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LIVRE II


CHAPITRE PREMIER

Citation de l’Histoire des Animaux ; après avoir constaté les faits, il faut en expliquer les causes ; des quatre éléments primitifs des choses ; leur première combinaison ; la seconde forme les parties similaires, et la troisième forme les parties non-similaires ; rapports de la substance et de la génération ; de la matière et de la forme ; du rôle des parties similaires et non-similaires dans l’organisation des animaux ; fonctions des unes et des autres ; simplicité des parties similaires ; complexité des parties non-similaires ; erreur des physiologues ; explication de la sensibilité ; importance du sens du toucher ; siège unique de la sensation, de la locomotion et de la nutrition ; rôle supérieur du cœur ; rôle secondaire de tous les organes internes, dépendants du cœur.

§ 1[1]. Nous avons exposé dans l’Histoire des Animaux plus clairement que nous ne pourrions le faire ici

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quelles sont les parties qui composent tout animal et quel est le nombre de ces parties ; notre but maintenant doit être de rechercher en vue de quelles fins chacune de ces parties ont été organisées comme elles le sont ; et nous isolerons ces détails spéciaux de tous les faits déjà consignés dans cette Histoire. § 2[2]. Les combinaisons des choses pouvant être de trois genres différents, on pourrait admettre que la première combinaison est celle des matières que certains philosophes ont appelées les éléments, c’est-à-dire, la terre, l’air, l’eau et le feu. Peut-être même serait-il préférable d’étudier les propriétés et les forces de chacun de ces éléments, non pas cependant toutes leurs propriétés, mais en bornant notre étude, comme nous

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l’avons fait ailleurs et antérieurement ; en effet le liquide et le sec, le chaud et le froid, sont la matière de tous les corps composés. § 3[3]. Les autres différences que les corps présentent ne sont que les conséquences de celles-là : par exemple, la pesanteur et la légèreté, l’épaisseur et la minceur, le rude et le poli, et tous les autres phénomènes de même genre qu’on peut remarquer dans les corps. La seconde combinaison de ces premiers éléments est, dans les animaux, celle des parties similaires, telles que l’os, la chair et les parties semblables à celles-là. Enfin, la troisième et dernière combinaison, numériquement parlant, est celle des parties non-similaires, par exemple le visage ou la main, et les parties qui y ressemblent.

§ 4[4]. Il faut bien savoir que la production des choses

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et l’essence des choses sont contraires entre elles. Les choses qui sont postérieures sous le rapport de leur génération sont antérieures en nature ; et le premier en nature est le dernier à se produire et à naître. La maison n’est pas faite pour les poutres et les pierres ; mais ce sont au contraire les pierres et les poutres qui sont faites pour la maison ; et cette même observation s’appliquerait également à toute autre espèce de choses. § 5[5]. Mais ce n’est pas l’induction seule qui nous démontre qu’il en est bien ainsi ; c’est en outre la raison qui nous l’atteste. En effet, tout ce qui naît et se produit provient de quelque chose et tend à quelque chose ; il va d’un principe à un principe ; il part

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d’un premier principe qui le met en mouvement, et qui a déjà lui-même une certaine nature, pour arriver à une certaine forme, ou à telle autre fin de ce genre. L’homme produit l’homme, la plante produit la plante, selon la matière qui fait le fond de chaque chose. § 6[6]. Chronologiquement, c’est la matière et la production des choses qui nécessairement sont antérieures ; mais en raison, c’est l’essence et la forme de chacune d’elles. Ceci devient évident si l’on prend la peine de définir ce que c’est que la production. Ainsi, la définition de la construction d’une maison suppose la définition de la maison ; mais la définition de la maison ne suppose pas celle de la construction. Ceci s’appliquerait encore aussi bien à toute autre chose. § 7[7]. Il en résulte que la matière des éléments est faite nécessairement en vue des parties similaires, parce

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que les parties similaires ne se produisent que postérieurement aux éléments, de même que les parties non-similaires sont postérieures à elles. A leur tour, celles-ci sont la limite et la fin de tout le reste, n’atteignant leur composition définitive qu’en troisième lieu par ordre numérique, de la même façon que, dans bien des cas, s’achèvent aussi d’autres productions.

§ 8[8]. Les animaux se composent donc de ces deux espèces de parties ; et si les parties similaires sont faites en vue des non-similaires, c’est que ce sont ces dernières qui accomplissent les fonctions et les actes : par exemple, les fonctions de l’œil, du nez, du visage entier, du doigt, de la main, du bras pris dans sa

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totalité, etc. Comme les actes et les mouvements des animaux sont excessivement variés, soit pour le corps entier, soit pour les parties dont on vient de parler, il est de toute nécessité que les éléments qui les constituent aient aussi des forces non moins dissemblables. § 9[9]. Pour certaines parties, c’est de la mollesse qu’il faut ; pour d’autres, c’est de la dureté ; les unes doivent pouvoir se tendre ; d’autres, pouvoir se fléchir. Aussi, les parties similaires ont-elles été douées partiellement de puissances et de propriétés de ce genre. L’une est molle ; l’autre est sèche ; celle-ci est visqueuse ; celle-là est cassante. Les parties non-similaires ont aussi des fonctions et des forces très-diverses, combinées entre elles de cent façons. En effet, telle de ces forces permet à la main de serrer

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les choses ; telle autre lui permet de les saisir. § 10[10]. Les parties qui forment les organes sont composées d’os, de nerfs, de chairs et d’autres matières analogues, tandis que ces dernières parties ne sont pas composées de parties organiques. C’est donc en vue d’une certaine fin qui doit être atteinte par cette cause que ces dernières parties sont faites, comme on vient de le dire. Que si l’on cherche à savoir encore comment il est nécessaire que les choses soient ce qu’elles sont, on voit évidemment qu’elles étaient nécessairement dès le début dans ces rapports réciproques. Il se peut que les parties non-similaires soient formées de parties similaires, soit de plusieurs de ces parties, soit même d’une seule, comme on le voit pour quelques viscères. § 11[11]. Mais bien que ce soit d’un seul corps similaire qu’elles soient composées, absolument parlant,

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elles diffèrent par la variété infinie de leurs formes. D’ailleurs, il est impossible que les parties similaires soient composées de celles-là ; car alors le similaire serait le résultat d’une foule de choses non-similaires.

§ 12[12]. C’est par ces causes que certaines parties du corps dans les animaux sont simples et similaires, tandis que d’autres parties sont composées et non-similaires. Comme il y a des parties qui sont des organes et d’autres qui sont des sens dont les animaux ont besoin, toute partie formant un organe est non-similaire, comme je viens de l’indiquer. Mais dans tous les animaux, la sensation a lieu dans des parties similaires, parce qu’une sensation, quelle qu’elle soit, n’est jamais que d’un seul et unique genre, et que

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chaque organe des sens est fait pour recevoir les impressions des choses sensibles qui le concernent.

§ 13[13]. Ce qui n’est qu’en puissance subit et souffre l’influence de ce qui est réellement en acte, de telle sorte que c’est une même chose qui, sous le rapport du genre, est tout ensemble et l’objet sensible et la sensation. Voilà comment, pas un seul physiologue n’a osé dire que la main, le visage ou telle autre partie de cet ordre soit de la terre, ou de l’eau, ou du feu, tandis qu’ils accouplent chacun de nos sens avec chacun des éléments, affirmant que tel sens est de l’air, et que tel autre est du feu. § 14[14]. Comme la sensation est dans les parties simples, il est tout à fait rationnel que le toucher se trouve surtout dans un sens similaire, mais non point seulement dans un sens simple et absolu. C’est le toucher en effet qui se

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montre le plus varié de tous les sens ; et le sensible auquel il s’applique présente le plus grand nombre d’oppositions et de contrariétés, le chaud et le froid, le liquide et le sec, et cent autres oppositions de cette sorte. L’organe qui reçoit toutes ces sensations, la chair, et ce qui correspond à la chair, est le sens qui tient le plus de place dans le corps entier.

§ 15[15]. Comme il n’est pas possible qu’un animal existe sans la sensibilité, il en résulte que nécessairement les animaux doivent avoir certaines parties similaires, parce que la sensibilité réside dans ces parties ; mais les actes auxquels les animaux se livrent ne leur sont possibles qu’à l’aide des parties non-similaires. La

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faculté de sentir, la faculté qui meut l’animal, et la faculté nutritive étant toutes trois dans la même portion du corps, ainsi que nous l’avons dit antérieurement dans d’autres ouvrages, il est indispensable que la partie qui contient primitivement de tels principes, en tant qu’elle peut recevoir l’impression de tous les objets sensibles, soit une partie simple ; mais en tant que motrice et active, elle doit être une partie non-similaire. § 16[16]. Voilà comment, dans les animaux qui n’ont pas de sang, c’est la partie correspondante au cœur qui joue ce rôle, et comment c’est le cœur dans les animaux qui ont du sang. Le cœur en effet se divise en éléments similaires, comme se divisent aussi tous les autres viscères ; mais par sa configuration et sa forme, il est une partie non-similaire. Tous les organes

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qu’on appelle des viscères sont dans le même cas que le cœur ; et ils se composent de la même matière que lui. La nature de tous ces viscères est sanguine, parce qu’ils sont posés sur des vaisseaux veineux et sur leurs ramifications. § 17[17]. Semblables au limon d’une eau courante, tous les autres viscères sont comme les embranchements du courant du sang s’écoulant dans les veines ; mais le cœur, qui est le principe des veines et qui renferme en lui l’initiative et la faculté première d’élaborer le sang, doit, par une suite inévitable, être formé lui aussi de la même nourriture que celle qu’il reçoit. On voit donc pourquoi les viscères doivent, sous le rapport de leur forme, être sanguins,

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et pourquoi ils sont, tantôt similaires et tantôt non-similaires.

CHAPITRE II.

De la nature des diverses parties dans les oiseaux ; parties similaires, parties non similaires ; rôle des liquides et des solides ; rôle des parties sèches et des parties molles ; du sang et de son importance dans l’organisation ; les qualités du sang influent beaucoup sur la force et sur l’intelligence ; pour expliquer la nature du sang, il faut savoir ce que c’est que le chaud et le froid ; contradictions des philosophes sur cette question ; Parménide et Empédocle ; des acceptions diverses du mot de Chaud ; sens nombreux où l’on dit qu’une chose est plus chaude qu’une autre ; exemples divers de l’eau bouillante et du feu, de l’huile et de la graisse ; de la chaleur étrangère aux objets chauds ; de la chaleur propre de certains objets ; le froid a sa nature spéciale et n’est pas une simple privation ; action du froid ; le froid et le chaud en puissance ou en réalité. — Résumé.

§ 1[18]. Entre les parties similaires qu’on observe dans les animaux, il y en a qui sont molles et liquides, tandis que d’autres sont dures et solides. Les parties liquides, ou le sont complètement, ou le sont dans la mesure que leur nature exige. Tels sont : le sang, la

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lymphe, la graisse, le suif, la moelle, la liqueur séminale, la bile, le lait dans les animaux qui en ont, la chair, et toutes les matières analogues à celles-là. § 2[19]. Les animaux n’ont pas tous sans exception été pourvus de toutes ces parties ; et certains animaux n’ont que des parties correspondantes à quelques-unes d’entre elles. Les parties sèches et solides sont similaires, comme le sont l’os, l’arête, le nerf, la veine. Mais la division des parties similaires présente des différences. Ainsi, pour quelques cas, la partie porte le même nom que le tout, et par exemple, la partie d’une veine est une veine ; mais la partie peut encore n’être pas homonyme, pas plus, par exemple, qu’une partie du visage n’est du tout un visage.

§ 3[20]. D’abord, il y a, en ce qui regarde les parties

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liquides et les parties solides, plusieurs nuances dans la cause pour laquelle elles sont ce qu’elles sont. Les unes en effet sont comme la matière des parties non-similaires ; elles composent chacun des organes auxquels il faut des os, des nerfs, des chairs et tant d’autres éléments constitutifs, dont les uns contribuent à former la substance de l’animal, et les autres, à rendre ses fonctions possibles. D’autres parties qui servent à la nourriture des organes sont liquides ; car toujours, c’est du liquide que les êtres tirent leur développement. § 4[21]. C’est aussi des liquides et des solides que viennent les excréments, qui sont le résidu de la nourriture sèche, et le résidu de la nourriture liquide, dans les animaux qui ont une vessie. Les

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différences de tous ces éléments les uns relativement aux autres n’ont pas d’autre but qu’une meilleure disposition des choses ; et sans parler d’autres parties, c’est là le rapport du sang relativement au sang. Tel sang en effet est plus léger ; tel autre est plus épais ; celui-ci est plus pur ; celui-là est plus boueux. En outre, tel sang est plus froid ; tel autre, plus chaud, non pas seulement pour les parties d’un même animal, où ces différences peuvent être remarquées dans les parties supérieures comparativement aux inférieures, mais aussi d’un animal à un autre.

§ 5[22]. Dans l’ensemble des animaux, les uns ont du sang ; les autres ont, à la place du sang, une sorte de liquide qui y ressemble. Un sang plus épais et plus chaud donne plus de vigueur ; un sang plus léger et plus froid donne à la fois plus de sensibilité et d’intelligence.

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On peut observer les mêmes différences dans les liquides qui correspondent au sang. C’est ainsi que les abeilles et les animaux de cette espèce sont de nature beaucoup plus intelligente que bien des animaux qui ont du sang ; et parmi les animaux qui ont du sang, ceux dont le sang est froid et léger sont plus intelligents que ceux dont le sang est tout le contraire. Les plus distingués de tous sont ceux dont le sang est chaud, léger et pur ; car les natures de ce genre sont les mieux douées en fait de courage et de pensée.

§ 6[23]. C’est là aussi d’où vient la différence qu’on peut trouver entre les parties hautes et les parties inférieures du corps, et encore entre le mâle et la femelle, et entre les parties de droite et les parties de gauche. Par suite, on peut admettre que cette même différence existe aussi pour toutes les autres parties de cette espèce, et pour les parties non-similaires également.

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De ces différences, les unes se rapportent directement aux fonctions et à la substance des animaux ; les autres ne se rapportent qu’au mieux ou au pis. C’est ainsi qu’entre deux espèces qui ont des yeux, les unes les ont durs ; les autres les ont liquides ; ceux-ci n’ont pas de paupières, tandis que ceux-là en ont, pour que la vision soit plus puissante.

§ 7[24]. Afin de bien démontrer que nécessairement les animaux doivent avoir du sang, ou tout autre liquide de même nature que lui, et pour expliquer la nature propre du sang, nous commencerons par traiter du chaud et du froid ; et nous examinerons ensuite les causes qui font que le sang est ce qu’il est. La nature de bon nombre d’animaux se rattache à ces principes ;

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et parmi les philosophes, on dispute beaucoup pour savoir quels animaux sont chauds ou froids, et quelles parties sont chaudes ou froides. Les uns prétendent que les animaux aquatiques sont plus chauds que les animaux terrestres, attendu, disent-ils, que la chaleur de leur nature doit contrebalancer la froideur du lieu où ils vivent. § 8[25]. On ajoute encore que les animaux qui n’ont pas de sang sont plus chauds que ceux qui en ont, et que les femelles ont plus de chaleur que les mâles. C’est ainsi que Parménide et quelques autres ont avancé que les femmes ont plus de chaleur que les hommes, attendu que les évacuations féminines ne tiennent qu’à la chaleur et à l’abondance du sang. Empédocle soutient absolument le contraire. De plus, d’autres naturalistes, sans faire aucune distinction,

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disent que toute espèce de sang ou de bile est plus chaude ; d’autres soutiennent que ces liquides sont froids.

§ 9[26]. Si le chaud et le froid donnent lieu à de telles controverses, que doit-ce être pour les autres qualités des éléments, puisque celles-là sont les plus claires de toutes, à cause de la perception que nos sens nous en donnent ? Ce qui peut provoquer ces discussions, c’est que le mot de Plus chaud peut se prendre dans des acceptions nombreuses. Chacun semble avoir de son côté quelque raison, quoique en disant tout le contraire. § 10[27]. Aussi doit-on bien se rendre compte, quand on parle des composés naturels, de ce qu’on entend par Chauds et par Froids, par Secs et par Liquides, puisque évidemment ce sont ces qualités qui sont presque les seules causes de la mort et de la vie des êtres. Ce sont aussi les causes du sommeil et

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de la veille, de la vigueur, de la virilité, de l’affaiblissement, de la vieillesse, de la maladie et de la santé. Mais ce ne sont pas ces qualités qui font que les choses sont rudes ou polies, qu’elles sont lourdes ou légères, ni qu’elles ont aucune autre des qualités de cet ordre, pour ainsi dire. § 11[28]. Ceci est tout à fait conforme à la raison ; car, ainsi que nous l’avons déjà dit dans d’autres ouvrages, les principes, des éléments naturels sont précisément le chaud et le froid, le sec et le liquide. Est-ce que, quand on dit Chaud, on entend quelque chose d’absolu ? Ou bien le mot de Chaud n’a-t-il pas des acceptions diverses ? Pour répondre à cette question, il faut voir d’abord le résultat que produit une chaleur plus grande, et combien il y a de ces résultats, s’il y en a plusieurs.

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§ 12[29]. On dit donc en un sens qu’une chose est plus chaude quand elle peut échauffer davantage ce qui la touche. En un autre sens, une chaleur plus grande est celle qui donne une sensation plus vive, quand on la perçoit par le toucher, surtout si cette impression est accompagnée de douleur. Parfois, cette impression peut n’être qu’une erreur ; car parfois c’est la disposition où l’on est qui fait que la sensation nous est douloureuse. Une chaleur plus grande est encore celle qui dessèche davantage ce qui peut être desséché, et celle qui brûle davantage ce qui peut être brûlé. D’autres fois, on entend aussi par Plus chaud que la même chose, pouvant être tantôt plus grande tantôt plus petite, plus grande, elle est plus chaude que quand elle est plus petite. § 13[30]. En outre, de deux

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choses que l’on compare, celle qui ne se refroidit pas promptement, mais peu à peu, passe pour plus chaude que celle qui se refroidit très-vite, de même qu’on dit encore qu’une chose qui s’échauffe plus rapidement est d’une nature plus chaude que celle qui ne s’échauffe que lentement, comme si nous pensions que l’un est contraire parce qu’il est éloigné, et que l’autre nous parût semblable parce qu’il est proche. Si ce ne sont pas là des acceptions absolument différentes, ce sont tout au moins des nuances qu’il faut distinguer, quand on dit qu’une chose est plus chaude qu’une autre. § 14[31]. Seulement, il est impossible que toutes ces nuances se réunissent à la fois dans le même objet. Ainsi, l’eau bouillante échauffe plus que la flamme, quoique la flamme puisse brûler et dessécher ce qui est combustible et desséchable, et quoique l’eau ne fasse rien de pareil. On peut dire encore

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que l’eau bouillante est plus chaude qu’un petit feu ; mais l’eau chaude se refroidit plus vite et plus complètement qu’un feu faible, puisque le feu ne devient jamais froid, et que l’eau devient entièrement froide. Au toucher, l’eau bouillante est plus chaude que l’huile ; mais elle refroidit et gèle plus vite qu’elle. Quand on touche le sang, on le trouve plus chaud que l’eau et que l’huile ; mais il gèle plus vite. Les pierres, le fer et tant d’objets analogues, s’échauffent moins vite que l’eau ; mais une fois échauffés, ils brûlent bien davantage.

§ 15[32]. Il faut ajouter que, parmi les choses qu’on appelle chaudes, la chaleur des unes leur est étrangère, tandis que la chaleur des autres leur est propre. Pour la chaleur, il y a une extrême différence à ce qu’elle soit de l’une ou de l’autre de ces deux façons. Car l’un

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des deux est bien près alors de n’avoir qu’une chaleur purement accidentelle et de n’être pas essentiellement chaud. C’est comme si, d’une personne qui a la fièvre et qui est en outre musicienne, on allait dire que le musicien a plus de chaleur que celui qui n’a que la chaleur de la santé. § 16[33]. Comme on peut distinguer ce qui est chaud par soi-même et ce qui n’est chaud qu’accidentellement, ce qui en soi est chaud se refroidit plus lentement ; mais ce qui l’est par accident a souvent davantage de chaleur, d’après la sensation qu’il nous cause. Réciproquement, ce qui est chaud en soi brûle davantage, comme la flamme qui brûle plus que l’eau bouillante, tandis que l’eau bouillante, qui n’est chaude qu’accidentellement, a plus de chaleur quand on la touche. § 17[34]. Tout ceci suffit à faire voir que, juger entre deux choses laquelle est la plus chaude des deux, ce n’est pas si simple ni si absolu qu’on pourrait le croire. Telle chose sera plus chaude à un certain point de vue ; et, à un point de

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vue différent, ce sera une autre chose qui le sera. Il y a même de ces objets dont on ne saurait dire d’une manière absolue, ni qu’ils sont chauds, ni qu’ils ne le sont pas. Tel objet, quand il est seul, et qu’il est ce qu’il est, n’est pas chaud ; réuni à un second, il devient chaud. C’est ainsi qu’on peut appliquer le nom de chaud soit à l’eau, soit au fer ; et c’est de cette façon que le sang est chaud.

§ 18[35]. On peut voir encore, par tous ces exemples, que le froid est bien une nature d’une certaine espèce, et non pas une simple privation, toutes les fois que l’on considère un objet qui ne devient chaud que par une modification qu’il subit. La nature du feu, pour prendre cet exemple, montre bien sur-le-champ ce qu’elle est. Supposons que l’objet à considérer soit de la fumée ou un charbon. L’un des deux est toujours chaud, puisque la fumée est une évaporation du feu ; mais l’autre, le charbon, une fois éteint, devient froid. L’huile et la poix aussi le deviennent également. § 19[36]. Presque toutes les matières brûlées par le feu ont

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de la chaleur, par exemple, la poussière et la cendre, ainsi que les déjections des animaux, et, dans les excrétions, la bile, parce que ces matières ont été brûlées par le feu, et qu’il leur en est resté quelque chose. Sous un autre rapport, la poix et les graisses sont chaudes, parce qu’elles se changent bien vite en un véritable feu. Il semble aussi que la chaleur coagule et dessèche. Les matières qui sont simplement aqueuses se coagulent par le froid, et c’est le feu qui coagule les matières uniquement terreuses. Entre les objets chauds, ceux qui sont plus terreux se coagulent vite par le froid ; et alors ces matières ne sont plus solubles ; mais celles qui sont purement

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aqueuses peuvent redevenir solubles. § 20[37]. Du reste, nous avons expliqué tout cela plus clairement dans d’autres ouvrages, et nous avons indiqué les matières qui se coagulent, et par quelles causes elles peuvent se coaguler. Mais comme, en parlant d’une chose qui est chaude et d’une autre chose qui a une chaleur plus forte, on peut exprimer ces nuances de bien des manières, ce ne sera pas de la même manière qu’elles se présenteront dans tous les objets ; et il faudra toujours bien spécifier que telle chose est chaude en soi, et qu’une autre ne l’est souvent que d’une façon tout accidentelle.

§ 21[38]. Ce qu’il faut bien distinguer encore, c’est la chaleur en puissance, ou la chaleur effective ; et que tel objet est de telle façon, parce qu’il échauffe davantage notre organe du toucher, tandis que tel autre est d’une façon différente, parce qu’il fait de la flamme et brûle comme le feu. § 22[39]. Il va sans dire que, le chaud étant pris sous ces acceptions diverses, le froid sera pris sous autant d’acceptions, et par la même raison.

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§ 23[40]. Voilà ce que nous avions à exposer concernant le chaud et le froid, et l’excès de l’un ou de l’autre.

CHAPITRE III.

Du sec et de l’humide ; considérations générales ; application à l’étude du sang ; il n’est pas chaud par lui-même, mais il peut le devenir comme il peut devenir froid ; rapports du sang et de la nourriture ; accroissement venant toujours de la nourriture ; rôle des racines dans les végétaux, tirant de la terre une nourriture tout élaborée ; fonction de la bouche, première phase de la digestion ; fonctions successives des autres viscères ; l’estomac et le ventre ; rôle des veines ; citations des Dessins anatomiques et de l’Histoire naturelle ; le sang n’a pour objet que de nourrir les animaux ; l’élaboration en est insensible comme celle de toutes les excrétions ; il est renfermé dans le cœur et les veines ; citation du Traité de la Génération. — Résumé.

§ 1[41]. Comme suite à ce que nous venons de dire, nous

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étudierons aussi le sec et l’humide. Ces termes se prennent en plusieurs sens, selon qu’on les considère en puissance et en acte. La glace et tout liquide qui est gelé, est sec en réalité et par accident, bien qu’en puissance et essentiellement ces corps soient liquides. La terre et la cendre mêlées à un liquide sont en acte et accidentellement liquides aussi, quoique en soi et en puissance ce soient des corps secs. § 2[42]. Quand les matières se sont séparées, les parties aqueuses, qui font remplissage, sont en acte et en puissance des liquides ; et toutes les parties dites terreuses sont sèches. § 3[43]. C’est en ce sens principalement qu’on dit d’une chose qu’elle est sèche d’une manière spéciale et absolue. De même pour les liquides, on les appelle proprement et absolument des liquides par la même raison, comme

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on l’a fait plus haut pour les corps chauds et les corps froids.

§ 4[44]. Ces points une fois fixés, il est clair que le sang n’est chaud que dans le sens où l’est aussi ce qui le fait être du sang. En effet, il en est de même pour le sang que quand nous exprimons d’un seul et unique mot ce qu’est l’eau bouillante ; l’objet quel qu’il soit qui devient du sang, n’est pas davantage chaud par lui-même ; et si, d’une part, il est chaud réellement, d’autre part, il ne l’est pas. La chaleur ne sera comprise dans la définition du sang que dans la mesure où la blancheur est comprise dans la définition de l’homme blanc. En tant que le sang peut être affecté d’une certaine façon, il est chaud ; mais il n’est pas chaud en soi et essentiellement. § 5[45]. Nous en pouvons dire autant du sec et de l’humide. Aussi en ce qui

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concerne la nature des corps liquides ou secs, les uns sont chauds et liquides, bien que, lorsqu’ils sont isolés ils se congèlent et paraissent froids, comme le sang ; d’autres sont chauds et deviennent épais, comme la bile. Mais quand on les isole de la nature des corps qui les contiennent, ils se présentent sous l’aspect contraire, c’est-à-dire qu’ils se refroidissent et se liquéfient. Le sang alors devient plus sec, tandis que la bile jaune devient plus liquide. Ainsi, participer aux opposés en plus et en moins doit être regardé comme une propriété de ces deux corps. § 6 C’est donc là à peu près tout ce qu’on peut dire pour expliquer comment le sang est chaud et liquide, et comment sa nature peut participer des qualités contraires.

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§ 7[46]. Nécessairement tout être qui se développe et s’accroît doit prendre de la nourriture, et toute nourriture ne peut venir que d’une matière liquide et d’une matière sèche. La digestion et le changement des deux ne peuvent avoir lieu que par la puissance de la chaleur. Tous les animaux, toutes les plantes doivent nécessairement pour cette cause, si ce n’est pour d’autres causes encore, avoir un principe de chaleur naturelle, qui se trouve dans plusieurs parties de leur organisation, de même que les élaborations successives de la nourriture s’accomplissent également dans plusieurs parties du corps. § 8[47]. La première

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opération nutritive qui se manifeste clairement chez les animaux, c’est celle qui s’accomplit par la bouche, et par les différentes parties de la bouche, dont la nourriture a besoin pour être divisée. La bouche elle-même n’est pour rien dans la digestion proprement dite ; mais elle prépare plutôt une bonne digestion. La réduction de la nourriture en petites parcelles rend l’élaboration plus facile à la chaleur ; mais l’action de la cavité supérieure et de la cavité inférieure achève la digestion, avec l’aide de la chaleur naturelle. § 9[48]. De même que la bouche est le conduit de la nourriture

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non encore élaborée, et que cette partie attenante à la bouche qu’on appelle l’œsophage va jusqu’à l’estomac dans les animaux qui ont cet organe, de même il faut encore que d’autres principes agissent pour que le corps entier puisse prendre la nourriture, comme dans une crèche, en la recevant de l’estomac et des autres viscères, selon leur nature. Les végétaux, par leurs racines, puisent leur nourriture tout élaborée dans la terre, d’où ils la tirent ; et c’est là ce qui fait que les végétaux n’ont pas d’excrétions, parce que la terre et la chaleur qui est en elle leur tiennent lieu d’estomac.

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§ 10[49]. Mais tous les animaux presque sans exception, et bien manifestement ceux qui marchent, ont en eux-mêmes la cavité de l’estomac, qui est pour eux une sorte de terre ; c’est de l’estomac que, comme les végétaux par leurs racines, ces animaux doivent, au moyen de quelque organe, tirer leur nourriture, jusqu’à ce que la digestion qui en est la suite soit achevée et complète. Le travail de la bouche transmet les aliments à l’estomac, et c’est de l’estomac qu’un autre

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organe doit nécessairement les prendre encore. § 11[50]. Du reste, c’est bien ainsi que les choses se passent ; et les veines se dirigent partout à travers le mésentère, commençant d’en bas pour aller jusqu’au ventre. On peut voir cette disposition des veines d’après les dessins Anatomiques et d’après l’Histoire naturelle. Mais comme il faut un organe qui reçoive toute la nourriture et les excréments qui en résultent, et que les veines sont en quelque sorte le vase du sang, il est clair que le sang est la nourriture définitive des animaux qui ont du sang, et que c’est la partie qui tient lieu du sang pour ceux qui n’en ont pas. § 12[51]. De là vient que le sang diminue dans les animaux qui ne prennent pas de nourriture, et qu’il augmente au

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contraire chez ceux qui en prennent. Si la nourriture est saine, le sang l’est aussi ; si elle est mauvaise, le sang ne vaut pas mieux. De ces considérations et de celles qu’on pourrait y joindre, on doit conclure que le sang, dans les animaux qui en ont, n’a pour objet que de les nourrir. § 13[52]. C’est là ce qui fait que, même en étant touché dans les organes, il n’y cause pas de sensation, non plus qu’aucune des autres excrétions. En ceci, la nourriture n’est pas comme la chair, puisque celle-ci, quand on la touche, ne manque pas de causer une sensation ; mais le sang n’est pas

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en contact avec la chair ; il n’y est pas mêlé ; et il est comme renfermé en un vase, que forment pour lui le cœur et les veines. Comment les diverses parties du corps tirent-elles du sang leur développement et leur croissance ? Qu’est-ce que c’est en général que la nutrition ? Ce sont là des questions qui seront étudiées plus convenablement dans le traité de la Génération des Animaux, et ailleurs. Pour le moment, ce qui précède doit suffire, puisque c’est tout ce qui peut nous servir ici, et nous savons maintenant que le sang a pour but de nourrir l’animal dans sa totalité et de nourrir ses parties diverses.

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CHAPITRE IV.

Des fibres et de leur rôle ; le sang n’en a pas toujours ; il en a plus ou moins ; les fibres sont terreuses ; influence de la composition du sang sur l’intelligence et la nature des animaux ; les taureaux et les sangliers ; effet de la présence ou de l’absence des fibres dans le sang ; effets de la chaleur ou de la froideur du sang ; la lymphe.

§ 1 Tel sang contient ce qu’on appelle des fibres ; tel autre sang en est privé, comme l’est celui des cerfs et des chevreuils. Cette absence de fibres empêche ce dernier sang de se coaguler ; car la partie aqueuse du sang est plutôt froide, et c’est ce qui fait qu’il ne se coagule pas. Mais la partie terreuse se coagule, par suite de l’évaporation de la partie liquide, et les fibres sont terreuses essentiellement. § 2[53]. Il y a des animaux

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qui ont une intelligence plus brillante que d’autres, non pas à cause de la froideur du sang, mais bien plutôt parce qu’il est léger et pur. Le terreux n’a ni l’une ni l’autre de ces qualités. Les animaux qui ont des humeurs plus légères et plus pures ont aussi la sensibilité plus vive et plus mobile. § 3[54]. De là vient que même certains animaux qui n’ont pas de sang ont cependant l’âme bien plus intelligente que d’autres qui en ont, ainsi que nous l’avons dit antérieurement ; telles sont l’abeille, la fourmi, et telle autre espèce rapprochée de celles-là. Les animaux où le sang est trop aqueux sont plus timides, parce que la peur refroidit ;

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et les animaux chez qui cette mixtion humide qui est dans le cœur est ainsi faite sont prédisposés à la crainte. Comme l’eau se coagule par le froid, les animaux privés de sang sont en général plus craintifs que les animaux qui en ont ; dans leur terreur, ils restent sans mouvement ; d’autres laissent partir leurs excréments, et il y en a qui changent de couleur.

