L’Encyclopédie/1re édition/ROI

ROIDE  ►

ROI, voyez Roitelet.

Roi ou Mere des cailles, voyez Rasle de genet.

Roi des vautours, Vautour des Indes, (Hist. nat. Ornitholog.) vultur monachus. Klein. Oiseau qui est à-peu-près de la grosseur d’un dindon femelle ; il a deux piés trois pouces de longueur depuis la pointe du bec jusqu’à l’extrémité de la queue ; les aîles étant pliées s’étendent jusqu’au bout de la queue. La tête & le haut du cou sont couverts d’une peau unie, variée de différentes couleurs, telles que l’orangé, le brun, le rouge, le pourpre, &c. On voit dans plusieurs endroits de cette peau des poils courts & noirs. Au-dessous de la partie nue du cou, il y a une espece de collier formé par des plumes assez longues d’un cendré foncé : ce collier entoure le cou, & descend un peu vers la poitrine : le reste du cou, le dos & les petites plumes des ailes sont d’un blanc mêlé d’une légere teinte de roussâtre. Le croupion & les plumes du dessus de la queue ont une couleur noire. (Le roi des vautours qu’Ewards a décrit, avoit le croupion & les plumes du dessus de la queue blancs.) La poitrine, le ventre, les côtés du corps, les jambes, les plumes du dessous de la queue & celles de la face inférieure des ailes sont blancs. La couleur des grandes plumes de l’aile est d’un noir changeant en un verd très-obscur ; les moyennes sont de la même couleur, & elles ont les bords extérieurs gris ; la queue est noire, le bec, les piés & les ongles sont rouges. On trouve cet oiseau à Cayenne. Derham l’a décrit sous le nom de vautour des Indes. Ornit. de M. Brisson, tom. I. Voyez Oiseau.

Roi, (Gouvern. polit.) Voici les vers qu’il faut graver sur la porte des palais des rois.

Hoc reges habent
Magnificum & ingens, nulla quòd rapit dies
Prodesse miseris, supplices fido lare protegere.

Le plus beau présent que les Dieux puissent faire aux hommes, c’est d’un roi qui aime son peuple & qui en est aimé, qui se confie en ses voisins & qui a leur confiance, enfin qui par sa justice & son humanité fait envier aux nations étrangeres le bonheur qu’ont ses sujets de vivre sous sa puissance.

Les oreilles d’un tel roi s’ouvrent à la plainte. Il arrête le bras de l’oppresseur : il renverse la tyrannie. Jamais le murmure ne s’eleve contre lui ; & quand les ennemis s’approchent, le danger ne s’approche point. Ses sujets forment un rempart d’airain autour de sa personne ; & l’armée d’un tyran fuit devant eux comme une plume légere au gré du vent qui l’agite.

« Favori du ciel, dit le bramine inspiré, toi à qui les fils des hommes tes égaux, ont confié le souverain pouvoir ; toi qu’ils ont chargé du soin de les conduire, regarde moins l’éclat du rang que l’importance du dépôt. La pourpre est ton habillement, un trône ton siege : la couronne de majesté pare ton front : le sceptre de la puissance orne ta main ; mais tu ne brilles sous cet appareil qu’autant qu’il sert au bien de l’état. »

Quant à l’autorité des rois, c’est à moi de m’y soumettre ; & c’est à l’auteur de Télemaque qu’il appartient d’en établir l’étendue & les bornes.

Un roi, dit-il, liv. V. p. 168 ; un roi peut tout sur les peuples : mais les lois peuvent tout sur lui. Il a une puissance absolue pour faire le bien, & les mains liées s’il vouloit faire le mal. Les lois lui confient les peuples comme le plus précieux de tous les dépôts, à condition qu’il sera le pere de ses sujets : elles veulent qu’un seul homme serve par sa sagesse & sa modération, à la félicité de tant d’hommes ; & non pas que tant d’hommes servent par leur misere & par leur servitude, à flatter l’orgueil & la mollesse d’un seul homme.

Un roi ne doit rien avoir au-dessus des autres, excepté ce qui est nécessaire, ou pour le soulager dans ses pénibles fonctions, ou pour imprimer au peuple le respect de celui qui est né pour soutenir les lois. Il doit être au-dehors le défenseur de la patrie ; & au-dedans le juge des peuples, pour les rendre bons, sages & heureux.

Il doit les gouverner selon les lois de l’état, comme Dieu gouverne le monde selon les lois de la nature. Rarement employe-t-il sa toute-puissance pour en interrompre & en changer le cours, c’est-à-dire, que les dérogations & les nouveautés seront comme des miracles dans l’ordre de la bonne politique.

Quelques lauriers que la guerre lui promette, ils sont tôt ou tard funestes à la main qui les cueille :

En vain aux conquérans
L’erreur parmi les rois donne les premiers rangs.
Entre tous les héros ce sont les plus vulgaires ;
Chaque siecle est fecond en heureux téméraires......
Mais un roi vraiment roi, qui, sage en ses projets,
Sache en un calme heureux maintenir ses sujets,
Qui du bonheur public ait cimenté sa gloire ;
Il faut, pour le trouver, courir toute l’histoire.
La terre compte peu de ces rois bienfaisans ;
Le ciel à les former se prépare long-tems !
Tel fut cet empereur, sous qui Rome adorée,
Vit renaître les jours de Saturne & de Rhée ;
Qui rendit de son joug l’univers amoureux,
Qu’on n’alla jamais voir sans revenir heureux,
Qui soupiroit le soir, si sa main fortunée
N’avoit par ses bienfaits signalé la journée :
Le cours ne fut pas long d’un empire si doux.

Seneque (vers 463.) peint encore plus simplement, plus laconiquement & plus énergiquement, mais non pas avec ce brillant coloris, la gloire & les devoirs des rois. Je finis toutefois par ces maximes :

Pulchrum eminere est inter illustres viros ;
Consulere patriæ ; parcere afflictis ; ferâ
Cæde abstinere, tempus atque iræ dare ;
Orbi quietem ; sæculo pacem suo.
Hæc summa virtus : petitur hâc cælum viâ !

Roi, (Critique sacrée.) rex. Ce titre est donné indifféremment dans l’Ecriture aux souverains, soit que leurs états aient le titre de royaume ou d’empire. Les pontifes répondirent : nous n’avons d’autre roi que Céfar. Jean. 19. 15. Ce mot désigne aussi les chefs, les magistrats qui gouvernent un état ; non erat rex in Israël, Juges, j. 31. c’est-à-dire, il n’y avoit point de chefs en Israël, aux ordres duquel le peuple obéît. 3°. Il se prend pour guide, conducteur, soit parmi les hommes, soit parmi les bêtes. La sauterelle n’a point de roi (regem), Prov. xxx. 27. Il se prend, 4°. pour les grands, pour toutes les personnes puissantes en crédit ou en autorité : Je parlois de tes témoignages en présence des grands de ce monde, in conspectu regum. Ps. cxviij. 16. 5°. Pour les fideles ; tu nous as faits rois à notre Dieu, fecisti nos Deo nostro reges. 6°. Enfin, pour ceux qui par leur prééminence l’emportent au-dessus des autres. Il est roi sur tous les fils de l’orgueil, ipse est rex super universos filios superbiæ. Job. xlj. 25. Le roi des rois, & le seigneur des dominations est le titre que Saint Paul donne à l’Etre suprème. I. Tim. vj. 15. (D. J.)

Roi, nom que les anciens donnerent ou à Jupiter ou au principal ministre de la religion dans les républiques.

