Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 3/241-250

Fascicules du tome 3
pages 231 à 240

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 3, pages 241 à 250

pages 251 à 260


Déporter, signifie au Palais, s’abstenir d’un jugement, d’une affaire où il y a quelque cause de récusation. Abstinere ab aliquâ re, discedere ab aliquâ re, rem aliquam abjicere. La dernière Ordonnance veut que le Juge se déporte de lui-même de la connoissance d’une affaire, quand il sait qu’il y a des causes de récusation contre lui. On dit la même chose d’un arbitre, d’un expert & de tout autre Officier commis par le Juge.

Déporter, dans nos vieux Auteurs, signifie quelquefois souffrir, supporter. Comme il déporta les outrages qui faits lui avoient été. Tolerare, pati, ferre.

DÉPORTUAIRE. s. m. Terme de matière bénéficiale. On nomme Déportuaire en Normandie, celui qui est chargé du déport pendant l’année qu’il n’y a point de titulaire, ou plutôt que le titulaire ne jouit point des fruits de son bénéfice. Les Evêques de Normandie sont si jaloux de leurs déports, que, dans les provisions qu’ils donnent aux véritables titulaires, ils les excluent de toutes fonctions curiales, aussi n’y en font-ils aucunes, qu’en qualité de Déportuaires, s’ils se chargent du déport.

DÉPOSANT. ante. s. m. & f. Témoin qui déclare & atteste en Justice la vérité d’un fait. Testis. Il faut faire assigner le déposant. Faire lecture à un déposant de sa déposition. C’est tout ce que le déposant a dit savoir. Plus n’en sait le déposant. Cette formule de pratique a passé dans la conversation familière pour marquer qu’on ne sait rien de plus que ce qu’on a dit.

Il est aussi adjectif. Tels & tels témoins déposans. Telles & telles femmes déposantes.

DÉPOSER. v. a. Témoigner en Justice la vérité d’un fait, déclarer ce qu’on a vu, ou oui. Testari, testificari. On fait faire serment aux témoins de déposer la vérité. Un tel témoin dépose de visu. On dit figurément, Le remords de la conscience est un témoin qui dépose continuellement contre nous.

Déposer, se dit figurément des choses qui servent de preuve à quelque chose, qui tendent à prouver quelque chose : ainsi déposer contre quelque fait ou quelque opinion, c’est prouver, montrer qu’elle est fausse. Infirmare, confutare. Et déposer en faveur, c’est prouver qu’elle est vraie. Confirmare. Pendant que tout justifie notre système, tout dépose contre celui de M. Newton. Gamaches.

Déposer, signifie aussi, mettre en lieu sûr, mettre une chose entre les mains d’une personne pour la garder, pour en avoir soin. Deponere. On oblige de déposer au Greffe une pièce maintenue fausse. On dépose chez un Notaire, aux Consignations, les sommes saisies ; ou celles où il y a des oppositions, ou contestations.

Déposer, se dit aussi des corps morts qu’on met en dépôt dans une Eglise, jusqu’à ce qu’on les transporte ailleurs. Deponere, collocare. On a déposé le corps de ce Seigneur dans une chapelle de sa Paroisse, jusqu’à ce qu’on le transporte dans le tombeau de ses pères.

Déposer, se dit figurément pour confier, remettre. Deponere aliquid apud aliquem, credere aliquid alicui. Le Roi dépose une partie de son autorité entre les mains de ses Magistrats pour rendre justice à ses peuples. On est heureux d’avoir un ami dans le sein duquel on puisse déposer ses pensées, ses secrets, ses joies, ou ses douleurs.

Déposer d’un secret la charge trop pesante. Vill.

Déposer, signifie aussi, destituer quelqu’un d’une dignité, d’une charge, d’un emploi. Alicui magistratum abrogare, aliquem magistratu depellere. Il y a eu des Papes qui ont été déposés dans des Conciles ; des Papes & des Empereurs qui se sont déposés eux-mêmes, qui ont renoncé volontairement à leur dignité. Les Papes ont autrefois prétendu avoir le droit de déposer les Rois. Quelquefois on dépose les Officiers par forfaiture. On le dit plus ordinairement des Officiers Ecclésiastiques : on dit des autres destituer.

Déposer, signifie aussi, quitter une charge, se défaire d’un office, d’un emploi. Abdicare se magistratu, magistratum abdicare. Sylla déposa la Dictature. Ab. Abdiquer vaudroit mieux.

Dans l’Ordre de la Visitation, ce mot, aussi bien que déposé, n’ont rien d’odieux ; ils se disent de la Supérieure qui n’est plus en place, qui est sortie de charge. Bien plus, cette ancienne Supérieure en retient la dénomination, car on ne l’appelle pas autrement que la sœur la déposée.

Déposé, ée. part. Il a la signification de son verbe.

DÉPOSITAIRE. s. m. & f. Qui est gardien de quelque chose, qui est chargé d’une charge, d’un dépôt. Sequester, depositarius. Les dépositaires ordinaires ne sont point garans de la chose qu’on leur a confiée, si elle est volée, ou perdue. Ils ne répondent que de la fraude, & de la mauvaise foi, & non pas de la négligence. Un dépositaire nécessaire, comme un hôtelier, est responsable du vol, s’il y a de la négligence. Les dépositaires de Justice, sont contraignables par corps à la représentation des choses dont ils sont gardiens.

Dépositaire, se dit aussi au figuré des personnes & des lieux à qui l’on confie, où l’on dépose ce que l’on a de plus important & de plus secret. Qui alicujus consiliis intimus est, consilium particeps. Il a voulu demeurer le dépositaire de ses propres charités. Patru. C’est le dépositaire de ses plus secretes & de ses plus douces pensées. Pat. Vous êtes le dépositaire fidèle de tous mes chagrins, & de toutes mes joies : en un mot, de tous mes sentimens. La Bruy. Thérèse fut dans ces derniers siècles l’héritière, & pour ainsi dire, la dépositaire de tout l’esprit d’Elie. Bourdal, Exhort. T. I. p. 301. 302.

Souvent ce cabinet superbe & solitaire,
Des secrets de Titus est le dépositaire. Corn.

Elle est de mes sermens seule dépositaire. Racine.

Dépositaire, chez les Religieux & les Religieuses. Celui ou celle qui a la garde des archives, des titres & de l’argent. Custos.

DÉPOSITION. s. f. Témoignage rendu en Justice par un témoin. Testimonium, testificatio. Dans un récolement on fait lecture à un témoin de sa déposition, pour voir s’il y veut persister, y ajouter, ou diminuer. On ne doit point lire en jugeant la déposition des témoins valablement reprochés. Les révélations sur un monitoire ne font point de foi, jusqu’à ce qu’elles soient rédigées en déposition.

Déposition, en termes d’Eglise, se dit aussi de l’enterrement d’un corps. Mortui corporis depositio. On doit dire un tel Evangile & telles prières pour la déposition d’un défunt, lorsqu’on apporte un corps à l’Eglise pour l’enterrer.

Déposition, signifie aussi privation d’une charge, d’un office, d’un emploi, d’une dignité. Exauctoratio, depulsio, missio a munere, ab officio. La déposition d’un Officier. La déposition du Sultan fut suivie de guerre. La Nation jalouse de ses droits s’étoit fait un titre de liberté par la déposition des Princes qui avoient entrepris de la lui ravir. Vert. La déposition d’un Official, d’un Promoteur qui a malversé. La déposition, en ce sens, est un jugement canonique, par lequel le Supérieur Ecclésiastique dépouille pour toujours un Ecclésiastique de son bénéfice, & des fonctions qui y sont attachées. Dans la dégradation le caractère de l’ordre est effacé. On dépose un Prélat, un Abbé, &c. On dégrade les simples prêtres. La suspense n’est que pour un temps.

☞ En parlant des offices de judicature, on dit plus communément destitution. Destitution d’un Bailli, d’un Officier de judicature.

DEPOSITO. Donner ou prendre à deposito, signifie, donner ou prendre à intérêt. Ce terme, qui a passé d’Italie en France, n’est d’usage, dans cette signification, qu’en quelques lieux de Provence & de Dauphiné.

☞ DÉPOSSÉDER. v. a. Oter à quelqu’un la possession d’une chose. Aliquem alicujus rei possessione dejicere, depellere. On l’a dépossédé de sa charge, de sa maison, des biens qu’il avoir acquis à la campagne.

On dit aussi, déposséder d’une charge, soit qu’on chasse un Officier pour malversation, soit qu’on le fasse recevoir en sa place sur sa résignation. Un Officier jouit de ses gages jusqu’à ce qu’il soit dépossédé. Un Officier n’est réputé dépossédé que par le soit montré qui est mis sur la requête de son résignataire pour demander la réception. Un bail judiciaire dépossède un Seigneur de sa terre, suivant l’Ordonnance. Celui qui prend possession d’un Bénéfice pour le contester, ne dépossède pas pour cela le Titulaire, jusqu’à ce qu’il y ait jugement pour la pleine maintenue.

Dépossédé, ée. part. Le Roi de son pouvoir se voit dépossédé. Rac. Depulsus, dejectus, deturbatus.

DÉPOSSESSION. s. f. Action par laquelle on dépossède. La dépossession actuelle est nécessaire en matière bénéficiale, quand on a un jugement définitif à son profit, de peur de donner lieu à la confidence.

☞ Ce mot n’est employé qu’en style de pratique.

Dépossession, se dit aussi de la délivrance qu’on fait en vertu des exorcismes, d’une personne qui est tourmentée de l’Esprit malin. Liberatio. Cette femme a vécu tranquillement depuis sa dépossession.

DEPOSTER. v. a. Terme de Guerre. Chasser l’ennemi d’un poste qu’il occupoit. Ejicere, pellere. Les Gendarmes & les Chevaux-Lègers furent commandés pour aller déposter l’ennemi de-là. En moins d’une demie-heure de combat l’ennemi fut déposté. On dit plus ordinairement chassé. Déposter n’est en usage que parmi les gens de guerre ; mais parce qu’il abrège le discours, & qu’il est fort commode, il mérite de faire fortune.