§ 4[55]. Mais ceux qui ont beaucoup de fibres dans le sang, et des fibres épaisses, sont d’une nature plus terreuse ; leur caractère est plus courageux, et ils se laissent emporter davantage à leur colère. C’est que la colère produit de la chaleur, et que les solides une fois échauffés produisent plus de chaleur que les liquides ;

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or les fibres sont solides et terreuses. Elles sont en quelque sorte des étuves dans le sang, et elles causent dans les cœurs un véritable bouillonnement. § 5[56]. De là vient que les taureaux et les sangliers sont pleins de courage et d’emportements furieux. Leur sang est celui qui a le plus de fibres ; et c’est le sang du taureau qui se coagule le plus rapidement de tous. Si l’on enlève les fibres du sang, il ne se coagule plus ; et de même que, lorsqu’on enlève d’une masse de boue la partie terreuse, l’eau ne se

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solidifie plus, de même le sang ne se coagule pas davantage, parce que les fibres sont de la terre. Mais si l’on n’enlève pas les fibres, le sang se coagule, comme la terre liquéfiée se solidifie par le froid. La chaleur étant expulsée par le froid, la partie liquide s’évapore en même temps, ainsi qu’on l’a déjà dit, et le liquide se coagule, desséché, non par la chaleur, mais bien par le froid.

§ 6[57]. Il n’y a d’humidité dans les corps des animaux que grâce à la chaleur qui est en eux. La nature particulière du sang cause de nombreuses modifications dans le caractère des animaux et dans leur sensibilité. Cela se conçoit sans peine puisque le sang est la matière du corps tout entier ; car la nourriture est la matière du corps, et le sang en est la nourriture définitive. Il est donc tout simple que le sang

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produise de notables différences, selon qu’il est chaud ou froid, léger ou épais, bourbeux ou pur. La lymphe est la partie aqueuse du sang, soit que cette partie ne soit pas encore bien digérée et bien cuite, soit qu’elle soit corrompue ; et par conséquent, dans le premier cas, c’est nécessairement de la lymphe ; dans le second, elle appartient au sang.

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CHAPITRE V.

De la graisse et du suif ; leurs rapports avec le sang ; les animaux qui n’ont pas de sang n’ont ni graisse ni suif ; animaux qui ont plus particulièrement du suif et de la graisse ; utilité et danger de ces matières dans l’organisation animale ; les animaux gras vieillissent plus vite ; ils sont plus souvent impuissants. — Résumé sur le sang et les autres matières.

§ 1[58]. La graisse et le suif diffèrent entre eux selon la différence même du sang. L’un et l’autre en effet ne sont que du sang cuit et mûri par l’abondance de nourriture, mais qui, dans l’animal, n’a pas été converti en cette portion qui fait sa chair, et qui n’en est pas moins bien mûr et bien nourricier. L’éclat

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dont ils brillent le prouve bien, puisque l’éclat brillant des liquides est un mélange d’air et de feu. § 2[59]. Ce qui fait que les animaux qui n’ont pas de sang n’ont jamais de graisse ni de suif, c’est précisément parce que le sang leur manque. Parmi les animaux qui ont du sang, ceux dont le sang a beaucoup de corps ont plus de suif ; car le suif est terreux ; il se coagule comme la matière fibreuse, et comme les agglomérations liquides qu’elle forme, et qui ont peu d’eau et beaucoup de terre. § 3[60]. Aussi, les animaux qui n’ont pas les deux rangées de dents et qui portent des cornes ont-ils du suif. Ce qui prouve bien que leur nature est pleine de cet élément, c’est qu’ils ont des cornes et des osselets, attendu que leur nature à tous est

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terreuse et sèche. Au contraire, les animaux qui ont les deux rangées de dents, qui n’ont pas de cornes et dont les pieds sont à plusieurs divisions, ont de la graisse au lieu de suif ; leur graisse ne se coagule pas ; et elle ne s’égrène pas en séchant, parce que sa nature n’est pas terreuse.

§ 4[61]. Quand ces matières n’entrent qu’en quantité mesurée dans les organes des animaux, elles leur sont profitables. Elles n’empêchent en rien les sensations, et elles contribuent à donner de la santé et de la force. Mais si elles sont par trop abondantes, elles nuisent et elles sont funestes. Si tout le corps n’était que graisse et que suif, il périrait infailliblement. L’animal consiste surtout dans sa partie sensible ; et c’est la chair, ou la matière correspondante,

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qui est douée de la sensibilité. Le sang, comme on l’a dit un peu plus haut, n’est pas sensible, non plus que la graisse et le suif, qui ne sont que du sang cuit et mûri. Par conséquent, si le corps entier devenait suif et graisse, il n’aurait plus la moindre sensibilité.

§ 5[62]. De là vient que les êtres trop gras vieillissent vite ; ils ont peu de sang, parce que leur sang s’est dépensé en engraissement ; et la diminution du sang est un acheminement vers la destruction, qui n’est elle-même qu’un sang appauvri, et qui amène la presque insensibilité à toute espèce de froid ou de chaleur. Par la même cause, les animaux gras sont aussi moins féconds ; car cette portion du sang qui devrait tourner en liqueur séminale et en sperme passe tout entière en graisse et en suif. Le sang mûri par la coction devient l’une et l’autre de ces matières, de telle sorte

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que, dans les animaux organisés ainsi, ou il n’y a aucune excrétion, ou bien il n’y en a que très-peu.

§ 6[63]. Voilà ce que nous pouvons dire sur le sang, la lymphe, la graisse et le suif, pour expliquer la nature de chacune de ces matières et les fonctions pour lesquelles elles sont faites.

CHAPITRE VI.

De la moelle ; elle est une modification du sang ; observation sur les animaux tout jeunes ; nature diverse de la moelle ; tous les animaux en ont presque sans exception ; le lion ; l’arête dans les animaux aquatiques renferme la moelle ; ils n’ont que la moelle du rachis ; mais cette moelle est différente. — Résumé de ces explications sur la moelle.

§ 1[64]. La moelle est une certaine nature de sang ; et elle n’est pas du tout, comme on le suppose quelquefois,

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la force spermatique de la semence. On peut s’en convaincre en observant les très-jeunes animaux. Toutes leurs parties étant formées de sang et le sang étant la seule nourriture des embryons, la moelle que contiennent alors les os est aussi toute sanguine ; mais en grandissant et en mûrissant, les viscères changent de couleur, ainsi que toutes les autres parties ; or, dans les jeunes sujets, les viscères sont tous excessivement sanguins. § 2[65]. La moelle ne change pas moins. Dans les animaux gras, elle est onctueuse, et elle ressemble tout à fait à la graisse. Ceux où elle n’est pas pareille à de la graisse, mais chez qui le sang paraît, en mûrissant, devenir du suif, ont aussi la moelle comme du suif. Dans les animaux à cornes, et qui n’ont pas les deux rangées de dents, elle est

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suiffeuse ; mais elle est plutôt graisseuse dans ceux qui ont les deux rangées de dents et les pieds à plusieurs divisions. § 3[66]. Ce n’est pas là du tout ce qu’est la moelle du rachis, puisqu’elle doit être continue et parcourir tout le rachis divisé en vertèbres. Si cette moelle était onctueuse ou suiffeuse, elle ne serait pas aussi tenace qu’elle doit l’être, et elle serait ou friable ou liquide. Il y a d’ailleurs très-peu d’animaux, s’il vaut la peine d’en parler, qui n’aient pas de moelle ; ce sont ceux dont les os sont très-forts et compacts comme ceux du lion. Ses os n’ayant aucune marque particulière de moelle semblent n’en avoir pas du tout.

§ 4[67]. Comme il est indispensable que les animaux aient des os ou la partie correspondante aux os, l’arête par

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exemple dans les animaux aquatiques, il n’est pas moins nécessaire que, dans quelques animaux, il se forme de la moelle par l’absorption simultanée de la nourriture qui produit aussi les os. On vient de dire que, dans tous les animaux, la nourriture est du sang ; et l’on doit voir que, par suite, il est tout simple que la moelle devienne suiffeuse ou graisseuse. Le sang se cuit par la chaleur qui se développe en étant renfermée dans les os. La coction du sang est en soi du suif et de la graisse.

§ 5[68]. On conçoit donc bien que, dans ceux qui ont les os compacts et très-forts, tantôt il n’y ait pas du tout de moelle, et que tantôt il y ait très-peu de ces animaux qui en aient, parce que la nourriture est absorbée dans les os. Dans ceux qui au lieu d’os ont une arête, il n’y a que le rachis qui ait

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de la moelle. Comme ils ont naturellement peu de sang, l’arête seule du rachis est creuse, et c’est dans cette arête que la moelle se produit. Il n’y a que dans elle en effet qu’il y ait la place suffisante, et seule aussi elle a besoin d’un lien qui unisse ses divisions. § 6[69]. Voilà pourquoi, dans les arêtes, la moelle est tout autre, ainsi qu’on l’a déjà dit ; et comme elle y joue le rôle de boucle, elle est visqueuse et nerveuse afin qu’elle puisse recevoir la tension nécessaire.

§ 7[70]. On voit donc comment les animaux ont de la moelle, quand ils en ont ; et en résumant tout ceci pour savoir ce qu’est la moelle, on peut dire que, dans la nourriture sanguine qui se répartit aux os et aux arêtes, la moelle est l’excrétion qui y est renfermée et qui est cuite et digérée.

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CHAPITRE VII

Du cerveau ; erreurs sur les rapports du cerveau et de la moelle épinière ; nature propre de l’encéphale ; c’est dans le cerveau que probablement l’âme est placée ; nécessité de la chaleur pour la vie de l’animal ; il n’y a d’encéphale que chez les animaux qui ont du sang ; c’est le cerveau qui produit le sommeil ; explication du sommeil par le refroidissement ; citations du Traité de la Sensation et du Traité du Sommeil ; l’homme, entre tous les animaux, a le cerveau le plus considérable ; station droite de l’homme ; humidité et froideur du cerveau ; la fontanelle. — Résumé : citation du Traité des Aliments et citation du Traité de la Génération.

§ 1[71]. Une suite assez naturelle de ce qui précède, c’est de parler du cerveau. Bien des naturalistes s’imaginent que le cerveau est de la moelle, ou du moins qu’il est le principe et l’origine de la moelle, parce qu’ils voient que la moelle de l’épine dorsale est le prolongement du cerveau. Mais on pourrait dire sans exagération que le cerveau est tout le contraire de la moelle. De toutes les parties du corps, le cerveau est

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certainement la plus froide, tandis que la moelle est naturellement chaude, comme le prouve son luisant et sa nature graisseuse. § 2[72]. Si la moelle du rachis est le prolongement du cerveau, c’est que toujours la nature dispose, contre l’excès d’un objet quelconque, le secours et le voisinage de l’objet contraire au premier, afin que l’un puisse compenser l’excès de l’autre. Une foule de faits démontre bien que la moelle est chaude, tandis que la froideur du cerveau est manifeste, rien qu’à y toucher. De plus, le cerveau est de toutes les parties liquides du corps celle qui contient le moins de sang, puisqu’il n’en a pas du tout par lui-même ; et il est la plus exsangue de

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toutes. § 3[73]. Le cerveau n’est pas une excrétion, et il n’est pas un de ces organes qui sont continus à d’autres ; mais il est d’une nature qui n’est qu’à lui, et on comprend bien qu’il en soit ainsi. Il suffit du plus simple coup d’œil pour voir qu’il n’a point la moindre connexité avec les parties qui servent à sentir ; et il n’est pas moins évident que, quand on le touche, il ne sent rien, non plus que ne sentent, ni le sang, ni les excrétions quelconques des animaux. Mais dans l’animal il est chargé de conserver tout ce que l’animal est par sa nature entière. § 4[74]. Il y a des philosophes qui prennent l’âme de l’animal pour du feu ou pour telle

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autre force du même genre ; c’est là une hypothèse grossière. Il est peut-être bien préférable de supposer que l’âme est placée dans un corps pareil au cerveau. Ce qui doit faire admettre cette opinion, c’est que la chaleur est, de tous les corps, celui qui est le plus utile aux actes de l’âme. Or, l’œuvre propre de l’âme, c’est de nourrir et de mouvoir l’animal, et ces fonctions sont remplies à peu près exclusivement par l’action de cette force. Donc supposer que l’âme est du feu, c’est tout comme si l’on prétendait que la scie et la tarière sont l’ouvrier lui-même ou l’art de l’ouvrier, sous prétexte que l’œuvre ne s’accomplit que par le contact étroit de l’un avec l’autre.

§ 5[75]. Que la chaleur soit absolument nécessaire aux

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animaux, ce qui le prouve, c’est que toutes les choses ont besoin d’un contrepoids contraire pour arriver à la juste mesure et au milieu, qui seuls donnent l’essence et le rapport vrai des choses, tandis qu’aucun des deux extrêmes pris à part ne les peut donner. De là vient que, vers la région du cœur et pour compenser la chaleur qui s’y trouve, la nature a organisé le cerveau ; c’est pour atteindre ce résultat que cette partie existe dans les animaux et qu’elle y présente la double et commune nature de l’eau et de la terre. § 6[76]. C’est là aussi ce qui fait que tous les animaux qui ont du sang ont un cerveau, tandis qu’aucun autre animal, pour ainsi dire, n’en a un, à moins que ce ne soit une simple analogie, comme dans le polype. Tous ces animaux ont peu de chaleur précisément à cause qu’ils n’ont pas de sang. Le cerveau

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tempère et domine la chaleur et le bouillonnement qui sont dans le cœur. § 7[77]. Pour que cet organe n’eût aussi qu’une chaleur moyenne, les veines secondaires parties de chacune des deux veines, c’est-à-dire la grande veine et celle qu’on appelle l’aorte, se terminent à la méninge qui enveloppe le cerveau ; et de peur que la chaleur ne vînt à nuire, au lieu de grosses veines en petit nombre, ce sont des veines nombreuses et très-fines qui l’entourent ; au lieu d’un sang abondant et épais, c’est un sang léger et pur. § 8[78]. Aussi, les fluxions qui ont lieu dans les corps partent-elles originairement de la tête, toutes les fois que les parties qui environnent le cerveau sont plus froides que ne l’exigerait la température convenable.

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La nourriture venant à s’évaporer en haut par les veines, l’excrétion, refroidie par la force particulière à cette région du corps, produit les flux du phlegme et de la lymphe. On peut supposer, en comparant, il est vrai, une petite chose à une grande, qu’il en est de ceci comme de la production de la pluie : la vapeur qui sort et qui s’élève de la terre est portée par sa chaleur dans les parties supérieures, et quand elle arrive dans l’air froid qui est au-dessus de la terre, elle se condense et se change en eau, sous l’action du refroidissement, pour retomber de nouveau sur la terre.

§ 9[79]. Mais c’est dans l’étude des phénomènes d’où viennent les maladies qu’il sera convenable de traiter

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ce sujet, du moins dans cette mesure où la philosophie naturelle peut avoir à s’en occuper.

§ 10[80]. Dans les animaux qui ont un cerveau, c’est cet organe aussi qui produit le sommeil ; et dans ceux qui n’en ont pas, c’est l’organe correspondant. En refroidissant l’afflux du sang venu de la nourriture, ou peut-être encore par d’autres causes semblables, le cerveau alourdit cette région du corps ; et c’est là ce qui explique comment, lorsqu’on a sommeil, on a la tête lourde et pesante. De plus, il chasse la chaleur en bas avec le sang. La chaleur s’accumulant dans les parties basses amène le sommeil ; et en même temps disparaît la faculté de se tenir debout, pour tous les animaux auxquels la station droite est naturelle ; et pour les autres, cesse la position droite de la tête. § 11[81]. Du reste, nous avons spécialement traité cette

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question et dans nos ouvrages sur la Sensation, et dans le livre sur le Sommeil.

§ 12[82]. Que le cerveau soit un composé d’eau et de terre, voici quelques faits qui le prouvent. Si l’on fait cuire le cerveau, il devient sec et dur ; il ne reste plus que la partie terreuse, l’eau ayant été vaporisée par la chaleur, comme il arrive quand on brûle des légumes et d’autres fruits, où la plus forte partie n’est que de la terre, une fois qu’en est sorti le liquide qui y était mêlé. Ces résidus de combustion deviennent durs et tout à fait terreux.

§ 13[83]. C’est l’homme qui, de tous les animaux, a le cerveau le plus fort comparativement à sa grandeur ; et, dans l’espèce humaine, les hommes ont un cerveau

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plus gros que les femmes, parce que, dans l’homme, la région qui comprend le cœur et le poumon est plus chaude et plus sanguine que dans tout autre animal ; voilà pourquoi aussi l’homme est le seul des animaux qui se tienne tout droit. La nature de la chaleur qui le fortifie fait, en suivant sa propre direction, que le développement part du centre et du milieu. § 14[84]. C’est donc à un excès de chaleur que s’opposent des excès d’humidité et de froideur plus énergiques ; et, grâce à leur abondance, l’os du cerveau, que parfois on nomme la Fontanelle, se solidifie le dernier de tous, parce que la chaleur s’en empare

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encore longtemps, tandis qu’on ne remarque rien de pareil chez aucun des autres animaux qui ont du sang. § 15[85]. L’homme est aussi l’animal qui a le plus de sutures à la tête ; et, par la même raison, les mâles en ont plus que les femelles, afin que ce lieu puisse bien respirer et que le plus gros cerveau soit aéré davantage. Trop humide ou trop sec, il n’accomplirait plus sa fonction propre ; mais il ne se refroidira pas, ou ne se resserrera pas, au point de causer des maladies, des dérangements d’esprit et la mort ; car la chaleur et le principe qui sont dans le cœur sont très-sympathiques ; ils ressentent, avec une rapidité extrême, les changements et les modifications du sang qui est près de l’encéphale.

§ 16[86]. Nous avons parlé à peu près de tous les liquides

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qui se trouvent dans les animaux dès leur naissance ; quant aux liquides qui ne viennent que plus tard, les uns sont les excrétions de la nourriture, le dépôt qui se forme dans la vessie et celui du ventre, et, outre ces deux matières, la semence et le lait dans les animaux naturellement faits pour avoir des liquides de ce genre. Les excrétions et résidus de la nourriture sont étudiés d’une façon toute spéciale dans l’examen et la théorie des Aliments, où l’on explique quels sont les animaux qui en ont et à quelles fins ces résidus leur ont été donnés. Quant au sperme et au lait, il en a été question dans le Traité de la Génération ; car l’un de ces liquides est le principe même de la génération, et l’autre est fait pour elle.

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CHAPITRE VIII

De la chair ; de son rôle essentiel comme siège du toucher, le premier des sens ; importance du toucher ; tous les autres sens sont faits en vue de celui-là ; organisation diverse des animaux ; rôle des os et des parties correspondantes ; les crustacés et les testacés ; organisation toute contraire des insectes et des mollusques ; leur constitution spéciale ; les seiches, les teuthides, les polypes ; organisation toute particulière des insectes ; ils n’ont pas d’os ; c’est leur corps entier qui est dur.

§ 1[87]. Il faut étudier maintenant les autres parties similaires, et d’abord la chair, dans les animaux qui ont des chairs, ou la partie correspondante dans ceux qui n’en ont pas. La chair est essentiellement le principe et le corps des animaux. C’est ce qu’on peut voir, ne serait-ce que d’après la plus simple définition. En effet, nous définissons l’animal en disant qu’il est un être doué de sensibilité. § 2[88]. Le sens qu’a premièrement l’animal, c’est le premier des sens, c’est-à-dire, le toucher. L’organe du toucher est dans

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le corps une partie de même ordre, c’est-à-dire, la première, comme la pupille est la première partie de la vision, et la partie par où passe tout ce que la vision contient, comme si l’on pouvait rapporter tout le diaphane à la seule pupille. Pour les autres sens, il était impossible et peut-être n’était-il pas indispensable à la nature de les faire ; mais le sens du toucher était absolument nécessaire. Seul de tous les sens, ou du moins plus que tous les autres organes des sens, celui-là est corporel. § 3[89]. Il est d’une évidence sensible que toutes les autres parties sont faites pour celle-là : je veux dire, les os, les nerfs, la peau, les veines, les cheveux, les ongles et toutes les autres parties du

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corps, s’il en est d’autres du même genre, ainsi, les os ont été faits pour soutenir et protéger la partie molle du corps ; par leur nature propre, ils sont durs dans les animaux qui en ont ; et dans ceux qui n’ont pas d’os, c’est la partie correspondante ; par exemple, chez les poissons, c’est l’arête pour les uns et le cartilage pour les autres. § 4[90]. Certains animaux ont ce ferme appui de leur corps à l’intérieur ; quelques-uns de ceux qui n’ont pas de sang l’ont au dehors, comme toutes les espèces de crustacés, telles que les langoustes et les crabes ; et de même pour les espèces des testacés, telles que ceux qu’on appelle des huîtres. Dans toutes ces espèces, la partie charnue est au dedans ; la partie qui contient et qui protège est

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au dehors ; c’est la partie terreuse. § 5[91]. Pour maintenir et préserver leur consistance, ces animaux ayant peu de chaleur parce qu’ils n’ont pas de sang, la coquille, placée tout autour comme une sorte de four, garde la chaleur qui est leur foyer intérieur. La tortue et le genre des hémydes paraissent organisés de la même manière, tout en étant d’une espèce différente.

§ 6[92]. Quant aux insectes et aux mollusques, ils sont précisément tout le contraire de ces animaux ; et entre eux, leur constitution n’est pas moins opposée des uns aux autres. Il ne semble pas qu’ils aient rien d’osseux, ni aucune partie terreuse, qu’on puisse distinguer, pour ainsi dire. Mais les mollusques sont presque entièrement charnus et mous ; et pour que leur corps ne fût pas par trop destructible, comme le

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sont les matières purement charnues, leur nature tient le milieu entre la chair et le tendon. Elle est molle, comme la chair ; et elle a une certaine rigidité, comme le tendon. Leur chair n’est pas divisible en ligne droite ; mais on peut la partager par bandes circulaires. C’est cette disposition qui pouvait contribuer le mieux à leur donner quelque force. § 7[93]. Ces animaux ont une partie qui répond aux arêtes des poissons. Dans les seiches, c’est ce qu’on appelle l’os de la seiche ; dans les teuthides, c’est ce qu’on appelle leur

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épée. Il y a des polypes qui n’ont rien de cela, parce que la partie que l’on nomme en eux la tête forme une cavité trop petite ; d’autres l’ont très-large. Aussi, pour qu’ils pussent rester droits et qu’ils ne pliassent pas, la nature leur a dessiné cette organisation, comme, à certains des animaux qui ont du sang, elle a donné des os ; et qu’à d’autres de ces animaux, elle a donné l’arête. § 8[94]. Les insectes, ainsi qu’on vient de le dire, ont une organisation toute contraire à ces derniers, et à celle des animaux qui ont du sang. Ils n’ont pas une partie déterminée de leur corps qui soit dure ou molle ; c’est le corps tout entier qui est dur, et cette dureté est calculée de façon qu’elle soit plus charnue que l’os, en même temps qu’elle est plus osseuse et plus terreuse que la chair, pour que leur

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corps ne fut pas trop susceptible de se déchirer et de se rompre.

CHAPITRE IX

Des os et des veines ; ressemblances et différences des uns et des autres ; il n’y a pas d’os isolé, non plus qu’une veine isolée ; les os se rattachent au rachis, leur principe commun, de même que les veines se rattachent au cœur ; système osseux ; son organisation générale en vue des flexions et des mouvements, mais surtout en vue de la solidité et de la conservation du corps ; rapports des cartilages aux os qu’ils relient les uns aux autres ; nature spéciale du cartilage ; de la dureté plus ou moins grande des os ; os du lion ; os des oiseaux ; arêtes des poissons ; matières analogues aux os, ongles, soles, pinces, cornes, becs ; leurs emplois ; étude de ces matières et de quelques autres renvoyée à des ouvrages ultérieurs et plus spéciaux ; citation des Recherches sur la Génération.

§ 1[95]. La nature des os et celle des veines se ressemblent en certains points. L’une et l’autre partent d’une seule origine et se développent sans discontinuité. Pas un seul os n’est séparé et isolé des autres ; et tout

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os est ou une partie d’un autre os qu’il continue et prolonge, ou il y touche et y est rattaché, pour que la nature puisse s’en servir à la fois comme s’il était seul et continu, et comme s’il y avait deux os qui ne fussent séparés que pour faciliter la flexion. De même non plus, il n’y a pas une seule veine qui soit isolée et indépendante des autres ; mais toutes, sans exception, font partie d’une seule et unique veine. § 2[96]. Si un os quelconque eût été séparé des autres os, il n’aurait pas pu d’abord remplir la fonction à laquelle est destinée la nature des os, puisqu’il n’aurait pas pu procurer ni une flexion, ni un redressement quelconque, n’étant pas continu à d’autres et faisant lacune ; et en second lieu, il aurait pu nuire comme une épine ou

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une flèche pénétrant dans les chairs. § 3[97]. De même, si une veine quelconque eût été séparée, au lieu d’être continue à son origine et à son principe, elle n’aurait pu retenir et conserver le sang qui est en elle ; car la chaleur qu’elle cause empêche qu’il ne se coagule. Et de plus, tout ce qui est séparé tend évidemment à se gâter. § 4[98]. Le principe des veines, c’est le cœur ; le principe des os, c’est ce qu’on nomme le rachis, qui se retrouve dans tous les animaux qui ont des os ; et c’est au rachis que se rattachent tous les autres os, sans aucune interruption ; car l’objet propre du rachis, c’est de conserver aux animaux toute leur grandeur et leur rectitude. Mais comme il faut nécessairement, quand l’animal se meut, que son corps s’infléchisse, le rachis est tout à la fois un, parce qu’il

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est continu, et divisé en parties nombreuses, par la multiplicité de ses vertèbres.

§ 5[99]. Dans les animaux pourvus de membres qui se rattachent au rachis, c’est du rachis que viennent leurs os ; alors les os sont en harmonie avec le rachis, en ce sens que les membres s’infléchissent, en étant reliés entre eux par des nerfs, et que leurs extrémités se combinent régulièrement, l’une étant creuse et l’autre étant ronde ; ou même les deux extrémités étant creuses à la fois, elles sont du moins reliées au reste par leur milieu comme un coin et un osselet, afin que l’inflexion et l’extension puissent avoir lieu. Autrement, les os auraient été absolument incapables de produire ce mouvement ; ou du moins, ils ne l’auraient produit que très-imparfaitement. § 6[100]. Quelques os, dont l’un a son commencement au point où un autre os se termine, lui sont joints par des nerfs. Entre les jointures

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et les flexions, il y a des parties cartilagineuses, qui, comme la synovie, empêchent que les os ne s’usent et ne se choquent l’un contre l’autre. Les chairs sont placées autour des os et sont retenues par des liens légers et fibreux. C’est pour les chairs que les os sont faits. Car de même que les artistes, pour modeler un animal quelconque avec de la terre glaise ou avec quelque autre substance humide, ont soin de mettre dessous quelque corps solide sur lequel ils adaptent la matière dont ils se servent, de même c’est avec les chairs que la nature a construit l’animal. § 7[101]. Sous les autres parties qui sont charnues sont placés les os. Quand certaines de ces parties se meuvent par flexion, c’est en vue de cette flexion même ; quand

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les parties sont immobiles, c’est en vue de les préserver ; telles sont, par exemple, les côtes qui enveloppent et ferment la poitrine, pour garantir les viscères qui se trouvent autour du cœur. Dans tous les animaux, les parties du ventre sont dépourvues d’os, d’abord pour que rien ne gêne le gonflement que cause nécessairement la nourriture quand les animaux la prennent, et ensuite, pour que, dans les femelles, rien ne gêne le développement des embryons qu’elles nourrissent.

§ 8[102]. Les animaux qui sont vivipares soit en eux-mêmes, soi au dehors, ont à peu près également la charpente des os forte et solide. Toutes les espèces ont ces parties beaucoup plus grandes que les animaux qui ne sont pas vivipares, du moins relativement à la dimension de leurs corps. C’est qu’il y a des pays où il se trouve une foule de grands vivipares, comme il y en a en

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Libye et dans les régions chaudes et desséchées. § 9[103]. Pour ces grands êtres, il faut des appuis plus forts et plus grands, en même temps que plus durs, et surtout pour les plus féroces de ces animaux. C’est là pourquoi les os des mâles sont plus durs que ceux des femelles, et que ceux des carnassiers le sont également, parce qu’ils ne peuvent se nourrir que par la lutte et le combat. Tels sont les os du lion ; ils sont naturellement si durs qu’en les frappant on en fait jaillir des étincelles, comme on en tire des cailloux. Le dauphin a aussi des os et non des arêtes, parce qu’il est vivipare. § 10[104]. Dans les animaux qui ont du sang, mais qui ne sont pas vivipares, la nature a fait une déviation légère. Ainsi, pour les oiseaux, elle

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leur a donné des os, mais des os plus faibles. Les poissons ovipares ont une arête. La nature des os des serpents est assez semblable à l’arête, si ce n’est dans les très-grandes espèces, parce que ces dernières espèces ont, par les mêmes raisons que les vivipares, besoin d’appuis plus forts, afin d’avoir la vigueur indispensable. § 11[105]. Les animaux appelés les Sélaciens ont une nature qui tient du cartilage et de l’arête. Il faut en effet de toute nécessité que leur mouvement soit plus souple ; et par conséquent, le mouvement de leurs points d’appui ne doit pas être trop rigide, mais plus mou également ; pour eux, la nature a dépensé toute la partie terreuse sur leur peau, parce que la nature ne peut pas répartir à la fois sur une foule de points la même exubérance de matière.

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§ 12[106]. Les vivipares ont également beaucoup d’os qui ne sont que cartilagineux ; ce sont toutes les fois qu’il importe que la partie solide soit assez molle et assez spongieuse pour ménager la chair qui les environne. C’est ce qui se produit, par exemple, pour les oreilles et pour le nez, parce que les matières trop dures sont bien vite usées dans les parties qui s’avancent. La nature du cartilage est la même que celle de l’os ; entre eux, il n’y a qu’une différence du plus au moins. Ainsi, ni l’un et l’autre, une fois coupés, ne repoussent. § 13[107]. Dans les animaux terrestres, les cartilages n’ont pas de moelle, en ce sens qu’ils n’ont pas de moelle séparée ; mais la partie qui pourrait être de la moelle séparée, se répartit dans le tout, où elle fait que la composition du cartilage est molle et

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gluante. Pourtant, dans les sélaciens, le rachis est cartilagineux ; et il n’en a pas moins de la moelle ; car pour eux, cette partie du corps doit tenir la place des os.

§ 14[108]. Il y a dans le corps des matières qui, au toucher, se rapprochent beaucoup des os, telles que les ongles, les soles, les pinces, les cornes et les becs chez les oiseaux. Les animaux ont reçu ces organes pour leur défense ; car les corps entiers qui sont formés de ces matières et qui, dans leur ensemble, portent le même nom que leurs parties, comme c’est le cas pour la sole entière ou pour la corne entière, sont destinés dans chaque animal à le protéger et à assurer sa conservation. On peut encore ranger dans cette classe tout ce qui regarde l’organisation des dents, qui tantôt n’a qu’un seul objet, à

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savoir le travail des aliments, et qui tantôt, comme dans les animaux dont les dents sont en scie ou sont saillantes, ont d’abord cette disposition, et en outre ont pour but de leur permettre la lutte contre leurs ennemis.

