sud-ouest se détache un étroit canal, qui constitue probablement la continuation du lac ; ce dernier ne peut être que celui qui, selon les indigènes, se trouve à l’intérieur des montagnes et dans lequel se jette le Fta-Leufu qui en ressort après l’avoir traversa. Ce lac est le Fta-Lafquen. Il est à regretter que les moustiques, qui y abondent, empêchent de jouir de ces beaux paysages.

De retour au rio Perzey, le 5, Lange décida d’alléger ses bagages ; dans ce but, il envoya Rufin Vera, indien araucan que j’ai connu comme interprète d’Inacayal, en 1880, et qui est au service du Musée depuis plusieurs années, avec la troupe par le chemin d’Esguel et Lelej, pour qu’il l’attendit dans la station indigène de Cholila. Cela fait, le 8, il se dirigea au nord par la vallée du rio Perzey. Il observa un certain parallélisme dans la formation des collines qui bordent le fleuve ; la roche vive se compose en partie de grès et de conglomérats. Toute la forêt de la région de l’ouest avait été incendiée les années précédentes et les troncs blanchâtres attristent le paysage.

Le 9 et le 10, il continua la marche dans la même vallée. Le chemin était difficile. Sur les coteaux, la forêt formée de grands arbres n’oppose pas d’obstacle au passage des montures ; mais sur les versants, les buissons de ñires rendent parfois ce passage impossible, et il faut se frayer un chemin à l’aide du machete et de la hache. Des coteaux de l’ouest descendent des rivières qui se joignent au rio Perzey, tandis que les gorges de l’est, dependantes des monts d’Esguel, sont sans eau. Du haut du coteau, auquel les aides donnèrent le nom de Peladito (1340 m.), on jouit d’un panorama superbe. Cette élévation est située sur le versant occidental des monts d’Esguel, au milieu des premières déclivités appartenant au système du rio Perzey. De là, on domine à l’est les monts d’Esguel, d’une élévation peu considérable, la continuation de la chaîne du cerro Situacion au couchant, et plus à l’ouest, derrière ce chaînon, les pies neigeux de la Cordillère des Andes proprement dite, avec ses immenses glaciers ; cette région figure dans la carte de Steffen et Fischer sous le nom de « Chaînes boisées » ; au sud la vallée du Perzey, et tout près, du nord-est à l’ouest, les chutes de la large et caractéristique dépression de Cholila, aussi fertile et aussi belle que la dépression opposée du Perzey. La marche est commode et agréable à l’ombre de la forêt et sur l’herbe d’un vert d’émeraude qui recouvre le sol ; la monotonie de l’ombre est coupée par les plantes grimpantes et les fougères, ainsi que par la présence de huemules curieux. Après avoir fait les observations nécessaires, Lange descendit, le 11, vers la large vallée de Cholila où il n’arriva que le lendemain, en profitant des sentiers tracés par les troupeaux sauvages.

Dans les rapports détaillés de la Section topographique qui se publieront plus tard, le lecteur trouvera tous les détails que donne Lange sur la physionomie d’une région aussi intéressante. Dans ces notes qui sont extraites de son rapport, je dois me contenter de dire qu’il étudia le terrain compris entre la lagune qui reçoit le tribut des eaux provenant des monts de l’ouest appartenant à la chaîne de Lelej ; et qu’il suivit au nord-nord-ouest par la spacieuse vallée formée par une autre rivière descendant dans cette direction, et dominant à l’est la moraine ; à l’ouest, un coteau peu élevé suit la direction du nord au sud et sépare la première lagune d’une autre plus étendue.

Le 13, il atteignit la cote (780 m.) qui sépare les eaux de Cholila de celles de la vallée d’Epuyen, au point appelé Cabeza de Epuyen, et qui, de temps en temps, est habité par quelques indiens. Il y rencontra un des hommes qui accompagnaient Rufin Vera, et il établit un campement pour alléger le bagage qu’il emportait dans sa marche à pied.

Devant lui s’étendait la plaine glaciaire depuis le rio Maiten à l’ouest, point très important pour l’étude de la division des eaux continentales ; là, les cours d’eau qui forment la rivière Epuyen surgissent de petites inflexions de l’ancienne moraine, tout près du bord ouest du rio Maiten, et très probablement il arrivera un jour où l’érosion minera la séparation glaciaire actuelle qui existe entre les deux cours ; le Maiten versera alors ses eaux dans l’Océan Pacifique et ce fait transportera le divortium aquorum interocéanique quelques dizaines de kilomètres à l’est de la Cordillère des Andes ; car, très loin au couchant, derrière les monts situés au nord et à l’ouest de l’Epuyen, on distingue ses cimes neigeuses. Ces terrains doivent être étudiés avec soin, car ils pourront servir à l’élevage, mais il est douteux que l’agriculture y offre des chances de succès, parce que les moraines doivent être froides, ouvertes qu’elles sont à l’ouest.

Le 16, Lange revint de Cabeza de Epuyen au sud ouest, traversant une vaste plaine qui divise les systèmes hydrographiques d’Epuyen et de Cholila, et parvint à la seconde lagune, sans dénomination encore, se déversant par un ruisseau, qui se trouvait alors desséché, dans la rivière du Cañadon Largo, affluent septentrional du Fta-Leufu, ainsi qu’il a été reconnu plus tard ; il s’agit de lagunes indubitablement glaciaires. Le jour suivant, il rencontra des traces fraîches de chevaux, qui indiquaient que Frey avait déjà visité ce lac ; il passa la nuit aux bords du Fta-Leufu dans le même campement qu’avait quitté celui-ci en revenant de l’ouest à son champ d’opérations.

Les indigènes appellent le fleuve, dont la largeur est en cet endroit de cinquante mètres, le Carrenleufu ou « fleuve vert » à cause de la couleur de ses eaux, particulière aux cours d’eau qui naissent des glaciers. Suivant le chemin parcouru par Frey, Lange établit une station topographique sur une colline à l’ouest de la troisième lagune, à laquelle a été donné, dans notre carte, le nom de lac Cholila, et il parvint à dominer à l’est, à une distance d’environ trente-cinq kilomètres, les monts neigeux qui paraissent former une chaîne. Entre cette chaîne et la station, il ne vit que des montagnes isolées ou réunies en groupes coupés par de profondes gorges, accidents orographiques qui ont tous une direction longitudinale du nord au sud. Les rives du lac Cholila sont couvertes de cyprès et de ñires (planche XXVI). Du nord-ouest descend un fleuve volumineux. Au fond de la gorge du sud-ouest, qui est également assez étendue, se trouve un autre lac encore entouré d’un mystère qui sera dévoilé par d’autres explorateurs.

Le 19, Lange se dirigea au sud, côtoyant la rive marécageuse qui rendait la marche difficile. La vallée est très large en cet endroit et couverte de pâturages, de marais et de petits bois pittoresques. Le jour suivant, il arriva à un site où la vallée se resserre, fait qui provient de ce que le fleuve se rapproche des montagnes qui avancent à l’est jusqu’à rencontrer les roches presque perpendiculaires, pour reprendre ensuite leur direction générale sud-sud-ouest. Du sommet d’un coteau élevé, il put jouir d’une belle vue au nord, au sud et à l’ouest : au nord, la dépression longitudinale de Cholila et le Fta-Leufu serpentant au milieu de bois et de marais de couleur vert-clair ; au sud, un lac étendu dans le sens de la longueur, dans lequel débouche le fleuve, et à l’est, une large vallée limitée par des monts sans aspérités qui précédent le grand chaînon neigeux. Comme il était possible d’avancer même avec les mules, les voyageurs ouvrirent un chemin jusqu’au lac.

Toute la vallée de Cholila est très fertile. Les bois n’y ont pas, d’après Lange, le même caractère que dans l’Amérique du Nord ou en Scandinavie ; ils forment sur les versants de grandes taches alternant avec des clairières ou avec de vastes zones recouvertes de troncs déjà desséchés. Les cyprès et les mélèzes constituent les espèces les plus communes de ces forêts.

Le 22, Lange laissa la plus grande partie de la charge dans l’Estrechura, et, avec deux charges plus légères, il suivit le chemin ouvert par les aides les jours précédents jusqu’à un petit cours d’eau qui se jette dans l’extrémité nord du nouveau lac ; mais il ne tarda pas à se convaincre qu’il était impossible de suivre ce chemin avec des bêtes de somme, car les eaux du lac arrivent jusqu’au pied des monts dont les versants sont très rapides, sans laisser de plage. Il résolut alors de continuer la route a pied, en emportant des vivres pour dix jours, ainsi que les instruments indispensables ; et se partagea cette charge avec un de ses aides.

Ce fut le 23, à midi, qu’ils commencèrent cette marche pénible ; le mont surplombait à pic le lac, et les explorateurs se trouvèrent souvent dans la nécessité de s’aider des pieds et des mains pour ne pas être précipités du haut des rochers. La marche jusqu’au 25 se fit par monts et vaux prés du lac dont la longueur approximative est de quinze kilomètres, et auquel a été donné le nom de l’illustre Rivadavia, déjà porté par la chaîne de l’est. La marche fut très pénible au milieu de ce bois touffu ; les jonchaies, les vieux troncs entassés parfois sur une épaisseur de vingt mètres en augmentaient la fatigue et les dangers ; les explorateurs devaient parfois se maintenir en équilibre sur les troncs tombés ; d’autres fois, ils devaient se glisser au-dessous et tombaient dans les fossés cachés par les broussailles, pénétrant jusqu’au cou dans les eaux du lac pour grimper de nouveau sur les rochers isolés, au milieu de roseaux mobiles et tranchants.

Après avoir dépassé le lac, on rencontre, au pied des montagnes de l’est, une plaine marécageuse parcourue par le Fta-Leufu ; la marche devint plus facile jusqu’à la sortie du fleuve ; d’abord tranquille, il présente bientôt après des rapides par suite de la différence de niveau existant entre le cours supérieur du fleuve et la partie inférieure de la vallée 16 de Octubre ; cette différence est de deux cents mètres. Les eaux qui sont très limpides, et conservent la même couleur vert-clair, se détournent à l’ouest, en coulant au pied de monts à pic. À sa sortie, la largeur du fleuve est de trente mètres ; elle augmente ensuite et en atteint cinquante. Au milieu de la rive du lac se jette un grand fleuve qui descend de l’ouest par une vallée ouverte et prolongée dans le fond de laquelle on aperçoit des hauteurs neigeuses.

Les voyageurs continuèrent leur route vers le sud parmi les roseaux et les bois épais de la plaine située à l’est du fleuve ; ils traversèrent deux rivières qui paraissent être les bras d’un fleuve descendant de l’est. Au sud et à l’est, s’élève un pic élevé et abrupt dont Lange fit l’ascension ; par suite du manque de vivres, perdus en grande partie dans les accidents de la marche, il avait abandonné son projet de suivre la rive du fleuve jusqu’à la vallée 16 de Octubre. Le panorama de la cime du pic était splendide ; de là, il put établir une station de boussole et prendre un croquis détaillé. Au sud et à l’ouest, il vit deux superbes lacs ; l’un d’eux a une direction générale de l’ouest-nord-ouest au sud-sud-est ; et au couchant, au pied des glaciers de la Cordillère, il se divise en deux bras, dont le moins étendu est celui du sud ; entre ces deux bras s’élève une île boisée. On a donné au plus petit lac le nom de Laguna Chica, et au plus grand celui de lac Menendez, en honneur du prêtre explorateur auquel doit tant la géographie patagonique.

Le Fta-Leufu alimente la Laguna Chica, et reçoit le fleuve qui naît dans le lac Menendez. Au sud et à l’ouest, se présente une série de pics neigeux.

Le 28, Lange descendit du pic par le versant occidental, dominant le rio Fta-Leufu qui va se jeter dans le lac Fta-Lafquen, mais il ne put reconnaître lequel de ces deux fleuves est le plus volumineux ; dans le fond ouest du lac Menendez, il distingua des glaciers. Les explorateurs remontèrent en suivant l’arête du pic, marche que les charges qu’ils portaient rendaient périlleuse, et dont les fatigues étaient augmentées par l’exténuation produite par le manque d’aliments réparateurs. De cette crête, il vit au nord et à l’est les vallées et les gorges formant avec leurs rivières le fleuve qui se jette dans le Fta-Leufu ; à l’est du lac Rivadavia et plus ou moins en face de l’ouverture aperçue depuis le Peladito, il aperçut une petite lagune.

Le jour suivant, du fond de la vallée où ils s’étaient établis pour la nuit, ils firent l’ascension d’un col qu’ils avaient aperçu depuis le Terraplen ; ils suivirent ensuite le cours d’une petite rivière, et, après beaucoup de fatigues, ils arrivèrent de nuit sur la rive du lac Fta-Lafquen ; Lange y observa que la ligne de crûe maximum se trouvait à cinq mètres au-dessus du niveau actuel des eaux.

Le 1er avril, il arriva au Commissariat de la Colonie, et, le 4, il retourna au Fta-Leufu pour y continuer ses travaux depuis l’angle sud-ouest de la vallée. Le 6, il traversa le fleuve accompagné du colon Eduardo Jones, emmenant des bêtes de somme pour pouvoir avancer jusqu’au point où il avait passé à l’ouest, depuis le nord de Fta-Lafquen.

Les indiens racontent qu’autrefois on chassait des vaches sauvages dans ces contrées, et les traces déjà anciennes de grands incendies indiquent qu’elles furent autrefois habitées. Le bois de ces forêts n’est pas utilisable ; la plus grande partie des arbres étant vermoulus et tombant en pourriture ; il conviendrait donc de les brûler méthodiquement pour former des champs utiles.

Dans cette reconnaissance, Lange étudia le lac Situacion ; il vit la prolongation du lac Fta-Leufu, duquel le fleuve du même nom sort pour entrer par une vallée profonde dans le lac Situacion ; il put établir plusieurs stations topographiques et obtenir des photographies qui seront utilisées dans le plan détaillé. Au nord-ouest du lac Situacion, on voit une gorge large et étendue. De la colline de l’Alto del Ciprés, on jouit d’une vue magnifique, d’une hauteur perpendiculaire de quatre cents mètres et sur une corniche qui surplombe et ressemble à un énorme balcon. Au nord-est, s’élève l’abrupt cerro Situacion que les colons appellent poétiquement « Le trône des nuages » ; au nord-ouest, s’étend une série de monts neigeux en face de la vallée du Fta-Leufu et de son embouchure dans le lac. Le fleuve ressort au sud-est formant plusieurs rapides et s’élargissant jusqu’à quatre cents mètres ; dans le grand coude qu’il décrit à l’est, il reçoit les eaux réunies du Perzey et du Corintos ; au sud de cette confluence s’étend une belle plage herbeuse.

Le 11, Lange était de retour au Commissariat.

Les instructions qu’avait reçues Waag étaient les suivantes : Après avoir établi un campement à la confluence du rio Corintos et du Fta-Leufu, il tâcherait de naviguer sur ce dernier pour observer s’il se jette dans le rio Palena ou s’il descend directement au golfe de Corcovado. Si le Fta-Leufu était un affluent du Palena, il remonterait alors son cours en faisant le relevé du terrain parcouru depuis le point de départ, soit en bateau, soit à pied, jusqu’à la source du fleuve, où devait le rejoindre une expédition de secours qui devait s’organiser parmi le personnel subalterne à ses ordres. Si le FtaLeufu et le cours d’eau qui se jette dans le golfe du Corcovado, et qui porte aussi ce nom, se trouvaient n’être qu’un seul et même fleuve, et qu’il ne se rencontrât pas d’habitants dans cet endroit, il descendrait au sud jusqu’à la Colonie du Palena, de laquelle il se déciderait, suivant le temps disponible, à remonter le fleuve ou à se diriger à Puerto Montt. S’il réussissait à se réunir avec sa station sur le Carrenleufu ou Alto Palena, il étudierait la zone limitée au sud par ce fleuve ; à l’est, par le rio Encuentro, Cordon de las Tobas, confluence des rios Corintos et Fta-Leufu ; au nord, par le parallèle qui passe par cette jonction ; et à l’ouest, il parviendrait aussi loin que possible, jusqu’à ce que le mauvais temps l’obligeât à retourner à la Colonie 16 de Octubre.

Ces instructions étaient sujettes à des modifications suivant les difficultés d’une exploration dans des régions en grande partie complétement inconnues ; elles furent exécutées de la manière suivante :

La station météorologique fut établie avec des instruments fournis par l’Observatoire national de Cordoba, lesquels arrivèrent à 16 de Octubre en parfait état, et les observations furent confiées à Mr. J. G. Pritchard, maître d’école de la colonie, qui continue à les publier, prêtant ainsi un inappréciable service, étant donnée la situation de ce point si rapproché des Andes patagoniques. Les travaux d’exploration commencèrent le 1er mars au point indiqué (planche XXVII).

Malheureusement, le canot amené de Chubut avait été détérioré, et son usage devint bientôt incommode et même périlleux.

Le 4, après avoir déterminé la position géographique du point de départ, Waag entreprit la navigation du Fta-Leufu, accompagné d’un seul homme. Le fleuve se dirige à l’ouest durant une vingtaine de kilomètres ; son courant est d’abord peu prononcé jusqu’à ce qu’il pénètre dans un étroit passage ou sa force augmente et où le vent contraire soulevait de telles vagues qu’il devint nécessaire de traîner le canot le long de la rive. Ce défilé dépassé, ils reprirent la navigation interrompue, mais le courant ne diminuait pas et de grands bruits annonçaient des rapides voisins ; cependant, une reconnaissance par terre démontra qu’il n’y avait pas de rapides à l’ouest, et que le bruit provenait du choc des eaux contre les rochers du rivage. Le volume des eaux s’était réduit au tiers de celui qui avait été observé au départ, telle était la violence du courant. Parfois les explorateurs parvenaient à maintenir leur embarcation au milieu du fleuve, tandis que d’autres fois ils étaient contraints de la trainer sur ses rives.

Le 6, Waag rencontra une cascade de trois mètres de hauteur qu’il évita en traînant le bateau sur la rive ; le cours d’eau ne mesurait plus que douze ou quinze mètres de largeur, mais les tourbillons étaient tels qu’il fallut suspendre la navigation pour ne pas périr dans ce défilé. Waag chercha à gravir un mont du sud ; mais après avoir couru un grand danger, il dut renoncer à son projet pour passer au nord, dans le but de continuer la marche à pied.

Du sommet d’un coteau, il put voir une rivière descendant au nord-est par une vallée étroite qu’il parvint à distinguer sur une extension d’environ vingt kilomètres. Cette rivière se jette dans le Fta-Leufu, lequel, après avoir décrit au nord un coude d’un kilomètre, tourne au sud et poursuit son cours à l’ouest, selon ce que croit Waag par une vallée prolongée qui s’élargit en coteaux peu élevés jusqu’au pied des hautes montagnes neigeuses et éloignées de l’ouest ; il court ensuite au sud durant environ quinze kilomètres, et au sud-sud-est pendant vingt cinq kilomètres. Le docteur Steffen décrit le rio Frio, affluent du Palena, qu’il observa depuis le sud-est, comme descendant du nord par une large vallée, limitée des deux côtés par des montagnes neigeuses, présentant des pics élevés, parmi lesquels celui dont l’altitude est la plus considérable parait situé au commencement de la vallée. D’après cette description, Waag croit que ce pic ne peut être autre que le cerro Nevado qu’on aperçoit depuis la vallée 16 de Octubre, par la gorge au fond de laquelle coule le Fta-Leufu après sa sortie de la vallée et auquel il donna le nom de Teta de Vaca à cause de sa forme. En outre, le docteur Steffen dit qu’à son retour par le Carrenleufu il observa que le rio Frio était plus considérable que le premier. En comparant la température des eaux des rios Carrenleufu et Fta-Leufu, Waag remarqua la même différence que celle qu’avait observée le docteur Steffen entre les eaux du premier et celles du rio Frio. Du point du Fta-Leufu, d’où revint Waag après avoir vu courir le fleuve dans la direction du sud, limité à l’est par des monts où prennent leur source les rivières Manso et Arisco, le trajet est trop court pour alimenter un fleuve plus grand que le Carrenleufu, ou tout au moins d’un volume égal ; il croit donc que le Fta-Leufu est le même fleuve que le Frio.