Il est formé de poster, qui veut dire placer, mettre, établir des gens, des soldats, des troupes quelque part, & de la particule de, qui a souvent dans la composition la force de détruire la signification du mot simple auquel elle est ajoutée, comme dans désagréable, défaire, &c.

☞ DÉPÔT. s. m. Depositum. Ce mot signifie ce qu’on a confié, mis entre les mains de quelqu’un, pour le garder & le rendre à la volonté de celui qui l’a donné. Il signifie aussi l’action de déposer, la loi du dépôt, c’est-à-dire, la convention faite lors du dépôt. Dans le premier sens, on dit garder religieusement un dépôt, abuser d’un dépôt, nier un dépôt. Un Dépôt est une chose sacrée. Dans le second, on dit que le dépôt est un contrat de bonne foi. Violer la foi du dépôt. Dépôt volontaire. Dépôt judiciaire.

Le dépôt se divise en dépôt simple, & en dépôt judiciaire. Le dépôt judiciaire est la chose contestée entre plusieurs personnes, & déposée en main tierce par ordonnance.

☞ Le dépôt volontaire est celui qui se fait de pleine volonté, sans qu’il y ait aucune nécessité qui oblige le déposant de donner la chose à garder. Ce dépôt provenant uniquement du choix de celui qui le fait, est moins favorable que le dépôt nécessaire.

☞ Le dépôt nécessaire est celui qui ne se fait point de pleine & entière volonté, mais par une espèce de nécessité, qui oblige le déposant de donner la chose à garder au premier venu qu’il rencontre, à cause de quelque cas fortuit, comme pour incendie, naufrage ou tumulte. Celui qui dénie le dépôt fait dans un cas de nécessité, est, suivant les Loix Romaines, condamné à la restitution du double ; ce qui n’a pas lieu pour le dépôt volontaire.

☞ La raison de cette diffèrent est que, dans le dépôt volontaire, on a le temps & la liberté de choisir une personne en qui l’on ait confiance, & même de faire constater le dépôt par écrit. Mais, dans le cas de nécessité, on n’a pas le même avantage. Et c’est pour cela que les Loix Romaines, pour punir la perfidie du dépositaire, l’obligeoient en ce cas à la restitution du double, pour avoir voulu profiter du malheur d’une personne qui étoit déjà affligée d’un fâcheux accident.

☞ Ces peines du double & du triple & autres semblables, portées par le Droit Romain, ne s’observent pas en France.

Dépôt, se dit aussi des lieux publics où l’on dépose les choses, où l’on met les dépôts ordonnés par justice, & ceux où l’on conserve les actes publics. Locus rerum depositarum custos. Le Greffe est un dépôt public. Le lieu où l’on garde les registres s’appelle le dépôt. Le Bureau des Consignations est un dépôt public pour les sommes d’argent contestées. La Sacristie est un dépôt sacré où l’on garde les Reliques.

☞ On dit aussi qu’on a mis un corps en dépôt dans une Eglise, pour dire qu’on l’y a déposé, en attendant qu’on puisse le porter au lieu destiné à sa sépulture.

Dépôt du sel, se dit des lieux publics ou magasins du sel aux endroits où la Gabelle n’est pas établie ; & on les appelle greniers dans les lieux d’impôt.

Dépôt, se dit figurément des pensées & des secrets. Depositum. Le secret est un dépôt sacré, sur lequel la haine, & l’infidélité même de celui qui nous l’a confié, ne nous donne point de droit. Bouh.

Dépôt, terme de médecine, synonyme à sédiment. Dépôt d’urines. Voyez Sédiment.

Dépôt, en Chirurgie se dit d’un amas d’humeurs qui se fait en quelque partie, qui cause de la douleur, forme des fluxions, des abcès, &c. Les fractures, de quelque nature qu’elles soient, aussitôt qu’elles sont endurcies, ont besoin de la saignée pour empêcher le dépôt sur la partie maltraitée. Dionis. Il se fait quelquefois un dépôt sur le bras saigné, quoique l’opération de la saignée n’y ait point de part. Id.

☞ Les parties sanieuses du dépôt sont formées dans la masse du sang. Celles de l’abcès sont formées dans la partie même.

Dépôt, chez quelques Religieux. C’est le coffre où sont les Archives & l’argent du Couvent. Arca depositi custos.

DÉPOTER, v. a. Terme de Jardinier. Oter une plante, ou quelqu’autre chose d’un pot. Flores ex vase fictili tollere, deplantare. Il est temps de dépoter les fleurs. La Quint. Si je me suis servi de pots, je dépote pendant l’été même, ou au moins l’automne, ou le printemps suivant, je dépote, dis-je, les petits figuiers qui ont bien poussé dans ces pots, pour les remettre avec leur motte dans des caisses de sept à huit pouces. Id.

DÉPOUDRER. v. a. Oter, faire tomber la poudre des cheveux, d’une perruque. Dépoudrer quelqu’un, Dépoudrer sa perruque.

Dépoudré, ée. part.

DÉPOUILLE. s. f. Vêtemens, habits dont on est ordinairement vêtu. Spolium, exuviæ. Un homme en mourant laisse sa dépouille, son linge, ses habits, sa garderobe à son valet de chambre, à sa garde. On l’étend quelquefois à ses meubles & à son bien. Un Abbé a la cotte-morte, la dépouille de ses Moines. Les Ordres Militaires ont la dépouille des Chevaliers quand ils meurent.

Dépouille, est aussi un droit que les Archidiacres lèvent sur les biens meubles des Curés décédés. Les Archidiacres de Paris y ont été maintenus par des arrêts, il y en a un du premier Septembre 1700. Voyez le Traité qui a été fait sur ce droit, il fut imprimé en 1683. Voyez Fra Paolo dans son Traité des Bénéfices. Voyez aussi Déport.

☞ Le mot de dépouille pris pour vêtemens n’est pas d’un grand usage.

☞ On le dit mieux de la peau que certains animaux quittent dans certains temps pour en prendre une nouvelle, ainsi l’on dit la dépouille d’un ver-à-soie, d’une araignée, d’un serpent, &c. Exuviæ. Dépouille d’un oiseau, les plumes qui tombent lorsqu’il mue.

☞ On dit poëtiquement, la dépouille du lion de Nemée, pour dire la peau du lion dont Hercule étoit revêtu : & généralement on appelle dépouille d’une bête féroce, au moins dans le style soutenu, la peau, lorsqu’elle est arrachée.

☞ On dit de même que l’homme a laissé sa dépouille mortelle, pour dire son corps, ce qu’il avoir de matériel.

Dépouilles, signifie Butin, ce qu’on prend sur les ennemis pendant la guerre. Les Romains ne se sont enrichis que des dépouilles des Rois, & des peuples par eux subjugués. Ce sont les dépouilles qu’il a remportées sur les Barbares. Ablanc. Spolia, Exuviæ.

☞ Dans cette signification, on dit figurément s’enrichir, se revêtir des dépouilles d’autrui. Il ne jugea pas qu’un homme dût s’enrichir de la dépouille des malheureux. Bouh. Et, en parlant des Auteurs qui pillent les autres, on dit qu’ils se parent de leurs dépouilles. Voyez Plagiaire.

C’est un gueux revêtu des dépouilles d’Horace. Boileau.

Dépouille, se dit en termes d’économie rustique, de la récolte des fruits de la terre. Messis, seges, fructus. On a vendu tant la dépouille de ce jardin, de ces abricotiers. Ce Fermier a fait trois dépouilles, trois récoltes de blé. Le maître a fait saisir la dépouille de cette armée pour son paiement.

☞ On dit figurément partager la dépouille de quelqu’un. Il a eu la dépouille d’un tel, c’est à-dire, sa charge, son emploi, son bénéfice, sa succession. La dépouille des Chevaliers de Malte appartient à l’Ordre. Il se regarde déjà comme l’héritier de tous les riches, il dévore leur dépouille, il est ennemi de tous ceux qui veulent s’agrandir. Roy.

Les Ouvriers disent qu’une chose est taillée en dépouille, lorsqu’elle va en augmentant vers le talon ou le manche, ce qui est particulièrement en usage chez les Gainiers.

Mettre un canon en dépouille. Terme d’Artillerie. C’est retirer du milieu du moule d’une pièce de canon, le trousseau ou morceau de bois qui a servi d’abord à le former étant couvert de natte ; & nettoyer toute cette terre que le noyau de fer ou de métal doivent remplir.

DÉPOUILLEMENT. s. m. Action par laquelle on se dépouille, on quitte quelque chose : il se dit dans le sens propre & dans le sens figuré. Saint Grégoire a dit qu’il étoit bien plus aise de se dépouiller des richesses & des biens de la fortune, que de renoncer à sa propre volonté : parce que, dans l’un de ces dépouillemens, l’on sacrifie sa propre chair, &, dans l’autre, on immole une chair étrangère. Ab. de la Tr. Il se dit mieux & plus souvent en matière de spiritualité, pour détachement d’esprit & de cœur, privation volontaire. Il a porté la pauvreté jusqu’à un dépouillement de toutes sortes de biens & de commodités de la vie. Vivre dans un dépouillement parfait, dans un entier dépouillement des plaisirs, des honneurs.

Dépouillement, relevé, extrait de quelques parties, de quelques sommes qu’on tire d’un Compte, d’un Registre, &c, pour en former une espèce d’état ou de bordereau qu’on nomme dépouillement. Avez-vous travaillé au dépouillement de ce Journal ? Achevez le dépouillement de mon compte, de mon procès.

DÉPOUILLER. v. a. Ôter les habits dont on est vêtu. Spoliare vestibus aliquem, detrahere alicui vestes, vestibus aliquem exuere. Ce Voyageur a rencontré des voleurs qui l’ont dépouillé, qui l’ont mis tout nu. On l’a dépouillé au milieu d’un bois. Ablanc. Il se dépouille à la vue de son armée, Vaug.

On l’étend quelquefois aux biens, aux charges, aux dignités. Ses créanciers l’ont dépouillé de toutes ses terres, de tous ses biens. Ce dévolutaire l’a dépouillé de son Bénéfice. Les criminels qu’on dégrade sont dépouillés de toutes leurs charges & dignités. Ce père s’est dépouillé pour établir ses enfans. Alors il se prend dans un sens figuré.

