Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/951-960

Fascicules du tome 2
pages 941 à 950

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 951 à 960

pages 961 à 970


dans les montagnes. Fauces. L’armée a passe le col de Pertus pour entrer en Catalogne.

En termes d’Anatomie, on donne le nom de cou ou col, à différentes choses. Dans les os le cou est la partie la plus étroite d’un os, qui d’étroit qu’il est dans son commencement, se dilate peu-à-peu. Le cou d’un os est placé sous une tête ; & le cou & la tête diffèrent en ce que la tête est presque toujours épiphyse, & le cou apophyse. Le cou de la matrice, le cou de la vessie, le cou de la vésicule du fiel, sont des ouvertures longues & étroites qu’ont ces parties. Le conduit qui est depuis l’orifice interne jusqu’à la principale cavité de la matrice, & qui est de la longueur d’un pouce, ou environ, s’appelle le cou court de la matrice. Voyez Col.

On appelle en Anatomie, le cou du pié, la partie la plus haute du pié de l’homme, & que les Médecins appellent le tarse. Tarsus pedis. Voyez Tarse. L’on ne dit cou du pié que par corruption pour coude du pié ; mais cou du pié est plus commun, ou plutôt le seul que l’on dire dans l’usage ordinaire. L’Académie écrit en un seul mot coudepié : & c’est ainsi qu’on le prononce le plus communément, au lieu qu’il est assez rare à présent d’entendre dire le cou du pié.

Cou de pié, se dit aussi de l’endroit de la forme du soulier qui répond au cou du pié de l’homme. Pars calcei tarso pedis respondens. J’ai besoin d’une forme qui ait le cou de pié fort haut.

Cou de Chameau, terme de Fleuriste : le cou de chameau est ainsi nommé, parce qu’en fleurissant il panche la tête, & courbe le cou comme un chameau. Il est autrement appelé Narcisse à tête longue, ou Narrière couronné. Il s’en trouve de trois sortes, de blanc simple, de double, & de blanc pâle. Le blanc simple étend six feuilles, du milieu desquelles s’élève un godet, dont l’extrémité est bordée d’un petit trait rouge. Le blanc pâle a la fleur plus petite, mais il porte aussi bien davantage, faisant quatre ou cinq fleurs sur chaque tige. Le blanc double, à cause de la plénitude de ses feuilles & de son godet doré, orlé d’une ligne rouge qui l’environne, enfermé d’une couronne, peut justement être appelé le Narcisse couronné. Il est de tous le plus beau & le plus estimé. Plusieurs Fleuristes nomment cette fleur Rose de Notre-Dame. Dans toutes ces trois espèces elle ne veut pas avoir beaucoup de soleil ; elle se plaît dans un fonds de bonne terre grasse & détrempée, de la profondeur de quatre doigts, un demi empan de distance. Il la faut recouvrir avec la terre de potager pour la faire plus facilement fleurir. On les tire tous les trois ans pour en détacher les cayeux. Morin.

COUARD, ARDE. adj. & s. qui manque de hardiesse, qui a de la lâcheté, de la poltronnerie. Ignavus. C’est un Couard.

Ce mot est bas & vieux, il vient de ce qu’on reproche aux poltrons qu’ils s’enfuient la queue entre les jambes, comme font les chiens. Car c’est une marque de timidité aux animaux d’avoir la queue avalée. D’autres le dérivent de l’Allemand kuhe hertz ; qui veut dire, cœur de vache ; d’autres de coyon, qui vient de quietus.

☞ COUARD se dit, en termes de Blason, d’un Lion qui porte sa queue retroussée en dessous entre les jambes. Encyc.

Couard. s. m. signifie l’extrémité faite en anse, par laquelle on applique le manche à la faulx à faucher. On le serre sur le manche avec des coins & une virole.

COUARDISE. s. f. timidité, poltronnerie. Ignavia. Le plus grand reproche qu’on puisse faire à un homme, c’est de l’accuser de couardise. On punit la couardise par honte & par ignominie. Mont. Il est bas.

COUBAIS. s. m. Espèce de vaisseau du Japon dont on ne se sert que sur les rivières & les eaux internes. On met ordinairement sur un Coubais quarante hommes à ramer qui le font aller fort vite. Les Coubais sont embellis de divers ornemens, & d’une chambre à l’avant qui s’élève en forme de petit gaillard.

COUCH-ADASI, c’est-à-dire, l’île des Oiseaux, petite ville de la Natolie. Avium insula. J’estimerois que le port d’Ephèse auroit été celui d’une petite ville, qui étoit peut-être Myus chez les anciens, & qui n’est éloignée que d’une demi-lieu du Méandre, appelée par les Turcs Couch-Adasi, c’est-à-dire, l’Île des Oiseaux, & par les Marchands étrangers, Scala Nuova. Du Loir, p. 33.

COUCHAGE. s. m. terme de Laineur ou Applaineur. Il signifie réparage.

COUCHANT. adj. m. & f. pl. terme de Géographie : le soleil couchant, c’est le soleil qui descend sous l’horison. Occidens, sol occidens.

Couchant, Ouest, Occident, mots synonymes. Occident pour les Géographes ; ouest pour les Marins ; couchant pour le discours ordinaire.

On dit qu’on adore plutôt le soleil levant que le couchant ; pour dire, qu’on s’attache plutôt à la fortune des jeunes Princes, qu’à celle des vieux, à la puissance naissante, qu’à celle qui est sur le déclin.

Couchant se dit substantivement pour la partie occidentale de la terre. Du levant jusqu’au couchant. Entre le midi & le couchant, c’est du côté du vent Sud-Ouest.

C’est quelquefois l’endroit où le soleil se couche. Maison exposée au couchant. Le couchant d’Été.

Couchant (Chien) terme de Chasseur. Chien qu’on a dressé pour arrêter les perdrix, & autre gibier, & qui se couche ordinairement sur le ventre quand il les voit. Canis auceps. Voyez Chien. De là vient qu’on dit figurément & bassement, qu’un homme fait le chien couchant auprès de quelqu’un ; pour dire, qu’il est flatteur & soumis auprès de lui, pour trouver l’occasion de le surprendre, ou pour gagner ses bonnes grâces, par ses caresses & ses basses soumissions. Turpis adulator.

COUCHE. s. m. bois de lit : une couche à hauts piliers. Lectus. Les Anciens faisoient des couches de cèdre, de citronnier. On en a vu une chez la Reine de bois de Calemba d’un très-grand prix. Et quand on crie à l’encan une couche, on n’entend vendre que le bois du lit. Ménage dérive ce mot de culca, d’où vient le diminutif culcita : ce que dit aussi Vossius.

Couche se prend aussi pour le lit entier ; mais en ce sens il est de peu d’usage, à moins qu’on ne l’emploie dans la Poësie, ou dans quelques façons de parler consacrées, comme la couche nuptiale, la couche royale.

Couche se dit dans les matières de piété pour un beau lit, un lit magnifique. Le soleil est comme un époux qui sort de sa couche. Maucroix.

Couche se prend aussi figurément en Morale, pour le mariage. Nuptiæ. On dit d’une femme, qu’elle a souillé la couche de son mari, quand elle a commis un adultère. Souiller la couche de quelqu’un, abuser de sa femme. On dit aussi, les fruits de sa couche ; pour dire, les fruits du mariage. Dieu a béni leur couche ; pour dire, leur a donné des enfans. Lectus genialis.

Les Dieux ne montrent point que sa douleur les touche :
D’aucun gage, Narcisse, ils n’honorent sa couche. Rac.

Couche signifie aussi l’enfantement. Partus. Cette femme a eu une mauvaise couche, a été fort malade en accouchant, ou depuis qu’elle est accouchée : c’est sa première couche. Une fausse couche, est un accouchement avant terme. Voyez Accouchement. Abortus, abortio. Les violens & fréquens vomissemens, les coliques & les tranchées violentes sont faire de fausses couches. Une trop grande colère, une peur subite, une médecine forte, peuvent causer une fausse couche. Une femme à qui une fausse couche arrive, est bien plus en danger de la vie qu’une femme qui accouche naturellement. Mauriceau.

Couche signifie encore la maladie, le travail d’une femme qui enfante, ou le temps qu’elle est obligée de garder le lit pour se remettre, & pour reprendre ses forces. Puerperium. Cette femme est robuste, elle n’est que quinze jours en couche. Elle a fait faire un beau lit pour les couches. Il n’y a que deux jours qu’elle est relevée de couche.

On appelle les couches de la Vierge, une dévotion à la Sainte Vierge, où on lui chante des Saluts neuf jours avant Noël. On dit aussi que la permission de manger de la chair les samedis jusqu’à la Chandeleur en certains Diocèses, se donne en l’honneur des couches sacrées de la Vierge. On fait une cérémonie à l’Eglise quand les femmes relèvent de couche, en mémoire de la Purification qui se faisoit dans l’ancienne Loi après les couches.

Couche est aussi un des linges dont on enveloppe les enfans au maillot, & que l’on change aussi souvent que la propreté l’exige. Cunæ, cunabula. Il faut changer cet enfant de couches.

COUCHE est aussi un enduit de couleurs, ou autre chose liquide, molle, qu’on met sur quelque chose pour la colorer, ou pour la rendre plus ferme & plus unie. Il faut mettre la dernière couche de plâtre fin pour rendre cette muraille bien polie, bien luisante. Corium, crusta, incrustatio. Pour imprimer une toile à peindre, il y faut deux couches de colle avant que d’y mettre la peinture. On met deux ou trois couches de blanc de plomb sur du bois, avant la couche d’or qu’on y applique ; une couche de vernis sur une cane. Color inductus, coloris inductio. On dit donner la dernière couche à un tableau, il faut donner deux couches de couleurs à un plafond. Félib.