Le Fta-Leufu a son cours dans la direction générale nord et sud, entre la Cordillère, l’espace d’un degré et demi de latitude ; et le chaînon ou les chaînons du centre se trouvent à l’occident, montrant les pics les plus élevés de la région et d’immenses glaciers.

Il n’était pas possible que deux hommes pussent traîner l’embarcation au travers du bois et des ravins escarpes. Waag décida le retour à la colonie de la vallée 16 de Octubre, des qu’il se convainquit que ce fleuve n’était pas navigable. Il croit possible et peu coûteux l’établissement d’un chemin commode au Palena inférieur ; il serait facile de construire un pont sur le second endroit resserré du fleuve. Waag et son compagnon laissèrent le canot bien à l’abri, ainsi que les instruments et les provisions pour une future expédition ; ils commencèrent le retour à pied, en portant les instruments, et en gravissant les montagnes de l’est ; mais, le jour suivant, ils durent retourner chercher leur embarcation, car il n’était pas possible de continuer la marche sur les sommets.

Le 11, après beaucoup des peines, ils arrivèrent à un point où il n’était pas nécessaire de traverser de nouveau le fleuve. Ils laissèrent là le bateau, et, le soir, ils arrivèrent à l’établissement du colon J. Rus. Waag dit qu’après avoir dépassé de cinq kilomètres le coude décrit par le fleuve, jusqu’à la Cascade, on ne trouve pas de terrains cultivables, sauf des zones très peu étendues. La vallée est resserrée et les versants des montagnes, surtout dans la partie sud du fleuve, sont très inclinés et couverts de bois. Un conifère qui y abonde peut fournir d’excellents bois de construction. La faune est très pauvre ; il n’a vu que deux huemules (Cervus chilensis) et un huillin (Lutra chilensis), Dans le fleuve, les truites atteignent une longueur de trente centimètres.

Les journées du 12 et du 13 se passèrent ç arranger les charges. Waag s’occupa à réparer le théodolite qui s’était dérangé au cours de la pénible excursion sur le fleuve. Le 14, il commença la marche dans le Valle Frio, s’établissant vers le soir près d’un bras de l’arroyo Chileno qui descend du sud-ouest. Il avait employé beaucoup de temps à traverser le bois. Le 17, après trois jours de marche très pénible dans les bois et les collines glaciaires escarpées, il se retrouva dans le Valle Frio. Les terrains traversés ne sont pas homogènes ; dans les cinq premiers kilomètres, ils ne peuvent être meilleurs pour le pâturage, et l’agriculture doit y prospérer admirablement, si l’on excepte la culture de la pomme de terre qui souffre des gelées. Sur les versants, l’herbe est abondante ; mais, dans le bois incendié, elle ne repousse pas. Tout le coteau morainique est couvert de buissons touffus. Ces moraines atteignent une hauteur de 800 mètres au-dessus de la mer en face du cerro Conico et de l’arroyo Frio ; ce dernier, au point où les explorateurs établirent leur campement, coule à 690 mètres au-dessus du niveau de la mer, au sud-ouest, au milieu de la vallée de deux kilomètres de large, couverte d’excellents pâturages ; sur les coteaux qui la limitent, la forêt est impénétrable.

À l’ouest du campement, à huit kilomètres de distance, s’élève une chaîne de montagnes parallèle au Valle Frio et dont les cimes les plus élevées ont une altitude d’environ 2000 mètres. Au pied du Mont Conico coule, dans une pampa assez ouverte, l’arroyo Arisco beaucoup plus volumineux et impétueux que le Frio.

Dans ces environs, se trouve un minerai de plomb qui devra être examiné avec attention au cours d’une prochaine expédition. Les colons ont mis à nu le filon dont l’épaisseur varié entre cinq et vingt centimètres.

Le 19, Waag reçut de nouvelles instructions qui correspondaient au plan qu’il s’était tracé. Puisqu’il était impossible de réaliser l’exploration du cours inférieur du Fta-Leufu, après les observations de latitude et d’azimut, il continua à descendre à l’ouest-sud-ouest par le val du Rio Frio, dans lequel il établit un campement à la confluence avec un cours d’eau plus important, au point où leurs eaux réunies se jettent dans le Carrenleufu. Dans cette contrée, on rencontre souvent des bestiaux sauvages.

Le 20, il chercha à atteindre le sommet du pic, mais il ne put en effectuer l’ascension par la forêt, et il résolut de continuer sa route par l’arroyo Arisco, en le remontant sur un espace de quinze kilomètres. Le 22, il escalada les coteaux pour vérifier s’il était possible d’arriver avec des bêtes de somme au Cordon de las Tobas ; la chose était possible, mais aurait exigé une semaine de travaux pénibles, et la saison était trop avancée. De la cime d’un mont, il put voir qu’à trois kilomètres plus à l’ouest, la vallée prenait une direction générale d’est à ouest, laissant le Cordon de las Tobas isolé des montagnes qui commencent au sud-ouest de la Colonie, et suivent cette direction jusqu’à la vallée. Obligé par le mauvais temps à retourner au campement de l’arroyo Frio, le 25, il se dirigea vers la vallée du Carrenleufu. Le jour suivant, il rencontra trois indiens de la Tolderia de Foyel qui lui vendirent de la viande provenant d’une vache sauvage qu’ils venaient de chasser et qui lui dirent que le nom de Carren-leufu (rivière verte) correspond au Fta-Leufu, auquel ils donnent l’une ou l’autre de ces dénominations, et que les anciens indigènes appelaient Pilunque l’actuel Carrenleufu ou Corcovado de los Colonos. Pilun signifie serpent en araucan, et la rivière qui serpente dans la vallée mérite ce nom par son cours capricieux.

Le colon Gérard Steinkamp est établi dans cette vallée avec sa nombreuse famille, ainsi que quelques vaches, juments et brebis ; et c’est chez lui que Waag s’arrêta le 26. La journée du 27 fut employée à des observations astronomiques. Waag laissa la plus grande partie des animaux reposer dans cet excellent pâturage. Le Carrenleufu a, en cet endroit, un volume d’eau bien moindre que le Fta-Leufu et il est guéable en plusieurs points. Le 31, après une marche fatigante, l’explorateur arriva au rio Encuentro, et put reconnaître la région sur dix kilomètres environ à l’ouest, mais il n’était pas possible de continuer la reconnaissance dans de pareilles conditions. Du reste, il se trouvait déjà dans des terrains visités par Steffen et Fischer dont les données permettront de tracer plus tard le programme des travaux pour l’exploration détaillée que le Musée projette pour la suite et dont ces reconnaissances n’étaient que les préliminaires. Le 2 avril, au soir, Waag revint à l’établissement de Steinkamp, et ses tentatives pour atteindre le Cordon de las Tobas l’occupérent jusqu’au 6 ; pendant ce temps, il avait examiné une couche de charbon dont il ne peut calculer l’importance, ayant manqué du temps nécessaire pour l’apprécier avec exactitude. Cette couche a une inclinaison de trente degrés à l’est et deux mètres et demi d’épaisseur ; elle est recouverte d’une couche d’argile, imprégnée de fer, d’une épaisseur de quatre mètres. Les grès compacts, gris et rouges se présentent sur les coteaux.

Du coteau, à côté du campement, il observa qu’à l’est du Cerro Central, le fleuve Carrenleufu descend du sud et se dirige de plus en plus à l’ouest, prés de la base de la montagne, point où il décrit à peu prés une demi-circonférence. La vallée se resserre en cet endroit, mais à l’est et au nord-est elle atteint presque deux kilomètres de largeur. Les coteaux du nord se rapprochent du fleuve, et arrivent jusqu’à sa rive au point de jonction avec l’arroyo Frio. Les coteaux du nord-est offrent de bons pâturages et dans une gorge près de la rivière de Las Casas, on rencontre quelques pins. Le sol de la vallée consiste principalement en terre végétale très fertile et apte pour l’agriculture. Quelques petites élévations de la partie nord de la vallée la mettent à l’abri des vents et des orages qui viennent de l’ouest. Il n’y a pas de doute que cette vallée est très propice à une colonie agricole. Depuis Tecka, on peut y parvenir en char. Plus bas, la vallée est boisée et moins accessible, mais quand on aura systématiquement brûlé la forêt, le terrain sera cultivable.

Le 8, Waag, accompagné d’un aide, commença son excursion à pied au Cordon de las Tobas, et, le 14, il arriva à un point dont il calcule la situation à dix kilomètres du Fta-Leufu ; mais la neige l’empêcha de continuer l’ascension de la montagne. Il avait traversé des forêts d’arbres énormes qui avaient jusqu’à huit mètres de circonférence, et dont la hauteur atteignait à quarante mètres.

Le 20 avril, il retourna au Commissariat du 16 de Octubre, après cinquante jours de travaux et de privations (pl. XXVIII).

Tandis que Waag explorait le Fta-Leufu et le Carrenleufu, et Kastrupp les environs du lac General Paz, Von Platten visitait les rios Pico et Frias ; il partit en suivant la direction du nord-ouest par la charrière de la colonie 16 de Octubre, en traversant ensuite la vallée humide et fertile de Gennua, limitée au nord par des collines de trois cents mètres de hauteur, séparées des montagnes de Potrachoique par le large Cañadon de Lemsañeu. Les coteaux du sud ont à peu près la même hauteur. Suivant le cours d’un arroyo, il passa au sud du petit mont Gesketomaiken ; et entrant dans une large vallée qui s’étend à l’ouest et qui est traversée par les rios Quersuncon et Cherque, il continua sa route à l’est de ce dernier jusqu’à une hauteur de 790 mètres où le Cherque se rétrécit, et reçoit ensuite un affluent provenant des coteaux de l’est. Avant de recevoir son affluent de l’ouest, le Cherque s’encaisse dans un étroit cañadon dont les bords à l’est sont élevés et escarpés, tandis que ceux de l’ouest s’étendent en vaste plateau formant la division des eaux du Cherque et du Pico.

Les montagnes au sud-est de la dépression transversale s’élèvent rapidement jusqu’à une hauteur de 1300 à 1400 mètres.

L’arroyo a sa source dans les grands marais et les petites lagunes de la colline de Los Baguales (1300 m.) où naît aussi l’arroyo Omckel que Von Platten suivit au sud jusqu’à la vallée du Rio Frias, lequel a aussi son origine dans les mêmes coteaux. Il traversa cette vallée en suivant la direction du sud jusqu’à rencontrer la lagune, origine de l’arroyo Apeleg, et tourna ensuite à l’ouest jusqu’à la première rivière du sud qui naît dans les montagnes neigeuses.

En arrivant en face du Cerro Caceres, il monta au sommet d’un plateau situé à cinquante mètres au-dessus du niveau du rio Frias et vit que les chaînes de montagnes étaient entrecoupées au nord comme au sud. L’épaisse forêt l’empêchant d’arriver jusqu’à elles, il suivit le cours du fleuve au nord jusqu’à ses deux sources qu’il traversa, et arriva à une petite lagune qui s’étend du nord-est au sud-ouest ; de là, il s’aperçut que le fleuve, infranchissable sur ses deux côtés, coulait à l’ouest-sud-ouest par une gorge derrière laquelle on distinguait des montagnes élevées. Il essaya d’effectuer une excursion à l’ouest pour reconnaître les sources de la rivière qui débordait par suite des pluies continuelles ; mais ne pouvant réussir à exécuter son projet, il fit l’ascension d’un mont de 1274 mètres au nord-ouest, où, malgré les averses et les brouillards, il put observer que les cimes neigeuses se trouvaient plus à l’ouest.

Puis il se mit en marche vers le nord-ouest en suivant le versant des montagnes neigeuses du nord-ouest et arriva à un plateau stérile de deux lieues carrées, limité au nord et à l’est par des hauteurs peu élevées, et à l’ouest par des montagnes recouvertes de neige, dont l’altitude était considérable. Au sud, se trouve une large vallée au fond de laquelle coule l’arroyo Caceres. S’avançant à l’est, Von Platten se dirigea vers un mont de 1630 mètres, d’où il aperçut les trois lacs situés au sud de l’arroyo Pico, dont il reconnut diverses sources qui s’unissent au rio Frias. Il trouva une lagune située près du versant nord du mont Caceres, se dirigea à l’est vers les Baguales en traversant de petits coteaux, et distingua parfaitement la Cordillère de l’ouest entièrement recouverte de neige. Au nord, se trouve une lagune située au sud du lac Pico ; il y arriva en traversant le quatrième bras de la rivière du même nom, et au nord-ouest il traversa trois courants qui descendent des montagnes neigeuses à l’ouest jusqu’à rencontrer un quatrième cours d’eau qu’il ne put traverser, par suite de l’escarpement de ses bords.

Dans la direction nord-ouest, il rencontra une belle vallée arrosée par un bras du Pico qui se réunit au bras de l’ouest ; et, suivant la même direction, il traversa les divers bras du sud jusqu’à la pampa de Temenhuau, cherchant en vain le lac Henno. Il continua sa route au sud vers la rivière de Tomckel, en traversant les pâturages d’une pampa un peu plus élevée que les environs de la rivière Pico ; il passa à l’ouest de la fertile pampa Chirick jusqu’à Omckelaiken où les montagnes s’ouvrent dans une vallée étroite qui s’élargit à Shama jusqu’au point où la rivière est plus resserrée. Les montagnes atteignent en ce point une hauteur de 1300 à 1400 mètres, et sont moins accidentées au nord qu’au sud ; dans cette dernière partie, elles présentent des pics caractéristiques comme celui de Haiosh.

Suivant la rivière jusqu’à Tequerr, il traversa un grand marécage qui s’étend du sud-est au nord-ouest, et dont les terrains, au dire de M. Von Platten, sont les meilleurs qu’il ait traversés. Dans la carte dressée par M. Ezcurra, cette rivière suit la direction de l’est pour s’unir au Gennua, mais Von Platten put constater que son cours y a été mal représenté, puisqu’il se dirige au sud pour se réunir à l’arroyo Apeleg.

L’explorateur se dirigea au sud-ouest à la recherche de cette dernière rivière qui côtoie les collines du nord, dans une vallée qui se resserre toujours davantage, se refermant presque à l’ouest entre les montagnes du sud appelées Payahuehuen, plus élevées que celles du nord. Il suivit le cours de la rivière depuis ses sources, qui proviennent de l’ouest de montagnes de 1300 à 1400 mètres d’altitude, jusqu’à la confluence de l’Omckel ; et, au travers la pampa fertile au nord, stérile dans son prolongement du sud, il arriva à Choiquenilahué, le 30 avril, où il rejoignit plus tard M. Arneberg.



X

DE 16 DE OCTUBRE À PUERTO MONTT


Quand fut arrangé le retour des expéditionnaires de la section australe, je résolus de retourner, le 12 avril, au Nahuel-Huapi. Cette nuit-là, nous campâmes à Pichileufu, et le lendemain je pris le chemin de Fofocahuallo pour passer par Cushamen ou Flatemen. En continuant ma route dans la direction de l’ouest par les sources des arroyos Chacaihueruca, Chenqueg-geyu et du rio Curruleufu, j’arrivai, le 16, à la propriété de Tauschek, prés du lac. Le lendemain, Wolff me rejoignit et me rendit compte des travaux qu’il avait exécutés.

Il commença son exploration en suivant la vallée du Caleufu, et chercha un passage au travers des bois et des coteaux jusqu’au bassin du Traful qu’il dut reconnaître au sud. Dans la vallée se trouve une habitation dont le propriétaire lui assura qu’il se rencontre des vaches sauvages dans les environs du lac. Pour reconnaître l’arroyo Cuyé-Manzana, il traversa les hauts coteaux qui le séparent du Traful dont il est un affluent. Cette rivière coule dans une vallée assez étendue et riche en pâturages ; il la suivit en partie ; puis il fit l’ascension des montagnes offrant le plus de facilité pour la marche. Le lac Manzana représenté dans la carte du colonel Rhode, représentation qui a été copiée par toutes les autres cartes de cette région qui ont paru dans la suite, n’existe pas, comme l’ont également constaté Soot et Hauthal. De la cime d’une montagne, Wolff put effectuer des observations de latitude et d’azimut, de grande importance pour relier les points topographiques avec le Lanin, centre de toutes les observations de la section. Le 14, en traversant la chaîne de montagnes, il arriva à l’Estancia Jones au Nahuel-Huapi, où il rencontra Roth avec lequel, le 16, il se dirigea au Potrero Huber, à l’extrémité nord-ouest du lac ; mais, avant d’y arriver, Roth dut retourner en arrière à cause des difficultés du chemin, qui entravaient les études qu’il avait ordre d’effectuer (planche XXIX).

Le rio Correntoso, si l’on peut appeler fleuve ce petit canal profond, n’a guère que deux cents mètres, et met le lac de ce nom en communication avec le Nahuel-Huapi ; cependant la carte de M. Fischer donne à son cours une longueur de presque vingt kilomètres. Le sentier passe par les lagunes de Las Chorguas et Pichilaguna et la lagune du Totoral ; cette dernière est très pittoresque avec trois îlots au centre, et est située au pied des monts neigeux de l’ouest. Potrero Huber, ainsi appelé d’après le nom d’un propriétaire résidant à Osorno, qui avait choisi ce parage pour l’hivernage de ses bestiaux, occupe la vallée entre la lagune Totoral et le lac Nahuel-Huapi, vallée dont la forêt a été détruite par des incendies et qui a été remplacée par d’excellents prés naturels.

Le 25, Wolff fit l’ascension du cerro Mirador, superbe point d’observations, d’où l’on voit les monts Lanin, Chapelco, Tronador, Pantoja, Puntiagudo et les volcans de Osorno, de Puyuhué et de Villarica. Le 26, il examina la lagune Constancia dont les eaux se déversent dans le lac de Puyehué, et, le lendemain, il recommença l’ascension du Mirador (planche XXX, fig. 1) du sommet duquel il parvint à effectuer des observations de latitude et d’azimut, et exécuta des visées de tous les principaux points en même temps que le panorama photographique. Le 28, il se dirigea de nouveau à la lagune Constancia, et, le 30, il était de retour au Potrero Huber. Le 31, il partit dans la direction du nord-est pour étudier le système du lac Correntoso, et arriva, le soir, au lac Espejo, près des rives duquel croissent de vigoureux mélèzes. Le lac baigne la base des montagnes neigeuses de la Cordillère, et sa plus grande extension se trouve du nord au sud. Il est étrange que ce lac ne se déverse pas dans le Nahuel-Huapi, car il n’en est séparé que par une plaine de deux kilomètres. Son écoulement se fait plus au nord, dans le lac Correntoso, en coupant des monts assez élevés sur un espace de cinq kilomètres. Un autre petit lac, celui de l’Encanto, se déverse dans le lac Espejo.