Ce mot vient du Latin despoliare.

Dépouiller, se dit aussi de la récolte des fruits & de la moisson. Messem, fructus colligere, percipere. Ce Fermier a droit de dépouiller encore cette année, la récolte lui appartient ; il a dépouillé cent arpens de terre. On le dit aussi de la chute des feuilles, parce qu’elle laisse en quelque sorte un arbre tout nu. L’hiver dépouille un arbre de ses feuilles. Il est défendu de dépouiller les arbres de leur écorce. Dépouiller un arbre, c’est lui ôter tout son fruit, ou toutes ses feuilles. Nudare arbores foliis, fructibus, &c. Il est aussi réciproque. Les arbres se dépouillent.

Dépouiller, signifie aussi extraire d’un livre, d’un registre, les parties, les sommes ou les autres choses dont on a besoin pour l’éclaircissement de quelque chose qu’on désire avoir, en faire un rélevé, un état abrégé. Extrahere, detrahere aliquid de libro, de codice, &c. Un Marchand fait dépouiller ses registres pour faire des mémoires de parties qu’il envoie à ses débiteurs. On a dépouillé les registres, les papiers de ce Greffe, de ce Trésor, pour trouver tous les titres qui peuvent servir à l’établissement de ce droit, de ce péage. On dit encore qu’il est défendu de dépouiller un Greffe, un Trésor, pour dire, d’en transporter ailleurs les minutes, titres & papiers, de les divertir & égarer. On dit dépouiller un compte, pour dire, en examiner la recette & la dépense. On dit aussi, dépouiller un inventaire, pour dire, faire un état. Voyez État.

Dépouiller. Terme de Philosophie Hermétique. C’est la première opération que l’on fait, elle consiste à réduire en mercure le féminin, & les autres matières assemblées avec lui.

Dépouiller, est aussi un terme de Rotisseur. C’est arracher la peau de quelque animal pour le mettre en état d’être mangé. Spoliare, exuere pelle. Dépouiller un lièvre. Dépouiller un lapin.

Il se dit aussi des animaux qui quittent leur peau. Les serpens se dépouillent tous les ans.

Il se dit de tout ce qui découvre la chair ou les os. Et, dans ce sens, on dit, on lui jeta de l’eau bouillante qui lui dépouilla toute la jambe. L’os est entièrement dépouillé. Nudare.

Dépouiller, se dit figurément en parlant des passions, des sentimens, des opinions, & signifie s’en défaire, y renoncer. Deponere aliquid. L’Eglise nous enseigne qu’il faut dépouiller le vieil homme, se dépouiller du vieil homme, pour dire, se convertir, sortir de la corruption du péché, quitter les inclinations de la nature corrompue, ses vieilles habitudes criminelles. Le fondement de la Philosophie de Descartes est, qu’il faut se dépouiller de toutes sortes de préjugés. Quand Salomon s’étoit dépouillé de tout l’embarras de la Royauté, pour ne se laisser voir qu’à ceux qu’il honoroit de sa familiarité, il étoit le plus aimable de tous les hommes. Ab. de Choisy. C’est ici (dans l’Académie) que les premiers hommes se dépouillent de tout le faste de la grandeur, & ne cherchent de distinction que par la sublimité du génie. Id. Il est plus sûr de se dépouiller du soin de sa conduite, pour se reposer sur celle de toute l’Eglise. Nicol. Il faut prendre garde qu’on ne rende la langue barbare en la dépouillant de tout ornement, sous prétexte de la rendre plus naturelle. S. Evr. Le style d’un Géomètre doit être simple, sec, & dépouillé de tous les mouvemens que la passion inspire à l’Orateur. On le met quelquefois avec l’accusatif sans le pronom personnel. Il dépouilla cette férocité de tigre & de lion, qui lui étoit naturelle. S. Evr.

Avez-vous dépouillé cette haine si vive ? Racine.

Dépouillez cette rigueur qui rend votre beauté farouche. Voit. En me dépouillant autant que je le puis de l’intérêt poëtique, pour juger plus sainement de la question. De la Motte.

Dépouiller. Terme de Sculpteur, & de Mouleur en plâtre. Dépouiller une figure moulée, c’est ôter toutes les pièces du moule qui environnent cette figure & qui ont servi à la former.

Dépouillé, ée. part. Il a les significations du verbe.

On dit proverbialement, jouer au Roi dépouillé, non seulement au propre, quand on joue à un jeu qui a ce nom, dans lequel on dépouille pièce à pièce celui qu’on a fait le Roi du Jeu, mais aussi au figuré, quand plusieurs personnes se joignent pour en ruiner une autre & la dépouiller de son bien.

DÉPOURVOIR. v. a. Dégarnir, ôter les provisions, les choses nécessaires à la subsistance d’une place, d’une maison, d’une personne. Nudare, spoliare. Ce verbe n’est guère en usage qu’au participe, & quelquefois à l’infinitif. Un Gouverneur ne doit point laisser dépourvoir sa place, en laisser ôter les hommes & les munitions. Cette maison noble est pauvre, & dépourvue des choses nécessaires à la vie. Cette veuve affligée est dépourvue de tout secours, d’amis & d’argent.

Dépourvu se dit souvent en choses morales. Destitutus. Il est pris comme participe & adjectif. Il faut être bien dépourvu d’esprit, de sens, de jugement, pour commettre une telle faute. Il étoit dépourvu de conseil, quand il a fait cette transaction. Souvent on est dépourvu de mémoire, elle quitte les gens au besoin. Jamais on n’est dépourvu de la grace, de l’assistance divine, quand on veut bien y coopérer.

Au Dépourvu. adv. A l’improviste, par surprise, lorsqu’on n’est pas pourvu des choses nécessaires, Ex improviso. Un Gouverneur de place ne doit point se laisser assaillir au dépourvu. La basse-cour de ce Gentilhomme est bien garnie, on ne le peut prendre au dépourvu quand on arrive chez lui.

DÉPRAVATION. s. f. Dérèglement du goût, des mœurs, ou de la doctrine. Depravatio, corruptio. La dépravation de notre raison est la cause de nos erreurs. Chacun accuse son siècle de dépravation. La postérité de Seth fut fidelle à Dieu malgré la dépravation du temps. Boss. Il y a quelques gens qui trouvent ce mot un peu vieux, quand il s’agit de mœurs & de doctrine, mais, comme des auteurs assez approuvés s’en servent, on ne peut pas le rejeter.

Dépravation se dit en Médecine de la lésion notable de l’économie naturelle du corps humain, & plus particulièrement, lorsque l’exercice des fonctions se fait sans régle, & sans conformité à l’état naturel. Il y a de la dépravation dans le goût, lorsqu’on se sent de la répugnance pour les alimens ordinaires, & qu’on se sent porté à manger des choses qui sont nuisibles, ou peu propres à nourrir.

DÉPRAVER. v. a. Pervertir, corrompre le goût, les mœurs, ou la doctrine. Depravare, corrumpere. Il s’est dépravé le goût à force de boire. C’est un homme capable de dépraver toute la jeunesse. Il avoit du génie pour l’éloquence, mais la lecture des mauvais Auteurs lui a dépravé le goût. Plusieurs maladies rendent le goût dépravé. La jeunesse est maintenant fort insolente & fort dépravée. Les Infidèles mènent une vie brutale, & aussi dépravée que leur doctrine. Dieu les a livrés à l’égarement d’un esprit dépravé & corrompu. Port-R.

Dépravé, ée. part. & adj. Depravatus, corruptus. Mille gens qui se piquent d’érudition font voir un goût dépravé, lorsqu’il s’agit de porter leur jugement sur une pièce d’esprit.

DÉPRÉCATIF, ive. adj. Terme de Théologie, qui n’est d’usage qu’en cette phrase. Forme déprécative, qui se dit de la manière d’administrer quelques-uns des Sacremens en forme de prière. Deprecativus. Chez les Grecs la forme d’absolution est déprécative, étant conçue en ces termes, que Dieu vous absolve : au lieu que, dans l’Eglise Latine, on dit en forme déclarative, je vous absous. L’Ac.

☞ DÉPRÉCATION. s. f. Deprecatio. Terme de Rhétorique. Figure par laquelle l’Orateur souhaite du bien ou du mal à quelqu’un. Cette dernière par laquelle on souhaite qu’il arrive du mal, s’appelle proprement imprécation.

☞ C’est encore une instante prière faite avec soumission pour obtenir le pardon d’une faute.

☞ DÉPRÉCIER. v. a. mettre une chose ou une personne au-dessous de son prix. Elevare, pretium minuere. Pourquoi cherchez-vous à déprécier ce qui m’appartient.

Déprécié, ée. part.

DÉPRÉDATEUR. s. m. Voleur, pilleur, qui commet des malversations. Montfaucon, où tant de concussionnaires, déprédateurs de Finances, & autres insignes criminels ont été punis… Médailles sur la Régence. Il ne tient qu’à vous, dit Démosthène aux Athéniens, de réprimer la déprédation de vos finances, en punissant d’une façon exemplaire les déprédateurs. M. Rollin.

DÉPRÉDATION. s. f. Terme de Palais & de Droit. Pillage fait avec dégât, malversations commises dans l’administration d’une succession, dans une exploitation de bois, dans un partage, dans une distribution de deniers, &c. Prædatio, expilatio. Dans cet inventaire il s’est fait une déprédation visible, chaque héritier a pillé de son côté. Dans les directions de créanciers, il arrive souvent des déprédations ; les directeurs les plus puissans se font payer au préjudice des autres. Quoique ce mot ne soit pas des plus usités, on s’en peut fort bien servir en certaines occasions, où l’on veut dire quelque chose de plus significatif que ruine, que vol, que pillage. Après la déprédation de tant de maisons régulières, les peuples se trouvent chargés d’impôts. Mauc. Les traités de paix qui subsistoient entre les deux couronnes n’empêchoient pas les hostilités, ou les déprédations maritimes, qu’on déguisoit ensuite sous divers prétextes. Larrey, Edouard VI. p. 736.