Après que les Athéniens eurent secoué le joug de leurs rois, ils éleverent une statue à Jupiter sous le nom de Jupiter-roi, pour faire connoître qu’à l’avenir ils ne vouloient point d’autre maître. A Lébadie on offroit de même des sacrifices à Jupiter roi, & on trouve que ce titre lui est souvent donné chez les anciens.

Mais ils ne le croyoient pas tellement attaché à la suprème puissance de ce dieu, qu’ils ne l’attribuassent quelquefois à certains hommes distingués par leur dignité. Ainsi le second magistrat d’Athènes ou le second archonte s’appelloit roi, βασιλεύς ; mais il n’avoit d’autres fonctions que celles de présider aux mysteres & aux sacrifices : hors de là nulle supériorité. Dans le gouvernement politique, sa femme avec le titre de reine partageoit aussi ses fonctions sacrées. L’origine de ce sacerdoce, dit Demostènes dans l’oraison contre Néera, venoit de ce qu’anciennement dans Athènes le roi exerçoit les fonctions de grand-prêtre ; & la reine, à cause de sa dignité, entroit dans le plus secret des mysteres. Lorsque Thésée eut rendu la liberté à Athènes en substituant la démocratie à l’état monarchique, le peuple continua d’élire entre les principaux & les meilleurs citoyens un roi pour les choses sacrées, & ordonna par une loi, que sa femme seroit toujours athénienne de naissance, & vierge quand il l’épouseroit, afin que les choses sacrées fussent administrées avec la pureté convenable ; & de peur qu’on n’abolît cette loi, elle fut gravée sur une colonne de pierre. Ce roi présidoit donc aux mysteres ; il jugeoit les affaires qui regardoient le violement des choses sacrées. En cas de meurtre, il rapportoit l’affaire au sénat de l’aréopage ; & déposant sa couronne, il s’asseyoit parmi les autres magistrats pour juger avec eux. Le roi & la reine avoient sous eux plusieurs ministres qui servoient aux cérémonies de la religion : tels que les épimeletes, les hiérophantes, les gereres, les ceryces, &c.

La même chose se pratiqua chez les Romains. Quelque mécontens qu’ils fussent de leur dernier roi, ils avoient cependant reçu tant de bienfaits des six premiers, qu’ils ne purent absolument en abolir le nom : mais aussi ne lui attribuerent-ils que des fonctions qui ne pouvoient jamais menacer la liberté, je veux dire le soin des cérémonies religieuses. Il lui étoit d’ailleurs défendu de remplir aucune magistrature ni d’haranguer le peuple. On le choisissoit parmi les plus anciens pontifes & augures, mais il étoit toujours subordonné au souverain pontife : cette dignité subsista jusqu’au regne du grand Théodose.

Roi, archonte, (Antiq. grecq.) C’est ainsi qu’on appelloit le second des neuf archontes d’Athènes. Il avoit pour son département ce qui concernoit la célébration des fêtes, les sacrifices & la religion. Il décidoit sous le grand portique sur les crimes d’impiété & de sacrilege. Il statuoit sur les cérémonies & les mysteres, sur les malheurs causés par la chute des bâtimens & des autres choses inanimées. C’étoit à lui d’introduire les meurtriers dans l’aréopage ; & il jugeoit avec cette célebre compagnie, en quittant sa couronne, qui étoit la marque de sa dignité. Pendant qu’il examinoit un procès, les parties ne pouvoient assister aux mysteres ni aux autres cérémonies de la religion. Pollux remarque que l’épouse du roi-archonte prenoit le titre de reine : elle devoit être athénienne de naissance : son mari comme inspecteur sur les affaires religieuses & sacrées, étoit honoré du nom d’archonte-roi, parce que les premiers rois d’Athènes étoient comme les grands sacrificateurs de la nation. Ils immoloient les victimes publiques, & leurs femmes offroient les sacrifices secrets avant le regne de Thesée. Les Romains, en détruisant la royauté, conserverent un roi des sacrifices sur le modele d’Athènes (D. J.)

Roi-d’armes, (Hist. de France.) C’étoit un officier de France qui annonçoit la guerre, les treves, les traités de paix & les tournois. C’est le premier & le chef des héraults-d’armes : nos ancêtres lui ont donné le titre de roi, qui signifie seulement premier chef. La plupart des savans assurent que ce fut Louis-le-Gros qui donna à Louis de Roussy le titre de roi-d’armes, inconnu jusques-là. Cet établissement fut imité par-tout, honoré de plusieurs privileges, de pensions considérables ; & les souverains à qui les rois-d’armes étoient envoyés, affectoient pour faire éclater leur grandeur dans les autres pays, de leur faire de beaux-présens.

Philippe de Comines a remarqué que Louis XI quoique fort avare, donna à un roi-d’armes que le roi d’Angleterre lui avoit envoyé, trois cens écus d’or de sa propre main, & trente aunes de velours cramoisi, & lui promit encore mille écus. Le rang de leur maître les rendoit respectables, & ils jouissoient des mêmes privileges que le droit des gens accorde aux ambassadeurs, pourvu qu’ils se renfermassent dans les bornes de leur commission ; mais s’ils violoient les lois de ce droit, ils perdoient leurs privileges. Froissart observe, que le roi-d’armes du duc de Gueldres ayant défié le roi Charles VI. clandestinement dans la ville de Tournai, & sans lui en donner connoissance, « il fut arrêté, mis en prison, & cuida être mort, dit cet historien, pour ce que tel défi étoit contre les formes & contre l’usage accoutumé, & de plus dans un lieu mal convenable, Tournai n’étant qu’une petite ville de Flandre ».

Le respect qu’on avoit pour les rois-d’armes suivis de leurs héraults, étoit si grand, qu’ils ont quelquefois, étant revêtus de leur cotte-d’armes, arrêté par leur présence, en criant hola, la fureur de deux armées dans le fort du combat. Froissart a observé, que dans un furieux assaut donné à la ville de Villepode en Galice, à la parole des héraults, cesserent les assaillans & se reposerent.

Le roi-d’armes avoit un titre particulier qui étoit mont-joie S. Denys ; & les autres héraults portoient le titre des seize principales provinces du royaume, comme Bourgogne, Normandie, Guienne, Champagne.

Il y a en Angleterre trois rois-d’armes, sous le titre de la jarretiere, de Clarence, & de Norroy. En Ecosse, les rois-d’armes & les héraults ont été employés dans les tournois, dans les combats à plaisance ou à outrance, à fer émoulu ou à lance mornée, que les seigneurs particuliers faisoient avec la permission du roi. Mais ils sont à-présent sans emploi par tout pays ; & on ne les voit plus parcourir les provinces, pour reconnoître les vrais nobles, les armoiries des familles & leurs blasons, en un mot, pour découvrir les abus que l’on commettoit concernant la noblesse & les généalogies. Voyez Roi d’armes, hist. d’Angl.

Quant aux cottes qui sont l’habit qui marquoit leur titre & leur pouvoir, celle du roi-d’armes est différente de celle des héraults, 1°. en ce que les trois grandes fleurs-de-lis qui sont au-devant & auderriere de la cotte, sont surmontées d’une couronne royale de fleurs-de-lis fermée. 2°. En ce qu’elle est bordée tout-au-tour d’une broderie d’or, entre les galons & la frange ; & 3°. parce que sur les manches, les mots montjoye S. Denys sont en broderie avec ces mots roi-d’armes de France sur la manche gauche.