Le 6 avril, Wolff retourna au Potrero Huber, après un travail très pénible, rendu plus difficile encore par la pluie continuelle. Dans cette région, il n’est pas rare de trouver des vestiges d’établissements indigènes très anciens et il put obtenir de curieuses pièces de céramique. Il retourna à l’Estancia Jones dans le canot du brave indigène Millaqueo (planches XXXI et XXXII).

Le 23, il arriva à Junin de los Andes, et malgré la saison avancée, il se dirigea vers le lac Huechu-Lafquen, après avoir déterminé la longitude de Junin. Il continua ces travaux avec la coopération de Zwilgmeyer et Soot, malgré les pluies et les neiges, jusqu’au 8 mai. Le 13, il arriva à Quillen, et, de là, il se rendit à Chosmalal et à San Rafael, en prenant à l’est du massif du Nevado. Le 15 juin, son voyage était terminé.

M. Schiörbeck était revenu de son excursion aux lacs Gutierrez, Mascardi et Todos los Santos ; je lui laissai de nouvelles instructions ainsi qu’à Frey qui avait ordre de se rendre à Roca par le Nahuel-Huapi.

En arrivant au lac Nahuel-Huapi, le 25 février, Schiörbeck commença ses opérations par l’ascension du cerro del Carmen, de la cime duquel il aperçut le lac jusqu’à l’île Victoria, le cerro Puntiagudo, au Chili, et le Tronador, dont l’observateur ne pouvait apercevoir, de la position qu’il occupait, que deux pics, dont le plus élevé avait une altitude de 3400 mètres (moyenne de quatre observations trigonométriques), c’est-à-dire presque 400 mètres de plus que la hauteur calculée par MM. Fischer et Steffen. Le cerro Puntiagudo mesure, d’après Schiörbeck, 2430 mètres, soit 130 mètres de moins que ce qu’indiquent les mêmes explorateurs.

Du haut du cerro del Carmen, on parvenait à voir le lac jusqu’au Puerto Blest, ce qui démontre l’inexactitude du bras dessiné sur la carte de M. Fischer. Du même point de vue, Schiörbeck put constater aussi k’erreur de la position assignée par M. Krüger[10] au cerro Tronador qui, selon lui, se voit de l’embouchure du lac de l’ouest au nord.

L’explorateur remarque deux dépressions du lac, celle de Puerto Blest et celle qui forme un bras au sud ; la partie comprise entre les deux dépressions est occupée par une petite chaîne dans laquelle le cerro Capilla est le sommet le plus élevé. Au sud s’étendait la vallée du lac Gutierrez, où Schiörbeck se dirigea d’après mes instructions. À grand’peine, il put passer au travers de l’épaisse forêt, sur la rive nord du lac, où il se trouva entouré de montagnes qui suivent la direction de l’est à l’ouest ; tandis qu’au sud, on distinguait une chaîne continue dont la cime la plus remarquable est appelée La Ventana ; cette chaîne se dirige à l’ouest, côtoyant la rive sud du lac, ainsi que celle d’un autre lac situé plus à l’est, jusqu’à ce qu’elle soit coupée par la grande vallée longitudinale. C’est un chaînon de cinquante kilomètres de long, qui se dirige parallèlement au massif de la Torre de la Catedral dont la base escarpée surplombe le bord nord-ouest du lac situé à l’ouest du lac Gutierrez, et auquel on a donné le nom de lac Mascardi, en honneur du missionnaire assassiné en 1672 par les indiens. À l’ouest de ce lac s’ouvre une plaine de dix kilomètres d’extension. Cette dépression tectonique, occupée par les deux lacs et la vallée, formait autrefois un des fjords du lac Nahuel-Huapi. C’est au prix de grandes difficultés que Schiörbeck réussit à faire l’ascension d’un des pics de cette dernière montagne, et, d’une hauteur de 2300 mètres, il observa à l’ouest et au nord-ouest un massif dont les pics et les sommets neigeux sont dominés par le Tronador et le mont Puntiagudo. De l’autre côté du lac, on voyait une vallée longitudinale tout à fait dépourvue de cours d’eau, limitée par une imposante chaîne de pics élevés et neigeux, se prolongeant du nord au sud. Au nord-ouest, il distingua les nombreuses cimes qui se trouvent à l’ouest du Nahuel-Huapi et au nord et à l’est le volcan Pillan, les chaînons du Traful, des Cipreses, le Carmen, et le Trenque-Malal jusqu’au fleuve Limay.

De retour au lac Gutierrez, il traversa en radeau le lac Nahuel-Huapi, et débarqua à Puerto Blest, dont il rectifia la position géographique donnée par M. Fischer, et qui est situé quatre minutes plus au sud. S’avançant davantage dans la Cordillère, il passa par la lagune de Los Clavos, à une hauteur de 1190 mètres, tandis que le Nahuel-Huapi est à 740 mètres au-dessus de la mer. Il arriva au défilé appelé Cuesta de los Raulies (1290 m.), formant la séparation des eaux qui alimentent la lagune de Los Clavos, dont l’embouchure se trouve dans le Nahuel-Huapi, de celles qui donnent naissance aux affluents du rio Peulla. La pente des versants est très rapide, puisque de cette hauteur on descend à Casa Pangue qui n’est qu’à 320 mètres au-dessus de la mer.

De ce parage, par l’ouverture du rio Peulla, on domine le Tronador avec ses cimes immaculées, encadré à l’est par le cerro du Boquete Perez Rosales, et à l’ouest par le Monte Celoso.

Schiörbeck se dirigea à la lagune Frias par le Boquete Perez Rosales. Au nord du passage, il gravit la Cuesta de los Raulies, dominée par le mont Perez Rosales (2850 m.) situé au sud.

Pour arriver au Tronador, il suivit le cours du rio Peulla jusqu’à la confluence de ses trois bras, dont l’un vient de la gorge du Boquete Perez Rosales, et les deux autres naissent des glaciers du Tronador. Il pénétra par le revers d’une moraine encore active du glacier actuel. Puis, il atteignit le lac Todos los Santos, et, de là, il revint à Nahuel-Huapi.

Le 3 avril, suivant les instructions que je lui avais laissées, il se dirigea au sud du lac, sur les hauts coteaux, à l’ouest du chemin général qui aboutit à la vallée 16 de Octubre, près de la région du Corral de Foyel. Par un ancien sentier, il traversa de nouveau le rio Curruleufu qu’il remonta jusqu’à ses deux principaux affluents (1260 m.), en suivant celui de l’ouest qui naît dans une vallée de deux kilomètres de largeur. Le Curruleufu reçoit un affluent du mont au nord, et sur le côté ouest, le rio Manso prend ses sources à 1280 mètres de hauteur.

D’un sommet voisin du rio Manso, au sud, et à une hauteur de 1500 mètres, l’explorateur reconnut que ce fleuve va de l’est à l’ouest, en s’inclinant un peu au sud ; son principal affluent naît du mont Tristeza. À l’ouest, à une distance de cinquante à soixante-quinze kilomètres, on distinguait des cordillères élevées et couvertes de neige, continuation du chaînon neigeux situé à l’ouest de la grande vallée et qu’on aperçoit du mont Catedral. Il reconnut ensuite l’affluent est du rio Curruleufu, et il fit l’ascension d’une cime (1840 m.), d’où il prit des visées, à l’aide desquelles il rattacha à ses observations le mont Carmen, visible au nord ; mais il ne put rien distinguer à l’ouest, car l’horizon était fermé par les montagnes qui donnent naissance au rio Curruleufu.

Au sud, il remarqua une grande dépression qu’il jugea être le lit d’un affluent du Manso.

Les tourmentes d’eau et de neige ayant redoublé par suite de la saison avancée (7 mai), Schiörbeck entreprit son voyage de retour à Roca, en suivant la charrière qui, de Nahuel-Huapi, passe par le Cañadon Cumayen, et monte à celui de Pilcangeyu. Il passa le défilé entre les deux cañadones ; il suivit le premier dans tous ses détours, d’abord dans la direction de l’est, puis au nord-est, et enfin au nord-nord-est, jusqu’à arriver, après 55 kilomètres de parcours, au rio Limay ; il traversa plusieurs autres dépressions, entre autres celles de Cuy, laquelle, d’après les indiens, ne se termine qu’à l’Atlantique.

Le 12 juin, il arriva au fort General Roca.

Le 29 février, Frey quitta le campement de la colonie et suivit le chemin général de Lelej ; en recherchant ensuite à l’ouest les monts de Cholila, il traversa le parage appelé « La Puerta » par où court un ruisseau qui, avant de s’unir au Lelej, forme une petite lagune jusqu’au point où les eaux du rio Chubut se séparent de celles du Fta-Leufu. De là, s’étendait au nord la grande plaine ; au sud-sud-est, on apercevait une vallée en partie marécageuse, limitée à l’est par les monts de Lelej et Esguel, et circonscrite au couchant par des coteaux de 200 à 400 mètres de hauteur ; arrivé au sommet de ces derniers, Frey aperçut à l’ouest un des lacs de Cholila et au sud-ouest un autre lac de plus grande dimension, et plus loin encore, à la ligne occidentale de l’horizon, les monts de Cholila couverts d’une faible couche de neige.

Pour arriver à ces lacs, dont il n’a pu observer l’embouchure, il passa par la confluence de deux rivières qui naissent dans les monts de Cholila et qui coulent au Fta-Leufu par un cañadon s’ouvrant au sud. Ne pouvant atteindre la rive sud du lac le plus éloigné par suite de l’épaisseur de la forêt, il arriva au Fta-Leufu qui, à ce point, a environ quarante mètres de largeur et coule tranquille et profond.

En remontant son cours dans la direction de l’ouest, il trouva un troisième lac de plus de quinze kilomètres de long sur trois environ de large, qui va de l’ouest à l’est, et d’où sort le Fta-Leufu : c’est le lac Cholila. Dans le fond, une chaîne, dont les sommets présentent une couche de neige d’une certaine épaisseur, se dirige au sud où elle paraît liée au mont Tres Picos et terminée par le Puntiagudo, tandis que les monts de Cholila la limitent au nord. Le fleuve est guéable un peu avant sa confluence avec l’arroyo Cholila, son tributaire, qui reçoit à son tour un cours d’eau de l’est, donnant issue aux eaux d’un quatrième lac, le Misterioso, alimenté par l’eau que condensent des sommets neigeux.

Frey arriva ainsi au plus considérable des cinq lacs observés, et dont l’axe principal va du nord au sud. De là, en suivant les monts de Cholila, et s’élevant toujours davantage jusqu’au point où ceux-ci prennent la direction de l’ouest, il atteignit l’arroyo Epuyen. Ce cours d’eau a sa source dans un sixième lac de dix kilomètres de long, alimenté par les eaux qui descendent des monts de Cholila et de Pirque. S’ouvrant un chemin par le versant des monts, Frey pénétra dans la vallée formée par cette rivière, s’étendant dans la direction de l’ouest, et où il se trouve un établissement.

En suivant cette rivière, il arriva à son embouchure dans le lac Puelo. Il ne put, à cause des forêts impénétrables et des marécages, parcourir les côtés du lac, et se contenta de les observer depuis une hauteur. Il nota au sud les sommets neigeux de Tres Picos que le docteur Steffen, dans sa carte, appelle « Cerro de los Castillos ». Cette montagne est séparée de la chaîne neigeuse qui se prolonge au nord par une rivière qui vient du sud et qui s’incorpore au lac Puelo. Cette chaîne est aussi coupée par le Rio Puelo, déversoir du lac du même nom, lequel, dans la partie aperçue par Frey, s’étend d’environ quinze kilomètres du nord au sud, formant au nord deux échancrures entre lesquelles s’élève la colline Curamahuida ; dans celle de l’est, se déverse l’Epuyen, et, dans celle de l’ouest, une autre rivière qui descend du nord. Au nord s’élève le Cerro Pilquitron, continuation des hauteurs qui se prolongent depuis le Nahuel-Huapi ; du Pilquitron au sud continue une chaîne jusqu’à la montagne située en face de l’estancia Maiten.

En suivant la vallée, entre les deux montagnes, Frey se dirigea au nord afin de rattacher le Tronador à la zone de ses observations. Dans la vallée, il traversa des cours d’eau qui descendaient des deux montagnes, et qui, réunis en deux rivières, se déversent dans le second bras du lac Puelo. La rivière formée par les eaux de la chaîne de l’est arrose des terres fertiles et propres à l’élevage. Celle de l’ouest, alimentée de même par les eaux de cette direction, prend sa source dans un glacier de la Cordillère neigeuse.

Gravissant une haute colline qu’il appella « Los Baguales », il aperçut le panorama qui se déroulait au nord : en face, une montagne à forme pyramidale ; à gauche et un peu plus au nord, les divers pics du cerro Valverde ; entre celui-là et la Cordillère neigeuse de l’occident, une rivière qui coule à l’ouest, formée de deux affluents principaux qui descendent, l’un entre le cerro Piramide et Los Baguales, en longeant la chaîne de l’est, et l’autre, plus considérable, qui court au nord-ouest entre les pics du Piramide et du Valverde. La première des deux rivières reçoit toutes ses eaux de l’ouest, lesquelles en partie procèdent d’un nouveau bassin lacustre, le lac Escondido, qui s’étend apparemment de l’est à l’ouest, sur un axe de dix kilomètres et à l’extrémité duquel s’élève une montagne caractéristique avec deux pics. Ce lac paraissait avoir en cet endroit un bras dirigé vers le sud.

La vallée entre le cerro Valverde et la Cordillère de l’ouest est assez large, mais couverte de bois épais ; elle s’ouvre à l’ouest et il est probable qu’on puisse arriver par elle au Nahuel-Huapi. Dix kilomètres plus au nord, Frey découvrit les vestiges d’une localité indigène, connue sous le nom de Corral de Foyel, où le cacique réalisait autrefois ses fameuses chasses aux exemplaires de l’espéce bovine dénommés baguales. Il revint ensuite à son campement général d’où il se rendit au gué de Maiten, au nord du Piltriquitron, par le cours d’eau qui descend de la montagne de l’est. Ses sources sont situées quelque peu au nord dans le versant oriental de la même montagne. Il alla reconnaître ensuite l’origine du rio Chubut à soixante kilomètres de l’estancia Maiten.

Du haut d’une élévation, il vit que ce fleuve est formé de deux cours d’eau qui descendent de la montagne, en recueillant l’apport liquide de divers tributaires, parmi lesquels un de l’ouest qui parcourt toute la pampa de Maiten, et naît dans les montagnes au nord de l’estancia. Il visita au sud la pampa, en passant par le promontoire de Caquel-Huincul, et revenant à l’estancia Lelej, il traversa des affluents occidentaux du Chubut jusqu’au cerro Urahué à Fofocahuallo, où le fleuve tourne au sud et reçoit le Pichileufu et le Mayuleufu. Il suivit au nord jusqu’au lac Nahuel-Huapi par le chemin occidental le plus court. De là, il se dirigea lentement à Machinchau et à Roca où il arriva le 10 juin.

Considérant nécessaire ma présence à Buenos Aires, et satisfait de la manière dont s’effectuaient les reconnaissances que j’avais confiées à mes infatigables collaborateurs, je résolus de m’embarquer sur le lac dans la barque de MM. Wiederholtz pour me diriger à Puerto Montt et de là à Buenos Aires.

Le 17, à l’aube, nous commençâmes notre navigation qui ne prit fin qu’à Puerto Blest, où nous n’arrivâmes qu’à 10 heures du soir, heures sereines inoubliables, de même que le spectacle des grandes échancrures boisées, des îles pittoresques et du fjörd imposant aux parois granitiques presqu’à pic de mille mètres de haut, à l’extrémité duquel est situé ce port qui, dans un avenir prochain, sera mis à contribution par le commerce qui utilisera la nouvelle voie de communication entre Puerto Montt et Puerto San Antonio, et sera fréquenté par les touristes qui jouiront des panoramas merveilleux et variés de cette région. Après avoir passé le petit défilé qui sépare le lac de la vallée du Peulla, qui est boisée, marécageuse et escarpée au couchant, je me trouvai sur territoire chilien. Dans la vallée, M. Wiederholtz a construit des dépôts pour faciliter le transport des marchandises à Casa Pangue, d’où l’on peut visiter avec commodité les superbes glaciers du Tronador qui arrivent jusqu’au lit du Peulla. Je fis cette excursion avec un véritable plaisir.

Le 20, je dormis sur la rive du lac Todos los Santos (planche XXX. fig. 2), et j’eus la chance d’obtenir une embarcation pour le traverser le jour suivant, passant pendant la nuit et malgré la pluie torrentielle, au milieu des laves et des cendres de l’Osorno et du Calbuco, les deux magnifiques volcans qui dominent le chemin, jusqu’à ce qu’enfin je trouvai une couche abritée sur les bords du lac Llanquihué. Par des sentiers pittoresques, puis par une belle charrière qui dessert les colonies allemandes établies sur la rive sud du lac, j’arrivai à Puerto Varus d’où, dans une voiture commode, je me rendis à la ville de Puerto Montt, où prenait fin, le 22 à minuit, ma marche ininterrompue depuis San Rafael.

Je revenais satisfait des résultats obtenus, dont je vais établir la synthèse en terminant ces notes, après avoir décrit les travaux de Soot, Zwilgmeyer et Heuthal, laissant pour une autre fois ceux de Roth, réalisés avec d’excellents résultats entre Roca et Nahuel-Huapi et ceux de Morétaeu, qui s’était dédié à l’étude géologique de la région de la Vallée 16 de Octubre, comprise entre la caverne du cerro Situacion et la laguna Cronómetro.

Soot entreprit son voyage en compagnie de Hauthal, depuis le chemin que suit le rio Caleufu jusqu’un peu plus au sud de la rivière Quemquemtreu, en traversant des cañadones tapissés d’herbe tendre, tandis que sur les plateaux voisins, la végétation se compose de graminées dures.

À la confluence de la rivière Chilchiuma, il gravit au nord-ouest un mont de 2000 mètres, qui est situé au sud de la chaîne de Chapelco, et duquel on apercevait au sud les montagnes jusqu’au lac Traful et au nord-ouest jusqu’au Pillan et une partie du Chapelco qui fournit des eaux aux rivières Quemquemtreu, Chilchiuma et Chichahuay. Sur les plateaux de l’est, il observa de petites lagunes. En suivant le rio, il trouva, à douze kilomètres du lac Filohuehen, un autre bassin lacustre plus étendu qui n’était pas connu et auquel il donna le nom de lac Falkner. Ne pouvant l’explorer entièrement par voie terrestre, il construisit un radeau, et en mettant alternativement à contribution ces deux modes de locomotion, il put arriver jusqu’à son extrémité où se déverse une rivière d’un kilomètre qui donne issue aux eaux d’un autre lac situé plus à l’ouest, également nouveau pour la géographie, qu’il baptisa du nom du pilote Villarino. Ces lacs sont extrêmement pittoresques, comme on peut en avoir une faible idée avec le paysage du lac Villarino, reproduit sur la planche XXXIII.