DÉPRÉDÉ, ÉE. adj. & part. Terme qui se trouve dans l’Ordonnance de la Marine, qui se dit des marchandises pillées dans un vaisseau contre les règles & les loix. Ablatus, subreptus, expilatus.

Depréder, v. a. Piller avec dégât, commettre des malversations. Voyez Déprédation. Ce mot n’est pas usité.

DÉPRENDRE, v. a. Détacher. Abstrahere, distrahere, divellere. Ces deux dogues étoient tellement attachés l’un contre l’autre, qu’on a eu toutes les peines du monde à les déprendre. L’Acad. Il se dit aussi avec le pronom personnel, pour se dégager de quelque chose ou l’on étoit engagé, ou embarrassé. Divelli. Un poisson pris dans une nasse se débat & fait ce qu’il peut pour se déprendre. Cet oiseau s’étoit pris à la glu, & ne pouvoit s’en déprendre.

Déprendre, se dit plus élégamment au figuré. Les mélancoliques ne se déprennent pas si aisément de leurs passions. Bal. Jesus-Christ nous a dépris & détachés du commerce des choses de la terre. Du Bois. Le Comte d’Arondel prit de l’amour pour la Reine sans s’en appercevoir, & ne put s’en déprendre quand il s’en fut apperçu. De Larrey. Il faut tâcher de nous déprendre de ces choses. Fenelon. Il ne s’est point encore dépris des controverses scholastiques. Morabin. p. 55.

Dépris, ise. part.

DÉPRÉOCCUPÉ. ée. adj. Qui n’est point préoccupé, ou qui ne l’est plus, qui n’a plus de prévention, de préjugés. Liber a præjudiciis, a præjadicata opinione. B. qui avoit beaucoup d’esprit, & qui étoit dépréoccupée des erreurs populaires. Mlle l’Héritier.

☞ Je ne sais si ce mot se trouve ailleurs ; & l’autorité de Mlle l’Héritier ne me paroît pas suffisante pour l’accréditer.

DE PRÈS. adv. Voyez PRÈS.

DÉPRESSER. v. a. Terme de Relieur. Ôter de la presse. E prælo detrahere. Il y a assez long-temps que ces livres sont en presse, il les faut dépresser.

Dépresser, se dit aussi des draps, & signifie ôter aux draps le lustre qu’on leur avoit donné par la presse. Nitorem adimere.

DÉPRESSION. s. f. Terme de Physique, qui se dit de l’abaissement qui arrive à un corps qui est lesté & comprimé par un autre. Depressio.

☞ DÉPRESSION, se dit en Chirurgie dans le même sens de l’enfoncement du crâne occasionné par quelque cause externe. Les os du crâne des enfans, à raison de leur mollesse, sont sujets à la dépression. Depressio cranii.

Dépression, signifie en Morale, abaissement, humiliation. Humilitas. Les Supérieurs des Couvens tiennent leurs Religieux dans la dépression pour éprouver leur patience. Un Philosophe est content de vivre dans la dépression, & refuse souvent les emplois honorables qu’on lui présente. Ce mot n’est pas d’un grand usage.

DÉPRÉVENIR. v. pronominal. Abandonner, quitter, mettre bas ses préventions. Insitas, ou susceptas opiniones deponere, abjicere. Il faut, en matière de croyance & de religion, se déprévenir pour examiner avec exactitude la vérité. S. Réal. Ce verbe est toujours pronominal : Se déprévenir. Je me déprévenois de plus en plus. Vous vous êtes déprévenu ; il se dépréviendra à la fin. Ce verbe n’est point transitif ; on ne diroit pas : J’ai déprévenu un tel, pour dire, je l’ai désabusé de ses préventions, je les lui ai fait abandonner, je l’en ai fait revenir c’est-à-dire, que l’effet que ce verbe signifie ne passe point à un autre, ne s’exerce point sur un autre, mais chacun l’exerce sur foi. C’est ce que le commun des Grammairiens a appelé mal-à-propos verbe réciproque, & que M. l’Abbé Dangeau a nommé bien plus proprement verbe pronominal, parce qu’il a toujours pour sujet un pronom, ou la personne même qui agit. Je me dépréviens, tu te dépréviens, il se déprévient. Notre jeune homme se travailloit sans cesse, & s’exerçoit sur toutes sortes de sciences, pour se déprévenir de ses erreurs. Eloge de Pantalon-Phœbus, à la suite du Dict. Néologique. Ce mot n’est usité que dans la conversation. Il est vrai que ce mot a été critiqué par M. l’Abbé Desfontaines : c’est le sort des mots nouveaux. Je crois malgré cela qu’on peut l’employer, même dans le style sérieux, & qu’il est très-propre pour exprimer l’idée qu’on y attache. Se déprévenir renoncer à ses préventions, à ses préjugés. Je crois encore qu’on peut employer ce mot comme verbe purement actif, & qu’on dit très-bien déprévenir quelqu’un. Les Césars de Julien devroient déprévenir, au moins embarrasser ceux qui ont voué une estime exclusive aux productions de l’ancienne Grèce. On se déprévient difficilement d’une erreur agréablement reçue. Hist. de la Phil. Le peuple ne vouloit pas être contredit sur ses anciens préjugés parce qu’il lui en auroit trop coûté pour se déprévenir. Plusieurs autres Auteurs ont fait usage de ce mot dans le style sérieux.

DÉPRI. s. m. Terme de Finance. C’est une déclaration qu’on va faire au Bureau des Aides du lieu d’où l’on veut faire transporter son vin pour le vendre ailleurs avec soumission d’en venir payer le droit de gros, qui est le vingtième selon le prix qu’on l’aura vendu. Declaratio. L’Ordonnance ne parle du dépri qu’à l’égard du vin : néanmoins on le dit aussi des autres déclarations qu’on fait au Bureau des autres marchandises qu’on transporte, dont les droits de douane sont dus, des bestiaux qu’on fait passer debout dans les villes sans payer l’entrée, &c. des droits de péage & autres semblables.

Ce mot vient de deprecari, parce qu’on prie le Fermier de souffrir ce transport. D’autres veulent qu’il vienne de profiteri, parce que les marchandises ainsi déclarées s’appellent en latin merces professæ.

Dépri, se dit aussi, en Jurisprudence féodale, de la notification qu’on fait au Seigneur de l’acquisition qu’on a envie de faire d’un héritage dans sa censive, pour composer avec lui des droits de lods & ventes. Ainsi c’est proprement le supplier d’en faire quelque remise.

Avant que de passer le contrat, on va déprier, c’est à-dire, on va composer des droits, & dans ce cas le Seigneur en remet une partie. Quand la vente est forcée, ou qu’on n’a pas déprié avant le contrat, il n’y a guère de remise.

☞ Dans quelques Coutumes, déprier, signifie notifier au Seigneur l’acquisition qu’on a faite dans sa censive, afin d’éviter l’amende qui seroit encourue après un certain temps par l’acquéreur, faute par lui d’avoir fait cette notification au Seigneur. Cette déclaration doit être sincère ; car, si dans l’acte une partie du prix étoit dissimulé, l’amende seroit encourue de même que s’il n’y avoit pas eu de dépri.

DÉPRIER. v. a. C’est, aller faire au Bureau des Aides, ou à un Seigneur Féodal, la déclaration ou le dépri précédent. Declarare, profiteri. Déprier les lods & ventes, déprier en la péagerie à peine d’amende, sont expressions de Jurisprudence Féodale & de Finances.

Déprier, est quelquefois opposé à prier, & signifie envoyer s’excuser auprès des personnes qu’on avoir invitées, les contremander. Preces revocare. On avoit envoyé prier tous les parens de cette noce, maison les a envoyé déprier, parce que le mariage est sursis ou rompu. Il est du style familier.

Déprié, ée. part.

DÉPRIMER, v. a. Rabaisser, ravaler, rendre vil. Elevare, extenuare, deprimere. C’est le propre des envieux de se déprimer les uns les autres. On cherche ordinairement à déprimer ceux qui ont du mérite. J’ose défendre ma petite Iliade, nom qu’on lui donne pour la déprimer. La Mothe-Houdart. Ce mot n’est guère en usage, & on ne le dit ordinairement que des personnes.

Déprimé, ée. part. Il a la signification de son verbe.

DÉPRIS, DÉPRISE. adj. Vieux mot. Déprisable, comme on disoit autrefois, & comme on devroit encore dire. Qui a perdu, à qui l’on a ôté de son prix, de son mérite, de sa valeur. La petite Sancha ma fille, dit Sancho, viendra aux champs nous apporter à dîner. Mais pourtant, quand j’y songe, elle n’est point trop déprise, & il y a des Bergers qui ont plus de malice qu’on ne croiroit, je ne prendrois pas plaisir qu’on me la vint muguéter, & que la pauvre fille qui n’y entend point de mal, en eût-là pour son compte. Hist. de Dom Quichote, t. 4. c. 67. p. 487.

DÉPRISER. v. a. Tâcher de diminuer la valeur, le mérite de quelque chose. Les envieux tâchent de dépriser la vertu, le mérite de leurs rivaux. Un acheteur déprise la marchandise, tandis que le vendeur la prise de son côté. C’est une espèce d’humilité de se dépriser soi-même, de parler modestement de ses ouvrages. Deprimere, elevare.

Dépriser & Mépriser, ne sont nullement synonymes. On méprise les choses dont on ne fait aucun cas, les vices bas & honteux. On déprise les marchandises que le vendeur prise trop, & souvent les choses les plus estimables, par ignorance ou par jalousie. On peut dépriser la vertu, mais on ne sauroit la mépriser.

Déprisé, ée. part. pass. & adj.

Ce mot vient de depretiare, qu’on a dit dans la basse latinité pour signifier la même chose.

DE PROFUNDIS. s. m. Premier mot d’un Pseaume que l’on récite pour les morts. Ce mot s’emploie comme un mot François. Dire un De profundis. Chanter le De profundis. On ne chante ici que des De profundis, pour dire qu’il meurt beaucoup de personnes, qu’on ne voit que des funérailles.

Suspendons le cours de nos larmes,
Faisons trêve aux De profundis.

