La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité/P3/1884

Gauthier-Villars et fils (1p. 371-385).
Opposition de 1884

Opposition de 1884.
Date de l’opposition : 31 janvier.

Fig. 199

Orbite de Mars pour une opposition aphélique.

Présentation de la planète : Le pôle boréal est incliné vers la Terre.

POSITIONS DE MARS.
Dates Latitude
du centre.
Diamètre. Phase
zone manquant.
 Angle
Soleil-Terre.
31 octobre 1883
+16°,3 17″,6 0″,9 39°
31 janvier 1884
+14°,8 13″,9 0″,0 3
30 avril 1884
+17°,6 17″,4 0″,8 37°

Calendrier de Mars.
 Hémisphère austral
ou supérieur.
 Hémisphère boréal
ou inférieur.
13 mai 1884
Solstice d’hiver. Solstice d’été.

Cette opposition, coïncidant avec l’aphélie de Mars, est la contre-partie de celle de 1877, comme on en peut juger par la fig. 199, comparée à celles des pages 239 et 248. Le Soleil est à l’un des foyers de l’orbite de Mars, C’est le centre de cette orbite, Ms le périhélie de Mars, Mn son aphélie. La planète présente à la Terre son hémisphère nord.

Nous inaugurerons les observations de cette opposition par celles de M. Trouvelot, faites à l’Observatoire de Meudon.

CXV. 1884. — Trouvelot. Observations et dessins[1].

Voici l’article même publié par l’auteur et les quatre vues qui l’accompagnent.

« L’’hémisphère austral de Mars est assez bien connu des astronomes ; il ne leur reste plus guère aujourd’hui à étudier que quelques détails de surface, et les variations assez nombreuses qui résultent des saisons et des phénomènes météorologiques martiens. Mais il n’en est pas de même de son hémisphère boréal, qui, en raison du plus grand éloignement de la planète aux époques où il s’incline vers nous, est beaucoup plus difficile à observer, et nous est par conséquent moins bien connu. Les observations de Mars faites dans la présente année offrent un intérêt particulier, surtout parce que cette planète vient précisément de nous présenter cet hémisphère nord si peu connu, dont il s’agit d’étudier la configuration. Aussi les observateurs se sont-ils mis à l’œuvre, et peut-on espérer que les résultats acquis par eux suffiront pour compléter dans son ensemble la carte générale de cette intéressante planète.

» Dès la fin de l’année, je me mettais moi-même à l’œuvre, et bien que les conditions atmosphériques n’aient pas toujours été aussi favorables que je l’eusse désiré, cependant, comme la série de mes observations embrasse une période de temps assez étendue qui m’a permis de revoir à plusieurs reprises les différents points de la surface de ce globe voisin, je suis à peu près certain d’en avoir reconnu toutes les taches importantes.

» Parmi les dessins assez nombreux que j’ai obtenus durant cette opposition, j’en ai choisi quatre, que je reproduis ici (fig. 200: 1, 2, 3 et 4), parce qu’ils donnent ensemble, à peu de chose près, tout le pourtour de l’hémisphère nord de Mars, et permettent ainsi de reconnaître les principales taches visibles sur cet hémisphère.

» Pour rendre ces dessins compréhensibles, je donnerai ici la copie textuelle des observations originales qui s’y rapportent, ce qui permettra au lecteur l’identification des taches déjà connues.

» Fig. 1, 16 mars, 7h 20m. — Au Sud-Ouest, on voit l’extrémité est du détroit Fig. 200.