§ 15[109]. Nécessairement, toutes ces matières sont de nature terreuse et solide ; car c’est là précisément la force qu’une arme doit avoir. Aussi, toutes ces conditions se réunissent-elles plus particulièrement dans les quadrupèdes vivipares, parce que tous ces animaux ont une nature plus terreuse que l’homme. § 16[110]. Du reste, tous ces détails, avec ceux qui en sont la conséquence, et qui concernent la peau, la vessie, les membranes, les poils, les plumes, et les parties qui les remplacent, et d’autres s’il en est qu’on puisse encore citer, trouveront leur place plus tard, et seront expliquées en même temps que nous étudierons les

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parties non-similaires, et que nous montrerons comment et pourquoi chaque espèce d’animal en est pourvue. Il est indispensable de constater les fonctions et les faits pour connaître ces nouvelles parties, aussi bien que les autres. Mais comme ces parties ont reçu le même nom que le tout où elles sont comprises, c’est ce qui nous a porté à leur donner place ici dans l’étude des parties similaires ; car les principes de toutes ces parties similaires et non-similaires, ce sont toujours l’os et la chair. § 17[111]. C’est encore ainsi que nous avons laissé de côté l’étude de la liqueur séminale et du lait, en traitant des liquides et des parties similaires, parce que ces considérations viennent plus convenablement dans les Recherches sur la Génération. L’une de ces deux matières est en effet le principe même des animaux, et l’autre devient leur nourriture, une fois qu’ils sont nés.

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CHAPITRE X

Nouvelles considérations plus générales ; les trois parties essentielles des animaux, à l’exclusion des plantes ; annonce d’études sur les végétaux ; la sensibilité est une vie supérieure ; privilège de l’homme ; sa supériorité sur le reste des êtres ; sa station droite ; organisation de sa tête, qui n’est pas charnue ; erreurs à ce sujet ; citation du Traité de la Sensation ; répartition des cinq sens ; c’est le cœur qui est le principe des sensations, surtout de celle du toucher et des saveurs ; l’ouïe et la vue sont dans la tête ; l’une à la circonférence, et l’autre en avant ; admirable disposition de tous les sens ; ils sont tous doubles, excepté le toucher ; fonction spéciale des narines pour la respiration.

§ 1[112]. A cette heure, reprenons les choses comme si nous les recommencions dès le principe, en étudiant premièrement les premières et les plus importantes. Tous les animaux, quand ils sont complètement formés, ont deux parties qui leur sont les plus indispensables de

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toutes, la partie par laquelle ils prennent leur nourriture, et la partie par laquelle ils doivent rejeter les excréments. Sans la nourriture, ils ne pourraient ni vivre ni croître. Les plantes, quoique, selon nous, elles soient bien vivantes aussi, n’ont pas d’organes pour expulser les résidus devenus inutiles. Elles empruntent à la terre leur nourriture toute digérée ; et au lieu d’excréments, elles donnent les graines et les fruits. § 2[113]. Dans tous les animaux, il y a enfin une troisième partie qui est placée entre les deux autres et qui renferme le principe même de la vie. La nature des plantes étant d’être immobiles, ne présente pas beaucoup de combinaisons des parties non-similaires ; pour des fonctions peu nombreuses, il n’y a besoin que d’organes aussi peu nombreux qu’elles. Nous

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aurons à étudier à part la nature qui leur est propre. § 3[114]. Mais dans les êtres qui, outre la vie, possèdent encore la sensibilité, les choses se présentent sous des formes bien plus diverses. Les uns ont des rapports plus nombreux et beaucoup plus compliqués les uns que les autres, quand leur nature comporte non pas la vie seulement, mais la vie dans toutes ses perfections. L’espèce humaine jouit de cet avantage, puisque, de tous les êtres à nous connus, l’homme seul participe du divin, ou du moins il en participe plus que tous les autres êtres. Ainsi, par ce premier motif, et en même temps par cet autre motif que l’homme nous est plus connu que tout autre dans la forme de ses parties extérieures, c’est par lui qu’il convient de débuter.

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§ 4[115]. Il est le seul être chez qui les parties mêmes dont la nature l’a formé sont précisément dans l’ordre naturel ; le haut dans l’homme est dirigé vers le haut de l’univers, et l’homme, entre tous les animaux, est le seul qui se tienne droit. D’après ce que nous avons dit du cerveau, on doit voir que l’homme devait nécessairement avoir une tête qui ne fût pas chargée de chair. Ce n’est pas, comme quelques-uns le prétendent, que, si la tête eût été charnue, la vie de notre espèce eût été plus longue ; ce n’est pas non plus, comme on l’affirme, que la tête doive être dépourvue de chair pour faciliter la sensation ; car on prétend que, comme c’est par le cerveau que nous sentons, des parties par trop charnues ne serviraient pas bien à la sensibilité. § 5[116]. Aucune de ces deux explications n’est exacte. Mais ce qui est vrai, c’est que, si la région du cerveau avait été surchargée de chair, le cerveau

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aurait fonctionné d’une façon toute contraire à la fonction pour laquelle il a été donné aux animaux. Du moment qu’il aurait été trop chaud lui-même, il eût été hors d’état de refroidir l’organisation ; et il n’est cause d’aucune espèce de sensations, parce qu’il est absolument insensible, comme le sont d’ailleurs toutes les autres excrétions. § 6[117]. Mais ne découvrant pas la cause qui a fait que quelques sens sont, chez les animaux, placés dans la tête, et voyant que la tête est plus propre que toutes les autres parties à les recevoir, les naturalistes ont réuni par une simple conjecture le cerveau et la sensibilité l’un à l’autre. Dans nos ouvrages sur la Sensation, nous avons antérieurement démontré que c’est la région du cœur qui est le principe des sensations, et qu’il y a deux sens

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qui évidemment dépendent du cœur, le sens des choses tactiles, et le sens des saveurs. L’odorat est, entre les trois premiers sens, un sens intermédiaire. Quant à l’ouïe et à la vue, ces deux sens sont surtout dans la tête, à cause de la nature même de ces organes particuliers ; et c’est dans la tête que la vue est placée chez tous les animaux. § 7[118]. L’ouïe et l’odorat, tels qu’ils sont dans les poissons et autres animaux semblables, prouvent bien la vérité de ce que nous venons de dire. Les poissons entendent et odorent ; et cependant ils n’ont dans la tête aucun organe pour percevoir les objets sensibles de cet ordre. La vue est aussi très-bien placée dans le cerveau pour tous

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les animaux qui en ont un. Le cerveau est humide et froid. La vue est de la nature de l’eau ; car l’eau est de toutes les matières diaphanes celle qui peut se garder le mieux. § 8[119]. Il faut en outre que les sens les plus délicats le soient encore davantage dans les parties qui ont un sang plus pur. Le mouvement causé par la chaleur qui est dans le sang fait obstacle à l’action de la sensibilité, et c’est pour ces différentes causes que les organes de ces sens sont placés dans la tête.

§ 9[120]. Non seulement le devant de la tête doit être dégarni de chair ; mais il faut en outre que le derrière le soit également, parce que, chez tous les animaux qui ont une tête, il faut que cette partie soit la plus droite possible. Or rien de ce qui porte un trop lourd

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fardeau ne peut être bien droit ; et si la tête était charnue, cette partie ne pourrait se redresser. Ce qui montre bien encore que ce n’est pas en vue de la sensibilité du cerveau que la tête est dénuée de chair, c’est que le derrière n’a pas de cerveau, et que cette partie est sans chair également. § 10[121]. La raison comprend très-bien aussi que, chez quelques espèces d’animaux, l’ouïe soit placée dans la région de la tête. En effet, ce qu’on appelle le vide est rempli d’air ; et nous disons que le sens de l’ouïe dépend de l’air. Les conduits qui partent des yeux vont aboutir aux veines qui environnent l’encéphale. De même, le canal qui part des oreilles aboutit également au derrière de la tête. Aucun organe privé de sang n’est sensible, pas plus que ne l’est le sang lui-même ; mais ce qui est sensible, c’est une des matières qui en viennent, et c’est

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parce que dans les animaux qui ont du sang, aucune partie privée du sang n’est sensible, que le sang lui-même ne l’est pas davantage ; car il n’est pas une partie des animaux. § 11[122]. Tous les êtres qui ont un cerveau l’ont dans la portion antérieure de leur corps, parce que c’est en avant que se présente l’objet que l’on sent, que la sensation vient du cœur qui est aussi en avant, que la sensation ne se produit que grâce aux parties du corps qui ont du sang ; et que la cavité postérieure de la tête est dépourvue de veines. La nature a rangé dans un ordre admirable les organes des sens, en plaçant le sens de l’ouïe vers le milieu de la circonférence ; car on n’entend pas uniquement en ligne droite ; on entend de toutes parts. Au contraire, la vue a été placée en avant, parce que la vue s’exerce toujours en ligne directe ; et comme le mouvement

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qu’on fait a lieu en avant, il faut voir d’avance l’objet vers lequel le mouvement se dirige.

§ 12[123]. C’est avec non moins de raison que le sens de l’odorat a été placé entre les yeux. Chaque sens en effet est double, parce que le corps est double aussi, puisqu’il a la droite et la gauche. Cette disposition ne se voit plus dans le sens du toucher. La cause paraît en être que l’organe initial du toucher n’est pas la chair uniquement, ni telle partie analogue à la chair, mais que ce sens est tout intérieur. § 13[124]. Pour le sens dont la langue est l’organe, c’est moins clair que pour d’autres sens ; mais ce l’est plus que pour le toucher ; car ce sens lui-même est aussi une espèce de toucher. Cette duplicité d’organes est cependant visible pour la

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langue elle-même, qui paraît aussi divisée en deux. Mais pour les autres sens, la sensation est partagée en deux d’une manière plus évidente. Ainsi, il y a deux oreilles ; il y a deux yeux ; et la disposition des narines est double également. Placé d’une autre manière et séparé en des lieux différents, comme l’est l’ouïe, le nez ne remplirait pas son office, non plus que l’organe dans lequel il est posé ; car c’est pour la respiration que l’organe de l’odorat a été donné aux animaux qui ont des narines ; et cet organe a dû être placé au milieu et dans les parties antérieures. § 14[125]. La nature a donc réuni les narines au milieu des trois autres sens, comme si elle eût voulu établir une règle unique pour le mouvement que cause la respiration. Ces sens d’ailleurs sont aussi merveilleusement disposés dans

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les animaux autres que l’homme, selon la nature propre de chacun d’eux.

CHAPITRE XI

Des oreilles dans les quadrupèdes ; leur position apparente et réelle ; leur utilité.

§ 1[126]. Les quadrupèdes ont les oreilles toutes dressées, et, au-dessus des yeux, du moins à ce qu’il semble ; mais en réalité les oreilles ne sont pas plus hautes ; ce n’est qu’une apparence, venant de ce que les animaux ne sont pas droits et qu’ils baissent la tête. § 2[127]. Comme les animaux se meuvent le plus ordinairement dans cette position, les oreilles leur sont d’autant plus utiles qu’elles se dressent et peuvent se

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mouvoir ; car en se tournant en tous sens, elles recueillent bien mieux tous les bruits qui surviennent.

CHAPITRE XII

Les oiseaux n’ont pas d’oreilles et pourquoi ; les quadrupèdes ovipares et à écailles n’en ont pas non plus ; exception pour le phoque parmi les vivipares.

§ 1[128]. Les oiseaux n’ont pas d’oreilles ; ils n’en ont que les conduits, parce que leur peau est trop dure, et qu’au lieu des poils qu’ils n’ont pas, ils ont des plumes. Il n’y a pas là une matière que la nature aurait pu employer à faire des oreilles. Parmi les

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quadrupèdes, ceux qui sont ovipares, et qui ont des écailles, sont dans le même cas, et la raison est aussi la même pour eux. Cependant, parmi les vivipares, le phoque n’a pas d’oreilles, et il n’a non plus que les conduits auditifs ; ce qui tient à ce qu’il n’est qu’un quadrupède imparfait.

CHAPITRE XIII

De la vue et des appareils qui la protègent chez l’homme et certains animaux ; organisation de l’œil et de la pupille ; les paupières ; différences du jeu des paupières chez les différentes espèces d’animaux ; les oiseaux à vol pesant ont la vue peu longue ; vue excessivement perçante des oiseaux de proie ; élévation prodigieuse de leur vol ; yeux des poissons et des insectes ; dureté de leurs yeux ; mobilité des yeux dans les insectes ; les poissons et les insectes n’ont pas de paupières ; merveilleuse prévoyance de la nature, qui ne fait jamais rien en vain.

§ 1[129]. L’homme, les oiseaux, les quadrupèdes vivipares

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et ovipares, ont tous des appareils protecteurs pour la vue. Les vivipares ont deux paupières, qui leur servent à fermer les yeux. Les oiseaux à vol pesant et quelques autres, ainsi que les quadrupèdes ovipares, ferment les yeux par la paupière inférieure. Les oiseaux ordinaires clignent par des membranes qui viennent des coins de l’œil. Ce qui fait que les yeux ont besoin d’être protégés, c’est qu’ils sont liquides, et la nature les a faits ainsi pour que la vue

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soit perçante. § 2[130]. Si les yeux avaient eu une peau un peu dure, ils eussent été sans doute moins exposés au mal que peuvent leur faire en y tombant les objets extérieurs ; mais ils n’auraient pas constitué une bonne vue. C’est pour cela que la peau qui revêt la pupille est excessivement mince. Les paupières sont faites pour protéger et défendre les yeux ; et c’est pour cette raison que tous les animaux, et spécialement l’homme, peuvent les cligner. C’est pour repousser les objets qui pourraient tomber dans les yeux que tous les animaux peuvent les cligner. Ce mouvement ne dépend pas d’eux, et c’est la nature qui le fait ; mais si l’homme cligne les yeux plus souvent que tout autre animal, c’est qu’il a cette peau plus mince

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que ne l’ont tous les autres. § 3[131]. La paupière est entourée de peau ; et c’est ce qui fait que, ni la paupière, ni le prépuce, ne repoussent jamais, parce que ce sont de simples peaux sans chair. Tous les oiseaux qui ferment leurs yeux par la paupière inférieure et les quadrupèdes ovipares, ne les ferment de cette façon qu’à cause de la dureté de la peau qui environne leur tête. Chez les oiseaux à vol pesant, précisément parce qu’ils volent peu, la croissance des plumes tourne à épaissir et à durcir la peau ; et de là vient qu’ils ferment aussi les yeux par la paupière d’en bas. Les pigeons et les oiseaux de cette espèce ferment les yeux par les deux paupières à la fois.

§ 4[132]. On a vu que les quadrupèdes ovipares ont des écailles ; et ces écailles sont toujours plus dures que les poils, de sorte que leur peau est aussi plus dure

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que la peau ordinaire. La peau de leur tête est dure comme le reste ; et ce n’est pas de cette peau que peut être formée leur paupière. Au contraire, celle d’en bas est charnue, de façon que leur paupière est tout à la fois mince et extensible. Les oiseaux à vol pesant ferment les yeux, non pas avec la paupière, mais par une membrane. C’est que le mouvement de la paupière eût été trop lent et qu’il faut au contraire qu’il soit très-rapide ; or, c’est précisément ce que peut faire une membrane nictitante. § 5[133]. C’est à partir du coin de l’œil, qui est près du nez, qu’ils ferment leurs yeux, parce qu’il est mieux que cette organisation naturelle vienne en eux d’un seul et unique principe. Aussi a-t-elle pour point de départ l’excroissance qui est auprès du nez ; et ce qui est en avant et direct est plus principe que ce qui est oblique

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et de côté. § 6[134]. Les quadrupèdes ovipares ne ferment pas les yeux de la même manière, parce qu’il n’est pas nécessaire aux quadrupèdes d’avoir la pupille liquide, ni d’avoir une vue très-longue, attendu qu’ils vivent sur la terre. Mais pour les oiseaux, c’est absolument nécessaire, parce qu’ils ne peuvent employer leur vue que de très-loin. C’est là ce qui fait que les oiseaux armés de serres ont tous une vue excessivement longue. C’est de très-haut qu’ils peuvent apercevoir la proie qui est leur nourriture. Aussi sont-ils de tous les oiseaux ceux dont le vol s’élève de beaucoup le plus haut. Les oiseaux de terre qui volent mal, comme le coq et les espèces semblables, n’ont pas une bonne vue ; car ils n’en ont pas un besoin absolu pour rechercher leurs aliments.

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§ 7[135]. Les poissons et les insectes et les animaux à peau dure ont des yeux fort différents ; mais aucune de ces espèces n’a de paupières. D’abord, ceux qui ont la peau des yeux dure n’en ont pas du tout. L’usage de la paupière exige un acte rapide, qui demande une peau pour pouvoir s’accomplir. Aussi, au lieu de cette protection qui leur manque, tous ont les yeux durs, comme s’ils voyaient au travers d’une paupière adventice. Mais comme, à cause de la dureté même de cette partie, ils ne peuvent nécessairement avoir qu’une vue obtuse, la nature a donné aux insectes des yeux

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mobiles, et surtout à ceux qui ont la peau des yeux dure, tout de même qu’elle a donné des oreilles à certains quadrupèdes. Ces insectes peuvent ainsi beaucoup mieux voir en tournant les yeux vers la lumière, et en recevant la clarté indispensable à la vision. § 8[136]. Les poissons ont des yeux liquides, attendu que, pour les animaux qui font beaucoup de mouvements, l’emploi de la vue est utile de loin. Les animaux de terre peuvent voir aisément au travers de l’air ; mais pour les poissons, l’eau s’oppose à ce qu’ils voient bien. Comme elle ne présente pas, ainsi que l’air, une foule d’objets qui peuvent gêner et offenser la vue, les poissons n’ont pas de paupières ; car la nature ne fait rien en vain ; et c’est à cause de l’épaisseur de l’eau que les poissons ont les yeux liquides.

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CHAPITRE XIV

Des cils et de leur rôle ; l’autruche ; l’homme est le seul animal à avoir des cils aux deux paupières ; pas un quadrupède n’a de cils à la paupière inférieure ; de la queue des animaux ; leurs crinières ; longueur de la queue en raison inverse de celle des poils qui la garnissent ; intelligence de la nature ; la tête de l’homme est couverte de poils, et pourquoi ; l’auteur s’excuse de cette digression à propos des cils.

§ 1[137]. Tous les animaux qui ont des poils ont des cils aux paupières. Les oiseaux et les animaux à écailles n’en ont pas, parce qu’ils n’ont pas de poils non plus. Nous parlerons plus tard du moineau de Libye ; et nous expliquerons la cause de son organisation ; car cet oiseau a des cils. § 2[138]. Parmi les animaux qui ont des poils, l’homme est le seul à avoir des cils aux deux paupières. En général, les quadrupèdes n’ont pas

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de poils dans les parties inférieures qui forment le dessous du corps ; ils en ont bien plutôt dans les parties supérieures et le dessus. Les hommes, tout au contraire, en ont plus dans le dessous du corps que dans les parties supérieures. Les poils servent comme de rempart et de couverture aux animaux qui en sont pourvus ; et, dans les quadrupèdes, ce sont surtout les parties de dessus qui ont besoin d’être protégées et couvertes, plus que le dessous du corps. Les parties du devant sont les plus importantes ; et elles sont dégarnies en vue de la courbure et de la flexion. Mais dans l’homme, comme le devant du corps est en cela parfaitement semblable au derrière, à cause de sa station droite, la nature s’est surtout occupée de prêter secours aux plus nobles parties ; car toujours elle produit ce qu’il y a de mieux, avec les matériaux dont

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elle dispose. § 3[139]. Voilà comment pas un quadrupède n’a de cils à la paupière inférieure ; et si, chez quelques-uns, il y a sous cette paupière des poils peu nombreux et rares, il n’y en a jamais, ni sous les aisselles, ni au pubis, comme il y en a chez l’homme. A la place de ces derniers poils, quelques animaux sont velus sur le dessus du corps tout entier, comme les chiens ; les autres ont un toupet de crins, comme les chevaux et les animaux de cet ordre. D’autres enfin sont pourvus d’une crinière, comme le lion mâle. § 4[140]. Dans les espèces qui ont des queues de quelque longueur, la nature a orné ces queues de crins, qui sont longs quand la queue a peu de portée, comme dans les

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chevaux, et qui sont très-courts quand au contraire la portée est étendue, le tout s’accordant d’ailleurs avec le reste du corps. Car toujours la nature, lorsqu’elle veut favoriser un côté, prend une compensation sur l’autre côté. Là où elle a fait un corps très-velu, elle diminue l’ampleur de la queue, qui se réduit comme on le voit sur les ours.

§ 5[141]. L’homme est, de tous les animaux, celui dont la tête est la plus velue. C’était nécessaire par suite de l’humidité du crâne, et aussi à cause de ses sutures ; car là où il y a beaucoup de liquide et de chaleur, il faut nécessairement que là aussi il y ait beaucoup de végétation ; et les cheveux sont destinés à protéger et à conserver l’animal, en le couvrant et en le garantissant des excès du froid et de la chaleur. L’encéphale de l’homme, étant le plus gros, est aussi le plus humide de tous ; et il a par suite plus besoin de protection

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que tout le reste. Ce qui est le plus humide peut tout à la fois s’échauffer et se refroidir le plus ; ce qui est dans l’état contraire est bien moins susceptible d’être affecté.

§ 6[142]. Nous nous sommes laissé entraîner à cette digression sur un sujet qui fait suite à la question des paupières et des cils, parce que ces études se tiennent de fort près. Mais nous saurons nous rappeler, en temps convenable, ce qui peut encore nous rester à dire sur ces sujets.

CHAPITRE XV.

Des sourcils ; comparaison de leur destination avec celle des cils ; épaisseur des sourcils dans la vieillesse ; les sourcils sont des prolongements des os ; les cils sont au bout de petites veines ; usage principal des sourcils pour arrêter les gouttelettes de sueur qui descendent de la tête dans les yeux ; la nature les destine peut-être encore à quelque autre fonction.

§ 1[143]. Les sourcils, aussi bien que les cils, n’ont pour

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but que de protéger les yeux. Les sourcils les préservent contre les liquides qui y descendent, et leur font comme une toiture qui les défend contre les sueurs venant de la tête. Les cils sont faits pour écarter les objets qui peuvent tomber dans l’œil, comme les haies qu’on met parfois en avant des remparts.

§ 2[144]. Les sourcils se rapprochent de la composition des os ; et souvent dans la vieillesse, ils deviennent si épais qu’il faut absolument les couper. Les cils sont au contraire au bout de petites veines ; car là où la peau finit, là aussi les veinules terminent leur parcours. § 3[145]. Par conséquent, il était nécessaire d’arrêter les gouttelettes

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qui sortent de la tête et qui sont toutes matérielles, si aucun autre besoin ne vient à empêcher cette œuvre de la nature ; et ce motif suffisait pour que, dans cet endroit du corps, il dût se trouver nécessairement des poils destinés à cet usage.

CHAPITRE XVI

Du nez chez les animaux, du nez de l’éléphant ; son organisation toute particulière ; sa trompe lui sert de main ; c’est par elle qu’il respire quand il est dans l’eau ; des pieds de l’éléphant ; du nez chez les reptiles et les oiseaux ; de la respiration chez les poissons et les insectes ; des lèvres ; leur destination pour protéger les dents ; de l’organisation particulière des lèvres chez l’homme ; elles servent à deux fins, la conservation des dents, et la parole ; de la langue de l’homme, pouvant à la fois percevoir les saveurs et servir au langage ; partage des articulations du langage entre la langue et les lèvres ; mollesse des chairs de l’homme.

§ 1[146]. Dans la plupart des quadrupèdes vivipares, l’organe de l’odorat ne diffère en quelque sorte que très-peu des uns aux autres ; mais ceux qui ont des mâchoires

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allongées, et resserrées étroitement, ont aussi, dans ce qu’on appelle leur museau, la partie des narines organisée comme elle peut l’être d’après leur conformation. § 2[147]. Dans les autres animaux, cette partie est plus rapprochée du long des joues. Mais l’éléphant présente, entre tous les animaux, l’organisation la plus singulière de cette partie, qui a chez lui une longueur et une force étonnantes. C’est par son nez, dont il se sert comme d’une main, qu’il saisit sa nourriture et la porte à sa bouche, que cette nourriture soit ou sèche ou liquide ; c’est avec sa trompe qu’il entoure les arbres et qu’il les arrache, comme sa main, s’il en avait une, pourrait le faire. Par sa nature, il est tout à la fois un animal qui peut vivre dans les marécages et sur terre ; et par conséquent, comme il peut tirer sa nourriture de l’eau, il fallait qu’il pût y respirer, en tant qu’animal terrestre qui a

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du sang, et qu’il ne fût pas forcé de passer trop vite, par un brusque changement, du liquide au sec, comme le font quelques-uns des vivipares, qui ont du sang et qui respirent. § 3[148]. D’autre part, quoiqu’il soit d’une extrême grosseur, il n’était pas moins nécessaire qu’il pût vivre dans l’eau aussi bien que sur terre. De même que les plongeurs savent parfois se faire des instruments pour respirer et pouvoir rester longtemps au fond de la mer, et tirer par ce moyen l’air qui est en dehors de l’eau, de même la nature a donné une aussi grande dimension au nez de l’éléphant pour qu’il en fît un usage analogue. Quand les éléphants ont à faire route dans l’eau, ils élèvent leur nez au-dessus de l’eau, et ils respirent ainsi ; car la trompe des éléphants, avons-nous dit, est leur nez. § 4[149]. Or, il était bien impossible qu’un nez de cette forme ne fût pas mou et qu’il ne pût pas être flexible.

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Sa longueur aurait empêché que l’animal pût prendre sa nourriture qui est au dehors, comme on dit que les cornes gênent certains bœufs qui sont obligés de paître à reculons, et qui, à ce qu’on assure, ne peuvent manger qu’en reculant pas à pas. § 5[150]. La trompe de l’éléphant étant ce qu’elle est, la nature, selon son habitude, emploie ici les mêmes organes à plusieurs fonctions, et la trompe supplée au service des pieds de devant. Les quadrupèdes polydactyles ont les pieds de devant à la place des mains, et ils ne les ont pas seulement pour supporter le poids de leur corps. Les éléphants sont polydactyles et n’ont, ni pieds fendus en deux, ni pieds à sole unique. Mais

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comme l’animal est très-grand et que le poids de son corps est énorme, les pieds ne sont faits absolument que pour le soutenir ; ils ne pourraient servir à quoique ce soit, si ce n’est à cela, à cause de la lenteur de leur marche, et à cause de leur inaptitude naturelle à fléchir.

§ 6[151]. L’éléphant a donc un nez pour respirer, comme doivent le faire tous les animaux qui ont un poumon. Mais comme il doit vivre dans l’eau et que le mouvement est très-lent pour lui dans le liquide, sa trompe peut se replier et elle est fort longue. L’usage des pieds lui ayant été refusé, la nature emploie, en compensation, cet organe pour suppléer au secours que les pieds auraient pu donner.

§ 7[152]. Au contraire, les oiseaux, les serpents et tous les

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quadrupèdes ovipares qui ont du sang ont les conduits du nez en devant de la bouche ; et ce sont des narines uniquement, peut-on dire, à cause de leurs fonctions ; mais ce ne sont pas des narines visiblement articulées ; et c’est à peine si, en parlant des oiseaux, on peut dire qu’ils ont des nez. Cela vient de ce qu’au lieu de mâchoires, ils ont ce qu’on appelle leur bec. § 8[153]. C’est la nature de l’oiseau, faite comme elle l’est, qui est cause de ces différences. Ayant deux pieds et des ailes, il fallait nécessairement que le poids du cou fût très-faible, ainsi que celui de la tête, et que la poitrine fut étroite. Aussi, les oiseaux ont-ils un bec osseux pour pouvoir s’en servir à se défendre et à prendre leur nourriture, et étroit, à cause de la petitesse de leur tête. D’ailleurs, ils ont les

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conduits de l’odorat dans le bec ; mais il était bien impossible qu’ils eussent un nez.

§ 9[154]. Quant aux autres animaux qui ne respirent pas, nous avons expliqué plus haut pourquoi ils n’ont pas de narines, et comment ils sentent les odeurs les uns par des branchies, les autres par un évent, les insectes, par le corselet ; et comment tous se meuvent en quelque sorte par le souffle que reçoit leur corps dès leur naissance, souffle qui se trouve dans tous les animaux, sans qu’ils aient à l’emprunter au dehors pour le faire entrer en eux.

§ 10[155]. Au-dessous des narines, se trouvent naturellement les lèvres chez tous les animaux qui ont du

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sang et des dents. Dans les oiseaux, comme nous venons de le dire, le bec est osseux, en vue de la nourriture et de la défense. Le bec peut se réunir en une seule pièce et tenir lieu de dents et de lèvres, comme si sur l’homme on enlevait les lèvres, qu’on joignît en une masse séparée les dents d’en haut, et qu’on avançât celles d’en bas, en donnant à chaque côté un prolongement qui irait en se rétrécissant. Cette transformation constituerait un bec dans le genre de celui des oiseaux. § 11[156]. Chez tous les autres animaux, les lèvres sont faites à la fois pour protéger les dents et pour les conserver. Voilà pourquoi autant les dents sont régulières et belles, ou sont le contraire, autant cette partie chez ceux qui en sont pourvus est bien articulée. Mais l’homme a des lèvres molles et charnues, qui peuvent s’ouvrir et se séparer, destinées à la fois à préserver les dents, comme chez le reste des animaux, et faites bien plus encore dans une vue de bien et de perfection ; ainsi, les lèvres de l’homme peuvent en outre servir à la parole.

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§ 12[157]. De même que la nature a donné à l’homme une langue qui ne ressemble pas à celle des autres animaux et qu’elle a destine cette langue à deux usages, comme elle le fait d’ailleurs dans une foule de cas ainsi que nous l’avons dit, de même elle a fait notre langue à la fois pour percevoir les saveurs et pour parler, et les lèvres, pour parler et pour préserver les dents. § 13[158]. Le langage que forme notre voix se compose de lettres ; si la langue n’était pas ce qu’elle est, et si les lèvres n’étaient pas humides, nous ne saurions prononcer la plupart des lettres, parce que les lettres ne sont que des percussions de la langue, ou

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des contractions des lèvres. Mais c’est aux maîtres de métrique de nous apprendre toutes les différences que ces organes présentent, la qualité, le nombre et la nature de ces diversités. § 14[159]. Par suite, il était nécessaire que chacune de ces deux parties fussent convenablement disposées en vue de l’usage qu’on vient de dire, étant propres à leurs fonctions et ayant la nature que nous leur voyons. De là vient qu’elles sont charnues ; car la chair de l’homme est la plus molle de toutes ; et c’est cette organisation qui fait de lui le plus sensible de tous les animaux, en ce qui concerne le sens du toucher.

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CHAPITRE XVII

De la langue ; sa position chez la plupart des animaux ; la langue de l’homme ; son double usage ; son organisation ; bégaiement et bredouillement ; de la langue des oiseaux et des quadrupèdes ; les petits oiseaux sont ceux dont la voix est la plus variée ; les oiseaux communiquent entre eux ; citation de l’Histoire des Animaux ; langue des ovipares ; langue bifurquée des serpents et des lézards ; et pourquoi ; de la bouche et de la langue des poissons ; de la langue des crocodiles ; elle est soudée à la mâchoire inférieure, qui, chez eux par exception, est immobile ; pourquoi la langue est à peine sensible chez les poissons ; désir général de la nourriture dans les animaux ; de la bouche des mollusques, des crustacés, des testacés, des insectes ; de la trompe des mouches et leur dard. — Résumé.