Couche se dit en Chimie des lits différens des différentes matières qu’on met alternativement les unes après les autres, pour les faire mieux fondre ou imbiber. On appelle cela aussi stratification, ou stratum super stratum : ce qui s’exprime par cette note, S, S, S.

Couches ligneuses, termes d’Histoire naturelle. On appelle ainsi certains cercles ligneux que l’on remarque quand on coupe horisontalement un tronc d’arbre, & qui marquent la crue de chaque année, Voyez au mot Arbre, comment se fait l’augmentation en grosseur par le moyen de ces couches ligneuses.

☞ Il faut remarquer que ces cercles ligneux ne sont pas toujours concentriques à l’axe, mais qu’ordinairement ils s’en écartent plus d’un côté que d’un autre. Quelques Auteurs ont pensé que c’étoit principalement du côté du nord : plusieurs ont cru que c’étoit du côté du midi ; mais ils se sont accordés à dire qu’au moyen de cette excentricité de couches ligneuses, les Voyageurs égarés y trouveroient une boussole naturelle qui les orienteroit, & l’on a entrepris de donner des raisons physiques de ce phénomène utile.

☞ Ceux qui prétendoient que les couches ligneuses étoient plus épaisses du côté du nord, apportoient pour raison que le soleil ayant moins d’action de ce côté, il s’y conserveroit plus d’humidité, ce qui devroit nécessairement produire une augmentation de ces couches ligneuses. Ceux au contraire qui prétendoient avoir observé que les couches sont plus épaisses du côté du midi, disoient que le soleil, comme principal moteur de la sève, la déterminoit à passer plus abondamment de ce côté. Ainsi chacun trouvoit dans la Physique des raisons spécieuses d’une chose qui n’est pas. Le fait mieux observé déconcerte entièrement leur systême.

☞ Nous avons reconnu, dit M. Duhamel, que les couches sont souvent, & presque toujours plus épaisses d’un côté que d’un autre ; mais cela arrive indifféremment, soit du côté du nord, soit du côté du midi, de l’est ou de l’ouest. Cette prétendue boussole est donc sujette à bien des variations, qui dérouteroient furieusement un voyageur égaré qui voudroit y mettre sa confiance. Mais elle est bien autrement sujette à erreur, puisque nous avons observé que dans un même arbre la plus grande épaisseur des couches varie quelquefois de tout le diamètre de l’arbre ; en sorte que, si auprès des racines, la plus grande épaisseur se trouve du côté du midi ; elle s’observe souvent auprès des branches du côté du nord, ou vers toute autre partie de la circonférence de l’arbre. Il est aisé d’appercevoir la raison physique de cette inégalité d’épaisseur des couches ligneuses, puisqu’il est clair qu’elle dépend de l’insertion des racines & de l’éruption des branches. S’il se trouve du côté du nord une grosse racine, les couches ligneuses du bas de l’arbre seront plus épaisses de ce côté-là, parce que la sève y sera portée avec plus d’abondance. Si au contraire vers la cime du même arbre, il sort une grosse branche du côté du midi, les couches ligneuses examinées en cet endroit, seront plus épaisses de ce côté, parce que la sève aura été déterminée à y couler plus abondamment ; de sorte que les variétés sans bornes qu’on observe dans la position des racines & des branches, en produisent d’aussi considérables dans l’épaisseur des couches ligneuses. C’est ainsi qu’il arrive souvent que le merveilleux s’évanouit quand on observe attentivement la nature.

Couche, en termes de Botanique, se prend pour le fond du calice des fleurs à fleurons & à demi-fleurons, & des fleurs radiées, du calice, dis-je, de ces fleurs, sur lequel sont posées les semences. Calicis fundus, ima pars.

On le dit aussi dans la cuisine ordinaire. Pour faire des soupes, des ragoûts, des syrops, il faut mettre une couche de pain, une couche de fromage, de pommes, &c. c’est-à-dire, différens lits.

Couche, terme de Boulanger, C’est un morceau de grosse toile sur lequel on couche le pain au lait. Tela crassior excipiendo pani comparata. Les pains sont sur la couche.

Couche, terme de Tireur d’or, feuille d’or ou d’argent, qu’on met autour du bâton qu’on veut dorer ou argenter. Bractea.

Couche, terme de Doreur sur cuir ; composition d’eau & de blanc d’œuf qu’on pose sur le cuir avant que de le dorer. Coloris inductio.

Couche, terme de Tanneur ; ce sont quatre ou cinq cuirs qu’on met sur le chevalet pour être quiossés, c’est-à-dire, pour en faire sortir la grosse ordure avec la quiosse. Pelles inductæ pelle. Faire une couche.

Couche, en termes de Charpenterie, est la pièce de bois qui se met sous une étaie qui sert de patin, ainsi nommée, parce qu’elle est couchée de plat. Tignum in planum collocatum. Il y a des couches de haut & d’autres de bas.

Couche d’Arquebusier est la partie du fût d’une arme à feu qu’on approche du visage, quand on veut coucher en joue quelque chose. Ferreæ fistulæ postica pars. C’est ce qu’autrefois on appeloit crosse au mousquet.

Couche, en termes de Jardinage, est une préparation ☞ de grand fumier de cheval qu’on tripe bien, & couvert d’environ un demi-pié de terreau, élevé de deux ou trois piés au dessus de la superficie de la terre, pour y semer des graines ou des plantes délicates, & qu’on veut avancer. Pulvinus.

☞ La couche chaude est celle qui est nouvelle, & qui conserve encore sa chaleur qu’on est obligé de laisser évaporer pendant sept à huit jours avant que d’y rien semer. On juge en enfonçant le doigt dans la couche, du degré de chaleur convenable pour semer.

☞ La couche tiède est celle qui a perdu un peu trop de sa chaleur, & qui a besoin d’être réchauffée ; ce qui se fait en répandant du grand fumier dans les sentiers qui sont autour de la couche, & que l’on appelle réchauds.

☞ La couche sourde est celle qui est enfoncée en terre, & ne s’élève point au dessus de la superficie du terrain, composée de fumier comme les autres, mais ayant beaucoup moins de chaleur. On se sert aussi de cette dernière pour faire venir les champignons, & pour réchauffer des arbres plantés en caisse.

☞ Quand on craint la fraîcheur des nuits, on couvre les couches de paillassons & de brise-vents.

Couche, entre les joueurs, est le premier enjeu, ce qu’on met d’argent d’abord sur une carte sans le renvi. Deposita à lusoribus pecunia. Ce joueur est sage, il ne renvie point, il ne prend jamais que sa couche.

COUCHÉE, s. f. gîte, lieu où l’on couche, particulièrement en voyage. Mansio. Nous avons plus loin à aller à la couchée, que nous n’avons eu à la dînée.

Couchée signifie aussi le souper & le logement des voyageurs dans l’hôtellerie. Il nous en a tant coûté pour la couchée ; pour dire, pour le gîte & pour le repas.

☞ COUCHEMENT, vieux s. m. état d’une personne couchée. Cubatus. Dict. de Charles Etienne.

☞ COUCHER, v. a. étendre un corps, ou le poser de niveau à terre ou sur une surface, selon la plus grande de ses dimensions. In planum collocare. Coucher une pièce de bois, une sablière, sur un fondement à rez-de-chaussée, pour élever dessus un pan de charpente, la coucher de plat ou de champ.

Coucher, signifie aussi abattre ce qui est élevé, ou à plomb, pour le mettre à fleur de terre. Sternere, prosternere, evertere. Il faut coucher par terre ces arbres, les couper. En ce sens, on dit qu’un lutteur a couché par terre son homme ; qu’un combattant a couché par terre son ennemi, qu’il l’a couché sur le carreau. La grêle, la pluie, ont couché les blés ; pour dire, qu’elles les ont abatus & versés. On dit, en ce sens, coucher une bouteille sur le côté ; pour dire, la vider.

Coucher en joue, signifie mirer avec une arme à feu ou de trait, pour tirer sur quelque chose. Ferream fistulam in aliquem dirigere, collinare. Il a couché en joue son ennemi par trois fois, & il n’a osé lâcher son coup. En ce sens, on le dit au figuré de ceux qui visent à quelque chose d’avantageux qu’ils tâchent d’obtenir. Aliquid spectare, ad aliquid apirare. Il y a long temps qu’il couche en joue cette fille pour l’épouser. Il couche en joue cette charge, il observe quand elle sera vacante.

La villageoise est belle & jeune, je l’avoue,
Dom Alphonse en passant peut la coucher en joue. Scar.

Coucher, signifie aussi étendre tout de son long sur terre ou sur quelqu’autre chose. S. Laurent fut couché sur un gril. Sternere, prosternere.

Coucher signifie aussi mettre quelqu’un au lit, l’aider à se déshabiller. Alicui vestimentum detrahere, aliquem in lecto collocare. Les Valets-de-chambre couchent leurs Maîtres. Les garçons de la noce viennent coucher la mariée.

Coucher, avec le pronom personnel, se dit particulièrement des hommes & des animaux qui s’étendent tout de leur long sur la terre. Procumbere terræ, in terram, sterni terræ, in terram. Ce cheval est vicieux, il se couche dans l’eau, il se couche au lieu d’avancer. Equus cubitor. Ces troupeaux étoient couchés sur le gazon. C’est une erreur des Anciens de croire que les éléphans ne se couchent point, & qu’ils n’ont point de jointures. Les chameaux sont dressés à se coucher pour recevoir leur charge.

Coucher, v. n. signifie être étendu pour prendre son repos. Coucher dans un lit, sur un matelat ; coucher sur la dure. A la ville on est couché bien mollement entre deux draps. A la guerre on se couche souvent sur la paille, sur la terre. Avec le pronom personnel, il signifie se mettre au lit, s’étendre sur quelqu’autre chose. Se coucher sans souper. Se toucher sur le trazon.