Roi-d’armes, dit Favin, portoit la cotte de velours violet, avec l’écu de France couronné & entouré de deux ordres de France sur les quatre endroits de sa cotte-d’armes. Il ajoute qu’il falloit autrefois être noble de trois races, tant de l’estoc paternel que du côté maternel, pour être reçu montjoye. Le même Favin a décrit particulierement le baptême du roi-d’armes ; c’étoit ainsi qu’on appelloit l’imposition du nom qu’on lui donnoit à sa réception : cette cérémonie se faisoit par le renversement d’une coupe de vin sur sa tête.

M. Ducange a inseré dans son glossaire, sous le mot Heraldus, la réception du roi-d’armes du titre de mont-joie. Les valets de chambre du roi devoient le revêtir d’habits royaux, comme le roi même. Le connetable & les maréchaux de France devoient l’aller prendre pour le mener à la messe du roi, accompagné de plusieurs chevaliers & écuyers ; les héraults ordinaires & les poursuivans marchoient devant lui deux à deux ; un chevalier devoit porter l’épée avec laquelle on le faisoit alors chevalier, tandis qu’un autre portoit sur une lance sa cotte-d’armes. (D. J.)

Roi d’armes d’Angleterre, le roi d’armes étoit autrefois un officier fort considérable dans les armées & dans les grandes cérémonies ; il commandoit aux héros & aux poursuivans d’armes, présidoit à leur chapitre, & avoit jurisdiction sur les armoiries. Voyez Héraut & Armes.

Nous avons en Angleterre trois rois d’armes, sçavoir, Gaster, Clarence, & Norroy.

Gaster premier roi d’armes. Voyez Gaster.

Cet officier fut établi par Henri V. il accompagne les chevaliers de la jarretiere aux assemblées, le maréchal aux solemnités & aux funérailles des personnes de la premiere noblesse, & il porte l’ordre de la jarretiere aux princes & aux rois étrangers ; mais dans ces sortes d’occasions, il est toujours accompagné de quelqu’un des premiers pairs du royaume.

Clarence roi d’armes, il est ainsi appellé du duc de Clarence, qui posseda le premier cette dignité. Sa fonction est d’ordonner des obseques de la noblesse inférieure, des baronets, des chevaliers, des écuyers, & des gentilhommes, au sud de la riviere du Trent. Voyez Clarence.

Norroy roi d’armes, exerce les mêmes fonctions au nord du Trent. On appelle ces deux derniers, hérauts provinciaux, parce qu’ils partagent pour leurs fonctions le royaume en deux provinces. V. Héraut.

Ils ont pouvoir par une charte, de visiter les familles nobles, de rechercher leur généalogie, de distinguer leurs armoiries, de fixer à chacun les armes qui lui conviennent, & régler avec le Gaster la conduite des autres hérauts.

Autrefois les rois d’armes étoient créés & couronnés solemnellement par les rois mêmes ; mais aujourd’hui c’est le grand maréchal qui est chargé de les installer, & qui dans cette fonction représente la personne du roi.

On peut ajouter aux deux rois d’armes précédens, le Lyon roi d’armes pour l’Ecosse, qui est le second en Angleterre, & dont le couronnement se fait avec beaucoup de solemnité. Il est chargé de publier les édits du roi, de régler les funérailles, & de casser les armoiries.

Roi de la bazoche, (Jurisp.) Voyez Bazoche.

Roi de la féve, (Antiq. rom.) les enfans tiroient au sort avec des féves, à qui seroit roi ; ils faisoient à la fin de Décembre, pendant les saturnales, ce que nous avons transporté au commencement de Janvier, à l’occasion de la fête des rois. Cet usage de se servir de féve, pouvoit tirer son origine de ce que chez les Grecs on en usoit pour l’élection des magistrats ; d’où est venu ce précepte énigmatique de Pythagore, κυάμων ἀπέχου, a fabis abstine, ne vous mêlez point du gouvernement. Ciceron dit quelque part, fabam mimum, la farce de la féve, parce que cette royauté de la féve étoit une espece de royauté de théâtre. (D. J.)

Roi du festin, (Critiq. sacrée.) la coutume d’occident de faire les rois, pour dire se régaler ; créer un roi de la fête, est bien ancienne dans les festins ; ce qui concerne cette coutume chez les Grecs & les Romains, appartient à la littérature prophane. Voyez-en l’article qui suit.

Pour ce qui regarde l’usage des Juifs, nous en sommes instruits par l’Ecclésiast. ch. xxxij. v. 1. & suiv. Voici ce qu’en dit ce livre. Si l’on vous nomme le roi d’un festin (ἡγούμενον) la vulgate dit rectorem aut regem, ne vous élevez pas par cette raison au-dessus des autres ; mais après avoir eu soin de tous les convives, & avoir tout bien réglé, vous vous mettrez à table avec les conviés, vous vous rejouirez avec eux, & même pour l’ornement, vous pouvez recevoir ou prendre la couronne. Ces paroles justifient que dans ces repas mêmes où il n’y avoit point d’excès, on mettoit une couronne de fleurs, ou de quelque feuillage, sur la tête du roi du festin ; ainsi l’usage des couronnes dans les festins, régnoit chez les Juifs, comme chez les Grecs & chez les Romains, & n’étoit blâmé de personne, quoiqu’il l’ait été furieusement par Tertullien, dans son livre de coronâ.

Le chapitre de l’Ecclésiastique, que nous venons de citer, nous apprend encore que les Juifs aimoient à réunir dans leurs festins, les chants & la musique ; une agréable mélodie, avec un vin délicieux, est comme un sceau d’émeraudes enchâssé dans de l’or. C’est au verset 7. qu’on lit ces paroles. Voyez les Commentaires de Drusius, où vous trouverez beaucoup d’érudition sur cet usage. (D. J.)

Roi du festin, ou roi de la table ; (Antiq. grecq. & rom.) anciennement, dit Plutarque, on créoit un chef, un législateur, un roi de la table, dans les repas les plus sages. Je trouve qu’il se faisoit de deux manieres, ou par le sort du dé, ou par le choix des convives. Horace veut que le dé en décide.

. . . . . Quem Venus arbitrum
Dicet bibendi ? Od. 7. l. II.


Et ailleurs,

Nec regna vini sortiere talis. Od. 4. l. I.

Plaute ne s’en rapporte pas au hasard ; les personnages qu’il introduit se donnent eux-mêmes des maîtres & des maîtresses ; do hanc tibi florentem florenti, tu sic eris dictatrix nobis, dit un de ses acteurs, en mettant une couronne de fleurs sur la tête d’une jeune personne. Et dans un autre endroit ; strategum te facio huic convivio. Plutarque parle comme Plaute, dans la quatrieme question du liv. I. Ἐμαυτὸν αἵρουμαι συμποσίαρχον ὑμῶν.

Ce roi donnoit en effet des lois, & prescrivoit sous certaines peines, ce que chacun devoit faire, soit de boire, de chanter, de haranguer, ou de réjouir la compagnie par quelqu’autre talent. Ciceron dit que Verres, qui avoit foulé aux piés toutes les lois du peuple romain, obéissoit ponctuellement aux lois de la table. Iste enim prætor severus ac diligens, qui populi romani legibus nunquam paruisset, iis diligenter legibus parebat, quæ in poculis ponebantur.