Aspect télescopique de la planète Mars en 1884
(Observations et dessins de M. Trouvelot.)
Herschel II, qui se termine par la baie du Méridien. Au Sud-Est, on distingue l’océan de la Rue qui s’avance jusqu’au terminateur. La baie Burton forme la pointe extrême nord, qui se trouve un peu à l’ouest du méridien central. Entre le massif qui vient aboutir à la baie Burton et celui qui aboutit à la baie du Méridien, on aperçoit une étroite bande blanchâtre qui réunit le continent Beer à l’île Phillips. Au sud-ouest de ces grandes taches sombres, et près du bord, on voit une tache blanche causée sans doute par des vapeurs. La tache polaire nord diminue, elle est surmontée au Sud par la mer Campani et la mer Knobel, qui paraît très sombre, et se détache avec vigueur de la terre Rosse, qui est cependant moins brillante ce soir que d’habitude. La mer Knobel se recourbe un peu à l’Est, vers la mer Tycho, et est séparée de cette mer par une bande blanchâtre assez large, mais aussi très vague. La mer Tycho forme d’abord un quadrilatère sombre qui, vers le haut, est surmonté d’une tache angulaire plus pâle, qui se trouve séparée du quadrilatère par une bande blanchâtre. À l’Est, ce quadrilatère est largement séparé, par une bande blanchâtre, d’une tache grise qui atteint le terminateur et appartient à la mer Airy. Au Nord-Ouest, sur le bord, on voit l’extrémité de la mer Lassell et la terre Le Verrier.

» Fig. 2, 15 février, 6h 45. — La mer du Sablier vient de traverser le méridien central. Comme toujours, elle est beaucoup plus sombre, et presque noire sur son bord oriental, qui est bordé d’une frange irrégulière très brillante. Vers le haut, la frange brillante pénètre dans Tycho, et forme le cap Banks, qui s’avance assez loin dans l’intérieur. La mer Flammarion, à l’Ouest, est également frangée de blanc, ainsi que la mer Hooke qui la surmonte. La mer Flammarion se trouve séparée de la mer du Sablier, à l’Est, par un isthme étroit qui, au Sud, s’élargit et forme un triangle blanchâtre au milieu de cette dernière mer. La baie qui forme la mer Main est visible, mais fort vague. Vers l’extrémité inférieure ou boréale de la mer du Sablier, là où elle est très étroite et, par un gonflement à l’Est, donne naissance au passage Nasmyth, il semblerait que cette étroite mer est séparée du reste par une petite bande blanche ; ceci doit être causé par des vapeurs ou des nuages traversant le détroit, car je n’ai jamais remarqué cette rupture auparavant. La tache polaire nord est bordée par la mer Delambre qui, vers l’Ouest, s’accentue fortement, et s’élève vers le Sud, où elle se termine angulairement dans le voisinage de la mer Main. La terre de Laplace semble communiquer directement avec le grand continent Herschel I, par une langue étroite et blanchâtre. Entre l’extrémité sud-ouest de la mer Main et la baie Huggins, on voit une tache blanche assez vive.

» Fig. 3, 27 février, 7h 45m. — Au Sud, non loin du bord, on voit cette partie de la mer Maraldi qui s’étend de la terre Burckhardt jusqu’au delà de la baie Trouvelot. La bordure nord de cette longue mer est frangée d’une bande lumineuse qui suit ses nombreuses sinuosités. Un peu à l’ouest du milieu de l’arc énorme formé par cette tache, on distingue très nettement le cap Noble, formant sur Maraldi une dentelure d’une blancheur éclatante. Non loin du centre du disque, on distingue une tache grise ovale très singulière, à bords très diffus, qui, à l’Est et à l’Ouest, se rattache aux baies Huggins et Trouvelot par une étroite et vague bande grisâtre qui se recourbe pour remonter vers elles. Cette singulière tache ovale n’était certainement pas visible en 1877, 1878 et 1879, alors que Mars était plus rapproché de nous[2]. Cette tache ovale est encore rattachée à Maraldi par une autre bande grise étroite, qui va du Nord au Sud, et que j’ai souvent observée auparavant. Des bords de la tache polaire nord on voit deux taches angulaires qui s’avancent vers le Sud. La plus orientale se dirige vers la tache ovale en se recourbant à l’Ouest, et s’efface un peu avant de l’atteindre. La plus occidentale forme une courbe très prononcée, et, revenant vers l’Est en s’effaçant graduellement, elle s’unit à la tache ovale par une bande à peine sensible. À l’ouest de cette tache recourbée et s’avançant jusque sur le bord, on voit une tache blanche brillante.

