LE DOCTEUR


GILBERT


par
JULES LACROIX.


I.


Madame de Ranval, après une nuit de fièvre et d’insomnie, se leva toute grelottante. S’enveloppant d’une chaude pelisse, elle sortit de sa chambre à coucher et alla s’asseoir dans un petit salon qui donnait sur un jardin : elle était fort pâle, et quelques larmes descendaient le long de ses joues, dont les contours amaigris annonçaient la souffrance du corps et de l’âme.

Madame de Ranval achevait sa vingt-troisième année : elle n’était pas régulièrement belle ; on aurait pu même, en analysant les traits de son visage, y découvrir quelques incorrections, quelques défauts plus ou moins saisissables, qui n’auraient pas échappé sans doute à l’œil d’un peintre ou d’un statuaire, mais qui n’altéraient en rien, toutefois, l’ensemble harmonieux d’une physionomie pleine d’innocence et de volupté. Madame de Ranval était petite, frêle, mince, et sa poitrine un peu rentrée trahissait une constitution faible et maladive ; mais cette imperfection, si désagréable chez quelques femmes, semblait donner au contraire plus de poésie à cette rêveuse créature, blonde et pale, dont les yeux bleus se tournaient toujours vers le ciel, comme par instinct.

À la voir ainsi gracieusement inclinée et penchant mollement sa tête, comme sous le poids d’une pensée grave et mélancolique, on eût dit par

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(ne fait pas partie de l’ouvrage original)