Coucher, (Se) en Astronomie, se dit du soleil, des étoiles & des planettes qui disparoissent. Le soleil se couche, est couché, c’est-à-dire, descend, ou est descendu sous l’horison, Occidere.

☞ On dit qu’un mouchoir de cou, une cravate, un ruban, &c. se couchent bien ; pour dire, qu’ils prennent un bon pli, & qu’ils s’ajustent comme il faut sur la personne. On le dit aussi de ce qui s’affaisse, de ce qui devient plat. Deprimi, considere. Les plumes, les garnitures de rubans se couchent, s’affaissent dans les temps humides.

Coucher signifie aussi gîter, passer la nuit en quelqu’endroit. Cubare. La Vierge fut contrainte de coucher dans une étable, parce qu’il n’y avoir point de place dans les hôtelleries. Cet homme a couché en ville, il a couché dehors, parce que les portes étoient fermées ; il a couché au cabaret, il y a passé la nuit à jouer & à boire. On dit en ce sens, coucher à l’enseigne de la lune, à la belle étoile ; pour dire, coucher dehors, n’avoir point de gîte. Sub dio pernoctare. On dit encore en ce sens, qu’une porte a couché ouverte, pour dire, qu’on ne l’a point fermée de toute la nuit.

On dit figur. & prov, qu’un homme a couché dans son fourreau comme l’épée du Roi, ou simplement, qu’il a couché dans son fourreau, pour dire, qu’il a couché tout vêtu. On dit prov. que pour boire de l’eau & coucher dehors, il ne faut demander congé à personne. On dit proverbialement, ceux qui n’en voudront pas, qu’ils se couchent auprès, en parlant de ceux qui refusent une offre qu’on croit raisonnable.

Coucher signifie aussi avoir habitation charnelle avec une femme, soit de jour, soit de nuit ; avoir commerce avec elle. Concubare. Ces amans ont couché long temps ensemble avant que de déclarer leur mariage.

Coucher, v. a, en termes de Jardinage, se dit des branches de quelque plante que ce soit qu’on incline en terre ; c’est-à-dire, que l’on fait pencher en terre, & que l’on couvre de terre pour faire prendre racine. Il faut coucher les branches de ce figuier, pour en faire des marcottes. Le sarment veut qu’on le couche pour en faire des provins. Vineam in terram prosternere, propagare vites in sulcos. Voyez Provin.

Coucher, en termes de Tondeurs de draps, signifie ranger le poil sur la superficie de l’étoffe, après qu’elle a été tondue à la fin.

Coucher se dit aussi des enduits de couleurs qu’on étend sur quelque chose. Inducere. Il faut coucher une telle couleur avant cette autre sur cette menuiserie. Il faut coucher une feuille d’or, de l’émail sur cette montre, coucher du vernis sur cette carte. C’est un grand art de savoir bien coucher les couleurs les unes après les autres.

Coucher, terme de jeu, signifie mettre au jeu, parce qu’en effet on couche, on étend de l’argent sur une table, sur une carte. Deponere in folium lusorium nummos, pecuniam deponere. On a couché d’abord une pistole sur une carte, & on a renvié à la fin jusqu’à dix. Il est grand joueur, il couche gros.

☞ Dans ce sens, on dit figurément & familièrement coucher gros, en parlant de ceux qui s’engagent trop, qui promettent ou avancent des choses au dessus de leurs forces. Multa & præclara minari, sibi multùm fumere. Il parle de faire agir les Puissances ; il couche gros. Ce jeune homme ne demande pas moins qu’une fille de cent mille écus en mariage, il couche gros.

En termes de Manège, on dit qu’un cheval se couche sur les voltes ; pour dire, qu’il porte la tête & la croupe en dehors, comme lorsqu’en maniant la droite, il a le corps plié & courbé, comme s’il alloit à gauche. Inclinare.

Coucher la pâte, terme de Boulanger, c’est mettre le pain sur la couche ; c’est-à-dire, sur un morceau de grosse toile, où l’on met le pain au lait, pour le faire gonfler & revenir, & l’enfourner ensuite. Collocare panem. Couchez ce pain.

Coucher, terme de Chapelier. Coucher un chapeau, c’est le mettre dans la feutrière avec le lambeau.

Coucher se dit figurément des écritures, du style. Scribere, scriptis mandare. C’est un homme qui couche bien par écrit, qui explique bien ses pensées. Dans ce sens, il est vieux & populaire.

Coucher, en Jurisprudence & en matière de comptes, c’est employer, comprendre dans un acte, dans un compte. Aliquid verbis exprimere. On a couché cette clause expressément dans cette donation. La décision de cette affaire est couchée en termes formels dans le texte de cette loi, dans les registres de la Cour. Il a couché cela en recette, en dépense, dans les articles de son compte. On dit en ce sens, qu’un homme a été couché sur l’Etat ; pour dire, qu’il a été mis & employé sur l’état, sur le catalogue de ceux qui doivent être payés de quelques gages, appointemens, pensions, &c. Alicujus nomen in rationes Regis stipendiarias referre.

COUCHÉ, ÉE. part. On dit, il est venu à soleil couché ; pour dire, un peu après que le soleil est couché. On dit de même avant & après soleil couché. Antè ou post occasum solis.

On dit prov. & populairement, qu’on est plus couché que debout ; pour dire, que le temps que dure la vie est peu considérable, en comparaison de celui qui la suit. Acad. Fr.

Couché, en termes de Blason, se dit du cerf, du lion, du chien & autres animaux. Caminga en Frise porte d’or au cerf couché de gueules.

☞ COUCHER. s. m. c’est en général la manière de se tenir couché, posture dans laquelle on se tient au lit, soit en santé, soit en maladie. Cubatio, cubatus.

Coucher se dit à peu près dans le même sens pour l’usage du lit. On dit d’un homme qu’il est délicat sur le coucher. Quand on couche dehors, il n’en coûte rien pour le coucher.

Coucher signifie encore l’action de celui qui couche. On lui a interdit le coucher avec les femmes, à cause de la foiblesse de sa poitrine. C’est en ce sens qu’on se sert de cette maxime de Coutume : au coucher se gagne le douaire, pour dire, qu’il n’est point acquis à la femme, que le mariage ne soit consommé. Concubitus.

Coucher se dit non seulement de l’action de se coucher, mais encore du temps où l’on se couche. Ainsi l’on dit se trouver au coucher de quelqu’un. Assister au lever & au coucher du Roi. Apporter le vin du coucher. On appelle à la Cour, le petit coucher du Roi, l’espace de temps qui s’écoule depuis que le Roi a pris sa chemise, & donné le bon soir aux personnes de la Cour qui se trouvent présentes, jusqu’au moment où il se met au lit. On dit, être du petit coucher du Roi. Etre au petit coucher du Roi, ou simplement au petit coucher. Cela fut dit au petit coucher.

Coucher se dit aussi de la garniture d’un lit. Matelas, lit de plume, &c. On dit en ce sens, un bon, un mauvais coucher.

En termes d’Astronomie, le coucher du soleil & des astres se dit du tems où ils se cachent sous l’horison. Occasus. A l’égard des astres, il y a trois sortes de lever & de coucher ; le cosmique, le chronique & l’héliaque ou solaire. Le cosmique ou véritable est quand un astre se couche en même temps que le soleil monte sur l’horison. Le chronique est quand un astre se couche avec le soleil. L’héliaque ou coucher apparent est lorsque l’astre entre dans les rayons du soleil, & en est offusqué & effacé ; en sorte qu’il commence à disparoître, & à cesser d’être vu.

Coucher vient de cubare. Nicod. Ménage, après de Valois, le dérive de collocare. Du Cange est de même avis, eò quod nosmetipsi in lecto collocemus.

COUCHETTE. s. f. petit lit qui n’a point de ciel, ni de rideaux, ni de piliers. Lectulus.

Tout est aux écoliers couchette & mattelas.
Un honnête homme en pareil cas
Auroit fait un saut de vingt brasses. La Font.

COUCHEUR, EUSE, s. qui couche avec un autre. Lecti comes, socia. Un mauvais coucheur est un homme qui empêche son camarade de dormir. Concubitor molestus, importunus.

L’Amour est un mauvais coucheur,
Car la nuit sans cesse il fretille. La Font.

Coucheur. s. m. terme de Papeterie, ouvrier qui travaille dans les Papeteries à renverser les feuilles de papier sur les feutres, à mesure que les formes ou moules lui sont présentés par celui qui les a plongés dans la cuve où est la pâte.

COUCHIS. s. m. c’est la forme de sable d’un pié d’épaisseur, qu’on met sur les madriers d’un pont de bois pour y asseoir le pavé : les poutres, le sable & la terre tout ensemble qui sont sous le pavé. Corium, crusta ex arenario, statumen.

COUCHOIR. s. m. terme de Doreur, petit morceau de buis fort propre, avec lequel on prend les tranches d’or pour les appliquer sur les bords des livres. Buxum applicandæ bracteæ idoneum.

COUCI-COUCI, façon de parler familière, qui signifie tellement quellement. Il s’est acquitté de cette commission couci-couci. Quoquo modo, utcumque.

Puisse l’enfant sans merci
Vous forcer à rendre hommage
A quelqu’Iris de village,
Dont le cœur fourbe & volage
Vous aime couci-couci. Des-H.

Par vos bienfaits avons de quoi manger
Couci-couci ; mais item il faut boire. Nouv. ch. de Vers.

Cette façon de parler vient de l’italien cosi, cosi, qui signifie la même chose.

COUCI. Codiciacum, Catusiacum, Coccium, Cociacum. Bourg de l’Île de France, entre Soissons & la Fere ; il a donné autrefois son nom à l’illustre Maison de Couci. La tour de Couci a 172 piés de hauteur, & 305 de circonférence. Dom Duplessis a imprimé en 1728, une nouvelle histoire de la ville & des Seigneurs de Couci. La forêt de Couci. Silva Vosagus.