» Fig. 4, 2 mars, 6h 40m. — Au Sud, on distingue la partie occidentale de la mer Maraldi, la baie Trouvelot formant un angle un peu à l’est du méridien central. Au Sud-Ouest, tout près du bord, on distingue la grande et étroite tache qui du Sud descend et va se terminer sous la mer Terby. De la baie Trouvelot, on voit une vague tache grisâtre, déjà reconnue, qui va s’élargissant et se recourbant vers l’occident. Cette vague tache se trouve réunie à Maraldi par une étroite et faible bande grisâtre qui se trouve un peu à l’ouest de la baie Trouvelot. La tache polaire nord est entourée au Sud par une grande tache sombre (sans doute la mer Oudemans), qui remonte vers le Sud, où bientôt elle se trouve séparée par une étroite bande blanchâtre. Puis, continuant au delà, mais plus vague, elle forme une tache angulaire, à contours très diffus et difficiles à reconnaître. À l’est de la mer Oudemans, près du bord, on voit la terre Fontana, qui n’est pas très lumineuse. À l’ouest de cette même mer, et un peu au-dessus de la tache polaire, se trouve une tache blanche allongée, très facilement visible, qui est brillante près de la mer Oudemans, et perd de son éclat à mesure qu’elle s’approche du bord avec lequel elle se confond. L’endroit où le terminateur rencontre le bord sud de la planète est manifestement déformé ; car sa courbe, au lieu d’être elliptique, comme elle devrait être si la surface était parfaitement sphérique en cet endroit, forme un angle obtus très prononcé, qui indique pour ce point une élévation considérable de la surface. Cette partie du bord paraît aussi plus lumineuse que les autres régions.

» Tel est le résumé de ces observations. Un coup d’œil suffit pour se convaincre que l’hémisphère nord de Mars diffère notablement de son hémisphère sud, au point de vue géographique. Sur ce dernier hémisphère, les ‘taches sombres sont beaucoup plus grandes, plus nombreuses, plus vigoureuses et mieux définies que celles de l’hémisphère nord. Ici, il n’y a guère que les mers Knobel et Delambre qui se montrent avec un peu de netteté, tandis qu’au Sud presque toutes sont d’une netteté remarquable, particulièrement le long de leur bord boréal. En général, les taches sombres de l’hémisphère nord ont leurs bords si vagues et si diffus, qu’il est difficile de reconnaître leur forme.

» D’après mes observations, il semble que certaines taches soient variables dans leur forme et leur couleur. Jusqu’ici nous n’avons pas de données suffisantes pour décider avec certitude de la cause de ces changements, s’ils résultent d’un effet d’illumination, ou bien s’ils sont amenés par les variations de saisons, par des pluies, des brouillards ou des nuages[3]. Les observations futures permettront sans doute de résoudre ces divers problèmes. »

CXVI. Même opposition, 1884. — Knobel. Observations et dessins[4].

L’intérêt passionnant et perpétuel qui s’attache à l’observation astronomique de la planète Mars s’explique tout naturellement par l’espérance que nous avons d’entrer en relation de plus en plus intime avec ce monde voisin, de pénétrer dans sa vie et d’arriver à nous rendre compte aussi exactement que possible de ce qui se passe à sa surface. C’est l’hémisphère boréal de Mars qui est le moins bien connu, parce qu’en raison de l’inclinaison de l’axe, analogue à celle de la Terre, cette planète nous présente son pôle nord pendant les époques où elle est le plus éloignée de nous. Il est donc doublement important d’étudier avec soin ces régions dans ces conditions désavantageuses.

Les observations de M. Knobel, notre laborieux collègue de la Société Royale astronomique de Londres, ont été faites pendant les mois de janvier, février et mars 1884, lors de l’opposition de la planète, qui, alors à son maximum de distance d’opposition, passait à 100 millions de kilomètres d’ici et n’offrait qu’un disque de 13″ à 14″.

Parmi les nombreux dessins pris par M. Knobel à l’aide d’un télescope en verre argenté de Browning, de 8 pouces et demi (0m,216), armé d’oculaires grossissant de 250 à 450 fois, nous avons choisi les quatre plus intéressants pour les régions boréales, dont la connaissance laisse encore à désirer. Ces dessins (fig. 201) et surtout la carte construite par l’auteur (fig. 202) complètent une partie des lacunes que les cartes de Mars laissaient encore dans ces régions circumpolaires.