§ 1[160]. La langue des animaux est placée dans leur bouche sous le palais ; dans presque tous les animaux qui vivent sur la terre, la disposition de la langue est la même ; mais chez quelques-uns cette disposition est différente, soit entre les individus dans une même espèce, soit entre d’autres espèces. C’est l’homme qui a la langue la plus mobile et la plus molle. § 2[161]. Elle est aussi la plus large pour pouvoir servir à ses deux

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fonctions. D’abord, elle doit percevoir les saveurs, puisque l’homme est de tous les êtres celui qui les perçoit le mieux ; et que, si sa langue est molle, c’est pour qu’elle puisse le mieux possible toucher les choses, le goût n’étant qu’une sorte de toucher. En second lieu, la langue doit servir à l’articulation des lettres ; et il fallait pour le langage qu’elle fût molle et large. § 3[162]. C’est surtout en étant telle qu’elle est et en étant mobile, qu’elle pouvait le mieux émettre des sons de tout genre et les combiner de toute manière. On le voit bien clairement chez les personnes qui n’ont pas la langue assez détachée ni assez libre ; elles bégaient et elles bredouillent, parce qu’il leur manque de pouvoir, former certaines lettres. En même temps que la langue est large, elle peut aussi se rétrécir ; car le petit peut se trouver dans le grand, tandis que le grand ne peut pas se trouver dans le petit. § 4[163]. C’est là ce qui fait que, parmi les oiseaux, ceux qui peuvent

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le mieux prononcer certaines lettres sont aussi ceux qui ont la langue la plus large. Les quadrupèdes qui ont du sang et qui sont vivipares n’ont qu’une articulation très-peu étendue de la voix, parce que leur langue est dure, peu détachée et épaisse. Quelques oiseaux ont une forte voix, et ceux qui ont des serres ont en général une langue plus large. § 5[164]. Les oiseaux les plus petits ont aussi le plus de chant. Tous les oiseaux se servent de la voix qu’ils ont pour se faire comprendre les uns des autres ; mais il y en a qui sont mieux doués que d’autres sous ce rapport. Il y a même des espèces où il semble qu’ils s’instruisent mutuellement entre eux. Du reste, on a traité ce sujet dans l’Histoire des Animaux.

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§ 6[165]. Dans la plupart des animaux terrestres, qui sont ovipares et qui ont du sang, la langue est absolument inutile pour la fonction de la voix ; chez eux, elle est liée et dure. Quant à la perception du goût et des saveurs, les serpents et les lézards ont une langue longue et partagée en deux. Les serpents l’ont tellement longue qu’ils peuvent l’étendre peu à peu fort loin. Ils l’ont double, et le bout en est mince comme un cheveu, parce que, de leur nature, ils sont très-friands, et ils ont le plaisir de goûter deux fois les saveurs, comme ayant un double sens du goût. § 7[166]. Les animaux qui sont privés de sang, aussi bien que tous ceux qui en ont, sont pourvus de l’organe des saveurs ;

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car ceux même qui passent vulgairement pour ne pas l’avoir, par exemple quelques poissons, l’ont cependant dans une certaine mesure incomplète, à peu près comme l’ont aussi les crocodiles de rivières.

§ 8[167]. Ce qui fait croire que la plupart des poissons ne possèdent pas ce sens spécial, c’est une très-bonne raison ; car dans tous ces animaux, l’endroit de la bouche a quelque chose de la nature de l’arête ; et comme les animaux aquatiques ne peuvent jamais percevoir les saveurs que très-peu d’instants, il en résulte que, de même que chez eux l’usage de ce sens

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est très-rapide et très-court, de même la conformation de la langue est tout aussi écourtée. Le passage des aliments à l’estomac est d’une extrême rapidité, et il leur est impossible de rester longtemps à déguster les saveurs, parce que l’eau leur entrerait dans la bouche. C’est si vrai qu’à moins de tenir leur bouche très-inclinée, on ne croirait pas même que cette partie est distincte et détachée, tant cette région ressemble à la nature de l’arête ; en effet, elle est formée de la superposition des branchies, qui sont tout à fait de la consistance que les arêtes peuvent avoir.

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§ 9[168]. Ce qui contribue à rendre chez les crocodiles cette partie plus imparfaite encore, c’est l’immobilité de leur mâchoire inférieure. Leur langue est attachée à la mâchoire d’en bas, avec laquelle elle se confond ; et c’est en haut qu’ils ont la mâchoire d’en bas ; ce qui est un complet renversement, puisque, chez tous les autres animaux, c’est la mâchoire supérieure qui est immobile. Ils n’ont pas cependant une langue qui touche à la mâchoire supérieure, parce qu’alors elle aurait contrarié l’introduction des aliments. Mais leur langue est attachée à la mâchoire d’en bas, puisque celle d’en haut est, en quelque sorte, hors de place. § 10[169]. Il faut ajouter que le crocodile, tout en étant un animal terrestre, vit cependant de la vie des poissons ; et c’est à cause de cela que, dans son organisation, il fallait qu’il eût cet organe sans aucune articulation.

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§ 11[170]. Beaucoup de poissons ont le palais charnu ; et, dans les rivières, quelques espèces l’ont excessivement chargé de chair et mou, comme les poissons qu’on appelle les carpes. C’est à ce point que, si l’on n’y regarde pas de très-près, il semble qu’ils ont là une langue. Mais, par la raison qu’on vient de dire, si les poissons ont une langue, l’articulation de cette langue n’est pas très-distincte. Comme le sens des saveurs ne s’exerce qu’en vue de la nourriture qu’elles renferment, cette partie doit avoir l’apparence d’une langue, non pas cependant dans toute son étendue, mais principalement à son extrémité. C’est là comment, chez les poissons, il n’y a que cette partie extrême qui soit bien déterminée.

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§ 12[171]. Tous les animaux sans exception ont le désir et l’appétit de la nourriture, parce qu’ils sentent tous le plaisir qu’elle cause, le désir s’attachant toujours à ce qui peut plaire. Mais l’organe par lequel ils perçoivent la sensation de la nourriture est loin d’être le même dans tous ; dans les uns, cet organe est détaché et libre ; dans les autres, il est soudé ; et ce sont les animaux où la voix n’a rien à faire. Chez ceux-ci, il est dur ; chez ceux-là, il est mou et charnu. Aussi, dans les crustacés, tels que les crabes et les animaux de cet ordre, et chez les mollusques, comme les seiches et les polypes, cette partie est-elle à l’intérieur de la bouche. Dans quelques insectes, cette partie est également au dedans, comme dans les fourmis, et, en outre, dans beaucoup de testacés. D’autres l’ont en dehors comme une espèce de dard ; et alors la

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nature en est spongieuse et creuse ; et c’est par là que, tout à la fois, ces animaux goûtent et attirent leur nourriture. § 13[172]. C’est ce qu’on peut bien voir sur les mouches, les abeilles et tous les insectes analogues, et aussi chez quelques crustacés. Dans les pourpres, cette partie a une telle force qu’ils traversent et percent de part en part la coquille de certains testacés, tels que les escargots, avec lesquels les pêcheurs les amorcent. Les taons et les grosses mouches percent tantôt la peau de l’homme, et tantôt la peau d’autres animaux. Dans toutes ces petites bêtes, la nature de leur langue en fait comme un équivalent de la trompe de l’éléphant. Dans l’éléphant, la trompe est une utilité et une défense pour l’animal ; et dans les insectes, la langue tient la place d’un aiguillon.

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§ 14[173]. La langue est donc organisée chez tous les animaux, comme nous venons de le dire.