COUCON, Voyez Cocon.

COUCOU. s. m. oiseau dont le nom est tiré de son chant. Cuculus. Il ne paroît & ne chante qu’au printemps.

☞ Le Coucou ne fait point de nid ; il s’empare du nid des autres oiseaux, y met son œuf, (car il n’en pond qu’un) & l’abandonne. L’oiseau propriétaire du nid, couve l’œuf du coucou, & prend soin du petit lorsqu’il est éclos. C’est pourquoi les Anciens ont fait du mot coucou, un terme d’injure & de mépris. Ils appeloient coucou, un lâche, un stupide, un sot, qui laisse faire aux autres ce qu’il doit faire lui-même. Vossius dit qu’il met des œufs dans le nid des autres, parce qu’il est extrêmement froid, & qu’il n’a point assez de chaleur pour couver & faire éclorre ses œufs. Quelques-uns mettent le coucou au nombre des oiseaux de rapine : c’est une espèce d’épervier.

Albert, Aristote & Avicenne, distinguent deux différens genres des coucous, l’un grand, l’autre petit.

Le grand coucou de la grande espèce a le bec assez long, & presque d’égale grandeur à celui des ramiers, mais il est plus gros, plus aigu, & un peu plus crochu. Sa partie de dessus à l’extrémité est un peu courbée, & plus longue que la partie inférieure. Celle de dessus est noire, & celle de dessous de couleur de corne. L’ouverture du bec avec tout ce qui paroît en dedans, & la langue, sont jaunes. Les narines sont rondes & ouvertes, l’iris de l’œil est d’un jaune éclatant ; la prunelle est brune, ou plutôt noire. Toute la partie courbée en avant, tant celle qui est cendrée que la blanche, est distinguée de lignes, ou plutôt de marques obscures qui s’étendent en travers, & qui ne sont pas continues, mais entrecoupées. Le champ de son pennage en général est diversifié d’une couleur noire & de rouille, la plus grande partie des pennes blanchissent vers leurs extrémités. Les grandes & celles qui couvrent les grandes pennes, que les Fauconniers nomment les témoins, sont diversifiées de lignes blanches, également mises par ordre par les bords. Pour les grandes pennes des aîles, elles sont presque toutes noires, blanchissant toutefois au milieu de part & d’autre des extrémités, qui s’étendent beaucoup par delà le milieu de la queue, laquelle est aussi diversifiée de blanc, de noir & de rouille. La couleur noire paroît en chaque penne, & compose deux lignes qui finissent en angle au milieu, & sont divisées par distances égales d’un bel ordre jusques au bout. Les côtés des pennes sont teints d’une couleur de rouille. Il y a une ligne blanche qui coupe les pennes par le milieu. Toutes les extrémités des pennes sont blanchâtres. Ses jambes sont fort grêles, & courtes, & peu proportionnées au reste du corps. Ses cuisses sont courtes & grêles, & l’os de la jambe est à peine plus long que le travers du pouce. Elles sont couvertes par enhaut de poil blanchâtre, qui tombe de ses cuisses par delà les genoux, lesquelles sont teintes d’un jaune lavé & clair, ainsi que les doigts des piés, desquels il y en a deux devant, & deux derrière.

L’autre grand coucou est de même grandeur que le premier. Il a le bec plus long & plus courbe ; le dessus en est noir, & le dessous de couleur de corne. L’ouverture & le dedans du bec sont entièrement jaunes. Le cercle qui environne la prunelle de l’œil est d’un jaune resplendissant, la prunelle noire. Tout le dessous de l’oiseau est cendré, ou gris-blanchâtre, tirant un peu sur le châtain, par les manteaux particulièrement ; car la tête, le dessus du cou, & le bas du dos, sont entièrement d’un gris cendré. Les grandes pennes, particulièrement les deux plus grandes, s’étendent jusqu’au milieu de la queue. Celles qui sont vers le dos, sont semées de marques blanches, qui sont mises par ordre en long. Les dix pennes de la queue sont marquées des deux côtés du tuyau de taches faites en façon de cœur, qui sont à un doigt d’intervalle, & composent un très-bel ordre, & fort agréable à voir ; mais les mêmes par leurs bords intérieurs (excepté les deux du milieu, & tous leurs bouts) sont toutes marquetées de taches très-blanches. Son ventre, sa poitrine & son croupion, sont d’un cendré blanchâtre, avec des lignes noires qui les traversent, ainsi qu’aux autres oiseaux de proie. Ses jambes sont fort courtes, & couvertes de petites plumes jusqu’auprès des piés, qui sont d’un jaune très-couvert, & environné de tablettes, aussi-bien que les doigts des piés qui sont pareillement un peu jaunâtres. Le plus grand des doigts des piés, c’est-à-dire, celui du milieu, est un peu plus large vers le milieu, & un peu creux, pour mieux serrer. Ses doigts sont partagés devant & derrière, ainsi qu’au précédent.

Le coucou de la petite espèce est fort semblable pour la grandeur de son corsage à l’épervier, & s’il avoit le bec courbé, plusieurs y seroient trompés, tant leurs plumages ont de rapport. Il n’a pas plus de chair qu’une grive ; sa voix est très-haute. Cet oiseau est fin & avisé. C’est lui qui, si-tôt qu’il a trouvé le nid de quelqu’autre oiseau, en casse les œufs, les mange, & y fait son œuf à la place. Quelquefois trouvant le pere & la mere dans le nid, il demeure au guet jusqu’à ce qu’ils partent. Il amasse quelquefois jusqu’à un boisseau de blé dans le creux d’un arbre, pour passer son hiver. Il ne sort qu’à la fin d’Avril de sa cache, parce qu’il appréhende extrêmement le froid. Il craint les autres oiseaux de proie, principalement l’épervier, qui lui fait la guerre & le tue lorsqu’il peut le rencontrer. On le tient bâtard d’épervier. Il se retire pendant les jours caniculaires.

On dit que le grand coucou met ses œufs dans le nid des pigeons ramiers, & le petit dans celui du hochequeue & de l’alouette, & sur-tout dans celui du verdon, curruca. Voyez sur cet oiseau & ses propriétés Vossius, de Idolol. L. III, C. 82, 95, 98.

☞ Le Coucou, étoit consacré à Jupiter. On dit que ce Dieu, transi de froid, alla sous la forme de cet oiseau se reposer sur le sein de Junon pour se réchauffer.

On dit figurément, qu’un homme est coucou, ou cocu, quand sa femme ne lui garde pas la fidélité conjugale.

En termes de Jardinage, on appelle coucou, une espèce de fraisier qui fleurit beaucoup, & qui ne porte jamais de fruit. Fragaria sterilis.

Coucou, terme de jeu. C’est le nom d’un certain jeu de carres, qu’on appelle ainsi à Paris, & here ou haire dans plusieurs Provinces. Voyez ce mot, & les règles du coucou dans le Livre de l’Académie des Jeux.

Coucou. Plante & fleur printanière. Voyez Primevère. C’est la même chose.

COUCY, ville de France en Picardie, entre Laon & la rivière d’Oyse. Codiciacum.

COUDE. s. m. L’Angle extérieur qui se fait par le pli du bras, & le point où s’inclinent les deux os qui le composent, Cubitum, cubitus. Cette éminence, sur laquelle on appuie le coude, a été appelée par les grecs ἀσκων, & par d’autres ὠλέκρανον. Elle est formée par la grosse apophise ou coude. Je lui ai donné un coup de coude. Il se dit aussi de la partie de l’habit qui couvre le coude.

Il n’est rien que le temps ne dissoude ;
Vous étonnerez-vous qu’un méchant pourpoint noir,
Qui m’a duré deux ans, soit percé par le coude ? Scarr.

Coude, se dit aussi d’un des os de l’avant-bras, qu’on appelle l’os du coude. Ulna ou cubitus. Voyez Bras.

Il y a aussi le coude du pié, qui est le dessus du pié, que l’on nomme communément par corruption cou du pié ou plutôt coudepié.

Coude, en termes de Manège, est une jointure au train du devant du cheval, qui assemble le bout de l’épaule avec l’extrémité du bras.

☞ On le dit par analogie de plusieurs choses qui forment un angle extérieur.

Coude, en termes de Vigneron, est l’endroit où naît le bois qui donne le raisin. Ce terme est principalement en usage dans l’Auxerrois, où on élève les vignes sur une perche mise de travers, à la hauteur d’un pié & demi, sur laquelle perche on a coutume de plier le sep lorsqu’il est assez haut pour y parvenir, & on l’y plie de sorte qu’il fait une espèce de coude. Les Vignerons disent, lorsqu’on ébourgeonne la vigne, il faut être soigneux d’ébourgeonner jusqu’au coude du sep. Liger.

On dit aussi le coude d’une branche d’arbre en termes de jardinage. C’est l’angle que fait une branche taillée immédiatement sur une autre, & si court, qu’il n’y reste pas le moindre ergot.

Coude signifie aussi, chez les Architectes & les Maçons, un angle fort obtus que fait une muraille, un chemin, & qui l’éloigne un peu de la ligne droite. Vous avez enjambé sur mon héritage par le moyen d’un coude que vous avez fait en rebâtissant notre mur mitoyen. Le coude est un jarret saillant. Voyez Jarret.

Coude, se dit aussi, chez les Artisans,faire coude, de ce qui fait un angle ou un retour, soit par lignes droites, soit par lignes courbes. Ainsi on dit le coude d’une équerre, d’un valet de menuiserie, d’une conduite ou tuyau de plomb, de la branche d’un mors de cheval, des sinuosités des rivières, & en plusieurs autres occasions.

Coude se dit de la tranchée au même sens que retour, repli.

