L’Encyclopédie/1re édition/HÉRAUT

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 143-145).
HERBACÉ  ►

HÉRAUT, s. m. (Hist. anc.) officier public chez les anciens, dont la fonction étoit de déclarer la guerre. Les Grecs, les Romains, & la plûpart des autres peuples policés ont eu de tels officiers sous des noms différens, & qui jouissoient de droits & de privileges plus ou moins étendus. Leurs personnes, dans l’exercice de leur charge, étoient réputées sacrées par le droit des gens ; car alors les nations civilisées avoient coutume de dénoncer la guerre à leurs ennemis, par un héraut public. On lit dans le Deutéronome, ch. 20. v. 10. 11. 12. que la loi défendoit aux Hébreux, d’attaquer une ville sans lui avoir premiérement offert la paix, & cette offre ne pouvoit être faite que par des personnes qui eussent un caractere de représentation. Les Grecs les nommoient par cette raison, εἰρηνοφύλακες, conservateurs de la paix ; & c’étoit un crime de lése-majesté, que de les insulter dans leur ministere. L’enlévement du héraut de Philippe, fut une des raisons qu’il allégua pour rompre la paix qu’il avoit jurée. Homere nous parle souvent dans l’Iliade & l’Odyssée, des hérauts grecs, & de leurs fonctions. Achille, ce guerrier jeune, bouillant, emporté, traita avec le plus grand respect les hérauts que le despote, l’injuste Agamemnon envoya dans sa tente, pour lui enlever Briséis qu’il aimoit & que les Grecs lui avoient accordée comme la récompense de ses travaux guerriers. Les hérauts trembloient à mesure qu’ils approchoient du moment de la commission dangereuse qu’on leur avoit donnée. Achille s’en apperçut & leur dit : « Venez sans crainte, envoyés des dieux ; ce n’est pas vous qui m’offensez, mais l’homme injuste à qui vous obeissez ». Ce trait & beaucoup d’autres prouvent assez qu’on ne peut pas dire d’Achille, jura negat si nata. Les hérauts portoient le nom de féciaux chez les Romains, étoient tirés des meilleures familles, & formoient un collége également illustre & considérable. Voyez Fécial.

Héraut, (Gymnast.) officier qui servoit dans les jeux athlétiques, à proclamer les statuts, le nom des combattans des vainqueurs, & généralement les ordres des Hellanodices.

Ces sortes de hérauts étoient consacrés à Mercure, & faisoient une partie de leurs proclamations en vers, dans la solemnité des jeux publics de la Grece. La voix forte les rendoit recommandables, & l’on les éprouvoit à cet égard, de maniere qu’il y avoit entre eux une espece de combat, à qui remporteroit le prix en ce genre, comme il paroît par des passages de Lucien & de Démosthene. Homere n’a point oublié de célébrer Stentor, dont la voix plus éclatante que l’airain, pouvoit servir de trompete, & se faisoit entendre plus loin, que celle de cinquante hommes des plus robustes. Tout étoit considéré chez les Grecs ; tous les avantages du corps comme ceux de l’esprit, avoient part aux honneurs & aux récompenses. (D. J.)

Héraut, (Hist. mod.) un héraut, ou héraut d’armes, étoit anciennement un officier de guerre & de cérémonie, qui avoit plusieurs belles fonctions, droits & privileges.

Du Cange tire ce mot de l’Allemand Heere-ald, qui signifie gendarme, sergent d’armes, ou de camp ; d’autres le dérivent de heer-houd, fidele à son seigneur ; ce sont là les deux étymologies les plus vraissemblables.

On divisoit ces officiers de guerre & de cérémonie, en roi d’armes, hérauts, & poursuivans. Le premier & le plus ancien s’appelloit roi d’armes. Voyez Roi d’armes. Les autres étoient simplement hérauts, & l’on donnoit le nom de poursuivans aux surnuméraires.

Les hérauts, y compris le roi d’armes, étoient au nombre de trente, qui avoient tous des noms particuliers qui les distinguoient. Montjoie Saint Denis étoit le titre affecté au roi d’armes ; les autres portoient le nom des provinces de France, comme de Guienne, Bourgogne, Normandie, Dauphiné, Bretagne, &c.