Cependant on ne faisoit pas un roi dans tous les repas, & on ne s’en avisoit guere dans les derniers tems, qu’au milieu du festin ; c’étoit une ressource de gayeté quand on commençoit à craindre la langueur, & pour lors chacun renouvelloit son attention à paroître bon convive. Ce dernier acte s’appelloit chez les Romains comessatio, du mot grec κῶμος, dit Varron, parce que les anciens Romains qui habitoient plus volontiers la campagne que la ville, se regaloient à tour de rôle, & soupoient ainsi tantôt dans un village & tantôt dans un autre. Horace, Martial, Lucien, Arien, nous parlent aussi beaucoup des rois de table dans les saturnales. (D. J.)

Roi, dans le Commerce, est un titre qui a été donné à plusieurs chefs de différens corps ou communautés. Il y avoit autrefois à Paris un roi des barbiers, un roi des arpenteurs ; il y a encore un roi de la bazoche, qui est à la tête de la petite jurisdiction que tiennent dans la cour du palais, les clercs des procureurs au parlement ; & un roi des violons.

Roi des Merciers, c’étoit autrefois à Paris, & même par toute la France, le premier, ou pour mieux dire le seul officier qui veillât sur tout ce qui concernoit le commerce.

Quelques-uns attribuent à Charlemagne l’institution de cette espece de magistrature mercantille ; il est du moins certain qu’elle étoit très-ancienne, & l’on donnoit à celui qui l’exerçoit le nom de roi des merciers, parce qu’alors il n’y avoit que les merciers qui fissent tout le commerce ; les autres corps des marchands qui en ont été tirés, n’ayant été établis qu’assez tard sous les rois de la troisieme race.

Ce roi des merciers donnoit les lettres de maîtrise & les brevets d’apprentissage, pour lesquels on lui payoit des droits assez forts ; il en tiroit aussi de considérables des visites qui se faisoient de son ordonnance, & par ses officiers, pour les poids & mesures, & pour l’examen de la bonne ou mauvaise qualité des ouvrages & marchandises. Il avoit dans les principales villes de province, des lieutenans, pour y exercer la même jurisdiction dont il jouissoit dans la capitale.

Les grands abus qui se commettoient dans l’exercice de cette charge, engagerent François I. à la supprimer en 1544 ; elle fut rétablie l’année suivante. Henri III. la supprima de nouveau en 1581, par un édit qui n’eut point d’exécution à cause des troubles de la ligue. Enfin Henri IV, en 1597. supprima le roi des merciers, ses lieutenans & officiers, cassant, annullant & revoquant toutes les lettres d’apprentissage ou de maîtrise données par cet officier ou en son nom ; défense à lui d’en expédier à l’avenir, ni d’entreprendre aucune visite à peine d’être puni, lui & ses officiers, comme faussaires, & de dix mille écus d’amende. Depuis ce tems là, il n’est plus fait mention du roi des merciers ; les lettres sont expédiées, & les visites faites par les maîtres & gardes des corps des marchands, & par les jurés des communautés des arts & métiers chacun dans son district ; & sur ceux de son métier & de sa profession.

Roi des violons ; c’est à Paris le chef perpétuel de la communauté des maîtres à danser & joueurs d’instrumens. Il est pourvu par des lettres de provisions du roi, & est un des officiers de sa maison. Diction. de Com. & de Trév.

Roi du nord, est le titre du troisieme des hérauts d’armes provinciaux d’Angleterre. Voyez Roi d’armes & Héraut.

Sa jurisdiction s’étend du côté septentrional de la riviere de Trent, comme celle du second héraut d’armes, nommé Clarencieux, s’étend du côté méridional, Voyez Clarencieux.

Roi des ribauds, (Jurisprud.) Voyez Prevôté de l’hôtel.

Roi des Sacrifices, (Antiq. Rom.) rex sacrorum, rex sacrificalis, rex sacrificulus, Tite-Live, l. XXVI. c. vj. Sous le consulat de Lucius Junius Brutus, & de Marcus Valerius Publicola, le peuple murmurant de ce que l’abolition du gouvernement monarchique sembloit déroger à la religion, parce qu’il y avoit certains sacrifices qui étant réservés aux rois personnellement, ne pouvoient plus se faire ; on établit un sacrificateur qui en remplit les fonctions, & on l’appella roi des sacrifices ; mais afin que le nom de roi même ne fît point d’ombrage, ce roi des sacrifices fut soumis au grand Pontife, exclus de toutes les magistratures, & privé de la liberté de haranguer le peuple.

Lorsqu’il étoit obligé de se trouver aux assemblées des comices, par rapport aux sacrifices dont il avoit l’intendance ; aussi-tôt que les cérémonies étoient finies, il se rétiroit, pour montrer qu’il n’avoit aucune part aux affaires civiles. C’étoit au grand pontife & aux augures qu’appartenoit le droit de choisir le roi des sacrifices, qu’ils tiroient ordinairement d’entre les patrices les plus vénérables par leur âge & par leur probité ; son élection se faisoit dans le champ de Mars, où le peuple se trouvoit assemblé par centuries ; la maison qu’habitoit le roi des sacrifices, s’appelloit regia, & sa femme reine, regina.

C. M. Papyrius, fut le premier à qui on confia ce ministere ; & la coutume de créer un roi des sacrifices subsista chez les Romains jusqu’au tems de Théodose, qui l’abolit, de même que les autres cérémonies religieuses du paganisme. (D. J.)

Rois livre des, (Critiq. sacrée) Il y a quatre livres de l’ancien testament qui portent ce nom, parce qu’ils comprennent plusieurs actions des rois des juifs, & quelques détails de leur gouvernement. Ces quatre livres n’en faisoient anciennement que deux dans le code hébraïque, dont le premier portoit le nom de Samuel, & l’autre celui des rois ou des regnes.

Le premier livre comprend, dans 31 chapitres, l’espace d’environ cent ans, depuis la naissance de Samuel, en 2849, jusqu’à la mort de Saül, en 2949. Le second livre des rois contient, en 24 chapitres, l’histoire du regne de David, pendant l’espace d’environ 40 ans, depuis sa seconde onction à Hébron, l’an du monde 2949, jusqu’à l’an 2988.

On ignore l’auteur de ces deux premiers livres des rois ; quelques-uns les attribuent à Samuel, dont le nom se lit à la tête dans l’original hébreu ; mais en tout cas, il n’est pas l’auteur du total, car sa mort se trouve dans le vingt-cinquieme chapitre du premier livre ; quand au second livre, ceux qui le donnent à Gad & à Nathan, ne se sont pas apperçus qu’il s’y trouve des faits qui ne peuvent être du tems de Samuel ni de Nathan ; aussi les meilleurs critiques conjecturent qu’ils sont l’ouvrage d’Esdras, sur des originaux de Samuel, & autres écrivains du tems de David.

Le troisieme livre des rois comprend, en 22 chapitres, l’histoire de cent vingt-six ans, depuis l’association de Salomon au royaume, l’an du monde 2989, jusqu’à la mort de Josaphat, roi de Juda, en 3115. Le quatrieme livre des rois renferme, en 25 chapitres, l’histoire de deux cent vingt-sept ans, depuis la mort de Josaphat, en 3115, jusqu’au commencement du regne d’Evilmérodach, roi de Babylone, qui tira Jéchonias de prison, en 3442.

On ne connoit pas mieux l’auteur des deux derniers livres des rois, que celui des deux premiers. Il est assez vrai-semblable que tous ces quatre livres sont de la main d’Esdras qui les a disposés sur les matériaux qu’il possédoit ; il y a du moins bien des traits auxquels on croit reconnoître Esdras ; mais on y trouve en même tems des contrariétés qui ne conviennent point à son tems, & qu’il n’a pas pris la peine de concilier. (D. J.)