Gravissant une colline, Soot observa qu’à quelques dix kilomètres à l’ouest de ce dernier lac s’élevaient de hauts sommets neigeux, lesquels, d’après lui, doivent former la division des eaux de la Cordillère. Il remarqua aussi qu’à l’extrémité du premier lac s’étend une gorge assez large, faiblement inclinée dans la direction nord-ouest. Il est à supposer que c’est dans cette dépression que s’effectue la réunion des eaux des lacs situés à l’ouest du lac Metiquina. Ensuite, il se dirigea par la gorge du rio Traful au lac du même nom (planche IX, fig. 3). Ne pouvant suivre ses rives par terre, il construisit un radeau, et avec Hauthal il navigua jusqu’à son extrémité par le bras nord (pl. XXXIV). Sur la rive sud de ce dernier, ils gravirent une montagne élevée de 800 mètres au-dessus du niveau du lac, découvrant de son sommet, au nord, le Pillan ; au sud, le Pantoja ; à l’ouest, les cerros Cuervo, Puntiagudo, etc., et les sommets neigeux qui, depuis ces derniers, s’étendent jusqu’au Puyehué-Falso ; le tout présentait un ensemble de sommets escarpés avec de nombreuses gorges ; au nord, on apercevait un lac.

Profitant d’un fort vent de l’ouest et utilisant la tente en guise de voile, ils revinrent au Traful. Ce lac est très profond et entouré de hauteurs considérables, couvertes d’épaisses forêts ; la température de ses eaux est de douze à treize degrés centigrades. Ses bois pourraient être amenés par eau à des endroits habités.

Soot démontra que la carte de l’explorateur Fischer est, en grande partie, erronée, surtout en ce qui concerne les issues des lacs Traful et Filohuehuen ; quant au lac Manzana, il n’existe pas.

À peu de distance du point où le rio Traful s’incorpore au Limay, le premier de ces cours d’eau reçoit du sud-ouest une rivière volumineuse : c’est l’arroyo Cuyé-Manzana.

Le voyageur traversa ensuite les collines pour arriver au Caleufu et à la vallée de Maipu, et, de la, à Junin de los Andes, en route pour le lac Huechu-Lafquen. Son itinéraire passe ensuite par les cerros de la Virgen et de Malal-Cahuallo, et, par le Malleu, il arriva à la lagune du Tromen où, sur le chemin qui va au Chili, à une distance d’environ sept kilomètres, il trouva les sources de deux rivières qui se dirigent, l’une à la lagune du Tromen, et l’autre à l’ouest pour s’incorporer à une autre lagune qui se déverse à l’ouest. Ces sources ne sont qu’à vingt ou trente mètres au-dessus du niveau des lagunes mentionnées.

La lagune du Tromen sur ses côtés nord et nord-ouest est entourée de montagnes élevées, à pic, couronnées de pointes aiguës.

Soot arriva, le 13 mai, à l’estancia Ahlenfeld, sur le Collon-Cura, qu’il traversa en ce point, continuant sa marche vers le nord, jusqu’à la descente du rio Catalin par le grand plateau et jusqu’au fortin du même nom, plateau limité à l’ouest par le cerro Euquen d’où naissent les rivières Pilchumen et Piño qui se déversent dans le Catalin. Il remarqua que ce fleuve coule jusqu’à ce point dans une vallée limitée, à l’ouest, par le plateau mentionné, et, à l’est, par l’ensemble des monts Javatacan, Corral de Piedra, Charavilla, Chalorico et Moicalan.

Depuis la rivière Piño, il remonta le Catalin jusqu’à ses sources sur les versants du cerro Chiachil ou Chaschuil qui, plus au sud, prend le nom de Jacatan jusqu’à son union avec le cerro Euquen qui s’élève peu à peu jusqu’à la confluence de l’Aluminé et du Catalin, formant ainsi une chaîne du sud au nord entre les deux fleuves, dont le point culminant est la cime du Chaschuil.

Il établit une station topographique sur le cerro Janiculo à l’est du rio Catalin, et ayant pénétré par les gorges Lapa et Honda, il descendit la rivière Picunleufu qui naît du Chachil. Il traversa cette rivière ainsi que celle de Ñireco, côtoya la petite lagune Blanca, et, dans la direction de Codihué, campa prés de la rivière Carreri qui naît au nord de Chaschuil. Il traversa ensuite Llamuco, laissant à l’ouest le cerro Palomahuida, continuation de Chaschuil au nord, pour arriver à Codihué, d’où, le 26 juin, il retourna à La Plata par le chemin de Roca.

Zwilgmeyer se dirigea du lac Lacar au cerro de Chapelco, en passant par le défilé Pil-Pil (1150 m.), d’où sort la rivière du même nom qui se jette dans le lac Lacar. À cinq kilomètres plus au sud-est, il traversa la rivière Chamanico qui naît dans l’intérieur du massif et dont les eaux vont au lac Metiquina auquel donne issue le rio Caleufu. Arrivé à la confluence de ce fleuve, il reconnut les affluents du lac, et remonta le rio Chilchiuma jusqu’à ses sources, et d’un sommet voisin (2100 mètres), prolongation du Chapelco, il aperçut le Caleufu, le Collon-Cura et le Quemquemtreu jusqu’aux fumées de Junin. Il reconnut qu’entre le Chapelco et le Collon-Cura il n’y a que des collines peu élevées. Il suivit ensuite le lit de la rivière Manzano jusqu’au Caleufu, en remontant le fleuve Metiquina, et il atteignit le lac du même nom dont il détermina la latitude par 40° 19′ 3″. Il longea son affluent le plus important qui descend de l’ouest et arriva ainsi au lac Machonico ; dans le voisinage de ce dernier, il put, du haut d’un sommet de 2060 mètres d’altitude, établir une station azimutale avec le mont Pillan. Grâce à la vue étendue dont il jouissait de là, il put observer que le Chapelco s’élève isolément, séparé de la Cordillère par les vallées de Pil-Pil et Metiquina. Les hauteurs comprises entre le lac Lacar et la vallée de Machonico sont assez élevées aux abords de ce point d’observation.

Ayant observé que dans le lac Machonico se jette une autre rivière, déversoir d’un second lac, il essaya de l’explorer sur un radeau improvisé, mais il ne put y naviguer à cause de la violence du vent ; il ne réussit, en passant au travers du bois, qu’à arriver jusqu’au fond du lac où se déverse une rivière descendant de l’ouest, probablement du mont Queñi. Il remarqua à l’ouest un troisième lac, et put arriver jusque sur ses bords ; mais comme il supposa qu’il s’agissait du lac Filohuehuen, que devait étudier Soot, il retourna sur ses pas pour arriver, le 23 mars, à Maipu, d’où il devait étudier la chaîne d’Ipela. Il visita Trompul, le lac Lacar (planche XXXV), Camalalhué, Quetchuquina, Huahuma, traversant des étendues fertiles jusqu’à son arrivée par le nord à Ipela.

En montant jusqu’au défilé, il reconnut la petite lagune Neufilieu et le campement Noalac à 1400 mètres, situé au 40° 9′ 8″ de latitude ; il fit l’ascension d’une cime voisine d’une altitude de 1970 mètres, d’où il put photographier la Cordillère d’Ipela (2100 m.) qui s’élève de l’autre côté de la vallée, située à l’ouest du défilé, et dans laquelle naît le rio Ipela (planche XXXVI).

Cette chaine s’unit à l’est au mont Queñi, et au sud à des monts atteignant 2200 mètres de hauteur. Le passage Ipela a 1470 mètres d’altitude. Au nord de la même chaîne, il remarqua des sommets recouverts de neige comme le Riñihué et qui paraissent être liés à la Cordillère d’Ipela.

Le 6 avril, il entreprit un voyage à la lagune Lolog, par un sentier qui traverse le mont Trompul, et arrivé au but de son excursion, il détermina la situation en latitude de la lagune qui est de 40° 1′ 6″. Il arriva au rio Anquilco, en continuant son chemin au nord de la lagune, par une vallée qui va au nord-ouest, et atteignit les sources de ce fleuve, qui se trouvent au nord de Lolog dans des montagnes de 2100 mètres de hauteur. Il suivit une chaîne assez élevée jusqu’à Huahuma, séparée par ce fleuve de la chaîne d’Ipela.

Par suite de l’inclémence de la saison, il dut retourner à Junin d’où il fit une excursion à la lagune Carhué (1030 m.) dont les eaux descendent des monts situés entre Lolog et Huechu-Lafquen. En compagnie de Wolff, il alla reconnaître le lac Huechu-Lafquen, dont il étudia la rive sud. À vingt-cinq kilomètres de l’embouchure, le lac se divise en deux bras. Il suivit jusqu’au bout celui de l’ouest, en traversant des étendues couvertes de scories provenant d’anciens volcans.

Les chaînes qui divisent les eaux dans le fond de Huechu-Lafquen sont basses. Les montagnes, d’une élévation plus considérable, le Pillan et ceux du sud de Huechu-Lafquen, sont situés à quinze kilomètres plus à l’est que l’extrémité ouest de la lagune ; mais, quelques lieues plus à l’ouest, il remarqua de hauts sommets neigeux parmi lesquels il crut distinguer le Quetropillan. De retour à Junin, il mit en relation par une station azimutale le cerro de la Virgen avec les monts de Pillan et du Perro, retournant à San Rafael, qui avait été son point de départ, où il arriva le 19 juin.

Le rapport de Hauthal embrasse différents thèmes qu’il serait difficile de résumer rapidement, et je n’en donnerai que quelques fragments.

Sur la géographie et l’orographie de la région comprise entre le volcan Lanin et la lagune Traful, j’en fais l’extrait suivant : Il parvint jusqu’à la cime du majestueux Lanin, pic si caractéristique et si beau, du sommet duquel la vue compensait avec usure les difficultés et les fatigues de l’ascension (planche XXXVII). Comme un immense parb s’étendait à ses pieds cette partie du Neuquen qui, par ses beautés naturelles, peut figurer parmi les paysages les plus pittoresques du monde.

Il serait trop long de décrire tous les détails qu’offrait à la vue de l’explorateur ce beau panorama. L’aspect de cet ensemble montagneux sollicitait son attention : des chaînons plus ou moins étendus, interrompus çà et là par des dépressions dont le fond est généralement occupé par des lagunes, et qui sont dominées par des monts élevés et couverts de neige, comme Polcura, Villarica, Lanin et d’autres, ou par des massifs neigeux comme celui de Zollipuli, si l’on prend ce dernier comme massif dans le sens orographique.

De la même cime, Hauthal observa que si le côté ouest est couvert de montagnes, celui de l’est est à peine accidenté ; au lieu des gorges continues en zigzag de la partie occidentale, les lignes faiblement ondulées y prédominent. Il effectua l’ascension du Lanin, volcan éteint et formé d’andésite, de tufs et de laves andésitiques, d’où l’on domine le vaste horizon ; il s’y trouve quelques accumulations assez considérables de pierre ponce. À l’ouest du volcan, s’étend un chainon granitique qui continue au nord et où s’élèvent des pics d’une certaine hauteur et de formes caractéristiques. Ce chaînon forme une partie du grand massif granitique qui, dans cette région, constitue pour ainsi dire le noyau du système de la Cordillère, couverte en partie par des détritus néovolcaniques formant en divers endroits de vrais pics élevés, comme à Lolog et Malalco, et s’accumulant en énorme quantité, surtout au-dessus du chaînon granitique, sans y former pourtant une couche continue, car parfois les pics granitiques émergent, et parfois les couches, travaillées et détruites par les éléments atmosphériques, se soulèvent en forme de monts et de pics. C’est une des raisons pour lesquelles l’ouest du Lanin présente cet aspect continu de gorges abruptes ; de plus, il faut ajouter que, dans cette même direction, le relief du sol est également formé par les volcans Villarica et le Lanin même, entre lesquels s’élève le Quetropillan, et par les massifs volcaniques, comme celui du Zollipulli.

À l’est du Lanin, son attention fut attirée par le fait suivant : à une distance de dix à vingt kilomètres du chaînon granitique déjà mentionné, au nord et au sud des cours d’eau, se trouvaient des élévations assez considérables, suivant la direction de nord-ouest à sud-est, et qui pourraient plutôt être considérées comme de courts chaînons.

Cette étude intéressante ne put être continuée par suite du manque de cartes ; mais, en revanche, Hauthal put effectuer des observations non moins intéressantes sur le glacier du Lanin (planches XXXVIII et XXXIX).

À la base de ces petits chaînons et de ces montagnes se présentent plus à l’est des plateaux formés par des débris volcaniques, des tufs surtout, et qui s’étendent horizontalement, avec une faible inclinaison vers l’est. Les eaux y ont exercé leur action, et se sont creusé des gorges profondes ; ces plateaux sont parfois couronnés par des sommités isolées, comme celle du Perro, près de Junin de los Andes. Au loin, à l’est, les plateaux s’abaissent graduellement et doucement jusqu’à la Pampa, de manière qu’on pourrait sans beaucoup de peine voyager en voiture de Roca à Junin.

De la cime du Lanin, Hauthal reconnut également le caractère orographique atlantique, caractérisé par de grands plateaux un peu inclinés vers l’est, et, à ce point de vue, le Lanin est un point extrêmement intéressant, par suite du vaste panorama qu’on découvre depuis son sommet.

À la base et vers le sud de ce volcan, s’étend le lac Huechu-Lafquen, dont il put examiner la section orientale ; il y remarqua, dans la partie inférieure, que le granit forme la base des hauteurs voisines, recouvert à son tour par des couches de tuf.

La région qui s’étend entre ce lac et le Lolog peut être considérée comme excellente pour le pâturage ; çà et la, elle est entrecoupée par de luxuriants bouquets de pommiers. Dans quelques endroits abrités de ces étendues fertiles, on cultive aussi le blé avec des résultats satisfaisants ; mais, en général, les gelées et les froids intenses qui surviennent jusqu’en janvier et février ne permettent pas la culture de cette céréale, du moins la moisson n’y est pas assurée ; on devra donc préférer, pour les futurs colons, les semailles de céréales et de plantes similaires à celles qui sont cultivées dans les contrées boréales de l’Europe. La vallée de Maipu, très rapprochée de celle de Lolog, mais moins élevée et mieux abritée, se prête davantage à l’agriculture et à l’élevage.

En poursuivant son voyage, par la rive nord du lac Lolog, Hauthal trouva du gneiss orienté du nord au sud ; cependant, la roche prédominante est toujours le granit ; le gneiss reparait dans la région du lac Lacar, d’où le voyageur poursuivit sa route au sud. Accompagné par Soot, il examina le lac Metiquina, dans les environs duquel il trouva de nouveau le granit comme roche prédominante et du porphyre dans le voisinage de la rive du lac.

La lac Metiquina est situé à une altitude plus considérable que le Lacar, et il est aussi plus large ; il est entouré de montagnes moins escarpées et moins élevées que le précédent, et la région environnante est plus gaie et plus ouverte ; on y reconnaît aisément sur tous les rochers de la côte occidentale les marques laissées par les glaciers : stries, roches disloquées, etc., tandis que du côté oriental de grandes moraines constituent les vestiges actuels de ces phénomènes antérieurs.

De là, il poursuivit son voyage vers le lac Filohuehuen, après m’avoir rencontré sur le Caleufu.

Il remarqua que la vallée du Caleufu, très fertile dans sa partie inférieure, est pierreuse dans la section supérieure, où la rivière coule parfois profondément encaissée.

Entre le lac Filohuehuen et le Caleufu, il trouva de grandes moraines semblables à celles qu’il avait observées entre ce cours d’eau et le lac Metiquina.

Le lac Filohuehuen est situé dans une dépression très allongée, occupée par trois réceptacles lacustres (y compris le Filohuehuen), qui constituent une ligne interrompue par des champs fertiles et recouverts d’herbages. Entre le Filohuehuen et le troisième lac, égal en dimension au premier, s’étendent quinze kilomètres de plaine, ondulée seulement sur quelques points par des moraines, et où l’agriculture obtiendrait des résultats plus satisfaisants que dans la vallée de Malleu, par exemple, plus élevée et moins abritée. Le lac intermédiaire entre les deux mentionnés est plus petit, arrondi et très rapproché du troisième en amont. En longeant ce dernier jusqu’à son extrémité, il trouva, deux kilomètres plus loin, un quatrième lac de forme oblongue, médiocrement large, et entouré par des montagnes élevées, mais non neigeuses : les cimes blanchies sont situées plus à l’ouest de ce point. On trouve également, entre ce quatrième et le troisième lac, une plaine herbeuse, et, à gauche, une coupure large, fertile et peu boisée ; en revanche, les versants des montagnes sont recouverts d’épaisse forêt.

Le terrain relativement si déboisé donne à supposer, d’après Hauthal, que cette coupure ou vallée a été occupée antérieurement par des colons qui mirent le feu aux arbres et semèrent des céréales ; il ne saurait expliquer autrement la pauvreté d’essences forestières, ainsi que les vestiges de chemin qui se dirige probablement au nord ; néanmoins, un chilien qui habite sur les bords du lac Filohuehuen lui affirma que « jamais un chrétien n’avait pénétré là ».

Il visita ensuite le lac Traful, joyau enchâssé au milieu des bois touffus et semé d’îlots qui lui communiquent un aspect enchanteur (planche XL). La vallée du cours supérieur du rio Traful est infiniment plus fertile que la vallée du Caleufu.

Les hauteurs qui entourent ce système lacustre sont formées de granit blanc avec de l’hornblende, soit le même granit que l’on trouve plus au sud.

Ces hauteurs granitiques ont une altitude assez considérable surtout la montagne située immédiatement à l’ouest du bras nord du lac Traful, bras qu’il navigua en compagnie de Soot. Elles sont en partie recouvertes de tuf et de lapillé, ce qui donne au géologue l’impression que cette région a subi, à une époque récente, l’action de grandes éruptions volcaniques.



XI

RÉSULTATS GÉNÉRAUX


Bien que l’ensemble des travaux exécutés par la section d’explorations du Musée, dont j’achève de donner un léger aperçu, sera publié dans les rapports partiaux détaillés des divers expéditionnaires, il est nécessaire de présenter ici un résumé général afin de compléter ces notes abrégées.

Pendant le cours des opérations, les diverses sections ont reconnu et relevé, entre les 36° et 46° 30′ de latitude, et à l’ouest du 70° 30′ de longitude ouest de Greenwich, 7155 kilomètres de terrain ; 3 longitudes, 328 latitudes et 201 azimuts ont été obtenus. On a établi 360 stations avec le théodolite et 180 avec la boussole prismatique, 271 observations trigonométriques d’altitude, 1072 barométriques, et l’on a pris 960 clichés photographiques. Nos collections se sont enrichies de 6250 échantillons de roches et de fossiles, sans compter un bon nombre de représentants de la faune et de la flore patagonique, ainsi que des objets anthropologiques (planche XLI).

Des erreurs importantes ont été rectifiées dans la géographie mal connue de ces régions, et l’on a pu étudier avec soin l’orographie de la zone adjacente à la Cordillère des Andes, ainsi qu’une section de celle-ci, étude qui modifie presque complétement les idées émises par MM. Serrano-Montaner, Steffen, Fischer et Stange, dans leurs diverses publications concernant la topographie de ces régions, et principalement dans la brochure publiée par le premier, intitulée Límites con la República Argentina (Santiago du Chili, 1895), ainsi que dans Memoria é Informe relativo a la Expedición Exploradora del Rio Palena. Décembre 1893 à Mars 1894 (Santiago du Chili, 1895), qui contient la description des travaux effectués par les deuxièmes au cours de cette intéressante expédition.

On a relevé, pour une carte à l’échelle de 1:400 000, la région comprise entre le Rio Limay et les lacs Lacar et Nahuel-Huapi, antérieurement complétement inconnue des géographes, et qui sera certainement colonisée aussitôt que la Nation se décidera à la fractionner en lots et à la confier au véritable colon.

