Le grand ballon captif à vapeur de M. Henri Giffard/1878-08-31

Le grand ballon captif à vapeur de M. Henri Giffard
LE GRAND BALLON CAPTIF À VAPEUR
DE M. HENRY GIFFARD
(Suite. — Voy. p. 43, 71, 103, 124, 136, 183 et [Le grand ballon captif à vapeur de M. Henri Giffard/1878-08-24

Quand l’atmosphère est pure et limpide, le panorama qui s’ouvre aux yeux du voyageur dans la nacelle du grand ballon captif comprend un cercle d’une immense étendue de 48 à 60 kilomètres de rayon environ. Quand on se trouve à l’altitude de 150 à 200 mètres, c’est Paris tout entier qui s’offre aux regards, mais au delà, de 400 à 500 mètres d’altitude, la grande ville, réduite à des proportions lilliputiennes, apparaît au centre d’une vaste ceinture de verdure qui ne comprend pas moins de quatre départements : le département de la Seine tout entier, et une partie plus ou moins considérable des départements de Seine-et-Oise, Seine-et-Marne et Oise. La carte ci-jointe (fig. 1) montre l’étendue des pays que l’on peut entrevoir au centre de Paris, à l’altitude de 500 mètres. Le ballon est entrevu à distance de Neuilly-en-Thelle (Oise) dans le nord, de Corbeil, d’Arpajon, d’Étampes dans le sud, de Lagny et de Meaux dans l’est, de Meulan et de Mantes dans l’ouest. Par un temps clair et limpide, on embrasse du regard ce vaste cercle, de 120 kilomètres de diamètre.

Fig. 1. — Carte des localités que l’on aperçoit de la nacelle du grand ballon captif à vapeur de M. Henry Giffard.
Panorama circulaire de 120 kilomètres de diamètre.

Rien n’est plus curieux que de considérer cet immense horizon, par les temps de pluie qui ont régné à Paris avec tant de persistance, dans la seconde moitié du mois d’août. Tandis que dans le ballon libre on se déplace avec la masse d’air en mouvement, dans le ballon captif, on demeure stationnaire, on résiste au courant aérien, et comme en mer, on voit se former les grains à l’horizon, on les suit dans leur marche à la surface du plateau terrestre que l’on domine. Ce spectacle est plein d’enseignements pour le météorologiste. Le 5 de ce mois, il nous a été donné d’exécuter une ascension captive dans des circonstances particulièrement intéressantes à cet égard. On voyait tout autour de l’aérostat à des distances plus ou moins considérables un certain nombre de grains, de nuages à pluie, qui déversaient des torrents d’une averse abondante à la surface de localités différentes et sur un grand nombre de points. Ces nuages sombres et arrondis ressemblaient à des vessies gonflées d’eau qui se vidaient en se mouvant à la surface du sol avec une vitesse assez considérable. Le jour de cette observation, il ne pleuvait pas à Paris, mais l’eau se déversait en abondance d’un premier nuage au-dessus de Saint-Denis, d’un autre qui se découpait sur le sol au delà du Trocadéro, et d’un troisième plus abondant qui apparaissait dans les régions avoisinant le confluent de la Marne et de la Seine. Deux autres grains se mouvaient dans des localités différentes qu’il ne nous a pas été possible de bien reconnaître du haut des airs.

Fig. 2. — Le grand ballon de M. Henry Giffard quittant la terre. (D’après une photographie de M. Dagron.)
Les nuages à pluie de la nature de ceux que nous décrivons, sont toujours précédés dans leur marche par un vent très-impétueux. Ils manifestent violemment leur approche en déterminant des oscillations de l’aérostat, quelquefois si considérables, que le Grand Captif, devant ces météores menaçants, doit prudemment rester attaché à la surface du sol.
Gaston Tissandier.

La fin prochainement. —