Rois pasteurs, (Hist. sacrée.) quelques savans ont ainsi nommé les six chefs des Israëlites, Ephraim, Beria, Rapho, Saraph, Thalé, & Thaan, dont il est parlé dans le I. liv. de Paralipomènes, ch. vij. ou plutôt, Salathis, Beon, Apachnas, Apophis, Janias, & Assis, rois égyptiens. Comme il paroît qu’il y a une interruption dans l’écriture, depuis la mort de Joseph, par où finit la genèse, jusqu’à la nativité de Moïse, par où commence l’exode, c’est là que M. Boivin place l’histoire de ces six rois pasteurs ; mais nous nous contenterons de remarquer que le fondement de cette prétendue royauté des Hébreux, ne se trouve que dans un fragment de Manéthon, rapporté par Josephe, dans lequel, le même Manéthon fait venir les rois pasteurs de M. Boivin, de l’orient, & que Josephe lui-même n’assure point la domination de ses ancêtres en Egypte, avec le titre de rois. D’ailleurs les Juifs n’ont jamais été en état de faire une irruption dans l’Egypte, avec une armée de deux cent quarante mille hommes, comme M. Boivin l’imagine. Voyez sur tout cela, les réflexions de M. l’abbé Banier, dans l’hist. de l’acad. des Inscrip. tom. III. (D. J.)

Rois de Rome, (Hist. Rom.) Rome commença d’abord à être gouvernée par des rois ; elle préféra, selon l’usage de ce tems-là, dit Justin, l. I. c. j. le gouvernement monarchique aux autres sortes de gouvernemens ; cependant ce n’étoit point une monarchie absolue, mais mitigée & bornée dans sa puissance. L’élection des rois de Rome, se faisoit par le peuple, après avoir pris les augures, & le sénat servoit en quelque sorte de barriere à l’autorité monarchique, qui ne pouvoit rien faire de considérable sans prendre son avis. Denys d’Halicarnasse, l. II. c. xiv. & l. VII. c. xxxviij. vous détaillera les privileges des rois de Rome ; je ne ferai que les indiquer.

Ils avoient droit, 1°. de présider à tout ce qui concernoit la religion, & d’en être l’arbitre souverain. 2°. D’être le conservateur des lois, des usages & du droit de la patrie. 3°. De juger toutes les affaires où il s’agissoit d’injures atroces faites à un citoyen. 4°. D’assembler le sénat & d’y présider ; de faire au peuple le rapport de ses decrets, & par-là, de les rendre autentiques. 5°. D’assembler le peuple pour le haranguer. 6°. De faire exécuter les décrets du sénat. Voilà tout ce qui regardoit les affaires civiles, & les tems de paix.

A l’égard de la guerre, le roi avoit un très-grand pouvoir, parce que tout ce qui la concerne demande une prompte exécution, & un grand secret, étant fort dangereux de mettre en délibération dans un conseil public, les projets d’un général d’armée. Malgré cela, le peuple romain étoit le souverain arbitre de la guerre & de la paix.

Les marques de la royauté étoient la couronne d’or, la robe de pourpre mêlée de blanc, la chaire curule d’ivoire, & le sceptre au haut duquel étoit la représentation d’une aigle. Il étoit accompagné de douze licteurs, portant sur leurs épaules un faisceau de baguettes, liées avec des courroies de cuir, & du milieu de chaque faisceau sortoit une hache. Ces licteurs lui servoient en même-tems de gardes, & d’exécuteurs de ses commandemens, & de la justice ; soit qu’il fallût trancher la tête, ou fouetter quelque coupable, car c’étoit les deux genres de supplices ordinaires chez les Romains ; alors ils délioient leurs faisceaux, & se servoient des courroies pour lier les criminels, des baguettes pour les fouetter, & de la hache pour trancher la tête. Quelques-uns prétendent que ces licteurs étoient de l’institution de Romulus ; d’autres, de Tullus Hostilius ; & d’autres, en plus grand nombre, à la tête desquels il faut mettre Florus, l. I. c. v. l’attribuent à Tarquin l’ancien.

Quoi qu’il en soit, les gardes que prit Romulus, & si l’on veut les licteurs armés d’une hache d’arme, couronnés de faisceaux de verges, désignoient le droit de glaive, symbole de la souveraineté ; mais sous cet appareil de la royauté, le pouvoir royal ne laissoit pas, en ce genre, d’être resserré dans des bornes assez étroites, & il n’avoit guere d’autre autorité que celle de convoquer le sénat, & les assemblées du peuple, d’y proposer les affaires, de marcher à la tête de l’armée quand la guerre avoit été résolue par un decret public, & d’ordonner de l’emploi des finances qui étoient sous la garde de deux trésoriers, qu’on appella depuis questeurs.

Les premiers soins de Romulus furent d’établir différentes lois, par rapport à la religion & au gouvernement civil, mais qui ne furent publiées qu’avec le consentement de tout le peuple romain, qui de tous les peuples du monde, se montra le plus fier dès son origine, & le plus jaloux de sa liberté. C’étoit lui qui, dans ses assemblées, autorisoit les lois qui avoient été dirigées par le roi & le sénat. Tout ce qui concernoit la guerre & la paix, la création des magistrats, l’élection même du souverain, dépendoit de ses suffrages. Le sénat s’étoit seulement reservé le pouvoir d’approuver ou de rejetter ses projets, qui, sans ce tempérament & le concours de ses lumieres, eussent été souvent trop précipités & trop tumultueux.

Telle étoit la constitution fondamentale de cet état, qui n’étoit ni purement monarchique, ni aussi entierement républicain. Le roi, le sénat, & le peuple, étoient pour ainsi-dire dans une dépendance réciproque ; & il résultoit de cette mutuelle dépendance un équilibre d’autorité qui modéroit celle du prince, & qui assuroit en même tems le pouvoir du sénat, & la liberté du peuple.

Déjà Rome commençoit à se rendre redoutable à ses voisins ; il ne lui manquoit que des femmes pour en assurer la durée. Romulus envoya des députés pour en demander aux Sabins, qui refuserent sa proposition ; il résolut de s’en venger : & pour y réussir, il ne trouva point de meilleur expédient que de célébrer à Rome des jeux solemnels en l’honneur de Neptune. Les Sabins ne manquerent pas d’accourir à cette solemnité ; mais pendant qu’ils étoient attachés à voir le spectacle, les Romains, par ordre de Romulus, enleverent toutes les filles, & mirent hors de Rome, les peres & les meres qui reclamoient en vain l’hospitalité violée. Leurs filles répandirent d’abord beaucoup de larmes, elles souffrirent ensuite qu’on les consolât ; le tems à la fin adoucit l’aversion qu’elles avoient pour leurs ravisseurs, dont elles firent depuis leurs époux légitimes. Il est vrai que l’enlevement des Sabines causa une guerre qui dura quelques années ; mais les deux peuples firent la paix, & n’en firent qu’un seul pour s’unir encore plus étroitement. Rome commença dès-lors à être regardée comme la plus puissante ville de l’Italie ; on y comptoit déjà jusqu’à quarante-sept mille habitans, tous soldats, tous animés du même esprit, & qui n’avoient pour objet que de conserver leur liberté, & de se rendre maîtres de celle de leurs voisins.