       
A Fig. 201. B
C   D
Aspect de la planète Mars, d’après les observations faites en 1884, par M. Knobel.
A. 29 février 10h.55m Long. 215°. C. 11 février 7h 15m. Long. 331°.
B. 26 février 11h.55m Long. 256°. D. 11 février 9h 30m. Long. 337°.

On peut d’abord remarquer que l’hémisphère austral de la planète diffère géographiquement ou peut-être météorologiquement de son hémisphère boréal, non seulement parce qu’il est plus riche en taches sombres, ou mers, mais encore en ce que ces observations n’ont pas laissé voir une seule fois un seul contour géographique parfaitement net, si l’on en excepte toutefois l’allongement nord de la mer du Sablier, longitude 200°, latitude 30o à 40°. Tous les contours se sont montrés vagues et mal définis. Cet effet peut être dû à une moins grande transparence de l’atmosphère, ou bien à des rivages réellement moins nets, moins arrêtés, moins rudes par eux-mêmes. M. Knobel émet l’idée que, sans doute, dans l’hémisphère austral les falaises sont plus escarpées, plus profondes, et les eaux plus brusquement serrées entre les rivages, tandis que dans l’hémisphère boréal les plages sont plus douces, plus plates, et les rivages en pentes graduellement inclinées. Les observations ont été faites pendant l’été de cet hémisphère austral. C’est là, comme on le voit, un premier point fort intéressant pour notre connaissance de la planète.

L’auteur n’a pas réussi à reconnaître les canaux signalés par M. Schiaparelli ; cependant les observations suivantes sont dignes de remarque.

Le canal désigné sous le nom de mer Huggins et de Cyclopum Mare (longitude 200o à 223° ; traversant l’équateur) a été observé à plusieurs reprises avec une très grande netteté. (Il est absent de la carte de M. Green.) Il part de la mer Maraldi et se dirige sur la mer Oudemans. Le dessin A (fig. 201), fait le 29 février, à 10h, a été exécuté par une définition excellente.

Sur ce dessin, comme sur la carte, on remarque aussi un second canal, qui correspond à celui des Læstrygons.

L’espace situé à l’est de ces canaux, écrit M. Knobel, s’est montré couvert d’une sorte de réseau réticulé très délicat ; non seulement il paraissait pommelé, marbré, mais les bords de ce pommelage, pour ainsi dire, semblaient être des lignes légères. Je n’ai pas pu distinguer les canaux droits et parallèles, ajoute-t-il ; mais, si j’avais pu faire un dessin, le résultat n’aurait pas été très différent de l’aspect général des dessins de Milan, quelque chose comme une toile d’araignée.

Cependant il est juste de remarquer que ce jour-là (29 février) il n’y avait rien de visible sur la terre de Fontana (200° à 238° et 13° à 46° B.) et que peut-être les nuages, qui sans doute cachaient cette région, ont produit l’aspect dont il vient d’être question.

Le 26 février, la terre de Burckhardt — Hespérie — (220° à 255° ; 40° à 10° A.) était parfaitement visible. À la même date, le ton de la région sombre occidentale de la mer du Sablier, appelée mer Flammarion, ne s’est pas montré uniforme. La partie inférieure était certainement moins foncée que la partie supérieure.

Fig. 202.
SUD.
NORD.
Carte géographique de Mars, spécialement pour l’hémisphère boréal, construite par M. Knobel, d’après ses observations de 1873 et 1884.

La baie du Méridien se trouvait sur la ligne centrale du disque le 17 février, à 7h 50m. L’astronome anglais propose de prendre pour origine des longitudes de Mars, au lieu de ce point adopté par Beer et Mädler, Proctor, Schiaparelli, etc., la mer Terby, comme étant mieux détachée et d’une détermination plus sûre, Nous pensons qu’il est inutile de changer. Au temps de Beer et Mädler, cette baie du Méridien était la configuration la plus caractéristique de toute la planète, elle ne s’est pas sensiblement modifiée à cet égard, et elle peut de nouveau redevenir très foncée.

