Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DÉPORT

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 240).

DÉPORT. s. m. En matière bénéficiale. Droit que les Archidiacres ou les Evêques ont en plusieurs Diocèses, de jouir une année durant d’une Cure qui est vacante par mort, en la faisant desservir, & aussi d’en jouir pendant le litige si elle est contestée. Sacerdotia in causam caduci lapsa. Si la Cure vient à vaquer deux fois dans une seule année, il n’y a qu’un seul déport. Voy. Choppin & Ragueau.

Le déport est une espèce d’annate, & est par conséquent odieux, parce qu’il a été plutôt établi pour l’utilité des Evêques & des Archidiacres que pour celle de l’Eglise. C’est pourquoi il fut entièrement abrogé par le Concile de Basle, dont le Décret a été inséré dans la Pragmatique-Sanction : mais le Concordat, qui est la règle de l’Eglise Gallicane, a rétabli les annates & les déports, qui ont enfin été confirmés dans les Etats de Blois. Il n’est pas uniforme dans tous les Diocèses.

L’usage des déports pour la première année des cures vacantes est principalement en Normandie. Les Evêques en ont les deux tiers, & les Archidiacres ont l’autre tiers, il en vient outre cela quelque chose aux Doyens Ruraux. Les Evêques & les Archidiacres de Normandie n’ont pas à la vérité joui toujours des déports, ils ne sauroient même produire de titres valables pour appuyer ce droit. Mais, comme ils en sont depuis très-long-temps en possession, il est devenu en quelque manière un droit commun à leur égard.

Toutes les Cures ne sont pas sujettes au déport. Celles qui dépendent d’Abbayes exemptes de la Jurisdiction des Evêques sont aussi exemptes du déport ; les Cures, par exemple, qui sont dans les exemptions de Fescamp & de Montivillier, ne paient point de déport aux Evêques de Normandie.

☞ En matière de fief, on appelle aussi déport le droit qu’un Seigneur féodal a de jouir du revenu d’un fief la première année après la mort du possesseur. Ce droit est différent dans les différentes coutumes. C’est ce qu’on appelle rachat, relief, Voy. ces mots.

Déport, se dit quelquefois au Palais, pour dire, délai. Sans déport, c’est-à-dire, sans délai, sur le champ. Sine morâ. On a condamné ce coquin de Frippier en dix écus d’amende payable sans déport, sans sortir de-là. Déport d’un Juge, d’un Arbitre. Voyez Déporter.

Déport, Terme de Coutumes. Dans les Coutumes d’Anjou & du Maine, déport signifie casuel ; c’est un certain droit que le Seigneur prend sur un fief servant lorsqu’il n’y a point d’homme pour le desservir. Le déport de fief est réglé pour le Seigneur à une année de revenu, à condition d’en donner le tiers, ou une portion sortable au mineur. Le déport de fief n’est plus en usage.

Déport, est aussi un vieux mot, qui veut dire, joie, plaisir. Gaudium, voluptas, lætitia. Celui jour passerent en joie & déport. Guy de Waroye. Ils revenoient de la chasse, où ils avoient eu moult gracieux déport. Id.