Cependant Romulus osa regner trop impérieusement sur ses sujets, & sur un peuple nouveau, qui vouloit bien lui obéir, mais qui prétendoit qu’il dépendît lui-même des lois dont il étoit convenu dans l’établissement de l’état. Ce prince au-contraire rappelloit à lui seul toute l’autorité qu’il eut dû partager avec le sénat & l’assemblée du peuple. Il fit la guerre à ceux de Comerin, de Fidene, & à ceux de Veïe, petite ville comprise entre les cinquante-trois peuples que Pline dit qui habitoient l’ancien Latium, mais qui étoient si peu considérables, qu’à peine avoient-ils un nom dans le tems même qu’ils subsistoient, si on en excepte Veïe, ville célebre de la Toscane. Romulus vainquit ces peuples les uns après les autres, prit leurs villes, en ruina quelques-unes, s’empara d’une partie du territoire des autres, dont il disposa depuis de sa seule autorité. Le sénat en fut offensé, & il souffroit impatiemment que le gouvernement se tournât en pure monarchie. Il se défit d’un prince qui devenoit trop absolu. Romulus âgée de cinquante-cinq ans, & après trente-sept années de regne, disparut, sans qu’on ait pû découvrir de quelle maniere on l’avoit fait périr. Le sénat, qui ne vouloit pas qu’on crût qu’il y eût contribué, lui dressa des autels après sa mort, & il fit un dieu de celui qu’il n’avoit pû souffrir pour souverain.

Après la mort de Romulus, il s’éleva deux partis dans Rome. Les anciens sénateurs demandoient pour monarque un romain d’origine ; les Sabins qui n’avoient point eu de rois depuis Tatius, en vouloient un de leur nation. Enfin après beaucoup de contestations, ils demeurerent d’accord que les anciens sénateurs nommeroient le roi de Rome, mais qu’ils seroient obligés de le choisir parmi les Sabins. Leur choix tomba sur un sabin de la ville de Cures, mais qui demeuroit à la campagne. Il s’appelloit Numa Pompilius, homme de bien, sage, modéré, équitable, & qui ne cherchant point à se donner de la considération par des conquêtes, se distingua par des vertus pacifiques. Il travailla pendant tout son regne, à la faveur d’une longue paix, à tourner les esprits du côté de la religion, & à inspirer aux Romains une grande crainte des dieux. Il bâtit de nouveaux temples ; il institua des fêtes, & comme les réponses des oracles & les prédictions des augures & des aruspices faisoient toute la religion de ce peuple grossier, il n’eut pas de peine à lui persuader que des divinités qui présidoient à ce qui devoit arriver d’heureux & de malheureux, pouvoient bien être la cause du bonheur ou du malheur qu’elles annonçoient ; la vénération pour ces êtres supérieurs, d’autant plus redoutables qu’ils étoient plus inconnus, fut une suite de ces préjugés.

Rome se remplit insensiblement de superstition ; la politique les adopta, & s’en servit utilement pour tenir dans la soumission un peuple encore féroce. Il ne sut même plus permis de rien entreprendre qui concernât les affaires d’état, sans consulter ces fausses divinités ; & Numa pour autoriser ces pieuses institutions, & s’attirer le respect du peuple, feignit de les avoir reçues d’une nymphe appellée Egérie, qui avoit révélé, disoit-il, la maniere dont les dieux vouloient être servis.

Sa mort, après un regne de quarante-trois ans, laissa la couronne à Tullus Hostilius, que les Romains élurent pour troisieme roi de Rome ; c’étoit un prince ambitieux, hardi, entreprenant, plus amateur de la guerre que de la paix, & qui sur le plan de Romulus, ne songea à aggrandir son état que par de nouvelles conquêtes. Tout le monde sait que le courage & l’adresse victorieuse du dernier des Horaces, fit reconnoître l’autorité de Rome dans la capitale des Albains, suivant les conditions du combat, qui avoient adjugé l’empire & la domination au victorieux.

Tullus Hostilius ruina cette ville, dont il transféra les habitans à Rome ; ils y reçurent le droit de citoyens, & même les principaux furent admis dans le sénat ; tels furent les Juliens, les Servitiens, les Quintiens, les Curiaces, & les Cléliens, dont les descendans remplirent depuis les principales dignités de l’état, & rendirent de très-grands services à la république. Tullus Hostillius ayant fortifié Rome par cette augmentation d’habitans, tourna ses armes contre les Sabins, l’an de Rome 113.

Le détail de cette guerre n’est point de mon sujet, je me contenterai de dire que ce prince, après avoir remporté différens avantages contre les ennemis de Rome, mourut dans la trente-deuxieme année de son regne ; qu’Ancus Martius, petit-fils de Numa, fut élû en la place d’Hostilius, par l’assemblée du peuple, & que le sénat confirma ensuite cette nouvelle élection, l’an de Rome 114.

Comme ce prince tiroit toute sa gloire de son ayeul, il s’appliqua à imiter ses vertus paisibles & son attachement à la religion. Il institua des cérémonies sa crées qui devoient précéder les déclarations de guerre ; mais ses pieuses institutions, plus propres à faire connoître sa justice que son courage, le rendirent méprisable aux peuples voisins. Rome vit bientôt ses frontieres ravagées par les incursions des Latins, & Ancus reconnut par sa propre expérience, que le trône exige encore d’autres vertus que la piété. Il se détermina donc à prendre les armes, & cette guerre fut aussi heureuse qu’elle étoit juste. Il battit les ennemis, ruina leurs villes, en transporta les habitans à Rome, & réunit leur territoire à celui de cette capitale.

Tarquin, premier ou l’ancien, quoiqu’étranger, parvint l’an de Rome 138, à la couronne, après la mort d’Ancus, & il l’acheta par des secours gratuits qu’il avoit donnés auparavant aux principaux du peuple. Ce fut pour conserver leur affection, & récompenser ses créatures, qu’il en fit entrer cent dans le sénat ; mais pour ne pas confondre les différens ordres de l’état, il les fit patriciens, au rapport de Denis d’Halicarnasse, avant que de les élever à la dignité de sénateurs, qui se trouverent jusqu’au nombre de trois cens, où il demeura fixé pendant plusieurs siecles. On sera peut-être étonné que dans un état gouverné par un roi, & assisté du sénat, les lois, les ordonnances, & le résultat de toutes les délibérations, se fissent toujours au nom du peuple, sans faire mention du prince qui regnoit ; mais on doit se souvenir que ce peuple généreux s’étoit réservé la meilleure part dans le gouvernement. Il ne se prenoit aucune résolution, soit pour la guerre ou pour la paix, que dans ses assemblées ; on les appelloit dans ce tems-là assemblées par curies, parce qu’elles ne devoient être composées que de seuls habitans de Rome divisés en trente curies ; c’est-là qu’on créoit les rois, qu’on élisoit les magistrats & les prêtres, qu’on faisoit des lois, & qu’on administroit la justice.

Servius Tullius fut nommé le sixieme roi de Rome, l’an 175 de la fondation de cette ville. Ce prince tout républicain, malgré sa dignité, mais qui ne pouvoit pourtant souffrir que le gouvernement dépendît souvent de la vile populace, résolut de faire passer toute l’autorité dans le corps de la noblesse & des patriciens, où il espéroit trouver des vues plus justes & moins d’entêtement.

Ce prince pour parvenir à ses fins, divisa d’abord tous les habitans de la ville, sans distinction de naissance ou de rang, en quatre tribus, appellées les tribus de la ville. Il rangea sous vingt-six autres tribus, les citoyens qui demeuroient à la campagne, & dans le territoire de Rome. Il institua ensuite le cens, qui n’étoit autre chose qu’un rôle & un dénombrement de tous les citoyens romains, dans lequel on comprit leur âge, leurs facultés, leur profession, le nom de leur tribu & de leur curie, & le nombre de leurs enfans & de leurs esclaves. Il se trouva alors dans Rome, & aux environs, plus de quatre-vingt mille citoyens capables de porter les armes.

