Le grand ballon captif à vapeur de M. Henri Giffard/1878-06-15
Le vernissage et la peinture de l’étoffe du ballon captif ont été commencés dans les premiers jours de ce mois ; mais, contre toute prévision, les pluies, qui n’ont pas cessé de tomber abondamment pendant de si longs jours, ont singulièrement prolongé la durée de ces opérations. Le vernissage doit, en effet, être opéré en plein air, et il faut attendre le temps sec pour l’entreprendre. La première hémisphère du ballon a été vernie et peinte isolément. Au moment où ces lignes passeront sous les yeux de nos lecteurs, il est probable qu’on opérera le vernissage de la seconde hémisphère ; il faudra ensuite faire la dernière couture équatoriale, puis procéder au gonflement.
La surface du ballon nécessite l’emploi de 300 kilogr. de vernis (huile de lin cuite) et 400 kil. de peinture au blanc de neige (blanc de zinc pur). Ces substances ont été préparées par M. Bertaux, fabricant de vernis, qui s’est fait une spécialité dans la confection des enduits aérostatiques.
Nous avons suffisamment décrit le grand ballon captif, pour que nos lecteurs se fassent une idée de l’importance de ce matériel aérostatique, et du caractère d’innovation qui le distingue ; nous nous sommes spécialement arrêté jusqu’ici, sur la confection du filet, sur la structure de l’étoffe de l’aérostat, sur son mode de confection ; nous allons continuer à parler des différents organes qui vont permettre de faire fonctionner ce puissant engin d’une façon tout à fait sûre, et nous publierons successivement, une série de gravures qui compléteront notre monographie.
Une des grandes difficultés de la mise en œuvre du ballon captif, consistait à le fixer à terre au moyen d’un organe qui permît au câble de suivre tous les mouvements de l’aérostat au sein de l’atmosphère. M. Henry Giffard a résolu ce problème avec l’élégance qui caractérise tous ses travaux. La corde après s’être enroulée autour de son treuil de fonte, après avoir traversé le tunnel souterrain, passe dans la gorge d’une poulie à mouvement universel, que représente notre figure 1. —
La poulie est montée sur un axe doublement articulé qui lui permet de tourner dans tous les sens et de suivre tous les mouvements du câble. Ce résultat est obtenu par le mouvement du joint universel, et par la rotation de sa chappe. La poulie de fonte est équilibrée par un contre-poids, de telle façon que les mouvements du système ne nécessitent le développement d’aucune force, et que tout se borne à détruire l’équilibre établi. Le contrepoids ramène le système dans la verticale dès que le câble cesse d’exercer une traction. La poulie mesure 1m,60 de diamètre, et l’appareil tout entier a 4 mètres de hauteur. Cette belle pièce mécanique que nous représentons ci-contre, a été construite comme toute la partie mécanique du ballon captif, par MM. G. Flaud et A. Cohendet, les constructeurs bien connus de l’avenue de Suffren. La chappe de la poulie en fer forgé, est à elle seule une pièce remarquable par ses dimensions. Elle a été faite par M. Duménil. La poulie à mouvement universel doit être soumise à de grands efforts de traction ; aussi est-elle fixée au sol avec une solidité à toute épreuve. Elle est rivée à deux poutres de bois placées au fond de la cuvette conique au-dessus de laquelle l’aérostat sera suspendu. Ces poutres ont 12 mètres de longueur, 50 centimètres d’épaisseur et 40 centimètres de largeur. Elles sont scellées à chacune de leur extrémité dans d’épais massifs de maçonnerie. Les travaux de maçonnerie et de charpente, que l’installation du grand ballon captif a nécessités, sont considérables, et si les poutres que nous venons de mentionner sont hors mesure habituelle, celles qui supportent les machines à vapeur le sont encore davantage : elles ont 60 centimètres d’épaisseur, 50 centimètres de largeur et 12 mètres de longueur. Ces travaux de maçonnerie et de charpente ont été exécutés sous la direction de M. Bosc, un de nos plus habiles entrepreneurs, qui s’est souvent fait remarquer par la hardiesse de ses constructions.
Notre figure 2 représente le câble du ballon captif. M. Henry Giffard en a confié la fabrication à l’une des premières corderies de France, celle d’Angers, que dirigent MM. E. Besnard-Genest père et fils et Bessonneau. Le chanvre qui le constitue est d’une qualité extra, et lui donne une étonnante solidité. — Comme nous l’avons dit, ce câble est légèrement conique, et tandis qu’il mesure 0m,085 de diamètre à sa partie supérieure, il n’a plus que 0m,065 de diamètre à sa partie inférieure qui reste fixée à terre.
M. Henry Giffard a construit une presse hydraulique spéciale, au moyen de laquelle on rompra successivement le gros bout et le petit bout du câble, pour l’éprouver. Cette rupture qui aura lieu en présence d’ingénieurs délégués par la préfecture de police, ne doit se faire que sous une traction dépassant 25 000 kilogrammes pour le petit bout et 50 000 kilogrammes pour le gros bout.
Le câble a 600 mètres de longueur ; il s’allongera peu à peu pendant le service jusqu’à atteindre environ 660 mètres. Comme le tunnel souterrain a 60 mètres de longueur depuis le treuil jusqu’à la poulie, la hauteur du ballon captif dans les airs sera de 600 mètres.