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PRIMOGÉNITURE, droit de, (Droit natur.) Droit contraire à la nature. C’est l’esprit de vanité, dit l’auteur des lettres persanes, qui a introduit chez les Européens l’injuste droit d’aînesse, si défavorable à la propagation, en ce qu’il porte l’attention du pere sur un seul de ses enfans, & détourne ses yeux de tous les autres ; en ce qu’il l’oblige, pour rendre solide la fortune d’un seul, de s’opposer à l’établissement de plusieurs ; enfin en ce qu’il détruit l’égalité des citoyens qui en fait toute l’opulence.

Il est certain que par-tout où regne cette coutume de favoriser l’aîné, au point de vouloir soutenir les familles par la division inégale des biens paternels, elle est une source d’oisiveté pour les aînés, & empêche le mariage des cadets, qui, élevés de la même maniere que leurs aînés, veulent les imiter dans leur faste, & pour y parvenir deviennent autant de célibataires. Cet usage, qui des monarchies a passé à Venise, est une des causes visibles de la dépopulation & de la décadence de cette république. Il en arriveroit la même chose en Angleterre, si les cadets de famille n’embrassoient de bonne heure des professions qui les rendent des citoyens industrieux & utiles à la patrie.

On ne doit point citer en faveur des droits de la primogéniture, l’usage de plusieurs peuples de l’antiquité. Chez ces peuples, l’aîné étoit regardé comme le chef & le prêtre de la famille, & s’il héritoit d’une double portion des biens paternels, cette double portion devoit servir à faire les frais des festins & des sacrifices.

On peut cependant lire sur cette matiere une dissertation de M. Buddeus, intitulée de successione primogenitorum : c’est la troisieme de ses selecta juris nat. & gentium. Cette dissertation n’est pas à la vérité trop philosophique, mais elle est très-savante. (D. J.)

PRIMORDIAL, adj. (Jurisprud.) se dit de ce qui remonte à l’origine d’une chose. Ainsi le titre primordial, est le premier titre constitutif de quelque établissement. Voyez Titre. (A)

Prince, en terme de politique, signifie une personne revêtue du suprème commandement sur un état ou un pays, & qui est indépendant de tout autre supérieur. Voyez Souverain, Monarque, Roi

Prince se dit aussi d’un homme qui commande souverainement à son pays, quoiqu’il ait un supérieur à qui il paye tribut ou rend hommage.

Tous les princes d’Allemagne sont feudataires de l’empereur, & cependant ils sont aussi absolus dans leurs états que l’empereur l’est dans les siens ; mais ils sont obligés à donner certains secours d’argent & de troupes. Voyez Empereur, Electeur & College électoral.

Prince, dans les anciens actes publics, ne signifioit que seigneur. Ducange a donné un grand nombre de preuves de cet usage : en effet, le mot latin princeps, d’où on forme prince en françois, signifie dans son origine premier, chef ; il est composé du latin primus, premier, & caput, tête. C’est proprement un titre de dignité & de charge, & non de domination & de souveraineté.

Sous Offa, roi d’Angleterre, les princes signoient après les évêques ; ainsi on lit Brordanus patritius, Binnanus princeps, & les ducs signoient après eux. Et dans une charte du roi Edgar, Mons. angl. t. III. p. 301, ego Edgarus rex rogatus ab episcopo meo de Wolfe & principe meo Aldredo. Et dans Matthieu Paris, p. 155, ego Hulden princeps regis, pro viribus, assensum prebeo : & ego Turketillus dux, concedo.

Prince est aussi le nom de ceux qui sont de la famille royale. Voyez Fils ou Fille. Dans ce sens, on les appelle particulierement en France princes du sang, comme étant de la famille à laquelle la souve-

raineté est attachée, quoiqu’ils n’en soient pas toujours

& prochainement les héritiers présomptifs.

En Angleterre, les enfans du roi sont appellés fils & filles d’Angleterre ; le fils aîné est nommé prince de Galles ; les autres enfans sont créés ducs ou comtes, sous le titre qu’il plaît au roi : ils n’ont point d’apanage comme en France, mais ils tiennent ce qu’ils ont des bienfaits du roi. Voyez Apanage.

Les fils sont tous conseillers d’état par le droit de naissance, & les filles princesses ; c’est un crime de haute trahison de violer la fille aînée du roi d’Angleterre.

On donne le titre d’altesse royale à tous les enfans du roi ; les sujets se mettent à genoux quand ils sont admis à leur baiser la main, & ils sont servis à table à genoux comme le roi.

Le premier prince du sang en France s’appelle monsieur le prince dans la branche de Condé, & monsieur le duc d’Orléans dans celle d’Orléans. Le frere du roi est toujours premier prince du sang. La qualité de prince du sang donne le rang & la préséance, mais elle ne renferme aucune jurisdiction ; ils sont princes par ordre & non par office.

Wiquefort observe qu’il n’y avoit de son tems qu’environ cinquante ans que les princes du sang de France donnoient le pas aux ambassadeurs, même à ceux des républiques, & ce n’est que depuis les requisitions des rois qu’ils leur ont donné la préséance.

Dès que le pape est élu, tous ses parens deviennent princes. Voyez Pape & Népotisme.

Le prince de Galles au moment de sa naissance est duc de Cornouailles ; & immédiatement après qu’il est né, il est mis en possession des droits & revenus de ce duché, & il est conseiller d’état. Quand il a atteint l’âge requis, il est ensuite fait prince de Galles. La cérémonie de l’investure consiste dans l’imposition du bonnet de l’état, de la couronne, de la verge d’or & de l’anneau. Il prend possession de cette principauté en vertu des patentes accordées à lui & à ses héritiers par les rois d’Angleterre.

Ce titre & cette principauté furent donnés par le roi Henri III. à Edouard son fils aîné ; jusques-là les fils aînés des rois d’Angleterre étoient appellés lords-princes. Quand la Normandie étoit du domaine d’Angleterre, ils avoient le titre de duc de Normandie, depuis ce tems-là il a le titre de prince de la grande Bretagne.

Ils sont considérés dans les lois comme le roi même ; conspirer leur mort ou en violer les sœurs, est un crime de haute trahison.

Les revenus du duché de Cornouailles sont de 14000 liv. par an, & ceux de la principauté étoient il y a trois cens ans de 4680 liv. de rente.

Prince, princeps, (Théol.) dans l’Ecriture & parmi les Juifs modernes, se prend en divers sens ; & quelquefois pour le principal & le premier. Ainsi l’on dit, les princes des familles, des tribus, des maisons d’Israël ; les princes des lévites, les princes du peuple, les princes des prêtres, les princes de la synagogue ou de l’assemblée, les princes des enfans de Ruben, de Juda, &c. Souvent il se prend aussi pour le roi, le souverain du pays, & pour ses principaux officiers : ainsi l’on dit, les princes de l’armée de Pharaon, Phicol prince de l’armée d’Abimelech, Putiphar étoit prince des bouchers ou des gardes du roi d’Egypte, Joseph se trouva en prison avec le prince des pannetiers, & ainsi des autres.

Prince des prêtres marque quelquefois le grand-prêtre qui est actuellement en exercice, comme dans S. Matth. chap. xxvj. vers. 58. ou celui qui avoit autrefois rempli cette dignité, comme dans les actes des apôtres, chap. iv. vers. 6. Quelquefois celui qui étoit à la tête des prêtres servant dans le tem-