Servius partagea ce grand nombre d’hommes en six classes, & composa chaque classe de différentes centuries de gens de pié. Toutes les centuries montoient au nombre de cent quatre-vingt-treize, commandées chacune par un centurion de mérite reconnu. Le prince ayant établi cette distinction entre les citoyens d’une même république, ordonna qu’on assembleroit le peuple par centuries, lorsqu’il seroit question d’élire des magistrats, de faire des lois, de déclarer la guerre, ou d’examiner les crimes commis contre la république, ou contre les privileges de chaque ordre. L’assemblée se devoit tenir hors de la ville, & dans le champ de Mars. C’étoit au souverain, ou au premier magistrat, à convoquer ces assemblées, comme celles des curies ; & toutes les délibérations y étoient pareillement précédées par les auspices, ce qui donnoit beaucoup d’autorité au prince, & aux patriciens, qui étoient revêtus des principales charges du sacerdoce.

On convint, outre cela, qu’on recueilleroit les suffrages par centuries, au-lieu qu’ils se comptoient auparavant par tête, & que les quatre-vingt-dix-huit centuries de la premiere classe donneroient leurs voix les premiers. Servius, par ce réglement, transporta adroitement dans ce corps composé des grands de Rome, toute l’autorité du gouvernement ; & sans priver ouvertement les plébéïens du droit de suffrage, il sut par cette disposition le rendre inutile. Car toute la nation n’étant composée que de cent quatre-vingt-treize centuries, & s’en trouvant quatre-vingt-dix-huit dans la premiere classe, s’il y en avoit seulement quatre-vingt-dix-sept du même avis, c’est-à-dire une de plus que la moitié des cent quatre-vingt-treize, l’affaire étoit conclue, & alors la premiere classe, composée des grands de Rome, formoit seule les decrets publics. S’il manquoit quelque voix, & que quelques centuries de la premiere classe ne fussent pas du même sentiment que les autres, on appelloit la seconde classe. Mais quand ces deux classes se trouvoient d’avis conforme, il étoit inutile de passer à la troisieme. Ainsi le petit peuple se trouvoit sans pouvoir, quand on recueilloit les voix par centuries, au-lieu que quand on les prenoit par curies, comme les riches étoient confondus avec les pauvres, le moindre plébéïen avoit autant de crédit que le plus considérable des sénateurs. Depuis ce tems-là les assemblées par curies ne se firent plus que pour élire les flamines, c’est-à-dire les prêtres de Jupiter, de Mars, de Romulus, & pour l’élection du grand curion, & de quelques magistrats subalternes.

La royauté après cet établissement, parut à Servius comme une piece hors d’œuvre & inutile, dans un état presque républicain. On prétend que pour achever son ouvrage, & pour rendre la liberté entiere aux Romains, il avoit résolu d’abdiquer généreusement la couronne, & de réduire le gouvernement en pure république, sous la régence de deux magistrats annuels qui seroient élus dans une assemblée générale du peuple romain. Mais un dessein si héroïque n’eut point d’effet, par l’ambition de Tarquin le superbe, gendre de Servius, qui dans l’impatience de regner, fit assassiner son roi & son beau-pere. Il prit en même tems possession du trône, l’an de Rome 218, sans nulle forme d’élection, & sans consulter ni le sénat ni le peuple, comme si cette suprème dignité eût été un bien héréditaire, ou une conquête qu’il n’eut dûe qu’à son courage.

Une action si atroce, que l’assassinat de son roi, le fit regarder avec horreur par tous les gens de bien. Tout le monde détestoit également son ambition & sa cruauté. Parricide & tyran en même tems, il venoit d’ôter la vie à son beau-pere, & la liberté à sa patrie ; comme il n’étoit monté sur le trône que par ce double crime, il ne s’y maintint que par de nouvelles violences. Plusieurs sénateurs, des premiers de Rome, périrent par des ordres secrets, sans autre faute que celle d’avoir osé déplorer le malheur de leur patrie. Il n’épargna pas même Marcus Junius, qui avoit épousé une Tarquinie, fille de Tarquin l’ancien, mais qui lui étoit suspect à cause de ses richesses. Il se défit en même tems du fils aîné de cet illustre romain, dont il redoutoit le courage & le ressentiment.

Les autres sénateurs incertains de leur destinée, se tenoient cachés dans leurs maisons. Le tyran n’en consultoit aucun ; le sénat n’étoit plus convoqué ; il ne se tenoit plus aucune assemblée du peuple. Un pouvoir despotique & cruel s’étoit élevé sur la ruine des lois & de la liberté. Les différens ordres de l’état également opprimés, attendoient tous avec impatience quelque changement sans l’oser espérer, lorsque l’impudicité de Sextus, fils de Tarquin, & la mort violente de la chaste Lucrece, firent éclater cette haine générale que tous les Romains avoient contre le roi. La pitié pour le sort de cette infortunée romaine, & la haine des tyrans, firent prendre les armes au peuple. L’armée touchée des mêmes sentimens se révolta ; & par un decret public, les Tarquins furent bannis de Rome. Le sénat, pour engager le peuple plus étroitement dans la révolte, & pour le rendre plus irréconciliable avec les Tarquins, souffrit qu’il pillât les meubles du palais. L’abus que ce prince avoit fait de la puissance souveraine, fit proscrire la royauté même ; on dévoua aux dieux des enfers, & on condamna aux plus grands supplices, ceux qui entreprendroient de rétablir la monarchie.

L’état républicain succéda au monarchique ; voyez République romaine, Gouv. de Rome.

Le sénat & la noblesse profiterent des débris de la royauté ; ils s’en approprierent tous les droits ; Rome devint en partie un état aristocratique, c’est-à-dire que la noblesse s’empara de la plus grande partie de l’autorité souveraine. Au-lieu d’un prince perpétuel, on élut pour gouverner l’état deux magistrats annuels tirés du corps du sénat, auxquels on donna le titre modeste de consuls, pour leur faire connoître qu’ils étoient moins les souverains de la république, que ses conseillers, & qu’ils ne devoient avoir pour objet que sa conservation & sa gloire. Voyez Consul. (D. J.)

Roi des Romains, (Hist. mod.) dans l’empire d’Allemagne, c’est le prince élu par les électeurs pendant la vie de l’empereur, pour avoir la conduite & le maniement des affaires en son absence, comme vicaire général de l’empire, & pour succéder après sa mort au nom & à la dignité d’empereur, sans qu’il soit besoin d’autre élection ou confirmation.

Cette qualité, dans le sens où on la prend aujourd’hui, étoit tout-à-fait inconnue du tems des premiers empereurs de la maison de Charlemagne, qui étoient empereurs & rois des Romains, c’est-à-dire, souverains de la ville de Rome tout ensemble. Ils donnoient à leurs héritiers présomptifs la qualité de roi d’Italie, comme les anciens empereurs romains faisoient prendre celle de César à leurs successeurs désignés à l’empire.