Les vallées arrosées par les affluents du Caleufu, abritant les lacs Metiquina, Hermoso, Machonico, Filohuehuen, Falkner et Villarino, peuvent être utilisées immédiatement pour l’établissement de colonies agricoles et l’élevage, sur une étendue comprise entre le lac Lolog et les montagnes qui séparent le bassin hydrographique du Caleufu de celui du Traful, ainsi que le bassin de ce dernier, qui renferme un si grand nombre de vallées abritées recouvertes d’herbages, sur les rives du lac Traful et de ses affluents ; tandis que l’on pourrait former, avec les terrains de la rive nord du lac Nahuel-Huapi, et ceux des lacs Correntoso, Espejo, Totoral, etc., un autre centre d’agriculture et d’élevage de grande importance.

Nous possédons pour la première fois une carte préliminaire exacte du lac Nahuel-Huapi, qui offre des contours bien distincts de ceux qu’on lui attribuait jusqu’ici, et l’on a pu étudier la zone du sud jusqu’au Palena, les vallées fertiles du Manso, les affluents du Puelo, le Maiten, et le beau réseau lacustre formé par les lacs Cholila, Rivadavia, Menendez, Fta-Lafquen et Situacion, lesquels étaient ou inconnus, ou sans emplacement fixe dans la géographie patagonique. L’identité du Fta-Leufu et du rio Frio, tributaire du Palena, a été établie ; on a levé la carte générale de la Vallée 16 de Octubre, et étudié le Carrenleufu, depuis le point extrême atteint par les explorateurs chiliens, jusqu’à ses sources dans le lac General Paz, au pied des collines et dans les dépressions de l’est, et l’on a pu démontrer qu’il n’existe en cet endroit aucun cordon de la Cordillère des Andes.

Les plaines où les affluents du rio Claro qui s’incorpore aussi au Palena, prennent leur source, ont été également étudiées avec soin ; ce sont de véritables plaines, dans lesquelles s’effectue la division interocéanique des eaux, à une centaine de kilomètres au moins à l’orient de la Cordillère des Andes.

Les lacs Fontana et La Plata ont été explorés jusqu’aux abords de l’Océan Pacifique, où ils sont limités par le chaînon andin proprement dit, ainsi que les régions où naissent les affluents de l’Aysen qui se déverse dans le Pacifique et les affluents du Senguerr, Mayo, Chalia et Quenguel, dans les conditions identiques à celles des affluents du rio Claro ; ce qui confirme ainsi ce que j’ai toujours soutenu, à savoir que la division interocéanique des eaux se produit, à l’extrémité de ce continent, à l’orient de la Cordillère des Andes, et que des cours d’eau qui auparavant se versaient dans l’Atlantique, se jettent aujourd’hui dans le Pacifique. Il a été démontré de la même manière qu’aujourd’hui encore ces cours d’eau prennent, à certaines époques, ces deux directions opposées, phénomène qui reconnaît comme cause les crues du printemps. L’anse orientale du lac Buenos Aires a été explorée ainsi que le rio Fenix.

On a étudié la manière d’exploiter pour la colonisation toutes ces régions, indubitablement argentines, ce à quoi elles se prêtent admirablement, des territoires qui peuvent se métamorphoser en peu de temps en centres de production de premier ordre, à condition qu’on change le mode actuel de distribution des terres publiques et que les lots ne soient concédés qu’à ceux qui peuvent les faire valoir par le travail personnel. Enfin, pour compléter ce cadre d’investigations, on a étudié les meilleures voies de communication possibles entre les Andes et l’Atlantique.

Ces voies ont deux principaux points de départ : Puerto San Antonio et Telly Road (planche XLII).

Les renseignements que j’ai réunis depuis 1879 montrent que des navires qui calent vingt et un pieds peuvent entrer dans le Port San Antonio ; les parties les moins profondes au sud-est de Punta Villarino en ont vingt et un, et cette profondeur minimum ne se trouve que sur des espaces réduits ; le fond est mou et le dragage n’y offrirait pas de difficultés ; par conséquent, des navires calant vingt-cinq pieds, et même davantage, pourraient y entrer. La Punta Villarino est un point très important pour y construire des fortifications qui ferment complétement le port. L’eau potable s’obtient au moyen de puits de quatre à cinq mètres de profondeur, et si l’on y fondait un port, il serait facile d’amener par un canal l’eau de l’arroyo Balcheta, en attendant qu’on en construise un autre depuis le Rio Negro, ainsi que le projet en existe déjà.

Si l’on décidait la construction de chemins de fer depuis San Antonio, ils devraient se diriger :

1° À Viedma sur le Rio Negro (150 kilomètres). La construction de cette ligne ne serait pas coûteuse. Les étendues qu’elle traverserait sont, en général, des terrains où l’herbe est abondante. L’eau est obtenue au moyen de puits. Près de la côte, le terrain est bon, et l’eau s’y trouve en plus grande quantité. Le bois des arbustes ne manque nulle part. Ce chemin de fer transporterait au port les produits de la vallée du Rio Negro à moins de frais que n’importe quel autre qui pourrait se construire. On sait que le port de San Blas n’offre pas la sécurité de celui de San Antonio et que la barre du Rio Negro n’en permet pas l’entrée aux navires qui calent plus de douze pieds, et seulement lorsque le temps est beau.

2° À Choelechoel par la rive sud du Rio Negro. La ligne amènerait les produits de cette longue vallée et des plateaux voisins jusqu’à la mer à moins de frais que par la voie de Choelechoel à Bahia Blanca. Les renseignements recueillis indiquent des facilités pour la construction d’un canal qui relierait les environs de Choelechoel avec San Antonio, et il serait également avantageux de faire passer la ligne du chemin de fer par le même bas-fond (170 kilomètres) pour amener jusqu’à la côte les produits de l’ouest et du nord-ouest du Rio Negro, sur un parcours bien inférieur à la moitié de celui qui sépare Choelechoel et Bahia Blanca (500 kilomètres).

3° Un embranchement à Nahuel-Huapi (560 kilomètres). Les terrains que traverserait cette ligne, bien qu’ils ne puissent être comparés à ceux de la province de Buenos Aires, permettent pourtant l’élevage avec des résultats satisfaisants ; sur tout le trajet existent déjà des établissements d’éleveurs. Ces champs sont plus uniformes au nord qu’au sud, où le terrain est élevé, coupé par de profonds cañadones, où l’on trouve de l’eau et des herbages. La vallée de l’arroyo Balcheta a de bons pâturages et peut être arrosée partiellement ; elle se peuplera le jour où elle sera traversée par un chemin de fer. D’autres vallées existent au sud de celle-là, également riches en eau et en herbages, et où commence à s’exercer l’industrie de l’élevage, principalement sur le cours supérieur de l’arroyo de la Sierra de San Antonio, près de l’arroyo de Los Berros, et de l’arroyo Verde, parages qui communiquent avec Balcheta et San Antonio par des charrières.

L’année dernière se sont vendues aux enchères une centaine de lieues de terres fiscales appartenant à la zone que traversera la ligne, et le prix moyen obtenu fut de trois mille cinq cents piastres la lieue. À mesure que le chemin de fer avancera à l’ouest, il traversera de meilleurs terrains, avant d’arriver à Maquinchau où s’est établie la Compagnie anglaise des terres du Sud. Au sud de cette exploitation, il existe des champs fertiles, dans les vallées et les cañadones d’un massif de montagnes situé en cet endroit. Comme il y a une voie traficable jusqu’au Chubut, le transport des produits jusqu’à la ligne serait facile.

De Maquinchau au Nahuel-Huapi, les terrains sont meilleurs qu’à l’orient et dans les gorges et les cañadones ; on peut installer des établissements destinés à l’élevage, en y réservant pendant l’été les fourrages, tandis que les troupeaux iraient paître sur les collines presque toujours herbeuses. Au Nahuel-Huapi, les terrains se divisent en forêts et prairies ; les animaux appartenant aux espèces ovine, bovine et chevaline s’y développent bien ; on y trouve déjà quelques estancias. L’aire utilisable pour l’élevage de l’espèce bovine est plus considérable que celle destinée aux espèces ovine et chevaline. Les troupeaux peuvent vivre en tout temps dans ces régions, depuis Junin au sud. À l’extrémité ouest du Nahuel-Huapi, il y a déjà un établissement avec cinq cents bêtes à cornes (Potrero Huber), et on y cultive le blé, l’orge, les pommes de terre, les oignons, les fèves, etc. Les montagnes y forment un grand nombre de belles vallées, où le bétail prospère admirablement, surtout au sud du Nahuel-Huapi, dans les vallées arrosées par les affluents du rio Puelo. Dans l’une de celles-ci s’élèvent des estancias avec deux mille têtes bovines amenées là par des éleveurs de Valdivia.

Les environs de Nahuel-Huapi se prêtent admirablement à l’établissement de colonies agricoles et d’élevage, et ils sont déjà habités par quelques colons allemands qui ont émigré de la province de Valdivia pour s’établir au bord du lac argentin.

En passant par les colonies du lac Llanquihué, j’ai été consulté par un grand nombre de colons qui désiraient obtenir des terres dans ces régions à l’orient des Andes pour s’y transporter avec leurs familles. Les produits du Nahuel-Huapi causent de l’admiration dans ces colonies, et leurs habitants qui ont visité le lac ne cessent de se lamenter de ne savoir comment faire pour s’y établir. Les travaux de ces colons dans le sud du Chili sont pénibles et coûteux, le résultat presque nul : j’ai conversé avec quelques-uns d’entre eux ayant vécu quarante années dans ces parages sans parvenir à progresser, malgré le labeur continu. Chacun d’eux avait droit à cent cuadras carrées de terrain ; mais le coût du défrichement, sans compter l’abattage et l’extraction des troncs, est de cent piastres la cuadra ; les concessions actuelles sont de cinquante cuadras. Les chacras labourables sont petites et humides au Llanquihué, ce qui ne permet pas de développer toute l’énergie. En outre, le climat très pluvieux fait que les récoltes sont toujours pauvres, tandis que de ce côté-ci des Andes, c’est le contraire qui arrive : le labourage est plus facile, et les pluies n’offrent pas ce caractère excessif.

Je suis certain que le jour où on destinera à la colonisation la terre fiscale comprise entre le lac Lacar et le lac Buenos Aires, sur une extension de huit cents kilomètres, elle sera peuplée rapidement, comme le cas s’est produit à l’égard des colons de la vallée 16 de Octubre, qui considèrent cette région comme bien supérieure à la vallée du Chubut tout prés de l’Atlantique. L’exploitation des forêts avoisinant le Nahuel-Huapi, et de celles qui croissent épaisses aux sources du Caleufu et du Traful, fournira du travail aux colons pendant de longues années. L’exploitation des bois sur les rives du lac et des lacs voisins qui s’y déversent peut se faire très facilement. Les îles du lac elles-mêmes abondent en cyprès et en coihués, essences qui prédominent dans la région boisée, tandis que les mélèzes ne se trouvent que dans les encaissements à l’ouest du lac, mais en proportion suffisante pour que leur exploitation soit rémunératrice.

Au sud du Chili, dans les parages où l’exploitation était aisée, le mélèze a complétement disparu et il ne s’y trouve plus aujourd’hui un seul arbre. Il faut les chercher vers le golfe de Reloncavi et sur les bords des fjörds du sud. Ce bois facile à travailler et de même couleur que le cèdre du Paraguay, s’emploie pour les constructions au Chili où le cyprès est rare. Le coihué est transformé en poutres, usage auquel le destine la résistance de ses fibres, qui lui fait obtenir à cet égard la préférence sur tous les autres, au Chili. Il y a d’autres bois de construction, tels que le cannelier, le maniu, etc., mais leur développement n’est pas aussi considérable.

L’exportation des bois de Nahuel-Huapi devra se faire par le chemin de fer de San Antonio. Si le fleuve Limay peut être considéré comme navigable, quand toutefois on en aura enlevé les roches formant ses rapides, il ne le sera pourtant pas toute l’année, et il ne sera pas possible d’y faire descendre de grands radeaux par suite des nombreux bancs mobiles qui se trouvent dans sa partie inférieure et dans le Rio Negro. Le bois jeté libre dans le courant pour être flotté par le fleuve, échouera sur les rives, et il faudra un nombreux personnel pour le remettre à flot. En outre, le trajet est très long ; et le remorquage vapeur sera toujours périlleux à cause de ces bancs. Ce bois flottant devrait être embarqué à la tête de ligne du chemin de fer située à la confluence ou à Carmen de Patagones ; et j’ai déjà signalé les difficultés que présente la barre du Rio Negro pour les navires de quelque calaison. Le transport par le chemin de fer à San Antonio sera toujours le mode le plus économique. La coupe pourrait être commencée immédiatement dans les îles du lac dont les cyprès donneront des milliers de poteaux de télégraphes, tandis que les coihuales de ces mêmes îles fourniront les dormants pour la ligne. Les forêts sont très vastes, et il n’est pas à craindre que le bois s’y épuise.

4° De Cumallo se détacherait un embranchement sur Valdivia, en traversant le Limay par un des endroits où son cours se trouve resserré, au sud de Collon-Cura ; il arriverait à Junin de los Andes par les rives du Collon-Cura, jusqu’à l’arroyo Quemquemtreu, puis par les gorges du plateau, jusqu’à la vallée du Chimehuin. Cet embranchement desservirait toute la fertile région du sud du Territoire du Neuquen dont les vallées spacieuses pourront être destinées à l’agriculture, des canaux d’irrigation pouvant y être facilement établis. Ainsi le bassin du Caleufu jusqu’aux lacs de Metiquina et Filohuehuen, et le bassin du Traful, la belle campagne de Junin et la vallée de Maipu se peupleraient immédiatement, et leurs produits abondants fourniraient au chemin de fer des transports assurés. Aujourd’hui, sans moyens de communication, il s’est formé un centre de commerce important à Junin de los Andes, et, à mon passage, j’y ai rencontré des commerçants de Valdivia qui commençaient déjà l’installation d’une distillerie. Toutes ces étendues de terrain se prêtent parfaitement à l’élevage du bétail d’espèces bovine et ovine.

Cet embranchement continuerait de Junin au Chili, sur les rives du lac Huechu-Lafquen, ou par le Malleco, par Trancura, Quetropillan et Villarica, s’embranchant sur la ligne longitudinale de Santiago à Valdivia, dans les environs de Villarica ; il mettrait ainsi, durant toute l’année, le sud du Chili en communication avec l’Atlantique.

Entre Valdivia et San Antonio, la distance est moins grande qu’entre Valdivia et Santiago du Chili. Ce chemin de fer n’exigera pas de travaux considérables, ni de tunnels importants, car l’altilude du passage le plus élevé ne dépasse pas mille mètres. Il servirait de plus, du côté argentin, à transporter à l’Atlantique les produits de tout le versant depuis le Bio-Bio jusqu’au Maiten. Le prix de transport sera moindre pour les centres producteurs du nord jusqu’à Codihué que celui que fixera le chemin de fer du Sud, si la ligne de Bahia Blanca à la confluence des fleuves Limay et Neuquen est prolongée jusqu’aux Andes.

La longueur de la ligne entre le port de San Antonio et la ville de Valdivia n’atteindra pas neuf cents kilomètres ; c’est une distance moindre que celle que parcourrait le chemin de fer Bahia Blanca-Confluencia, s’il était prolongé jusqu’à Codihué.

La ligne de Nahuel-Huapi servirait aussi aux colonies qui se forment entre ce lac et la vallée du Maiten. Aujourd’hui, les véhicules du 16 de Octubre mettent au moins dix-huit jours pour arriver jusqu’à Rawson, capitale du Territoire, en traversant des étendues en grande partie stériles. Il existe une charrière entre Nahuel-Huapi et 16 de Octubre.

Il ne serait pas possible sans frais excessifs de prolonger un chemin de fer jusqu’au Pacifique par Nahuel-Huapi ; mais la navigation de ce lac est commode, et le gouvernement chilien fait construire une charrière entre le lac Todos los Santos et le Boquete Perez Rosales, situé non loin du Nahuel-Huapi. Ce chemin pourra rester ouvert à la circulation toute l’année. La navigation du lac Todos los Santos est facile ; à son extrémité occidentale, commence la charrière qui arrivera à Puerto Montt, en côtoyant en partie le lac Llanquihué. Ce lac est maintenant desservi par des vapeurs qui relient les colonies allemandes de ses rives. La distance entre Nahuel-Huapi et Puerto Varas, dans le lac Llanquihué, est de 170 kilomètres, de moins de 200 jusqu’à Puerto Montt, et de 260 kilomètres jusqu’à la ville La Union, en communication par chemin de fer avec Valdivia. Une fois la partie andine des territoires du Neuquen, du Rio Negro et du Chubut reliée au port de San Antonio, celui-ci sera dans l’avenir pour ces régions ce qu’est aujourd’hui le port du Rosario pour le nord de la République. Si l’on ajoute a cela la facilité des Communications avec la moitié du Chili, qui pourront être immédiatement utilisées, on peut admettre que le chemin de fer de Puerto San Antonio au Chili offre de grands avantages au commerce international. La ligne entre Buenos Aires et Santiago du Chili a 1424 kilomètres d’extension ; celle de la ligne de San Antonio à Valdivia ne dépassera pas 900 kilomètres.

Mais le chemin de fer de San Antonio, avec ses embranchements, ne pourra desservir économiquement les colonies andines situées dans le bassin du Chubut et dans la vallée 16 de Octubre. Il ne serait pas non plus avantageux d’établir une voie ferrée de Rawson jusqu’aux Andes, parce que les deux tiers des terrains que traverserait cette ligne ne sont pas applicables à l’agriculture, ou tout au moins ne produiraient que d’infimes résultats.

L’unique voie possible entre l’Atlantique et la région andine comprise entre le 42° et le 47°, est celle qui aurait pour point de départ un port dans le golfe de San Jorge. Il y a dans ce golfe divers ports qui n’exigeraient que des travaux peu considérables pour devenir de véritables ports de commerce. La rade de Tilly (Tilly Road) exigera davantage de travaux, mais en revanche sa proximité des bassins des lacs Musters et Coluhuapi et de leurs vallées fertiles, et les facilités qu’offre une gorge transversale qui conduit presque depuis l’Atlantique jusqu’au Rio Chico du Chubut, indiquent ce point comme le plus convenable pour y établir la tête de ligne d’un chemin de fer à la vallée 16 de Octubre. Il ne se présente pas une seule difficulté sur tout ce trajet. Les seuls travaux de quelque importance consisteraient en deux petits ponts construits sur le Senguerr ; la pente est insignifiante ; et, dans aucun cas, sur la ligne principale et ses embranchements que j’indique plus loin, on ne voit de différences de niveau comme il s’en rencontre sur la ligne Gran Oeste, entre Villa Mercedes et Mendoza.

Les terrains que traverserait cette voie sont tous exploitables ; elle passerait en grande partie par de belles vallées qui peuvent renfermer des millions de têtes de bétail d’espèces bovine et ovine. La ligne principale passerait par la vallée du Rio Chico et par celle des lacs Coluhuapi et Musters ; elle suivrait le Senguerr jusqu’à la belle pampa de Choiquenilahué, et continuerait au nord, en suivant le cours du rio Gennua jusqu’à ses sources, et pourrait arriver à 16 de Octubre soit par le Carrenleufu, soit par le rio Tecka y la gorge d’Esguel. Depuis Esguel, il serait facile de construire un embranchement jusqu’à la vallée du Maiten ; et des environs du lac Musters, par la vallée du Rio Mayo, on pourrait établir un embranchement au lac Buenos Aires et aux vallées de l’Aysen supérieur, tandis qu’un autre se détacherait de Choiquenilahué par la vallée du Senguerr jusqu’au lac Fontana.