FIN DU TOME PREMIER
  1. Dans l’Histoire des Animaux. Ainsi, l’Histoire des Animaux vient la première, selon l’intention de l’auteur, aussi bien que dans l’ordre logique ; elle donne les faits observés ; le Traité des Parties expose les causes et les fins d’une manière générale ; en définitive, le traité de la Génération est consacré à cette fonction, qui est le but dernier de toutes les autres. C’est ainsi que notre grand Cuvier a exposé d’abord le Règne animal ; puis ensuite, dans son Anatomie comparée, il a exposé les diverses fonctions auxquelles l’anatomie s’applique, et il a terminé son admirable ouvrage par l’étude de la Génération. C’est absolument la marche du philosophe grec, au début de la science, il y a vingt-deux siècles. — Nous isolerons ces détails spéciaux. En effet, c’est de l’anatomie et de la physiologie comparée que l’auteur va faire dans le Traité des Parties, tandis que l’Histoire des Animaux devait, avant tout, être descriptive. La science actuelle distingue encore la partie descriptive de la partie anatomique et physiologique.
  2. Les combinaisons des choses… de trois genres. Ces trois sortes de combinaisons sont exposées dans les §§ qui suivent. Aujourd’hui, la chimie organique a reconnu des combinaisons plus exactes. Les éléments généraux du corps animal sont le carbone, l’hydrogène, l’oxygène et l’azote ; ces éléments et quelques autres se trouvent en grande partie dans le sang, qui est le fluide nourricier, et qui contient en outre de la fibrine, de la gélatine, de l’albumine, de la chaux, du phosphore, du fer, etc. C’est la proportion de ces éléments qui varie ; mais les éléments ne changent guère. Voir Cuvier, Règne animal, Introduction, p. 23, 2e édition. — Certains philosophes. C’est surtout à Empédocle qu’on attribue la théorie des quatre éléments. — La terre, l’air, l’eau et le feu. Cette analyse, toute insuffisante qu’elle est, a été généralement acceptée jusqu’au seizième siècle tout au moins. — Les propriétés et les forces. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Ailleurs et antérieurement. Parmi les ouvrages d’Aristote auxquels ce passage fait allusion, on pourrait citer plus particulièrement la Météorologie, liv. I, ch. III, § 14 de ma traduction ; la Physique, liv. III, ch. VII, §§ 7 et suiv. id. ; Traité du Ciel, liv. IV, ch. IV, §§ 1 et suiv. id. — La matière de tous les corps composés. Peut-être le mot de Matière n’est-il pas très-juste. Il vaudrait mieux dire : Propriétés ; mais le texte est formel, et il ne peut avoir un autre sens.
  3. Les conséquences de celles-là. On ne doit pas s’étonner de ce qu’il y a d’incorrect et de vague dans ces théories. — La seconde combinaison. Voir plus haut, § 2. — Celle des parties similaires. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. I, § 1. — La chair et les parties semblables. La chair se divise toujours en chair, l’os en os, le nerf en nerf, etc. — Des parties non-similaires. Voir l’Histoire des Animaux, loc. cit. Les exemples que donne Aristote sont d’ailleurs parfaitement clairs.
  4. Il faut bien savoir… Aristote a traité le même sujet d’une manière très-étendue dans un ouvrage spécial : de la Production et de la Destruction des choses ; voir ma traduction passim. La distinction faite ici entre l’essence, qui est antérieure, et la production, qui ne vient rationnellement qu’après l’essence, est une des théories les plus importantes du système d’Aristote. Il revient par cette voie, et sans peut-être en avoir conscience, à la théorie Platonicienne des Idées. — Sont contraires entre elles. Dans la mesure qu’Aristote indique un lieu plus bas ; mais l’opposition n’est pas absolue ; et l’essence et la génération ne se comprennent pas l’une sans l’autre. — Postérieures sous le rapport de la génération. L’essence de la chose n’est notoire qu’après que la chose a été réalisée. — Le premier en nature… J’ai conservé la formule du texte dans toute sa généralité. — La maison. Exemple dont Aristote se sert très-souvent, sans doute à cause de sa vulgarité, qui le rend parfaitement clair. Il est répété un peu plus loin, § 6.
  5. L’induction. C’est-à-dire le raisonnement général appliqué aux faits particuliers que l’on a observés. — La raison. L’opposition entre la raison et l’induction consiste à peu près uniquement en ceci que la raison se passe presque entièrement des faits et les suppose déjà connus, sans pouvoir cependant s’en passer d’une manière absolue. — Provient de quelque chose. C’est ainsi que la vie suppose toujours la vie ; et que, selon la formule péripatéticienne, répétée un peu plus bas : « L’homme engendre l’homme ». Sur cette grande question, voir la Préface à l’Histoire des Animaux, p. CIV. — Qui a déjà lui-même une certaine nature. De là, la perpétuité de l’espèce qu’Aristote a si bien établie et que la science de nos jours conteste si étrangement, égarée par le Transformisme. — La plante produit la plante. Le chêne est avant le gland, comme la poule est avant l’œuf, etc., etc. — Selon la matière, qui varie avec les différents êtres.
  6. Chronologiquement… en raison. L’opposition est aussi nette que possible. Dans le temps, la production est la première ; mais au point de vue de la raison, c’est l’essence de la chose, ou son Idée, qui est antérieure. Sans la notion essentielle de la maison, l’architecte ne saurait construire la maison ; et en la construisant, il ne fait que réaliser la notion préalable, ou l’essence. — La définition de la construction. Opposée à la définition de la maison elle-même. La définition ne représente au fond que l’idée.
  7. La matière des éléments. Voir plus haut, § 2. — En vue des parties similaires. Voir plus haut le § 3, et l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. I, § 1. — Postérieurement aux éléments. En supposant que les parties similaires se composent des quatre éléments combinés de certaines manières, il est évident qu’elles ne peuvent venir qu’après eux, de même que les parties non-similaires supposent l’existence préalable des parties similaires. La science moderne emploierait d’autres expressions pour représenter d’autres faits ; mais elle procède aussi de la même manière, en commençant par les éléments chimiques dont le corps des animaux est formé. — En troisième lieu. D’abord les quatre éléments ; puis les parties similaires que forment leurs diverses combinaisons ; et en troisième lieu, les parties non-similaires, qui forment le couronnement de tout ce qui les précède.
  8. De ces deux espèces de parties. La distinction est exacte ; et la science de nos jours pourrait encore s’en servir utilement. — Qui accomplissent les fonctions et les actes. L’expression grecque a cette nuance que les fonctions ne regardent en quelque sorte que l’organisation intérieure des animaux, tandis que les actes sont surtout extérieurs. — De l’œil, du nez, etc. Chacun de ces organes ou de ces membres contient beaucoup de parties diverses, qui se résolvent définitivement en parties similaires. — Du bras pris dans sa totalité. Le bras, en tant que membre, présente plusieurs parties très-diverses, le haut du bras, l’avant-bras, le poignet, la main, les doigts, les phalanges, etc., chacune de ces parties étant formée elle-même d’éléments non moins divers. — Excessivement variés. C’est surtout en étudiant l’anatomie comparée, dans Cuvier, par exemple, qu’on peut vérifier combien cette vue d’Aristote est juste ; sans doute, il ne savait encore que peu de choses sur les fonctions et les actes des animaux ; mais il en savait assez déjà pour être émerveillé de leur nombre et de leur diversité. — Des forces. C’est le mot même du texte ; on pourrait dire aussi : « Des propriétés ».
  9. C’est de la mollesse… Toutes ces observations sont profondément vraies. — De puissances et de propriétés. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. L’une est molle. La chair, par exemple. — L’autre est sèche. Comme les os. — Les parties non-similaires… Ces parties ont les mêmes variétés que les parties similaires, parce qu’elles en ont également besoin pour accomplir leurs mouvements et leurs fonctions complexes. — À la main. L’exemple est parfaitement choisi. Il faut se reporter au liv. IV, ch. X, §§ 14 et suiv. pour voir jusqu’à quel point Aristote admire l’organisation de la main de l’homme, tout en réfutant Anaxagore, qui croit que c’est à la main que l’homme doit son intelligence ; voir aussi la Préface à l’Histoire des Animaux, p. CXXXVI. — Telle autre lui permet de les saisir. Voir Cuvier, Anatomie comparée, Ive leçon, article IX, des os de la main ; article X, des muscles de la main, etc.
  10. Les parties qui forment les organes. Le texte dit simplement : « Les parties organiques ». Ce sont, par exemple, les membres avec toutes les divisions particulières qu’ils comportent. — D’os, de nerfs, de chairs… Ce sont les parties similaires ; voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. I, § 1. — En vue d’une certaine fin. Application particulière du grand principe des causes finales, qu’Aristote a proclamé le premier ; voir la Préface à l’Histoire des Animaux, p. CLIX. — Comme on le voit pour quelques viscères. Ceci répond à des théories anatomiques qu’acceptait Aristote, mais que nous ne connaissons pas.
  11. Par la variété infinie de leurs formes. Cette observation est fort exacte ; et la forme seule suffit pour établir de profondes différences, en supposant que la matière reste la même. — Soient composées de celles-là. C’est-à-dire des parties non-similaires. La chose est tellement évidente qu’il semble assez inutile de la dire.
  12. C’est par ces causes. On peut trouver ceci un peu trop vague. — Simples et similaires… Composées et non-similaires. Voir le début du premier livre, ch. II, § 1. — Des organes… des sens. La distinction aurait pu être plus fortement indiquée, puisque les sens sont aussi des organes. Mais le mot d’Organes, ou instruments, a un sens plus large, et il comprend aussi les membres et les viscères. — Dont les animaux ont besoin. J’ai dû développer un peu le texte pour rendre toute la force de l’expression grecque. — Est non-similaire. C’est-à-dire, composée de matériaux de diverses espèces et de plusieurs parties qui ne se ressemblent pas. — La sensation a lieu dans des parties similaires. L’observation est profonde ; et la raison qu’Aristote en donne est très-solide. L’anatomie comparée de nos jours ne peut qu’approuver cette théorie. — Chaque organe des sens. Ceci revient à dire que la rétine seule peut voir, que la pulpe auditive est la seule qui puisse entendre, etc. Sur tous ces détails, voir le Traité de l’Ame, liv. II, ch. XII, et liv. III, ch. I et II, pp. 247 et suiv. de ma traduction.
  13. Ce qui n’est qu’en puissance…. Ceci ne s’applique qu’à la sensation, qui résulte à la fois de l’organe et de l’objet extérieur auquel il répond. — Et l’objet sensible et la sensation. Voir le Traité de l’Ame, liv. III, ch. II, § 1, p. 264 de ma traduction. — Physiologue. J’ai conservé le mot grec ; on pourrait traduire aussi : « Naturaliste ». — La main, le visage… Parce que ce sont des parties non-similaires. — Tel sens est de l’air. Voir le Traité de l’Ame, liv. II, ch. VII, § 5, p. 214 de ma traduction. — L’air… du feu. Id., ibid., liv. III, ch. I, § 2, p. 255.
  14. Est dans les parties simples. Ou Similaires ; voir le § 12. — Simple et absolu… Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. Ceci veut dire sans doute que le toucher n’a pas un organe spécial comme les autres sens, l’œil, l’oreille, etc., etc. ; mais qu’il est répandu dans le corps entier. — Le plus varié de tous les sens. Le texte dit mot à mot : « Qui a le plus de genres ». — Le sensible auquel il s’applique. J’ai conservé la formule même du texte, parce qu’elle est très-claire, quoique un peu étrange. — Ce qui correspond à la chair. Dans les animaux qui n’ont pas de chair proprement dite, par exemple les insectes. — Qui tient le plus de place. Ou pour mieux dire, qui est répandu dans le corps entier.
  15. Sans la sensibilité. Puisque c’est la sensibilité qui constitue essentiellement l’être animé, l’animal proprement dit, et le distingue de la plante. Voir le Traité de l’Ame, liv. II, ch. II, § 4, p. 174 de ma traduction, où cette distinction de l’animal et de la plante est exposée longuement. — Dans ces parties. Et particulièrement dans la chair, où se ramifient les nerfs de la sensibilité. Aristote ne pouvait pas connaître ces détails anatomiques et physiologiques, qui n’ont été découverts que dans notre siècle ; mais sa théorie générale n’en est pas moins juste. — Mais les actes. L’expression dont se sert le texte est peut-être moins large ; et elle s’applique particulièrement aux actes intérieurs de l’organisme plus encore qu’aux actes proprement dits. — À l’aide des parties non-similaires. Et spécialement à l’aide des membres, instruments indispensables à l’activité extérieure. — Dans la même portion du corps. Dans le Traité de l’Ame, auquel il est fait allusion ici, c’est l’âme et non une partie du corps qui est le siège des facultés de nutrition, de sensibilité, de locomotion et de pensée ; voir le Traité de l’Ame, liv. II, ch. II, § 6, p. 175 de ma traduction ; et liv. III, ch. XII pp. 341 et suiv. — Dans d’autres ouvrages. Ce ne peut être que le Traité de l’Âme. — Une partie simple, et similaire. — Une partie non-similaire. Parce que la volonté a besoin d’organes et de membres pour déterminer le mouvement.
  16. La partie correspondante au cœur. C’est dans l’anatomie comparée qu’il faut étudier l’organisation du cœur, ou des organes qui le remplacent dans toute la série animale. — C’est le cœur. Il semblerait donc que le cœur est, dans la théorie d’Aristote, la portion du corps qui est le siège des trois facultés de la sensibilité, de la locomotion et de la nutrition, dont il est parlé au § précédent. — Il est une partie non-similaire. Le cœur est formé en effet d’éléments nombreux, et il ne se peut pas diviser en plusieurs cœurs, ce qui serait le propre d’une partie similaire ; voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. 1, § 1, p. 1, de ma de ma traduction. — De la même matière que lui. L’erreur est ici de toute évidence ; et les viscères tels que le foie, la rate, le pancréas, etc. sont formés d’une tout autre matière que le cœur ; mais Aristote les assimile au cœur parce que tous les viscères reçoivent du sang, qui les nourrit et les entretient. Cette généralité, à ce point de vue, n’est pas fausse ; mais elle n’autorise pas à dire que la matière des viscères soit identique à celle du cœur. — Posés sur des vaisseaux veineux. C’est la traduction littérale du texte ; mais cette théorie ne répond pas à la réalité des faits.
  17. Semblables au limon d’une eau courante. Aristote fait rarement des comparaisons de ce genre ; et celle-ci n’est pas très-exacte ; mais l’anatomie et la physiologie des viscères sont si difficiles et si délicates qu’il n’y a pas à s’étonner qu’au début des observations, on ait pu commettre de ces erreurs et imaginer de telles théories. Voir l’Anatomie comparée de Cuvier, tome IV, Ire édit., p. 181 et suiv. 24e leçon, article 2. — Le principe des veines. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. II, pp. 215 et suiv. de ma traduction. — L’initiative et la faculté première. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — D’élaborer le sang. C’est plutôt le poumon qui élabore le sang en le mettant en contact avec l’air ; mais c’est le cœur qui donne au sang le mouvement indispensable à la circulation et à la vie. — Être sanguins. C’est la traduction littérale du texte ; mais l’expression n’est pas très-claire ; et, peut-être faudrait-il entendre que les viscères sont pleins de sang, comme l’est le cœur. — Tantôt similaires et tantôt non-similaires. Ce résumé partiel ne représente peut-être pas très-bien ce qui précède.
  18. . Entre les parties similaires. Le sang, 1 os, le nerf, la bile, etc. ; voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. I, § 1. — Molles et liquides…. Dures et solides. Les exemples suivent, bien qu’ils ne concernent guère que les parties molles ou liquides. — Les matières analogues, Ou, équivalentes.
  19. .. Les animaux n’ont pas tous…. L’organisation des animaux de tout ordre est variée à l’infini, bien qu’au fond le but poursuivi par la nature soit le même, et soit toujours atteint malgré des diversités innombrables, comme le démontre l’anatomie comparée. — Des parties correspondantes. Par exemple, les branchies des poissons correspondent aux poumons des vertébrés. — Le nerf, Ou, le muscle. — La division des parties similaires. Comparées sans doute aux parties non-similaires ; la pensée n’est pas douteuse ; mais l’expression n’est pas suffisamment exacte. — Pour quelques cas. Il semble que, pour les parties similaires, la règle est générale, puisque ce sont celles où la partie ressemble toujours au tout : une goutte de sang est toujours du sang, aussi bien que la masse du sang dans le corps entier. — N’être pas homonyme. Ceci ne s’applique qu’aux parties non-similaires, qui peuvent être même des membres. — Une partie du visage Voir le même exemple dans l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. 1, § 1, p. 2 de ma traduction.
  20. Plusieurs nuances dans la cause. Cela revient à dire que les parties liquides et solides ont plusieurs destinations, et qu’elles servent dans le corps à plusieurs objets. Ainsi, la bile n’a pas le même objet que le sang ; la lymphe, le suc gastrique, ont chacun aussi leur objet particulier ; l’os ne remplit pas les mêmes fonctions que les muscles ou les cartilages, etc. — Comme la matière des parties non-similaires. Les parties non-similaires ne se composent que de parties similaires dans des proportions diverses. — Substance de l’animal… ses fonctions. La distinction est très-juste. — Sont liquides, Ou, fluides. — C’est du liquide…Voir des idées tout à fait analogues dans Cuvier, Anatomie comparée, Ire leçon, Economie animale, Fonctions organiques, pp. 15 et suiv., Ire édit. C’est ainsi que Thalès avait fondé son système, qui rapportait tout à l’action de l’eau et du liquide. Voir la Métaphysique, liv. I, ch. III, § 12, p. 28 de ma traduction.
  21. Le résidu. C’est-à-dire, la partie qui n’a pas pu être employée à la nutrition. — Dans les animaux qui ont une vessie. Ceci ne se rapporte qu’à l’excrétion liquide et aux animaux qui ont une vessie ; mais l’idée d’excréments est plus générale ; et tous les animaux en ont sous une forme ou sous une autre, quelle que soit d’ailleurs leur organisation. — Une meilleure disposition des choses. Le texte dit simplement : Le mieux. — C’est là le rapport. C’est-à-dire qu’il y a du sang meilleur ou moins bon, comparativement à tel autre sang. — Plus boueux. C’est l’expression du texte. — Comparativement aux inférieures. Je ne sais pas si la physiologie moderne a fait des observations spéciales sur ce point. — D’un animal à un autre. La différence alors est bien plus sensible.
  22. Les uns ont du sang… un autre liquide qui y ressemble. La science moderne reconnaît également ces deux grandes classes d’animaux qui ont du sang rouge, et d’animaux qui ont du sang blanc ou incolore. C’est toujours un fluide qui les nourrit les uns et les autres, comme le dit Aristote. — Plus léger et plus froid… Toutes ces observations sont dignes d’attention, en supposant même qu’elles ne soient pas toutes parfaitement exactes. La science moderne n’a peut-être pas fait assez de recherches sur ces variétés du sang, dans ses rapports avec l’intelligence ou l’instinct. Un fait qui paraît assez constant c’est que, dans les hommes les plus intelligents, la circulation est très-lente, et que les pulsations du pouls sont relativement très-faibles. — Les abeilles. Il n’est pas probable que l’intelligence des abeilles tienne à ce qu’elles n’ont pas de sang. Beaucoup d’autres insectes en sont privés comme elles, ou plutôt ont comme elles un sang blanc ; et cependant ils n’ont pas leur intelligence. — Chaud, léger et pur. Il est difficile de savoir par quels procédés Aristote avait pu constater ces variations dans la nature du sang.
  23. La différence qu’on peut trouver. Il est évident qu’on avait dû faire des observations directes sur la chaleur relative du sang, selon les diverses parties du corps où on l’observe, et selon les sexes. — Les autres parties. Du corps, soit intérieures, soit extérieures. — Non-similaires. Il y a sans doute des différences de température dans les parties non-similaires, comme il y en a dans les parties similaires. — De ces différences. Le texte est moins précis. — Au mieux ou au pis. J’ai conservé la concision et la tournure du texte. Le mieux et le pis sont des dispositions qui contribuent plus ou moins au bien-être, à la santé, ou même à la beauté de l’animal. — Les unes les ont durs. Comme certains insectes — Les autres les ont liquides. Comme les mammifères et les poissons, etc., etc. Voir l’Anatomie comparée de Cuvier, XIIe leçon, tome II, pp. 364 et suiv. — De paupières. Id. ibid. Article II, pp. 428 et suiv. — Plus puissante. Le texte dit précisément : Plus exacte.
  24. Afin de bien démontrer. On voit avec quelle méthode et avec quelle régularité procède Aristote. — Ou tout autre liquide de même nature. Pour remplir des fonctions analogues, dans l’organisation de chaque espèce. — Du chaud et du froid. La recherche était intéressante et curieuse ; mais, les Anciens ne connaissant pas le thermomètre, il leur était bien plus difficile de faire des observations exactes, pour servir de fondement à leurs théories. — Nous examinerons ensuite les causes. D’abord les faits positifs, et après la constatation des faits, les explications qu’on peut en donner. — Qui font que le sang est ce qu’il est. Ou plutôt : En vue des actions que le sang doit exercer et des fonctions qu’il doit entretenir. — Parmi les philosophes. Il est à regretter qu’Aristote ne les ait pas nommés ; mais cette indication suffit pour montrer qu’il n’était pas le seul à s’occuper de ces questions, qui, de son temps, étaient encore fort neuves. — Les animaux aquatiques sont plus chauds. Cette opinion n’est pas exacte ; et la raison qu’on en donne ici est purement abstraite. Je ne crois pas que la science moderne ait fait des observations très-étendues sur la chaleur comparative des animaux. Cuvier n’en dit que quelques mots, Anatomie comparée, leç. xxvi
  25. On ajoute encore. C’est une nouvelle erreur, que du reste Aristote ne partage pas plus que l’autre. Comme c’est le sang qui porte la vie et la chaleur dans toutes les parties du corps, il semble qu’il était plus naturel que les animaux exsangues fussent moins chauds que les autres. — Les femelles… les mâles… La remarque est générale ; et quelques lignes plus loin, elle est restreinte, d’après Parménide, aux femmes et aux hommes. — Parménide… Empédocle. Voir, sur ces deux philosophes et leurs travaux physiologiques, la Préface à l’Histoire des Animaux, p. LVIII. — D’autres naturalistes. Il est regrettable qu’ils ne soient pas désignés nominativement. — De sang ou de bile est plus chaude. Cette opinion est la plus vraie.
  26. Si le chaud et le froid… Critique fort juste. La température des êtres animés ou inanimés est en effet une des sensations les plus distinctes que nous puissions avoir. Les Anciens n’avaient pas comme nous des instruments précis pour la mesurer ; mais ils l’observaient avec soin, comme l’atteste tout ce passage. — Plus chaud… La discussion qui va suivre peut paraître un peu longue ; mais elle prouve avec quel soin Aristote cherchait à éclaircir les questions, en déterminant le sens des mots le plus exactement possible. Il sent bien que c’est l’équivoque qui fait le plus souvent le fond de toutes les controverses.
  27. Se rendre compte. On voit quelle importance s’attache à la question, puisque c’est de la chaleur plus ou moins grande que dépendent la vie et la mort. — Des composés naturels. J’ai pris cette expression générale, qui rend fidèlement le texte ; mais la suite montre qu’il s’agit surtout des animaux que forme la nature. — Ce sont aussi les causes. L’action de la chaleur s’étend en effet aussi loin ; et Aristote n’exagère rien en lui donnant cette puissance. — Du sommeil et de la veille. Voir le traité spécial qu’Aristote a consacré à cette question, Opuscules psychologiques, pp. 145 et suiv., et spécialement, ch. 12, p. 164. — Virilité… vieillesse. Voir les mêmes Opuscules psychologiques. — Ce ne sont pas ces qualités.. Ceci ne paraît pas une suite bien régulière de ce qui précède.
  28. . Conforme à la raison. C’est une formule qu’Aristote aime à employer souvent ; et il oppose ainsi la raison à l’observation, et la réalité à la théorie. D’ailleurs, à son point de vue optimiste, l’esprit de l’homme n’a guère qu’à approuver la nature, en s’efforçant de la comprendre dans tout ce qu’elle a d’admirablement sage. — Déjà dit dans d’autres ouvrages. Voir plus haut, ch. I, § 2, et surtout la Météorologie, liv. IV, ch. I, p. 273 et suiv. de ma traduction ; le IVe livre est consacré presque tout entier à la question de la chaleur et du froid, telle qu’on la posait dans ces temps reculés. — Est-ce que, quand on dit chaud… Voir plus haut, § 9. — Une chaleur plus grande… Sans doute, parce que les effets de la chaleur sont d’autant plus évidents qu’elle est plus grande.
  29. En un sens… Les distinctions qui suivent peuvent paraître un peu subtiles ; mais elles ne sont pas fausses. — Échauffer davantage ce qui la touche. Il n’y avait pour les Anciens que la sensation qui pût servir de témoignage et de mesure ; nous avons aujourd’hui le thermomètre, qui sent à notre place et qui sent mieux que nous ne pourrions le faire. — Une sensation plus vive. Nous avons toujours ce moyen d’information. — Accompagnée de douleur. C’est vrai en partie ; mais quand la sensation est trop forte et trop douloureuse, on ne sait pas tout d’abord si elle vient du chaud ou du froid. Les températures excessives causent le même effet. Il n’y a que les sensations moyennes que l’on perçoive bien. — Qu’une erreur. Remarque fort juste. La sensation du froid et du chaud dépend pour beaucoup de la disposition où est le corps qui l’éprouve. — Une chaleur plus grande… Autre distinction, qui est exacte, mais qui n’est pas très-nécessaire. — La même chose. Autre remarque non moins vraie, la quantité de chaleur dépendant souvent de l’étendue de l’objet échauffé ou refroidi ; car la même remarque s’applique au froid aussi bien qu’au chaud.
  30. Que l’on compare. Le texte n’est pas tout à fait aussi précis ; mais le duel qu’il emploie implique une idée de comparaison. — Passe pour plus chaude. Et elle l’est en réalité. — L’un est contraire… l’autre semblable. J’ai dû conserver dans la traduction l’indécision du texte ; mais le sens n’est pas douteux, quoique l’expression ne soit pas aussi claire qu’on pourrait le désirer. Contraire, Eloigné, Semblable, Proche, se rapportent à la disposition actuelle de notre sensibilité, quand nous percevons ces impressions diverses. — Des acceptions absolument différentes. Le texte n’est pas aussi formel. — Des nuances qu’il faut distinguer. Ceci est vrai ; mais il faudrait montrer comment la question se rattache à l’organisation animale.
  31. À la fois. J’ai ajouté ces mots, qui me paraissent nécessaires pour compléter la pensée. — Échauffe plus que la flamme. C’est l’expression du texte ; on peut la trouver bien vague ; et la comparaison entre la chaleur de l’eau bouillante et celle du feu pouvait être expliquée plus nettement. Peut-être faudrait-il traduire par « Plus chaude » au lieu de dire : « Échauffe plus ». — Est plus chaude qu’un petit feu. Le texte a changé ici d’expression, comme ma traduction le fait. — Le feu ne devient jamais froid. Cet argument n’est pas très-fondé. — L’eau bouillante est plus chaude que l’huile. Ce détail et ceux qui suivent peuvent paraître ne se rattacher que de très-loin à la question de la chaleur animale. L’huile dont se servaient les Grecs n’avait pas sans doute les mêmes qualités que les huiles dont nous nous servons. L’eau se congèle à 0° ; et il y a des huiles qui ne gèlent qu’à — 4°, et même au-dessous. L’huile grecque se congèle, à ce qu’on croit, même avant que la température soit à 0°. — Ils brûlent bien davantage. C’est l’expression même du texte.
  32. Il faut ajouter. La digression continue ; et tous ces détails sont un peu prolixes. — Étrangère…. propre. Ceci se rapproche davantage de la question relative aux animaux. L’eau n’est pas chaude par elle-même ; le feu, au contraire, est essentiellement chaud, bien que sa chaleur puisse dans certains cas être moins durable que celle de l’eau. — C’est comme si…. La comparaison peut paraître assez singulière, bien qu’elle ne soit pas fausse.
  33. Par soi-même… accidentellement. La distinction est très-juste, comme le prouvent tous les exemples qui viennent d’être cités. — D’après la sensation qu’il nous cause. J’ai dû développer un peu le texte. — A plus de chaleur quand on la touche. Ceci ne paraît pas exact ; mais le texte ne peut offrir un autre sens.
  34. Laquelle est la plus chaude. La remarque d’Aristote est juste, si l’on considère les ressources de la science au temps où il écrivait. Aujourd’hui, les instruments dont nous disposons nous permettent de comparer la chaleur relative des différents corps. — À un certain point de vue… à un point de vue différent. C’est ce que la science actuelle peut vérifier dans ses expériences de chaque jour. — Il y a même de ces objets. Les exemples qui suivent, de l’eau et du fer, expliquent clairement la pensée.
  35. . Est bien une nature d’une certaine espèce. Le fait est incontestable ; et grâce au thermomètre, le froid commence pour nous à zéro, de même que la chaleur commence au-dessus. Chez les Anciens, la limite n’était pas aussi facile à déterminer. — De la fumée ou un charbon. La fumée est chaude par nature comme le feu, tandis que le charbon ne devient chaud que comme le deviennent le fer et l’eau, cités plus haut. — L’huile et la poix. Exemples analogues. Ces deux matières ne deviennent chaudes qu’à la façon de l’eau par le contact du feu. De plus, la poix se liquéfie sous l’action de la chaleur.
  36. La poussière et la cendre. La cendre vient du feu sans doute ; mais elle se refroidit tout aussi bien que l’eau, et elle n’a pas de chaleur par elle-même ; la poussière en a encore moins. — Les déjections des animaux… Il semble, d’après ce passage, qu’Aristote a pressenti la grande théorie moderne qui, dans la respiration et l’entretien de la vie, voit une combustion, qu’alimente sans cesse l’oxygène tiré de l’air extérieur. Cuvier, Anatomie comparée, leçon XXIVe, pp. 172 et suiv., Ire édit. et XXVe leçon, pp. 296 et suiv. — Et qu’il leur en est resté quelque chose. Le texte n’est pas plus précis. — La poix et les graisses… Qui se liquéfient d’abord par l’action du feu, et qui ensuite deviennent brûlantes, comme l’eau bouillante. — La chaleur coagule et dessèche. Cette action de la chaleur varie avec les divers objets auxquels elle s’applique ; et selon ce qu’ils sont par eux-mêmes. — Aqueuses… terreuses. Il faut se rappeler que, pour les Anciens et spécialement dans les théories d’Aristote, il n’y a que quatre éléments, à l’aide desquels on essaie d’expliquer la composition de tous les corps, vivants ou bruts. Aujourd’hui, les éléments ou corps simples de notre chimie sont infiniment plus nombreux et surtout plus réels, parce que l’analyse a été poussée beaucoup plus loin.
  37. Dans d’autres ouvrages. Voir la Météorologie, liv. IV, ch. X, pp. 340 et suiv. de ma traduction. — Les matières qui se coagulent. Ou, « qui gèlent ». Id. ibid., liv. IV, ch. VII, VIII, IX et X. — Exprimer ces nuances de bien des manières. Ces déterminations ne pouvaient Jamais être que très-vagues, en l’absence d’instruments qui permissent de les préciser. — Chaude en soi… d’une façon tout accidentelle. C’est là en effet une distinction qu’il faut toujours faire.
  38. La chaleur en puissance.., effective. Ces distinctions, qui sont surtout métaphysiques dans Aristote, ne sont pas ignorées de la physique et de la chimie modernes, où l’on pourrait trouver, sous une autre forme, des théories analogues.
  39. . Il va sans dire… Le froid étant l’opposé de la chaleur, il s’ensuit que tout ce qui est dit de la chaleur peut, en sens inverse, s’appliquer au froid également. Les choses sont plus ou moins froides, de même qu’elles sont plus ou moins chaudes, etc., etc.
  40. Ce que nous avions à exposer… On peut trouver que l’explication a été un peu longue ; mais elle était nécessaire pour bien comprendre ce qu’est la chaleur du sang, qui est le véritable objet de toute cette digression. Du reste, la question est une des plus importantes que la biologie générale puisse se proposer. Il suffit pour s’en convaincre de lire ce qu’en dit Cuvier, à propos de la respiration, dans son Anatomie comparée, leçons XXIVe et XXVIe, pp. 167 et 296.
  41. Comme suite… Après le froid et le chaud, Aristote doit étudier l’action du sec et de l’humide, puisque ces quatre qualités sont celles des quatre éléments. Ces théories se tiennent ; et Aristote les a toujours jointes dans ses recherches cosmologiques ; voir la Météorologie, liv. II, ch. IV, § 1, p. 141 de ma traduction, et surtout liv. IV, ch. I, p. 273. — En puissance et en acte. Distinction qui est très-réelle en toutes choses, mais qui l’est particulièrement ici, comme plus haut pour la chaleur et le froid. — La glace et tout liquide L’exemple est d’une clarté parfaite. — La terre et la cendre… Toutes ces observations, plus ou moins exactes, se trouvent déjà dans la Météorologie, liv. II, ch. III, § 29, p. 133 de ma traduction, et liv. IV, ch. II, §§ 2 et 3, p. 349, même traduction.
  42. Quand les matières se sont séparées. C’est-à-dire, la terre et la cendre, se séparant de l’eau à laquelle elles ont été mêlées, chacune retourne à sa nature propre, l’une sèche, l’autre liquide.
  43. C’est en ce sens… C’est-à-dire quand les choses ont en elles-mêmes une qualité naturelle qui leur est propre, et qu’elles ne perdent qu’accidentellement pour la reprendre quand les circonstances viennent à changer. — Plus haut. Voir plus haut, ch. § 10.
  44. . Ces points une fois fixés. La discussion, après ces théories préliminaires, en revient au sang, dont il faut expliquer la chaleur. L’explication donnée ici n’est pas bonne sans doute ; mais c’était déjà beaucoup que d’essayer de la donner. — Ce qui le fait être du sang. Ou bien « L’élément quelconque qui devient du sang ». Quant à la question même de la chaleur communiquée au sang, il aurait fallu, pour la résoudre, connaître la circulation pulmonaire, et l’action spéciale de l’air introduit par les bronches dans le poumon. Cette belle découverte était réservée à Harvey et au XVIIe siècle. — Dans la définition de l’homme blanc. C’est-à-dire, d’une manière tout à fait accidentelle. L’exemple d’ailleurs peut sembler assez étrange et assez obscur. — Il n’est pas chaud en soi. C’est la conclusion de cette discussion, qui aurait pu être plus concise.
  45. Nous en pouvons dire autant du sec et de l’humide. C’est-à-dire qu’il y a des corps qui sont essentiellement secs ou humides, et qu’il y en a d’autres qui ne le sont qu’accidentellement. — Lorsqu’ils sont isolés. C’est-à-dire, quand ils sont dans leur état naturel, et qu’ils n’ont pas subi une action extérieure, comme celle du feu. — Comme le sang… comme la bile. Entre le sang et la bile, il n’y a pas cette différence de température qu’Aristote croit y voir. — Ils se refroidissent et se liquéfient. Ils redeviennent ce qu’ils sont par nature, froids et liquides. — Plus sec. Le sang finit par se dessécher complètement, par suite de l’action de l’air, à laquelle on l’expose. — La bile jaune… Par cette épithète donnée à la bile, Aristote semblerait en distinguer plusieurs espèces ; ce qui ne serait pas exact. Voir Cuvier, Anatomie comparée, tome IV, pp. 35 et suiv., Ire édit. 6. A peu près tout ce qu’on peut dire. On peut trouver que ce que dit ici Aristote n’est pas suffisant pour expliquer la nature du sang ; mais il ne faut pas perdre de vue que la science en est à ses premiers pas. — Participer des qualités contraires. En ce sens qu’il peut être tantôt froid et tantôt chaud. Mais le sang, considéré dans son état naturel, qui est de circuler dans les artères et les veines, est essentiellement chaud, puisque dans le corps humain, il est toujours à plus de 35°, au-dessus de zéro.
  46. Nécessairement… Toutes les considérations qui suivent sur la nutrition et la chaleur sont très-justes, bien que peu précises ; nous en savons aujourd’hui bien davantage ; mais au temps d’Aristote, les notions qu’il donne étaient bien neuves. — Se développe et s’accroît.. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Doit prendre de la nourriture. De là vient que la fonction de la nutrition est générale dans toute la nature animée, dans les plantes aussi bien que dans les animaux. — Liquide et… sèche. Il aurait mieux valu dire : Ou, au lieu de Et. L’alimentation se fait nécessairement sous l’une de ces deux formes, ou sous les deux à la fois. — La digestion, Ou, la Coction, le mot grec a les deux sens ; et la digestion est bien en fait une sorte de cuisson des aliments. — La puissance, Ou, la Force. — Tous les animaux, toutes les plantes… La théorie est juste et irréfutable ; mais on ne sait rien pour ainsi dire de la digestion et de la coction chez les plantes, tandis que l’on connaît assez bien ces deux fonctions chez les animaux, — Un principe de chaleur naturelle. C’est le résultat de l’action du cœur et de la circulation chez les animaux supérieurs. — Plusieurs parties de leur organisation. Il aurait fallu désigner quelques-unes de ces parties. — Les élaborations. Ce mot est le mot même du texte ; j’ai ajouté l’épithète de Successives. Voir dans Cuvier, Anatomie comparée, tome III, Ire édit., le préambule de la XVIe leçon sur les organes de la digestion.
