Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BRAS

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 44-45).
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BRAS. s. m. La partie du corps de l’homme qui aboutit d’un côté à l’épaule, & de l’autre à la main. Brachium. En terme d’Anatomie, c’est seulement la partie qui prend de l’épaule jusqu’au coude ; car celle qui est depuis le coude jusqu’au poignet s’appelle avant-bras. Le bras, pris au second sens, n’a qu’un os grand & très-fort appelé humerus, qui a une grosse tête à son extrémité supérieure, laquelle s’embouche dans la cavité de l’épaule. Il a trois éminences & deux cavités à son extrémité inférieure, qui forment comme une poulie, par laquelle le pli, & le mouvement de l’avant-bras qui lui est joint, sont facilités. L’avant-bras est composé de deux os : le plus long, qui est l’inférieur, s’appelle le grand focile, ou l’os du coude, parce que c’est lui qui forme le coude. On l’appelle en latin Cubitus, lacertus. D’autres lui ont donné le nom d’ulna, parce qu’anciennement il servoit d’aune & de mesure. Le second os qui est plus court, & le supérieur, s’appelle le petit focile, & en latin radius, rayon. Dieu a donné deux bras à l’homme, afin qu’il pût vivre de son travail. Moyse avoit les bras levés au ciel, tandis que le peuple combattoit contre Amalec. Les saignées du bras sont les plus ordinaires. Il est estropié d’un bras. Il a le bras en écharpe. Il s’en va les bras balans, ou les bras pendans. Autrefois un cri militaire des François étoit, aux bras, aux bras. Voyez Guil. de Nagis, dans l’Histoire de S. Louis, p. 381.

On dit, en termes de Danse, avoir des bras, c’est les porter, les disposer, les remuer avec grace, les élever, les abaisser à propos. Il faut les faire porter plus haut, si le sujet a la taille courte, & s’il a la taille longue, ils doivent être à la hauteur de la hanche ; mais s’il est proportionné, il les tiendra à la hauteur du creux de l’estomac. Beauchamp est le premier qui en ait donné des régles. Conduire ses bras, c’est les bien manier, les bien mouvoir, les bien poser & avec grace. Si un danseur n’a point les bras doux & gracieux, sa danse ne paroîtra pas animée. L’élévation des bras, les mouvemens des bras, l’opposition des bras aux pieds, la manière de faire les bras dans les différentes danses & avec les différens pas. Voyez sur cela Rameau. Faire des bras en terme de danse, c’est donner du mouvement à ses bras, leur faire prendre différentes situations. Les Demoiselles ne doivent point faire de bras dans le menuet, lorsqu’elles présentent les mains. Rameau.

Ce mot bras vient du latin brachium, qui s’est fait du grec βραχίων. Et le P. Pezron prétend que le mot grec vient du mot celtique brech. Et le bras, dit-il, est ainsi appelé des Gaulois, parce qu’il est rompu au milieu ; au lieu que la jambe est toute d’une pièce. Or toute rupture se nomme bréche, mot que les François ont tiré des Celtes ; car il n’est ni grec, ni latin.

Bras, en termes de manége, c’est la partie de la jambe de devant, qui s’étend depuis le bas de l’épaule jusqu’au genou ; & on dit qu’un cheval plie bien le bras ; quand il plie bien la jambe, quoique la partie appelée bras ne plie pas.

Bras, se dit encore des choses qui ont quelque ressemblance avec les bras, qui ont par leur longueur & leurs fonctions, des rapports quelquefois bien éloignés, avec la forme & les fonctions du bras, dans le corps humain. Les bras d’un fauteuil, ce sont les bâtons, qui sont aux côtés, sur lesquels on appuie ses bras. On le dit aussi de l’étoffe ou de la tapisserie qui les couvre. On appelle bras, les chandeliers qu’on applique contre les murailles, qui ont la figure d’un bras. Le même se dit des enseignes d’un Maître en fait d’armes. Au bras d’Hercule, &c. Les Tourneurs disent aussi, les bras des poupées de leur tour, les Charpentiers les bras d’une chèvre, en parlant des deux pièces qui sont à côté du poinçon & qui lui servent d’arc-boutans. On dit aussi les bras d’une Croix.

