Le grand ballon captif à vapeur de M. Henri Giffard/1878-07-13

Le grand ballon captif à vapeur de M. Henri Giffard
LE GRAND BALLON CAPTIF À VAPEUR
DE M. HENRI GIFFARD
(Suite. — Voy. p. 71.)

Le treuil du ballon captif est incontestablement une des plus remarquables pièces mécaniques de tout le système ; aussi le décrirons-nous avec quelques détails. — Avec ses deux roues d’engrenage qui mesurent 3m,50 de diamètre, il ne pèse pas moins de 42 000 kilogrammes. Son diamètre est de 1m,70. Il est creux intérieurement et n’est pas monté sur un axe. Il est formé de cinq manchons en fonte de 2 mètres de longueur, de 0m,03 d’épaisseur et de 0m,05 aux brides (fig. 1). C’est par ces brides que les manchons de fonte sont attachés par 32 boulons de Om,05 de diamètre.

Fig. 1. — Treuil où s’enroule le câble du grand ballon captif à vapeur (coupe).

Les cinq manchons de fonte ainsi réunis forment un vaste cylindre dont la surface a été parfaitement aplanie. On y a glissé des anneaux à la surface extérieure desquels se trouvent les spires. Ces anneaux, au nombre de dix, sont également en fonte ; ils ont été adaptés sur le cylindre de fonte ; ils sont assujettis entre eux comme des manchons d’embrayage et se maintiennent ainsi les uns les autres (voy. 1 à 10, fig. 1). Le treuil monté présente donc extérieurement l’aspect d’une vaste bobine, dont la surface est creusée de spires où le câble vient s’enrouler. Il y a autour du treuil 108 tours de spires. Ces spires sont décroissantes comme le câble lui-même. Le treuil est boulonné à ses extrémités aux grandes roues d’engrenage. Il se trouve monté sur deux tourillons portés sur deux paliers de bronze. Ces paliers sont fixés à deux poutres de bois que soutiennent des murs de maçonnerie.

Les chaudières sont installées au nombre de deux à quelques mètres de distance derrière le treuil (fig. 3) ; elles sont remarquables par leur grand diamètre qui leur donne une capacité leur permettant de contenir un grand volume d’eau. Cette masse d’eau fournit la quantité de vapeur que les machines consomment pendant leur marche. L’une des chaudières a été construite par la maison Durenne, l’autre par les forges et chantiers d’Argenteuil Toutes deux sont semblables. Leur diamètre est de 1m,60 ; elles ont pu être timbrées à une pression effective de 10 kilogrammes. Sous une telle pression l’effort de traction sur le câble ne serait pas inférieur à 25 000 kilogrammes.

Les machines placées devant le treuil le mettent en rotation par l’intermédiaire de pignons dentés qui actionnent les roues d’engrenage. Elles ont quatre cylindres et sont disposées pour aller à grande vitesse. Chacune des machines a deux cylindres à angle droit de 0m,26 de diamètre et de 0m,30 de course. Pour augmenter la régularité du mouvement, quand une machine a ses manivelles dans une position, l’autre machine a les siennes dans une position intermédiaire, de sorte que le mouvement de rotation est d’une constance presque absolue. Les machines ont une force de 300 chevaux. Elles sont munies d’une coulisse de changement de marche permettant également la détente. Mais la manœuvre est tellement simple qu’il n’y aura pas lieu de s’en servir.

Nous devons faire remarquer que les machines sont à travail intermittent. Quand le ballon s’élèvera dans l’atmosphère, il fera tourner le treuil autour duquel s’enroulera le câble, et transformera les machines en pompes foulantes. L’air aspiré extérieurement par les pistons ainsi mis à marche, tendrait à être refoulé dans les chaudières, mais il s’échappera par un tuyau spécial et sera employé à faire fonctionner un appareil des plus ingénieux que M. Henry Giffard a désigné sous le nom de frein régulateur à air.

Fig. 2. — Frein régulateur à air du ballon captif.

Ce mécanisme représenté par la gravure ci-jointe (fig. 2), est adapté à l’un des tourillons du treuil représenté à la gauche de notre dessin. L’air refoulé par les machines pendant l’ascension du ballon arrive par le tuyau B et pénètre dans un cylindre C qui porte des ouvertures latérales par lesquelles l’air peut s’échapper. Un piston évidé se meut dans ce cylindre ; il porte des ouvertures rectangulaires qui correspondent avec les premières. On peut au moyen de la manivelle M faire avancer ce piston et offrir un accès plus ou moins grand à la sortie de l’air. Ceci posé, voici comment fonctionne l’appareil. Le tourillon du treuil en tournant pendant l’ascension, imprime un mouvement de rotation à la vis V ; celle-ci fait avancer l’écrou R ; celui-ci vient butter le levier EG qui tourne sur un axe en soulevant le contre-poids H, et ferme peu à peu, en faisant tourner le piston, les ouvertures latérales du cylindre C.

Arrivé à l’extrémité de son ascension, l’aérostat s’arrêtera peu à peu, insensiblement, sans mouvement brusque qui, à la longue, endommagerait le câble. Cet arrêt se fera automatiquement, à tel moment voulu de l’ascension.

Fig. 3. — Les machines, le treuil et les chaudières du grand ballon captif à vapeur de M. Henry Giffard

La partie mécanique de l’installation du grand ballon captif, peut être considérée comme un modèle de sûreté, de solidité, d’élégance ; nous en représentons l’ensemble sur la fig. 3. Au premier plan on voit le mécanicien qui à lui seul fait à volonté monter ou descendre l’aérostat, en ouvrant l’un ou l’autre des robinets placés à portée de sa main. Les deux chaudières sont représentées dans le fond du dessin. Les machines et le treuil du ballon captif sont protégées des intempéries de l’air par un grand hangar que nous n’avons pas figuré dans notre gravure.

Au moment où nous mettons sous presse, on va commencer le gonflement du grand ballon captif. Nous espérons pouvoir décrire dans notre prochaine livraison le récit de la première ascension exécutée au moyen de ce gigantesque matériel.

Gaston Tissandier

La suite prochainement. —