  47. . La première opération… par la bouche. C’est également ainsi que Cuvier commence l’étude de la digestion. Cet ordre est nécessaire, et il résulte évidemment de la nature des choses ; mais Aristote a le mérite de l’avoir appliqué le premier. — Pour être divisée. Cette fonction est accomplie dans la bouche par les dents, dont les formes diverses répondent aux diverses phases de cette première élaboration. Plus loin, liv. III, ch. I, Aristote reviendra longuement sur ce rôle des dents et de la bouche. — La bouche… n’est pour rien… elle prépare. Nous ne saurions mieux dire aujourd’hui. — Une bonne digestion. C’est un point d’hygiène incontestable ; et de là, l’importance que tous les médecins et les grands zoologistes ont attachée à l’étude des mâchoires et des dents ; voir l’Anatomie comparée de Cuvier, qui y a consacré trois leçons entières, XVIe, XVIIe et XVIIIe — En petites parcelles C’est l’effet de la mastication. — Plus facile à la chaleur. Ceci n’est pas faux ; mais c’est surtout l’action de l’estomac qui est facilitée par la première élaboration des dents. — La cavité supérieure… inférieure. La cavité ici, c’est d’abord la bouche, et ensuite l’estomac, qui l’un et l’autre sont creux et forment une cavité. Peut-être faut-il aussi comprendre l’estomac et le conduit intestinal, l’estomac étant considéré comme la partie supérieure, et l’intestin comme la partie inférieure ; mais le sens que je donne dans la traduction me semble préférable, à cause de ce qui précède.
  48. Le conduit, Ou, le Passage. — Non encore élaborée. Au moment de l’introduction, les aliments ne sont pas élaborés ; mais ils subissent dans la bouche une première transformation, qui vient non seulement des dents, mais aussi des glandes salivaires et du liquide qu’elles secrètent. Voir Cuvier, Anatomie comparée, tome III, XVIIIe leçon, pp. 203 et suiv., 1re édit., et aussi pp. 362 et suiv., sur le suc gastrique. — Attenante à la bouche. Ce n’est pas faux ; mais l’analyse n’est pas cependant assez exacte. — L’œsophage. Voir Cuvier, Id. ibid. XXe leçon, p. 366. — D’autres principes. Ceci est très-vrai ; et, parmi ces autres principes qu’Aristote ne nomme pas, on peut citer les canaux lymphatiques. — Comme dans une crèche. Cette métaphore est à remarquer dans Aristote, qui prend bien rarement de ces formes de style. — Et des autres viscères. Cette généralité est encore très-vraie, quoique un peu vague. — Les végétaux. Aristote ne manque jamais de rapprocher les plantes des animaux, toutes les fois qu’il en trouve l’occasion. — Les végétaux n’ont pas d’excrétions. Il faudrait ajouter : « Matérielles et apparentes », bien qu’il fût facile de supposer que les végétaux, se nourrissant, devraient avoir aussi quelques résidus de la nutrition. — La terre et la chaleur qui est en elle. L’explication est plus ingénieuse que vraie ; mais même aujourd’hui on ne sait pas encore d’une manière bien précise comment les végétaux se nourrissent. — Leur tiennent lieu d’estomac. Ceci encore est fort ingénieux.
  49. Une sorte de terre. L’expression est très-remarquable, à la fois parce qu’elle est fort juste et parce que les métaphores de ce genre sont excessivement rares dans Aristote. On trouvera dans Cuvier des idées tout à fait analogues, revêtues aussi d’un langage admirable, Anatomie comparée, Ire leçon, pp. 12 et suiv., Ire édit. Après avoir parlé des végétaux qui sont attachés au sol, il ajoute : « Les animaux, au contraire, qui ne sont pas fixés, et qui changent souvent de lieu, devaient pouvoir transporter avec eux la provision de sucs nécessaires à leur nutrition. Aussi ont-ils reçu une cavité intérieure dans laquelle ils placent les matières qui doivent leur servir d’aliments, etc., etc. » Puis, Cuvier répète l’expression énergique de Boerhaave, qui voit dans les vaisseaux absorbants des viscères « de véritables racines intérieures ». Il était possible, comme le montre notre texte, de remonter jusqu’au naturaliste grec pour lui faire honneur de cette image, que les plus grands physiologistes seraient heureux d’avoir trouvée. — Tirer leur nourriture. C’est ce que font les vaisseaux lymphatiques, pompant successivement le liquide nourricier dans le canal intestinal, pour le répartir dans toutes les parties du corps. — Transmet les aliments à l’estomac. C’est bien l’ensemble du phénomène dans sa partie essentielle ; mais les progrès de l’anatomie et de la physiologie ont permis à la science moderne de pousser l’analyse beaucoup plus loin. Il faut lire dans l’Anatomie comparée de Cuvier tout ce qui concerne la digestion, lec. XVIe et suivantes, depuis les dents jusqu’aux excrétions. — Un autre organe. Ceci est trop vague pour expliquer tout ce travail qui se fait dans les intestins après celui de l’estomac ; Aristote ne connaissait pas les vaisseaux chylifères et lymphatiques.
  50. Les veines se dirigent partout… Il est difficile de voir à quels faits anatomiques Aristote veut faire allusion, bien qu’il eût pris la peine de joindre des dessins à sa description. — Jusqu’au ventre. On pourrait traduire aussi : Jusqu’à l’estomac ; le mot grec a les doux sens. Mais il est impossible de se rendre compte clairement du trajet « des veines partant d’en bas ». — Des dessins Anatomiques. On sait que c’est Aristote qui a pensé le premier à cet ingénieux procédé. Voir M. Emile Heitz, Les écrits perdus d’Aristote, 1865, p. 71. — L’Histoire naturelle. C’est l’expression même du texte ; et c’est évidemment l’Histoire des Animaux, qui se trouve désignée ainsi, liv. III, ch. III, § 2 et IV, § l, de ma traduction. — Le sang est la nourriture définitive. C’est le sang que la science moderne appelle le fluide nourricier ; au fond, elle adopte la pensée du naturaliste grec, ou plutôt elle constate le même fait. — Qui tient lieu du sang. Par exemple, chez les insectes et chez tous les animaux à sang blanc ; voir la Préface à l’Histoire des Animaux, pp. XXXII et suiv.
  51. Diminue. Ou peut-être : Manque. — Qui ne prennent pas de nourriture. La privation absolue de nourriture amène la mort ; il ne s’agit sans doute ici que d’une privation relative, qui réduit la quantité du sang et l’altère. — Chez ceux qui en prennent. Le fait est évident dans cette généralité ; le point le plus délicat, ce serait de fixer le rapport de la quantité du sang à la quantité de la nourriture ; mais je ne sais si des calculs de ce genre ont jamais été faits. — N’a pour objet que de les nourrir. Cuvier, Anatomie comparée, tome III, de la digestion en général, p. 4, dit : « Tous les aliments se décomposent et se confondent par l’acte de la digestion, en un fluide homogène, d’où chaque partie reçoit les aliments qui la doivent nourrir, les attire à elle par une espèce de choix, et les combine entre eux dans les proportions convenables. C’est l’emploi de ce fluide nourricier qui constitue la nutrition proprement dite. »
  52. Même en étant touché dans les organes… Le texte semble dire que le sang quand on le touche ne cause pas de sensation ; ce qui n’aurait pas un sens très-clair ; j’ai préféré l’interprétation que je donne à cause de ce qui suit ; mais je reconnais que le texte ne s’y prête pas beaucoup. Le sang, pourrait-on dire encore, n’est pas plus sensible qu’aucune des autres sécrétions du corps, tandis que la chair, par exemple, est très-sensible, dès qu’on la touche. Ce rapprochement de la chair et du sang n’est pas très-exact ; mais cette observation se réduit à ceci que le sang et les autres excrétions du corps ne sentent pas, comme la chair sent dans le corps entier. — N’est pas en contact avec la chair. Ceci n’est pas exact ; et par la ramification des vaisseaux de plus en plus ténus, le sang se mêle à la chair et la nourrit. Mais au temps d’Aristote, l’analyse anatomique ne pouvait pas être poussée aussi loin. — En un vase. C’est l’expression même du texte, que la science moderne conserve en grande partie, quand elle nous parle du « système vasculaire ». — Et les veines. Nous ajouterions : « Et les artères » ; mais Aristote ignorait cette distinction. — Leur développement et leur croissance. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Le traité de la Génération des Animaux. Voir cet ouvrage spécial, liv. III, p. 222, de l’édition et traduction de MM. Aubert et Wimmer. — Et ailleurs. Aristote a parlé souvent de la nutrition ; il avait fait un ouvrage particulier sur ce grand sujet ; mais cet ouvrage est malheureusement perdu.
  53. Une intelligence plus brillante… Ces considérations sur le rapport du sang à l’intelligence sont fort ingénieuses ; et l’on peut regretter que, dans la science moderne, on ne les ait pas reprises et poussées plus loin. — À cause de la froideur du sang. Il semblerait plutôt que c’est la chaleur qu’il faudrait dire. Toutefois il semble constaté par de récentes recherches qu’en général les hommes de génie et de haute intelligence ont le pouls très-faible et extrêmement lent ; ce qui rentrerait dans la théorie d’Aristote, croyant que la froideur du sang contribue à aiguiser l’esprit. — Le terreux. J’ai conservé la formule même du texte, qui d’ailleurs est très-claire. — Des humeurs. Le grec dit mot à mot : L’humidité.
  54. Qui n’ont pas de sang. Ce sont les insectes, selon les théories ordinaires d’Aristote. — Antérieurement. Voir plus haut, ch. I, § 16, et ch. II, §§ 4 et suivants. — L’abeille, la fourmi… Il faut voir la longue étude qu’Aristote a consacrée aux abeilles dans l’Histoire des Animaux, liv. IX, ch. XXVI et XXVII de ma traduction ; voir aussi la Préface à cet ouvrage, p. XII. — Le sang est trop aqueux. Ceci atteste que les observations d’Aristote sur le sang étaient exactes et profondes. La trop grande liquidité du sang est une cause d’affaiblissement très-réel ; et chacun de nous peut sans trop de peine en faire l’expérience. L’anémie, dont on parle tant de nos jours, n’a pas très-souvent d’autre cause. — Sont plus timides. Ceci n’a rien d’impossible. — Cette mixtion humide qui est dans le cœur. Le texte n’est pas plus précis. — Prédisposés à la crainte. Il est certain que la frayeur nous cause un refroidissement subit, et parfois même, quand elle est trop forte, elle arrête la circulation du sang et la vie. Tous les phénomènes qu’Aristote décrit sont d’une parfaite exactitude ; et ce sont des observations qu’il est facile de vérifier sur les animaux qui vivent autour de nous. — Sans mouvement… leurs excréments… changent de couleur. Ce sont là des faits certains, qui se renouvellent fréquemment.
  55. . Beaucoup de fibres… épaisses. Cette généralité est fort exacte ; et c’est bien la fibrine, en effet, qui donne au sang sa consistance. — Plus terreuse. C’est-à-dire, plus solide ; c’est le caillot, qui peut se séparer du sérum, qui est la partie liquide du sang. — Leur caractère est plus courageux. Ces études ne semblent pas avoir été poursuivies par la science moderne, toutes curieuses qu’elles sont. Quelle influence la composition du sang peut-elle avoir sur le caractère des animaux ? Quel est le rapport de l’une à l’autre ? — La colère produit de la chaleur. Ceci encore est incontestable. — Plus de chaleur que les liquides. Voir plus haut la théorie sur les degrés de calorique dans les différents corps, liv. II, ch. II, §§ 11 et suivants. — Sont solides et terreuses. C’est bien là la différence du sérum et du caillot ; c’est le caillot qui est solide, et, pour prendre le langage aristotélique, qui est terreux. La fibrine est dissoute dans le sérum, qui est liquide. — Des étuves dans le sang. Ceci est justifié par ce qui suit. — Un véritable bouillonnement. Ce n’est pas l’état habituel du sang ; mais cette ardeur du sang est très-réelle dans les cas exceptionnels de vives émotions ou de fièvres.
  56. Les taureaux et les sangliers. Le caractère prêté ici aux sangliers et aux taureaux est bien le leur ; ce caractère tient-il à la composition du sang ? C’est là une question difficile, que la science moderne aurait sans doute grand’-peine à résoudre. — Celui qui a le plus de fibres. Le fait serait facile à vérifier. La chimie actuelle a constaté que le sang se compose de globules, rouges et blancs, en quantité prodigieuse, d’albumine, de fibrine, d’eau et de substances diverses, dans des proportions qui sont par ordre, 127, 70, 3, 790 et 10, pour une quantité totale de 1,000. — Qui se coagule le plus rapidement. Le fait paraît exact. — Ne se coagule plus. La science actuelle a constaté le fait, qui est absolument indubitable. C’est la fibrine seule qui se coagule dans le sang ; mais on ne sait pas encore comment elle se coagule. Ce n’est pas le froid qui produit la coagulation, puisqu’elle est plus rapide si le sang est maintenu à la température ordinaire du corps. — D’une masse de boue. La comparaison peut paraître assez singulière ; mais elle n’est pas fausse, et il est certain que, si d’une masse de boue, on sépare l’eau et la terre, l’eau reste liquide et ne se solidifie pas, comme lorsqu’elle est mêlée à la partie terreuse. — Ne se solidifie pas. Comme la terre en se desséchant ; le froid ne joue ici aucun rôle. — Sont de la terre. Voir plus haut, § 4. — Si l’on n’enlève pas les fibres. Ceci prouve qu’Aristote avait fait de nombreuses expériences sur la composition du sang, aussi curieusement qu’on pouvait en faire de son temps. — Ainsi qu’on l’a déjà dit. Voir plus haut, § 1 ; il serait d’ailleurs difficile de savoir à quoi se rapporte précisément cette référence. Mais bien par le froid. Ce n’est pas exact.
  57. . Il n’y a d’humidité… Ces théories peuvent nous paraître aujourd’hui contestables et fausses ; au temps d’Aristote, elles étaient neuves, et elles devaient paraître fort avancées. — Dans le caractère des animaux. Voir le § précédent. — La matière du corps tout entier. Ceci est exagéré ; la fonction du sang est de nourrir le corps en le développant jusqu’à un certain point, et en le nourrissant ; mais on ne peut pas dire qu’il en soit absolument la matière. — La nourriture définitive. Ceci est exact, bien qu’Aristote n’ait pas pu savoir, sur la formation du chyle et l’action des vaisseaux lymphatiques, tout ce qu’on en sait aujourd’hui. Voir l’Anatomie comparée de Cuvier, XXIVe lec., tome IV, pp. 166 et suiv., Ire édition ; voir aussi M. Edmond Perrier, Anatomie et Physiologie animales, pp. 410 et suiv., édit. 1882. — La lymphe est la partie aqueuse. Nous dirions le sérum, que l’on distingue de la lymphe proprement dite. La lymphe est liquide, incolore, et elle circule dans les vaisseaux dits lymphatiques, à peu près comme le sang circule dans les artères et dans les veines. — Elle soit corrompue. La lymphe n’a rien de corrompu ; elle a seulement une nature spéciale, qui n’a été analysée que dans ces derniers temps. — Dans le premier cas. C’est-à-dire, quand elle n’est pas encore bien digérée, comme parle Aristote, et n’est pas arrivée à toute sa perfection. — Dans le second. C’est-à-dire, quand elle est complètement formée. — Elle appartient au sang. Ou peut-être : « Elle n’existe qu’en vue du sang ». Ceci pourrait également s’appliquer, soit à la lymphe, soit au sérum. On ne sait pas encore si les globules lymphatiques se convertissent en globules sanguins, bien que ce soit assez probable.
  58. La graisse et le suif. La science actuelle étudie aussi la composition des substances graisseuses, après celle du sang. La graisse joue un rôle très-important dans l’organisme général des animaux, soit terrestres, soit surtout aquatiques, chez lesquels la graisse est huileuse. Dans les animaux terrestres, la graisse est solide à des degrés divers. Le suif est la graisse particulière de certains animaux, et spécialement de l’espèce ovine et bovine. « La graisse, dit Buffon, diffère du suif, en ce qu’elle reste toujours molle, tandis que le suif durcit en se refroidissant » ; Quadrupèdes, tome I, p. 248, citation de Littré, Dictionnaire, article Suif. — En cette portion qui fait sa chair. On peut accepter cette définition de la graisse. — Bien mûr et bien nourricier. La fonction réelle de la graisse est bien celle-là. C’est le tissu cellulaire qui sécrète aussi la graisse ; seulement cette sécrétion spéciale reste dans les cellules, au lieu d’en être expulsée, comme l’urine et les fèces. — L’éclat dont ils brillent. Peut-être l’expression est-elle un peu forte, surtout pour le suif ; elle est plus exacte pour la graisse. Observées au microscope, les gouttelettes et les gouttes de graisse ont une vive réfringence. — L’éclat brillant des liquides. En réalité, les liquides font l’effet de miroirs quand la lumière les frappe. — Un mélange d’air et de feu. Ce sont les théories qui sortaient nécessairement de la théorie des quatre éléments.
  59. N’ont jamais de graisse ni de suif. Précisément parce que le suif et la graisse ne proviennent que des matières charriées par le sang, dans l’acte de la nutrition. — A beaucoup de corps. C’est l’expression même du texte. Le corps du sang est formé par le caillot, qui lui donne sa consistance et qui vient de la fibrine. — Les agglomérations liquides. Le sens exact du mot grec est assez obscur. — Peu d’eau et beaucoup de terre. Peut-être ceci pourrait-il se rapporter directement au suif, composé, selon les théories de cette époque, de beaucoup de terre et d’une petite quantité d’eau.
  60. Qui n’ont pas les deux rangées de dents. Ce sont en général les ruminants, qui n’ont d’incisives qu’à la mâchoire inférieure. Voir l’Anatomie comparée de Cuvier, XVIIe leçon, tome III, p. 142, 1re édition. — Ont-ils du suif. Le fait est exact ; mais l’explication qui en est donnée ici ne l’est pas autant. — Pleine de cet élément. C’est-à-dire, de l’élément terreux, dans les théories d’Aristote. — C’est qu’ils ont des cornes et des osselets. Ceci encore est exact ; et Aristote suppose que les cornes et les osselets, qui sont des conditions spéciales de ces animaux, ne peuvent provenir que de l’élément terreux. — Qui ont les deux rangées de dents. Ce sont les mammifères en général, sauf les ruminants, et les édentés, qui ont plus d’un rapport avec les ruminants. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 224, édit. de 1829. — Ne se coagule pas. Voir plus haut, § 1. — Ne s’égrène pas. C’est le sens exact du mot grec, et l’expression répond bien au fait. — Sa nature n’est pas terreuse. Comme celle du suif ; elle est plutôt aqueuse.
  61. . En quantité mesurée. L’observation est fort juste ; et la santé s’arrange mieux en effet d’un état moyen qui n’est, ni trop d’embonpoint, ni trop de maigreur. — Elles sont funestes. Observation non moins exacte que la précédente. Ce sont là des faits certains que l’expérience de chaque jour nous permet de vérifier, sans parler d’une observation personnelle. — Il périrait infailliblement. Parce que les fonctions les plus importantes ne pourraient s’accomplir. — L’animal consiste surtout… C’est en effet la sensibilité qui distingue essentiellement l’animal de la plante et du minéral. — La chair. Voir plus haut, ch. I, § 12 et § 15. — Un peu plus haut. Ch. III, § 12, Aristote a établi que le sang, non plus que les excrétions diverses du corps, n’est pas sensible, sans dire d’ailleurs par quel procédé il a constaté le fait qu’il affirme. — Cuit et mûri. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. Voir plus haut § 1. — Il n’aurait plus la moindre sensibilité. Ceci paraît également exact.
  62. Vieillissent vite. Il ne semble pas que la science moderne ait étudié ce sujet d’une manière particulière ; mais on peut croire que la théorie d’Aristote est vraie ; et qu’en effet les personnes grasses vieillissent en général plus vite que les personnes maigres. — La diminution du sang. Ceci peut se comprendre à la fois sous le rapport de la quantité, et aussi de la qualité. Le sang diminue de volume, et il est profondément altéré. — Un acheminement vers la destruction. Cette remarque est juste comme toutes les précédentes, et l’expression est ingénieuse. — Moins féconds. Ceci est encore facile à vérifier. — En liqueur séminale et en sperme. Les deux mots sont dans le texte, bien qu’ils signifient tous les deux la même chose, si ce n’est que peut-être le second s’applique plutôt à l’homme qu’au reste des animaux. — Aucune excrétion. Sous-entendu : Spermatique.
  63. . Le sang, la lymphe Résumé des chapitres précédents, à partir du second. Voir l’Anatomie comparée de Cuvier, tome V, dernière leçon, des Sécrétions, pp. 201 et suiv.
  64. La moelle… Il semble que la zoologie moderne ait donné peu d’attention à la moelle, ou du moins elle ne lui en a pas donné autant que le naturaliste ancien ; voir l’Anatomie comparée de Cuvier, IIe leçon, pp. 107 et 111, première édit.; et IXe leçon, t. Il, p. 188. — Une certaine nature de sang. C’est la traduction exacte du texte ; mais cette théorie n’est peut-être pas fort exacte. La moelle est très-différente du sang, bien que les artères et les veines soient fort nombreuses dans la moelle ; elle est recouverte de membranes, et quand on les lui enlève, elle se liquéfie presque aussitôt ; elle est composée de substance blanche, venant de l’encéphale par le grand trou occipital ; le cerveau et le cervelet y contribuent. Les membranes du cerveau se prolongent dans le canal vertébral et recouvrent la moelle épinière. — La force spermatique de la semence. Ce qui a pu donner lieu à cette théorie, c’est que souvent la consomption dorsale, si bien décrite par Hippocrate, tient à l’excès des plaisirs vénériens. Aristote d’ailleurs aurait dû nommer les naturalistes auxquels il prête l’opinion qu’il combat. Voir aussi le Manuel d’anatomie comparée de M. Gegenbaur, p. 695. — Toute sanguine. Cette appréciation ne paraît pas fort exacte ; mais elle prouve cependant avec quel soin Aristote avait étudié cette question. — En mûrissant. C’est l’expression même du texte ; la maturité ne signifie que le développement complet de l’animal ; voir plus loin, liv. III, ch. IV, § 3.
  65. Elle est onctueuse. Comme l’est la graisse, dont elle se rapproche par l’apparence. — À la graisse… comme du suif. Voir plus haut, le chapitre précédent sur la graisse et le suif. — Qui n’ont pas les deux rangées de dents. Les bœufs et les moutons. — Suiffeuse…. graisseuse. Suiffeux n’est pas français ; mais j’ai cru devoir risquer ce barbarisme, pour reproduire autant que possible le parallélisme du texte grec.
  66. La moelle du rachis. La moelle épinière n’est qu’un prolongement de l’encéphale, formé par les appendices du cervelet et du cerveau. Sa grosseur varie dans les différents points du canal vertébral ; c’est vers la partie inférieure du col qu’elle est la plus grosse, parce que c’est là que les vertèbres ont leur plus fort diamètre. A l’extrémité du canal vertébral, elle n’est guère plus qu’un filet. — Il y a…. très-peu d’animaux. En général, la zoologie moderne s’est surtout occupée de la moelle chez l’homme ; mais elle n’a pas étendu ses recherches à la série animale tout entière. — Comme ceux du lion. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XV, § 3, et ch. VII, § 8, p. 300 de ma traduction. Aucune marque particulière de moelle. Le texte n’est pas aussi développé.
  67. . Que les animaux aient des os. Cette généralité, si on la prenait dans toute son étendue, ne serait pas exacte, puisqu’il y a beaucoup d’animaux qui n’ont pas d’os ; il s’agit surtout des animaux supérieurs et des vertébrés. — Par l’absorption simultanée… Il serait difficile de savoir comment la moelle se forme ; mais il est à croire qu’elle a la même origine que les os, en partie du moins, quand on dit d’une manière générale que les os sont formés par l’absorption de la nourriture. C’est là en effet la condition uniforme et indispensable du développement de toutes les parties du corps. — La nourriture est du sang. C’est là un fait indiscutable pour tous les animaux, soit à sang rouge, soit à sang blanc. — Se cuit par la chaleur. La digestion et la nutrition qui produisent le sang ne sont qu’une combustion d’un certain genre ; et il est exact que c’est de là que vient la chaleur naturelle. — En étant renfermée dans les os. Cette théorie n’est pas exacte ; et la chaleur n’est dans les os que très-indirectement.
  68. . Il y ait très-peu de ces animaux qui en aient. Il semble que la suite naturelle de ce qui précède, ce serait de dire que certains animaux n’ont que très-peu de moelle ; mais le sens du texte est celui que j’ai donné, et il n’est pas douteux malgré sa singularité, aucun manuscrit n’offrant de variante. — Ont une arête. Ce sont les poissons. Je ne crois pas que la zoologie moderne se soit particulièrement occupée de la moelle dans les arêtes des poissons, où il y en a cependant pour quelques espèces. — La place suffisante. Les vertèbres des poissons s’unissent par des surfaces remplies de cartilage ; et l’axe de la vertèbre est un canal qui les fait communiquer entre elles ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 124.
  69. Ainsi qu’on l’a déjà dit. Il est difficile de citer précisément le passage auquel ceci se rapporte ; c’est peut-être au § 2 ci-dessus. — De boucle. C’est la suite de ce qui vient d’être dit sur la conformation de l’arête des poissons, dont la moelle semble unir les diverses vertèbres. — La tension nécessaire. L’explication peut ne pas sembler suffisante.
  70. . Voilà donc… Ce résumé ne s’applique pas très-bien aux considérations précédentes, où l’on n’a pas indiqué la cause de la moelle dans les animaux. La question est d’ailleurs fort obscure ; et personne, parmi les naturalistes modernes, ne l’a expliquée plus qu’Aristote. — Cuite et digérée. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte.
  71. . Du cerveau. Il semble qu’il eût été plus naturel de parler du cerveau avant de parler de la moelle épinière et de la moelle des os, puisque la moelle épinière n’est qu’un prolongement de la matière cérébrale et de la moelle allongée. — Bien des naturalistes. Il eût été curieux de savoir les noms de ces zoologistes qu’Aristote réfute. C’est à tort qu’il les combat, car, en effet, la moelle épinière vient du cerveau, qui peut en être considéré comme l’origine ; elle en est bien le prolongement ; voir Cuvier, Anatomie comparée, IXe leçon, article 12, p. 188, 1re édition. — Est tout le contraire de la moelle. L’erreur continue ; et si la moelle diffère du cerveau par la forme, elle s’en rapproche beaucoup par la matière. — La plus froide… naturellement chaude. Ce ne sont pas des différences suffisantes pour séparer la moelle aussi complètement de la substance encéphalique.
  72. Si la moelle… Aristote semble revenir ici à l’opinion qu’il combattait tout à l’heure. — Toujours la nature dispose… Témoignage nouveau de l’admiration d’Aristote pour la sagesse de la nature. — La moelle est chaude. Il est difficile de voir comment Aristote a pu s’assurer de la température de la moelle ; et de celle du cerveau. Il ne suffit pas d’y toucher, comme il le croit, puisque ce n’est jamais qu’après la mort qu’on peut y porter le doigt, ainsi qu’à la moelle. Durant la vie, aucune expérience n’est possible, ni sur l’encéphale, ni sur la moelle des os. — De toutes les parties liquides. On ne peut pas dire que le cerveau soit liquide, bien qu’il soit très-loin d’être aussi compact et aussi solide que les os. — Le moins de sang… par lui-même. Dans l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XIII, § 2, p. 73 de ma traduction, Aristote dit encore que le cerveau est humide, ou liquide ; id. ibid. § 5, p. 74, il répète que l’encéphale n’a pas de sang et qu’il n’a point de veines. — La plus exsangue. Le grec dit précisément : La plus sèche ; voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. III, § 13, p. 236 de ma traduction.
  73. N’est pas une excrétion. Il semble que ceci est d’une évidence telle qu’il n’y avait aucun besoin de le dire. — Continus. Ou Contigus. Mais de quelque façon qu’on traduise, ceci n’est pas très-exact, puisque l’encéphale tient à la moelle allongée et à la moelle épinière. — Il est d’une nature qui n’est qu’à lui. Ceci est plus exact. — Avec les parties qui servent à sentir. Ceci encore n’est pas exact, et il semble que bien des passages dans le Traité de l’Ame et dans les différents ouvrages d’histoire naturelle, supposent tout le contraire. Le moindre coup d’œil, comme le dit l’auteur, pouvait montrer que la vue, l’ouïe, l’odorat doivent avoir des rapports avec l’encéphale, puisque les « conduits » de ces divers sens pénètrent dans la tête et dans l’encéphale. — Il ne sent rien. Au contraire, c’est lui seul qui sent tout ; mais Aristote ne pouvait pas connaître le véritable rôle des nerfs. Pour le cerveau, voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XIV, p. 2. p. 293 de ma traduction, où la même chose est dite du sang et des excrétions des intestins. — De conserver tout ce que l’animal… Ceci semble un peu contredire ce qui vient d’être dit. La contradiction semble encore plus forte dans le paragraphe qui suit. § 4. Il y a des philosophes. Il eût été à propos de les nommer. — L’âme de l’animal pour du feu. Ceci pourrait se rapporter à l’école d’Héraclite, qui donnait tant d’importance à l’élément du feu. Voir le Traité de l’Ame, liv. I, ch. V, § 18, p. 156 de ma traduction, et aussi, liv. III, ch. 1er, § 3, p. 256, où est discuté le rapport de l’âme aux éléments. — Dans un corps pareil au cerveau. C’est là en effet l’opinion la plus naturelle et la plus probable, parce que c’est au cerveau que semblent aboutir tous les sens, et toutes les facultés qui constituent l’âme dans ses parties les plus élevées. — La chaleur est, de tous les corps… L’argument n’est pas très-fort ; et si la chaleur est indispensable à l’âme, elle a moins besoin du cerveau que de tout autre organe, puisque dans les théories d’Aristote, le cerveau est essentiellement froid. — De nourrir et de mouvoir l’animal. Ce sont bien là des facultés qu’Aristote prête toujours à l’âme ; mais c’est surtout la sensibilité qui distingue et fait l’animal ; et c’est l’âme qui le rend sensible. — Supposer que l’âme est du feu. Ainsi, selon Aristote, l’âme se servirait du feu et de la chaleur ; mais elle ne serait elle-même ni chaleur ni feu. Il ne faut pas plus confondre l’âme avec le feu dont elle se sert qu’on ne doit confondre l’ouvrier et son outil.
  74. .— Qui ne viennent que plus tard. Par exemple la semence et le lait, que l’animal n’apporte pas dès sa naissance, comme il apporte le sang, et qui ne sont produits que postérieurement, quand l’organisation est complète. — L’examen et la théorie des Aliments. Il est bien probable que c’est là le titre de quelque ouvrage sur la nutrition ; est possible aussi que ce soit une simple indication générale de cette question souvent discutée dans d’autres ouvrages, comme le traité de la Génération. — Au sperme et au lait. Voir le Traité de la Génération, liv. I, ch. X et suiv., liv. II, ch. III, et passim.
  75. Absolument nécessaire aux animaux. Le fait est évident par lui-même ; et l’explication qu’en donne Aristote n’est pas assez démonstrative, parce qu’elle est trop abstraite. — D’un contrepoids… Voir plus haut § 2. — La nature a organisé le cerveau. Le cerveau ne fait pas équilibre au cœur, en étant froid tandis que le cœur est chaud. Dans toutes ces théories Aristotéliques, on peut trouver comme un reste des théories platoniciennes, telles qu’elles sont exposées dans le Timée.
  76. Tous les animaux qui ont du sang ont un cerveau. L’observation ici est exacte, surtout quand on se rappelle que la classe des animaux qui ont du sang est très-limitée dans la zoologie d’Aristote ; il est clair qu’il a surtout en vue les animaux vertébrés. — Comme dans le polype. L’expression est bien générale ; mais appliquée aux mollusques, il est certain que leur cerveau n’est qu’une masse médullaire, un peu plus grosse que d’autres masses analogues dispersées, en différents points du corps. Ce prétendu cerveau est situé en travers de l’œsophage, qu’il enveloppe d’un collier nerveux ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 2, édition de 1830. Il est bien remarquable qu’Aristote ait déjà vu qu’on pouvait assimiler cet organe à un cerveau. — Le cerveau domine et tempère… Ce n’est pas là du tout la fonction du cerveau. Il semble que la fonction supérieure du cerveau, c’est d’être le centre de la sensibilité et l’organe de la pensée et de l’instinct, chez l’homme et chez les animaux.
  77. . Pour que cet organe… Ici encore on peut trouver la trace des théories platoniciennes, telles qu’elles sont exposées dans le Timée, pp. 213 et suiv. traduction de M. Victor Cousin. — À la méninge… Dans l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XIII, § 3, Aristote reconnaît deux méninges, ou membranes du cerveau. Une anatomie plus attentive reconnaît aujourd’hui trois membranes au lieu de deux. — De peur que la chaleur ne vînt à nuire. Cette explication est la conséquence des précédentes ; mais si elle est fausse, elle peut du moins paraître ingénieuse. — Un sang léger et pur. Il ne semble pas que le sang qui se rend au cerveau ait des qualités particulières.
  78. Aussi, les fluxions. Cette théorie pourrait bien venir d’Hippocrate, qui plaçait dans la tête l’origine de nombreuses fluxions ; voir le Traité des Lieux dans l’homme, t. VI, p. 294, édit. et traduction Littré. Les fluxions de la tête, ou plutôt du nez, des oreilles et des yeux sont les plus apparentes de toutes ; et voilà comment elles ont du être observées les premières. — La nourriture venant à s’évaporer. Cette singulière physiologie peut nous étonner aujourd’hui ; elle était fort avancée au temps d’Aristote. — La force particulière à cette région du corps. Voir plus haut, § 2. — Les flux du phlegme et de la lymphe. Par ces mots, les Anciens n’entendaient pas précisément ce que les Modernes peuvent entendre. La nature de la lymphe proprement dite n’a été connue que depuis la découverte des vaisseaux lymphatiques. — Comme de la production de la pluie. La théorie de la froideur du cerveau étant donnée, la comparaison doit paraître ingénieuse, si, comme le dit Aristote, on peut comparer une petite chose à une grande. — La chaleur qui sort… Cette théorie de la pluie est très-exacte, et l’on peut s’en étonner quand on songe à l’époque où Aristote la conçoit. Voir la Météorologie, liv. I, ch. II, §§ 1 et suiv., p. 61 de ma traduction.
  79. Les maladies. C’est sous ce rapport seulement que la météorologie peut intéresser la zoologie, parce que la santé des animaux dépend beaucoup du climat et de la température où ils vivent. Aristote a traité des maladies des animaux dans l’Histoire des Animaux, liv. VIII, chap. XX et XXI, pp. 86 et suiv. de ma traduction. C’est sans doute à cette étude qu’il se réfère ici.
  80. Qui produit le sommeil. C’est la même théorie qu’on retrouve dans le traité spécial du Sommeil et de la Veille, ch. III, § 16, p. 170 de ma traduction. Dans ce passage, se retrouve aussi la comparaison avec la formation de la pluie, à peu près dans les mêmes termes. — L’organe correspondant. Voir plus haut, § 6. — D’autres causes semblables. On voit qu’Aristote ne se flatte pas d’avoir expliqué complètement ce singulier phénomène du sommeil, ch. III, § 15. Il a bien vu la difficulté. — La tête lourde et pesante. Le fait est très-exact. — Il chasse la chaleur. Ici encore c’est absolument la même théorie que dans le traité du Sommeil. Cette ressemblance prouve l’authenticité des deux ouvrages. — Dans les parties basses. Ceci n’est pas assez clair ; et l’on ne sait si ce sont les parties basses du corps entier, ou seulement du cerveau. — La faculté de se tenir debout. Ceci s’applique à peu près exclusivement à l’homme. — Pour tous les animaux. Bien des oiseaux dorment en gardant leur station habituelle.
  81. Sur la Sensation. On ne trouve rien qui puisse se rapporter à ceci dans le Traité de la Sensation et des Choses sensibles, tel que nous l’avons aujourd’hui. — Dans le livre sur le Sommeil. Voir le traité spécial, loc. cit.
  82. Un composé d’eau et de terre. Il faut toujours se rappeler que, pour les Anciens, il n’y avait que quatre éléments qui entraient dans la composition matérielle des corps. Comme le cerveau a une certaine humidité et une certaine consistance, on en concluait qu’il était formé d’eau et de terre. Cette théorie, quelque fausse qu’elle fût, a subsisté depuis Aristote jusqu’au XVIe siècle, tout au moins. — Si l’on fait cuire le cerveau. C’est là une preuve nouvelle que les Anciens et Aristote en particulier savaient faire des expériences, en même temps que des observations. — Sec et dur. Ceci n’est peut-être fort exact, à moins qu’en faisant cuire le cerveau, on aille jusqu’à le brûler entièrement et à le carboniser. — Des légumes et d’autres fruits. Même remarque. — N’est que de la terre. Dans le sens des théories de la chimie de l’Antiquité. — Ces résidus de combustion. Quand on pousse la combustion au point extrême où la chose se carbonise.
  83. C’est l’homme… qui a le cerveau le plus fort. Voir sur cette théorie l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XIII, § 3, p. 73. — Que les femmes. Le fait est exact ; et les hommes ayant en général des têtes plus grosses que les femmes, l’encéphale est aussi plus volumineux. — La région qui comprend le cœur et le poumon. C’est toute la cavité thoracique. — Est plus chaude. Ceci n’est peut-être pas très-exact. On ne comprend pas d’ailleurs comment les Anciens auraient pu mesurer la chaleur relative des divers animaux ; ils ne pouvaient à cet égard que faire des suppositions. — Qui se tienne tout droit. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XII, § 2, p. 69 de ma traduction. La raison qu’Aristote donne ici de la station droite de l’homme n’est pas très-exacte ; et selon toute apparence, la chaleur n’entre pour rien dans cette partie de notre conformation. — Le développement part du centre. Ceci peut être vrai si l’on regarde spécialement à l’action du cœur.
  84. Excès de chaleur… excès d’humidité. Voir plus haut § 5, où cette équipollence a été déjà indiquée, comme une des lois de la nature. — La Fontanelle. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XIII, § 5 et la note. Le mot grec est dans ce dernier passage comme dans celui-ci : Bregma ; quelques traducteurs n’ont fait que le reproduire ; j’ai cru pouvoir aller plus loin ; et le contexte justifie mon opinion. Aristote semble hésiter lui-même sur le sens du mot qu’il emploie, et qu’il ne s’approprie qu’en se conformant à l’usage. — Le dernier de tous. C’est exact, bien que l’explication ne soit pas bonne. Voir Cuvier, Anatomie comparée, VIIIe lec., art. II, pp. 15 et suiv. Ire édition. Voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. IX, § 8, p. 448 de ma traduction.
