Grammaire de l’hébreu biblique/Syntaxe/Proposition/Paragraphe 170

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 521-524).
§ 170. Proposition causale et explicative.

a La causalité ou antécédence logique est comme l’inverse de la consécution : elle s’exprime assez souvent par les mêmes moyens. On peut distinguer la causalité ordinaire (fr. comme, l. cum), la causalité explicative (parce que, car), la causalité supposée connue (puisque).

b La relation de causalité, comme la relation conditionnelle (§ 167 a), peut être indiquée d’une façon plus ou moins virtuelle par la simple juxtaposition des deux membres : Gn 17, 14 Cette personne sera retranchée de son peuple : elle a violé mon pacte אֶת־בְּרִיתִי הֵפַ֑ר.

c Comme les relations temporelle, conditionnelle, finale, consécutive, la relation causale peut être exprimée d’une façon légère et élégante par le simple waw : Gn 22, 12 וְלֹא חָשַׂ֫כְתָּ car tu n’as pas épargné (probt) ; 24, 62 (circonstance) ; Ex 23, 9 car vous, vous connaissez l’âme de l’étranger (suivi d’un כִּי parce que) ; 1 R 22, 23 ; Agg 2, 9, 14 ; Ps 60, 13.

Après un impératif : 1 Ch 14, 10 עֲלֵה וּנְתַתִּים בְּיָדֶ֑ךָ monte, car je te les livrerai (cf. parall. 2 S 5, 19 עֲלֵה כִּי נָתֹן אֶתֵּן) ; 1 S 23, 2 לֵךְ וְהִכִּ֫יתָ va, car tu battras… ; Gn 24, 56 (puisque).

Sur le wayyiqtol avec nuance explicative cf. § 118 j.

d Mais les diverses nuances de causalité sont ordinairement rendues par des particules.

La conjonction la plus ordinaire est כִּי, qui, parmi beaucoup d’autres sens, a celui de parce que, car : Gn 3, 14 Parce que tu as fait cela ; 3, 17 ; 8, 9.

e La conjonction relative אֲשֶׁר peut développer un sens causal faible : Gn 30, 18 ; 31, 49 ; 34, 13, 27 ; 1 S 15, 15 ; 26, 23 ; 1 R 3, 19. Pour le passage du sens relatif au sens causal voir Gn 42, 21 אֲשֶׁר רָאִ֫ינוּ (nous) qui avons vu = parce que nous avons vu ; 1 S 26, 16 ; 2 S 2, 5, 6.

f Pour une nuance causale plus forte ou plus précise on emploie יַ֫עַן[1] littéralement à raison de (ce que), ea ratione (quod), d’où à cause de (que), le plus souvent (32 fois) avec אֲשֶׁר, moins souvent (23 fois) sans אשׁר, rarement (7 fois) avec כִּי. Mais יען peut s’employer aussi comme préposition avec l’infinitif. — Exemples : Gn 22, 16 יַ֫עַן אֲשֶׁר עָשִׂ֫יתָ אֶת־הַדָּבָר הַזֶּה parce que tu as fait cette chose ; Nb 20, 12 יען לֹא־הֶֽאֱמַנְתֶּם בִּי parce que vous n’avez pas cru en moi ; 11, 20 יען כִּי־מְאַסְתֶּם אֶת־יְהֹוָה parce que vous avez rejeté Jéhovah ; 1 R 21, 20 יען הִתְמַכֶּרְךָ parce que tu t’es vendu. En fait, presque tous les exemples se trouvent dans le style relevé (parole de Dieu ou de prophète ; exception : 1 S 30, 22)[2].

g Pour la nuance spéciale en récompense de ce que ou, au sens péjoratif, en punition de ce que on a עֵ֫קֶב (אשׁר) et תַּ֫חַת אשׁר qui sont pratiquement synonymes : en récompense de ce que : עקב אשׁר Gn 22, 18 (opp. 16 יען אשׁר) ; 26, 5 ; עקב Nb 14, 24 ; Dt 7, 12 ; — תּחת אשׁר Nb 25, 13 ; Is 53, 12 ; — en punition de ce que : עקב אשׁר 2 S 12, 6 ; עֵ֫קֶב כִּי 12, 10 ; עקב Dt 8, 20 ; — תּחת אשׁר 2 R 22, 17 (= 2 Ch 34, 25) ; Jér 29, 19 ; 50, 7 ; 2 Ch 21, 12.

h La préposition la plus usuelle pour la causalité est עַל : Gn 20, 3 « tu vas mourir à cause de cette femme » ; devant un infinitif : Ex 17, 7 עַל נַסֹּתָם parce qu’ils tentèrent ; Am 1, 3, 6, 9, 11, 13 ; Jér 2, 35 ; 9, 12 ; 16, 18 ; עַל־כֵּן littéralement à cause d’ainsi = à cause de cela, pour cela[3] ; עַל־מָה à cause de quoi ? pour quelle raison ? pourquoi ? (comp. l’usuel לָ֫מָּה pourquoi ?). Avec עַל on a les locutions conjonctives עַל־כִּי à cause que Mal 2, 14 (répond à עַל־מָה) ; Dt 31, 17 ; Jug 3, 12 ; עַל אֲשֶׁר 2 S 3, 30 ; עַל־דְּבַר אֲשֶׁר à cause du fait que Dt 22, 24 ; 23, 5 ; 2 S 13, 22.

