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les moyens propres à calmer cet érétisme : c’est pourquoi les narcotiques, les antispasmodiques sont souvent si efficaces pour arrêter les hémorrhagies symptomatiques, compliquées avec des symptomes dolorifiques, telles que celles qui surviennent dans les maladies convulsives.

On ne peut donc être trop circonspect dans l’usage des cordiaux employés contre les défaillances qui sont causées par des hémorrhagies.

Mais comme il n’y a point de cause occasionnelle des hémorrhagies, plus commune que celle de la surabondance des humeurs, & sur-tout de leur partie rouge ; il n’est point aussi de moyen plus approprié pour la faire cesser, cette cause, que de procurer une hémorrhagie artificielle dans les parties où elle ne peut pas nuire ; ce qui satisfait également au besoin de diminuer le volume du sang, soit qu’on puisse le regarder comme étant réellement le produit d’un trop grand nombre de globules rouges qui en composent la masse ; soit que cet excès de volume ne doive être attribué qu’à la raréfaction, s’il peut y en avoir effectivement de sensible dans la masse des humeurs animales. Voyez Pléthore.

L’évacuation artificielle du sang ainsi effectuée, fait une diversion, par rapport aux parties vers lesquelles l’excédent du sang auroit pu être porté, pour s’y faire une issue, par une suite de leur disposition vicieuse, qui y auroit rendu très-nuisible le dépôt d’humeurs qui s’y seroit formé, la rupture des vaisseaux qui s’y seroit faite. Ainsi les saignées, les scarifications, l’application des sangsues, sont dans ces cas les remedes les plus convenables, & le plus souvent les seuls nécessaires, les seuls que l’on puisse employer, comme ils sont indiqués d’une maniere pressante, les saignées sur-tout, pour arrêter, pour suppléer les hémorrhagies symptomatiques ou critiques, pour en empêcher le retour.

Mais les hémorrhagies artificielles ne sont un remede, à l’égard des symptomatiques, que lorsqu’elles sont ou peuvent être l’effet de la pléthore générale ; car lorsqu’elle est particuliere, il est rare, comme on l’observe par rapport aux regles, que les saignées ou d’autres moyens semblables empêchent ou arrêtent les hémorrhagies de cause interne ; à moins que l’évacuation artificielle ne puisse être opérée pour hâter les effets de l’hémorrhagie nécessaire, en pratiquant cette opération dans la partie même où la pléthore s’est formée. Voyez Pléthore, Saignée.

Quant aux remedes topiques, que l’on peut employer contre les hémorrhagies, ils supposent que les vaisseaux ouverts sont exposés aux secours de la main ; tels sont les applications des différens médicamens absorbans, coagulans, styptiques, sous forme tant solide que fluide ou liquide. Voyez Absorbant, Coagulant, Styptique, Saignement de nez, Playe.

Si la grandeur du vaisseau ouvert, & la quantité du sang qui s’en répand, rend de nul effet l’application de ces médicamens topiques ; au cas que le vaisseau puisse être saisi, on tente d’en faire la ligature immédiate ; sinon on peut quelquefois produire le même effet en liant, s’il est possible, la partie où se fait l’hémorrhagie ; on comprime ainsi le vaisseau ouvert, ou on empêche le sang de s’y porter.

Et si enfin aucun de tous les différens moyens qui viennent d’être proposés, ne peuvent être employés avec succès pour arrêter une grande hémorrhagie, on peut faire usage d’un secours violent, mais efficace, & peut-être trop négligé, qui est de porter le feu dans la partie où se fait la perte de sang, si la chose est praticable ; ce qui se fait par le moyen des fers rougis au feu, des cauteres actuels, qui sont sou-

vent d’une grande ressource en pareil cas. Voyez

Cautere, Playe.

Ce n’est pas le tout d’avoir arrêté une hémorrhagie ; pour en rendre la cure complette, il faut encore s’occuper ensuite à chercher, à employer les moyens propres à en empêcher le retour, lorsqu’elle est véritablement nuisible, ou à en modérer l’excès, si elle peut-être salutaire : il faut s’appliquer à corriger le vice tant des solides que des fluides, qui y a donné lieu ; fortifier la partie foible, lui donner du ressort, si c’est à son atonie que doit être attribuée l’hémorrhagie ; prescrire un régime & des médicamens incrassans, si la trop grande fluidité, l’acrimonie dissolvante des humeurs, établit une disposition à l’hémorrhagie.

Mais si l’on a été forcé à procurer, par quelque moyen que ce soit, l’astriction de la partie où se faisoit une hémorrhagie, qui ne péchoit que par excès, & dont le retour avec modération soit nécessaire, il faut employer les moyens convenables pour que cette astriction ne fasse pas une trop grande résistance à la dilatation des vaisseaux, qui doit avoir lieu lorsqu’une nouvelle évacuation deviendra nécessaire ; car il arrive souvent que le resserrement occasionné par les astringens, ou par tout autre stimulant tonique, devient tellement durable, que la nature ne peut pas le vaincre dans les cas où il est besoin ensuite de le faire cesser.

C’est ainsi que la suppression des regles, causée par les applications froides, est si difficile à guérir ; parce que l’équilibre une fois rompu dans les solides d’une partie, soit par excès, soit par défaut de ressort, ne se rétablit qu’avec beaucoup de peine.

Pour un plus grand détail sur le traitement des hémorrhagies contre nature, & de celles qui étant salutaires ou critiques, péchent par excès ou par défaut, voyez les articles où il est traité des hémorrhagies particulieres, tels que les Menstrues, les Hémorrhoides, les Saignemens de nez, la Dyssenterie, le Flux hépatique, &c. & pour les auteurs qui ont écrit sur ces différens sujets, tant en général qu’en particulier consultez entre autres, les Œuvres de Sthaal, de Neuter, d’Hoffman.

Hémorrhagie, (Chirurgie.) Les moyens que la Chirurgie a fournis dans tous les tems pour arrêter les hémorrhagies, peuvent se réduire aux absorbans, aux astringens simples, aux styptiques, aux caustiques, au fer brûlant, à la ligature & à la compression.

Les absorbans & les simples astringens ne peuvent être utiles que pour de legeres hémorrhagies ; leur insuffisance dans l’ouverture des grands vaisseaux a fait mettre en usage l’alun, le vitriol, & toutes les huiles & les eaux styptiques ou escharotiques. Les anciens chirurgiens se servoient même des cauteres, de l’huile bouillante, du plomb fondu & du fer ardent ; ils ont compliqué la brûlure de tant de façons différentes, que c’étoit faire, selon eux, une grande découverte, que d’imaginer une nouvelle façon de brûler ; & ils brûloient ainsi, afin de froncer les vaisseaux par la crispation que cause la brûlure.

Les Chirurgiens plus éclairés devinrent moins cruels ; ils imaginerent la ligature des vaisseaux. Le célebre Ambroise Paré, chirurgien de Paris, & premier chirurgien de quatre rois, la mit le premier en pratique au xvj. siecle. Cette maniere d’arrêter le sang lui attira bien des contradictions ; mais quoique desapprouvée par quelques-uns de ses contemporains, il eut la satisfaction de la voir pratiquer avec un grand succès. La ligature rendit les chirurgiens moins timides ; l’amputation des membres devint une opération plus sûre & moins douloureuse, & la guérison en fut plus prompte. On s’est servi presque universellement de la ligature jusqu’à ce