Le P. du Cerceau a fait entrer ce mot Latin dans une Epitre Françoise adressée à M. Poncet de la Rivière, Evêque d’Angers.

DÉPROMETTRE. (Se) Désespérer d’une affaire, du succès de laquelle on se flattoit. Dans la Comédie des Ménechmes de M. Regnard, Démophon, voulant marier sa fille Isabelle, dit à la tante :

Je me suis bien promis qu’en faveur de l’affaire,
Vous feriez de vos biens donation entière,
Vous gardant l’usufruit jusques à votre mort.

Araminte répond :

Jusqu’à ma mort ! Vraiment, ce projet me plaît fort !
Vous vous êtes promis, il faut vous dépromettre.

Dépromettre, signifie aussi, se dédire, ne pas tenir sa parole. Il est dans le Dictionnaire Comique. Il n’en vaut pas mieux.

DÉPROPRIEMENT. s. m. Est un terme dont on use dans l’Ordre de Malte, pour signifier le testament des Chevaliers, ou du Grand-Maître.

☞ DESPAN. (Selon quelques cartes Depecan,) ville d’Ethiopie, située sur une colline de l’Abissinie, à trois milles du lac de Dempée.

DEPSER. v. a. Vieux mot. Parer ou fouler les draps. Il vient du Grec δέψα, qui veut dire, peau, selon Snidas, ou du verbe δεψέω, j’amollis, à la maniere de ceux qui amollissent le cuir.

DÉPUCELAGE. s. m. Défloration, action par laquelle on ôte la virginité à une fille. Devirginatio. Dans la Traduction des Métamorphoses d’Ovide, imprimée in-16. à Paris l’an 1549. sous le titre du Grand Olympe, il y a fol. 57. verso une sable intitulée : Le dépucelage de Sémélé fait par Jupiter. Ce terme a été aussi employé par Montagne, l. 3. c. 5. p. 27. du 3 t. de l’édition in-12. Paris, 1659. Zenon, dit-il, parmi ses loix, régloit aussi les escarquillemens, & les secousses du dépucelage. Cotgrave, le seul qui ait mis ce mot dans son Dictionnaire, a écrit despucelage. Ce mot n’est plus udre.

DÉPUCELLEMENT. s. m. L’action de dépuceller. Le dépucellement étoit autrefois un droit Seigneurial dans certains pays. La dépucelée ne se faisoit point une honte de son dépucellement.

DÉPUCELER, v. a. Il dépucelle, il dépucellera, il a dépucelé. Oter le pucelage. Delibare, deflorare, devirginare. Les Anciens avoient tant de respect pour les vierges, qu’on ne les faisoit point mourir, sans les avoir fait dépuceler. Ceux de la côte de Malabar paient les étrangers pour venir dépuceler leurs femmes. Chez les Ecossois c’étoit un droit des Seigneurs de dépuceler la nouvelle mariée, droit qui leur fut accordé par Evénus leur Roi, & qui leur fut ôté par Malcome, qui permit qu’on s’en rachetât pour un certain prix qu’on appeloit marcheta, ou un certain nombre de vaches par allusion au mot de march, qui signifioit chez eux un cheval : Buchanan dit aussi, qu’on s’en rachetoit pour un demi-marc d’argent, qu’on appeloit marchette. Cela a lieu aussi dans la Flandre, dans la Frise, & en quelques lieux d’Allemagne. Par la coutume d’Anjou & du Maine, une fille après 15 ans se peut faire dépuceler, sans pouvoir être exhérédée par son père. Du Cange cite un Arrêt du 19. Mars 1409. obtenu par les habitans d’Abbeville contre l’Evêque d’Amiens, qui faisoit racheter par une certaine somme d’argent la défense qu’il avoir faite de dépuceler les nouvelles mariées les trois premières nuits de leurs noces : ce qui étoit fondé sur le IV. Concile de Carthage qui l’avoit ordonné pour la révérence de la bénédiction matrimoniale.

Dépuceler, se dit aussi en parlant des choses qu’on fait la première fois. Cet Avocat a plaidé sa première cause, le voilà dépucelé. Il est du style familier & de conversation seulement.

Dépucelé, ée. part. pass. & adj.

DEPUIS. Préposition qui régit l’accusatif, & qui se dit du temps, du lieu, & de l’ordre ; a, ab, e, ex. Depuis le lever du soleil jusqu’à la nuit, les troupes de Darius ne cessèrent de défiler. Vaug. La France s’étend depuis le Rhin jusqu’aux Pyrénées. Dans cette dernière phrase, & dans plusieurs autres semblables, depuis est proposition d’énumération & d’ordre.

Depuis, est aussi adverbe, mais il ne se dit que du temps. Ex eo tempore. Cela s’est passé depuis. Ab. On a remarqué qu’il n’y a point de mot qui se soit tant opiniâtré pour s’établir, ni qui ait été tant rebuté, que du depuis. Le bon usage l’a enfin banni, soit comme adverbe, soit comme préposition. Vaug. Observez encore que depuis ne se doit point mettre après un prétérit indéfini. Depuis que nous vous eûmes quitté, il arriva. Il faut dire, après que nous vous eûmes quitté. Corn.

Depuis, se joint quelquefois avec peu, & fait une espèce d’adverbe qui signifie, il n’y a pas long-temps. Non ita pridem. Un courier est arrivé depuis peu. Il se joint quelquefois avec quand, & est encore une espèce d’adverbe, qui signifie, depuis quel temps. Depuis quand avez vous les yeux de Vénus ? Ex quo. Voit. Depuis se joint quelquefois avec que, & alors il ne se dit que du temps, & est une espèce de conjonction. Ex quo. Je n’ai employé mes yeux à aucun usage qu’à pleurer sans cesse, depuis que j’ai appris que vous étiez résolu à un éloignement. Let. Portug. Mais, quand depuis est conjonction, il ne faut jamais mettre à l’infinitif le verbe qui le suit. C’est une faute dans laquelle est tombé M. l’Abbé Dubois dans sa Traduction des Offices de Cicéron. Panétius a traité très-exactement toute la matière des Devoirs en trois livres. Possidonius son disciple, dit que depuis avoir publié ces trois livres, il a encore vécu trente ans. Il falloit dire, après avoir publié.

☞ On ne doit point employer depuis pour quand, pour dès-là que, lorsque. Ce mot dénote toujours un temps passé. Il n’y a point d’exception à cette régle.

DÉPURATION. s. f. Clarification, dégagement de toute la lie, des ordures excrémenteuses, qui embarrassent un corps, de toutes ses parties les plus grossières & les plus crasses. Harris. Defecatio, fecis & sordium, partium crassiorum purgatio ; Depuratio. La dépuration du sang. L’idée attachée jusqu’ici au terme de dépuration, ne vient que d’un mal entendu. On a cru sans fondement que le sang étoit une liqueur impure. Un Auteur moderne s’efforce de prouver le contraire par plusieurs raisons tirées de l’œconomie animale, entr’autres par l’extrême petitesse des orifices des veines lactées, qui ne permet pas que rien d’impur puisse y entrer, & passer dans le sang avec le chyle. Jour. des Sc.

Dépuration, se dit particulièrement en Pharmacie, des sucs des fruits & des plantes, & signifie la même chose que défécation. Voyez Dépuré, Défécation & Décantation.

DÉPURATOIRE. adj. de t. g. Il y a des gales qui ne se guérissent qu’avec danger par le soufre : ce sont celles qu’on appelle dépuratoires, c’est-à-dire, qui servent à dépurer la masse du sang ; au lieu qu’il y en a d’autres dont l’effet est de corrompre cette même masse. Journ. des Sav. Sept. 1731.

DÉPURER. v. a. Terme de Médecine & de Chimie. Purgare, defecare, fecibus exuere. La fermentation sert à dépurer une liqueur. De l’esprit-de-vin bien dépuré. On dépure un sirop, un suc, en le passant dans la chausse.

Dépuré, ée. part. & adj. Purgatus, defecatus. On appelle sucs dépurés, des sucs clarifiés d’eux-mêmes par résidence, c’est-à-dire, dont les fèces se sont séparées & précipitées au fond du vaisseau, en les laissant reposer après les avoir exprimées. Ensuite on les verse par inclination. Ce mot peut aussi s’appliquer à toutes sortes de liquides & au sang.

DÉPUTATION. s. f. Envoi de quelques personnes choisies dans un Corps vers un Prince, ou une Assemblée, pour traiter en son nom de ses affaires. Legatio. Les députations se font plus ou moins solennelles selon la qualité des personnes à qui on les envoie. ou des affaires dont il s’agit. Essayons de ramener les esprits par une seconde députation. Vaug.

Députation, se dit aussi du Corps des Députés. Un tel Evêque est le Chef de la Députation des Etats de Languedoc, il porte les cahiers.

☞ DÉPUTÉ. s. m. ou adj. pris substantivement. Celui qui est envoyé par un Prince, par une Communauté, par son Corps, par sa Compagnie, pour s’acquitter de quelque commission. Legatus. Ce mot ne sauroit s’appliquer à celui qui est envoyé par un simple particulier. Le Parlement n’a point été en Corps à une telle cérémonie, il n’y a assisté que par Députés. Voilà le Député d’une telle Province. Les Députés du premier ordre, du second ordre. Les Provinces d’Etats en France envoient au Roi des députés pour présenter le cahier des Etats ; il y a toujours trois députés un pour chaque ordre. C’est le députe du premier ordre qui fait le compliment au Roi. Il y a des députés en Cour, ce sont ceux que les Etats envoient à la Cour. Il y a aussi des députés ordinaires, au moins dans quelques Provinces, ce sont ceux qui demeurent dans la Province pour y faire les affaires dont les Etats sont chargés. Un Commissaire député pour l’instruction d’un procès.

Dans les villes de Turquie il y a toujours des députés pour traiter avec les officiers du Grand-Seigneur, des Tributs & autres affaires : ces députés sont trois ou quatre des principaux & des plus riches bourgeois de chaque ville : l’emploi de ces députés est fort onéreux & fort désagréable.

On dit proverbialement, les Députés de Vaugirard, qui viennent en corps, & ne font qu’un.