Ils étoient revêtus aux cérémonies, de leur cotte d’armes de velours violet cramoisi, chargée devant & derriere de trois fleurs-de-lis d’or ; de brodequins pour les cérémonies de paix, & de bottes pour celles de la guerre. Aux pompes funebres, ils portoient une longue robe de deuil traînante, & tenoient à la main un bâton, qu’on appelloit caducée, couvert de velours violet, & semé de fleurs-de-lis d’or en broderie.

Plusieurs auteurs ont décrit fort au long, les fonctions, droits & privileges de nos anciens hêrauts d’armes, en paix & en guerre ; mais nous ne rapporterons ici que quelques-unes des particularités sur lesquelles ils s’accordent.

Le principal emploi des hérauts étoit de dresser des armoiries, des généalogies, des preuves de noblesse, de corriger les abus & usurpations des couronnes, casques, timbres, & supports ; de faire dans leurs provinces les enquêtes nécessaires sur la noblesse, & d’avoir la communication de tous les vieux titres qui pouvoient leur servir à cet égard.

Il étoit de leur charge de publier les joûtes & tournois, de convier à y venir, de signifier les cartels, de marquer le champ, les lices, ou le lieu du duel, d’appeller tant l’assaillant que le tenant, & de partager également le soleil aux combattans à outrance. Ils publioient aussi la fête de la célébration des ordres de chevalerie ; & s’y trouvoient en habit de leur corps.

Ils assistoient aux mariages des rois, & aux festins royaux qui se faisoient aux grandes fêtes de l’année, quand le roi tenoit cour pléniere, où ils appelloient le grand-maître, le grand pannetier, le grand bouteillier, pour venir remplir leur charge. Aux cérémonies des obseques des rois, ils enfermoient dans le tombeau les marques d’honneur, comme sceptre, couronne, main de justice, &c.

Ils étoient chargés d’annoncer dans les cours des princes étrangers, la guerre ou la paix, en faisant connoître leurs qualités & leurs pouvoirs ; leurs personnes alors étoient sacrées, comme celles des ambassadeurs.

Le jour d’une bataille, ils assistoient devant l’étendard, faisoient le dénombrement des morts, redemandoient les prisonniers, sommoient les places de se rendre, & marchoient dans les capitulations devant le gouverneur de la ville. Ils publioient les victoires, & en portoient les nouvelles dans les cours étrangeres alliées.

Les premiers commencemens des hérauts d’armes ne furent pas brillans ; nous voyons par les anciens livres de Romancerie, & par l’histoire des rois qui ont précédé S. Louis, qu’on ne regardoit les hérauts que comme de vils messagers, dont on se servoit en toutes sortes d’occasions. Ils eurent un démêlé avec les trouveres & chanterres sur la préséance. Pour établir contre eux leur dignité, ils produisirent un titre, par lequel Charlemagne leur accordoit des droits excessifs, & c’étoit un faux titre ; cependant ils parvinrent insensiblement à s’accréditer, à obtenir des privileges, & à composer leur corps de gens nobles ; mais, dit Fauchet, « ce corps s’est abatardi par aucuns qui y sont entrés, indignes de telle charge, & par le peu de compte que les rois & princes en ont fait, principalement depuis la mort d’Henri II. quant à l’occasion des troubles, les cérémonies anciennes furent méprisées, faute d’en entendre les origines ». Depuis il n’a plus été question du corps des hérauts.

Il arriva seulement que lorsque Louis XIII. vint en 1621 dans les provinces méridionales de son royaume, pour contenir les chefs de parti, il fit renouveller l’ancienne formalité suivante, qui est aujourd’hui entiérement abolie.

Lorsqu’on s’approchoit d’une ville où commandoit un homme suspect, un héraut d’armes se présentoit aux portes ; le commandant de la ville l’écoutoit chapeau bas, & le héraut crioit : « A toi Isaac ou Jacob tel, le roi ton souverain seigneur & le mien, t’ordonne de lui ouvrir, & de le recevoir comme tu le dois, lui & son armée ; à faute de quoi, je te déclare criminel de lése-majesté au premier chef, & roturier toi, & ta postérité ; tes biens seront confisqués, tes maisons rasées, & celles de tes assistans. »

Le même Louis XIII. en 1634, envoya déclarer la guerre à Bruxelles par un héraut d’armes ; ce héraut devoit présenter un cartel au cardinal infant, fils de Philippe III. gouverneur des pays-bas. C’est-là la derniere déclaration de guerre qui se soit faite par un héraut d’armes ; depuis ce tems on s’est contenté de publier la guerre chez soi, sans l’aller signifier à ses ennemis. Et pour ce qui regarde les fonctions des hérauts à l’armée, c’est en partie les trompetes & les tambours qui les remplissent aujourd’hui.