On dit, en Architecture, les bras d’un bâtiment, en parlant des corps de logis qui sont à côté du grand : on les appelle aussi ailes, ou potences.

Bras, se dit aussi en parlant des choses qui se portent à bras, ou qui se remuent à force de bras. Un bar, une civière à bras. Un moulin à bras. Il a fallu monter le canon à bras, à force de bras. On appelle aussi des tours de bras, des dentelles qui se mettent au bout des manches.

Bras, se dit au figuré pour la manche qui le couvre. Elle avoit les mains crasseuses & les bras retroussés. Ablanc.

Bras, se dit aussi de la mer, fretum, & des rivières ; ramus, alveus, quand les eaux se séparent, & font un petit canal entre deux terres. L’Italie & la Sicile ne sont divisées que par un bras de mer. Le bras de mer est une partie de mer qui s’avance dans les terres, ou qui est entre deux terres : petit golfe étroit. Sinus, détroit.

Bras d’une rivière, se dit des différens canaux qu’elle forme. Une rivière, un fleuve se partage en plusieurs bras.

On appelle dans la Méditerranée le bras S. George, le détroit du Bosphore, à cause d’une Eglise construite sur ses bords, dédiée à S. George, hors de la ville de Constantinople. Quelques-uns ont donné aussi ce nom à la Propontide & à l’Hellespont. Hellesponius. Du Cange.

Bras, terme d’Horlogerie, pièce qui se met sur le principe du levier, & d’une Bascule. On appelle bras toutes les parties d’une pièce qui a un centre. Bras de levier sont les deux côtés d’une bascule : l’un est ordinairement plus grand que l’autre. Les deux côtés d’un fléau de balance sont appelés bras ; celui d’une équerre s’appelle branche.

On appelle les bras d’une scie, les deux pièces de bois auxquelles la feuille de la scie est attachée.

Bras, en termes de Marine, sont des cordages qui sont amarrés au bout de la vergue pour la tourner, ou gouverner selon le vent. On appelle bracher, ou brasseyer, faire la manœuvre de ces cordages. On dit tenir un bras ; pour dire, hâler & amarrer un des cordages. On appelle bras d’ancre, la moitié de la croisée de l’ancre. On appelle bon bras, quand on brasse au vent, en sorte que le vent ne soit pas au plus près.

Bras, en termes de Jardinage. Les Jardiniers appliquent principalement ce nom aux branches des cucurbitacées, melons, concombres, citrouilles. Ramus, brachium. On dit qu’un pied de melon pousse des bras ; qu’il fait des bras. Les bras de nos melons sont déjà fort grands, fort longs. Les bons melons viennent sur les bon bras, & il n’en vient point sur les méchans bras ; par exemple, sur ceux qui sont trop veules ; ou sur ceux qui venant des oreilles sont trop matériels, larges & épais. Il faut entièrement les ôter. La Quint. Lig.

On appelle aussi bras, les nageoires d’une baleine.

Bras, signifie figurément, Puissance : & se dit premièrement de Dieu. Le bras du Tout-puissant. Le bras qui lance le tonnerre. Le bras de Dieu s’est appesanti sur ce criminel. On le dit aussi de sa miséricorde. Le recours des affligés, c’est de se jeter entre les bras de Dieu.

Bras, se dit aussi des autres Puissances, & signifie, pouvoir, autorité, bravoure, exploits militaires, &c. Les Rois ont les bras bien longs. Ce Ministre est le bras droit de ce Prince. Il ne faut point prêter son bras pour soutenir l’injustice. Tout plie sous les efforts de son bras.

Si ces fiers ennemis refusent cette grace,
Qu’ils doivent regarder comme un supreme bien,
Le Ciel, pour mieux punir leur criminelle audace,
Ne se servira pas d’autre bras que du sien. Scuderi.