Député, Envoyé, Ambassadeur, dans une signification synonyme. L’Ambassadeur représente la personne du Souverain. L’Envoyé est l’interprète de ses sentimens. Le député est le représentant & l’interprète d’un Corps particulier, d’une Compagnie.

Député, Nom d’un bas officier de l’Eglise de Constantinople. Deputatus. δεποτατος. Le nom de Député, en ce sens, signifie un emploi, & non pas une charge, ou une dignité. Le Député est chargé d’appeler les personnes de condition à qui le Patriarche vouloit parler, & d’écarter le peuple quand ce Prélat marchoit ; le Député étoit, comme il paroît, une espèce d’huissier, ou de bedeau. Il étoit aussi chargé du soin des habits sacrés, de les plier, de les serrer, de les conserver. C’étoit une espèce de Sacristain.

Député, dans l’Antiquité, s’est dit encore : 1o. des Armuriers, ou de certains ouvriers qui travailloient à la fabrique des armes dans les forges. 2o. Députés étoient encore des gens actifs, qui suivoient les armées, & qui, dans les actions, étoient chargés de retirer les blessés, & d’en avoir soin. Toutes ces sortes de gens s’appeloient deputati.

Député, du Commerce. C’est un Marchand qui est élu à la pluralité des voix, ou par le scrutin, dans l’Assemblée générale des Chambres particulières du Commerce, pour assister au nom de la Chambre dont il est Député, au Conseil Royal du Commerce établi à Paris.

DÉPUTER. v. a. Envoyer quelqu’un avec commission. Legare, allegare aliquem cuipiam, ad quempiam. Il ne se dit point d’un particulier qui envoie, mais seulement d’un corps ou d’une personne en autorité. Députer vers quelque Prince, ou quelque Assemblée, pour lui rendre ds soumissions, pour lui représenter ses besoins, lui faire des remontrances, pour faire & négocier ses affaires, assister à quelques délibérations, ou autres choses semblables. Tous les Princes d’Allemagne ont député à la Diète. Chaque ville, ou chaque Corps d’une Province, députe à l’Assemblée des Etats. Le Parlement a député un Président & six Conseillers pour faire au Roi de très-humbles remontrances, pour le féliciter sur une telle nouvelle, pour lui rendre raison d’une telle affaire. Le Chapitre a député deux Chanoines pour venir solliciter ses affaires au Conseil. Tous les Diocèses ont député pour tenir l’Assemblée du Clergé

On diroit que le Ciel le députant exprès
N’a confié qu’à lui ses oracles secrets.

Député, ée. part.

DEQ.

DÉQUEURIR. v. n. Vieux mot. Découler.

DEQUIM, ou DEQHIM. Comme écrivent les Portugais, ainsi qu’on le peut voir dans la Catte des sources du Nil par le P. Jéronymo Lobo. C’est un Royaume de Nubie, au milieu duquel passe la rivière de Tacase. Mary dit que les habitans de ce Royaume sont appelés Baullous ; la Carte que je viens de citer, écrit Ballots, & ne semble pas renfermer ces peuples dans le seul Royaume de Dequim.

DEQUOI. Quand ce mot sert à interroger, il signifie de quelle chose. Quâ de re. De quoi s’agit-il ? De quoi parlez-vous ? Ablanc.

Quand ce mot n’est pas une interrogation, il signifie, quelque chose. Res familiaris. Ainsi l’on dit, qu’un homme a bien dequoi, pour dire qu’il a du bien, qu’il a dequoi vivre, dequoi payer, &c.

Dis-moi, ami, que vaut-il mieux avoir,
Beaucoup de biens, ou beaucoup de savoir ?
Je n’en sais rien : mais les Savans je voi,
Faire la cour à ceux qui ont dequoi. S. Gel.

On dit par manière de civilité à ceux qui eemercient ; qu’il n’y a pas dequoi, pour dire que cela ne vaut pas un remerciement. Non est quod agas gratias.

On dit proverbialement qu’il n’y a pas dequoi fouetter un chat, pour dire, qu’il n’y a pas de matière d’imposer la moindre peine. On dit aussi, voilà bien dequoi, pour dire, que le sujet dont on parle, n’est nullement considérable.

DER.

DÉRAC. s. m. Ancienne mesure d’Egypte. Mensura Egyptiaca, Derac. Le Dérac étoit la coudée Egyptienne. Greaves, dans son Traité du pied Romain, nous a donné la précision du Dérac du Caire, par rapport à nos mesures. M. Cumberland a prouvé, dans son Essai, que ce dérac étoit l’ancienne coudée d’Egypte & des Hébreux ; & que la sixième partie de son cube faisoit le bath. Le Pelletier dans Vign. Marv. Greaves, dans son Traité Anglois du pied Romain pag. 41. assure que le dérac du Caire contient 1824 millièmes du pied de Londres ; donc le pied de Roi de Paris, en comprenoit 1104 plus . Le Pelletier, dans sa Dissertation de l’Arche de Noé C. 30e. croit que le dérac a pu être la coudée de Noé & des Hébreux. Sur des autorités d’Ezéchiel & d’Hérodote il prétend que la coudée des Hébreux étoit la grande coudée de Babylone, que l’on appelle אצילה, atsilah, la coudée des grands ; & que l’autre βασιληίος πήχυς, la coudée royale ; & qu’ils sont de six paumes orientales, ou d’une paume plus longue que la médiocre de Babylone, égale à la coudée de Samos ou des Grecs, & à la médiocre d’Egypte. De sorte que la coudée de Memphis, ou le dérac, ayant été trouvé sur l’étalon du Caire de 1824. millièmes des 1000 qui divisent le pied d’Angleterre, la paume ou sixième partie de cette coudée, ôtée des 1824 millièmes de sa longueur, il en reste 1520 pour la coudée Grecque égale à la médiocre de Babylone & d’Egypte. Et, parce que l’ancien Arpenteur Hygin a remarqué que le pied Grec étoit plus long d’un demi-pouce que le pied Romain, il en infère que la coudée Grecque étoit à la Romaine, comme 25 sont à 24 ; & que, si la coudée Grecque étoit de 1520 de ces millièmes, la Romaine en devoit être de 1459 & le pied Romain qui en avoit les deux tiers, devoit en contenir par conséquent 972 . Aussi Greaves a trouvé que l’ancien pied Romain marqué sur le tombeau de T. Statilius qui se garde au Vatican, contient 972 millièmes des milles du pied d’Angleterre, ayant négligé la fraction d’une de ces millièmes comme imperceptible à la vue. Ainsi cet Auteur prétend avoir trouvé toutes les mesures anciennes par le dérac d’Egypte.

DÉRACINEMENT. s. m. Action par laquelle on arrache une chose plantée, ou l’état de ce qui est déraciné. Exstirpatio. Le déracinement de ces arbres est l’effet d’un ouragan.

DÉRACINER, v. a. Arracher un arbre, une plante de terre avec les racines. Eradicare, exstirpare arborem, radicatus eruere. La violence des torrens déracine les arbres, & les entraîne. On ne peut entièrement déraciner le chiendent, il repousse toujours.

Déraciner, signifie aussi, cerner, couper tout-autour. On déracine les cors aux pieds en cernant le calus qui est autour. Les arracheurs de dents décharnent la dent, la déracinent avant que de la tirer.

Déraciner, se dit figurément en choses morales, pour dire, ôter la source d’un abus, d’une hérésie. On a de la peine à déraciner d’un esprit les opinions dont il est préoccupé ; à déraciner les vices contractés par une longue habitude. Déraciner un mal, le guérir entièrement.

M. Racine aimoit tendrement la Champmeslé, fameuse Actrice dont il avoit un fils naturel. Elle le quitta pour s’attacher à M. de Clermont-Tonnerre. Ce qui donna lieu de dire qu’un Tonnerre l’avoir déracinée. Vie de M. Racine, p. VII. au devant de ses œuvres de l’édit. de 1728.

Déraciné, ée. part.

Par les ravages du tonnerre
Nous verrions nos champs moissonnés,
Et des entrailles de la terre
Les plus hauts monts déracinés. Rouss.

DÉRADER. v. a. Terme de Marine. Se dit d’un vaisseau qui par un gros vent a été forcé de quitter la rade où il avoit mouillé, en traînant ses ancres après soi. A vadosâ maris orâ avelli.

DÉRAISON. s. f. Défaut, manquement de raison, façon de penser, d’agir qui ne s’accorde pas avec la raison. La déraison me pique, & le manque de bonne foi m’offense. Lettr. de Madame de Sévigné. Tout cela qui paroît d’abord l’excès de la déraison, est en effet l’effort de la finesse & de l’étendue de l’esprit humain, & la méthode de trouver des vérités qui étoient jusqu’alors inconnues. Voit.

Loin de ces voix acariâtres,
Qui dogmatisant sur des riens,
Apportent dans les entretiens
Le bruit des bancs opiniâtres ;
Et la profonde déraison,
De ces disputes Soldatesques ;
Où l’on s’insulte à l’unisson,
Pour des misères pédantesques,
Qui sont bien moins la vérité
Que les rêves creux & burlesques
De la crédule Antiquité. Gresset.

Vous savez rendre les paradoxes vrai-semblables, vos contradictions plus délicieuses que la complaisance des autres ; vous rendez la déraison même quelquefois très-aimable ; enfin vous avez fait l’art d’embellir routes choses. Abbé de Chaulieu.

Quoiqu’on soit persuadé de la déraison du spectacle de l’Opéra à certains égards, c’est cependant celui auquel on court avec le plus d’ardeur. Desfontaines.

DÉRAISONNABLE. adj. m. & f. Qui est contre la raison, qui ne s’accorde pas avec la raison. Rationis expers, alienus, dissonus à ratione. Vous vous fondez sur des principes qui sont déraisonnables. On ne peut transiger avec cet homme-là, ses prétentions sont tout-à-fait déraisonnables. Il faut jeter du merveilleux dans l’Epopée, qui en cela va jusqu’au déraisonnable. Dac. Il n’y a personne qui naturellement n’ait quelque honte à paroître déraisonnable. S. Real. Son Mestre de Camp m’avoit paru si déraisonnable Bussi Rab. Les pères ont une impatience déraisonnable de pousser leurs enfans dans les charges de la République. S. Evr.

