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Mais la partie de la résistance qui vient de la force d’inertie, est proportionnelle à la densité de la matiere, & ne peut-être diminuée par la division de la matiere en plus petites parcelles, ni par aucun moyen que par la densité du milieu ; & par-conséquent si les espaces célestes étoient aussi denses que l’eau, leur résistance ne seroit guere moindre que celle de l’eau ; s’ils étoient aussi denses que le vif-argent, leur résistance ne seroit guere moindre que celle du vif-argent ; & s’ils étoient absolument denses ou pleins de matiere sans aucun vuide, quelque subtile & fluide que fût cette matiere, leur résistance seroit plus grande que celle du vif argent. Un globe solide perdroit dans un tel milieu plus de la moitié de son mouvement, en parcourant trois fois la longueur de son diametre, & un globe qui ne seroit pas entierement solide, telles que sont les planetes, s’arrêteroit en moins de tems. Donc pour assurer les mouvemens réguliers & durables des planetes & des cometes, il est absolument nécessaire que les cieux soient vuides de toute matiere, excepté peut-être quelques vapeurs ou exhalaisons qui viennent des atmospheres de la terre, des planetes & des cometes, & les rayons de lumiere. Voyez Résistance, Milieu, Planete, Comete. »

III. Newton déduit encore le vuide de la considération du poids des corps. « Tous les corps, dit-il, qui sont ici-bas pesent vers la terre, & les poids de tous ces corps, lorsqu’ils sont à égale distance du centre de la terre, sont comme les quantités de matiere de ces corps. Si donc l’éther ou quelqu’autre matiere subtile étoit entierement privée de gravité, ou qu’elle pesât moins que les autres à raison de sa quantité de matiere, il arriveroit, suivant Aristote, Descartes & tous ceux qui veulent que cette matiere ne differe des autres corps que par le changement de sa forme, que le même corps pourroit, en changeant de forme, être graduellement changé en un corps de même constitution que ceux qui pesent plus que lui à raison de leur quantité de matiere, & de même les corps les plus pesans pourroient perdre par degrés leur gravité en changeant de forme, ensorte que les poids dépendroient uniquement des formes des corps, & changeroient en même tems que ces formes, ce qui est contraire à toute expérience ». Voyez Poids.

IV. La chûte des corps prouve encore, suivant M. Newton, que tous les espaces ne sont pas également pleins. « Si tous les espaces étoient également pleins, la gravité spécifique du fluide dont l’air seroit rempli, ne seroit pas moindre que la gravité spécifique des corps les plus pesans, comme le vif-argent & l’or, & par conséquent aucun de ces corps ne devroit tomber ; car les corps ne descendent dans un fluide que lorsqu’ils sont spécifiquement plus pesans que ce fluide. Or si, par le moyen de la machine pneumatique, on parvient à tirer l’air d’un vaisseau au point qu’une plume y tombe aussi vîte que l’or dans l’air libre, il faut que le milieu qui occupe alors le vaisseau soit beaucoup plus rare que l’air. Voyez Chûte. Puis donc que la quantité de matiere peut être diminuée dans un espace donné par la raréfaction, pourquoi cette diminution ne pourroit-elle pas aller jusqu’à l’infini ? Ajoutez à cela que nous regardons les particules solides de tous les corps comme étant de même densité, & comme ne pouvant se raréfier qu’au moyen des pores qui sont entr’elles, & que de-là le vuide suit nécessairement. Voyez Raréfaction, Pore & Particule. »

V. « Les vibrations des pendules prouvent encore l’existence du vuide ; car puisque ces corps

n’éprouvent point de résistence qui retarde leur mouvement ou qui raccourcissent leurs vibrations, il faut qu’il n’y ait pas de matiere sensible dans ces espaces, ni dans les interstices des particules de ces corps ». Voyez Pendule.

Quant à ce que Descartes a dit, que la matiere peut être atténuée au point de rendre sa résistance insensible, & qu’un petit corps en en frappant un grand ne sauroit ni lui résister, ni altérer son mouvement, mais qu’il doit retourner en arriere avec toute sa force ; c’est ce qui est contraire à l’expérience. Car Newton a fait voir que la densité des fluides étoit proportionnelle à leur résistance à très peu de chose près, & c’est une méprise bien grossiere que de croire que la résistance qu’éprouvent les projectiles est diminuée à l’infini, en divisant jusqu’à l’infini les parties de ce fluide. Puisqu’au contraire il est clair que la résistance est fort peu diminuée par la sous-division des parties, & que les forces résistantes de tous les fluides sont à-peu-près comme leurs densités, princip. l. II. prop. 38. & 40. Et pourquoi la même quantité de matiere divisée en un grand nombre de parties très-petites, ou en un petit nombre de parties plus grandes ne produiroit-elle pas la même résistance ? S’il n’y avoit donc pas de vuide, il s’ensuivroit qu’un projectile mû dans l’air, ou même dans un espace purgé d’air, éprouveroit autant de résistance que s’il se mouvoit dans du vif-argent. Voyez Projectile.

VI. La divisibilité actuelle de la matiere & la diversité de la figure de ses parties prouve le vuide disséminé. Car dans la supposition du plein absolu, nous ne concevons pas plus qu’une partie de matiere puisse être actuellement séparée d’une autre, que nous ne pouvons comprendre la division des parties de l’espace absolu. Lorsqu’on imagine la division ou séparation de deux parties unies, on ne sauroit imaginer autre chose que l’éloignement de ces parties à une certaine distance. Or de telles divisions demandent nécessairement du vuide entre les parties. Voyez Divisibilité.

VII. Quant aux figures des corps, elles devroient toutes être dans la supposition du plein, ou absolument rectilignes, ou concaves-convexes, autrement elles ne pourroient jamais remplir exactement l’espace ; or tous les corps n’ont pas ces figures.

VIII. Ceux qui nient le vuide supposent ce qu’il est impossible de prouver, que le monde matériel n’a point de limite. Voyez Univers.

Puisque l’essence de la matiere ne consiste pas dans l’étendue, mais dans la solidité ou dans l’impénétrabilité ; on peut dire que l’univers est composé de corps solides qui se meuvent dans le vuide : & nous ne devons craindre en aucune maniere que les phénomenes, qui s’expliquent dans le système du plein, se refusent au système de ceux qui admettent le vuide, les principaux de ces phenomenes, tels que le flux & reflux, la suspension du mercure dans le barometre, le mouvement des corps célestes, de la lumiere, &c. s’expliquent d’une maniere bien plus satisfaisante dans ce dernier système. Voyez Flux, &c.

Vuide de Boyle, est le nom que quelques auteurs donnent à l’espace de milieu rare qui se trouve dans la machine pneumatique, & qui approche si fort du vuide parfait. Cet espace n’est pourtant pas absolument vuide ; car la lumiere au-moins y entre & le pénetre, & la matiere de la lumiere est corporelle : les Cartésiens prétendent qu’à mesure qu’on pompe l’air, le récipient de la machine se remplit de matiere subtile. Quoi qu’il en soit, l’expérience prouve que la matiere qui remplit alors le récipient, n’a aucune résistance par elle-même ; & c’est pour cela qu’on regarde le récipient comme vuide. Voyez Machine pneumatique.