Grammaire de l’hébreu biblique/Syntaxe/Proposition/Paragraphe 168

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 518-520).
§ 168. Proposition finale.

a Remarque préliminaire. La proposition finale et la proposition consécutive sont étroitement apparentées ; l’hébreu ne les distingue pas toujours rigoureusement, et assez souvent on peut hésiter sur la nuance[1]. Sur les principales différences dans les moyens d’expression, cf. § 169 i. — Comme les relations temporelle (§ 166 a) et conditionnelle (§ 167 a), les relations finale et consécutive peuvent être exprimées d’une façon légère et élégante par le simple waw, ou d’une façon plus précise par d’autres particules.[2]

b La finalité s’exprime d’une manière légère et élégante par le waw avec volitif indirect (§ 116), surtout après un volitif direct, mais aussi parfois après un indicatif ou une proposition nominale, notamment dans une interrogation (§ 161 m). Si l’idée finale est négative, on emploie וְלֹא et l’indicatif (§ 116 j). Voir les nombreux exemples cités.

c La finalité, surtout avec une nuance faible, s’exprime par le ל avec infinitif construit : 1 R 18, 42 ; Ruth 2, 8. Autres exemples § 124 l. Si l’idée finale est négative, on emploie לְבִלְתִּי (§ 124 e) : Gn 4, 15 ; 38, 9 ; 2 R 23, 10 ; Jér 23, 14.

d Les conjonctions servant à exprimer la finalité sont surtout les suivantes :[3]

לְמַ֫עַן אֲשֶׁר littt pour l’idée que (où la modalité finale est exprimée par ל) : Jér 42, 6 לְמַ֫עַן אֲשֶׁר יִֽיטַב־לָ֫נוּ afin que nous soyons heureux (opp. Dt 10, 13 לְטוֹב לָךְ afin que tu sois heureux, avec l’inf.). Plus souvent on omet אשׁר, et למען se construit avec l’indicatif : Gn 12, 13 לְמַ֫עַן יִֽיטַב־לִי afin que je sois heureux ; 27, 25 ; Jér 32, 14. Mais למען peut s’employer aussi comme préposition avec l’infinitif : Gn 37, 22 לְמַ֫עַן הַצִּיל אֹתוֹ pour le délivrer. — Avec négation (rare) on a למען אשׁר לֹא Nb 17, 5 (et 4 fois) ; למען לֹא Éz 14, 11 (et 7 fois). (On emploie plutôt לְבִלְתִּי § c, ou פֶּן § g).

e Beaucoup moins fréquent est בַּֽעֲבוּר littt en rapport à ce que : une fois avec אשׁר Gn 27, 10 ; 9 fois sans אשׁר : Gn 21, 30. On a aussi בּעבוּר comme préposition avec l’infinitif (4 fois) : Ex 9, 16 ; 4 fois לְבַֽעֲבוּר Ex 20, 20.

f Assez rarement la conjonction relative אֲשֶׁר est employée avec une nuance finale : Dt 4, 40 אשׁר יִיטַב לְךָ afin que tu sois heureux (comp. § d) ; 4, 10 (après un waw avec volitif à sens final) ; 6, 3 ; 32, 46 ; Jos 3, 7. Avec négation : אשׁר לֹא Gn 11, 7 ; Ex 20, 26.

g Pour la finalité négative on emploie souvent פֶּן afin que… ne pas (lat. ne), de peur que. Ce mot, qui est probablement une réduction de פְּנֵי, signifierait originairement lat. respectu, à l’égard de, par rapport à (une chose redoutée, une chose à écarter)[4], d’où le développement de la nuance négative : Gn 3, 3 לֹא תִגְּעוּ בּוֹ פֶּן־תְּמֻתוּן vous n’y toucherez pas, de peur que vous ne mourriez (littt rapport à ce que vous mourriez) ; Nb 20, 18 ; Jug 9, 54 afin qu’on ne dise pas ou de peur qu’on ne dise ; 1 S 4, 9[5].

h Dans le cas où פֶּן étend son effet à un second verbe coordonné, la première proposition peut être logiquement subordonnée (temporelle, conditionnelle) : 1 S 9, 5 פֶּן יֶחְדַּל אָבִי מִן־הָֽאֲתֹנוֹת וְדָאַג לָ֫נוּ de peur que mon père, se désintéressant des ânesses, ne soit inquiet de nous ; Dt 8, 12-14 de peur que, quand tu auras mangé et seras rassasié etc…, ton cœur ne s’élève… ; — 4, 19 de peur que, levant les yeux au ciel et voyant le soleil etc…, tu ne sois séduit… ; 25, 3 ; Ps 28, 1 de peur que, si tu restais coi, je ne ressemble à… Comp. §§ 167 t ; 161 k ; 170 m.

  1. Ainsi dans Nb 25, 4 il y a plutôt consécution (LXX) que finalité (Vulg.). Dans le grec du Nouveau Testament les propositions consécutives sont souvent exprimées par les mêmes procédés que les propositions finales ; ainsi on a τοῦ avec infinitif, εἰς τό avec inf., ἵνα au sens consécutif. Parfois une conséquence est donnée comme une fin, p. ex. Mt 10, 34, 35. — En fr. pour, généralement final, est employé pour la consécution : Il tomba pour ne plus se relever. Il partit pour ne plus revenir. Parler pour ne rien dire. Quel mal t’ai-je fait pour que tu m’en veuilles ?
  2. Les deux procédés dans la même phrase Is 5, 19 לְמַ֫עַן נִרְאֶה afin que nous voyions, וְנֵדָ֑עָה afin que nous sachions ; comp. Am 5, 4 וִֽחְיוּ et 14 לְמַ֫עַן תִּֽחְיוּ avec le même sens consécutif.
  3. Ces conjonctions, comme toutes les autres (sauf le waw), ne demandent nullement le mode volitif.
  4. Cf. Biblica, 2, p. 341.
  5. Dans les cas, assez rares, où פּן, en début absolu, a une nuance optative négative (ne direct du latin), il semble bien qu’il provienne de נִשְׁמַר פּן se garder par rapport à une chose, naturellement une chose redoutée. Ainsi dans Ex 34, 15 פֶּן־תִּכְרֹת בְּרִית ne ineas pactum (Vulg.) est sans doute une réduction de la locution du v. 12 הִשָּׁ֫מֶר לְךָ פֶּן־תִּכְרֹת בְּרִית garde-toi de faire un pacte ; cf. Job 32, 13 ; Is 36, 18 ; Jér 51, 46 ; Gn 44, 34 (cf. Biblica 2, p. 342 N).