DÉRAISONNABLEMENT. adv. D’une manière déraisonnable. Parler, agir déraisonnablement.

DÉRAISONNER, v. n. Tenir des discours dénués de raison. Vous ne faites que deraisonner. Delirare.

☞ DERALINGUER. v. a. Terme de Marine. Oter les ralingues des voiles. Voyez Ralingue.

☞ On dit qu’un hunier est déralingué, lorsqu’un coup de vent en a emporté jusqu’aux ralingues.

DÉRANGEMENT. s. m. Changement qui trouble l’ordre & la disposition des choses arrangées. Perturbatio. Le dérangement de mes papiers est cause que je ne puis trouver ce que je cherche.

Ce mot se dit aussi au figuré. Ce dérangement universel & continuel des choses humaines, tout désordonné qu’il semble à nos yeux, est pourtant dans l’ordre de la Providence. Flech. Qu’on jette les yeux sur divers états de la vie, quel dérangement, quel désordre n’y verra-t-on pas ? Dérangement dans la santé, dans les affaires.

DÉRANGER. v. a. Mettre en désordre des choses rangées & mises par ordre. Oter une chose de son rang. Turbare, perturbare. Un savant se fâche, quand on dérange ses livres ; une femme bien coëffée, quand on dérange ses cheveux.

Déranger, se dit figurément des desseins, des projets, des affaires. Cet incident imprévu a dérangé tout mon plan de vie. S. Evr. Le Maréchal de Créqui étoit fort en colère contre cette mort barbare, qui sans considérer ses affaires, est venue déranger ses projets. Rien ne dérangeoit dans son esprit ce que le mérite y avoit une fois placé. Fléch.

L’intérêt ni la vaine gloire
Ne dérangeoient point leur repos ;
Ils aimoient plus dans leurs Héros,
Une vertu qu’une victoire. Nouv. ch. de Vers.

☞ On dit d’un homme dont la conduite n’est pas aussi réglée qu’elle l’étoit auparavant, qu’il se dérange. A peine verrez-vous jamais une fille régulière être mal avec sa supérieure ; & à peine voit-on jamais une supérieure être bien avec une fille qui se dérange, & qui ne vit pas selon la règle. Bourd. Exhort. T. I. p. 231.

On dit, en termes de Marine, Déranger la bonnette ; pour dire, la déboutonner du corps de la voile. Dissolvere.

Dérangé, ée. part. Homme dérangé dans sa conduire, dans ses affaires, ou absolument, dérangé qui est irrégulier dans sa conduite, qui met peu d’ordre dans ses affaires : dérangé dans sa maison, si les meubles ne sont pas arrangés avec soin. Acad. Franc.

☞ DÉRAPER, Terme de Marine, v. n. qui se dit de l’ancre qui quitte le fond où elle étoit mouillée, soit qu’on la lève pour appareiller, soit que le mauvais temps tourmente le vaisseau & roidisse assez le cable, pour le forcer de quitter le fond.

DÉRAPE, ée. part. & adj. Terme de Marine. On dit que l’ancre est dérapée, lorsqu’elle est au fond de l’eau, mais qu’elle n’est plus accrochée à la terre, en sorte que le vaisseau dérive.

DERAS. s. m. Peau de mouton, est le titre d’un livre de Chimie, qui traite de l’art de convertir les métaux en or. La raison qui lui a fait donner ce nom est que δέρας χρυσόμαλλον est la peau de la brebis qui portoit la toison d’or, & qui n’étoit autre chose, à ce que rapporte Suidas, qu’un livre écrit sur du parchemin, qui contenoit le secret de faire de l’or.

☞ DERAS. Ville de Perse, assez grande, mais mal bâtie, située à 77 d. 30′ de long. & à 51 d. 32′. de lat.

DÉRATER. v. a. Oter la rate, la tirer du corps d’un animal. Lienem, ou splenem extrahere. Ce mot fut mis en usage par une secte de Chirurgiens, qui s’éleva il y a environ un siècle. Ils prétendoient que l’homme tireroit de grands avantages, s’il se faisoit ôter la rate, ce qu’ils appeloient dérater. Les chiens auxquels ils avoient fait cette cruelle & bizarre opération ne moururent pas sur le champ, mais peu de temps après ; ce qui fut cause qu’aucun homme ne voulut se faire dérater, pour jouir des prétendus avantages que vantoient les auteurs de cette opération. Le mot de dérater n’a pas plus fait fortune que l’opération qui l’avoit fait inventer ; & comme on ne dérate point les animaux, ni les hommes, on ne dit point dérater, on ne le dit que fort rarement parce qu’il y a peu d’occasions de s’en servir. Voyez Dionis, Opérations, &c.

Dératé, ée. part. & adj. A qui on a ôté la rate. On dit figurément un homme deraté, un homme éveillé, alerte, fin, rusé, qu’on ne dupe pas facilement.

☞ On l’emploie quelquefois substantivement, c’est un dératé ; c’est une dératée. Il n’est que du style familier.

DÉRAYURE. s. f. Terme de Laboureur. C’est la dernière raie qu’on fait, lorsqu’on laboure, & qui sépare les sillons. Sulcus.

DERBÉ. Ville ancienne de Lycaonie, Province de l’Asie mineure. Derbe. Etienne de Bysance l’appelle aussi Derbeia. Saint Paul prêcha à Derbé, Act. XIV 6. Elle fut dans la suite ville Episcopale, Leunclavius l’appelle Dervase. Elle étoit sur les confins de Pisidie & de Cappadoce, au pied des montagnes à 40 milles au midi d’Iconium, à 30 mille d’Ilaurie en tirant vers l’Orient, & à 50 d’Antioche de Pisidie. Quelques Auteurs l’appellent Derben, mais mal ; Derben des Actes des Apôtres est un accusatif.

DERBENT. Ville de Perse, située dans le Seirvan, aux confins du Daghestan. Delbentium, Alexandria Albaniæ ; Portæ ferreæ, ou anciennement Portæ Caspiæ, ou Pylæ Iberiæ. Portes Caspiennes ou Portes Ibériennes, parce que c’étoit le passage pour aller en Ibérie, & qu’il est sur le bord de la mer Caspienne, où Derbent a maintenant un assez bon port. C’est le passage le plus ordinaire pour aller par terre, de Perse, & de toutes les Provinces de l’Asie, en Moscovie & dans les Etats voisins. Les Turcs l’appellent Demircapi, c’est-à-dire, porte de fer, pour marquer qu’il ne se peut forcer. En effet, il est fermé par deux murailles qui s’avancent depuis cette ville jusqu’à la mer. Voyez Portes Caspiennes au mot Caspien.

DERBY. Voy. DARBY.

DERCE. s. f. Voyez DAGON, DERCETO, ATERGATIS.

DERCÉTO. s. f. Terme de Mythologie. Déesse fabuleuse adorée en Syrie, ou plutôt dans la Palestine. Derceto, Dercetis. Si l’on en croit Pline, Liv. V. c. 13 & c. 23 Dercéto étoit adorée à Joppé, aujourd’hui Jafa. Diodore de Sicile, Liv. I. dit que c’étoit aux environs d’Ascalon. On représentoit Dercéto sous une figure humaine depuis la tête jusqu’à la ceinture, & le reste du corps en poisson : ce qui fait juger à Selden, De Diis Syris Synt. II. c. 3 que c’étoit le Dagon des Philistins. C’est aussi la même Divinité que Atergatis, dont l’on avoit fait Dercéto. Saumaise sur Solin, p. 574 prétend qu’elle fut aussi nommée Céto. Les Syriens la faisoient mère de Semiramis, & racontoient de plaisantes fables sur cette femme que l’on avoit divinisée. On peut les voir dans les Auteurs cités, & ci-dessus au mot Atergatis, où l’on trouvera aussi l’étymologie de ce mot ; & au mot DAGON. Voy. encore Ovide, Métam. Liv. IV c. 44. & suiv. Cluvier, Germ. Ant. L. I. c. 27 p. 235. Selon Vossius De Idolol. L. VII. c. 10, p. 176. Dercéto est la Lune.

Dercéto a été aussi appelée Céto, , comme ilparoît dans Pline, Histoire Nat. L. V, c. 13. De ce nom quelques-uns pourroient inférer, dit Vossius, que Dercéto étoit Andromède parce que le navire qui transporta Andromède, portoit la figure du poisson appelé Cetus, parce que le Prince auquel elle fut promise d’abord, étoit Seigneur d’une Ile où s’exerçoit la Piraterie, & pleine de Pirates, que l’on a pu comparer aux monstres marins nommés Cete, & appeler de leur nom ; Mais Vossius croit bien plus probablement que Céto s’est fait de Dercéto, en retranchant la première syllabe. Et certainement, comme Dercéto s’est fait d’Atergatis par le retranchement aussi de la première syllabe, il est bien plus probable de dire la même chose de Céto & Dercéto que de courir à des raisons tirées d’aussi loin que celles qu’on vient de rapporter pour l’autre sentiment. Voyez Vossius, De Idol. L. I, c. 23, p. 80. L. II. c. 55, p. 308.

DERCILE & Alébion, fils de Neptune, enlevèrent à Hercule les bœufs de Géryon, lorsqu’il passa par la Libye, & les conduisirent en Etrurie.

DERCON, ou DELCON. Ville autrefois de Thrace, aujourd’hui de Romanie, Province de la Turquie en Europe. Delcas, Delta. Elle est située sur un lac formé par une rivière qui porte aussi le nom de Dercon à quatre lieues de la mer noire. Le lac porté aussi le même nom.

DERECHEF. adv. Une seconde fois, encore, de nouveau. Iterùm, rursus, denuò, rursum. Je l’ai déjà averti, je l’avertirai derechef.

Ménage dit que ce mot vient de derecapo, & que Cambden le dérive de l’Anglois derchesu signifiant la même chose. Il est vieux & on ne peut s’en servir que dans le style familier.

☞ Corneille a employé ce mot dans les Horaces. Mais il est hors d’usage, & absolument banni du style noble.