  85. . Le plus de sutures à la tête. Le crâne de l’homme a huit os reliés entre eux par les sutures qui les unissent, pour en former une boîte osseuse. Les quadrupèdes ont également huit os ; mais dans les quadrupèdes, les os se soudent d’assez bonne heure, de manière que la trace des sutures disparaît presque complètement, bien que les connexions soient à peu près les mêmes que dans l’homme ; voir Cuvier, Anatomie comparée, VIIIe lec., p. 22, Ire édit. — Les mâles en ont plus que les femelles. Peut-être vaudrait-il mieux dire les Hommes et les Femmes ; mais j’ai conservé la forme même du texte. Le fait d’ailleurs n’est pas exact ; et chez la femme les sutures sont les mêmes que dans l’homme. — Puisse bien respirer. Cette théorie est assez étrange. — Très-sympathiques. Ce mot est pris ici dans son sens propre ; et la sympathie entre les organes consiste surtout à ressentir en même temps les mêmes impressions de bien ou de mal. — Du sang qui est près de l’encéphale. Ceci semble en contradiction avec ce qui a été dit plus haut, § 1, sur la froideur de l’encéphale.
  86. De tous les liquides. Résumé des chapitres II à VII ; voir particulièrement le ch. II,
  87. Les autres parties similaires, Voir plus haut, ch. I et ch. II, § 1. Les parties similaires comprennent, entre autres ihaticres, le sang, les libres, la moelle, dont il a été question plus haut. La chair est une des parties similaires les plus importantes. — Dans ceux qui n’en ont pas. Notamment les insectes. — Un être doué de sensibilité. C’est là une des théories les plus solides d’Aristote. La sensibilité distingue essentiellement l’animal de la plante ; voir le Traité de l’Ame, liv. II, ch. II, § 4, p. 174 de ma traduction.
  88. Le toucher. Aristote a bien des fois rappelé ce grand principe, que la zoologie moderne a pleinement adopté. Cuvier, Règne animal, tome I, p. 30, édit. de 1829, met la sensibilité au premier rang des fonctions animales ; et il fait du toucher le sens le plus général. Le goût et l’odorat ne sont, suivant lui, que des touchers plus délicats. Le toucher ne manque jamais chez les animaux. — La pupille est la première partie de la vision. Voir sur la théorie de la vision, résumée ici. le Traité de l’Ame, liv. II, ch. VII, pp. 208 et suiv. de ma traduction. — Tout le diaphane. Pour le diaphane, voir le Traité de l’Ame, id. ibid., § 2 et suiv. — N’était-il pas indispensable à la nature… En effet, il y a des animaux qui n’ont qu’un seul sens, qui est toujours le toucher, et d’autres qui n’en ont que quelques-uns. — Corporel. J’ai conservé la formule du texte, quoique l’expression ne soit pas très-claire. Le toucher est sans doute plus matériel que la vue, puisqu’il y a l’impression des objets eux-mêmes d’une part, et que d’autre part il n’y a que leur image ; mais, pour le goût, il y a également le contact matériel, tout aussi bien que pour le toucher. L’odorat et l’ouïe sont, avec la vue, les moins matériels des sens, ou, comme dit Aristote, les moins corporels.
  89. Il est d’une évidence sensible. C’est le sens le plus naturel qu’offre le texte ; mais on pourrait traduire aussi : « En ce qui regarde la sensibilité. » — Sont faites pour celle-là, C’est-à-dire que toutes les autres parties sont sensibles et concourent à former le sens général du toucher. — Pour soutenir et protéger la partie molle. Cuvier exprime à peu près les mêmes pensées sur le squelette des animaux. Il fallait, dit-il, à ces corps, des parties solides pour en assurer la forme, et des parties fluides, pour y entretenir le mouvement, etc., etc.; Règne animal, tome I, p. 12, édit. de 1829. — C’est l’arête pour les uns et le cartilage pour les autres. Ceci établit dans la classe des poissons deux grandes divisions, dont la nomenclature moderne a conservé quelque chose ; voir Cuvier, Anatomie comparée, Ve leçon, art. XI, Des os des poissons, p. 399, édit. de l’an VIII.
  90. Certains animaux. Ce sont tous les animaux supérieurs, à commencer par les mammifères ; le squelette est toujours intérieur. — Les espèces de testacés. On sait que la zoologie moderne n’admet pas la classe des testacés. distincte des crustacés. Cuvier, dans son Règne animal, t. III, p. 117, édit. de 1829, fait des testacés le premier ordre des mollusques acéphales. La première famille des testacés est composée des ostracés, parmi lesquelles sont les huîtres, dont Aristote parle ici. — La partie charnue est en dedans. Le caractère spécial des mollusques est de n’avoir point de squelette articulé. Voir Cuvier, loc. cit. p. 1, sur l’organisation générale des Mollusques. — La partie terreuse. Voir plus haut, ch. II, § 19.
  91. La coquille, placée tout autour. Cette destination de la coquille n’est peut-être pas très-certaine ; mais la théorie est ingénieuse. — Comme une sorte de four. Je crois que c’est le sens le plus probable du mot grec, et ce sens est bien d’accord avec le reste du contexte. D’ailleurs, Aristote se borne à parler de la coquille de certains mollusques ; mais il aurait pu parler aussi du manteau, qu’ils ont presque tous. — Le genre des hémydes, ou Émydes. Le mot grec a, ou n’a pas, l’esprit rude indifféremment. Dans la classification moderne, les Emys sont surtout les tortues d’eau douce ; voir Cuvier, Règne animal, t. II, p. 10. Les tortues forment le premier ordre des reptiles, ou Chéloniens. — D’une espèce différente. Ceci est exact, puisque les tortues sont des reptiles, et que les animaux ci-dessus nommés ne sont pas des reptiles.
  92. Quant aux insectes et aux mollusques. Le rapprochement entre les insectes et les mollusques peut paraître assez singulier ; mais il n’est pas faux sous le rapport spécial où il est fait ici. — Les mollusques sont presque entièrement. Peut-être, pourrait-on traduire : « Presque tous les mollusques. » — Le milieu entre la chair et le tendon. Je ne vois pas que la zoologie moderne ait discuté cette question. — Par bandes circulaires. Même remarque. Voir, sur les mollusques en général, outre Cuvier, M. Gegenbaur, Anatomie comparée, p. 446, traduction française. Les téguments des mollusques se séparent nettement en épidémie et en derme, et la contractilité est très-grande ; mais il ne semble pas que l’indication donnée ici par Aristote soit fort exacte. Il est probable cependant qu’il avait fait lui-même l’expérience dont il parle. — C’est cette disposition… En vertu du principe du mieux, que le philosophe reconnaît dans toute la nature.
  93. C’est ce qu’on appelle l’os de la seiche. Ce n’est pas un os, à proprement parler ; c’est la coquille, qui est composée d’un très-grand nombre de lames calcaires, jointes ensemble par des milliers de petites colonnes creuses, perpendiculaires entre les lames. Cette structure la rend friable ; on l’emploie pour polir de petits ouvrages, et on la donne aux petits oiseaux pour qu’ils s’aiguisent le bec ; voir Cuvier, Règne animal, t. III, p. 16, édit. de 1829. La seiche fait partie des Céphalopodes, et forme un genre divisé en plusieurs espèces. Voir aussi l’Anatomie comparée de Cuvier, IIe leçon, t. I, p. 120. — Les teuthides. On ne peut pas identifier très-précisément ce mollusque ; mais c’est un calmar, ou le grand calmar qui se nomme aussi Loligo sagittata, ou le petit calmar, dont le sac se termine en pointe aiguë. C’est sans doute ce que les Anciens appelaient son épée ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 15, édit. de 1829. — Des polypes. Ce sont des Céphalopodes, sans doute ceux qu’on nomme les Polypes d’Aristote ; voir Cuvier ; foc. cit. p. 12. — La tête. Dans les Céphalopodes, la tête sort du sac ; elle est ronde et pourvue de deux grands yeux ; elle est couronnée par des pieds ou bras, charnus, plus ou moins longs et très flexibles. Ces mollusques nagent la tête en bas, et le corps en haut. — Une cavité. Le sens du mot grec n’est pas très-bien défini. Au lieu d’une cavité, c’est peut-être le Manteau qu’il faudrait dire. — Leur a dessiné. C’est l’expression même du texte ; mais la pensée de l’auteur n’est pas assez développée, et l’on ne voit pas bien ce qu’il a voulu dire. Il est probable qu’il s’agit des pieds ou bras de ces mollusques, qui leur servent à nager, à marcher, et à saisir les objets avec grande force. — Des os… l’arête, qui jouent des rôles analogues dans les différents animaux.
  94. Ainsi qu’on vient de le dire. Voir plus haut, § 6. — C’est le corps tout entier qui est dur. Ceci n’est peut-être pas très-exact pour tous les insectes. Leurs téguments sont tantôt durs et tantôt mous ; mais leurs muscles sont toujours attachés à l’intérieur ; voir Cuvier, Règne animal, t. T, p. 50, édit. de 1829. — Plus charnue. C’est-à-dire plus semblable à la chair. — Plus osseuse et plus terreuse. Ceci doit être compris dans le sens de la théorie des quatre éléments. Voir plus haut, ch. II, § 19. — De se déchirer et de se rompre. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte.
  95. Se ressemblent en certains points.. La restriction est utile ; car on ne voit pas bien quelle ressemblance il peut y avoir entre les veines et les os. — Partent d’une seule origine. Les os se rattachent au rachis, comme les veines se rattachent au cœur ; le rachis et le cœur sont censés les points de départ. — Pas un seul os n’est séparé. Ceci n’est pas absolument exact, bien que les os qui composent le squelette soient tous articulés de manière à former un ensemble dont toutes les parties sont liées ; voir Cuvier, Anatomie comparée, IIe leçon, art. 5, t. I, p. 144, 1re édition. Mais il y a quelques os isolés comme celui de la rotule, et les sésamoïdes, dans l’homme ; voir l’Anatomie descriptive de M. Jamain, p. 8. — Est ou une partie d’un autre os. C’est trop dire ; les os ne sont pas des parties les uns des autres. — Et y est rattaché. Ceci est exact ; et les os tiennent les uns aux autres par des articulations, des sutures, des ligaments, des emboîtements, etc. ; voir l’Anatomie comparée de Cuvier, IIe leçon, article 3, Des jonctions des os et de leurs mouvements, pp. 123 et suiv. — Pour que la nature puisse s’en servir. Ceci est un nouveau fait, avec tant d’autres, à l’appui de la théorie des causes finales, telle que la comprend Aristote. — Une seule veine. Ceci confirme le début du paragraphe ; mais il est parfaitement exact qu’il n’y a pas de veine séparée, tandis que l’os peut être isolé.
  96. Si un os quelconque… Ces théories sont ingénieuses ; mais le fait sur lequel elles s’appuient est en partie inexact. — Ni une flexion, ni un redressement quelconque. Ceci est au contraire d’une parfaite vérité. — Une épine ou une flèche. Il était possible que l’os fût arrondi comme il l’est en effet à ses extrémités ; et sous cette forme il ne devrait plus déchirer les chairs.
  97. Si une veine quelconque. Suite de la comparaison du système des os et du système des veines. — La chaleur qu’elle cause. Le texte dit précisément : « La chaleur qui est en elle. » La chaleur ne vient pas des veines ; mais elle vient du poumon, où se fait l’espèce de combustion qui constitue l’hématose et la respiration dans les vertébrés. — Tout ce qui est séparé. Peut-être faut-il restreindre à la veine cette maxime par trop générale.
  98. C’est le cœur. Voir pour cette théorie l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. § 2, p. 228 de ma traduction. — Ce qu’on nomme le rachis. Il paraîtrait, d’après cette formule, que le mot de Rachis, appliqué à la colonne vertébrale, était encore assez récent au temps d’Aristote. — Dans tous les animaux qui ont des os. Aujourd’hui nous dirions : « Dans tous les vertébrés ». — Sans aucune interruption. Ceci est exact ; et les os tiennent ou médiatement ou directement à la colonne vertébrale, qui peut seule en effet donner à l’animal toute sa grandeur, et sa station droite ou horizontale. — Tout à la fois un…. divisé en parties nombreuses. Le nombre des vertèbres varie selon les espèces. Cuvier en a dressé un long tableau, loc. cit. pp. 155 et suiv., depuis l’homme jusqu’au dauphin et au marsouin.
  99. . De membres qui se rattachent au rachis. Ce sont les bras et le ; jambes chez l’homme ; et les membres antérieurs et postérieurs chez les quadrupèdes. — Par des nerfs. Le terme de Nerfs, qu’emploie Aristote, est trop général, et il comprend une foule de choses qu’il aurait fallu distinguer, muscles, tendons, aponévroses, ligaments, etc.; mais la langue zoologique dont se sert Aristote est encore lieu avancée, parce qu’elle en est à ses débuts. — Par leur milieu. Ceci n’est pas assez clair, non plus que ce qui suit. — Afin que l’inflexion et l’extension. C’est bien là l’objet des fonctions des os entre eux ; mais l’explication n’est pas suffisante. Voir Cuvier, Anatomie comparée, IIe leçon, pp. 124 et suiv., où se trouve une longue étude sur les jonctions des os, et sur les diverses espèces d’articulations.
  100. Lui sont joints par des nerfs. Voir la remarque ci-dessus sur le mot de Nerfs. — Des parties cartilagineuses. Les ligaments de toute sorte, qui unissent les os d’une foule de manières, que les zoologistes modernes ont étudiés avec le plus grand soin. — La synovie. C’est l’humeur sécrétée par les membranes qui tapissent les cavités articulaires. Le mot du texte indique une sorte de distillation et de filtration, qui représente assez bien le procédé par lequel se forme la synovie. La fonction de la synovie est bien celle que lui attribue Aristote ; elle lubrifie les articulations ; et quand elle manque, les os se choquent en effet et font entendre un bruit très-reconnaissable. — Les chairs sont placées autour des os. L’observation est juste, bien que l’expression soit trop générale. — De même… que les artistes… La comparaison est frappante ; et ce détail donné par Aristote sur les procédés de la sculpture de son temps nous prouve que ces procédés n’ont guère changé jusqu’au nôtre. — Avec les chairs. Il semble qu’il aurait fallu dire plutôt : « Avec les os », au lieu des chairs, puisque les os répondent à la partie solide que les sculpteurs mettent dans leur maquette. Voir le paragraphe suivant.
  101. C’est en vue de cette flexion même. Sous-entendu : « que les os sont disposés comme ils le sont ». — Les côtes. On ne peut pas dire que les côtes soient absolument immobiles, puisqu’elles s’élèvent et s’abaissent selon les besoins de la respiration ; mais elles sont très-peu mobiles, et ce ne sont guère que les fausses côtes qui le sont. — Autour du cœur. L’expression est trop restreinte, puisque les côtes protègent aussi en partie les viscères placés sous le diaphragme. — Le gonflement que cause… la nourriture. Cette première cause est vraie ; mais on peut croire que cette organisation favorise aussi l’acte de la respiration dans bien des cas. — Le développement des embryons. Ceci s’applique à l’organisation des femelles, mais ne s’applique plus à celle des mâles ; voir plus loin. liv. IV, ch. X, § 30.
  102. Qui sont vivipares. Observation ingénieuse ; il est certain que les vivipares ont besoin d’une charpente osseuse très-solide, pour préserver pendant la gestation le fruit qu’ils portent et nourrissent. — En Libye et dans les régions chaudes. Sur la Libye, voir l’Histoire des Animaux, liv. VIII, ch. XXVII. § 4, p. 115 de ma traduction ; et Traité de la Génération, liv. II. ch. VII, § 119, p. 198, édit. et trad. Aubert et Wimmer. La Libye offrait aux Anciens un vaste champ de récits fabuleux et légendaires, bien qu’elle fût, sans doute, connue par eux mieux que nous ne la connaissons aujourd’hui. D’ailleurs, l’observation sur la grandeur des vivipares dans les climats chauds est très-juste ; l’éléphant, la girafe, le chameau, l’hippopotame, le rhinocéros, etc. en sont des preuves.
  103. Les plus féroces. La raison en est qu’ils ne vivent que de proie. — Les os des mâles sont plus durs. Je ne crois pas que ceci soit très-exact. — Les os du lion. Les mêmes détails sont donnés sur les os du lion, presque dans les mêmes termes. Histoire des Animaux, liv. III, ch. VII, § 8, p. 259 de ma traduction. — Le dauphin… Voir encore le même passage de l’Histoire des Animaux sur le dauphin, cité également après le lion. Pour le dauphin, voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 287, édit. de 1829.
  104. Une déviation légère. Sous-entendu : « Au plan qu’elle a suivi pour les autres animaux ». — Pour les oiseaux. Les os des oiseaux sont en effet fort remarquables ; et le vol eût été presque impossible si les oiseaux avaient des os du genre de ceux des mammifères ; voir sur cette organisation des oiseaux, Cuvier, Anatomie comparée, IIe leç., p. 111, Ire édit. — Plus faibles. Ceci n’est pas exact ; et Cuvier trouve au contraire que les os des oiseaux, qui sont toujours sans moelle et qui sont pleins d’air, réunissent la force et la légèreté. — Des os des serpents. Sur les os des reptiles et sur leurs vertèbres, voir Cuvier, Anatomie comparée, IIIe leçon, pp. 172 et suivantes, Ire édition.
  105. Appelés les Sélaciens. Voir sur les sélaciens, l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. I, § 21, page 210 de ma traduction. — Une nature qui tient du cartilage. Voir la description des sélaciens par Cuvier, Règne animal, tome I, p. 383, édit. de 1829. Les sélaciens forment la première famille des chondroptérygiens, comprenant les squales, roussettes, requins, lamies, marteaux, scies, raies, etc., etc., torpilles, pasténagues, lamproies, etc. — Plus souple. Le texte dit précisément : « Plus humide, plus liquide ». — Ne doit pas être trop rigide. L’explication ne paraît pas très-satisfaisante. — Toute la partie terreuse sur leur peau. Même remarque.
  106. Que cartilagineux. Les os ne doivent pas être confondus avec les cartilages ; mais bien que les os ne soient pas cartilagineux, ils ne sont pas également durs dans tout le squelette ; ou plutôt il y en a qui se terminent en cartilages, comme le sternum par exemple ; et c’est sans doute ce qu’Aristote aura voulu dire. Cuvier traite des tendons en même temps que des os ; Anatomie comparée, IIe leçon, p. 133. — Pour les oreilles et pour le nez. L’exemple est bien choisi. — Qui s’avancent. Comme le nez plus particulièrement, et aussi comme les oreilles, qui, dans l’homme particulièrement, se détachent beaucoup de la tête. — Est la même que celle de l’os. Ceci n’est pas très-exact. Le cartilage se distingue de l’os en ce qu’il est flexible, tandis que l’os n’a pas la moindre élasticité ; voir Anatomie et Physiologie animales de M. Ed. Perrier, p. 231. — Une fois coupés, ne repoussent. Je ne sais pas si la science actuelle ratifie cette ressemblance prétendue entre l’os et le cartilage, bien que l’un et l’autre paraissent composés d’une matière analogue.
  107. Les cartilages n’ont pas de moelle…. Cette explication de la nature du cartilage est ingénieuse ; mais il est douteux que la physiologie comparée puisse l’admettre. — Molle et gluante. C’est bien là en effet la nature du cartilage, telle qu’elle se présente à première vue. — Le rachis est cartilagineux. Je ne vois pas que la science moderne se soit prononcée sur ce point ; mais en général les os des poissons, et leurs vertèbres chez ceux qui en ont, sont d’une nature plus molle que chez les quadrupèdes. Voir l’Anatomie comparée de M. Gegenbaur, p. 627 et 632.
  108. Se rapprochent beaucoup des os. C’est exact dans une certaine mesure ; et Aristote a soin de faire une réserve en disant : « Au toucher »; ce qui n’implique qu’une ressemblance superficielle. — Les soles, les pinces… Selon la diversité des espèces. — Le même nom que leurs parties. Ceci n’est pas assez clair, bien que le sens ne puisse être douteux ; un morceau de corne s’appelle de la corne aussi bien qu’une corne entière. Mais cette observation, quoiqu’elle soit vraie, ne se rapporte pas assez directement à la pensée générale de ce passage, qui signifie seulement que toutes ces parties de l’animal sont faites pour sa défense. — L’organisation des dents. Ce sujet spécial a été traité assez longuement dans l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. III, § 12, p. 126 de ma traduction ; voir l’étude complète des dents dans l’Anatomie comparée de Cuvier, XVIIe leçon, tome III, p. 103 et suiv., Ire édition. — Le travail des aliments… la lutte. Même chez l’homme, les dents peuvent servir à ces deux usages. Voir plus loin, liv. III, ch. I.
  109. Terreuse et solide. Ceci est tout à fait conforme aux opinions générales d’Aristote, d’après la théorie des quatre éléments reconnus pour la matière de tous les corps. — Une arme doit avoir. Il faut en effet qu’une arme soit solide pour pouvoir agir ; ce qui n’empêche pas que, dans certains animaux, des liquides ne puissent avoir la même action que les solides les plus résistants ; témoin le venin de certains reptiles. — Plus terreuse que l’homme. Même remarque qu’au début du paragraphe.
  110. Plus tard. Voir plus loin, liv. III, ch. VII, ch. XI, et liv. IV, ch. XII.— Quand nous étudierons les parties non-similaires. C’est l’objet des chapitres qui suivent celui-ci, et l’objet du liv. III. Ce sont des parties non-similaires que les viscères, dont l’étude va succéder à ce qui précède. — Les fonctions et les faits. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Comme ces parties ont reçu le même nom. Ceci ne se comprend pas bien ; et en l’absence de toute variante, il est difficile de proposer une conjecture pour éclaircir la pensée. Il semble qu’il y a ici quelque confusion des parties similaires et des parties non-similaires, qu’Aristote a si soigneusement distinguées au début de l’histoire des Animaux ; voir aussi le chapitre précédent, § 1.
  111. Recherches sur la Génération. Voir le traité de la Génération, liv. I, ch. X, § 1, où la même pensée est exprimée presque dans les mêmes termes, sur le sperme et sur le lait. Quant à l’étude particulière sur le lait, elle ne se trouve pas dans le traité de la Génération, bien qu’il soit souvent question du lait, mais toujours en passant ; c’est plutôt dans l’Histoire des Animaux qu’elle se trouve, notamment, liv. VII, ch. VI et X, de ma traduction. — Le principe même des animaux. C’est pour cela qu’Aristote y a donné tant d’attention, ainsi que tous les grands zoologistes. — Leur nourriture. Chez les mammifères.
  112. . Premièrement les premières. Cette tautologie est dans le texte ; et c’est une forme de style assez habituelle à Aristote. — Et les plus importantes. J’ai ajouté ces mots, dont le sens me semble implicitement compris dans l’expression grecque. — Tous les animaux….. ont deux parties. La pensée est parfaitement juste, et la science a conservé cette observation ; mais, dans l’Histoire des Animaux, ces deux parties essentielles à l’animal ne sont pas tout à fait les mêmes qu’ici ; voir ma traduction liv. I, ch. II, § 1, pp. 20 et suiv. Dans ce dernier passage, Aristote semble reconnaître trois parties, qui sont la bouche, l’intestin et l’anus. La division faite ici est à la fois la plus simple et la plus exacte. Voir Cuvier, Règne animal, pp. 34 et 54, édit. de 1829. — Les plantes. Ce rapprochement des plantes et des animaux était très-neuf et très-frappant du temps d’Aristote. — Expulser les résidus. Il n’y a pas dans les plantes d’excréments ; mais il y a une sorte de transpiration qui en tient lieu. — Toute digérée. Ceci n’est pas très-exact, et bien que la terre soit la même pour toutes les plantes dans les différents lieux, elles en tirent toutes une nourriture spéciale, que chacune d’elles élabore. Cette modification des sucs tirés de la terre par les radicules des plantes, est un mystère encore plus obscur peut-être que la nutrition des animaux.
  113. Une troisième partie. Ceci revient à la théorie de l’Histoire des Animaux. La partie qu’Aristote place ici en troisième lieu est en effet indispensable ; mais comme elle se passe dans l’intérieur de l’animal, elle est moins facile à observer que les deux autres. On sait d’ailleurs qu’il y a des animaux, les plus inférieurs de tous, chez lesquels l’intestin n’étant qu’un sac sans issue, les excréments ressortent par la bouche ; voir Cuvier, Règne animal, t. I, p. 34, édit. de 1829. — Le principe même de la vie. C’est la nutrition qui se fait dans l’intestin par les vaisseaux chylifères et lymphatiques. — Nous aurons à étudier à part. Aristote avait fait des travaux personnels sur la botanique ; mais c’est surtout Théophraste, qui, sous sa direction, a exécuté les projets du maître. Diogène de Laërte cite dans son catalogue un ouvrage d’Aristote sur les plantes en deux livres ; mais le traité des Plantes qu’on met quelquefois parmi ses œuvres, est apocryphe.
  114. Possèdent encore la sensibilité. Ce sont les animaux. — Sous des formes bien plus diverses. Les phénomènes de la vie et de la sensibilité se multiplient de plus en plus à mesure que les animaux deviennent plus parfaits. La science moderne ne saurait dire mieux que ce qu’Aristote dit ici. — L’homme seul participe du divin. Ceci est peut-être excessif, et l’homme seul n’est pas marqué au sceau de Dieu ; mais c’est chez lui que l’empreinte est la plus vive. On peut d’ailleurs reconnaître dans ces théories d’Aristote quelque souvenir de celles de son maître, Platon. — Ou du moins… Cette restriction est nécessaire. — C’est par lui qu’il convient de débuter…. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. VI, § 12, p. 41, de ma traduction, et la Préface, p. CXV.
  115. Dans l’ordre naturel. C’est-à-dire dans le sens de l’axe même du monde, et « vers le haut de l’univers. » Ceci est vrai à la lettre, autant du moins élue l’univers nous est actuellement connu ; c’est le pôle qui doit nous servir de point de repère d’abord, puisque notre terre semble tourner autour de lui. — Le seul qui se tienne droit. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XII, § 2 et suiv., p. 69 de ma traduction. — Ce que nous avons dit. Ceci se réfère sans doute à l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. VII, § 2, p. 43. — Quelques-uns le prétendent. On aimerait à savoir à qui Aristote fait allusion. — Comme on l’affirme. Même remarque. — Par le cerveau que nous sentons. Il est certain que la tête est le centre auquel nous rapportons toutes nos sensations, parce qu’elle est le siège exclusif de quatre organes des sens.
  116. N’est exacte. Aristote a raison sans doute contre les théories qu’il vient de rappeler ; mais la sienne ne vaut guère mieux, et il n’est pas du tout prouvé que le cerveau ait pour fonction spéciale le refroidissement du corps, comme il le dit. — Il a été donné aux animaux. Le cerveau est admirablement organisé ; mais il n’est pas facile de savoir quelle est sa fonction principale, sous le rapport purement physiologique. — Trop chaud lui-même. Aristote admet toujours que, par lui-même, le cerveau est essentiellement froid. — Il est absolument insensible. Ceci est inexact. — Toutes les autres excrétions. Voir ce qui est dit du sang et des excrétions en général, Histoire des Animaux, livre III, ch. XIV, § 2, p. 293 de ma traduction. Dans ce dernier passage, Aristote parle aussi de l’encéphale. Mais cette théorie reste toujours assez obscure.
  117. Réuni…. le cerveau et la sensibilité. C’est là, en effet, ce qui semble le plus naturel ; et la sensibilité générale est bien plutôt dans le cerveau, où aboutissent tous les nerfs, par la moelle épinière, que dans le cœur, comme le veut Aristote. — Nos ouvrages sur la Sensation. C’est évidemment le traité de la Sensation et des choses Sensibles qui est indiqué ici ; mais ce n’est pas dans ce traité, c’est dans le traité de la Jeunesse et de la Vieillesse, chap. III, § 7, p. 321 de ma traduction, que le cœur est pris pour le principe des sensations. — Deux sens qui évidemment dépendent du cœur. On ne comprend pas comment on a pu rapporter au cœur les deux sens du toucher et du goût. — Les trois premiers sens. Le toucher, le goût et l’odorat. — Un sens intermédiaire. L’odorat n’est pas précisément intermédiaire entre le toucher et le goût ; il n’est guère plus matériel que l’ouïe et même que la vue. — À cause de la nature…. Cette raison n’est pas suffisante ; ou du moins, il aurait fallu expliquer quelle est la nature particulière de ces deux sens, comparativement aux autres.
  118. L’ouïe et l’odorat… dans les poissons. La science moderne a constaté non seulement que les poissons entendent et odorent ; mais par des dissections fort délicates, elle a reconnu chez eux les organes de l’odorat et de l’ouïe. Il est vrai que ces organes sont en général si cachés et si ténus, qu’il n’y a rien d’étonnant à ce que les premiers observateurs ne les aient pas distingués ; voir l’Anatomie comparée de Cuvier, XIIIe leçon, article 2, pp. 453 et suiv., tome II, 1re édition. La seule partie essentielle du sens de l’ouïe est la pulpe gélatineuse, où aboutissent les extrémités du nerf acoustique. Cuvier a donné des détails sur l’ouïe de l’écrevisse, de la seiche et des poissons à branchies libres et à branchies fixes, id. ibid. pp. 454 et 460. Pour l’odorat chez les poissons, voir Cuvier, id. ibid., leçon XVe, article 3, pp. 648, 655 et 669. — La vue est aussi très-bien placée. Voir la XIIe leçon de l’Anatomie comparée de Cuvier, t. II, pp. 364, 403, 434, etc., etc. — La vue est de la nature de l’eau. Ce qui a pu justifier cette théorie dans l’Antiquité, c’est que le globe de l’œil se compose de plusieurs humeurs, aqueuse, vitrée, etc., en avant et en arrière du cristallin. Voir Cuvier, id. ibid. p. 368. Dans le Traité de l’Âme, Aristote a fait une théorie spéciale de la vision, liv. II, ch. 7, p. 208 de ma traduction ; mais cette théorie est différente de celle qu’il expose ici. — Se garder le mieux. L’expression du texte n’est pas plus précise ; et la pensée reste obscure.
  119. Les plus délicats. Ce sont en première ligne la vue, foule, l’odorat, et, en dernière ligne, le goût et le toucher. Dans les parties qui ont un sang plus pur. Ces parties, dans les théories d’Aristote, sont celles de la tête et du cerveau. — À l’action de la sensibilité. Ce serait plutôt : A l’action de l’intelligence. — Sont placés dans la tête. C’est-à-dire, dans un lieu plus froid et plus calme, d’après les théories Aristotéliques.
  120. Doit être dégarni de chair. Ceci doit s’appliquer au crâne et au front plutôt qu’au visage. — La plus droite possible. Ceci s’applique surtout à l’homme et à l’oiseau ; mais, dans les quadrupèdes, la tête est horizontale : « Pronaque dum spectent…. » — Si la tête était charnue. Voir l’Histoire des Animaux, livre I, ch. VII, page 43 de ma traduction, et ch. XIII, p. 72. — Le derrière n’a pas de cerveau. Il est difficile de comprendre cette erreur anatomique, puisque la botte osseuse du crâne est remplie derrière comme devant par la masse encéphalique et par le cervelet.
  121. L’ouïe. Il y a peut-être ici quelque désordre dans le texte, puisqu’il a été déjà question de l’ouïe, plus haut § 7. Pour la théorie de l’ouïe, voir le Traité de l’Ame, livre II, ch. 8, § 5, p. 219 de ma traduction, où l’explication est la même qu’ici. — Le vide. Ce n’est pas le vide absolu, comme l’entend la science moderne ; les Anciens ne connaissaient pas ce vide ; et, pour eux, le vide n’était guère autre chose que l’air. — Les conduits qui partent des yeux. Nous dirions : Les nerfs optiques. — Le canal qui part des oreilles. C’est-à-dire le conduit auditif. Sur les rapports de la vue et de l’ouïe, voir Cuvier, Anatomie comparée, XIIe et XIIIe leçons, tome II, pp. 364 et 446, et sur le méat auditif, p. 511. — Une des matières qui en viennent. Et par exemple, la chair, que le sang contribue à former. — Il n’est pas une partie des animaux. Ceci est en contradiction avec toutes les théories d’Aristote sur le sang, et M. le docteur de Frantzius soupçonne avec raison que ce passage doit être altéré ; mais les manuscrits ne fournissent rien pour le corriger.
  122. . Dans la portion antérieure. Cette observation est exacte ; mais il ne paraît pas que la science moderne y ait attaché autant d’importance qu’Aristote. Voir Cuvier, Anatomie comparée, IXe leçon, art. 9, tome t. 1, p. 173. — La sensation vient du cœur. Voir plus haut, § 6. — La cavité postérieure de la tête est dépourvue de veines. L’anatomie ne confirme pas cette opinion, bien qu’il y ait moins de veines derrière la tête que devant. — Dans un ordre admirable. C’est un des principes essentiels des théories d’Aristote ; voir la préface à l’Histoire des Animaux, p. LXXVIII. — L’ouïe vers le milieu de la circonférence. C’est bien là, en effet, la position de l’ouïe, placée de chaque côté de la tête. Voir l’Histoire des Animaux, livre 1, ch. XI, § 6, p. 71 de ma traduction. — En ligne droite. Comme la vue, qui a toujours lieu directement, parce que les rayons lumineux venant des objets ne peuvent avoir un autre cours. — A lieu en avant. Dans le cours naturel et nécessaire de nos actes.
  123. Entre les yeux. L’odorat est placé dans le nez, qui est placé entre les yeux. — Chaque sens est double. C’est vrai pour quatre sens, puisqu’on peut aussi trouver une double organisation dans la langue ; mais Aristote exclut avec raison le toucher, qui est simple et répandu par tout le corps — Ne se voit plus dans le sens du toucher. C’est-à-dire que le toucher n’a rien de la double organisation des autres sens. — Tout intérieur. C’est bien vague ; et la physiologie moderne a essayé de déterminer davantage les choses, en constatant que tous les nerfs aboutissent à l’encéphale, qui serait alors le centre du toucher, comme de toutes les autres perceptions.
  124. C’est moins clair. L’observation est exacte ; et celle qui suit ne l’est pas moins. — Une espèce de toucher. C’est aussi l’avis de Cuvier, qui dit que le sens du goût est, de tous les sens, celui qui s’éloigne le moins du toucher ; Anatomie comparée, XVe leçon, p. 676 du tome II, 1re édition ; voir aussi, XVIIIe leçon, tome III, pp. 260 et suiv. — Cette duplicité d’organes… Cette observation semble avoir échappé à l’attention de Cuvier. — Aussi divisée en deux. Il y a du moins une parfaite symétrie entre les deux parties de la langue. — La sensation est partagée en deux. Dans les organes ; mais la perception n’en est pas moins unique pour la vue, l’ouïe, l’odorat. — Le nez ne remplirait pas son office. Cette théorie n’est pas très-juste, puisque les oreilles et les yeux ne remplissent pas moins leurs fonctions, bien que les deux organes soient séparés ; l’odorat aurait pu être disposé de même par la nature. Ici donc le mieux, c’est de s’en tenir au fait tel qu’il est, sans chercher à l’expliquer. Pour la respiration. Le nez contribue à la respiration, sans doute ; mais ce n’est pas lui qui la fait, comme Aristote semble le supposer. — A dû être placé au milieu. C’est une simple affirmation, à l’appui de laquelle on ne donne aucun argument.
  125. Au milieu des trois autres sens. La vue, l’ouïe et le goût. L’expression grecque est littéralement rendue ; et l’observation est ingénieuse, puisqu’en effet les narines sont placées entre les trois sens, sans être à égale distance de tous. — Une règle unique. Les deux narines sont accolées et ne forment qu’un nez. — Aussi merveilleusement disposés… C’est l’admiration habituelle d’Aristote pour la nature.
  126. Ont les oreilles toutes dressées. Ceci n’est pas exact de tous les quadrupèdes, qui ont, dans bien des espèces, les oreilles pendantes et non pas droites, par exemple les chiens, les moutons, les chèvres et tant d’autres. Dans l’homme même, on ne peut pas dire que l’oreille soit au-dessus des yeux. — Ils baissent la tête. L’observation est juste ; et il est certain qu’en redressant la tête d’un animal, au lieu de la laisser horizontale, les oreilles se trouvent placées à peu près au niveau des yeux.
  127. . Dans cette position. Qui est d’avoir la tête basse et tournée vers la terre. — Qu’elles se dressent. Mais seulement dans quelques espèces. Chez l’homme, les oreilles ne se dressent pas. On peut trouver que cette étude sur les organes de l’ouïe est bien concise ; et il semble que, sans pousser l’analyse aussi loin que l’a pu faire la science de nos jours, Aristote aurait pu en dire bien davantage. Le chapitre qui suit celui-ci n’est pas moins insuffisant. Voir l’Anatomie comparée de Cuvier, XIIIe leçon, tome II, pp. 446 et suiv. Ire édit. Cuvier d’ailleurs s’est peu occupé de l’oreille extérieure ; mais il a étudié avec le plus grand soin l’organisation intérieure du labyrinthe, du tympan, des osselets, etc., etc., la distribution des nerfs auditifs ; voir aussi l’Anatomie comparée, de M. Gegenbaur, p. 726, trad franç. La théorie de l’ouïe est peut-être une des moins avancées de toute la science.
  128. Les oiseaux n’ont pas d’oreilles. Sous-entendu : Extérieures, dans le genre du pavillon de l’oreille chez l’homme ou d’autres animaux supérieurs. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XIIIe leçon, sur les oiseaux, pp. 464, 481, 505, 531, Ire édit. — Leur peau est trop dure. L’explication peut ne pas paraître très-satisfaisante. — Ils ont des plumes. Il n’y aurait eu rien d’incompatible entre des plumes et une oreille extérieure. — Il n’y a pas là une matière. C’est vrai ; mais rien ne s’opposait à ce que la nature ne fit les choses autrement. — Ovipares, et qui ont des écailles. Ce sont les sauriens, qui forment le deuxième ordre des reptiles. « Leur peau, dit Cuvier, est revêtue d’écailles plus ou moins serrées, ou au moins de petits grains écailleux ; Règne animal, tome II, p. 17, édit. de 1829. Les sauriens comprennent les crocodiles, les gavials, les calmans, les lézards proprement dits, les iguanes, etc., etc., jusqu’aux bipèdes et aux bimanes. — Le phoque. Il ne paraît pas que la science moderne se soit arrêtée à cette particularité, que présente l’organisation du phoque ; voir Cuvier, Règne animal, tome I p. 166, édit. de 1829. — Un quadrupède imparfait. Voir la description du phoque, Histoire des Animaux, liv. II, ch. I, § 12, où Aristote se sert de la même expression qu’il emploie ici. Cuvier dit en parlant des amphibies, Règne animal, tome l, p. 166, édit. de 1829 : « Leurs pieds sont si courts et tellement enveloppés dans la peau, qu’ils ne peuvent, sur terre, leur servir qu’à ramper ; mais comme les intervalles des doigts y sont remplis par des membranes, ce sont des rames excellentes. » Les phoques et les morses sont les deux seuls genres qui forment la troisième et dernière tribu des carnassiers mammifères.