Le nom de roi des Romains ne commença à être en usage que sous le regne d’Othon I. & les empereurs le prenoient, quoiqu’en pleine possession de l’empire, & de la dignité impériale, jusqu’à ce qu’ils eussent été couronnés par les papes. C’est en ce dernier sens qu’il faut entendre le texte de la bulle d’or, quand elle fait mention du roi des Romains, dont elle n’a jamais parlé dans le sens où l’on emploie aujourd’hui ce terme, que nous avons d’abord défini suivant l’usage présent : car le dessein de Charles IV. en faisant la bulle d’or, étoit de rendre l’empire purement électif, de fonder & d’affermir les prérogatives des électeurs. Or, ce qui s’est passé dans la maison d’Autriche depuis 200 ans, montre assez clairement que rien n’est plus contraire à cette liberté que l’élection d’un roi des Romains, du vivant même de l’empereur. Les électeurs prévirent bien ces inconvéniens, lorsque Charles V. voulut faire élire Ferdinand son frere roi des Romains, & prétendirent les prévenir par un réglement conclu entre eux & cet empereur à Schwinfurt, en 1532, mais que la maison d’Autriche a bien su rendre inutile.

Le roi des Romains est choisi par les électeurs, & confirmé par l’empereur ; il est couronné d’une couronne ouverte, qu’on appelle romaine, mais on ne lui prête aucun serment de fidélité qu’après la mort de l’empereur ; on lui donne le titre d’auguste, & non celui de toujours auguste, qui est réservé à l’empereur. L’aigle éployée qu’il porte dans ses armes, n’est qu’à une tête. En vertu de son titre, il est sans contestation successeur de l’empereur. Après sa mort, & pendant la vie de l’empereur, vicaire unique & universel, second chef & régent de l’empire. Il est vrai que tant que l’empereur réside dans l’empire, tous ces titres magnifiques sont pour le roi des Romains des honneurs sans pouvoir.

Le roi des Romains a d’ailleurs des avantages qui lui sont communs avec l’empereur, comme de présider aux dietes, de les convoquer de l’aveu des électeurs, & de les congédier ; de faire des comtes & des barons, de donner des lettres de noblesse, d’accorder des privileges aux universités ; de mettre les rébelles au ban de l’empire, en observant toutefois les formalités ordinaires ; de rappeller les proscrits, de commuer les peines, &c. mais il reconnoît l’empereur pour son supérieur. Il doit n’agir qu’au nom & par ordre de l’empereur ; c’est au-moins ce qu’il doit promettre, par la capitulation qu’on lui fait signer après son élection. Supposé qu’il n’ait pas l’âge de dix-huit ans, & qu’avant que de l’avoir atteint, il parvienne à l’empire, on lui impose la condition de n’agir en qualité d’empereur, que sous l’autorité des vicaires de l’empire, comme ses tuteurs, jusqu’à ce qu’il ait les années de majorité fixées par la bulle d’or, les actes néanmoins & les ordonnances doivent être rendus en son nom.

Le roi des Romains est traité de majesté royale par tous les princes, & dans les cérémonies ; il marche au côté gauche de l’empereur, un pas ou deux derriere. Quand il s’y trouve seul, le maréchal de la cour ne porte l’épée devant lui que dans le fourreau, au lieu qu’on la porte nue devant l’empereur. Le même roi traite l’empereur de majesté, & l’appelle son seigneur, mais l’empereur ne le traite que de dilection.

Comme la bulle d’or, quand il s’agit d’élire un empereur, parle seulement d’élire un roi des Romains futur empereur ; c’est toujours une condition préliminaire, que le sujet à qui on destine l’empire, soit choisi & déclaré roi des Romains par les électeurs, ainsi que nous l’avons vu pratiquer dans les deux dernieres élections. Heiss, hist. de l’empire, t. III.

Roi, piê de, on dit en France, pié de roi, qui est une certaine mesure, dont la longueur est déterminée par tout le royaume par l’autorité du prince. On lui donne ce nom pour le distinguer du pié de ville, qui n’est pas le même dans toutes les villes du royaume : c’est pourquoi les Mathématiciens se servent toujours du pié de roi.

Un pendule long de 5 piés de roi fait en une heure 1846 vibrations simples : l’on pourroit donc retrouver, par le moyen du pendule, la longueur du pié de roi, si cette mesure venoit à être perdue ou altérée. Voyez Pied, Mesure, Pendule, &c. (E)

Roi rendu, jeu du, c’est un jeu qui suit presque en tout les regles & la maniere de jouer le quadrille, à la réserve qu’il est libre à celui qui a le roi appellé, de le rendre à celui qui l’appelle, qui doit en échange lui donner un carte de son jeu.

Ce jeu ne se joue de la sorte, que pour empêcher qu’on ne joue de petits jeux, ce qui ôte beaucoup de l’agrément du quadrille ordinaire, & fait que cette maniere de jouer plus gênante, a trouvé plus de partisans parmi les personnes d’un amusement plus sérieux.

Ce quadrille ne differe absolument de l’autre qu’en ce qui est permis à celui qui a le roi appellé, de se rendre à l’hombre, ce qui fait qu’il y a quelques régles particulieres. Celui qui a le roi appellé à mauvais jeu, peut rendre le roi appellé à l’hombre, qui doit lui donner en échange telle carte que bon lui semblera de son jeu, & chaque joueur est en droit de voir la carte échangée.

Celui qui, ayant la carte appellée, auroit beau jeu, & rendroit le roi pour faire perdre l’hombre, feroit la bête, sans que l’hombre fût exempt pour cela de la faire aussi, s’il ne gagnoit pas le jeu. Il faut que le roi appellé ait trois mains pour être dans ce cas.

Celui à qui l’on a rendu le roi est obligé de faire six mains avec ce secours, tous les joueurs étant réunis contre lui.

Il ne partage avec personne s’il gagne, & paie seul s’il perd.

L’on ne peut point rendre le roi à celui qui joue avec spadille forcé, il y a des maisons où l’on rend toujours le roi appellé, & où celui qui joue, joue toujours seul, & le dernier est obligé de jouer si tous les autres ont passé, en appellant un roi qu’on lui rend, en spadille si l’on en est convenu.

Roi au jeu des échecs, est la premiere & la principale piece du jeu. C’est de la perte de cette piece que dépend la perte de la partie ; c’est encore elle qui la fait finir. Le roi se place au milieu du damier sur la quatrieme case blanche ou noire, selon sa couleur. Quant à sa marche, elle est fort grave, il ne va jamais que de case en case, en droite ligne & obliquement, devant, derriere, à côté, lorsqu’il ne trouve point d’obstacles qui l’arrêtent. Il ne fait qu’un pas à la fois, à moins qu’il ne saute ; voyez Saute : pour lors il peut sauter deux cases seulement de son côté, ou de celui de la dame ; car le saut de trois cases n’est plus usité.

Quand le roi saute de son côté, il prend la place de son chevalier, & sa tour se place auprès de lui à la case de son fou.

Si c’est du côté de la dame qu’il saute, il prend la place de son fou, & la tour de ce côté prend la case de la dame.

Il y a cinq choses au jeu des échecs qui empêchent le roi de sauter : 1°. s’il se trouve quelque piece entre lui & la tour ; 2°. quand cette tour a changé de place ; 3°. si le roi a été obligé de sortir de sa place ; 4°. s’il est en échec, & 5°. lorsque la case au-dessus de laquelle il veut sauter, est une de quelque piece de son ennemi, qui pourroit le faire échec en passant. Quoiqu’il soit permis aux rois de se remuer de tous côtés, ils ne peuvent néanmoins jamais se joindre, il faut qu’il y ait au-moins une case de distance entre eux : & quand chaque roi est en marche, il prend, si bon lui semble, toutes les pieces qui se rencontrent dans son chemin.