COUDÉ, ÉE. adj. Qui est ployé, qui fait un angle, un coude. Angulatus, inflexus. Il y a beaucoup d’outils qui sont coudés.

COUDÉE, s. f. mesure dont usoient les Anciens, & surtout les Hébreux, qui étoit prise sur la longueur ordinaire du bras de l’homme depuis le coude jusqu’au bout de la main. Cubitus. Elle avoit en sa moyenne grandeur un pié & dix pouces de roi. La plus petite n’avoit qu’un pié & cinq pouces : & la plus grande, ou coudée géométrique, étoit de deux piés & deux pouces de roi. Le Père Mersenne fait la coudée hébraïque d’un pié, quatre doigts & trois lignes, par rapport au pié du Capitole. Héron fait la coudée géométrique de vingt-quatre doigts, & Vitruve fait le pié des deux tiers de la coudée, c’est-à-dire, de seize doigts. L’Arche de Noé avoit trois cens coudées de long, cinquante de large, & trente de haut ; & sa fenêtre étoit d’une coudée.

On dit figurément, avoir ses coudées franches ; pour dire, être au large, avoir liberté de bâtir, de s’étendre, de se promener, de tout faire sans être gêné, ni repris de personne. Laxo & liberiore uti loco, spatio. On le dit sur tout des libertés qu’on prend à la table, quand on a ses coudes sur la table, & quand on y est assis au large. On dit aussi, qu’un homme n’a qu’une coudée ; pour dire, qu’il est nain, qu’il est fort petit. Cubitalis.

COUDELATTE, terme de Charpenterie. Ce sont dans la construction d’une galère, des pièces de bois plus épaisses par les extrémités que par le milieu, & qui reçoivent une longue pièce de bois de quatre pouces en carré, qu’on appelle tapière.

COUDER, v. a. terme de Tailleur. Faire le coude d’une manche ; donner à la partie de l’habit qui couvre le coude, la forme qu’elle doit avoir. Cubito manicam aptare. Couder une manche de pourpoint, de juste-au-corps. Cette manche est bien coudée.

Couder se dit généralement des choses qu’on plie en forme de coude. Couder une barre de fer ; couder une branche de vigne, la coucher ou plier en angle obtus.

COUDOYER, v. a. heurter quelqu’un avec le coude. Pulsare aliquem cubito. Il coudoya ceux qui étoient assis autrès de lui. Ablanc. Je coudoie les plus proches pour me faire place. Id.

COUDRAIE. s. f. lieu planté de coudriers. Coryletum. En quelques lieux on l’appelle coudrette. On trouve couldrai s. m. dans C. Etienne. On ne le dit plus.

COUDRAN. s. m. composition de certaines herbes mêlées de plusieurs ingrédiens, dont se servent les bateliers de Paris pour empêcher que les cordes ne se pourrissent. On dit plus ordinairement goudron, qui n’est autre chose qu’une poix noire & liquide. Pix liquidi.

COUDRANNER, v. a. tremper une corde dans le coudran.

COUDRANNEUR. s. m. ouvrier qui trempe les cordes dans le coudran.

COUDRE. s. m. arbre qui porte des noisettes, Corulus. Voyez Coudrier.

COUDRE, v. a. Je couds, tu couds, il coud, nous cousons, &c. je cousis, j’ai cousu, je coudrai. Que je couse, que je cousisse, je coudrois. Joindre, assembler deux ou plusieurs choses avec du fil ou de la soie ou quelqu’autre chose semblable, passée dans une aiguille, ou dans quelqu’autre outil analogue à l’aiguille, poinçon, alêne, &c. suere, consuere. Coudre une chemise un habit, des boutons à un habit, des manchettes à une chemise. Les Cordonniers, les Bourreliers, cousent les cuirs avec les alènes. Les Chirurgiens cousent délicatement les plaies. Jupiter cousit le petit Baccus dans sa cuisse. Bens. On a dit autrefois couser à l’infinitif ; & de-là vient que quelques-uns disent encore je couserai, au futur ; mais mal.

Ce mot vient de consuere. Nicod. D’autres le dérivent de l’hébreu cout, qui signifie du fil. Ou plutôt il vient de cusare, qui se trouve dans la même signification au deuxième Livre des miracles de S. Bertin, C. 5. Cet ouvrage est du commencement du dixième siècle. De cusare on a fait cousre, & ensuite coudre.

Coudre se dit figurément des passages d’Auteurs, des histoires, & autres choses qu’on ajoûte ☞ dans les ouvrages d’esprit, qu’on adapte les uns aux autres pour en former un tout. Quelques passages cousus ensemble, formoient tout son discours. J’aurois toujours des mots pour les coudre au besoin. Boil. assuere. Juste Lipse a fait un livre de Politiques, où il n’a mis que des particules pour coudre les partages des Auteurs. Desmarêts a dit dans les Visionnaires. Il ne faudroit qu’y coudre un morceau de Roman.

☞ On dit figurément & familièrement qu’il faut coudre la peau du renard avec celle du lion ; pour dire, joindre la ruse à la force, la finesse avec la prudence. Consociare.

☞ Et en parlant d’une affaire désespérée, d’un mal arrivé, ou prêt d’arriver, on dit dans le même style qu’on ne sait plus quelle pièce y coudre, c’est-à-dire quel remède y porter.

Cousu, ue, part. pass. & adj. Sutus, consutus.

En termes de Blason, on appelle un chef cousu, quand il est de métal sur métal, ou de couleur sur couleur. Il est expliqué à Chef. Quelques-uns l’étendent aux autres pièces honorables de l’Ecu.

Cousues (Finesses) de fil blanc. Voyez Finesse et Fil.

☞ En termes de Manège, on dit d’un cheval maigre & efflanqué, qu’il a les flancs cousus.

☞ Et dans le langage ordinaire d’un homme exténué, qu’il a les joues cousues. Un homme cousu d’écus, qui a beaucoup d’argent comptant. Cousu de coups, couvert de blessures.

☞ On dit aussi d’un homme dont le visage est fort marqué de petite vérole, qu’il en a le visage tout cousu. Un habit cousu sur quelqu’un, qui prend bien la taille, bien juste. Bouche cousue. Ne dites mot, gardez le silence. La plupart de ces expressions figurées ne sont que du style familier,

COUDREMENT. s. m. Les Tanneurs disent : mettre les cuirs en coudrement pour signifier, les mettre étendus dans la cuve avec de l’eau chaude & du tan, pour les rougir ; ce qui s’appelle les brasser, ou coudrer, pour leur donner le grain.

COUDRER, v. a. ou brasser les cuirs. C’est les remuer, en tournant pendant un certain temps dans la cuve avec le tan & l’eau chaude pour les rougir.

COUDRETTE ou COULDRETTE. s. f. vieux mot. Coudraie. Lieu planté de coudriers. Coryletum. Il se dit encore en quelques endroits.

COUDRIER ou COUDRE. s. m. arbre qui porte des noisettes, & qu’on appelle autrement Noisettier. Corylus. Voyez Noisettier.

On trouve dans l’île de la Guadeloupe un arbre que les habitans nomment coudrier, à cause qu’il jette dès sa racine plusieurs branches qui s’étendent comme celles de cet arbrisseau. Ses feuilles sont semblables à celles du laurier-thym, rudes par dessous & lisses par dessus. A l’extrémité de ses branches il porte de petites queues longues comme le doigt, fort menues, & toutes environnées de petits fruits blancs & rouges, fort délicats, & de la grosseur des groseilles rouges, dont ils ont presque le goût. Ses feuilles ont une propriété merveilleuse pour la guérison des vieux ulcères. Le dessus de ces feuilles les nettoie, les rend vermeilles, & mange les chairs baveuses ; & quand ils sont dans cet état, le dessous de la même feuille achève en fort peu de temps de les guérir.

COUDROT ou CAUDROT, Ville de France en Gascogne, sur la Garonne, entre la Reole & Saint Macaire.

COUÉ, ÉE. adj. vieux terme de Chasse, qui se dit des animaux à qui on n’a point ôté la queue. Caudatus. Son composé & contraire est écoué. Caudâ truncus. On appelle les Anglois coués, parce qu’en 509, ceux de Dorchester attachèrent des grenouilles par dérision au derrière de celui que le Pape Grégoire leur avoit envoyé pour leur prêcher l’Evangile : en punition de quoi, comme on le conte, ceux de cette province naissent avec une queue par derrière, ce qui les a fait appeler Anglois coués.

COVENDEUR, s. m. qui vend avec un autre une chose possédée en commun. Ménage, dans ses Observations sur la langue Françoise, décide qu’il faut dire covendeur, & non pas convendeur.

COUENNE. s. f. grosse peau qu’on lève de dessus le lard d’un pourceau. Suilla cutis.

Ce mot vient de cutaneus. Nicod. Il y en a qui écrivent coene, sur quoi M. Huet remarque que dans la langue de Galles cenn veut dire peau, cuir.

Couenne se dit par dérision de la peau des personnes, quand elle est fort grosse, & fort vilaine, & on dit populairement en menaçant, je lui frotterai la couenne ; pour dire, je le battrai bien.

COUENNEUX. adj. les Médecins appellent un sang couenneux, celui sur la surface duquel il se forme une espèce de peau épaisse qui ressemble assez à une couenne.

COUENQUE. Voyez CUENÇA.

COVENTRE ou COVENTRI. Coventria. Ville Episcopale d’Angleterre sous l’Archevêché de Cantorbery, dans la partie septentrionale du Comté de Barilwik.

Hospitalier de S. Jean-Baptiste de Coventri. Voyez Jean.

COVERSÉ. adj. Sinus coversé. Ce terme ne se trouve point dans nos Géomètres ; mais les Anglais s’en servent, ainsi qu’il paroît par le Dictionnaire des Arts de M. Harris, au mot Coversed sinus. Le sinus coversé est le restant d’un diamètre après qu’on en a ôté le sinus versé, ou la flèche. Harris.