M. Knobel s’est encore attaché à l’examen du curieux prolongement de la mer du Sablier connu sous le nom de canal Nasmyth. Le 11 février seulement, cette extrémité a été bien visible : elle se recourbe, non d’une manière abrupte, mais insensiblement, dans la direction de la baie Burton, sans s’étendre jusqu’à elle.

L’île Phillips (Deucalionis Regio) au-dessus de la baie du Méridien, s’est montrée rattachée au continent le 10 et le 11 février, dans une vue si distincte qu’il n’était pas possible d’en douter. Cependant l’auteur, le 21 octobre, et M. Green, en 1877, avaient bien vu cette région séparée du continent par une teinte grise. Variations.

La mer Knobel (long. = 20°, lat. = 30° à 65° B.) a paru s’étendre jusqu’aux neiges polaires boréales. Sa configuration diffère des dessins anciens par l’absence de la traînée blanche vue en 1873 et de la tache blanche vue à l’est de son centre, L’attention la plus scrupuleuse a été portée sur cette région, dans le but de vérifier les observations faites en 1873 sur l’existence d’étroites bandes sombres croisant la terre de Le Verrier, et l’ouest de la mer Knobel. En aucune circonstance on n’a pu revoir ces bandes aussi nettement tracées qu’en 1873 ; cependant les dessins du 11 février (fig. 201) confirment, à n’en pas douter, ces observations anciennes. On peut remarquer que les dessins faits par Mädler en 1839, Jacob en 1854 et Schmidt en 1873 montrent tous des bandes étroites en cette région, ce qui nous conduit à modifier la carte de M. Green sur ce point. En 1884, chaque fois que la mer Knobel a été observée, on a toujours vu, contigu à son côté occidental, un espace sombre, soit homogène, soit partagé en bandes. On n’a pas revu l’espace blanc désigné sous le nom de terre de Le Verrier.

En des conditions d’observation excellentes, la mer Terby a été vue très distinctement les 5 et 6 février, ainsi que la petite tache sombre, au Nord, nommée Agathodæmon par M. Schiaparelli. À cette dernière date, à 11h 45m (heure de Greenwich), le centre de la mer Terby passait exactement par le méridien central, ce qui la placerait par 83° de longitude, au lieu de 90°.

Ce même soir, 6 février, la mer Airy était bien distincte ; elle s’étendait assez loin vers le Sud. D’après les observations des 24, 29 janvier et 8 mars, la limite occidentale de la mer Oudemans s’étend à plus de 10° à l’ouest du tracé de M. Green.

L’Achéron a été aperçu, comme un large tracé gris, de 100° à 160° de longitude par 35° de latitude nord, mais il est beaucoup plus large que sur la carte de M. Schiaparelli ; il ne lui ressemble guère, quoique celui-ci ait écrit : « L’Acheronte è uno dei canali di Marte che ebbero la sorte di esser veduti distintamente da più di un osservatore : trovasi, infatti, disegnato con tutta la possibile chiarezza del signor Knobel sulla carta che accompagna le sue osservazioni areografiche del 1848. » (III, 46).

Telles sont les principales observations faites par M. Knobel. Elles confirment nos conclusions précédentes : Il s’opère des changements certains dans les détails.

CXVII. 1884. — Terby. Remarques sur la planète Mars[5].

« Le fait qui m’a le plus frappé et le plus étonné, écrit l’auteur, pendant le cours de la discussion à laquelle j’ai soumis les dessins de Mars de Schrœter, est la présence, dans les figures des Areographische Fragmente, de plusieurs taches ressemblant à s’y méprendre à la mer du Sablier. Je disais : Schrœter a fait soixante-treize dessins de cette planète en 1800 et 1801, et, dans ce nombre, nous en trouvons au moins trente-cinq, qui, à première vue, semblent représenter évidemment la mer du Sablier et l’océan de Dawes. En y regardant de plus près, au contraire, on constate que ces trente-cinq dessins ne se rapportent pas tous à la même région et accusent la présence de plusieurs taches donnant lieu à la même apparence. » Et plus loin : « Comment expliquer la présence de ces nombreuses taches se terminant en pointe du côté du Nord dans les dessins de Schrœter, taches si semblables entre elles et pourtant correspondant à des portions différentes de la surface ? Elles ont souvent, comme on le conçoit sans peine, mis l’habile observateur lui-même dans une grande perplexité. Nous ferons remarquer que, dans la carte de M. Proctor, on trouve, outre la mer du Sablier, plusieurs autres baies et détroits dirigés vers le Nord : tels sont les passes de Huggins et de Bessel, et les baies de Beer et de Dawes, le détroit de Dawes. Mais aucune de ces régions n’offre des dimensions aussi notables que la mer du Sablier.

