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130 ab
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§ 130. Génitif remplacé par ל.

a La manière ordinaire d’exprimer le rapport génitival (fr. de) est de construire le premier nom sur le second (§ 129). Mais souvent cette construction est évitée par raison de nécessité ou même de simple convenance ; à la place on emploie ל à (dans certains cas אֲשֶׁר ל § c)[1]. Le passage du sens à au sens de apparaît dans des cas comme 1 S 14, 16 הַצֹּפִים לְשָׁאוּל בְּגִבְעַת׳ les sentinelles qu’avait Saül à Gabaa (presque : les sent. de S.). L’équivalence pratique du génitif et du ל se montre dans des cas comme Jér 29, 11 מַחְשְׁבוֹת שָׁלוֹם וְלֹא לְרָעָה desseins de bonheur et non de malheur ; Dt 28, 50 לֹא־יִשָּׂא פָנִים לְזָקֵן il n’aura pas égard au vieillard comparé à Lév 19, 15 לֹא־תִשָּׂא פְנֵי דָ֔ל[2]. Le rapport génitival s’exprime par ל dans les cas suivants :

b Le génitif est normalement évité et remplacé par ל quand, le second nom étant déterminé, le premier est logiquement indéterminé[3]. Ainsi un fils d’Isaï doit normalement s’exprimer par בֵּן לְיִשַׁי 1 S 16, 18 ; encore devant nom propre (toujours déterminé § 137 b) : Gn 14, 18 ; 36, 12 ; Nb 22, 4 ; 36, 7. Un prophète de Jéhovah est toujours נָבִיא לַֽיהֹוָה (1 R 18, 22 ; 22, 7 ; 2 R 3, 11 ; 2 Ch 18, 6 ; 28, 9 †. La forme *נְבִיא ne se trouve pas).

Pour psaume de David (indéterminé) on dit מִזְמוֹר לְדָוִד (ל auctoris) Ps 3, 1 etc. De même avec un groupe génitival déterminé : 2 S 19, 21 בָּ֫אתִי רִאשׁוֹן לְכָל־בֵּית יוֹסֵף je suis venu (le) premier de toute la maison de Joseph (רִאשׁוֹן prédicatif indéterminé § 126 a) ; Gn 41, 12. De même devant un nom avec suffixe (toujours déterminé) : Ex 20, 5 (pour conserver l’indétermination de רִבֵּעִים, à l’analogie des noms précédents ; de même v. 6).

  1. Comp. dans le langage populaire : la maison à Jean au sens de la maison de Jean. Sur la substitution du datif au génitif en latin parlé, voir Brunot, Hist. de la langue française, t. 1, 91 : fuit abbas monasterio nostro (C. I. L., XII, 944, VIe s.) ; a deo honorem (Le Blant, N. R., 323. Cf. dans les Serments de Strasbourg : pro deo amur). Cf. Bourciez, Linguistique romane § 228.
  2. Dans Éz 20, 6 צְבִי הִיא לְכָל־הָֽאֲרָצוֹת équivaut à צבי כל־הארצות היא : la place donnée à היא a amené la résolution du génitif en ל.
  3. En effet la détermination du nomen rectum entraîne normalement la détermination du nomen regens (§ 139 a) ; ainsi בֶּן־יִשַׁי signifie normalement le fils d’Isaï.