COUET. s. m. terme de Marine, qui se dit de quatre grosses cordes amarrées au bas des voiles, deux à la grande, & deux à la voile de misaine, les unes & les autres vers l’avant du vaisseau. Elles répondent aux écoutes qui sont amattées vers l’arrière dans les mêmes points. Elles servent à faire la manœuvre de ces voiles, selon qu’on les largue ou qu’on les hâle, c’est-à-dire, qu’on les lâche ou qu’on les bande du côté dont on a besoin pour recevoir le vent. On appelle amurer, faire la manœuvre des couets. Et d’autres coeste ou coette.

COUETTE. s. f. Quelques-uns disent Coite. Lit de plume qui sert à garnir une couche. Culcina plumea. Chorier, Hist. de Dauph. L. II, p. 94, dit que le peuple (en Dauphiné) les appelle cutres, d’un nom plus conforme à celui qu’elles ont premièrement eu, culcitra ; que l’usage des couettes est une invention des Gaules, & qu’il ne faut pas s’imaginer sur leur nom que ce soit celle d’un autre peuple.

☞ Ce mot est vieux & ne se dit plus que parmi le peuple. On dit lit de plume.

Couette, chez les Artisans, est ce qu’on appelle autrement crapaudine & grenouille. C’est une pièce de métal creusé en rond, sur laquelle tourne le pivot, ou le gond d’en bas d’une porte cochère, ou d’une écluse. Cavus cui cardo versatilis incumbit.

COUETTEUX. adj. vieux mot. Convoiteux.

COUFLES. s. f. pl. C’est ainsi qu’on nomme les balles, dans lesquelles on apporte le sené du Levant.

COUGAT. s. m. nom d’homme. Cucuphatus. Voyez Couquenfat.

COUHAGE, ou fève puante. s. f. C’est une espèce de fève qu’on nous apporte des Indes Orientales, où l’on en fait usage dans l’hydropisie. Phaseolus zurratensis.

COUHAN. s. m. la graine de couhan. Voyez Cermin. C’est chouan qu’il faut dire. Voyez Chouan.

COUHOYARN. s. m. nom d’homme. Conhoyarnus. S. Couhoyarn étoit Moine de Redon au Diocèse de Vannes en Bretagne, Province de France. La vie de ce Saint, sa mort & ses miracles, sont au quatrième chapitre de la vie des SS. Moines de Redon, qui sont le second livre de la vie de S. Couvoyon, donnée par Dom Mabillon dans ses siècles Bénédictins, à l’an 868 de N. S. Chastelain ; c’est-à-dire, dans les Acta Sanct. Bened. Sæc. IX.

☞ COUIER. s. m. terme de Rivière, grosse corde que l’on attache à terre pour empêcher que le derrière d’un bateau ne s’en éloigne, sur tout dans les gros temps. Encyc.

COUILLARD. s. m. vieux mot. C’est la corde qui tient la grande voile à la grande attaque du grand mât.

Couillard, en termes de Charpenterie, se dit de deux pièces de bois qui entretiennent les trates qui séparent la cage d’un moulin de la chasse qui est au dessous. Les deux couillards ont chacun trois piés de long. Caron.

Couillard se disoit aussi autrefois pour une machine de guerre propre à jeter des pierres.

COUILLAUT, valet de Chanoine de l’Eglise Cathédrale d’Angers. De Colliberti. Voyez là dessus les Origines de la langue françoise de M. Ménage.

COUILLON de chien. Plante. Voyez Satyrion.

COVIN. s. m. Currus rostratus. Sorte de charriot dont les Gaulois & les Anglois se servoient autrefois. Les Covins étoient des charriots armés & propres à combattre : on pourroit les appeler en latin falcati currus.

COUINE. s. f. vieux mot qui s’est dit d’une suite de personnes, & qui vient de queue. On a dit aussi Couvine.

COUIS. s. m. espèce de sebille dont on se sert dans les Iles françoises de l’Amérique à la place des sebilles de bois ordinaires, qui sont en usage en France ; cette sebisse se fait avec le fruit du callebassier.

COUIT, qu’on nomme aussi Guz. Sorte d’aune dont on se sert à Moka pour mesurer les toiles & les étoffes de soie : elle prte 24 pouces de long.

COULADOUX. s. m. pl. terme de Marine. Cordages qui tiennent lieu sur les galères des rides de haubans.

COULAGE. s. m. terme de Négoce, de Commerce. C’est la perte, la diminution qui se fait des liqueurs qui s’écoulent des vaisseaux où elles sont enfermées. Fluxus. Marchandises sujettes à coulage. Dans le commerce de ces sortes de Marchandises, on compte tant pour le coulage.

COULAMMENT. adv. d’une manière aisée, coulante. Il ne se dit guère que des paroles qui n’ont rien de rude à l’oreille, qui viennent naturellement à la suite les unes des autres, qui coulent facilement, comme de source, ou de la bouche d’un Orateur, ou de la plume d’un Ecrivain. Cet homme parle, écrit coulamment. Fluit leviter oratio.

COULANGE. Colangia. Coulange la Vineuse, est un Bourg de l’Auxerrois près de la rivière d’Ionne, renommé par ses bons vins. Colingia vinetorum. Coulange sur Ionne est un autre bourg à cinq lieues du précédent. Colangia ad Ieannam.

☞ COULANT, ANTE. adj. qui coule aisément, Fluens. On dit au propre, un ruisseau coulant. Au figuré, un style coulant, qui n’a rien de rude, de raboteux. Molle dicendi genus. Des Vers coulans, aisés, naturels, agréables à l’oreille. Une veine coulante. L’arrangement du discours le rend plus coulant & plus agréable. Charp.

☞ On dit aussi un vin coulant, agréable à boire, & qui passe aisément. Molle vinum.

On appelle aussi un nœud coulant, un nœud qui se serre & se desserre sans se dénouer. Nodus fluens.

En termes de Marine, on appelle manœuvres coulantes ou courantes, les cordes qu’on manœuvre à tout moment, comme celles qui tiennent les voiles, par opposition aux manœuvres dormantes, qui sont fixes & arrêtées, comme les haubans qui tiennent les mâts.

COULANT. s. m. C’est un ornement de diamans que les Dames portent au cou, composé d’une croix, & d’un gros diamant, qui se met à quelque distance au dessus de la croix, & qui coule dans la ganse à laquelle la croix est attachée. C’est proprement ce gros diamant que l’on appelle coulant.

Coulant d’un tour, est la pièce qui fixe le support ; le coulant d’une machine à fendre fixe la fraise.

☞ Chez les Boutonniers, on appelle coulant un morceau de bois arrondi par les bords & percé en travers ; quand il est couvert, il sert de nœud aux cordons de canne, de montre, aux guides de chevaux, &c.

COULDRAI, vieux mot s. m. ou COULDRAIE, s. f. Voyez Coudraie.

COULDRETTE. Voyez Coudrette.

COULE, s. f. terme de Bernardin & de Bénédictin. Pallium. Il y a de deux sortes de coule, une blanche qui est un habit fort ample, & dont les Bernardins se servent dans les cérémonies, & lorsqu’ils assistent à l’office. L’autre coule est noire, & est aussi un habit fort ample dont les Bénédictins se servent seulement dans les villes, & lorsqu’ils vont par les rues. Voyez sur la forme de la coule le P. Mabillon, Acta Sanct. Bened. Sæc. IV, p. 2, Pref. n. 195. Il prétend que la coule est la même chose que le Scapulaire. L’Auteur de l’Apologie de l’Empereur Henri IV, distingue deux sortes de coule. L’une est une robe, ainsi appelée, parce qu’elle a un capuchon. Cucullus. C’est une robe qui descend jusqu’aux talons, qui a un capuchon & des manches, & qui, quand elle est étendue, a la figure d’une croix. L’autre coule, cuculla altera, qui sert pour le travail, est le scapulaire ainsi nommé, parce qu’il ne couvre que la tête & les épaules ; & il dit en avoir vû une qui ne descendoit que jusqu’aux reins, & qui n’alloit des deux côtés que jusqu’au bout des épaules ; & c’est-là proprement, dit-il, le scapulaire. Dom Mabillon traite encore plus particulièrement de la coule dans la Préface des Acta Sanct. Bened. Sæc. V, n. 59 & suiv.

Ce mot coule s’est formé du latin cuculla, en confondant les deux premières syllabes en une, parce qu’elles sont la même syllabe répétée deux fois.

Coule. Ce mot est aussi en usage parmi les Bernardines. C’est une sorte de grand habit de chœur, qui est blanc, & qui a de grandes manches.

☞ COULÉ, terme de Musique, le coulé se fait lorsque la voix ou les instrumens passent d’une note à une autre, en faisant une espèce de liaison entre ces notes ; lorsqu’au lieu de marquer chaque note, on en passe deux ou plusieurs sous la même articulation, en prolongeant l’expiration ou le mouvement de l’archet. La trop grande quantité de coulés dans la Musique effémine le goût. Montecl.

Ce substantif est formé de coulé, participe du verbe couler.

Coulé est aussi un pas de danse. Faire un coulé. Voyez Menuet et Couler.

☞ COULÉE. adj. f & s. terme de Maître à écrire. Il y a une sorte d’écriture qu’on nomme coulée, écriture coulée. C’est un caractère penché, tracé assez rapidement, avec des liaisons de pié en tête.

Coulée. s. f. terme de Marine. C’est un adoucissement qui se fait au bas d’un vaisseau entre les genoux & la quille, afin que le plat de la varangue paroisse moins, & que l’eau coupée par la proue coule, glisse & s’échappe plus doucement jusqu’à la pouppe. Declivitas.

Coulée se dit aussi dans les grosses forges de l’endroit par où s’écoule la fonte contenue dans le creuset. Effluvium.