  129. Des appareils protecteurs pour la vue. Voir l’Anatomie comparée de Cuvier, XIIe leçon, tome II, pp. 364 et 428, 1r e édit. — Deux paupières… à fermer les yeux. C’est exact ; mais les paupières ont aussi d’autres fonctions ; si elles couvrent l’œil dans l’état de repos, elles en nettoient la surface par leurs mouvements ; en se fermant subitement, elles en écartent les petits objets qui pourraient l’offenser ; et par le clignotement, elles diminuent la trop grande affluence ou intensité des rayons lumineux ; Cuvier, loc. cit.Par la paupière inférieure. Tous ces détails sont également exacts. — Les oiseaux…. des coins de l’œil. On sait que les oiseaux ont trois paupières, les deux ordinaires, et une troisième qui est verticale, et qui est située dans l’angle nasal de l’œil. C’est surtout la paupière inférieure qui couvre l’œil en s’élevant ; elle est plus grande et plus épaisse que la supérieure ; voir Cuvier, foc. cit. p. 430. — C’est qu’ils sont liquides. L’expression n’est peut-être pas très-juste dans cette généralité ; mais ce qui l’explique en partie, c’est que l’œil en effet a deux humeurs, l’aqueuse en avant du cristallin, et la vitrée en arrière, qui ont toutes deux la densité de l’eau pure, bien que la vitrée soit un peu plus épaisse. — La nature les a faits ainsi. La constitution de l’œil est plus compliquée qu’Aristote ne semble le croire ici, et elle est encore plus admirable qu’il ne le pensait ; mais les observations n’étaient pas de son temps poussées fort loin.
  130. Une peau un peu dure. La première tunique de l’œil est la sclérotique, qui enveloppe tout le globe, sauf à la partie antérieure, où elle laisse un grand vide que ferme la cornée, recouverte elle-même par la conjonctive. C’est la cornée qui forme le blanc de l’œil, en passant sur la sclérotique. La seconde tunique de l’œil est la choroïde. — La peau qui revêt la pupille. Toutes les tuniques de l’œil sont extrêmement minces : sclérotique, cornée, choroïde, uvée, etc., etc. ; voir Cuvier, loc. cit.. pp. 394 et suiv., XIIe leçon. — Les paupières sont faites… C’est bien là l’office des paupières, quoique quelques animaux n’en aient pas, par exemple les reptiles ; la plupart des poissons n’ont pas de paupière mobile. — Ce mouvement ne dépend pas d’eux. En ceci éclate très-sensiblement la prévoyance de la nature. Si ce mouvement protecteur de la vue eût dépendu de la volonté, il ne se serait jamais produit à temps ; au contraire, étant automatique, il est instantané, et salutaire dans presque tous les cas. — Cette peau plus mince. Il n’est pas très-sûr que ceci soit exact.
  131. Entourée de peau. C’est la traduction littérale ; mais la paupière elle-même est une peau. — Ne repoussent jamais. Ce fait paraît exact. — À cause de la dureté de la peau. L’explication n’est peut-être pas aussi satisfaisante que l’auteur le suppose. Il ne semble pas que la dureté ou la mollesse de la peau ait rien à faire en ceci. — Tourne à épaissir et à durcir. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. Il n’est pas certain d’ailleurs que cette explication nouvelle soit plus exacte que les précédentes. — Et de là vient. Il eût sans doute été préférable de se borner à constater le fait sans chercher à l’expliquer. — Les pigeons… Je ne sais pas si la physiologie moderne a reconnu cette organisation de la vue chez les pigeons ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 488. — Les oiseaux de cette espèce. C’est-à-dire les gallinacés, qui comprennent tous les oiseaux de basse-cour.
  132. On a vu. La tournure du texte n’est pas aussi précise ; j’ai cru devoir adopter cette forme, pour rappeler que ceci a déjà été dit plus haut, ch. XII, § 1. — Plus dures que les poils. C’est exact ; mais les écailles sont, chez les animaux qui en ont, des espèces de poils. — Ce n’est pas de cette peau…. En effet, cette peau n’aurait pas été assez flexible. — Mince et extensible. Le texte dit plutôt : « Étendue ». — Par une membrane. C’est-à-dire, par la troisième paupière, qui part du coin nasal de l’œil. — Eût été trop lent. L’explication est ingénieuse, en supposant que la peau des paupières soit aussi dure que celle de la tête. — Nictitante. J’ai ajouté ce mot.
  133. Du coin de l’œil. C’est-à-dire, la caroncule, petite excroissance charnue, qui est en coin de l’œil près du nez ; voir l’Anatomie comparée de Cuvier, XIIe leçon, tome II, p. 430, 1ere édition, sur la troisième paupière des oiseaux. Il semble que Cuvier n’attribue pas à cette troisième paupière autant d’importance qu’Aristote ; pour lui, c’est surtout la paupière inférieure qui fonctionne. — D’un seul et unique principe. C’est-à-dire, d’une seule paupière au lieu de deux. — Principe. Sous-entendu : De mouvement. — L’excroissance.. La caroncule, dans l’angle nasal de l’œil. — Ce qui est en avant… oblique. Cette explication métaphysique est peu satisfaisante ; et il semble qu’ici le mouvement, partant de la caroncule, est moins direct que celui des paupières : seulement l’organe est unique, au lieu d’être double. — Et de côté. J’ai ajouté ces mots, qui sont comme une paraphrase.
  134. Les quadrupèdes ovipares. Dans le genre des crocodiles, des tortues, des lézards, etc. — Ne ferment pas les yeux de la même manière. Que les oiseaux dont on vient de parler. Le crocodile et la tortue ont une troisième paupière comme les oiseaux ; les grenouilles en ont également trois ; mais la troisième est horizontale, comme les deux autres ; Cuvier, Anatomie comparée, loc. cit. p. 432. De plus, elle est transparente et elle se meut d’avant en arrière pour couvrir l’œil entier. — La pupille liquide. Ceci se rapporte encore aux diverses humeurs de l’œil ; mais ce n’est pas à proprement parler la pupille qui est liquide. — Une vue très-longue. Il est certain que, comparativement à la vue des oiseaux, celle des animaux terrestres n’est pas très perçante. Pour les oiseaux. Sur l’organisation particulière de l’œil chez les oiseaux, voir l’Anatomie comparée de Cuvier, loc. cit., p. 414.
  135. Les poissons et les insectes. Il n’aurait pas fallu réunir ces deux espèces d’animaux, dont les yeux sont fort différents. — Les animaux à peau dure.. C’est la traduction exacte du texte ; mais l’expression est bien vague, puisqu’elle peut s’adresser à plusieurs classes d’animaux. — Des yeux fort différents. C’est pour cela qu’il fallait séparer l’étude des uns de celle des autres. — N’a de paupières. Ceci est exact, du moins en partie ; la plupart des poissons n’ont pas de paupières mobiles ; voir l’Anatomie comparée de Cuvier, XIIe leçon, article II, p. 434, 1re édition. Le poisson-lune a une paupière, qui se ferme par un sphincter circulaire. — Ceux qui ont la peau des yeux dure. Ceci s’applique surtout aux insectes, qui ont tantôt des yeux dits chagrinés, à cause des tubercules nombreux qui les couvrent, tantôt des yeux simples, et tantôt aussi des yeux chagrinés et simples concurremment ; Cuvier, loc. cit. p. 371, et surtout, p. 442, l’étude spéciale consacrée aux yeux des insectes et des crustacés. La structure de l’œil chez les insectes est très-différente de ce qu’elle est dans les autres animaux. — Au lieu de cette protection qui leur manque. C’est toujours à la prévoyante sagesse de la nature qu’Aristote fait allusion. — Au travers d’une paupière adventice. Les facettes nombreuses de l’œil des insectes forment une sorte de membrane, qui est fort transparente ; et derrière cette membrane, il y a un enduit opaque, qui, malgré sa consistance, ne semble pas devoir empêcher le passage de la lumière, jusqu’au point où l’insecte peut la percevoir ; voir Cuvier, loc. cit. pp. 442 et suiv. — Des yeux mobiles. Ceci n’est pas très-exact. — Ces insectes. Voir, outre Cuvier, la Zoologie de M. P. Gervais, p. 288, 3e édition.
  136. Les poissons. Sur les yeux des poissons, voir l’Anatomie comparée de Cuvier, XIIe leçon, p. 374, 1ere édition. — Des yeux liquides. Voir plus haut, § 1. — L’eau s’oppose… La remarque est fort juste ; et il est de toute évidence que la conformation de l’œil doit varier avec le milieu ambiant où l’animal doit vivre. — Gêner et offenser. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — N’ont pas de paupières. Voir le paragraphe précédent.
  137. Les animaux qui ont des poils ont des cils. Aristote semble avoir attaché aux cils plus d’importance que la zoologie moderne, qui s’est peu occupée de ce détail de l’organisation de l’œil. — Parce qu’ils n’ont pas de poils non plus. Le fait est exact, si d’ailleurs on peut contester cette relation étroite des poils et des cils. — Plus tard. Voir plus loin livre IV, ch. XIV. — Du moineau de Libye. J’ai conservé la dénomination grecque ; mais on sait que c’est de l’autruche qu’il s’agit. — Cet oiseau a des cils. Voir livre IV, ch. XIV, § 2.
  138. L’homme est le seul…. L’observation est très-exacte. — Aux deux paupières. Le texte n’est pas aussi précis ; son expression est plus générale, et il dit simplement : « Des deux côtés. » On peut donc entendre tout à la fois et qu’il s’agit des paupières supérieures et inférieures, et qu’il s’agit des parties du corps, antérieures et postérieures, ou des parties hautes et basses. Le premier sens paraît ici le plus vraisemblable ; le second semblerait plus conforme à ce qui suit, si le texte n’en était pas également équivoque. — Qui forment le dessous du corps. Le texte n’est pas aussi développé. — Et le dessus. Même remarque. — Le dessous du corps. Dans l’espèce humaine, le dessous du corps doit s’entendre de la partie antérieure, qui répond en effet au-dessous du corps des quadrupèdes. — De rempart et de couverture. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Les parties de dessus. Ce sont en effet ces parties qui sont les plus exposées aux intempéries des saisons, indépendamment des autres accidents de tout genre. — Les parties du devant. Chez les quadrupèdes, c’est le dessous du corps. — Parfaitement semblable. Il y a peut-être quelque exagération dans l’expression, qui, d’ailleurs, ne signifie sans doute, dans la pensée de l’auteur, rien autre chose que l’égalité des deux faces du corps humain relativement à la station droite. — La nature… produit ce qu’il y a de mieux. Nouvelle affirmation de ce grand principe, qui est profondément vrai, et que la philosophie aristotélique a mis en pleine lumière.
  139. N’a de cils à la paupière inférieure. Ceci ne semble pas une conséquence bien rigoureuse de ce qui précède ; voir la fin du § 1. — Ni sous les aisselles. Ceci n’est peut-être pas très-exact pour certaines espèces de singes. — Ni au pubis. Ceci est fort exact. — A la place de ces derniers poils. Le texte est un peu plus vague, et il n’emploie qu’un pronom tout indéterminé. — Velus sur le dessus du corps. Ce sont surtout les chiens à longs poils que l’auteur veut désigner ici. — Un toupet. C’est le mot qui, dans notre langue, me semble répondre le mieux au mot grec. — D’une crinière. On dit aussi dans notre langue la crinière d’un cheval, aussi bien que la crinière d’un lion, bien que ces deux crinières soient fort différentes à quelques égards.
  140. Dans les espèces… La pensée de tout ce paragraphe est très-profonde, et elle mérite d’être remarquée, à la fois pour elle-même, et aussi pour l’étude plus complète de la philosophie naturelle d’Aristote. Ces compensations qu’établit la prévoyance de la nature dans la constitution générale des animaux, sont très-réelles ; et celle que signale ici le philosophe l’est très-particulièrement. L’opposition qu’il observe entre la queue de l’ours et celle du cheval est frappante : l’une est courte, parce que l’animal est très-velu ; l’autre est assez longue, parce quel animal n’a qu’un poil ras. — Peu de portée. Le fait n’est peut-être pas très-exact, à moins qu’on n’applique spécialement l’idée de portée aux vertèbres, qui sont la partie solide de la queue des chevaux. — Sur les ours. En effet, la queue des ours est tout à fait rudimentaire.
  141. Dont la tête est la plus velue. L’observation peut paraître fort exacte ; et il est clair que la nature a eu un but très-nettement défini en donnant à l’homme cette organisation d’une chevelure épaisse. Quel est ce but ? Les explications peuvent varier ; mais celle que donne Aristote est tout au moins fort ingénieuse. Voir sur le cerveau de l’homme, plus haut, ch. VII, § 13 et suiv. — Des excès du froid et de la chaleur. Il ne semble pas que ce soit là précisément la destination des cheveux ; il est bien certain qu’ils protègent la tête ; mais c’est plutôt contre les accidents que contre la température. On peut croire aussi que la nature a voulu donner au visage de l’homme un ornement. Les cheveux sont surtout une parure ; et ce n’est pas là le seul témoignage qui peut faire supposer que la nature ne dédaigne pas de descendre à ces soins secondaires. — Ce qui est le plus humide. Ces généralités sont bien vagues ; et elles supposent toujours que le cerveau est l’organe le plus humide de toute notre organisation ; ce qui n’est pas du tout prouvé.
  142. Nous nous sommes laissé entraîner. Cette réflexion dans la bouche d’Aristote est d’autant plus remarquable que ce retour sur lui-même ne lui est pas habituel. Mais ici il s’aperçoit qu’il a fait une trop longue digression ; et il semble se promettre de ne pas retomber dans cette faute.
  143. Les sourcils. La fonction attribuée aux sourcils n’est pas fausse sans doute ; mais ici encore on peut admettre qu’ils sont une parure du visage. Cicéron a reproduit et imité tout ce passage et emprunté une foule d’idées à Aristote sur la bonté de la nature ; voir le traité De natura Deorum, liv. II, ch. 57, p. 299 et 301, édit. V. Leclerc, in-12. Cicéron avait l’Histoire des Animaux d’Aristote sous les yeux, en écrivant ces pages admirables, où l’enthousiasme pour la nature s’exprime en termes si magnifiques et s’appuie sur des raisons si solides. — Comme les haies. Cette comparaison est également à remarquer, parce qu’Aristote emploie bien rarement ces formes de style.
  144. Se rapprochent de la composition des os. C’est peut-être trop dire, bien que les sourcils soient une espèce de poils dont la nature est à peu près celle des ongles, et que la nature des ongles soit à peu près celle des os. — Ils deviennent si épais. Ceci est fort exact ; mais ce n’est pas une preuve que les sourcils soient composés comme les os. Cuvier n’a rien dit des sourcils dans son Anatomie comparée, et il n’a dit qu’un seul mot des cils. Voir leç. XIV, pp. 596 et suiv. — Au bout de petites veines. Ceci est exact. — Les veinules. Les ramifications des vaisseaux sanguins vont en effet sans cesse en diminuant.
  145. Par conséquent. Cette conséquence n’apparaît pas très-nettement, et elle n’a rien de nécessaire, malgré ce qu’en dit Aristote. — Qui sortent de la tête. C’est la sueur, quand elle est assez abondante pour se former matériellement en gouttelettes ; mais ce n’est pas là un état constant. — Nécessairement des poils… Même remarque que plus haut.
  146. L’organe de l’odorat. Voir l’Anatomie comparée de Cuvier, où la XVe leçon est consacrée tout entière à l’organe de l’odorat et à celui du goût. — Des mâchoires allongées. Ce sont presque tous les animaux autres que l’homme. Sur les mâchoires, et sur leurs mouvements et leurs formes, voir la seizième leçon de l’Anatomie comparée de Cuvier, tome III, pp. 11 et suiv., Ire édition.
  147. Dans les autres animaux. C’est-à-dire, Autres que les quadrupèdes vivipares. — Plus rapprochée du long des joues. Chez les quadrumanes, le nez est plus ou moins proéminent comme il l’est chez l’homme ; mais dans les oiseaux, dans les reptiles, dans les poissons, etc., l’organe olfactif est fixé sur le côté de la tête plus qu’il ne l’est chez les animaux supérieurs. — Mais l’éléphant… Les détails donnés ici sur l’éléphant sont déjà en partie dans l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. I, § 4, p. 100 de ma traduction ; mais ces détails sont ici mieux placés puisqu’il s’agit du nez en général, et que celui de l’éléphant est de beaucoup le plus singulier de tous. — Dont il se sert comme d’une main. Aristote emploie les mêmes expressions dans l’Histoire des Animaux, loc. cit.Qu’il entoure les arbres. Même des arbres assez gros. — Il peut tirer sa nourriture de l’eau. Ceci ne paraît pas exact ; car l’éléphant est surtout herbivore. — Quelques-uns des vivipares. Il aurait fallu préciser davantage et citer ces vivipares.
  148. . Vivre dans l’eau aussi bien que sur terre. C’est exagéré ; et c’est par exception que l’éléphant vit dans l’eau. — De même que les plongeurs… Ce détail montre que l’art du plongeur était déjà assez avancé dans l’Antiquité, quoiqu’il dût nécessairement être fort loin de ce qu’il est devenu aujourd’hui dans nos scaphandres. — L’air qui est en dehors de l’eau. Il semble donc que dès cette époque reculée, on avait imaginé des moyens d’emmagasiner l’air extérieur pour en conserver une assez grande quantité au fond de l’eau. — Avons-nous dit. Au paragraphe précédent, et aussi, Histoire des Animaux, liv. I, ch. IX, § 10, p. 55 de ma traduction.
  149. . Ne fût pas mou. L’explication est très-ingénieuse, ainsi que toutes celles qui suivent sur l’éléphant. L’étude étendue qu’Aristote a consacrée à la trompe de l’éléphant est le digne préliminaire des études de la science moderne, sur cet organe merveilleux et unique en son genre. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XVe leçon, pp. 664 et suiv., 1re édit.; voir aussi Buffon, t. XVI, pp. 317 et 324, édit. de 1830. — Les cornes gênent certains bœufs… Je ne sais si ce fait est bien exact ; mais Aristote ne le donne que comme un On dit ; il ne le garantit pas.
  150. . Selon son habitude. Cette remarque est très-vraie ; et dans bien des cas, la nature emploie un même organe à plusieurs fins ; mais cependant elle fait en général le contraire, et elle n’emploie un organe qu’à une seule et unique fonction. Aristote l’en loue formellement dans la Politique, liv. I, ch. I, p. 4 de ma traduction, 3e édit. Il y a donc ici une contradiction formelle entre les opinions diverses d’Aristote ; mais ce défaut est bien rare chez lui. — Au service des pieds de devant. Qui pour beaucoup d’animaux, par exemple les carnassiers, leur servent à saisir et à déchirer leur proie. — À la place des mains. Ceci ne veut pas dire que ces pieds puissent absolument remplacer les mains, qui n’ont été données qu’à l’homme dans toute leur perfection, et en partie aux quadrumanes. — Les éléphants sont polydactyles. Voir Buffon, loc. cit., p. 328 et surtout p. 335. L’éléphant a cinq doigts recouverts par la peau et non apparents ; il a généralement aussi cinq ongles. Sa plante du pied est une semelle de cuir aussi dure que la corne et qui déborde tout autour. — Que pour le soutenir. C’est parfaitement exact. — La lenteur de leur marche. Le pas de l’éléphant n’est pas plus rapide que celui du cheval ; mais comme les jambes sont fort longues quoique massives, le pas se trouve proportionnellement beaucoup plus grand. — Leur inaptitude naturelle à fléchir… Ceci est fort exact ; et Buffon, en parlant des jambes de l’éléphant, dit qu’elles ressemblent moins à des jambes qu’à des piliers, ou des colonnes massives, de quinze à dix-huit pouces de diamètre, et de cinq ou six pieds de hauteur ; loc. cit.. p. 338. On conçoit que de pareils membres ne peuvent pas être très-flexibles.
  151. Un nez pour respirer. C’est en effet une des fonctions de la trompe. — Il doit vivre dans l’eau. Ceci est exagéré, comme je l’ai déjà remarqué plus haut. Ce qui est vrai, c’est que l’éléphant peut, grâce à sa trompe qui reste à l’air, nager longtemps entre deux eaux. — Lui ayant été refusé. Sous-entendu : Pour tout autre usage que de le soutenir. — Que les pieds auraient pu donner. S’ils eussent été organisés comme ils le sont chez d’autres quadrupèdes.
  152. Au contraire. Ceci ne tient pas très-directement à ce qui précède ; et c’est plutôt une suite du § 1. — Qui ont du sang. Nous dirions plus précisément : Qui ont du sang rouge. — En devant de la bouche. C’est la traduction exacte du texte ; mais l’expression ne répond pas bien à la réalité, ni sans doute, à la pensée de l’auteur. Le nez est au-dessus de la bouche et non point en avant.— Des narines visiblement articulées… en parlant des oiseaux. Voir l’Anatomie comparée de Cuvier, XVe leçon, p. 646, tome II, Ire édition. — Au lieu de mâchoires, ils ont… leur bec. Voir Cuvier, id. ibid., IIIe leçon, p. 27 et XVIe leçon, pp. 60 et suiv.
  153. . C’est la nature de l’oiseau. Sur la nature de l’oiseau, voir Cuvier, Règne animal, lep. 301 et suiv., édit. de 1829 ; et M. Claus, Zoologie descriptive, lep. 936 et suiv., trad. franç. Les généralités exposées ici par Aristote sont très-exactes, bien que la science moderne ait poussé l’analyse beaucoup plus loin. — Un bec osseux. Dans toute la classe des oiseaux, le bec a nécessairement beau-coup de consistance, parce que autrement il ne pourrait pas remplir son office. — Les conduits de l’odorat dans le bec. Ce détail est fort exact ; et il suffit d’un simple coup d’œil pour le constater. — Il était… impossible. La configuration du bec s’y oppose absolument.
  154. Qui ne respirent pas… Sous-entendu : De la même manière que les animaux dont il vient d’être question ; car tous les animaux respirent ; seulement les appareils sont fort différents, poumons, branchies, peau, etc. — Plus haut. Voir plus haut, ch. X, § 7 ; mais ce passage même ne répond pas très-directement à celui-ci. — Par des branchies. C’est une erreur, à ce qu’il semble ; les poissons n’odorent point par les branchies ; et ils ont un appareil spécial, que Cuvier décrit dans son Anatomie comparée, XVe lec. p. 669, 1re édition. — Par le corselet. Ce n’est pas non plus par le corselet que les insectes sentent les odeurs ; on ne sait pas au juste comment la perception se produit en eux ; mais il paraît probable que c’est par la membrane interne des trachées ; parfois on a cru que c’était par les antennes ; voir Cuvier, loc. cit., p. 675. L’indication donnée par Aristote n’est pas très-éloignée de la vérité. — Souffle qui se trouve dans tous les animaux. Ceci est vrai si l’on entend parler de la chaleur animale et de la vie en général ; mais il est bien certain que tous les animaux ont besoin, à un degré plus ou moins grand, de l’air extérieur pour vivre. — Sans qu’ils aient à l’emprunter au dehors. Au contraire l’emprunt à l’extérieur est indispensable dans une certaine mesure.
  155. Les lèvres. Aristote indique lui-même quelles sont ces limites assez étroites chez les animaux. — Comme nous venons de le dire. Plus haut, § 8. — Tenir lieu de dents et de lèvres. L’observation est très-exacte. — Comme si sur l’homme L’hypothèse est ingénieuse ; et elle fait bien comprendre quels sont les rapports que la conformation de l’oiseau peut avoir, à quelques égards, avec celle de l’homme.
  156. . Chez tous les autres animaux. L’expression est peut-être trop générale, puisqu’elle ne s’applique qu’aux animaux pourvus de lèvres véritables. — Molles et charnues. Ce n’est pas le privilège de l’homme seul ; et chez beaucoup d’autres animaux, les lèvres sont organisées de même. — Servir à la parole. Aristote, on le sait, a été un des premiers à proclamer ce privilège de l’homme ; et personne ne l’a apprécié plus haut que lui, bien qu’il n’ait pas tiré de cette observation toutes les conséquences qu’elle renferme. L’action des lèvres dans le langage articulé est indispensable pour produire certains sons.
  157. . Qui ne ressemble pas à celle des autres animaux. Ceci n’est pas absolument exact ; et dans toute la classe des mammifères, la langue ne diffère pas sensiblement de celle de l’homme. Chez tous sans exception, elle est charnue et flexible dans toutes ses parties, attachée par une portion de sa base à la mâchoire inférieure, et par sa racine à l’os hyoïde ; elle ne diffère d’un animal à l’autre que par la longueur et l’extensibilité de sa partie libre. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XVe leçon, pp. 678 et suiv., 1re édition. Mais elle diffère beaucoup, comme le dit Aristote, chez les oiseaux, les reptiles, et les poissons, dont quelques-uns n’en ont pas du tout, comme les chondroptérygiens, chez les mollusques, qui n’en ont pas davantage, et chez les insectes de tout genre. — A deux usages. Le goût et la parole. — Ainsi que nous l’avons dit. Voir plus haut, § 5. — Les saveurs et pour parler. La langue est, en outre, un organe de déglutition. On peut donc dire qu’elle a trois usages et non pas deux.
  158. Le langage. Ce qu’Aristote dit ici de la langue et des lèvres comme instruments de parole, est profondément vrai. Il y a des consonnes linguales et d’autres qui sont labiales ; et sans la langue et les lèvres on ne pourrait prononcer ni les unes ni les autres. — Aux maîtres de métrique Ceci prouve que les études sur l’organe de la voix et ses emplois divers étaient dès lors poussées fort loin. Aujourd’hui même, nous ne les cultivons pas sans doute autant que les Grecs les cultivaient. C’est une lacune de notre éducation.
  159. Chacune de ces deux parties. La langue et les lèvres. — Qu’on vient de dire. Aux paragraphes précédents. — Le plus sensible de tous les animaux. Cuvier dit également que l’homme est de tous les animaux vertébrés celui qui a le toucher le plus parfait. Dans les animaux qui sont réduits au seul sens du toucher, il paraît encore plus exquis que chez l’homme même ; Anatomie comparée, XIVe leçon, p. 538.
  160. La langue des animaux. Ce qui vient d’être dit de la langue s’applique particulièrement à l’homme ; il reste à voir ce qu’est la langue chez les autres animaux. — Dans presque tous les animaux. Voir pour toute la série animale l’Anatomie comparée de Cuvier, loc. cit.Cette disposition est différente. Cette généralité est très-vraie, bien que l’analyse ne soit pas poussée assez loin. — La plus mobile et la plus molle. Voir au chapitre précédent, § 12.
  161. . La plus large. Sous-entendu : Proportionnellement. — Percevoir les saveurs. Voir plus haut, chapitre précédent, § 12, où ceci a déjà été dit. — Qui les perçoit le mieux. Ceci n’est peut-être pas très-exact. — Toucher les choses. Le goût est en effet un toucher spécial, puisqu’il faut toucher les choses sapides pour en avoir la perception, comme l’auteur le dit fort bien. — L’articulation des lettres. Répétition de ce qui vient d’être dit, chapitre précédent, § 13.
  162. . Et en étant mobile. La mobilité était en effet une condition indispensable pour l’accomplissement de la fonction. Sans cette mobilité, ni la parole, ni la déglutition n’eussent été possibles. — On le voit clairement… Observation très-exacte et fort ingénieuse. Peut aussi se rétrécir. Cette observation est également très-juste. — Car le petit peut se trouver dans le grand. C’est la traduction fidèle du texte ; mais la pensée aurait pu être présentée sous une forme plus précise et plus spéciale.
  163. . Ceux qui ont la langue la plus large. Ceci fait sans doute allusion à la langue du perroquet, qui est très-épaisse, charnue et arrondie en devant ; voir Cuvier, Anatomie comparée, XVe leçon, p. 691, 1re édit. La langue des canards est aplatie, large et charnue. — Est dure, peu détachée et épaisse. Ceci n’est pas très-exact pour l’ordre entier des mammifères ; voir au chapitre précédent, § 12. — Une forte voix. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XXVIIIe leçon, p. 450, 1re édition ; le grand naturaliste français a commencé ses études sur la voix des animaux, par celle des oiseaux comme la plus simple, et une des plus merveilleuses. Aussi, s’est-il appliqué à l’analyser avec le plus grand soin. La voix des oiseaux est un instrument à vent pur et simple, dans le genre des cors et des trompettes, id. ibid. p. 463 et 491.
  164. Les oiseaux les plus petits. Il suffit de citer le rossignol pour montrer combien cette observation est exacte. — Se faire comprendre les uns des autres. Le fait est incontestable, bien qu’il soit très-difficile de savoir jusqu’où vont ces communications des animaux entre eux. Nous n’avons pas fait de grands progrès dans cette voie ; et il est probable que le mystère nous restera toujours à peu près impénétrable. — Dans l’Histoire des Animaux. Le sujet de la voix des animaux y a été traité tout au long, liv. IV, ch. 9 ; voir spécialement les §§ 13 et 18.
  165. Qui sont ovipares et qui ont du sang. Voir sur les oiseaux l’Anatomie comparée de Cuvier, XXVIIIe leçon, pp. 450 et suiv. — Inutile pour la fonction de la voix. Il faut comprendre qu’il s’agit de la voix articulée comme elle l’est dans l’homme. — Les serpents et les lézards. Toutes ces observations sont exactes, et la science moderne n’a pu que les confirmer. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XVe leçon, p. 680, 1reédition. — L’étendre peu à peu fort loin. Cuvier dit aussi que la langue des lézards est singulièrement extensible, comme celle des serpents, et qu’elle se termine par deux longues pointes flexibles demi-cartilagineuses. Celle du chaméléon, qui est cylindrique, peut s’allonger considérablement, grâce à un mécanisme spécial. — Ils l’ont double. Ou plutôt : « Bifide. » — Ils sont très-friands. Le fait est vrai ; mais l’explication est plus ingénieuse que réelle. — Ils ont le plaisir de goûter deux fois les saveurs. Ce n’est peut-être pas impossible.
  166. Privés de sang. Ce sont surtout les insectes qu’Aristote entend désigner par là, et aussi les poissons, comme la suite le prouve. — De l’organe des saveurs. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XVe leçon, p. 682 sur les insectes, et pp. 681 et 695 sur les poissons ; voir en outre XVIIIe leçon, pp. 260 et suiv., sur la langue considérée comme organe mobile de déglutition. — Par exemple quelques poissons. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. VIII, §§ 6 et suiv. sur le sens du goût chez les poissons ; voir aussi Cuvier. Anatomie comparée, XVIIIe leçon, p. 277. — Crocodiles de rivières. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. VI, § 2. Le crocodile n’est jamais que dans les cours d’eau douce, comme est le crocodile du Nil ; le crocodile terrestre n’est pas un vrai crocodile ; c’est un grand lézard, auquel on avait donné le nom de crocodile terrestre dans quelques contrées de la Grèce, où il se trouve ; voir MM. Aubert et Wimmer, Histoire des Animaux, t. I, p. 117. n° 10. On ne comprend pas bien sur quel fondement reposerait cette distinction. C’est à tort qu’Aristote a dit dans ce passage que le crocodile n’a pas de langue ; il en a une ; mais elle est plate et attachée jusque près de ses bords ; voir Cuvier, Règne animal, t. II, pp. 18 et 19, édit. de 1829. Il faut beaucoup d’attention pour discerner cette langue du reste de la bouche.
  167. Ne possèdent pas ce sens spécial. Ainsi, Aristote n’attribue qu’une seule fonction à la langue chez les poissons ; selon lui, cet organe ne sert absolument qu’à la perception des saveurs. — De la nature de l’arête. Cette observation est fort exacte ; et la bouche des poissons a toujours quelque chose de cartilagineux. — Que très-peu d’instants. La raison en est donnée un peu plus bas, puisque les poissons ne peuvent pas rester longtemps la bouche ouverte. Cependant cette raison n’est pas très-bonne ; car la perception du goût peut avoir lieu, quoique la bouche soit fermée. — Très-rapide et très-court. Il n’y qu’un seul mot dans le texte. — Écourtée. J’ai pris ce mot pour reproduire autant que possible la répétition qui est dans le texte. — Est d’une extrême rapidité. Le fait est très-exact ; et d’ordinaire on signale la voracité de la plupart des poissons. L’explication que donne Aristote est peut-être encore la plus plausible. — L’eau leur entrerait dans la bouche. L’eau entre bien dans la bouche des poissons, mais en petite quantité ; et c’est par les branchies qu’ils respirent. La zoologie moderne ne paraît pas avoir étudié spécialement la conformation de la bouche des poissons, bien qu’une classe tout entière s’appelle les cyclostomes, parce que les mâchoires sont soudées en un anneau immobile ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 128, édit. de 1829. — Très-inclinée. Afin de mieux voir comment leur langue est faite. — Distincte et détachée. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. On se rappelle que toute la classe des chondroptérygiens est dépourvue de langue ; et dans la plupart des poissons à branchies libres, la langue n’est formée que par la protubérance d’un os, auquel s’articulent ceux qui supportent les branchies ; voir Cuvier, Anatomie comparée, XVe leçon, tome II, p. 681, Ier édition. En général, la langue des poissons est osseuse, et parfois même elle est couverte de dents ; ce qui la rend peu sensible. C’est surtout par la membrane du palais, à ce qu’il semble, que les poissons sentent les saveurs. — Formée de la superposition des branchies. Cette description n’est pas très-exacte, et elle n’est pas non plus très-claire.
  168. . L’immobilité de leur mâchoire inférieure. Il ne semble pas que cette immobilité de la mâchoire inférieure chez les crocodiles soit aussi complète qu’Aristote et les Anciens l’ont cru. — Leur langue est attachée… Cuvier, Règne animal, tome II, p. 17, suppose que les Anciens niaient que le crocodile eût une langue ; on voit par ce passage qu’il n’en est rien. Aristote avait très-bien vu la conformation de la langue du crocodile, qui est plate et attachée, jusque près de ses bords. — C’est en haut qu’ils ont la mâchoire d’en bas. Cette explication est fort ingénieuse, quoique la pensée ne soit pas très-juste. Par suite de la masse énorme d’os que le crocodile a dans la tête, la mâchoire inférieure est lieu mobile ; mais elle l’est dans une certaine mesure, bien qu’elle compte douze pièces osseuses, tandis que celle de l’homme adulte ne présente qu’un seul os, courbé en arc dans son milieu ; voir Cuvier, Anatomie comparée, XVIe leçon, p. 13, 1ere édition ; et Règne animal, t. II, p. 18.
  169. Vit cependant de la vie des poissons. En d’autres termes, le crocodile est un amphibie d’un certain genre. — Sans aucune articulation. Voir plus haut § 8, où l’auteur explique l’organisation particulière de la bouche des poissons.
  170. Ont le palais charnu. L’observation est exacte. — Chargé de chair. Ceci est la répétition de ce qui vient d’être dit ; mais cette répétition est dans le texte. C’est que sans doute l’auteur a d’abord parlé des poissons de mer, et qu’ensuite il leur oppose les poissons d’eau douce. — Les carpes. Le mot du texte est Cyprinoi ; mais l’identification paraît tout à fait certaine ; c’est le Cyprinus carpio de la zoologie moderne ; voir MM. Aubert et Wimmer, Histoire des Animaux, t. I, p. 133, n° 39 du Catalogue des poissons. — Si l’on n’y regarde pas de très-près. Voir plus haut, § 8. — Qu’elles renferment. Il serait plus exact de dire ; « Qui les renferme ; » car les saveurs sont dans les aliments et les aliments ne sont pas dans les saveurs ; mais j’ai dû suivre le texte. — Mais principalement à son extrémité, qui est la seule à être détachée assez nettement pour qu’on la reconnaisse. C’est que, dans les poissons, la langue est assez généralement soutenue par un os ou un cartilage ; cette langue n’a pas toujours de muscles propres ; et elle a très-peu de mouvements ; voir Cuvier, Anatomie comparée, XVIIIe leçon, p. 277. 1ere édition. Il y a cependant quelques poissons, comme le congre, qui ont la langue très-longue.
  171. Le désir et l’appétit. Il n’y a qu’un mot dans le texte. — Le plaisir qu’elle cause. C’est vrai ; mais la vivacité de cette sensation varie avec les diverses espèces, puisque les uns sont voraces et que les autres ne le sont pas. — L’organe… est loin d’être le même. L’observation est exacte ; et la diversité des moyens que la nature emploie pour procurer aux animaux leur nourriture spéciale, est une des parties les plus curieuses de l’anatomie comparée. La revue que fait ici Aristote n’est pas complète sans doute ; mais elle n’en est pas moins louable et digne d’attention. S’il s’occupe peu des animaux supérieurs, c’est que chez eux les faits sont de toute évidence ; et il s’arrête plus particulièrement aux espèces où ils sont beaucoup moins clairs : crustacés, mollusques, insectes, etc. — À l’intérieur. L’expression est bien vague ; et il était possible de préciser les choses davantage. — Comme dans les fourmis. Ici encore il eût été possible de donner plus de détails. — Comme une espèce de dard. Dans quelques insectes, c’est un organe aussi puissant que peut l’être un dard proprement dit, notamment chez certaines espèces de mouches, comme l’auteur l’indique au paragraphe suivant. — Et attirent leur nourriture. En faisant le vide par une aspiration énergique, comme le fait aussi la trompe de l’éléphant, citée également au paragraphe suivant.
  172. Sur les mouches. C’est une observation que tout le monde peut faire sur ces insectes. — Dans les pourpres. Voir les mêmes observations à peu près dans l’Histoire des Animaux, liv. IV. ch. 4, § 11. p. 44 de ma traduction, t. II. — Comme un équivalent de la trompe. Cette conformation est surtout très-marquée dans les mouches, quelque ténus que soient leurs organes. — Une utilité et une défense. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte ; mais il a les deux sens que j’ai dû indiquer en le traduisant. — La place d’un aiguillon. Sur les aiguillons des insectes, voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. Vu, §§ 5 et suivants, p. 71 de ma traduction.
  173. . La langue est donc organisée… Cette étude sur la langue dans les diverses espèces d’animaux est très-remarquable quoique incomplète. C’est un cadre où la science n’a eu qu’à faire entrer successivement tous les faits qu’elle peut constater. C’est du reste la marche que la science a dû toujours suivre nécessairement depuis l’Antiquité jusqu’à nous ; c’est la marche qu’elle suivra aussi dans l’avenir. Les observations d’Aristote étant en général fort exactes, il n’y a point à les changer ; on ne peut qu’y ajouter ; et les accroissements de la science seront sans limite, comme les faits que la nature livre sans cesse à l’infatigable curiosité de l’homme.