» On remarque les mêmes singularités dans les dessins de W. Herschel.

» À côté de cette explication imparfaite, la pensée m’était venue que ces baies avaient pu diminuer de grandeur depuis les observations de ces deux illustres astronomes ; mais cette opinion m’avait semblé trop hasardée pour la formuler. Il était impossible aussi d’accorder plus de confiance aux dessins de W. Herschel et de Schrœter qu’à ceux des observateurs modernes, exécutés à l’aide d’instruments évidemment supérieurs. La question restait donc sans solution.

» M. Schiaparelli, dès ses premières découvertes en 1877, a fourni un élément précieux : les baies dont il s’agit se prolongent toutes vers le Nord par des canaux très déliés, il est vrai, mais qui nous rapprochent déjà davantage des objets vus par Schrœter. Les merveilleuses observations faites à Milan en 1877 et en 1879 combinées nous montrent l’élargissement de la mer du Sablier et des changements de détails dans les configurations supposées fixes de la planète.

» Les travaux de M. Schiaparelli en 1881-82 ne font que confirmer toutes ces merveilles, et, dans sa carte de cette époque, nous trouvons l’Indus tellement développé, tellement élargi, tellement obscurci, qu’il est presque tout à fait identique à la mer du Sablier. Ce canal a subi un élargissement, un agrandissement manifeste depuis 1877 Avec cette modification étonnante coïncide le phénomène mystérieux de la gémination ou d’un dédoublement spécial de presque tous les autres canaux. ».

CXVIII. 1884. — Otto Bœddicker. Observations et dessins.

À l’Observatoire de lord Rosse, à Birr Castle, M. Bœddicker a fait une série d’esquisses, du 24 février au 2 avril. Ces esquisses, au nombre de treize, ont été présentées le 16 juin à la Société royale de Dublin, et publiées dans ses Transactions[6]. Réflecteur de trois pieds d’ouverture. Grossissements 144 et 216.

Fig. 203. Fig. 204.
24 février 1884. 22 mars 1884.
Croquis de Mars, par M. Bœddicker, au grand télescope de l’Observatoire de lord Rosse.

Il est bien remarquable que ce grand télescope de l’Observatoire de lord Rosse ait donné si peu de détails. Nous reproduisons ici les deux meilleurs de ces dessins afin qu’on en puisse juger. Le premier (fig. 203) est du 24 février, vingt et un jours après l’opposition, et le second (fig. 204) est du 22 mars. On reconnaît dans le premier la mer du Sablier et toute la côte du détroit d’Herschel, et dans le second (longitude du centre = 25°), le détroit Arago et la baie Burton de notre carte, l’Indus de M. Schiaparelli, descendant au lac Niliacus et au Deuteronilus. Et c’est à peu près tout ce qu’il y a à glaner de sûr dans ces petits dessins obtenus par un habile observateur à l’un des plus grands télescopes. Les puissants instruments valent donc moins que les petits pour l’étude de Mars ? Les vagues d’air chaud trop grossies effacent-elles les trop légères images ?

CXIX. 1884. — Denning. Durée de la rotation de Mars[7].

Malgré la petitesse relative de son diamètre, et la lenteur de son mouvement de rotation, la planète Mars offre cependant des facilités remarquables pour la détermination de la durée de sa rotation. Il n’y a certainement pas d’autre planète qui se présente à nous dans des circonstances aussi favorables sous ce rapport ; les principales taches de Mars se sont en effet montrées à de nombreuses générations successives avec les mêmes formes caractéristiques, tandis que les détails qu’on a pu discerner sur les autres planètes sont dus à des phénomènes atmosphériques temporaires, ou bien sont accompagnés de circonstances défavorables qui les rendent peu distincts et empêchent complètement de les observer pendant une longue durée. De plus, on peut admettre comme certain que les détails observés sur Mars sont des objets permanents appartenant à la surface même de l’astre, tandis que les taches aperçues à l’aide du télescope sur quelques autres planètes paraissent n’être que des effets produits par des changements arrivés dans leur atmosphère.