DÉRÈGLEMENT. s. m. Désordre, action ou mouvement qui se fait contre les loix naturelles, ou civiles, ou morales. Ce qui est opposé aux règles de la morale, ou contre le cours ordinaire des choses de la nature ou de l’art. Perturbatio, confusio, immoderata licentia, vita dissolutior, morum depravatio. Cet homme vit dans un grand dérèglement de mœurs. Il ne faut pas prendre un dérèglement d’imagination pour un entousiasme poëtique. S. Evr. Ce qu’on appelle dérèglement dans les autres, n’est dans les Héros qu’une impétuosité qui emporte notre admiration, sans reconnoître notre jugement. S. Evr. Il y a un agréable dérèglement d’esprit qui accompagne d’ordinaire la passion de deux Amans heureux. S. Real. Il faut éviter le deréglement aussi bien que la contrainte ; S. Evr. Il faut bien des années de dérèglement & de libertinage pour arriver à ce comble d’infamie. Patru. Le feu & les emportemens de Tertulien marquent assez le dérèglement de son imagination. Maleb. Le dérèglement des saisons, le dérèglement des humeurs. Le dérèglement du pouls. Cette horloge ne marque pas bien, il y a quelque dérèglement en son mouvement.

DÉRÉGLÉMENT adv. D’une manière déréglée. Immoderatè, immodice, effrenatè, intemperanter. On vit fort déréglément en cette maison.

DÉRÉGLER. v. a. Mettre hors de la règle, faire sortir de l’ordre établi. Perturbare. Il nous a tous déréglés. La mauvaise nourriture lui a déréglé l’estomac. Le mouvement du cheval a déréglé ma montre. Dieu avoit fait l’homme de ses propres mains : nulle ignorance n’obcurcissoit son esprit, nul mauvais désir ne dérégloit sa volonté. Flêch. Quand la colère emporte l’Orateur, elle le trouble & l’égare : elle dérègle son geste & son action. M. Esp.

Se Dérégler, v. récip. Agir contre la règle, contre l’ordre établi, contre le cours ordinaire des choses de la nature & de l’art. Mon estomac s’est déréglé depuis quelque temps. Mon pouls se dérègle. Ma montre se dérègle dans les grandes gelées.

☞ DÉRÉGLÉ, ÉE. part. Voyez le verbe.

☞ Il est souvent adj. & désigne ce qui est contraire aux régles de la morale. Inordinatus, immoderatus. Vie, conduite déréglée. Déréglé dans ses mœurs. Ce jeune homme a les mœurs fort déréglées, il s’adonne à toutes sortes de débauches. Une femme est-elle responsable des mouvemens dérègles que sa beauté peut exciter ? S. Evr. Les émotions de la colère sont toutes malignes & déréglées. M. Esp.

Déréglé, se dit aussi de ce qui n’est pas selon le cours ordinaire des choses de la Nature & de l’Art. Un temps déréglé. Avoir le pouls déréglé. Une horloge déréglée. Une montre déréglée. Acad. Fr.

Déréglé est opposé à réglé, mais il paroît ne devoir se dire que quand il s’agit de morale. Un homme déréglé, un esprit déréglé : mais on ne diroit pas une dispute déréglée, un repas déréglé, dans un sens opposé à dispute réglée, repas réglé.

Déréglé, dérangé, dans une signification synonyme. On est déréglé par ses mœurs & par sa conduite. On est dérangé dans ses affaires & dans ses occupations. L’homme déréglé ne ménage ni sa réputation, ni sa personne. Il ne connoît point la modération, & est toujours dans l’excès. L’homme dérangé ne ménage ni son temps, ni son bien, il n’a point d’ordre, & il dissipe.

DERENG. Terme de Coutumes, qui signifie borne, bornage d’héritages. Limes.

DÉRESTER. v. a. Il commença par dérester sa caisse de deux mille pistoles. Ecole du Monde. Auteur peu grave. Personne ne l’a dit après lui, & ce mot est absolument hors d’usage.

DERG. Grand lac d’Irlande formé par la rivière de Shannon, sur les confins de la Cornacie & de la Momonie.

DERG. Rivière. Voyez Dirg.

DERHEM. s. m. Petit poids de Perse, qui vaut la cinquième partie d’une livre. Les Persans regardent le derhem comme leur dragme.

DERIA CHIRING. Lac de Perse. On le trouve à dix lieues d’Erivan. Il a vingt-cinq lieues de tour, & beaucoup de profondeur.

DERIBANDS. s. m. pl. Toiles blanches de coton, qui viennent des Indes Orientales.

DÉRIDER. v. a. Oter les rides, faire disparoître les rides, dans le sens propre. On le dit de même, dans le sens figuré, pour donner de la joie, faire plaisir parce que les choses qui prosuisent cet effet rendent le visage uni & en effacent les rides. Frontem exporrigere, explicare. Il est aussi réciproque. Ce vieillard réfrogné est si sévère, que rarement il se déride le front, quelque plaisantes que soient les choses qu’on dit devant lui. Bell. Je ne sais si les bons mots de Bergerac, qui ont été les plus admirés de la Cour, dérideroient à présent le front à nos grimauds de Collège, tant le goût est changé. Ménage.

Loin d’ici ces Auteurs froids & mélancoliques,
Qui dans leur sombre humeur se croiroient faire affront,
Si les Grâces jamais leur deridoient le front. Boileau.

Déridé, ée, part.

DÉRISION. s. f. Action par laquelle on se moque de quelque chose, on la tourne en ridicule. Irrisio, irrisus. C’est un blasphême de tourner en dérision les choses sacrées. Ceux qu’on attache au pilori sont exposées à la dérision du peuple. Le génie de Démocrite étoit une dérision générale des actions des hommes.

☞ Ce terme n’est usité que dans quelques phrases. Tourner en dérision, dire une chose par dérision, faire quelque chose en dérision.

DÉRIVATIF, ive. adj. Terme de Grammaire. Mot, diction qui tire son origine d’un autre qu’on appelle son primitif. Nomen ab alio derivatum, deductum. Voyez Dérivé.

Dérivatif, se dit aussi en Médecine de ce qui procure la dérivation des humeurs vers une partie plus que vers une autre. Deflectens. La saignée du pied dans l’inflammation du foie ; celle de la gorge dans la frénésie, sont des saignées dérivatives. Voy. Dérivation.

☞ DÉRIVATION, Terme de Grammaire. L’origine qu’un mot tire d’un autre. Descendance d’un mot. Derivatio. On est souvent embarrassé sur la dérivation des mots. Voyez Dériver.

Dérivation, Terme de Marine. Declinatio, deflexio. voyez Dérive.

Dérivation, en Hydraulique, c’est le détour qu’on fait prendre aux eaux. Voyez Dériver.

On appelle aussi canal de dérivation, un canal par où l’on conduit, & l’on amasse des eaux pour les porter, & les conduire dans un réservoir. Le canal de dérivation qui porte les eaux dans le bassin de Nourouse en Languedoc pour la communication des deux Mers.

Dérivation, se dit, en Médecine, du détour qu’on fait prendre aux humeurs qui coulent sur une partie, en les attirant vers d’autres parties. Derivatio. Ainsi, dans la fluxion qui se fait sur les yeux & sur les dents, on applique un vésicatoire derrière les oreilles pour la détourner : dans l’esquinancie, on ordonne la saignée des ranules, c’est-à-dire, des veines de dessous la langue, pour détourner l’humeur qui se jette sur la gorge. La dérivation est l’action de quelque remède par laquelle le sang est attiré, déterminé à courir, à couler, à se précipiter vers quelques parties. La saignée du pied cause une dérivation, & quelquefois une dérivation dangereuse, faute d’une saignée du bras qui ait précédé & qui ait produit une révulsion. La dérivation est opposée à la révulsion.

DÉRIVE. s. f. Terme de Marine. Différence du rumb de vent où l’on va, à celui ou l’on veut aller ; biaisement d’un vaisseau qui ne porte pas à sa route, & qui le fait aller par un autre rumb de vent que celui par lequel on doit aller ; fausse route, ou détour forcé qu’on fait de son vrai chemin par la violence des vents, des courans, ou de la marée. Lorsque le vent pousse un vaisseau de côté, il le fait avancer sur un autre air de vent que celui auquel il présente la proue, ou l’avant, & cet écartement est ce qu’on appelle la dérive. Deflexio, declinatio. Lorsque l’angle d’incidence que le vent fait avec le vaisseau est du côté de la poupe ou de l’arrière, la dérive n’est pas grande mais, quand cet angle d’incidence est du côté de l’avant du vaisseau, la dérive est plus grande. L’angle au plus près du vent, qui est ordinairement de six quarts de vent, donne environ un quart de vent de dérive, quand on a les quatre grandes voiles majeures, & que la mer est belle ; mais on a davantage de dérive, lorsqu’on n’a que les basses voiles. L’angle de la dérive d’un vaisseau est le même que l’angle que fait sa trace derrière lui avec sa quille que l’on conçoit prolongée, cet angle se mesure facilement avec un compas de route. Plus les vaisseaux sont fabriqués à plates varanges, & plus ils ont de dérive. Bouguer. La dérive est la cause la plus ordinaire qui fait que les Pilotes se trompent dans leur estime. On dit, avoir un quart de dérive, c’est perdre un quart de vent sur la route que l’on fait. La dérive vaut la route, c’est-à-dire, que la dérive que fait le vaisseau, le porte sur la route que l’on veut faire. Combien y a-t-il de dérive ? c’est demander au Pilote la différence qu’il y a de la route que l’on fait, à celle qu’on semble faire. Que vaut la dérive ? On dit encore, il y a belle dérive, c’est à-dire, qu’on est assez éloigné des côtes pour n’avoir rien à craindre de la terre. En général, on dit d’une chose qui va au gré du vent & du courant, qu’elle va à la dérive.

On appelle encore dérive, la distance ou la quantité de brasses qu’il y a entre un lieu où l’on se trouve sur mer, & celui où l’on a jeté le plomb auparavant. Dérive est aussi un assemblage de planches que les navigateurs du Nord mettent à côté de