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son seigneur, quand il s’agit des droits prétendus par le seigneur, quoique le fief servant soit situé dans une autre jurisdiction. Voyez Justice seigneuriale, Seigneur, & Procureur-fiscal.

La propriété d’un fief oblige en outre le vassal à quatre choses en vers le seigneur.

1°. A lui faire la foi & hommage dans le tems de la coûtume, à moins qu’il n’ait obtenu souffrance, c’est-à-dire un délai, lequel ne s’accorde que pour quelque empêchement légitime, comme pour minorité. Voyez ci-après Foi & Souffrance.

2°. A payer au seigneur les droits utiles qui lui sont dûs, comme quint, requint, relief, & autres, selon l’usage du lieu & les différentes mutations.

3°. A donner l’aveu & dénombrement de son fief. Voyez Dénombrement.

4°. A comparoître aux plaids du seigneur par-devant ses officiers, quand il est assigné à cette fin. Voy. Plaids, Service de plaids.

Les fiefs peuvent avoir deux sortes de droits qui y soient attachés ; savoir des droits honorifiques, & des droits utiles.

Les droits honorifiques des fiefs sont, 1°. la justice pour ceux auxquels ce droit est attaché, & les droits de deshérence & de bâtardise, qui sont une suite de la haute justice.

2°. Le droit de patronage, attaché à certaines seigneuries.

3°. Les droits honorifiques proprement dits, ou grands honneurs de l’église qui peuvent appartenir au seigneur, soit comme patron, soit comme seigneur haut-justicier. Voyez Droits honorifiques.

4°. Les seigneurs moyens & bas-justiciers, & les simples seigneurs de fief joüissent, après le patron & le haut-justicier, des moindres honneurs de l’église, & autres préséances sur les personnes qui leur sont inférieures en dignité.

5°. Le droit de colombier à pié.

6°. La chasse & la pêche, droit de garenne & d’étang.

7°. Le droit de retrait féodal.

8°. Le droit de commise.

Les droits utiles des fiefs sont les droits de quint, requint & relief, dûs pour les fiefs qui sont mouvans d’un autre, lorsqu’il y a mutation sujette aux droits, & pour les rotures les lods & ventes.

Il y a aussi des redevances dûes annuellement sur les rotures au seigneur de fiefs, tels que les droits de cens, champart, terrage, dixmes inféodées, & plusieurs autres droits extraordinaires, tels que corvées & bannalités, qui dépendent des titres de la possession & de l’usage des lieux. Les droits casuels des fiefs étoient inconnus jusqu’au tems de la troisieme race, auparavant les fiefs n’étoient que d’honneur simplement. Voyez Droits seigneuriaux, Lods & Ventes, Quint, Requint, Cens, Champart, &c.

Les seigneurs qui ont des censives, peuvent obliger leurs censitaires de passer déclaration à leur terrier. Voyez Déclaration, Reconnoissance, Lettres de Terrier, Terrier.

Il se forme quelquefois un combat de fief entre deux seigneurs ; on appelle combat de fief une contestation qui survient entre deux seigneurs qui prétendent respectivement la mouvance d’un héritage, soit en fief ou en censive.

Si c’est un fief qui forme l’objet de ce combat, les seigneurs contendans peuvent faire saisir le fief pour la conservation de leurs droits ; & le nouveau vassal doit se faire recevoir par main souveraine, & consigner les droits.

Quand le fief est ouvert par le changement de vassal, ou qu’il y a mutation de seigneur, & que le vassal n’a pas fait la foi & payé les droits qui peuvent être dûs, le seigneur peut faire saisir féodalement ou

procéder par voie d’action ; lorsqu’il prend cette derniere voie, il ne gagne point les fruits. Voyez Saisie réelle.

Le fief étant saisi féodalement, le vassal, pour en avoir main-levée, doit avant toute chose avoüer ou desavoüer le seigneur ; avoüer, c’est se reconnoître son vassal ; desavoüer, c’est nier qu’on releve de lui.

La peine du desaveu téméraire, est que le vassal perd son fief, qui demeure confisqué au profit du seigneur. Voyez Aveu & Desaveu.

La commise ou confiscation du fief a aussi lieu pour crime de félonie, c’est-à-dire lorsque le vassal offense grievement son seigneur. Voyez Félonie.

Le démembrement de fief en général est défendu, c’est-à-dire qu’il n’est pas permis au vassal de faire d’un même fief plusieurs fiefs séparés & indépendans les uns des autres, à moins que ce ne soit du consentement du seigneur dominant, ou que ce ne soit dans quelques coûtumes qui le permettent ou le tolerent expressément, comme Artois & Boulogne, Péronne & Amiens, qui le permettent dans tous les actes & dans toutes les aliénations ; celle de Vermandois le permet pour le partage successif ; mais il faut dans toutes ces coûtumes, que la volonté de démembrer soit constante. Voyez Démembrement.

Le jeu de fief, même excessif, est différent du démembrement ; c’est une aliénation des parties du corps matériel du fief, sans division de la foi dûe pour la totalité du fief : l’on peut se joüer de son fief, soit en faisant des sous-inféodations, ou en donnant quelque portion du domaine du fief à cens ou à rente, ou en la vendant.

Le jeu de fief est permis pour la totalité dans les pays de droit écrit ; mais dans les pays coûtumiers, il est regardé comme excessif, lorsqu’il excede la portion dont la coûtume permet de se joüer. La plûpart des coûtumes veulent que le vassal réserve du moins le tiers des domaines en fonds, comme celle de Paris, article 51, qui permet au vassal de se joüer de son fief, & faire son profit des héritages, rentes ou cens étant du fief, sans payer aucun profit au seigneur dominant, pourvû que l’aliénation n’excede pas les deux tiers, & que l’on retienne la foi entiere & quelque droit seigneurial & domanial sur ce qu’il aliene.

Ce que les coutumes d’Anjou, du Maine & de Touraine appellent depié de fief, n’est pas le démembrement du fief, mais plûtôt le jeu excessif du fief.

La peine du depié de fief & du jeu excessif, est que tout ce qui est aliené releve dorénavant, immédiatement du seigneur dominant du vassal qui a fait l’aliénation excessive ; au lieu que toute la peine du démembrement, est que le seigneur dominant n’est pas obligé de reconnoître la division que l’on a voulu faire du fief. Voyez Depié de Fief & Jeu de Fief.

Lorsque le propriétaire d’un fief acquiert un autre fief mouvant de lui, ou quelque héritage qui étoit tenu de lui à cens, ce fief ou autre héritage est réuni au fief de l’acquéreur, à moins que par le contrat il ne déclare qu’il entend tenir séparément ce qu’il acquiert. Cette déclaration doit être renouvellée par chaque possesseur qui se trouve propriétaire du fief & des portions acquises.

La succession des fiefs se regle en pays de droit écrit comme celle des autres biens ; mais il n’en est pas de même en pays coûtumier ; on trouve presque dans chaque coûtume des regles particulieres pour le partage des fiefs : de sorte qu’il n’est pas possible d’asseoir sur cette matiere des principes qui conviennent par-tout : voici néanmoins les usages les plus généraux.