Bras, se dit figurément en ces phrases. Son Médecin l’a retiré d’entre les bras de la mort ; pour dire, l’a tiré d’une très-dangereuse maladie. Il l’a reçu entre ses bras ; pour dire, il lui a donné sa protection. Il l’a reçu à bras ouverts ; pour dire, il lui a fait un grand accueil. Il lui a tendu les bras ; pour dire, il lui a facilité les moyens de faire ce qu’il désiroit. Il étoit le bras droit du Cardinal ; c’est-à-dire, le Cardinal se servoit de lui en toutes choses. Prêter son bras à quelqu’un, c’est le servir dans quelque entreprise. On dit aussi d’un Rapporteur qui a fait tout ce qu’il a pû contre une partie, qu’il lui a rompu bras & jambes. On dit, qu’un Ministre a toutes les affaires d’un État sur les bras ; pour dire, que c’est lui qui a la charge de toutes les affaires. On dit qu’un Capitaine avoit toute l’armée ennemie sur les bras ; pour dire, qu’il avoit à résister à toute une armée. On dit qu’un homme a six enfans sur les bras ; pour dire, qu’il a le soin de les faire subsister. On se console aisément quand on n’a sur les bras que ceux qui se sont déclarés contre le bien. Abb. d. l. Tr. On dit aussi, qu’un homme n’a que ses bras ; pour dire, qu’il ne vit que de son travail, qu’il n’a ni bien, ni revenu. Faire quelque chose haut les bras ; pour dire, faire quelque chose d’autorité.

Bras raccourci. Terme d’Escrime. Pousser à bras raccourci, c’est rapprocher son poignet du corps avant que d’allonger la botte. Motu reciproco petere, ictu reciproco ferire.

Bras séculier. Terme de droit, se dit de la puissance temporelle & laïque, de l’autorité du Juge séculier, à laquelle on est obligé d’avoir recours pour l’exécution des sentences du Juge d’Eglise. Profanæ jurisdictionis potestas, robur, auxilium. L’Eglise ne verse point de sang : & quand un Prêtre est criminel, on l’abandonne au bras séculier. On implore le bras séculier. Le Concile d’Antioche, tenu en 341, ordonne d’avoir recours au bras séculier, pour réprimer ceux qui ne veulent point obéir à l’Eglise ; & il appelle puissance du dehors, ou puissance extérieure, ce que nous appelons bras séculier. On trouve dans le Pontifical Romain, & dans les Rituels Pontificaux de plusieurs Eglises particulière, la manière de livrer un Clerc au bras séculier : où il faut remarquer que l’Eglise ne pouvant retenir un Clerc que les Juges Laïcs répétent pour le punir de ses crimes, elle prie qu’on use de douceur à l’égard de ce malheureux, & qu’on épargne sa vie. Cette cérémonie de livrer un Clerc au bras séculier ne se pratique guère en France, où les Juges Laïcs sont en possession de faire le procès à tous les criminels, Ecclésiastiques ou Laïcs.

On dit figurément en ce sens, qu’on a abandonné quelque chose au bras séculier ; pour dire, qu’on l’a abandonnée aux valets, ou à des gens qui la consomment, qui la détruisent.

Bras. On dit figurément d’un Juge, d’un arbitre, ou de toute autre personne qui retranche à quelqu’un beaucoup de ses droits, de ses prétentions, qu’il coupe bras & jambes. Acad. Fr.

Bras, se dit proverbialement en ces phrases. Il l’a reçu bras dessus, bras dessous ; pour dire, il lui a fait bien des caresses. Il l’a traité de Monsieur gros comme le bras ; pour dire, il lui a fait le plus d’honneur qu’il a pû. On dit aussi, si on lui en donne un doigt, il en prend long comme le bras ; pour dire, il étend la liberté, la permission qu’on lui donne. On dit aussi à celui qui craint d’en attaquer un autre, il n’a que deux bras non plus que vous. On dit, qu’un homme demeure les bras croisés, quand il est oisif, quand il voit travailler les autres sans rien faire ; & qu’il a les bras rompus, quand il ne veut point travailler. L’Espagnol a dit agréablement en ce sens, Adineros pagados branços que brantados. Il faut baisser le bras dont on voudroit que la main fût coupée ; pour dire, qu’il faut faire bonne mine & des complimens à gens qu’on hait & qu’on voudroit qui fussent morts.

A tour de bras, adv. De toute sa force. Il lui a donné un coup de poing à tour de bras. Un soufflet à tour de bras.

L’Ordre du bras armé. C’est un ordre militaire des Rois du Dannemark. Il florissoit sous Christien IV, dans la suite il fut uni à celui de l’Eléphant, & l’on en attache l’écu au côté de l’Eléphant dans les armoiries de ce dernier Ordre.