Si quelqu’un est curieux de plus grands détails, il peut consulter Du Cange au mot Heraldus ; le Glossar. Archoeolog. de Spelman ; Jacob. Spencer de Art. heraldicâ, Francof. 2 vol. in-fol. la Science héraldique de Vulson de la Colombiere ; Fauchet, Traité des Chevaliers ; André Favin, Théâtre d’honneur ; & finalement le livre intitulé, Traité du héraut d’armes, Paris 1610, in-12. (D. J.)

Héraut d’armes, (Hist. mod.) Leur college qu’on appelle en anglois the herald’s-office, dépend du grand maréchal d’Angleterre.

Les hérauts d’armes anglois sont assez instruits des généalogies du royaume ; ils tiennent registre des armoiries des familles, reglent les formalités des couronnemens, des mariages, des baptêmes, des funérailles, &c. On les distingue en trois classes, les kings of arms, les heralds & les pursevants at arms.

Il y a trois kings of arms ; le premier qui s’appelle le Garter, fut institué par Henri V. pour assister aux solemnités des chevaliers de la Jarretiere, pour leur donner avis de leur élection, pour les inviter de se rendre a Windsor afin d’y être installés, & pour poser les armes au-dessus de la place où ils s’asseyent dans la chapelle : c’est encore lui qui a le droit de porter la jarretiere aux rois & princes étrangers, qui sont choisis membres de cet ordre ; enfin c’est lui qui regle les funérailles solemnelles de la grande noblesse : sa création étoit autrefois une espece de couronnement accompagné des formalités du regne de la chevalerie : il est obligé, par son serment, d’obéir au souverain de l’ordre de la Jarretiere en tout ce qui regarde sa charge ; il doit informer le roi & les chevaliers de la mort des membres de l’ordre, avoir une connoissance exacte de la noblesse, & instruire les hérauts de tous les points douteux qui regardent le blason ; mais il doit être toujours plutôt prêt à excuser qu’à blâmer aucun noble, à moins qu’il ne soit contraint en justice à déposer contre lui.

Clarencieux & Norroy, les deux autres hérauts d’armes, sont appellés hérauts provinciaux, parce que la jurisdiction de l’un est bornée aux provinces qui sont au nord de la Trente, & l’autre a dans son district celles qui se trouvent au midi ; ils ordonnent des funérailles de la petite noblesse, savoir des baronnets, chevaliers & écuyers : ils sont tous deux créés à peu près comme le Garter, avec le pouvoir par patentes, de blasonner les armes des nobles.

Ceux qu’on nomme simplement héralds sont au nombre de six, distingués par les noms de Richemond, de Lancaster, de Chester, de Windsor, de Sommerset & d’York. Leur office est d’aller à la cour du grand maréchal pour y recevoir ses ordres, d’assister aux solemnités publiques, de proclamer la paix & la guerre.

Les poursuivans, au nombre de quatre, s’appellent blue-mantles, ou manteaux bleus, rouge-croix, rouge-dragon & port-cullice ; en françois, porte-coulisse, probablement des marques de décoration, dont chacun d’eux jouissoit autrefois. Outre ces quatre poursuivans, il y en a deux autres qu’on appelle poursuivans extraordinaires.

Le college des hérauts a pour objet tout ce qui regarde les honneurs, parce qu’ils sont considérés tanquam sacrorum custodes, & templi honoris æditui. Ils assistent le grand maréchal dans sa cour de chevalerie, qui se tient ordinairement dans la sale des hérauts, où ils prenoient place autrefois vêtus de leur cotte-d’armes. Il faut qu’ils soient, à l’exception des poursuivans, gentlemen de naissance, & les six hérauts sont faits écuyers, squiers, lors de leur création. Ils ont tous des gages du Roi ; mais le Garter a double salaire, outre certains droits à l’installation des chevaliers de l’ordre, & quelques émolumens annuels de chacun d’eux. (D. J.)