La durée de la rotation de Mars a déjà été donnée avec une telle précision qu’il pouvait sembler superflu de rouvrir une discussion sur ce sujet ; mais il est toujours intéressant de rechercher comment les observations récentes s’accordent avec les anciens résultats. La Mer du Sablier, qui est généralement considérée comme la tache la plus facilement visible de la planète, se prête admirablement à l’étude de la durée de la rotation. Dès 1869, M. Denning a observé son passage dans la partie centrale du disque de la planète à l’aide d’une lunette de 4 pouces 1/4 : le 2 février elle était centrale à 10h, le 4 à 11h et le 5 à 11h 30m.

Il observa la même tache au mois de février 1884 avec une lunette d’une ouverture de 10 pouces et d’un grossissement de 252 fois et nota qu’elle traversait la région centrale aux époques suivantes :

 
14
février 1884
5h 55m
15
février 1884
6h 35m
19
février 1884
9h 5m
22
février 1884
11h 4m

L’observateur combine son observation du 4 février 1869 avec celle du 14 février 1884. Cet intervalle comprend 5 487 jours 18 heures 55 minutes = 474 144 900 secondes. Il faut le corriger de la différence des longitudes entre Mars et la Terre aux deux époques, et aussi de la phase.

Il est inutile d’appliquer aucune correction relative à la vitesse de la lumière, parce qu’aux deux dates choisies pour la comparaison le diamètre apparent de la planète était d’environ 16 secondes, de sorte que la distance de la planète à la Terre était à peu près la même. Toutes corrections faites, M. Denning trouve, pour la durée de la rotation,

24h 37m 22s,34.

Ce nombre, qui résulte d’un intervalle comprenant 5 349 rotations, présente un accord satisfaisant avec les périodes calculées par Kaiser, Schmidt et Proctor, d’après une série d’observations beaucoup plus longue. Voici les principales déterminations antérieures :

1837
J.-H. Mädler
24h 37m 23s,8 Astronomische Nachrichten, no 349.
1864
F. Kaiser
24h 37m 22s,62 Astronomische Nachrichten, no 1468.
1866
R. Wolf
24h 37m 22s,9 Astronomische Nachrichten, no 1623.
1869
R.-A. Proctor
24h 37m 22s,735 Monthly Notices, t. XXIX, p. 232.
1873
J.-F.-J. Schmidt.
24h 37m 22s,57 Astronomische Nachrichten, no 1965.
1873
F. Kaiser
24h 37m 22s,591 Annalen der Leidenen Sternwarte, t. III.
1884
W.-F. Denning
24h 37m 22s,34

Il est visible que la période de Mädler, de 24h 37m 23s,8, est d’environ une seconde trop grande. Si nous prenons la moyenne des six autres valeurs, qui ne différent entre elles que de 0s,6, nous trouvons la période

24h 37m 22s,626

qui diffère bien peu de celle que nous avons indiquée comme la plus approchée (p. 242) et qui est absolument identique à la période corrigée par M. Marth, que nous venons de voir il n’y a qu’un instant (p. 371).

CXX. 1885. — Van de Sande Backhuyzen. Période de rotation de Mars[8].

M. Van de Sande Backhuyzen, directeur de l’Observatoire de Leyde, a donné là, sur la période de rotation de Mars, un laborieux mémoire dans lequel, après la discussion soigneuse d’un grand nombre d’observations s’étendant depuis celles de Huygens en 1659 jusqu’à celles de Schiaparelli en 1879, il détermine une valeur plus précise encore que toutes celles que nous avons vues précédemment. Sa méthode consiste à admettre la valeur donnée par Proctor pour cette période et la position déterminée par Schiaparelli pour le pôle nord de Mars, et ensuite à en déduire les longitudes aréographiques des principales taches à l’aide de ces éléments. En comparant cette durée aux observations, il obtient les corrections indiquées par celles-ci. La valeur ainsi obtenue est

24h 37m 22s,66 ± 0s,0132

qui s’accorde presque exactement avec celle de Kaiser, laquelle était de 24h 37m 22s,62.