Je ne crois pas qu’on puisse penser pour le moment à l’établissement d’une voie longitudinale qui réunirait le Neuquen au détroit de Magellan, car elle serait très coûteuse ; le prix des transports, pour l’immense parcours de 16 de Octubre à Bahia Blanca, serait beaucoup plus élevé que la valeur même des produits ; mais les lignes que j’indique, partant de San Antonio et de Tilly Road, peuvent être construites sans difficultés et à peu de frais.

Si ces ligues pouvaient être établies de la même manière que celles qui étendirent leur réseau aux États-Unis, lors de la conquête du Far West, en bien peu d’années le capital employé à leur construction aurait rapporté un intérêt élevé.

Le peuplement de la Patagonie établira l’harmonie entre les éléments qui constituent la Nation, et, par conséquent, contribuera à sa grandeur. Et comme pour peupler ces territoires aussi riches qu’abandonnés, il ne faut aujourd’hui qu’un peu de bonne volonté et d’attention de la part des pouvoirs publics, afin de faire connaître les richesses qu’ils renferment, ainsi que les facilités d’exploitation qu’ils offrent, je ne doute pas un seul instant que cette aspiration de tous les argentins ne se réalise dans un avenir prochain.



Liste de quelques termes employés dans cet ouvrage
avec leur signification


Abra : Ouverture, coupure, brèche, vallée.
Aguada : Source.
Angostura : Défilé, étrécissure.
Arroyo : Rivière, petit cours d’eau.
Boquete : Col.
Cajón : Vallée ou vallon encaissé.
Cañadon : Vallée, vallon ou gorge étroite.
Casa : Maison.
Cerro ; cerrito : Mont, montagne ; petite montagne.
Cuadra : Ancienne mesure de longueur encore en usage dans le langage courant, équivalant à 129 m. 99. Une cuadra carrée = 16 897 m. 40.
Estancia : Ferme, exploitation agricole.
Laguna : Lac, petit lac, lagune.
Loma : Colline, coteau.
Paradero : Station indigène.
Portezuelo : Passage, défilé.
Potrero : Enclos destiné au bétail.
Pulperia : Maison de négoce spéciale à la campagne argentine où l’on débite spécialement des boissons et divers objets les plus usuels.
Quebrada : Ravin, vallée étroite.
Rancho : Habitation champêtre, chaumière.
Toldo ; tolderias : Hutte, ensemble de huttes indiennes.
Totora : Genre de plante aquatile (Typha domingensis).
Tucu-tucales : Galeries souterraines creusées par le rongeur désigné sous le nom de tucu tuco (estenomis).
Vega : Prairie, champ bas, uni, humide et fertile.



APPENDICE

LATITUDES



Observations de M. Henri Wolff
LIEU LATITUDE SUD
Cañada Colorada (Malargüe), cour du Moulin 35° 27′ 42″
Ca»ada Col»rada (Mal»rgüe), cour »u Moulin 35° 27′ 57″
Arroyo Calmuco 36° 29′ 07″
Nord du Rio Barrancas 36° 44′ 08″
Nord de l’Arroyo Butaco 36° 53′ 04″
Estancia « La Argentina » 38° 05′ 07″
Rio Butahuao 38° 12′ 30″
Rio Rahué (Chili) 38° 20′ 49″
Pulmari (Maison de Felipe Keen) 39° 05′ 29″
Sud ouest de Quillen 39° 23′ 49″
Estancia Quillen 39° 22′ 45″
Rio Aluminé 39° 35′ 15″
Rio Malleu 39° 47′ 44″
Junin de los Andes (Plaza) 39° 57′ 21″
Rio Caleufu (Anciennes Tolderias) 40° 24′ 10″
Nord du Rio Caleufu 40° 22′ 52″
Rio Caleufu (Campement Roth) 40° 30′ 10″
Rio Traful (Sud de l’établissement) 40° 41′ 31″
Rio Cuyé-Manzano 40° 45′ 35″
Cerro Sud du Rio Cuyé-Manzano 40° 47′ 45″
Cerro Colorado, Nord de la pointe Est du Lac Nahuel-Huapi 40° 53′ 40″
Pointe à l’ouest de l’Arroyo Castillo, Nahuel-Huapi 41° 04′00 ″
Estancia de Juan Jones, Nahuel-Huapi 41° 01′ 14″
En face du Cerro de la Peninsule 40° 57′ 02″
Est du Lac Correntoso 40° 44′ 23″
Pointe à l’ouest du Correntoso 40° 43′ 30″
Nord du Cerro Mirador 40° 40′ 16″
Cerro Mirador, Paso Puyehué 40° 41′ 18″
Potrero Huber, Nahuel-Huapi 40° 43′ 31″
Laguna del Espejo 40° 41′ 36″
Nord de la Laguna del Encanto 40° 37′ 17″
Ouest de la Laguna del Correntoso 40° 36′ 45″
Ou»st de»la Lag»na del Corre»toso 40° 36′ 20″
Potrero Huber, Nahuel-Huapi 40° 43′ 28″
Isla Grande dans le Nahuel-Huapi 40° 53′ 17″
Péninsule près de la Station d’Azimut 40° 58′ 15″
Station Azimut sur la Péninsule, Nahuel-Huapi 40° 58′ 10″
Est de l’Arroyo Castillo, Nahuel-Huapi 41° 01′ 39″
Établissement à l’ouest du Rio Limay 40° 56′ 06″
Rio Limay, à 2 kilomètres de la jonction avec le Traful 40° 43′ 34″
Quemquemireu, 2 cuadras au Nord de l’établissement 40° 12′ 24″
Sud de Junin de los Andes 39° 59′ 28″
Embouchure du Rio Chimchuin du Lac Huechu-Lafquen 39° 47′ 45″
Arroyito Changolluin 39° 45′ 04″
Ouest du Lac Huechu-Lafquen 39° 42′ 28″
Arroyo Paimuin, Huechu-Lafquen 39° 40′ 39″
Coude du Rio Chimchuin 39° 54′ 10″
Nord du Rio Malleu 39° 41′ 50″
Est de Paso de Palau-Mahuida 38° 53′ 29″
Chosmalal (Esquina de la plaza) 37° 22′ 38″
Pampa de Tril 37° 17′ 28″
Est du Paso de las Bardas (Rio Colorado) 37° 10′ 03″
Ojo del Agua 36° 44′ 54″
Établissement de la Matancilla 36° 45′ 57″
Nord-est de Corralitos 36° 09′ 08″
Cerro nord-est de Corralitos 36° 08′ 52″
Punta del Agua au nord-est de Cerro Nevado 35° 31′ 41″
Est del Agua de la Mula 35° 21′ 08″


Azimuts par M. Henri Wolff
LIEU AZIMUT DU SUD À L’OUEST
Nord du Rio Butaco Cerro Payen 235° 38′ 15″
Cerro Batea Mahuida Ce»o Pillan 20° 55′ 24″
Loma (colline) au sud-ouest de l’Estancia Quillen Ce»o Pillan 60° 29′00″
Junin de los Andes (Plaza) Ce»o Chapelco 27° 04′ 57″
Meseta au Nord de Rio Caleufu Ce»o Pillan 140° 44′ 08″
Cerro au Sud du Rio Cuyé-Manzano Ce»o Tronador 56° 55′ 16″
Nord du bras est du Lac Nahuel-Huapi Ce»o Pillan 169° 22′ 17″
Nariz à l’ouest du Correntoso Ce»o Catedral 343° 46′ 22″
Cerro Mirador Ce»o Pillan 197° 06′ 52″
Laguna del Espejo Ce»o Piramide 138° 26′ 15″
Nord de la Laguna del Encanto Ce»o X 186° 33′ 42″
Sud du Cerro de la Péninsule Nahuel-Huapi Ce»o Tronador 57° 35′ 34″
Sud de Junin de los Andes Torre Capilla 208° 24′ 46″
Embouchure du Chimehuin du Lac Huechu-Lafquen Cerro Pillan 124° 49′ 19″
Ouesi du Lac Huechu-Lafquen Ce»o Pillan 223° 53′ 51″
Arroyo Paimuin (Huechu-Lafquen) Ce»o Pillan 249° 26′ 20″
Coude du Rio Chimehuin Ce»o Pillan 132° 22′ 07″
Nord Rio Malleu Ce»o del Perro 4° 30′ 44″
Pampa de Tril Ce»o Payen 209° 15′ 37″
Nord du Rio Colorado (près Paso Las Bardas) Ce»o Payen 196° 05′ 21″
Ojo del Agua Sierra Chacha-Huen 324° 48′ 02″
Établissement de Matancilla Cerro Nevado 192° 32′ 51″
Cerro Colorado au Nord de Corralitos Ce»o Nevado 167° 53′ 29″


Observations de M. Charles Zwilgmeyer
LIEU LATITUDE SUD
Cañada Colorada, première observation 35° 27′ 28″
Ca»ada Col»rada, seconde obs»vation 35° 27′ 42″
Malal Negro 36° 00′ 25″
Agua del Choique 36° 19′ 18″
Rauquil Sud 36° 49′ 00″
Laguna Rodeo Tromen 37° 07′ 17″
Chosmalal 37° 22′ 08″
Estancia « La Argentina » 38° 06′ 51″
Arco, Comissariat de l’ 38° 47′ 17″
Cerro Batea-Mahuida 38° 48′ 35″
Junin de los Andes 39° 56′ 56″
Caleufu-Manzano 40° 22′ 59″
Cerro près du Rio Chilchuraa 40° 21′ 52″
Filohuehuen et Caleufu 40° 28′ 20″
Metiquina, première observation 40° 19′ 09″
Meti»uina, seconde obs»vation 40° 19′ 28″
Machonico 40° 21′ 32″
Pil-Pil 40° 11′ 38″
Hua-Huma (Lacar) 40° 07′ 18″
Portezuelo Ipela 40° 09′ 48″
Cerro près Camalague 40° 06′ 11″
Tolderia Curu-Huinca, première observation 40° 09′ 51″
Tol»eria Curu»Huinca seconde obs»vation 40° 09′ 49″
Cordillera Chapelco 40° 10′ 42″
Source de l’Arroyo Chapelco 40° 09′ 08″
Lolo Nord 40° 01′ 38″
Source du Rio Aucilco 39° 52′ 49″
Issue du Lolog, première observation 40° 04′ 22″
Issue du»Lolog, seconde obs»vation 40° 04′ 08″
Junin de los Andes 39° 56′ 20″
Nord de la courbe Chimehuin 39° 56′ 08″
Cerro entre Junin et Cerro Perro 39° 57′ 59″
Milieu du Huechu-Lafquen, côte sud 39° 46′ 37″
Extrémité Huechu-Lafquen, bras sud-ouest 39° 48′ 10″
3000 mètres au nord de l’issue du Huechu-Lafquen 39° 45′ 08″
Nord Rio Malleu 39° 41′ 41″
Quilachanquil 38° 58′ 36″
Ñorquin 37° 43′ 30″
Sud du Rio Neuquen. Chosmalal 37° 23′ 39″
Rio Colorado 37° 00′ 00″
Campement T 37° 02′ 01″
Agua de Diaz 36° 32′ 22″


Observations de M. Eimar Soot
LIEU LATITUDE SUD
General Roca ( Hotel Machi) 39° 02′ 34″
Campement Isla (sur le Rio Limay, 8 cuadras au dessous du Fortin Nogueyra) 39° 57′ 16″
Angostura 40° 11′ 38″
Campement II — Rio Caleufu 40° 23′ 34″
Loma au nord-est de l’Estancia Ahlefeldt 40° 06′ 22″
Cerro au nord du Rio Caleufu 40° 21′ 52″
Campement chemin au Lac Traful dessus 40° 29′ 50″
Laguna Falkner 40° 28′ 43″
Cerro au sud du Lac Traful 40° 40′ 20″
Lac Traful 40° 39′ 36″
Loma entre Rio Limay et Caleufu 40° 33′ 05″
Campement Santo Domingo
Cerrito au nord de Junin 39° 53′ 06″
Loma à l’ouest de Junin (correspondant à la situation « 16 de Abril ») 39° 56′ 08″
Lac Tromen 39° 33′ 57″
Chemin à l’est du Lac Springler 39° 33′ 15″
Loma au nord de l’Estancia Enchelmeir 39° 35′ 38″
Loma à l’est du Rio Collon-Cura 40° 05′ 16″
Estancia Ahlefeldt 40° 06′ 53″
Campement Rio Catalin 39° 39′ 40″
Lomita sur le chemin à Magin N° 1 39° 36′ 43″
Campement Magin N° 2 39° 30′ 46″
Campement Arroyo Piño 39° 27′ 18″
Cerrito Gato 39° 30′ 55″
Cerrito à l’est du Rio Catalin (prés de Cerro Yaniculo) 39° 18′ 05″
À l’ouest de Cerro del Plato 38° 51′ 49″
Campement Arroyo Leucullin 38° 48′ 01″
Campement Zapala 38° 53′ 17″
Campement Santo Domingo 40° 23′ 47″


Observations de M. Alphonse Schiörbeck
LIEU LATITUDE SUD
General Roca (cour Hotel Macchi) 39° 03′ 14″
Cabañita (4 cuadras à l’ouest) 38° 59′ 10″
Arroyito de Rio Limay (maison neuve du Chilien) 39° 05′ 28″
Chocon (3 lieues au-dessous) 39° 14′ 38″
Alarcon (Rio Limay) 39° 30′ 36″
Etab. Quilquihué (demi-lieue à l’ouest de la confluence) 40° 02′ 35″
Lac Lacar (maison Curuhuinca) 40° 09′ 02″
Cerro Corral de Piedras (demi-lieue au sud-est du portezuelo) 40° 10′ 24″
Rio Quemquemtreu (une lieue à l’ouest de la confluence) 40° 13′ 28″
Rio Caleufu (sept cuadras ouest des ranchos de la confluence des bras du) 40° 23′ 49″
Chacabuco Nuevo (quelque dix cuadras au-dessus de la maison A. Nieve) 40° 40′ 56″
Confluence des Rio Traful et Rio Limay 40° 43′ 24″
Estancia Gabriel Zavaleta (Lac Nahuel-Huapi) 41° 02′ 45″
Cerro Carmen de Villegas 41° 02′ 29″
Maison Tauscheck au Nahuel-Huapi (demi-cuadra au nord) 41° 06′ 19″
Cerrito Ventoso (sud du Lac Nahuel-Huapi) 41° 08′ 08″
Maison Cristian Bock (Lago Nahuel-Huapi) 41° 06′ 45″
Laguna Gutierrez (une cuadra au sud-ouest de son issue) 41° 10′ 01″
Lag»na Guti»rrez (Champ ouvert) 41° 12′ 20″
Lag»na Guti»rrez (Rive ouest) 41° 12′ 02″
Puerto Blest 41° 00′ 09″
Maison Pangué (Chili) 41° 03′ 03″
Arroyo Chenqueg-geyu (faux) 41° 31′ 09″
Arroyo Chacayhueruca 41° 45′ 02″
Rio Chubut (pointe P) 41° 59′ 27″
Caquel-Huincul 42° 07′ 00″
Rio Quemquemireu (maison Reyes) 41° 58′ 38″
Corral de Foyel (1 ½ à 2 lieues au sud.) 41° 45′ 15″
Rio Quemquemtreu (Maisonnette Verdura) 41° 50′ 50″
Arroyo Chenqueg-geyu 41° 36′ 18″
Arroyo Curruleufu ou Caruhué 41° 17′ 50″
Lomitas Quemadas (une lieue au nord des jonctions Curruleufu) 41° 13′ 59″
Naissance du Rio Manso (Loma sud-sud-est) 41° 25′ 30″
Arroyo Curruleufu (un peu au-dessous de la naissance du bras est) 41° 26′ 26″
Cerro 29 de Abril (naissance du bras oriental du Curruleufu) 41° 27′ 50″
Arroyo Pilcaneñeu (Los Muñecos) 41° 08′ 16″
Arroyo Cumayo (source) 41° 07′ 04″
Arr»yo Cum»yo (Maisonnette du Français, Ojo del agua) 40° 51′ 41″
Cañadon Buchabau (maison Nahuel-Chipan) 40° 45′ 46″
Cañ»don Pilguineñeu (canal) 40° 39′ 10″
Cañ»don Cura-Lauquen 40° 31′ 24″
Cañ»don Mencué (maisonnette) 40° 23′ 38″
Michibau (maison) 40° 19′ 06″
Curaco (un peu au nord) 39° 30′ 21″
Ojo del Agua (un peu au nord) 39° 21′ 41″


Observations de M. Émile Frey
LIEU LATITUDE SUD
Arroyo Lepa (Station La Paz) Étoiles 42° 35′ 00″
Arroyo Lelej (Station Casati) Soleil 42° 23′ 36″
Rive nord-est (Lac num. 2) Étoiles 42° 25′ 43″
Fta-Leufu » 42° 28′ 30″
Rive nord-ouest (Lac num. 1) Soleil 42° 22′ 05″
Angostura Epuyen » 42° 12′ 22″
Arroyo Epuyen Étoiles 42° 09′ 17″
Arroyo Epuyen (coude au Sud) » 42° 05′ 40″
Loma Los Baguales Soleil 41° 45′ 59″
Matadero Foyel Étoiles 41° 38′ 01″
Arroyo Maiten » 41° 57′ 29″
Piedra Parada » 41° 48′ 35″
Arroyo Leleg » 42° 20′ 46″
Fofocahue Soleil 42° 21′ 49″
Cumayo Étoiles 41° 01′ 03″
Cerro Observacion Soleil 41° 15′ 04″


Observations de M. Gunard Lange
LIEU LATITUDE SUD
16 de Octubre Soleil 43° 04′ 45″
Valle Alsina Étoiles 43° 32′ 34″
Cabeza de Buey » 43° 50′ 14″
Paso de los Indios Soleil 43° 50′ 15″
Aguada de Sangre Étoiles 43° 43′ 15″
Aguada del Cañadon Pelado » 43° 34′ 49″
Aguada » 43° 04′ 55″
Terraplen » 42° 59′ 14″
Lomas ouest d’Esguel Soleil 42° 50′ 50″
Campement Rio Persey Étoiles 42° 41′ 12″
Station Peladito » 42° 38′ 13″
Station sud Cholila Soleil 42° 32′ 00″
Cholila Rio Ftaleufu Étoiles 42° 28′ 27″
Lacet du Ftaleufu Soleil 42° 33′ 43″
Cerro Tecka (Station) » 43° 09′ 00″
Rio Chico Étoiles 42° 16′ 12″
Salitral Grande » 42° 06′ 56″
Los Muñecos » 41° 57′ 38″
Dernier Salitral » 41° 49′ 47″
Maquinchau Soleil 41° 15′ 58″
Tamuelen Étoiles 41° 04′ 32″
Chanquin Soleil 40° 41′ 23″
Punta del Agua Balcheta Étoiles 40° 35′ 23″