☞ COULEMENT. s. m. mouvement des fluides suivant leur pente. Fluxus, fluxio. Ce mot n’est pas reçu. On ne dit point un coulement de sang, un coulement de pituite. C’est dommage. Il exprime très-bien le mouvement des corps fluides ; & il me semble qu’on diroit avec grâce, le vent consiste dans un coulement d’air vers un certain endroit.

Coulement, terme de Maître d’Armes. Il consiste à glisser & à avancer au même temps. Faire un coulement d’épée. Liancourt.

COULER. v. n. Qui exprime le mouvement de tous les fluides suivant une pente naturelle. Il se dit premièrement du cours ordinaire des eaux. Fluere, manare. Les rivières coulent ordinairement vers le Nord ou vers le Midi. Il y en a quelques-unes, comme le Danube, & le fleuve de S. Laurent, qui coulent d’Occident en Orient. Les gelées empêchent que les rivières ne coulent. Le Pénée coule à l’ombre entre les forêts délicieuses qui bordent ses rivages. Vaug.

Ce mot vient du mot latin colare, qui signifie, faire passer une liqueur par quelque linge.

On le dit aussi des humeurs, & des sucs enfermés dans les vaisseaux des corps animés, lorsqu’ils montent, qu’ils descendent & qu’ils circulent. Le sang coule des artères dans les veines, & des veines dans les ventricules du cœur. Néron fit couler des torrens de sang. S. Evr. Si Dieu remue son bras par le cours des esprits animaux, c’est Dieu qui fait couler & agir ces petits corps. Maleb. Les rhumes, les fluxions coulent du cerveau, selon le sentiment des Anciens. Les larmes coulent par les yeux, la sueur par les pores. Le suc qui nourrit les végétaux coule & monte le long de leurs fibres.

Couler se dit aussi avec le pronom des autres fluides. Penetrare, pervadere, permeare. L’air se coule à travers de fort petites ouvertures. La matière subtile se coule dans tous les corps. La lumière se coule & traverse le verre.

☞ On dit aussi figurément que le temps coule, pour dire, qu’il passe promptement. Abire, efflere. Les jours, les années coulent insensiblement. Celui qui est comblé de joie trouve que le temps lui échappe, & qu’il coule avec trop de précipitation. Maleb.

Couler, terme de Chandelier. On dit que la chandelle coule, quand on y a mêlé du suif de pourceau, qui n’a pas assez de consistance pour soûtenir celui qui est fondu, & qui sert d’aliment au feu de la mèche, ou bien quand quelque bout de la mèche est tombé sur les bords, & les a fondus. Defluere, liquefieri.

☞ On dit aussi des choses solides qu’elles coulent ; pour dire qu’elles s’échappent & qu’elles tombent, quand elles trouvent de la pente. Labi, effluere. Il a coulé de dessus cette grange trois chevrons qui n’étoient pas bien chevillés. L’échelle a coulé sous lui. Une tuile coula d’un toit, & lui tomba sur la tête.

☞ On le dit particulièrement des corps solides réduits en poudre, du sable, des grains, &c. Le blé coule par un trou du sac. Le temps humide fait que le sable de cette horloge ne coule pas.

Couler, v. a. signifie filtrer, faire passer une chose liquide à travers un linge, du sable, &c. gluant, plus fluide. Colare, percolare. On coule l’hippocras par la chausse, le blanc d’œuf par le papier gris, le mercure par le chamois, pour les épurer. Quand l’encre est trop épaisse, on y met de l’eau pour la faire couler.

Couler, en Chymie, signifie aussi verser de l’eau sur des cendres, ou des terres, pour en tirer les sels, soit des minéraux, soit des végétaux. Infundere. Le salpêtre se fait à force de couler de l’eau sur les terres nitreuses, qu’on fait ensuite évaporer, quand elles sont imprégnées de leurs sels. La lessive ordinaire se fait en coulant de l’eau chaude sur des cendres de bois neuf ou des cendrés gravelées, qui en détache les sels qui blanchissent le linge.

Couler à fond un vaisseau, terme de Marine, c’est le percer à coups de canon dans les œuvres vives, ou l’ouvrir en quelque autre manière que ce soit, pour y faire entrer l’eau & le submerger. Deprimere, demergere. Les Capitaines font quelquefois couler à fond leurs chalouppes, pour ôter aux Matelots l’espérance de se sauver. On dit absolument, qu’un vaisseau coule à fond, quand par quelque accident que ce soit, il s’y est fait des voies d’eau qu’on ne peut épuiser. On dit pareillement, couler bas ; pour dire, enfoncer & faire périr un vaisseau. On dit au contraire, qu’un muid coule, quand il ne joint pas assez bien, pour contenir la liqueur qui y est enfermée. Defluit. Couler à fond, est plus ordinairement actif, & couler bas est neutre, selon la remarque du P. Hoste sur ce mot. ☞ Un vaisseau coule bas, quand il s’y fait une voie d’eau à laquelle on ne peut remédier.

☞ On dit figurément couler quelqu’un à fond dans la dispute, le réduire à ne savoir que répondre. On le dit de même, en parlant de la fortune, couler quelqu’un à fond, ruiner sa fortune, son crédit.

Couler à fond. Cette manière de parler est d’un usage fréquent dans les armées de terre : elle se dit en particulier de la Maison du Roi. Couler à fond, c’est prendre tous les corps l’un après l’autre pour les employer tous. Dans les détachemens & autres emplois, on commence par les Gardes du Corps, ensuite les Gendarmes de la Garde ; après les Chevaux Légers, ainsi de tous les autres corps qu’on coule à tond, puis on recommence. Le P. Daniel se sert souvent de cette phrase dans son Histoire de la Milice Françoise.

Couler, en termes de Fonderie. On dit couler une pièce de canon ; c’est en fondre le métal & le faire passer, le faire couler dans le moule. Voir couler, faire couler la gueuse, c’est faire couler le fer fondu. Liquefacere & diffundere. Couler en plomb, c’est remplir de plomb des joints de pierre, des marches de perron à l’air, sceller avec du plomb des crampons de fer ou de bronze.

Couler une glace, c’est en faire couler la matière fondue sur une table préparée exprès.

On dit neutralement, en parlant d’un ouvrage de fonte qu’on a jeté en moule, que la statue, que la cloche a coulé ; pour dire, que le métal s’est échappé par quelque fente faite au moule.

Couler, en termes d’Agriculture, se dit aussi neutralement des fruits qui ont fleuri & qui n’ont pas noué. Roratione defluere. La vigne a coulé ; c’est à-dire, que la vigne étant en fleur, il est survenu des pluies froides, qui ont empêché le raisin de se former. ☞ Voyez Fleur, Étamines, Sommets.

Couler signifie encore dans un sens figure faire passer quelque chose avec adresse en quelque lieu. Insinuare, inducere aliquid. Cet Amant a su couler son poulet par le secours d’une confidente. Ce Plaideur a gagné sa cause, parce qu’il a fait couler quelque argent dans la main du Secrétaire. Le Notaire a fait couler cette clause dans ce testament en faveur d’un de ses amis. Les Coupeurs de bourse sont adroits à couler la main dans la poche.

☞ On le dit, dans le commerce, des mauvaises marchandises qu’on fait passer à la faveur des bonnes. Ce Marchand a coulé quelques mauvaises pièces de drap parmi celles qu’il m’a livrées. On ne fait guère de payement qu’il ne s’y coule de mauvaises pièces.

Couler, presque en ce sens, se dit de ☞ ceux qui partent sans faire de bruit, crainte d’être apperçus ; & dans ce cas, il peut aussi se mettre avec les pronoms personnels. Insinuare se, irrepere. Ce prisonnier s’échappa à la faveur de la foule où il se coula. La nuit est favorable aux secours qu’on veut faire couler dans une Ville assiégée. Il a coulé le long du mur.

Il signifie aussi passer un défilé, soit un à un, soit en petit nombre. Irrepere, subrepere, obrepere. Coulez-vous les uns après les autres dans cette porte, dans ce mauvais pas.

On dit qu’un rasoir coule bien ; pour dire, qu’il rase doucement, légèrement, qu’il n’est point rude. Acad. Fr.

☞ On dit des bons vins, qu’ils coulent agréablement ; pour dire qu’ils flattent le palais, qu’on les boit avec plaisir.

Couler se dit encore dans un sens figuré, en parlant du discours, du style ; pour dire, qu’il ne s’y trouve rien de dur, de raboteux ; rien qui ne flatte agréablement l’oreille ; rien qui ne soit écrit ou dit naturellement & d’une manière aisée. C’est ainsi qu’on dit d’une période, d’un vers, qu’ils coulent bien, qu’il ne s’y trouve rien qui blesse l’oreille. Cela coule de source, c’est-à-dire, cela est dit, écrit d’une manière aisée, naturelle.

☞ On le dit encore de ce qui est fait. On dit conformément au génie, naturellement, de l’abondance du cœur ; il dit des choses fort consolantes, cela coule de source.

Couler se dit encore de la manière dont le discours doit marcher. La narration doit couler majestueusement, comme les grands fleuves, & non pas avec rapidité comme les torrens. S. Evr.

☞ On s’en sert aussi pour marquer l’abondance.

Bon Dieu ! comme chez vous les vers s’en vont couler. Boil.

Heureux, dit-on, le peuple florissant
Sur qui les biens de Dieu coulent en abondance.

Couler, en termes de danse, signifie porter sa jambe doucement, légérement & à fleur de terre, sans presque marquer les cadances. Crus movere molliter, terram leviter crure perstringere. La danse consiste à savoir bien couler, couper & pirouetter.

☞ On dit aussi activement, couler un pas, le marquer légèrement. Pliez & coulez votre pas.