La valeur obtenue par Proctor paraît un peu trop grande, comme on peut le voir dans la Table suivante de la longitude moyenne de la pointe nord de la mer du Sablier, calculée par elle pour différentes oppositions :

Dates. Observateurs. Longitudes.  Poids.
1661
Huygens
315°,7 11,5
1666
Hooke
296°,4 10,3
1782
Herschel
305°,8 13,0
1799
Schrœter
303°,3 16,3
1830
Beer et Mädler
299°,5 13,0
1862
Kaiser, Lockyer, Lord Rosse
294°,9 17,5
1864
Kaiser, Dawes
294°,3 13,0
1877
Schiaparelli, Lohse, Green, Niesten, Dreyer
289°,6  15,0
1879
Schiaparelli
288°,4 18,0

Il y a un lent décroissement de la longitude avec le temps, à l’exception de Hooke, et comme c’est sur les deux dessins de Hooke que Proctor s’est basé, l’excès de sa détermination s’explique aisément.

M. Backhuyzen termine son mémoire par une appréciation des changements observés à la surface de Mars. Il établit un fait important à propos des variations que nous avons si souvent signalées, c’est que la mer allongée qui, sur notre carte, porte le nom de baie Huggins, et qui, sur celles de M. Schiaparelli, porte celui de Cyclopum, était beaucoup plus large à l’époque de William Herschel et de Schrœter que de nos jours, et comparable par sa forme et son étendue, à la mer du Sablier. Schrœter paraît avoir observé le canal des Læstrygons, ce qu’il n’aurait guère pu faire si cette région n’avait pas été plus marquée que de nos jours.

  1. L’Astronomie, Revue mensuelle d’Astronomie populaire, septembre 1884.
  2. Cet article a été reproduit dans The Observatory, décembre 1884, et l’éditeur remarque que cette tache ovale est l’océan de Schiaparelli et que les trois canaux qui le rattachent à la mer Maraldi sont ceux des Titans, des Læstrigons et des Cyclopes, le tout vu en 1877 par M. Schiaparelli. L’Océan a été remarqué la même année à Greenwich, le canal des Cyclopes en 1879 et en 1882. Le même aspect aurait été vu en 1877 à Potsdam et en 1879 par M. Burton. M. Trouvelot a répliqué à cette remarque (The Observatory, 1885, p. 26) que cette tache ovale occupe bien la place du fleuve Océan, mais ne ressemble pas à ce que l’on voit là ordinairement. Cette tache était plus foncée et presque isolée.
  3. Dans une Note publiée aux Comptes rendus de l’Académie des Sciences, séance du 31 mars 1884, l’auteur inclinait à penser que certaines taches de Mars peuvent être dues à de la végétation, subissant l’influence des saisons. « Les grands continents de l’hémisphère nord sont occupés par des taches grisâtres plus ou moins faibles, qui sont disséminées sur eux. À en juger d’après les changements que j’ai vu subir à ces taches, d’année en année, on pourrait croire que les taches grisâtres variables sont dues à une végétation martienne qui subit l’alternative des saisons. »

    Quant à la disparition de la neige polaire, l’observateur dit aussi là : « Ce n’est guère que trois mois après le solstice d’été de l’hémisphère sud que j’ai plusieurs fois vu disparaître complètement la tache polaire australe. »

  4. L’Astronomie, juin 1886, p. 201. — Memoirs of the royal astronomical Society, 1885, t. XLVIII, p. 2.
  5. L’Astronomie, juin 1886, p. 207.
  6. T. III, Série II, 1885. Notes on the aspect of the planet Mars, etc.
  7. L’Astronomie, t. III, août 1884, p. 206.
  8. Untersuchungen über die Rotationszeit des Planeten Mars und über Aenderungen seiner Flecke. Leyden, 1885.