Observations de M. Jean Waag
LIEU LATITUDE SUD
Cañadon de la Zanja 43° 26′ 56″
Valle Alsina 43° 35′ 33″
Valle de los Martires 43° 45′ 23″
Quichaura 43° 33′ 36″
Valle Esguel 42° 55′ 12″
Rio Fta-Leufu 43° 09′ 12″
Cañadon Rio Fta-leufu 43° 11′ 22″
Valle Frio 43° 21′ 04″
Près de la Laguna Sud du Valle Frio 43° 24′ 41″
Jonction du Corcovado et du Frio 43° 30′ 21″
Arroyo Manso 43° 27′ 44″
Colonia 16 de Octubre 43° 05′ 00″
Arroyo Tecka, campement 21 43° 14′ 24″
Arr»yo Te»ka, cam»ement 22 43° 02′ 37″
Arr»yo Te»ka, cam»ement 23 42° 50′ 16″
Boca de l’Arroyo Tecka 42° 36′ 24″
Campement 25 42° 24′ 26″
Cam»ement 26 42° 12′ 20″
Cam»ement 27 41° 59′ 14″
Cam»ement 28 41° 49′ 35″
Maquinchina, campement 31 41° 15′ 47″
Établ. Maquinchina, campement 32 41° 21′ 17″
Ñiluan, campement 33 41° 29′ 28″
Campement 34 41° 39′ 00″
Promeñeu, campement 35 41° 41′ 52″
Prom»ñeu, cam»ement 36 41° 48′ 20″
Prom»ñeu, cam»ement 37 41° 47′ 45″
Coneñeu u cam»ement 38 41° 52′ 40″
Limañeu, Établ. Mariano Vara 41° 47′ 23″
Campement 42 41° 39′ 17″
Cam»ement 43 41° 32′ 29″
Cam»ement 44 41° 27′ 42″
Cam»ement 45 41° 06′ 13″
Cam»ement 47 40° 37′ 39″
Cam»ement 50 40° 43′ 43″
Établ. de S. Martinez, campement 51 40° 47′ 54″
Port San Antonio 40° 47′ 55″
Campement 52 40° 51′ 11″
Établ. H. Jürgens, campement 53 40° 54′ 06″
Campement 54 40° 54′ 18″
Demi-lieue au nord du Lac Imunada 40° 53′ 01″
Établ. Ramon Perez 40° 51′ 32″
José M. Paso 40° 47′ 35″
Viedma 40° 48′ 31″


Observations de M. Jean Kastrupp
LIEU LATITUDE SUD
Gennua 44° 03′ 06″
Almacen Tecka 43° 23′ 19″
Station F 43° 13′ 22″
Sta»on M 43° 18′ 01″
Sta»on 3 kilomètres à l’ouest de Laguna Sud, Valle Frio 43° 25′ 17″
Quatre kilomètres au nord-est de la Station Z 43° 31′ 42″
Station Z 43° 31′ 57″
Campement S 43° 42′ 25″
Cam»ement 17 de Marzo 43° 49′ 53″
Station 4 43° 49′ 09″
Rio Corcovado 43° 54′ 28″
Campement 11 44° 02′ 12″
Station 27 44° 10′ 25″
Point 36 44° 07′ 20″
Campement 44° 01′ 18″
Jonction de l’Arroyo Gennua avec le Cherque 43° 29′ 41″
Arroyo Corintos 43° 12′ 03″


Observations de M. Von Platten
LIEU LATITUDE SUD
Valle de Gennua (4 kilomètres au nord de l’établissement Stenti) Soleil 44° 03′ 06″ 2
Sources du Rio Frias » 44° 29′ 06″ 6
Sou»ces » R»o F»as » 44° 33′ 57″ 1
Nord du Rio Frias » 44° 36′ 43″ 8
Cerro nord du Rio Frias » 44° 40′ 53″ 0
Source nord du Rio Frias » 44° 30′ 30″ 5
Cerro Caceres » 44° 20′ 06″ 5
Laguna de Los Baguales » 44° 21′ 25″ 0
Arroyo Pico » 44° 16′ 31″ 0
Sources de l’Arroyo Pico » 44° 08′ 30″ 3
Loma nord Temenhuau de l’Arroyo Pico » 44° 05′ 26″ 0
Sources de l’Arroyo Omckel » 44° 20′ 44″ 0
Laguna Teguerr » 44° 25′ 37″ 5
Sources de l’Arroyo Appeleg » 44° 39′ 30″ 7
Cerro Geskehomhaiquen » 44° 01′ 18″ 0


Observations de M. Teodoro Arneberg
LIEU LATITUDE SUD
Paso de los Indios 43° 50′ 10″
Gennua (Colonie San Martin) 44° 11′ 53″
Cañadon Lote II (Nord des Salines) 44° 10′ 36″
Cañ»don Lot» II (N»rd d»s Sa»nes) 44° 09′ 57″
Loma est de Teguerr 44° 25′ 37″
Arroyo Appeleg 44° 40′ 08″
Arroyo del Gato 44° 59′ 43″
Anse sud-est du Lac Fontana 44° 58′ 46″
Pic sud-est du Lac Fontana 45° 01′ 09″
Anse de los Fosiles (Rive sud du Lac Fontana) 44° 52′ 57″
Isthme entre le Lac Fontana et le Lac La Plata 44° 51′ 25″
Paso Platten, Rio Senguerr (Maison d’Antonio Steinfeld) 45° 01′ 59″
Affluent du Rio Aysen (Maison Richards) 45° 16′ 11″
Paradero Coihaike 45° 31′ 10″
Cerro su sud du Rio Coihaike 45° 30′ 21″
Versant nord du Lac Buenos Aires 46° 13′ 56″
Rio Ibañez, de la darse nord-ouest du Lac Buenos Aires 46° 17′ 18″
Loma est du Lac Buenos Aires 46° 32′ 30″
Paradero Learshk 45° 56′ 22″
Paradero Lakenhaken 45° 40′ 01″
Choiqueneilahué (Maison d’Eduardo Botello) 44° 55′ 53″
Un kilomètre au Sud de la jonction du Rio Mayo avec le Rio Senguerr 45° 46′ 43″
Nord du Cerro Huijon (ancien établissement de Segundo Acosta) 45° 44′ 25″


Azimuts par M. T. Arneberg
LIEU AZIMUT DU SUD À L’OUEST
Loma est de Teguerr Cerro Haiosh 26° 23′ 37″
Pic sud-est du Lac Fontana Cr»ro Katterfeld 111° 31′ 34″
Isthme entre le Lac Fontana et le Lac La Plata Pico alto N. du Lac La Plata 109° 52′ 53″
Rio Senguerr (Maison Steinfeld) Cerro Haiosh 188° 03′ 01″



ALTITUDES PRINCIPALES



Observations de M. Henri Wolff
LIEU ALTITUDE OBSERVATIONS
Agua Segura 0750 barométrique
Agua del Leon 0740 »
Agua de las Mulas au sud de l’Atuel 0780 »
Agua de la Chilena 0740 »
Agua de Aguirre 0720 »
Agua del Toro 0980 »
Agua de Diaz 0910 »
Agua Ceniza 0940 »
Agua Penepe 0930 »
Agua Nueva 1120 »
Aluminé, Lac 1080 »
Aluminé, gué du Rio à l’est de Pulmari, chemin à Quilachauquil 0880 »
Arco, Commissariat de l’ 1250 »
Bardas, Paso de Las (Rio Colorado) 0700 »
Batea Mahuida, Cerro 1860 »
Barrancas, gué du Rio 0970 »
Bio-Bio, gué du (au nord du Fortin Llucura) 0890 »
Butahuao, Paso (divortium aquarum) 1630 »
Catedral, Cerro 2420 trigonométrique
Caleufu, Établissement de 0610 barométrique
Caleufu, Campement à la confluence de deux arroyos, dans la Vallée du 0750 »
Caleufu, Anciennes tolderias près de l’embouchure du 0540 »
Caleufu, Plateau au nord de la Vallée du 0730 »
Carreri, Établissement de 1250 »
Calmico, logis de l’Arroyo 1600 »
Carilauquen, Lagunita à l’ouest du Volcan Lanin 1220 »
Casa de Piedras 1490 »
Cerro Negro, pic sud au sud-est du Cerro Tromen 3285 trigonométrique
Cerro Negro, au sud-est du Cerro Tromen 3295 »
Cerro Nevado 3810 »
Cerro Colorado, au nord de Juan Jones 1920 barométrique
Constancia, Lac 1230 »
Collon-Cura, Maison de Ahlefeldt 0560 »
Correntoso, Lagune du 0745 »
Corralitos 1080 »
Cuerno, Cerro del (au nord-ouest de la Laguna del Espejo) 2020 trigonométrique
Cuello, Établissement de Benjamin 1390 barométrique
Cuyé-Manzano, logis de l’Arroyo de 0710 »
Cuyé-Manzano, Cerro (pic sud) 2140 trigonométrique
Cuyé-Manzano, Cerro (pic du centre) 2170 »
Cuyé-Manzano, Cerro (pic du nord) 2260 »
Chosmalal (capitale) 0790 barométrique
Chilchuma, Établissement de 0640 »
Chacabuco, Fortin de 0770 »
Chacabuco Viejo 0620 »
Chacaico, gué de l’Arroyo 1320 »
Cheachil, Cerro 2480 trigonométrique
Chapelco 2180 »
Chapelco 1130 barométrique
Chichahuay, Confluence de l’Arroyo Litranuao et Arroyo 0660 »
Chichahuay, Plateau au nord du 0830 »
Chimehuin, Confluence du Rio Quilquihue et Rio 0690 »
Chimehuin, gué du Rio au nord de Junin de los Andes 0690 »
Chigueyu, Cerro 0940 trigonométrique
Chachahuen, Cerro 1900 »
Partage des eaux entre les Vallées du Quilquihue et Maipu 0800 barométrique
Durazno, Établissement du 1320 »
Encanto, Lac del 0820 »
Espejo, Cerro nevado au nord du Lac de 2120 trigonométrique
Espejo, Laguna del 0750 barométrique
Estancia La Argentina 0900 »
Guacacal, Établissement de 1540 »
Huacaco 1130 »
Huechu-Lafquen, Lac 0830 »
Juan Jones, Estancia de 0820 »
Junin de los Andes 0750 »
Lanin, Volcan 3670 trigonométrique
Leucullin, gué de l’Arroyo 0750 barométrique
Limay, Confluence du Rio Traful 0760 »
Luarinchenque, Confluence avec l’Agrio 0760 »
Lonquimay, Ancien fortin 0840 »
Mallen, gué du Rio 0730 »
Mollar, Établissement de 1670 »
Mirador, Paso au nord du Cerro 1440 »
Mirador, Cerro 1730 »
Matropayen, Cerro 3490 trigonométrique
Matancilla, Établissement de 1000 »
Nahuel-Huapi, Lac 0640 barométrique
Ñorquin 1100 »
Punta del Agua sur le chemin de la Pampa entre Chosmalal et San Rafael 1410 »
Palan-Mahuida, Portezuelo entre Cerros Cheachil et 1790 »
Payen, Cerro 3640 trigonométrique
Pantojo, Cerro 1930 »
Paymuin, logis de la Vallée de 0890 »
Pehuinco, gué de l’Arroyo 0940 »
Pilulil, gué du Rio 0770 barométrique
Pyramide, Cerro à l’ouest de la Laguna del Espejo 1870 trigonométrique
Pichi-Limay, Portezuelo au nord du 1080 barométrique
Puyehué, Paso de (au sud du Cerro Mirador) 1420 »
Punta del Agua au sud de l’Atuel 0720 »
Puntiagudo, Volcan du 2420 trigonométrique
Pulmari, Estancia de 0950 barométrique
Pulmari gué du Rio (chemin à Rucachoroy) 0910 »
Quillen, Estancia de 0770 »
Quilquihué, gué du Rio (chemin à Maipu) 0790 »
Quilachanquil, gué du Rio 0940 »
Quilca, Établissement de 1050 »
Quemquemtreu, Fortin Sharples 0550 »
Ranquilco 1140 »
Rauquil Nord 1500 »
Rucachoroy, Pulpería de 0840 »
Rincon Grande, Établissement du 0710 »
Rucachoroy, gué de l’Arroyo 0870 »
Saladero de Codihue, Estancia du 0690 »
Tromen, Paso du (au pied du Volcan Lanin) 1340 »
Tril, Pampa de 1020 »
Tilhué, Marais de 1110 »
Tromen, Cerro (volcan au nord de Chosmalal) 3930 trigonométrique
Tres Manzanos, Établissement des 0630 barométrique
Totoral, Laguna de 0750 »
Traful, Établissement de 0670 »
Traful, Portezuelo au nord de l’établ. de 1210 »
Tromen, Portezuelo du 2350 »
Trolon, Établissement de 1550 »
Trolon, Portezuelo de 1870 »
Tronador, Cerro 3400 trigonométrique
Yalaleicura, Établissement de 0760 »
Yanuco, Établissement de 1120 barométrique


Observations de M. Zwilgmeyer
LIEU ALTITUDE OBSERVATIONS
Agrio, gué du Rio au sud de Ñorquin 1010 barométrique
Arco, Comissariat de l’ 1250 »
Argentina, Estancia la 0900 »
Aichol, gué de l’Arroyo 0850 »
Anquilco, naissance du rio 1050 »
Anquilco, Cerro 2100 trigonométrique
Batea Mahuida, Cerro 1800 barométrique
Chapelco 2200 trigonométrique
Chosmalal 0790 barométrique
Caleufu, confluence avec l’Arroyo Filohuehuen 0800 »
Casemallen, gué de l’Arroyo 1170 »
Corral de Piedras, logis de 1050 »
Curaco, gué de l’Arroyo 0740 »
Curuhué, Laguna 1030 »
Haicho, gué de l’Arroyo 0730 »
Hua-Huan, Arroyo confluence avec le Rio Aluminé 0650 »
Hua-Huan, Portezuelo au nord du 1500 »
Hua-Huan, embouchure du 0660 »
Huechen-Lafquen, Lac 0830 »
Ipela, portezuelo 1470 »
Ipela, Cerro au sud du passage 1970 »
Jafutué, descanso au paso Ipela 1040 »
Junin de los Andes 0750 »
Lacar, Cerro entre Lolog et 1970 trigonométrique
Lacar, Cerro entre Machuñeu et 1970 »
Lacar, Lac 0660 barométrique
Lac Hermoso 1040 »
Lajos, Établ. de l’Arroyo (chemin de Quilachanquil à Codihué) 0930 »
Lanin, volcan 3700 trigonométrique
Lolog, embouchure 0890 barométrique
Machuñeu, Cerro Cordillera de 2280 trigonométrique
Machuñeu, Laguna 1020 barométrique
Maipu, Établissement del Valle 0750 »
Mallen, gué du Rio chemin à Junin 0730 »
Metiquina, Lac de 0900 »
Nompehuen 0960 »
Ñorquin 1100 »
Palao-Mahuida, Portezuelo entre les cerros Chiachil et 1790 »
Pichi-Leufú, naissance de l’Arroyo 1210 »
Pichi-Leufú, confluence avec le Rio Aluminé 0730 »
Pichi Nahuel-Huapi, confluence avec l’Aluminé 0690 »
Pilhue, Laguna 1010 »
Pil-Pil, Portezuelo de 1150 »
Pino Hachado, Commissariat 1340 »
Pino Hachado, Portezuelo au sud de 1670 »
Polcahué, Laguna 1200 »
Pucara, Cerro au nord de 2020 trigonométrique
Pucara, Cerro au sud de 1980 »
Pulmari, Estancia 0950 barométrique
Pulmari, gué du Rio 0910 »
Quechuquin 0730
Queñi, Laguna de 0850 barométrique
Queñi, cerro 2160 trigonométrique
Quilca, Établissement de 1050 barométrique
Quillen, Estancia de 0770 »
Quillen, Portezuelo 1780 »
Quillen, Lac 0900 »
Quilquihué, Établissement de 0790 »
Quinalahué, Camp de 0930 »
Quinalahué, Portezuelo de 1080 »
Reigolil, Borne de 1050 »
Rucachoroy, gué de l’Arroyo sur le chemin à Pulmari 0880 »
Saladero, Cordihué 0700 »
Taquimalal, Établissement de 1000 »
Tringüé, Cerro 1290 »
Trolon 1870 »
Trompul, Camp de 1010 »


Observations de M. Eimar Soot
LIEU ALTITUDE OBSERVATIONS
Angostura, Campement à 0710 barométrique
Ahlefeldt, Estancia 0540 »
Arroyo Chilchuma, Campement en face de 0600 »
Avile Ramón, Rancho de 0850 »
Ahlefeldt, chemin de Junin à Station Brujula 0790 »
Agrio Rio, Campement 0700 »
Arroyilo 0250 »
Blanca, Laguna 1360 »
Bajo Manzana 1300 »
Bajo Manzana, Lagunita 1240 »
Cerro au nord-ouest du campement, Station sur le 1940 »
Calcufu et Metiquina, jonction Rio 0740 »
Calcufu, jonction avec Rio Liocura 0580 »
Colloncura, loma à l’est du Rio 0730 »
Colloncura, loma à l’est de Rio, Chemin à Catali 0600 »
Catalin, Campement I Rio 0760 »
Catalin, Plaine au sud du Rio 0950 »
Catalin, Fortin 0950 »
Catalin, Cerro à l’est de 1490 »
Carreri, campement Cerro 1290 »
Cerro del Plato, Entrée ouest du 1440 »
Carrere, Arroyo 1010 »
Codihue 0660 »
Cabunco, Établissement 0800 barométrique
Carrere, Arroyo 0790 »
Chayaco 0270 »
Dionisio, Campement 0770 »
Enchelmeier, Paso du chemin 1125 »
Enchelmeier, Station 0790 »
Enchelmeier, Station loma au nord-ouest de 1050 »
Filobuehuen, Lac 0830 »
Gato, Cerro 1340 »
Guanaco, Cerro 2160 »
Huachu-Lafquen 0850 »
Huincul, Campement de 0490 »
Ile sur le Rio Limay, 8 cuadras au-dessous du Fortin Nogueira 0328 »
Junin de los Andes 0734 »
Junin, Station loma à l’est de 1160 »
Junin, Cerrito nord-ouest de 1080 »
Jamuco 1120 »
Lac Villarino 0900 »
Limay et Calcufu, Station loma entre 1090 »
Leoquehuin, Arroyo 0660 »
Las Lajas 0640 »
Mora, Établissement 0630 »
Maipu 0620 »
Magin I 1100 »
Magin II 1130 »
Maruco, Paso de 0820 »
Molino Limay 0205 »
Piño, Arroyo 0980 »
Picunleufu, Arroyo 1150 »
Porteño, Arroyo 0672 »
Rio Lolog, Campement 0760 »
Springler, Laguna 0990 »
San Vicente 0750 »
Santo Domingo 0730 »
Traful, Campement chemin à Laguna de 0750 »
Traful, Extrémité de la station Brujula 1210 »
Traful, Paso à Établissement de 1180 »
Traful, Établissement de 0670 »
Traful, Lac 0720 »
Traful, Cerro extrémité sud-ouest du Lac 1750 »
Tromen, Laguna 0950 »
Truquino, Estancia 1050 »
Zapala, Estancia 0940 »
Zapala, Cerrito 0970 »