Couler, en termes de Musique, se dit d’un certain mouvement doux & lié que l’on donne aux instrumens par le moyen de l’archet, quand ils en ont, ou pour les touches de clavessins, des orgues, ou par la manière de ménager l’air dans la voix humaine, ou dans les instrumens qui se jouent avec la bouche ; couler & tirer sont deux choses différentes ; par exemple, quand on veut couler en jouant de la viole, il n’y a que les doigts qui doivent agir, & l’archet ne doit point quitter les cordes : mais quand on tire deux fois, ou deux notes, il faut soulever l’archet à la moitié environ de son coups, & le remettre aussitôt en continuant le même coup, & non pas en recommençant à tirer. Rousseau.

Couler une note ou plusieurs, c’est les passer légèrement, passer de l’une à l’autre, soit avec la voix, soit avec les instrumens, en faisant une espèce de liaison entre ces notes. Voyez Coulé.

Couler après, terme du jeu de billard, se dit lorsqu’un Joueur fait entrer la bille de son adversaire, dans une blouse, & que la sienne tombe dans la même blouse, in cavum delabi.

Coulé, ée, part.

COULETAGE. s. m. terme de Coutumes. C’est un droit qui se prend en quelques endroits sur toutes les marchandises qui se vendent. Couletage est la même chose que courtage.

COULETIER ou COULTIER. s. m. terme de Coutumes. C’est la même chose que Courtier.

☞ COULETTE. s. f. terme de Rubanier. Petite broche de fer servant à mettre dans un rochet de soie ou de fil que l’on veut survider sur un autre.

☞ COULEUR. s. f. On peut considérer la couleur comme une propriété de la lumière des corps qui la renvoyent & nous affectent de telle ou telle espèce de couleur, en produisant sur nos organes tels ou tels ébranlemens, ou comme une sensation particulière de l’ame qui est une suite de cet ébranlement. Color.

☞ Il est évident que le mot couleur, pris dans cette dernière acception pou une modification de l’ame, ne peut appartenir au corps ; que la couleur que mon ame aperçoit, n’est point dans l’objet coloré. C’est aux Métaphysiciens à expliquer comment l’ame, en vertu des loix de son union avec le corps, s’accoutume à rapporter aux objets extérieurs, à des substances matérielles & divisibles, ses propres sensations qui ne peuvent appartenir qu’à une substance spirituelle & simple. Voyez Malebranche.

☞ On entend par couleur une sensation de l’ame excitée par l’action de la lumière sur la retine, & différente, suivant le différent degré de réfrangibilité de la lumière, & la vitesse ou la grandeur de ses parties, ou simplement l’impression que fait sur l’œil la lumière réfléchie & modifiée par la surface des corps, qui les fait paroître rouges, jaunes, bleus, &c.

☞ Dans le systême des Cartésiens, la lumière est un corps parfaitement homogène, & le même rayon de lumière différemment modifié, c’est-à-dire, différemment réfléchi à nos yeux, tantôt avec plus, tantôt avec moins de force, donne des couleurs d’une espèce différente. Le sentiment des couleurs est en nous, dit Descartes ; elles ne sont que des différences de la lumière réfléchie ; & cette différence vient de la diversité de la surface des corps, qui renvoyent diversement la lumière.

☞ Les objets sont invisibles par eux-mêmes, dit Malebranche. Nous croyons les voir, parce que la différente tissure de leur surface réfléchissant diversement, la lumière fait en nous divers sentimens de couleur que nous leur attribuons. Cependant les couleurs ne sont que des sentimens de la part de l’ame ; & de la part du corps, ce ne sont que des vibrations plus ou moins promptes de la matière éthérée. On doit ajouter que de la part des corps la couleur est la disposition de leur surface ; & comme la surface est disposée différemment dans les corps, les corps ne sont pas de même couleur. Ce système dont nous avons occasion de parler dans différens articles de ce Dictionnaire, est abandonné de presque tous les Physiciens depuis le célèbre Newton.

☞ L’explication des couleurs est un des points où triomphe la physique de ce grand homme.

☞ Suivant Newton, la lumière n’est pas un corps simple & homogène, c’est-à-dire, un corps composé de parties semblables entre elles, comme dans le système de Descartes, mais un corps mixte & hétérogène, c’est-à-dire, un corps composé de parties différentes les unes des autres : c’est un composé de différentes couleurs.

☞ Les rayons du soleil ont d’eux-mêmes les sept couleurs, que l’on nomme primitives, c’est-à-dire, le rouge, l’orange, le jaune, le vert, le bleu, l’indigo & le violet. Les rayons des différentes couleurs, ont différens degrés de réfrangibilité & de réflexibilité. Le rayon violet est celui qui de tous les rayons est le plus réfrangible & le plus réflexible ; & le rayon rouge celui qui de tous les rayons, est le moins réfrangible & le moins réfléxible. Les autres sont plus ou moins réfrangibles & réflexibles, suivant qu’ils sont plus ou moins près du rayon violet. Ces rayons une fois séparés & observés à part, conservent constamment leur couleur originaire, sans qu’aucune réfraction ou réflexion ou mêlange d’ombre puisse l’altérer. Voyez au mot Réfraction, les Expériences de Newton, qui prouvent la vérité de ces principes.

☞ C’est donc de cette différence de réfrangibilité & de réfléxibilité que dépend la différence des couleurs ; d’où il s’enfuit que toutes les couleurs qui existent dans la nature, sont telles que les doivent produire les qualités colorifiques & originales des rayons dont la lumière est composée ; & que si la lumière ne consistoit qu’en rayons également réfrangibles, il n’y auroit qu’une seule couleur dans le monde, & qu’il seroit impossible d’en produire une nouvelle, ni par réflexion, ni par réfraction.

☞ Le mélange des sept couleurs primitives forme le blanc. Ainsi un corps paroît blanc, lorsqu’il réfléchit tous les rayons de lumière sans les décomposer. Voyez Blanc.

☞ L’absence de toutes les couleurs primitives, forme le noir. Ainsi un corps paroît noir, lorsqu’il ne réfléchit aucun rayon de lumière. Voyez Noir.

☞ La réflexion d’un seul rayon primitif, est la cause des couleurs primitives que nous remarquons dans les corps, c’est-à-dire, que les corps paroissent différemment colorés, suivant qu’ils réfléchissent les rayons d’une certaine couleur, & absorbent les autres. Ainsi un corps paroîtra parfaitement rouge, lorsqu’il ne réfléchira que les rayons rouges ; jaune, quand il ne réfléchira que les rayons jaunes, &c.

☞ Les couleurs que l’on nomme secondaires, ne sont formées que par la réunion de quelques rayons primitifs. Si un corps réfléchit les rayons rouges & les rayons orangés, il aura une couleur secondaire, qui tiendra comme le milieu entre le rouge & l’orangé, ou pour mieux dire, qui participera & du rouge & de l’orangé.

☞ Il y a un nombre infini de couleurs composées, c’est-à-dire, qui résultent de leurs divers mélanges, en les prenant deux à deux, trois à trois, quatre à quatre, &c. & en combinant encore ces résultats les uns avec les autres pour en former de nouveaux mélanges, qui par les règles des combinaisons nous en donneront encore un plus grand nombre à l’infini.

☞ On appelle aussi couleur les drogues, les corps solides qui servent aux Peintres & aux Teinturiers pour faire paroître ces couleurs. On dit en ce sens mêler, broyer, préparer, appliquer les couleurs. Ce Peintre manie bien les couleurs. Adoucir, amortir, ranimer, réhausser, relever les couleurs. Mettre un plancher en couleur. Avant que de dorer un lambris, il faut le mettre en couleur.

☞ M. de la Chambre, en blâmant la distinction que font les Philosophes des couleurs, en couleurs réelles, & en couleurs apparentes, dit que toutes les couleurs sont réelles, & qu’il faut les diviser en couleurs fixes, attachées & adhérentes à leurs sujets, & en couleurs mobiles.

☞ Il y a des couleurs simples, telles que sont les cinq couleurs matrices des Teinturiers, dont toutes les autres dérivent. Il y en a de composées ; sçavoir, le bleu, le rouge, le jaune, le fauve, ou couleur de racine, & le noir. A l’égard du vert, il n’y a point dans la nature de drogue qui serve à teindre en cette couleur ; mais on teint les étoffes deux fois, d’abord en bleu, & puis en jaune, & elles deviennent vertes. Du mélange des premières couleurs, il s’en fait un grand nombre, comme le violet, le gris de lin, &c. expliquées à leur ordre.

On appelle aussi couleurs simples, celles qui servent aux Enlumineurs & aux Peintres, qui viennent des végétaux, & qui ne peuvent pas souffrir le feu, comme le jaune fait de safran ou de graine d’Avignon, la laque & autres teintures extraites des fleurs. Color nativus. Les autres sont minérales, qui se tirent des métaux, & qui souffrent le feu ; ce sont les seules propres à faire l’émail. Color factitius. Ainsi on tire de l’or & du fer, le rouge ; de l’argent, le bleu ; du cuivre, le vert ; du plomb, le blanc ou la céruse, quand il est dissous avec le seul vinaigre ; mais quand la céruse a été cuite dans le fourneau, elle donne du massicot, & du minium quand elle est poussée davantage au feu.

Les Peintres distinguent aussi les couleurs en légères, & en pesantes. Sous le blanc, on comprend toutes les couleurs légères. Color languidus, languescens, evanidus. L’outremer est mis au rang des couleurs légères. Sous le noir on comprend routes les couleurs pesantes terrestres. Color satur, austerus, pressus, nubilus. Le brun-rouge, la terre d’ombre, le vert-brun & le bistre, sont les couleurs les plus pesantes après le noir. Les Peintres appellent aussi couleurs rompues, les couleurs trop vives, qui affoiblissent par leur mêlange d’autres plus sombres. Color vividus, acutus. On dit que l’azur d’outremer est rompu de laque & d’ocre