i La préposition מִן indiquant la cause d’où provient un effet est fréquente : Ex 15, 23 « ils ne purent pas boire l’eau à cause de l’amertume » ; souvent מֵרֹב à cause de la multitude Gn 16, 10. De même avec une négation : מֵאֵין Is 50, 2 « parce qu’il n’y a pas d’eau » = « par manque d’eau », מִבְּלי par manque de (avec subst. ou inf.). Avec infinitif (en fait avec substantifs verbaux féminins ; rare) : 2 S 3, 11 מִיִּרְאָתוֹ אֹתוֹ parce qu’il le craignait ; Dt 7, 8 ; 9, 28 b ; Is 48, 4 ; de même avec négation : Nb 14, 16 מִבִּלְתִּי יְכֹ֫לֶת parce qu’il ne pouvait pas ; Éz 16, 28. — La locution מִפְּנֵי aboutit parfois au sens causal : Gn 27, 46.

Avec מִן on a les locutions conjonctives מֵֽאֲשֶׁר parce que dans Is 43, 4 † ; מִפְּנֵי אֲשֶׁר parce que (sans nuance particulière) : Ex 19, 18 ; Jér 44, 23 †.

j Par contre בּ a rarement une nuance proprement causale. Le sens par cependant développe parfois une nuance causale[4]. Avec un substantif on ne trouve guère d’exemples où בּ signifie à cause de[5] ; avec un infinitif on a, rarement, le sens causal parce que : Gn 19, 16 ; Ex 16, 7 ; 2 Ch 28, 6. Rarement aussi on a בַּֽאֲשֶׁר au sens de parce que : Gn 39, 9, 23 ; Eccl 7, 2 ; 8, 4.

k Très rarement כַּֽאֲשֶׁר prend une valeur causale parce que : Nb 27, 14 ; Jug 6, 27 ; 1 S 28, 18 ; 2 R 17, 26 ; Mich 3, 4 (mais LXX באשׁר).

l La locution prépositionnelle בַּֽעֲבוּר (cf. § 168 e) est usuelle au sens causal : à cause de : Gn 3, 17 « maudite est la terre à cause de toi ». Moins fréquente est la locution à peu près synonyme בִּגְלַל : Gn 30, 27 « Jéhovah m’a béni à cause de toi ».

m Une particule causale peut commander deux propositions coordonnées dont la première est logiquement subordonnée : 1 S 26, 23 parce que, Jéhovah t’ayant livré à moi, je n’ai pas voulu… ; Is 12, 1. Comp. §§ 161 k ; 167 t ; 168 h.

n L’ordre des membres dépend de l’importance relative de chacun d’eux. Avec יַ֫עַן qui exprime souvent une nuance forte, on a ordinairement l’ordre CauseCausé : Gn 22, 16 ; mais יען en seconde place : Nb 11, 20 ; Lév 26, 43. Inversement כּי est souvent en seconde place : Gn 8, 9 ; mais il est parfois en tête : 3, 14, 17.

o Quand la cause est en tête, l’apodose commence très souvent par un waw d’apodose (§ 176 e). Parfois l’apodose commence par לָכֵן pour cela, ideo[6] : Nb 20, 12 ; 1 R 14, 10 ; Is 29, 13-14 ; Éz 36, 3-4, etc. ; très rarement par עַל־כֵּן pour cela, propterea (plus fort que לכן) : 1 S 28, 18 (après כַּֽאֲשֶׁר § k).

  1. יען est probablement la réduction d’une forme nominale *יַֽעֲנֶה, comme l’analogue מַ֫עַן de מַֽעֲנֶה.
  2. Avec répétition יַ֫עַן וּבְיַ֫עַן à raison et en raison de (ce que) = simplement parce que : Lév 26, 43 ; Éz 13, 10 ; 36, 3 sans וּ.
  3. L’idée de causalité supposée connue (fr. puisque, l. quandoquidem, siquidem) est exprimée par כִּי־עַל־כֵּן littéralement car pour cela, locution où l’idée de causalité est exprimée deux fois : Gn 18, 5 ; 33, 10 ; 38, 26 ; Nb 10, 31 ; 14, 43 ; 2 S 18, 20 (qeré).
  4. Comp. fr. par ce que, d’où parce que.
  5. Ainsi dans les exemples donnés par Brown, ב III, 5, le sens est par ou pour.
  6. Cf. Brown, Hebrew Lexicon, s. v. כֵּן 3 d.