Observations de M. Alphonse Schiörbeck
LIEU ALTITUDE OBSERVATIONS
Apichig, Paso 0960 barométrique
Arroyo de Las Bayas, gué de l’ 1100 »
Bayas, Cerro de Las 1490 trigonométrique
Bernal, Estancia de 0820 barométrique
Boquete, Cerro 2040 trigonométrique
Catedral, le plus haut pic du Cerro 2380 »
Catedral, au pic du Cerro 0790 barométrique
Catedral, pic est du Cerro 2050 »
Catedral, pic ouest du Cerro 2300 barom. et trigon.
Casa Piedra 0750 barométrique
Casa Rosales, Valle Nuevo 0340 »
Casa Reyes, Valle Nuevo 0310 »
Casa Pangue 0320 »
Caquel-Huincul, Loma de 0730 »
Cristian Back, Maison de 0750 »
Versant de Los Raulies, au pied nord du Cerro 0960 »
Versant de Los Raulies, Portezuelo de 1290 »
Coihué Caido 0760 »
Curruleufu, pointe la plus élevée du chemin depuis le Lac 1150 barométrique
Curruleufu, Vado nord du Rio 1050 »
Curruleufu, Portezuelo entre Rio Manso et Rio 1280 »
Corral Foyel, Loma sud du 0910 »
Cerro 29 de Abril 1840 barom. et trigon.
Cerro Dos Picos 2150 trigonométrique
Carmen Cerro 1450 »
Chacayhueruca, Portezuelo de l’Arroyo 1390 barométrique
Chenqueg-geyu, Portezuelo de l’Arroyo 1430 »
Chubut, Confluence entre Arroyo Maiten et Rio 0710 »
El Descanso 0950 »
Gutierrez, Issue du Lac 0780 »
La Arcilla, au pied nord du Cerro Tronador 0690 »
Laguna Fria 0760 »
Las Bayas, Portezuelo de 1220 »
Leones, Cerro de Los 1010 trigonométrique
Los Clavos, Laguna de 1190 barométrique
Manso, Cerrito sud-ouest de la naissance du Rio 1500 »
Maiten, Portezuelo entre Rio Quemquemtreu et Arroyo 0770 »
Otto, Cerro 1430 trigonométrique
Perez Rosales, Boquete de 1000 barométrique
Perez Rosales, Cerro 2850 trigonométrique
Peulla, Confluence des trois bras du Rio 0480 barométrique
Puesto Repollos, Valle Nuevo 0530 »
Puntiagudo, Cerro 2420 trigonométrique
Puntiagudo de la Péninsule, Cerro 1060 »
Todos los Santos, Lac de 0180 barométrique
Trenque-Malal, Cerro 1460 trigonométrique
Tres Picos, Cerro 2250 »
Tronador, Cerro pic nord 3210 »
Tronador, Cerro pic sud 3400 »
Valverde (de Carmen) Cerro 2350 »
Ventana, Cerro de la 2200 »
Ventoso, Cerrito 0960 barométrique


Observations de M. Gunardo Lange
LIEU ALTITUDE OBSERVATIONS
Alto du Ciprès 0710 barométrique
Arileufu 0760 »
Cerro Plomo 2260 trigonométrique
Corintos, Cerro nord 1790 »
Corintos, Cerro sud 2060 »
Cerro Puntiagudo sud, Cerro Tres Picos 3160 »
Cholila, Station sud de 0850 »
Cerro Lolog 1950 »
Cholila, Rio de 0590 barométrique
Cholila Laguna 2 0660 »
Cholila, Station est de Laguna 3 0720 »
16 de Octubre, Station météorologique 0330 »
16 de Octubre, Moraine est de 0630 »
16 de Octubre 0360 »
16 de Octubre, Cerrito sud 0830 trigonométrique
16 de Octubre, pied nord de la moraine de 0550 barométrique
Epuyen, Cabeza de 0690 »
Epuyen, Station de 1150 »
Epuyen et Cholila, partage des eaux 0740 »
Esguel, hauteur à l’est de 0970 »
Esguel, Source de 0750 »
Esguel, Laguna sud de 0740 »
Esguel, Pointe sud du Cerro de 0800 »
Esguel, Bord au nord des Lagunes de 0780 »
Fta-Leufu, Cerro est Abra de 2160 trigonométrique
Fta-Leufu, Station ouest Rio de 1430 »
Fta-Leufu, Cerro sud Coude de 1980 »
Fta-Leufu, Coude du Rio 0550 barométrique
Fta-Leufu, Lacet du 0520 »
Fta-Leufu, Cerro élevé est Rio de 2000 »
Fta-Leufu, maison Jones Rio 0310 »
Fofocahuallo 0460 »
Faja, Cerro de 1970 trigonométrique
Lac Cholila, Cerro ouest de 0880 »
Legua 18, Campement dans la Vallée de 0460 barométrique
Lac Rivadavia 0510 »
Lac Rivadavia, marais sud du 0500 »
Lepa 0740 »
Lelej 0600 »
Media Luna 0580 »
Nixon Loma 1040 trigonométrique
Nixon Rincon 0580 barométrique
Nixon, Bloc erratique sur la Loma 0750 »
Nixon, Laguna media 0730 »
Nahuel Pan, Abra de 0770 »
Nahuel Pan, Maison de 0760 »
Pic Thomas nord 1470 trigonométrique
Peladito, El 1340 »
Perzey, Dépression Terraplen au Rio 0450 barométrique
Perzey, Campement sur le Rio 0950 »
Pied du Versant 0390 »
Puchilegui 0790 barométrique
Pic Thomas sud 1650 trigonométrique
Rio Chubut, Établissement de 0530 barométrique
Situacion, Cerro sud 2000 trigonométrique
Situacion, Cerro sud 0770 »
Situacion, Lac 0360 barométrique
Sunicaparia, Établissement de 0610 »
Sunicaparia, Aguada nord-est de 0590 »
Sunicaparia, Laguna de 0600 »
Sunicaparia, Boca de Quebrada au nord de 0690 »
Tres Picos, Cerro de 2500 trigonométrique
Tres Picos, Cerro est de 2160 »
Tecka, Cerro (Station) 1330 »
Terraplen, bord de 0660 barométrique
Terraplen, première Laguna de 0590 »
Terraplen, Station nord Rio de 0760 »
Terraplen, Laguna 3 de 0470 »
Tecka, Portezuelo de Cerro 1120 »
Yanqui, maison de 0560 »


Observations de M. Émile Frey
LIEU ALTITUDE OBSERVATIONS
Baguales, Loma de los 0880 barométrique
Cosate, Estancia (Leleg) 0620 »
Caquel-Huincul 0850 »
Cholila, Arroyo Angostura 0560 »
Cerro 20 de Abril 1938 trigonométrique
Cerro Valverde 1409 »
Cerro Leleg 1915 »
Cerro N° 1, est Lac 5 1866 »
Cerro Nevado 2068 »
Cerro Pirque 1810 »
Cerro coude du Chubut 1275 »
Cerro est Lac 5 1878 »
Cerro N° 5 Cholila 1970 »
Epuyen, angostura 0270 barométrique
Epuyen, coude de 0190 »
Epuyen, Station angostura del 0300 »
Fta-Leufu, campement sur le 0500 »
Lac num. 4 Cholila 0600 »
Lac num. 5 Cholila 0460 »
Lac num. 1 Cholila 0650 »
Lac num. 2 Cholila 0610 »
La Paz, Estancia 0860 »
Lac num. 1 Loma à l’ouest du 0730 »
Loma N° 2 0973 trigonométrique
Loma N° 3 1692 »
Loma N° 4 0899 »
Maiten, Cerro pic ouest 1990 »
Maiten, Cerro pic est 1918 »
Puntiagudo 2160 »
Pilquitron, Cerro 1558 »
Tronador (supposé) 2006 »
Tres Picos, Cerro 2500 »


Observations de M. Von Platten
LIEU ALTITUDE OBSERVATIONS
Baguales, Loma de Los 1330 barométrique
Caceres, Cerro au nord-ouest de la 1re source est de l’Arroyo 1630 »
Caceres, Cerro au nord de l’Arroyo 1270 »
Caceres, 4e source nord-ouest de l’Arroyo 0680 »
Caceres, Naissance de la 1re source est de l’Arroyo 1000 »
Caceres, 1re source est de l’Arroyo 0840 »
Caceres, 1re source nord de l’Arroyo 0590 »
Cherque, Cerrito sud-est de l’Arroyo 1320 »
Cherquc, sources de l’Arroyo 1020 »
Cherque, Loma sud de la 2e source est de l’Arroyo 0830 »
Cherque, Portezuelo nord de la 2e source est de l’Arroyo 0810 »
Cherque, 1re source ouest de l’Arroyo 0950 »
Chirik, Pampa de 0910 »
Frias, confluence de l’Arroyo Caceres et Rio 0530 »
Frias, confluence de la 1re source nord et Rio 0650 »
Frias, Station nord du Rio 0970 »
Frias, sources de la 1re grande source sud du Rio 1640 »
Frias, sources du Rio 0930 »
Frias, Cerrito au nord des sources du Rio 1180 »
Frias, Laguna au nord du Rio 0780 »
Frias, Laguna au sud des sources du Rio 0980 »
Frias, 2e source grande sud du Rio 0480 »
Frias, 2e source nord du Rio 0530 »
Frias, sud-ouest des sources du Rio 0870 »
Gennua, Cerrito nord, poblacion Stenti 1080 »
Gennua, Poblacion (Établissement, exploitation) Stenti 0780 »
Gennua, Valle de 0780 »
Loma entre Arroyo Cherque et Arroyo Pico 0920 »
Omckel, Arroyo 0560 »
Omckel, Sources de l’Arroyo Cherque et Arroyo 0980 »
Omckel, Loma entre les sources de l’Arroyo Cherque et Arroyo 1080 »
Omckel-Haiquen 0760 »
Pico, Cerrito à côté de l’Arroyo 0920 »
Pico, Cerrito ouest de l’Arroyo 0550 »
Pico, confluence de la 3e source sud de l’Arroyo 0510 »
Pico, station à l’ouest de la 6e source sud de l’Arroyo 0720 »
Pico, 4e source nord de l’Arroyo 0450 »
Pico, origines de la 4esource sud de l’Arroyo 0870 »
Pico, plateau nord-ouest de l’Arroyo 0790 »
Pico, marais aux sources de l’Arroyo 0810 »


Observations de M. Arneberg
LIEU ALTITUDE OBSERVATIONS
Ap Juan, Cerro 2630 trigonométrique
Apeleg, Cerro 0720 »
Apeleg Arroyo 0680 barométrique
Arroyito et étangs, nord du Cerro Yatsehaik 0650 »
Arroyito sec entre le Paso du Rio Senguerr et le Lac Fontana 0860 »
Arroyito au nord du Lac La Plata 0920 »
Arroyo entre Coyet et Arroyo Goichel 0850 »
Arroyo, avec plantes aquatiles 0810 »
Aysen, dépression des lagunes du Rio (bras sud) 0690 »
Blanca, extrémité de la Lagune 0640 »
Blanca, Laguna 0640 »
Buenos Aires, Carrito nord du Lac 1860 trigonométrique
Buenos Aires, Cerro nord du Lac 2130 »
Buenos Aires, Cerro nord-ouest 2380 »
Buenos Aires, Cerro sud du 2380 »
Buenos Aires, Lac 0170 barométrique
Capamento, Arroyo Huemules 0620 »
Camquelshaque, Cerro 1050 trigonométrique
Cañadon de la Laguna Seca 0780 barométrique
Cañadon nord de la Salina 0850 »
Claudio, Loma de l’Arroyo 1110 trigonométrique
Coihaique, au sud du Cerro rive sud du Rio 0510 barométrique
Coihaique, descente de la quebrada du Rio 0650 »
Coihaique, Cerro nord du Rio 2070 trigonométrique
Coihaique, Cerro rive sud du Rio 0810 barométrique
Coihaique, traversée du Rio 0640 »
Coihaique, Plateau entre Rio Goichel et Rio 1000 »
Coihaique, gué du Rio 0570 »
Coihaique, gué du Rio 0810 »
Coihaique, Rio 0820 »
Coyet, au-dessous de 1030 »
Coyet, bas-fond de 1180 »
Coyet, Loma nord de 1200 »
Divortium aquarum, entre Laguna Blanca et bras sud Aysen 0650 »
Fontana, Cerrito nord du Lac 2140 trigonométrique
Fontana, Lac 0930 barométrique
Fontana, Loma sud du Lac 1000 »
Fontana, rive sud du Lac 0930 »
Fontana, marais sud du Lac 1080 »
Fontana, gué au sud du Lac 1050 »
Fontana, pic sud-est du Lac 1460 »
Fontana, pointe est du Lac 0930 »
Gaugeik, Cerro 1000 »
Gato, Arroyo del 0780 »
Goichel, en aval du Rio 0560 »
Goichel, Campement du Rio 0550 »
Goichel, jonction de l’Arroyo et Rio 0550 »
Goichel, Rio 0670 »
Grande, Plateau entre bras sud de l’Aysen et Lac Buenos Aires, Campement du Rio 0750 »
Grande, gué de la quebrada du Rio 0740 barométrique
Guia, Cerro 1150 »
Haiosh, Cerro 0940 trigonométrique
Katterfeld, Pic 1800 »
La Plata, Cerro nord du Lac 1030 barométrique
La Plata, Cerro ouest du Lac 2300 trigonométrique
La Plata, Cerrito sud du Lac 1090 barométrique
La Plata, Cerrito dans l’isthme entre Lac Fontana et Lac 0990 »
La Plata, Embouchure du Lac 0940 »
La Plata, Isthme entre Lac Fontana et Lac 0950 »
La Plata, Lac 0940 »
La Plata, Paso sud du Lac 1140 »
La Plata, Rio sud du Lac 1080 »
Llau-llau, Anse 0940 »
Mayo, Gué du Rio 0730 »
Meseta entre Goichel et Coihaique 1000 »
Meseta entre Rio Mayo et Rio Huemules 1060 »
Mineros, Campement de Los 0900 »
Peluajen, Arroyo 0710 »
Peluajen, Campement Arroyo 1010 »
Richards, Maison de 0560 »
Salina, côté sud d’une 0650 »
Saltos, Rio de Los 0950 »
Senguerr, gué en amont du Rio 0820 »
Shamen 0640 »
Teguerr 0610 »
Teguerr, Loma est du 0760 »



TABLE DES MATIÈRES


Pages

V. — 
 56
APPENDICE
I. 
— « Cañon » de l’Atuel à Pituil.
II. 
— Pont sur le Rio Grande.
III, 
figure 1. — Chosmalal.
», 
fig»re 2. — L’ancien Fortin de Junin de los Andes.
IV. 
— Sources des rios Bio-Bio et Aluminé sur le plateau de l’Arco.
V. 
— Sources des rios Bio-Bio et Aluminé dans le ravin du plateau de l’Arco.
VI. 
— Le Lac Aluminé.
». 
— Le Lac Fontana.
VII, 
figure 1. — Lac Nompehuen.
», 
fig»re 2. — Lac Ñorquinco.
», 
fig»re 3. — Vallée de Reigolil.
», 
fig»re 4. — Bois d’Araucarias.
VIII. 
— Bois d’Araucarias et le Volcan Lanin.
IX, 
figure 1. — La plaine entre le Rio Quilquihué et l’Arroyo Chapelco.
», 
fig»re 2. — Le Lac Lacar vu de son extrémité orientale.
», 
fig»re 3. — Lac Traful.
X. 
— Lac Lacar.
XI. 
— Confluence des rios Chimehuin et Quilquihué et Cerro del Perro.
XII. 
— Confluence des rios Collon-Cura et Caleufu.
XIII. 
— Rio Traful.
XIV. 
— Las Tobas (tufs) sur le Rio Limay.
XV, 
figure 1. — Estancia Jones (Nahuel-Huapi).
», 
fig»re 2. — Établissement Tauscheck (Nahuel-Huapi).
XVI. 
— Panorama du Nahuel-Huapi depuis la Vallée de l’Arroyo Gutierrez.
XVII. 
— Le Lac Nahuel-Huapi vu de l’est.
XVIII. 
— Le divortium aquarum interocéanique, vers les sources de l’Arroyo Pico.
XIX. 
— Dépression de Coyet et Goichel dans le divortium aquarum interocéanique.
XX, 
figure 1. — Vallée et source du rio Mayo ; source du rio Coyaike.
», 
fig»re 2. — Le Lac Buenos Aires.
XXI, 
figure 1. — Sources des rios Aysen et Chalia.
», 
fig»re 2. — Le Rio Fénix dans la plaine morainique du Lac Buenos Aires.
XXII. 
— Vallée de la Laguna Blanca et Aysen.
XXIII. 
— Bloc erratique — Vallée de la Laguna Blanca.
XXIV. 
— Météorite.
XXV. 
— Forêt prés du Lac Fontana.
XXVI. 
— Lac Cholila vu de l’est.
XXVII. 
— Rio Fta-Leufu, au coude de la Vallée 16 de Octubre.
XXVIII. 
— Vallée 16 de Octubre et Cerro Situacion.
XXIX. 
— Lac Nahuel-Huapi (Péninsule du nord).
XXX, 
figure 1. — Le Lac Constancia depuis le Cerro Mirador.
», 
fig»re 2. — Lac Todos los Santos.
XXXI. 
— Lac Nahuel-Huapi, vu du promontoire à l’ouest de l’Établissement Millaqueo.
XXXII. 
la» Nahuel»Huapi, vu de la Station Péninsule, à l’ouest de Juan Jones.
XXXIII. 
— Lac Villarino.
XXXIV. 
— Naviguant sur le Lac Traful.
XXXV. 
— Lac Lacar.
XXXVI. 
— La chaine d’Ipela (Cordillère des Andes).
XXXVII. 
— Le Volcan Lanin, vu du nord.
XXXVIII. 
— Glacier sur le versant nord du Lanin.
XXXIX. 
— Glaçon détaché sur le glacier du Lanin.
XL. 
— Le Lac Traful, vu de l’est.
XLI. 
— Itinéraires généraux du personnel du Musée.
XLII. 
— Projets de voies ferrées de l’Atlantique aux Andes.
Carte préliminaire des Territoires du Neuquen, Rio Negro, Chubut et Santa Cruz.



Planche I : Cañon de l’Atuel, à Pituil
Planche I : Cañon de l’Atuel, à Pituil
Planche I : Cañon de l’Atuel, à Pituil

Rev. del Museo de La Plata — VIII.
MORENO : REGION ANDINE — PI. II.

ATELIERS DU MUSÉE
Pont sur le Rio Grande
(province de Mendoza)
  1. Exámen topográfico y geológico de los departamentos de San Carlos, San Rafael y Villa Beltran, par Gunardo Lange, Rodolfo Hauthal et Enrique Wolff. « Revista del Museo de La Plata ». Tome VII. La Plata, 1893.
  2. Fusillé en 1882 dans la plaine de Maipu, dans une de ces heures sombres de cette époque de lutte où l’on n’a pas toujours agi avec justice.
  3. Viaje a la Patagonia Septentrional, Buenos Aires, 1879.
  4. D’après mes observations de 1880 ; mais celles du dernier voyage, effectuées dans la station météorologique, placée sous la direction de M. Bernichan, ont donné 740 mètres.
  5. Il domine aujourd’hui le village de San Carlos.
  6. Recuerdos de viage en Patagonia, Montevideo 1882.
  7. Expedición exploradora del Río Palena, Santiago, 1895.
  8. G. C. Musters : At home with the Patagonians. Londres, 1871.
  9. Lire les journaux de Buenos Aires du mois de mars 1880.
  10. Expedición exploradora del Rio Palena. Santiago, 1895.